# 11 Des habitants du Cher antinucléaires (mars 2018) http://www.rebonds.net/11-des-habitants-du-cher-antinucleaires Thu, 11 May 2023 18:55:02 +0200 Joomla! - Open Source Content Management fr-fr Comment a-t-on nucléarisé le pays ? http://www.rebonds.net/11-des-habitants-du-cher-antinucleaires/406-commentatonnucleariselepays http://www.rebonds.net/11-des-habitants-du-cher-antinucleaires/406-commentatonnucleariselepays Comment la filière du nucléaire civil s'est-elle développée en France ? Quelques dates-clés pour comprendre.

1896 : découverte de la radioactivité par Henri Becquerel.

1898 : découverte du polonium et du radium par Pierre et Marie Curie.

1939 : découverte en Allemagne par Otto Hahn et Fritz Strassmann de la fission de l’uranium.

1945 : création du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) par le Général de Gaulle pour la recherche et l'industrialisation de l'énergie nucléaire en France.

1946 : loi sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.

messmer pierre1956 : mise en service, par le CEA, d'un premier réacteur nucléaire à Marcoule, utilisant l'uranium naturel comme combustible (filière dite UNGG). Premier à fournir de l'électricité mais aussi destiné à la Défense car produit du plutonium.

1957 : construction du premier réacteur de la centrale nucléaire de Chinon (70 Mégawatts) par EDF, entreprise publique de production d'électricité chargée de mettre en place le programme électronucléaire français. Huit autres réacteurs de cette générations suivront, le dernier d'entre eux étant Bugey en 1972.
Premier accident dans une centrale nucléaire à Windscale en Angleterre (un autre aura lieu en 2015).

1961 : décret déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction d'un centre de traitement des combustibles usés sur le site de La Hague.

1966 : mise en service du site de retraitement des combustibles usés pour l'extraction de plutonium à La Hague ; orientée au départ pour un cas de défaillance de Marcoule, l'usine est oreintée vers le traitement de combustibles civils à partir des années 1970.

1969 : Abandon de la filière UNGG par le président de la République Georges Pompidou, au profit de la filière à uranium enrichi et à refroidissement par eau pressurisée (REP) pour des raisons notamment de coût, mais aussi de sûreté.

1973 : premier choc pétrolier ; création du Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN).

1974 : accélération du programme électronucléaire français, alors que les centrales thermiques à combustibles fossiles fournissent près de 65 % de l'électricité du pays. Lancement d'un programme de construction de grande ampleur appelé « Plan Messmer », du nom du Premier ministre Pierre Messmer.

Années 1970 et 1980 : construction de 54 réacteurs, d'une puissance cumulée de plus de 55.000 Mégawatts ; construction de l'usine d'enrichissement d'uranium de Pierrelatte pour garantir la maîtrise du cycle du combustible.

1976 : transformation de l’un des départements du CEA en Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) ; commande de l’État du Superphénix construit sur le site de Creys-Malville en Isère, en collaboration avec les Allemands et les Italiens.

1977 : rassemblement contre le projet Superphénix : un manifestant est tué par une grenade offensive des forces de l'ordre ; connection au réseau électrique du premier réacteur à eau pressurisé, Fessenheim 1, (d'une puissance de 880 Mégawatts).

1979 : création de l'ANDRA, l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets RadioActifs.

affiche 3 Creys Malville1979 : accident classé de niveau 5 (sur l'échelle internationale INES de 0 à 7) dans la centrale nucléaire de Three Mile Island aux Etats-Unis ; fusion du réacteur.

1980 : accident nucléaire en France à Saint-Laurent-des-Eaux dans le Loir-et-Cher.

1985 : mise en service du Superphénix (1.200 Mégawatts) à Creys-Malville.

26 avril - 22 mai 1986 : explosion d’un réacteur à Tchernobyl en Ukraine, premier accident classé niveau 7 sur l’échelle INES.

1987 : introduction du combustible MOX dans les centrales nucléaires françaises, mélange d'uranium et de plutonium.

Décret pour un centre de stockage de déchets de faible et moyenne activités près du village de Soulaines-Dhuys dans l'Aube, projet abandonné du fait du caractère inadapté du sous-sol.

1998 : après deux incidents en 1978 et 1997, abandon et début du démantèlement du surgénérateur Superphénix ; choix du site Meuse Haute-Marne (Bure) pour l'implantation d'un laboratoire puis d'un centre d'enfouissement de déchets radioactifs.

2001 : création de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN).

2005 : annonce pour le choix du site de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, pour la construction du réacteur expérimental ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) avec l'Union européenne, la Chine, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Japon et la Russie.

2006 : loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire dite TSN qui crée notamment l'ASN, Autorité de Sûreté Nucléaire.

2007 : début de la construction de l'EPR (European Pressurized water Reactor) de Flamanville, un réacteur de 1.650 Mégawatts ; projet conçu par Areva ; report à plusieurs reprises de la mise en exploitation initialement prévue en 2012.

Construction de trois autres réacteurs hors de France : un en Finlande et deux en Chine.

2010 : lancement d'un projet de « démonstrateur technologique de réacteurs de 4e génération » dit Astrid ; un prototype de réacteurs au sodium dont la mise en service était prévue en 2023, mais qui est actuellement à la peine faute de financements suffisants.

ob af42554805731c483c437eaf5fc41897 vueaerienne2011 : séisme et tsunami au Japon, provoquant l'accident nucléaire de Fukushima Daiichi, classé 7 sur l'échelle INES ; lancement d'un audit de la filière nucléaire fançaise portant sur les risques d'inondation, de séisme, de perte des alimentations électriques et de perte de refroidissement ainsi que la gestion opérationnelle des situations accidentelles.

En septembre, explosion mortelle sur l'une des installations du site de Marcoule dans le Gard.

2012 : décision de l’État de prolonger la vie des centrales au-delà des 40 ans ainsi que la poursuite de la construction de l'EPR.

2018 : Le parc nucléaire français actuel est constitué de 58 réacteurs répartis entre 19 centrales. Il produit 75 % de la production d'électricité du pays.

Sources : www.vie-publique.fr ; Le Temps « Nucléaire civil – Histoire d'une énergie contestée » (2016); Fondation Alcen, « Histoire de l'énergie électronucléaire en France » (11 janvier 2016) ; Greenpeace, « Les accidents nucléaires en France » (3 mars 2017).

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# 11 Habitants antinucléaires Tue, 21 Mar 2017 14:47:31 +0100
De Belleville à Bure, à vol de chouette... http://www.rebonds.net/11-des-habitants-du-cher-antinucleaires/405-debellevilleabureavoldechouette http://www.rebonds.net/11-des-habitants-du-cher-antinucleaires/405-debellevilleabureavoldechouette Quelques heures seulement après l'expulsion des opposants au projet CIGÉO (Centre Industriel de stockage GÉOlogique), dans la forêt du Bois Lejuc, un comité local de soutien à Bure voyait le jour dans le Cher. Une trentaine de personnes en font actuellement partie, dont certaines se sont déjà rendues sur place.


Comme cette « chouette nomade » (*) qui partage avec nous une tribune écrite sur la route, entre deux plages de lutte.
Mais auparavant, bref résumé du projet.

Qu'est-ce que c'est ?

CIGÉO est un centre de stockage profond des déchets hautement radioactifs et à durée de vie longue produits par l'ensemble des installations nucléaires actuelles et par le traitement des combustibles usés.

Où serait implanté CIGÉO ?

Dans l'est de la France, à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, notamment sur les communes de Bure et Mandres-en-Barrois. Selon l'ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs), Bure aurait été choisie pour ses qualités géologiques : « la couche d'argile située dans cette zone présente les caractéristiques favorables à l'implantation d'un stockage profond » (**).
Mais pour Gaspard d'Allens et Andrea Fuori, auteurs de « Bure, la bataille du nucléaire » (lire aussi (Ré)créations), la faible densité de population – et donc, la faible capacité supposée des habitants à résister au projet – aurait aussi compté.

infographie cigéo modif 2

Comment fonctionnerait le centre ?

CIGÉO serait composé d'installations de surface et d'installations souterraines à 500 mètres de profondeur avec des galeries longues d'environ 250 kilomètres.
Les bâtiments de surface permettraient de réceptionner les déchets et de préparer les colis, avant qu'il soient placés en zone de stockage, sous terre.
Ce stockage serait construit de manière progressive, au fur et à mesure des besoins. Sur plus de cent ans, cela pourrait représenter jusqu'à 10 millions de mètres cubes de déblais de roche excavés.
L'ANDRA explique qu'ensuite, les ouvrages souterrains devront être refermés, afin de garantir le confinement des déchets sur de très longues périodes : les alvéoles de stockage seraient obturées, des scellés posés, les galeries remblayées… En parallèle, les installations de surface seraient démantelées. « Loin des yeux, loin du coeur »… et de la raison sans doute également.
Car, comme s'interrogent justement Gaspard d'Allens et Andrea Fuori, et avec eux des dizaines d'opposants, « comment pourrons-nous garantir la pérennité d'une construction humaine au-delà de quelques centaines d'années ? Comment prévenir la contamination des nappes phréatiques, les incendies, les microséismes, les rejets de gaz ? Comment avertir les civilisations futures qui n'auront sans doute pas le même mode de communication que nous ? »
L'ANDRA l'admet : après la fermeture, la sûreté doit être assurée « de manière passive » puisqu'elle ne peut être « maintenue de manière certaine au-delà d'une période de quelques centaines d'années ». Mais des évaluations prouveraient que l'impact du stockage resterait « largement inférieur à celui de la radioactivité naturelle »...

Le coût du projet

En janvier 2016, sur la base des estimations de l'ANDRA comprenant les études, la construction, l'exploitation, les impôts et les taxes, les assurances ou encore les aléas de chantier, le ministère chargé de l'énergie a arrêté le coût du projet à 25 milliards d'euros. Le dossier de chiffrage est consultable sur Internet, notamment à partir du site www.cigeo.com rubrique « Le coût du projet ».

Quel calendrier ?

La demande d'autorisation de création de CIGÉO devrait être déposée dans le courant de l'année. Suivront l'évaluation de cette demande et l'enquête publique. L'ANDRA espère débuter les travaux de construction définitive en 2021 pour lancer une phase industrielle pilote en 2025.

(*) Chouettes et hiboux : c'est le surnom des opposants à Bure, en référence aux masques portés durant les manifestations, et à l'occupation du Bois Lejuc.
(**) Source : www.cigeo.com

 

Tribune d'une chouette nomade

 

« A quoi sert la littérature quand le futur nous apparaît comme une catastrophe annoncée, prophétisée par d’horrifiques statistiques ? Que reste-t-il à raconter lorsque nous voyons que chaque jour confirme et vérifie, à travers de multiples exemples, la capacité de l’espèce humaine à se détruire elle-même et à détruire l’ensemble des êtres vivants, des manières les plus diverses. La seule chose que l’on peut mesurer après Auschwitz, est la menace permanente d’auto-extermination collective, par le nucléaire, qui confère désormais à la « solution finale » une dimension globale.» Que peut la littérature ? - Gunther Änders

« Plus on l’écoutait, plus on se rendait à l’évidence que son incapacité à parler était étroitement liée à son incapacité à penser — à penser notamment du point de vue de quelqu’un d’autre. Il était impossible de communiquer avec lui, non parce qu’il mentait, mais parce qu’il s’entourait du plus efficace des mécanismes de défense contre les mots et la présence des autres et, partant, contre la réalité en tant que telle. » Eichmann à Jérusalem - Hannah Arendt

« Parmi les choses que les gens n’ont pas envie d’entendre, qu’ils ne veulent pas voir alors qu’elles s’étalent sous leurs yeux, il y a celles-ci ; que tous ces perfectionnements techniques, qui leur ont si bien simplifié la vie qu’il n’y reste presque plus rien de vivant, agencent quelque chose qui n’est déjà plus une civilisation ; que la barbarie jaillit comme de source de cette vie simplifiée, mécanisée, sans esprit ; et que parmi tous les résultats terrifiants de cette expérience de déshumanisation à laquelle ils se sont prêtés de si bon gré, le plus terrifiant est encore leur progéniture, parce que c’est celui qui en somme ratifie tous les autres. C’est pourquoi, quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », il évite de poser cette autre question , réellement inquiétante : « A quels enfants allons nous laisser le monde ? » » L'abîme se repeuple - Jaime Semprun

« Le mouvement social ne doit-il pas se former ici, face au pouvoir technocratique, c’est à dire à la domination exercée sur un domaine de la vie sociale par un appareil capable de créer et d’imposer des produits et des formes de demandes sociales conforme au renforcement de sa propre puissance ? » La prophétie antinucléaire - Alain Touraine

“Je marchais sur une route qui s’étirait, et je pleurais à la recherche de mon époux. La terre s’ouvrait et des milliers de personnes hurlantes aux corps nus tombaient dans ses abîmes” citation du rêve de Mrs Smith dans Des femmes contre des missiles - Alice Cook et Gwyn Kirk

Commencer une tribune sur le nucléaire par des citations, des paroles autres, n’est pas qu’un simple effet de style. Il semble en effet plus qu’urgent d’organiser des relais à la parole des autres, à la faire voyager, car c’est seulement par le voyage et le jeu du bouche à oreille que les histoires et les émotions qu’elles apportent, naissent. Or, depuis les deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle et la soumission, pendant l’autre moitié, de la planète entière à la menace nucléaire et au monde totalisant, sous contrôle permanent, qui l’accompagne, le monde moderne semble avoir neutralisé le sens de l’histoire, et donc de toute histoire possible, qu’elle soit petite ou grande. En guise de narration, il ne nous reste plus que la mesure de notre propre capacité à nous auto-détruire, ce que d’autres appellent la “risquologie”, une discipline propre à la technoscience moderne et à la nucléocratie, ayant pour vocation sociale la gestion de la peur ambiante qui hantent notre monde civilisé.

Quels enfants allons-nous laisser à notre monde ?

En conséquence, le monde moderne a produit depuis des décennies des enfants soumis à eux-mêmes, incapables d’écoute et d’empathie, piégés dans le miroir que la technologie et son pouvoir fascinant n’a cessé, génération après génération, de lui tendre de manière de plus en plus invasive, avec pour aboutissement la prolifération des smartphones ces dix dernières années. Qui a récemment été confronté à un public d’adolescents occidentaux se rend compte de l’impact totalitaire du déni de réalité sur l’esprit et la pensée de corps dont l’attention est prise en permanence par des écrans qui, bien que tactiles et interactifs, garderont toujours l’essence glaciale des choses qui enferment et détruisent.

Non pas quel monde allons-nous laisser à nos enfants, mais quels enfants allons-nous laisser à notre monde ? C’est en effet la question qu’il faut tout de suite se poser, quels enfants, élevés dans la consommation permanente et l’illusion de l’énergie illimitée, allons-nous laisser à ce monde capable de continuer son entreprise d’aménagement et de contrôle total des populations dépendantes et des territoires exploités, sucés jusqu’à la moëlle épinière par un modèle énergétique et militaire dont le nucléaire constitue l’aboutissement suprême ? Est-il encore possible d’être mère ou père, fils ou fille dans un monde où toute relation se trouve d’emblée atomisée, sectionnée et dispersée par la multitude de sollicitations, sonneries, notifications qui fractionnent et détruisent toute continuité, toute présence dans nos relations aux uns et aux autres ?

Peut-on encore rêver d’autre chose que de la catastrophe lorsqu’on se rend compte que le mois dernier le gouvernement Trump a rendu public son nouveau tableau de bord concernant son “dispositif nucléaire” qui préconise de renouveler “en profondeur” son artillerie nucléaire face à la menace, grandissante selon elle, de la Chine, de la Russie et la Corée du nord. Pourtant, les Etats-Unis “avec 611 milliards de dollars, dépassaient la somme des huit pays suivants. La seule augmentation de 80 milliards de dollars décidée pour 2018 excède le budget militaire de n’importe quel pays, à l’exception de la Chine.”

Il est pourtant bien difficile d'être anti-nucléaire

Peut-on être autre chose qu’anti-nucléaire lorsqu’on réalise que le nucléaire français, dans un état pourtant si fragile, pris dans des scandales multiples - surcoûts phénoménaux, viellissement des centrales, gestion hasardeuse des déchets, retardement permanent du lancement des nouveaux réacteurs européens EPR... - vient tout de même de vendre la centrale nucléaire la plus puissante du monde à l’Inde, avec six réacteurs EPR, au milieu de tout un tapage médiatique autour de la transition énergétique et l’inauguration en grande pompe par les deux chefs d’Etat indiens et français d’un immense parc photovoltaïque ?

Il est pourtant bien difficile d’être anti-nucléaire dans une société qui empêche et castre toute contestation par un appareil répressif et judiciaire qui ne cesse d’amplifier son oppression depuis 10 ans ! Faut-il rappeler la surveillance permanente des RG (Renseignements Généraux) au moindre événement anti-nucléaire ? Faut-il rappeler la répression des opposants aux lignes THT(Très Haute Tention) et aux bloqueurs normands du train CASTOR transporteur de déchets nucléaire à Valognes, il y a de celà quelques années ? Faut-il rappeler que tout le scandale de l’affaire de Tarnac en 2008, finalement jugée ce mois-ci, tournait autour d’un soupçon de sabotage de ligne TGV, symbole de l’industrie nucléaire française ? Faut-il rappeler la présence policière permanente et la répression sans borne, à coup de perquisitions et d’interpellations pour port de pelle à tarte, que subissent depuis deux ans les opposants au grand projet de poubelle nucléaire CIGÉO à Bure, occupant jusqu’à il y a encore deux semaines un bois stratégique pour l’implantation du plus grand projet industriel en Europe aujourd’hui, l’équivalent du métro parisien en terme de souterrains ? Bois ayant fait l’objet d’une appropriation frauduleuse de la part de l’ANDRA, Agence Nationale pour la Gestion des Déchets RAdioactifs, au conseil municipal de Mandres-en-Barrois, commune d’une centaine d’habitants, organisé il y a deux ans à six heures du matin, sur laquelle reposait et repose encore (des recours sont toujours en cours, notamment pour conflit d’intérêt de certains élus, malgré un revote dans des conditions toujours aussi militaires l’an dernier) la responsabilité de l’implantation du monstrueux projet, prévue pour l’an prochain, malgré tous les doutes qui pèsent encore sur la faisabilité et sur l’absurdité d’un projet d’enfouissement de déchets pour des centaines de milliers d’années ?

Malgré ces difficultés, il faut pourtant lutter, lutter contre une société qui contrôle, infantilise, enferme et fluidifie tout - même les réfugiés, ces humains que nous considérons comme des déchets, déchets de notre propre civilisation coloniale, tout comme les animaux, les plantes, les sols et les éléments : tout n’est réduit qu’à être une ressource à exploiter, de l’extraction à la consommation jusqu’à l’enfouissement, tout n’est plus que l’objet d’une opération comptable, pour optimiser le grand mélange que nos ingénieurs apprentis sorciers opèrent depuis deux siècles.

Il faut raconter ces grandes victoires de la lutte

A ceux et celles qui se sentent désarmé.e.s, je dirai que la lutte commence par des histoires, des histoires qu’il ne faut pas oublier car, quand on nous les raconte, elles viennent donner du sens et nous réorienter lorsque nous nous sentons confus dans le dédale du quotidien. Il faut raconter les injustices, raconter la machine à broyer le vivant que sont ces grands projets inutiles, la manière dont ils procèdent pour anesthésier puis annexer nos territoires. Mais il faut aussi, surtout, raconter ces grandes victoires de la lutte anti-nucléaire, pionnière des luttes contre les infrastructures logistiques du capital. Plogoff, Le Carnet, Le Pellerin, Neuvy-Bouin, Greenham Common, Gorleben, Dreyeckland… chacun de ces noms (et tant d’autres, 58 réacteurs existent au lieu de la centaine intialement prévue) doivent résonner dans nos coeurs et constituer le fondement de ce que nous transmettrons à nos enfants, car dans ces luttes gisent la possibilité bien réelle et pas du tout utopique de faire autrement. Les luttes frontales, comme celle de la ZAD ou celle de Bure aujourd’hui, sont des zones où s’expérimentent collectivement le pire et le meilleur de notre monde. Mais nul n’est besoin de fréquenter de telles intensités pour s’organiser localement, car il existe des projets inutiles partout - comme aujourd’hui à Belleville-sur-Loire où il semble qu’on veuille nous imposer, en plus de deux réacteurs, une piscine de stockage de déchets radioactifs, un La Hague bis - et donc des luttes potentielles dans chaque village. Soutenir les grandes luttes en cours, c’est se donner le temps de comprendre les grands enjeux de notre temps et ainsi, mieux préparer nos enfants comme nous-mêmes à l’avenir en ruine qui nous attend, et dont il faudra savoir prendre soin malgré tout. Or, il n’y a pas de soin possible sans savoir, et pas de savoir possible sans voyage, sans bouche à oreille ni émotion.

C’est pourquoi, il faut faire voyager les histoires, ce sont elles seules qui peuvent nous donner encore le désir de maintenir le feu dans l’âtre de nos foyers, car les histoires contiennent la joie qui tient nos coeurs ensemble et nos corps debouts. Des comités de soutien à la lutte contre Bure se créent un peu partout ; le soir même de l’expulsion, le 22 février dernier, 70 rassemblements dans le froid étaient décomptés partout en France. Ces comités de soutien sont une manière de se rattacher sensiblement, par des liens directs de personnes à personnes qui transmettent, lors de réunions, de rassemblements et d’infotours, et racontent les histoires qui peuvent redonner un sens à lutter localement, redonner un sens à l’entraide et peut-être le courage de parvenir à des formes d’autonomie pour nous émanciper du carcan de la métropole sur nos territoires soumis aux règles de l’urbanisme et de leur désertification conséquente.

Avec la révélation récente par le journal en ligne Reporterre du projet d'EDF de construire des piscines de stockage de déchets, comme celles de La Hague qui déborderont bientôt, à Belleville-sur-Loire, dix jours seulement avant l'expulsion du Bois Lejuc, l'heure est plus que jamais venue de se réunir contre le nucléaire et son monde. De Bure à Belleville-sur-Loire, c'est le même circuit mortifère de la filière nucléaire qui organise, depuis les extractions d'uranium au Niger et ailleurs jusqu'à nos compteurs électriques (qui exploiteront bientôt les données de votre consommation d'énergie, à la manière de Facebook, Google et Amazon, avec les nouveaux compteurs Linky!), son maintien par le stockage des déchets sur lequel l'ANDRA patine depuis près de 40 ans sans parvenir à donner une solution valable (l'enfouissement des déchets par CIGÉO, quand bien même il présenterait une solution, ne commencerait lui-même qu'en 2035 !). La filière nucléaire, des piscines de stockages à CIGÉO, de l'EPR à Linky, ne cesse de créer de nouveaux projets grandiloquents pour cacher la fuite en avant dans laquelle elle est prise et légitimiter sa continuation malgré les contradictions et l'absurdité du modèle de société qu'elle propose.

Chacun d'entre nous devra trouver des solutions

La répression croissante (avec des dizaines de gardes à vue et d'accusations rien qu'au cours de ces deux dernières semaines) que subissent les camarades de Bure a pour conséquence de bloquer la situation et d'épuiser les courageux opposants ayant fait le choix de vivre sur place. Ce n'est qu'en s'emparant du sujet de manière transversale et en luttant partout contre le nucléaire que nous parviendrons à débloquer l'insoutenable massacre juridique et policier en cours dans la Meuse. Car avec CIGÉO, auquel les piscines de Belleville viendraient donner le laps de temps nécessaire à son aboutissement, c'est la société de consommation entière qui cherche à enterrer les conséquences de son mode de vie effréné, comme si de rien n'était. Ne laissons pas ces projets se réaliser, et réclamons l'arrêt immédiat du nucléaire car sans cela, nous ne pourrons jamais faire face réellement au changement civilisationnel qui s'impose à nous. Il n'y a pas de solution ou de transition énergétique nationale ou globale qui vaille : c'est chacun d'entre nous, de commune en commune, qui devra trouver nos solutions et nos transitions, par nous-mêmes et sans l'intermédiaire de l'Etat, qui ne cesse de montrer son incompétence en nous mettant, depuis plus de 50 ans tous en danger de mort permanent. Les comités de soutien sont aussi là pour ça, pour ouvrir des espaces de réflexion, d'action et de démocratie directe, pour donner l'occasion à tous-tes d'essayer un tant soi peu de se prendre en charge et de rentrer dans un processus collectif d'émancipation vers les multiples solutions auto-gérées qui se présentent à nous. Nous n'avons pas besoin de solutions clé en main trouvées par les mêmes ingénieur.e.s qui nous ont mis dans cette situation. Cessons de vivre sous un ciel artificiel qui menace à chaque instant de nous tomber sur la tête.

Une chouette nomade entre l'Est et le Centre

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# 11 Habitants antinucléaires Tue, 21 Mar 2017 13:37:42 +0100
Des habitants du Cher anti-nucléaires http://www.rebonds.net/11-des-habitants-du-cher-antinucleaires/404-deshabitantsudcherantinucleaires http://www.rebonds.net/11-des-habitants-du-cher-antinucleaires/404-deshabitantsudcherantinucleaires Dimanche 11 mars 2018 – 16 heures – place de la République à Paris.

Un petit drapeau jaune, avec le symbole de la radioactivité barré de rouge. Il ne flotte plus au vent, il gît à terre. Ceux et celles qui l'aperçoivent en marchant le contournent. Est-ce qu'il les indiffère ? Ou n'est-ce simplement pas encore le moment ? Cette image s'installera-t-elle durablement en eux, en elles, et un jour, se rappellera à leur souvenir, les réveillera pour les émouvoir, les raisonner ?

indexJe me baisse pour le ramasser et le faire se tenir debout. Non, l'anti-nucléaire n'est pas mort. A quelques mètres de moi, des dizaines, des centaines de militants venus commémorer la catastrophe de Fukushima (*), et affirmer leur volonté de vivre dans un monde où l'énergie est produite et utilisée de manière sûre, sans conséquences irréversibles sur les êtres vivants et leur environnement. Le nucléaire est tout le contraire.
Le rassemblement se déroule sous un soleil anormalement chaud pour cette saison et l'air que je respire m'agresse les bronches. Je cherche du regard les amis berrichons : une quinzaine d'entre eux sont là, notamment des membres de l'association « Sortir Du Nucléaire Berry-Giennois-Puisaye » et du comité local pour le soutien à Bure.

Je réfléchis. Quand le symbole de la radioactivité barré de rouge s'est ancré en moi ? C'était au collège, donc dans les années 1995. En cours d'Histoire. Je ne crois pas que le nucléaire ait été au programme mais Jacques Chirac, fraîchement élu président de la République, venait de reprendre les essais dans le Pacifique. Sans doute l'enseignante répondait-elle aux questions de ses élèves sur le sujet. Toujours est-il que je me souviens nettement de la Une du journal Libération daté du 12 mai 1986 qu'elle projeta contre le mur blanc de la classe : « Le mensonge radioactif – Le nuage radioactif de Tchernobyl a bien survolé une partie de l'Hexagone ». Puis le document de l'IRSN (**), sorte de scanner rouge, orange et jaune sur fond noir, daté du 1er mai 1986, corroborant les affirmations des journalistes.
Au lycée, une autre enseignante, de physique-chimie cette fois, me raconta l'expérience qu'elle fît sur les salades de son potager durant les jours qui suivirent la catastrophe en Ukraine. Les résultats étaient terrifiants...

répu 2Quinze années ont passé avant que j'entende parler de la centrale de Brennilis (à l'arrêt depuis 1985 et toujours pas démantelée) alors que je vivais en Bretagne à 200 kilomètres à peine… Presque dix ans de plus pour arriver à Sancerre et découvrir, en même temps que la superbe vue des hauteurs du Piton, la centrale de Belleville-sur-Loire… La chance de pouvoir y pénétrer, de visiter son coeur ; d'échanger avec ses défenseurs, de rencontrer ses opposants ; de cotoyer des membres du personnel, des habitants de la zone, des élus dont les communes profitent de la manne financière… De comprendre, finalement, que le système est avant tout économique et politique. Et donc réversible à condition de volonté.
Celle des anti-nucléaires est intacte. Certes, ils ne sont pas majoritaires dans la population. Mais le réseau est de mieux en mieux organisé et, avec Bure, on reconnaît dans les deux camps être arrivés à un tournant de la lutte. Un petit souffle ne vient-il pas de soulever mon drapeau ?

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Un réseau unique au monde

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Lundi 5 mars 2018 – 15 heures – Bannay

Françoise Pouzet, présidente de Sortir Du Nucléaire (SDN) Berry-Giennois-Puisaye explore aussi sa mémoire, pour retrouver quand, avec Lucien Petit, elle a créé le Comité Stop Belleville – Stop Dampierre. En 1999. « C'était suite à l'annonce des problèmes de porosité de l'enceinte de confinement de la centrale de Belleville, raconte-t-elle. Notre but était d'informer la population, de la mobiliser pour faire fermer définitivement la centrale. Elle est restée un moment sans fonctionner. Puis, une nouvelle couche de polymer a été appliquée pour colmater et elle a redémarré. » A l'époque, la première réunion avait attiré de nombreux habitants du Cher mais aussi du Loiret concernés par la centrale située à Dampierre-en-Burly : « On avait rempli la maison ! » Ils ont organisé des manifestations, des marches, des chaînes humaines, tenté de sensibiliser les médias locaux à leur cause… Mais progressivement, d'année en année, face au puissant ennemi, le découragement s'est installé, les rangs des militants se sont éclaircis. « Tchernobyl s'éloignait… Et puis, malgré les preuves du danger, malgré tout ce que nous faisions, la centrale fonctionnait toujours... »
Il faudra une nouvelle catastrophe pour réveiller les consciences. « Tchernobyl, c'était l'URSS ; pour beaucoup, ce n'était pas vraiment surprenant que ça arrive là-bas… Mais Fukushima a eu une autre portée : le Japon est une société développée, proche de la nôtre. Et les gens ont compris que c'était grave, très grave. » Le 11 mars 2011, elle apprend la nouvelle à la radio. « Avec un ami, on s'est dit : mais qu'est-ce qu'on fait là ? On ne peut pas rester sans rien faire ! Alors, on est descendu dans la rue, à Cosne ! Et tous les mardis pendant un an, puis une fois par mois jusqu'aux élections présidentielles et législatives, nous avons manifesté. »

20171020 dépôt de plainte sdn bgp Bourges Le Comité Stop Belleville – Stop Dampierre devient Sortir Du Nucléaire Berry-Puisaye et rejoint le réseau national. Deux ans plus tard, le Giennois est intégré.
Le réseau Sortir Du Nucléaire (SDN) est unique au monde. Il a été créé en 1997 suite à la victoire de l'arrêt du surgénérateur Superphénix en Isère (lire aussi (Re)découvrir). Aujourd'hui, on compte 60.000 signataires et 930 associations à ratifier sa charte d'objectifs.
Son rôle n'est pas seulement de dénoncer les mauvaises pratiques de la filière nucléaire, mais aussi de proposer des solutions alternatives. Par exemple : favoriser les économies d'énergie et l'efficacité énergétique ; mettre en place une politique basée sur les énergies renouvelables ; en phase transitoire, recourir à des techniques de production énergétiques les moins néfastes possibles pour l'environnement (comme les centrales au gaz ou de cogénération)…
« Le réseau s'est doté de conseillers juridiques et d'avocats pour mener des actions en justice », précise Françoise Pouzet. Il peut ainsi soutenir des initiatives locales et régionales : comme dans le Centre, la plainte déposée contre EDF pour une série de négligences graves relevées sur le site de la centrale de Chinon. Au niveau de la communication, faire partie du réseau est également une aide : « Nos actions au niveau local sont relayées sur le site Internet national et vice-versa. »

Pour informer la population comme pour alerter les institutions, un important travail de veille est assuré par les bénévoles : veille technique sur le développement de la filière ; veille politique sur les projets de loi ; veille juridique pour connaître les jurisprudences des procès ; veille environnementale pour évaluer les conséquences du nucléaire sur les écosystèmes... « C'est un domaine où il faut aimer lire pour comprendre, parce que c'est à la fois technique et politique », reconnaît Françoise Pouzet. Dernièrement, elle s'est penchée sur le Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) qui concerne la zone de la centrale de Belleville-sur-Loire proche de la Loire. Une enquête publique était ouverte, à laquelle elle a contribué en notant ses remarques dans le registre et en discutant avec le commissaire-enquêteur. « En cas de crue importante, la centrale serait complètement encerclée par les eaux. Ce qui excluerait toute possibilité d'interventions en cas de problème à l'intérieur… Ou alors en barque... »

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Une commission locale de désinformation ?

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La CLI (Commission Locale d'Information) devrait être une source intéressante. « C'est plutôt la commission de désinformation », ironise Françoise Pouzet.
Créée en 1983 suite à la circulaire Mauroy par Jean-François Deniau, alors président du Conseil général du Cher, elle a pour missions d'informer la population sur le fonctionnement de la centrale et sur le suivi de son impact sur l'environnement. Les réunions, organisées deux à trois fois par an, traitent ainsi des questions techniques relatives au fonctionnement de la centrale, des analyses des incidents et des nouveaux équipements.
Ses membres sont des élus, des représentants d'associations de protection de l'environnement, d'organisations syndicales des salariés, du monde économique, d'ordres professionnels liés à la santé ou encore des personnes désignées pour leurs compétences dans les domaines de la sécurité nucléaire ou de la communication.
Elle est actuellement présidée par Patrick Bagot, maire de Belleville-sur-Loire et conseiller départemental du Cher, et elle est financée principalement par le Conseil départemental et l’État. C'est dire si elle est indépendante.

Nuk Orléans Chinon 01 02 18Je me souviens avoir assisté à l'une de ses réunions, lorsque j'étais encore rédactrice en chef d'un journal local. J'avais eu l'impression d'être à une messe. Le prédicateur – le directeur de l'époque de la centrale de Belleville-sur-Loire, François Goulain – avait fait un long discours vantant les mérites de son site. Il faisait chaud ; l'assistance semblait somnoler. Un militant anti-nucléaire avait bien posé une ou deux questions, auxquelles François Goulain avait répondu avec son sourire habituel. Tout le monde s'était réveillé au moment de parler du Grand Carénage. Oui, ça, c'était important : les travaux de prolongation de vie de la centrale nucléaire. Pour des raisons de sécurité ? Mais non : les élus voulaient savoir où et combien de logements seraient construits pour les employés, histoire d'en attirer quelques-uns sur leurs communes et, peut-être, de relancer l'épicerie, l'école, le club de football…

« Même la CLI ne savait pas pour le projet de « piscine » à Belleville. Elle a organisé une conférence de presse à la hâte après la sortie des articles de Reporterre. La preuve qu'elle ne sert à rien », soupire Françoise Pouzet.

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Une « piscine » de déchets à Belleville

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La « piscine ». L'annonce a fait son effet. Le mardi 13 février 2018, dans le magazine Reporterre (****), la journaliste Emilie Massemin révélait qu'EDF et l'ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) réfléchiraient à la construction d'un bassin de stockage de combustibles radioactifs usés. Le principe ? Les plonger dans une piscine durant soixante à cent ans selon les combustibles, afin de les refroidir avant… de les retraiter et les réutiliser selon EDF qui assure que, d'ici là, une technique imparable aura été trouvée… ou, dans le cas contraire, de les enfouir à Bure.
Si le choix d'EDF ne serait pas encore arrêté, le site de Belleville serait privilégié pour sa situation géographique centrale, son raccordement avec le réseau ferroviaire, ainsi que son emprise foncière (deux réacteurs sur les quatre prévus initialement ayant été construits).
Emilie Massemin affirme qu'entre 6.000 et 8.000 tonnes de métal lourd irradié provenant notamment des surplus de La Hague, pourraient être stockés à Belleville.

crue 2003Les militants anti-nucléaires jugent la méthode risquée. Dans un rapport rendu public en octobre dernier, Greenpeace souligne l'insuffisance des protections de ces piscines soumises aux risques sismiques, aux problèmes d'étanchéité, aux attentats…
« L'entreposage à sec semble plus sûr », souligne Françoise Pouzet. Les combustibles sont placés dans des conteneurs de plus de cent tonnes, puis dans des alvéoles en béton, en subsurface. Areva – devenue Ovano – connaît bien cette solution puisqu'elle la commercialise dans le monde entier. « C'est moins dangereux mais c'est plus coûteux... »
Le transport est l'autre point noir : entre deux sites, comment exclure les accidents, les attaques, les vols, les détournements ? Actuellement, des convois soit disant secrets sont déjà organisés chaque semaine, dans des semi-remorques banalisés mais escortés par la Gendarmerie. Non seulement l'organisation Greenpeace est parvenue à les retrouver mais en plus, à simuler une situation d'attaque sans être inquiétée…

Le matin de la sortie de l'article, un élu du Sancerrois m'appelle. Dans sa voix, un mélange de colère et de dépit : « Quand j'étais enfant, j'habitais en Bretagne et mon père était contre Plogoff. Aujourd'hui, je suis père de famille et j'apprends qu'une piscine de déchets radioactifs va être construite près de chez moi. Ce n'est pas possible comme l'Histoire se répète... » La plupart de ses collègues sont loin d'être de farouches opposants anti-nucléaires. Mais ils préparent un dossier de reconnaissance de leur belle région au Patrimoine mondial de l'UNESCO ; ils se seraient bien passés des projecteurs braqués sur la centrale et le projet de piscine…

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Pour soutenir Bure, un comité local

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Vendredi 23 février – 18 heures – La Brèche, centre social autogéré à Morogues

Dix jours après la sortie des articles dans Reporterre, l'Info-Tour de Bure fait étape à Morogues, à 45 kilomètres au sud de Belleville-sur-Loire. Deux opposants au projet d'enfouissement des déchets nucléaires Cigéo, dans la Meuse, ont organisé une tournée d'information à travers la Région Centre, où ils vivent. Ce soir-là, c'est le centre social autogéré La Brèche qui lui ouvre ses portes. Une trentaine de personnes ont fait le déplacement pour y participer, principalement du nord du Cher et du Loiret. Je reconnais des militants de SDN, mais il y a aussi des citoyens sans étiquette venus simplement s'informer.
La soirée se tient dans un contexte particulier : la veille, 500 gendarmes ont procédé à l'expulsion d'une quinzaine d'opposants à Cigéo, qui occupaient le Bois-Lejuc.

répu 1Ajoutez à cela l'annonce de la construction de « piscine » à Belleville-sur-Loire, et il n'en faut pas plus à certains pour s'engager dans le réseau anti-nucléaire. Même si la lutte est bien différente, la victoire de Notre-Dame-des-Landes est dans tous les esprits. Celle d'un peuple contre son Etat corrompu.
C'est ainsi, ce soir-là, qu'un comité local de soutien à Bure a vu le jour. Son rôle : informer la population du Cher, sur le projet de Bure en particulier et sur les dérives de la filière nucléaire en général ; et soutenir la lutte sur place.
Déjà, des membres du comité ont participé à l'action antinucléaire européenne du samedi 10 mars en déployant des banderoles sur les ponts autoroutiers et à la commémoration de la catastrophe de Fukushima le dimanche 11 mars à Paris.
Le comité du Cher n'est pas le premier du genre : il rejoint ainsi un ensemble de groupes de soutien déjà constitués sur l'ensemble du territoire français. Preuve, s'il en était besoin, de l'intérêt de la population pour ces questions cruciales, vitales.

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Un agenda chargé dans les prochains mois

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Le symbole de la radioactivité barré de rouge n'est pas prêt de quitter les esprits.
Dans le Cher, un week-end dense se prépare pour la commémoration de Tchernobyl, les 28, 29 et 30 avril ; les 14 et 15 juin, le Tour Alternatiba (mouvement climat) passera par Gien, Dampierre, Vierzon et Bourges ; en septembre, se tiendra la deuxième édition de « La Loire à zéro nucléaire » ; en octobre, une manifestation à Saint-Laurent-des-Eaux. Les petits drapeaux à fond jaune continueront à flotter au vent…

Fanny Lancelin

(*) Le 11 mars 2011, un séisme au large des côtes japonaises provoque un tsunami. Une vague de neuf mètres envahit le site de la centrale de Fukushima Daiichi ; les réacteurs entrent en fusion, les piscines de désactivation surchauffent. Des rejets massifs de radioactivité ont lieu. Les eaux, les sols et les plantes sont contaminées, les travailleurs de la centrale et les populations environnantes irradiées. La catastrophe de Fukushima a été classée 7 sur l'échelle internationale de gravité (INES) c'est-à-dire la note la plus haute.
(**) Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire : www.irsn.fr
(**) Superphénix est un ancien réacteur nucléaire de grande puissance, situé dans l'ancienne centrale de Creys-Maleville. Après plusieurs incidents et d'importantes manifestations, il a été arrêté en 1997.
(***) Du 13 au 16 février 2018 inclus, Emilie Massemin a publié une série d'articles sur la filière nucléaire dans le magazine Reporterre : https://reporterre.net/EXCLUSIF-EDF-veut-construire-une-piscine-geante-de-dechets-nucleaires-a
(****) Parmi ces combustibles, du Mox : un mélange d'uranium et de plutonium, l'un des ingrédients de la bombe atomique.

 

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# 11 Habitants antinucléaires Tue, 21 Mar 2017 12:54:42 +0100