# 20 Une autre école est possible - épisode 1 (décembre 2018) http://www.rebonds.net/20-une-autre-ecole-est-possible Thu, 11 May 2023 18:56:45 +0200 Joomla! - Open Source Content Management fr-fr L'école du 3e type de Bernard Collot http://www.rebonds.net/20-une-autre-ecole-est-possible/468-lecoledu3etypedebernardcollot http://www.rebonds.net/20-une-autre-ecole-est-possible/468-lecoledu3etypedebernardcollot A Bué, près de Sancerre, vit un enseignant dont la pédagogie a bouleversé la vie de bien des enfants, familles, citoyens : Bernard Collot a créé une « école du 3e type » (1), comme il l'a lui-même baptisée, et l'a animée pendant vingt ans. S'il n'est plus en charge d'aucune classe aujourd'hui, difficile de le déclarer « retraité » tant il est sollicité par les écoles alternatives pour ses précieux conseils.

Ce n'est pas par vocation, ni par passion, ni même par conviction qu'a germé en l'esprit de Bernard Collot l'idée de faire classe différemment. Mais par « une série de hasards », assure-t-il.
Né en 1940, sous l'Occupation allemande, il vit dans la banlieue lyonnaise quand on décide pour lui qu'il sera instituteur. « A l'époque, ce n'était pas par envie mais parce qu'il n'y avait pas le choix, se souvient-il. Tu devenais agriculteur si tu vivais à la campagne, ouvrier si tu vivais en ville, ou bien instituteur. Instituteur, c'était bien pour les vacances… mais ce n'était pas pour changer le monde ! »

Après une formation à l'Ecole Normale, c'est-à-dire sans aucune formation de pédagogue, le voilà enseignant. « J'ai passé un an à m'ennuyer et à ennuyer les enfants. » En 1960, en poste dans le Rhône, on lui confie une classe multi-âges d'élèves de 7 à 14 ans. Premier hasard : celui de l'estrade. « Elle était trop petite ; à chaque fois que je reculais, je risquais de tomber. Alors, je l'ai enlevée. Un jour, un collègue a passé la tête par la porte et m'a lancé : « Tiens, tu as adopté la pédagogie Freinet ? », parce que je n'avais pas d'estrade… C'est ainsi que j'ai découvert Freinet ! »

Expression libre et tâtonnement expérimental

Célestin Freinet (1873-1966) est une figure du mouvement dit de « L'Education Nouvelle » actif dans les années 1920 mais dont les principes forment encore la base de pédagogies appliquées de nos jours (lire aussi la rubrique (Re)visiter). Parmi lesquels, l'expression libre et le tâtonnement expérimental : c'est du résultat de ses propres expériences que l'enfant apprend le mieux. L'adulte l'accompagne mais ne le contraint pas. L'autorité du « maître » est considérée comme une violence, d'autant plus inutile si on sait susciter l'envie et la curiosité chez l'enfant.
« Freinet avait vécu la guerre. On savait que celle de 1914-1918 avait été préparée de chaque côté du Rhin dans les écoles, souligne Bernard Collot. Aujourd'hui, c'est autre chose… on prépare les enfants à être de bons travailleurs, à servir le marché… C'est écrit noir sur blanc dans des rapports d'institutions comme l'OCDE (2). »

Pour Bernard Collot, « l'école, depuis son origine, n'a jamais été faite pour les enfants, mais pour l’État ». « C'est difficile de le faire comprendre à l'opinion publique puisque nous avons tous été formatés à l'école ! Quand on parle de formatage, les enseignants bondissent… mais c'est un formatage insidieux. Bientôt de 3 à 18 ans (3), les enfants sont condamnés à rester assis en rang d'oignons et à obéir. Tous les matins, ils sont condamnés à aller à l'école comme ils seront condamnés, ensuite, à se lever tous les matins pour aller au travail. »
Ce qui lui a permis de prendre une voie différente de la majorité de ses collègues ? Il s'étend pas, mais il parle « d'événements forts liés à l'école » vécus dans l'enfance et l'adolescence, qui lui ont permis de se « déconstruire » et « de prendre une position différente ».bernard collot

Une réflexion sur tous les aspects de l'école

Les « hasards » de sa vie feront le reste… Pendant ses congés, il dirige des colonies de vacances. C'est au Centre d'Entraînement aux Méthodes d'Education Active (CEMEA) qu'il participe à la première expérience de réveil individuel, qui tient compte du rythme de chacun. « C'est là que j'ai découvert que l'ordre est la source de l'insécurité, et que l'autogestion est la source du sentiment de sécurité. » Dès lors, il ne cesse de se questionner : « Pourquoi les enfants devraient entrer en rang dans la classe ? Pourquoi devraient-ils y entrer tous en même temps ? » Quelles idéologies sous-tendent ces rituels ?

Sa réflexion touche tous les aspects de l'école, auxquels un enseignant de milieu rural est à l'époque confronté. Par exemple, ce sont les enseignants qui assurent la surveillance de la cantine. « En 1963, avec la Ligue de l'enseignement, nous avons lancé les restaurants d'enfants. Nous sommes partis d'un constat très simple : les adultes n'accepteraient jamais de manger dans de telles conditions ! Et déjà, les psychologues affirmaient que le temps méridien était essentiel à l'enfant. » Il ne s'agit pas seulement de leur offrir de meilleures conditions pour déjeuner, mais aussi de les rendre plus autonomes dans ce temps de détente, de favoriser leur bien être et leur capacité d'attention l'après-midi.

« On ne peut rien faire sans les parents »

En 1976, Bernard Collot demande sa mutation dans la Vienne. Sa classe de Moussac-sur-Vienne, d'une école publique, est à nouveau unique avec des enfants âgés de 4 à 11 ans. Et tout le monde semble convaincu qu'elle fermera l'année suivante. Bernard Collot y restera vingt ans ! Comment ? En ouvrant grand les portes de l'école aux parents, villageois et élus, et en menant un véritable projet éducatif coopératif.
« J'avais mis quinze ans à comprendre qu'on ne peut rien faire sans les parents, explique-t-il. L'enfant fait partie du parent. Bien sûr, il y a des tas de ruptures dans sa vie, notamment l'école. Mais ça doit rester dans un état sécure. Or, tous les jours, l'école rompt cette sécurité, parce qu'elle dé-responsabilise les parents qui n'ont rien à dire sur ce qui se passe à l'école. Pour l'enfant, le parent ne peut plus être un recours. »
Bernard Collot pense aussi que l'école « est une affaire de citoyens ». Y inclure les parents est tout simplement démocratique. L'école « concerne une collectivité, un territoire, un groupe social. Il est impossible que des parents-citoyens ne participent pas à son élaboration, à son fonctionnement, à sa vie. Il n'est pas possible qu'ils soient exclus de la démocratie. » (4)

A son arrivée à Moussac-sur-Vienne, il annonce sa « stratégie éducative ». Le contrat passé avec les parents est que les enfants puissent suivre au collège.
Une réunion est ensuite organisée tous les mois avec les parents pour faire des constats, discuter, faire évoluer la stratégie. De plus, l'école est ouverte à tous à n'importe quel moment « à la condition qu'à la sortie, [les visiteurs] émettent au moins une critique ». « J'ai imposé la critique ! Et ça n'a pas été facile. J'ai été obligé de provoquer les parents. Cette réunion leur permettait aussi de discuter entre eux publiquement, de débattre, d'argumenter… bref, de faire ce que tous les citoyens devraient faire ! »
Les parents peuvent émettre des idées, mais aussi animer une activité.
Le cercle s'élargit. « L'école, c'était tout le village ! Quand les enfants avaient besoin, ils sortaient pour aller interroger le menuisier, par exemple. A l'inverse, quand les villageois ont voulu lancer un journal, ils sont venus à l'école parce que nous avions tout le matériel nécessaire et ce sont les enfants qui leur ont appris comment faire. »

En 1983, Bernard Collot lance l'une des premières classes équipées d'ordinateurs reliés à un réseau d'établissements ruraux grâce à la télématique. Les échanges sont riches, notamment avec d'autres écoles, collèges, lycées qui développent des expériences innovantes.

L'auto-organisation est fondamentale

S'il s'est basé sur la pédagogie Freinet, Bernard Collot en a progressivement « ôté tous les cadres ». Plus d'horaires, ni d'emploi du temps, ni même de matières.
L'école du 3e type est une école qui favorise non pas la transmission des savoirs de l'adulte à l'enfant, mais « la construction des savoirs et savoir-faire par les enfants ».
L'auto-organisation y est fondamentale. Chaque matin, les enfants se réunissent pour faire émerger leurs projets. Ils les expérimentent au sein d'ateliers permanents. Des tableaux de bord individuels ou collectifs peuvent les aider à auto-structurer leur temps. C'est ainsi que sont abordés les différents langages (oral, écrit, mathématique, scientifique, artistiques…).
Aucune différence n'est établie entre jeu et travail. Seule compte la jouissance, le plaisir d'apprendre suscitée chez l'enfant.

Quelle place tient l'adulte, le « professionnel », dans cette auto-organisation ? Il est l'égal de l'enfant en droits, mais pas en pouvoirs. « Il ne domine pas les enfants, ne dirige pas les enfants mais veille et agit pour qu'individuellement et collectivement, les enfants vivent une liberté féconde. » (5) Il garantit l'espace qui leur permettra de s'auto-organiser, de communiquer, d'inter-agir avec leurs environnements proche et extérieur, et il accompagne les enfants dans leur prise de décisions. Il peut aussi intervenir lors de conflits.
« Mais il n'y a pas de sanction, précise Bernard Collot. On n'agit pas sur le comportement des enfants, mais sur un dysfonctionnement observé. Par exemple, Toto embête les grands. Ah. Pourquoi ? Parce qu'il a envie d'être avec eux. Ah. On va discuter et faire en sorte que Toto passe du temps avec les grands, dans un espace et à un moment qui ne les dérangeront pas. On ne va pas simplement punir Toto parce qu'il embête les grands. L'enfant modifie son comportement pour vivre mieux avec les autres ou se sentir mieux. Il ne modifie pas un comportement sous la contrainte. »
A chaque fois, l'intervention de l'adulte doit être perçue comme un recours, non comme une simple autorité.

De l'école publique aux écoles alternatives

L'Education nationale acceptait-elle, en son sein, cette école du 3e type ? « Au bout de la première année, un brave inspecteur, qui pensait connaître toutes les pédagogies, est venu. Il a pris des tas de notes et, à la fin, m'a dit : « Je ne sais pas comment remplir mon rapport, je n'ai jamais vu ça. » Il est revenu l'année suivante. » Et la classe a perduré durant 35 ans.
En effet, malgré la vague de fermerture des classes uniques qui s'est soulevée à partir de 1989, celle de Moussac-sur-Vienne a tenu bon, y compris après le départ en retraite de Bernard Collot, en 1997. « C'est parce qu'il y avait tout un village derrière elle ! » Elle a fermé en 2009 avec la création du regroupement scolaire.

Comment cette école du 3e type vit-elle aujourd'hui ? « Dans les écoles alternatives. » A leur demande, Bernard Collot en a visité près de 150 partout en France, dont celle du Chêne Vert près de Bourges (lire aussi la rubrique (Ré)acteurs). Il observe et offre simplement des conseils. « Toute ma vie, je n'ai donné aucune leçon. Pourquoi en donner maintenant ? Je préfère l'échange, la discussion, la provocation. » Ne prêche-t-il pas des convaincus ? « Oui, mais qui se heurtent à des obstacles, notamment dans l'Education nationale. Mon seul avantage est d'avoir vécu plus longtemps, donc de pouvoir raconter mon expérience. »
Le regard qu'il porte sur l'institution d'aujourd'hui est pessimiste. « La solution ? Ce serait que les écoles alternatives deviennent l'Education nationale. Mais je n'ai pas bon espoir, parce que les écoles servent l’État. Elles n'ont pas les mêmes objectifs que nous. Les pédagogies alternatives ont fait leurs preuves et pourtant, elles ne sont toujours pas diffusées par l'Education nationale... »

Bernard Collot est venu passer sa retraite dans le Sancerrois, sa femme occupant un poste dans la Nièvre proche. Après avoir écrit de nombreux ouvrages et articles dans des revues, il alimente aujourd'hui un blog qui traite de nombreux sujets de société (6). Mais l'éducation n'est jamais loin, y compris lorsqu'il s'adresse aux Gilets jaunes ou aux écologistes. Il les invite à prendre en compte l'éducation dans leurs revendications, la clé pour être libre.

Fanny Lancelin

(1) Bernard Collot a donné ce nom en référence au film de science-fiction « Rencontre du troisième type » réalisé par Steven Spielberg. Parce que « dans cette école, on est dans un autre monde ».
(2) OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques.
(3) Actuellement en France, l'instruction est obligatoire à partir de 6 ans. En 2019, l'âge pourrait être abaissé à 3 ans.
(4) Extrait de l'ouvrage « Parents d'élèves, l'école de la simplexité », Bernard Collot (auto-édition).
(5) Extrait de l'ouvrage « Oui ! Mais… Questions-réponses », Bernard Collot, éditions l'Instant présent (2017).
(6) http://education3.canalblog.com/

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# 20 Une autre école Tue, 21 Mar 2017 13:37:42 +0100
Des exemples de pédagogies alternatives http://www.rebonds.net/20-une-autre-ecole-est-possible/473-desexemplesdepedagogiesalternatives http://www.rebonds.net/20-une-autre-ecole-est-possible/473-desexemplesdepedagogiesalternatives Il y a un peu plus d'un siècle, des hommes et des femmes ont milité pour une refonte de l'éducation. Leurs objectifs : former des êtres autonomes, épanouis, curieux d'apprendre tout au long de leur vie, et capables de s'adapter et d'influencer positivement le monde qui les entoure. Les pédagogies « alternatives » à l'Education nationale sont nombreuses. Voici quelques exemples choisis parmi le mouvement de l'Education Nouvelle.

A la fin du XIXe siècle, en Europe Occidentale, naissent de nouvelles visions éducatives qui se concrétisent par l'ouverture d'établissements privés. Leur point commun : « une même vision critique de l'école et de sa fonction sociale » (1). Si toutes ont leurs spécificités, dans leur approche comme dans leur mise en œuvre, elles sont réunies sous le vocable « Education Nouvelle », comme le titre de l'ouvrage d'Edmond Demolins, l'une des figures de ce mouvement en France.
Ces nouveaux établissements sont généralement ouverts en milieu rural, avec un internat, et concernent les milieux aisés. La pédagogie alterne apprentissages cognitifs, activités physiques et manuelles, et initiation artistique.

Autre point commun : ces nouvelles pédagogies, bientôt dites « actives », mettent en avant la science, et plus particulièrement la psychologie de l'enfant, pour fonder leurs actions éducatives. C'est par l'observation et l'expérimentation que sont définis les principes pédagogiques et les activités éducatives. Maria Montessori était docteur en médecine, tout comme Ovide Decroly, avant de devenir pédagogues.

L'Education Nouvelle prend son essor après la Première guerre mondiale. Ses fondateurs dénoncent le matérialisme et la concurrence entre les individus encouragés à l'école, en partie responsables des conflits armés. Le mouvement se structure, notamment avec la création de la Ligue Internationale pour l'Education Nouvelle (LIEN) : un congrès est organisé tous les deux ans ; entre-temps, la revue trilingue « Pour l'ère nouvelle » permet aux membres de partager leurs recherches et les résultats de leurs travaux.

Progressivement, les principes et méthodes de l'Education Nouvelle entrent dans les établissements scolaires « classiques », en particulier dans les lycées, dans les années 1930. Sont encouragées « l'initiative individuelle et collective des élèves comme le travail libre par groupe, [la] coordination entre disciplines et entre enseignants autour de centres d'intérêt communs, [la] liberté pédagogique, [l']éducation du sens social par des débats sur des sujets d'actualité et [l']initiation à la vie sociale par des enquêtes » (1).
Le contexte politique est favorable, avec l'arrivée du Front Populaire en 1936 et du ministre chargé de l'Education, Jean Zay.
Après la Seconde guerre mondiale, l'expérience des « classes nouvelles » est lancée. Elle répond au désir de « rénovation de l'éducation » et favorise la création d'établissements comme l'école Freinet à Vence ou Decroly à Meudon. Mais elle ne sera pas pérénisée et l’État y mettra fin en 1952.

Que sont devenues ces écoles aujourd'hui ? Comment ont-elles survécu ? Sur quelles pédagogies s'appuient-elles ?

Montessori

C'est sans doute, en France, la pédagogie « alternative » la plus connue du grand public. Depuis une dizaine d'années, des documentaires projetés au cinéma, l'édition de nombreux ouvrages et matériels ont contribué à cette notoriété. Mais aussi l'engouement d'enseignants qui sont parvenus à mettre en place des « classes Montessori » au coeur d'écoles publiques.

Maria Montessori est née en 1870 en Italie, dans une famille bourgeoise. A 26 ans, elle obtient son diplôme de médecine et fait ainsi partie, dans son pays, de la première génération de femmes à exercer en tant que médecin.
Elle débute sa carrière l'année suivante, à la clinique psychiatrique de l'université de Rome, où elle s'occupe d'enfants souffrant de handicaps mentaux. Deux ans plus tard, elle dirige l'école d'orthophrénique et s'occupe d'enfants qualifiés de « déficients » et « fous ». Elle pressent que les solutions ne sont pas nécessairement médicales et chimiques mais plutôt éducatives.
Inspirée par les écrits de Jean Itard et d'Edouard Séguin (2), elle observe, expérimente des méthodes pour apprendre à ces enfants à lire et à écrire. En 1901, elle retourne à l'université pour étudier la psychologie et la philosophie.3 choses a savoir sur Maria Montessori 1140x641

Mais c'est en 1907 que sa vie va prendre un tournant décisif : elle est chargée de s'occuper d'un groupe d'enfants « normaux », âgés de 3 à 6 ans, vivant dans un quartier populaire et pauvre de Rome, San Lorenzo. Maria Montessori crée pour eux une Casa Bambini, une Maison des enfants. Alors qu'elle avait trouvé des enfants abandonnés, elle parvient, en deux ans, à leur donner l'envie d'apprendre et notamment de lire et écrire.
Progressivement, elle construit sa méthode et son matériel. Les quatre points clés sont : l'attention (ou concentration), l'engagement actif, le retour d'information immédiat et la consolidation par la répétition.
L'attention de l'enfant est favorisée par un environnement préparé et une mise en espace adaptée.
L'engagement actif s'opère par le libre choix d'activités et la manipulation d'un matériel là aussi adapté aux rythmes et aux besoins de l'enfant.
Le retour d'information, notamment en cas d'erreur, n'est pas formulé par l'adulte : le matériel est auto-correctif. L'enfant apprend de ses erreurs par un système d'auto-évaluation ; c'est parce qu'il est curieux et désireux d'évoluer qu'il se corrigera naturellement.
Grâce à l'utilisation répétée du matériel, l'enfant consolidera lui-même ses connaissances et pourra les approfondir.

Les résultats sont positifs et rapidement connus. Maria Montessori est sollicitée pour créer d'autres Casa Bambini, donner des conférences, animer des stages… En 1929, elle fonde l'Association Internationale Montessori. Elle s'est éteint en 1952 aux Pays-Bas où elle avait choisi de s'installer après la guerre.

Sa pédagogie lui a survécu et elle connaît un véritable regain d'intérêt notamment en France. Parce qu'il n'existe pas de « label » Montessori, il est difficile de connaître le nombre exacts d'écoles ou de classes qui s'en inspirent. Toutefois, l'Association Montessori de France (seule reconnue par l'Association Internationale Montessori) en recense environ 200, dont 106 membres. La première école avait été ouverte en France en 1913, à Paris.

Mais la pédagogie n'a pas que des adeptes. Elle a aussi ses détracteurs : les opposants naturels au mouvement des écoles alternatives quelles qu'elles soient parce qu'elles remettent en cause l'ordre établi ; mais aussi ceux qui lui reprochent de faire trop référence aux neurosciences ou encore d'entretenir des liens trop serrés avec des préceptes religieux, en l'occurence catholiques. Nous y reviendrons dans notre second épisode : rendez-vous le 15 janvier...

(Lire aussi la rubrique (Ré)acteurs)

Freinet

Pour Peter Gumbel, auteur de « Ces écoles pas comme les autres – à la rencontre des dissidents de l'éducation » (3), « contrairement à Maria Montessori, les travaux de Freinet ne se fondent pas sur des études scientifiques mais en grande partie sur sa propre expérience personnelle d'instituteur, qui commença en 1920 dans une minuscule école primaire de deux classes à Bar-sur-Loup, dans les Alpes Maritimes ».

Célestin Freinet est né en 1896 à Gars, au sein d'une famille nombreuse et modeste. Il obtient son premier poste en 1914 mais est mobilisé l'année suivante. Grièvement blessé par balle au poumon, reconnu mutilé de guerre, il demande à être affecté sur un poste compatible à son état de santé. C'est surtout à Vence, école publique classée aujourd'hui Patrimoine mondial de l'UNESCO, qu'il a développé sa nouvelle pédagogie. Selon son épouse Elise (4), ses capacités physiques ont fortement influencé la manière dont il  a imaginé son école.

Au coeur de cette pédagogie : la communication orale et la liberté de s'exprimer des élèves ; le souci permanent d'éveiller leur curiosité ; la coopération entre eux mais aussi avec l'environnement extérieur de l'école ; et « le tâtonnement expérimental ». Apprendre en faisant.
Cela peut paraître évident mais à l'époque, l'école demandait bien plus souvent aux élèves d'apprendre « par coeur » et cette méthode domine encore largement dans l'Education nationale.celestinfreinet21

Célestin Freinet a également questionné la place de l'adulte à l'école. Pour Peter Gumbel, un enseignant Freinet « ne doit pas prendre en main toute l'activité de la salle de classe, mais au contraire déléguer une partie de celle-ci aux élèves eux-mêmes ». Grâce à un conseil hebdomadaire qui se tient dans les salles de classe, « les élèves discutent du plan de travail que l'instituteur leur suggère et posent des questions sur des sujets qui peuvent aller du régime disciplinaire au planning d'accès aux ordinateurs par roulement ». « La session consacrée aux retours d'expérience est l'une des constantes de ce conseil. » Ainsi, les enfants peuvent s'exprimer librement sur ce qu'ils ont aimé ou non durant la semaine, y compris dans les propositions de l'enseignant qui veille toutefois à ce que ce temps d'échanges ne tourne pas au règlement de comptes.
Les règles qui ont cours dans l'école sont d'ailleurs décidées en collaboration avec les enfants.

Cinquante ans après la mort de Célestin Freinet (en 1966), sa pédagogie se perpétue, notamment au sein de l'Education nationale.
Peter Gumbel raconte l'expérience de l'école de Mons-en-Baroeul, dans un des quartiers les plus pauvres de la banlieue lilloise. Fréquentée par peu d'élèves, à la réputation épouvantable, l'école a été reprise par un groupe d'enseignants expérimentés et formés à la pédagogie Freinet. Condition de l'Education nationale : que cette expérience soit soumise à « une évaluation externe rigoureuse ». Elle a été menée durant cinq ans, entre 2001 et 2006, par une équipe de chercheurs de l'université de Lille-III. Les résultats ont été rendus publics : « Les progrès scolaires ont été spectaculaires (…). Pour l'apprentissage de l'écrit, ils ont noté des « progrès dans toutes les situations et pour toutes les catégories d'écrits prises en compte ». En mathématiques et en sciences, les performances étaient aussi « notables ». L'école était particulièrement forte dans le domaine de l'apprentissage de l'oral. (…) L'équipe du professeur Reuter a conclu : « Au regard de l'état antérieur de l'école, des élèves concernés et du milieu environnant, cette expérience est indéniablement une réussite. »
Les données que Peter Gumbel a recueilli montrent que la progression s'est poursuivie les années suivantes.

Pour autant, l'auteur s'interroge : « Pourquoi la transformation de l'une des pires écoles publiques du pays en un établissement capable d'obtenir (en quelques années seulement) des résultats supérieurs à la moyenne nationale n'a-t-elle pas mené à une floraison de nouvelles écoles Freinet partout en France ? » Le professeur Reuter a avancé quelques réponses. Pour qu'elles fonctionnent, ces écoles demandent un « investissement prodigieux des enseignants, la compétence professionnelle et la croyance dans les principes et démarches mis en oeuvre ». Il souligne la difficulté de former les enseignants à ces méthodes, la formation « institutionnelle » n'existant pas. La mixité des classes (classe Freinet et non Freinet) au sein d'un établissement est également un frein, tant la pédagogie suppose une adhésion de l'ensemble de l'équipe. L'opposition de certains syndicats n'arrange rien. Mais pour Peter Gumbel, « la situation n'est toutefois pas désespérée ». « Le succès incite à l'innovation et provoque l'émulation. »

Steiner-Waldorf

Ces écoles font l'objet de scepticisme, de critiques, voire d'une véritable opposition. A tel point que la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES) s'y intéresse depuis les années 2000. Si elle n'a jamais reçu concrètement de « signalement de dérives sectaires » (5), elle reçoit beaucoup de questions et recueille des témoignages, notamment de parents qui s'inquiètent du « faible niveau scolaire » et du « non-respect de la laïcité » (5). Le MIVILUDES reproche en fait surtout aux écoles Steiner-Waldorf « de ne pas assez communiquer aux parents les éléments de sa doctrine » (5).

C'est la dimension spirituelle qui provoque le plus de suspicions. Pourtant, la Fédération – Pédagogie Steiner-Waldorf en France assure que l'anthroposophie fondée par Steiner n'est pas enseignée au sein des écoles et que la dimension spirituelle n'est pas dogmatique.

En quoi consiste, alors, la pédagogie Steiner-Waldorf ?
Elle porte le nom de Rudolf Steiner et de Waldorf-Astoria, société fabricant des cigarettes basée à Stuttgart, dont le directeur a créé la première école Steiner, en 1919.
Rudolf Steiner est né en 1861 dans ce qui était alors l'empire autro-hongrois. Il est mort en 1925 en Suisse. Après des études à l'université technique de formation des ingénieurs, il est devenu responsable de l'édition des œuvres scientifiques de Goethe, puis rédacteur en chef du « Magazin für Literatur » à Berlin. Philosophe et occultiste, il est principalement connu pour avoir fondé l'anthroposophie, un courant de pensée et de spiritualité appliqués à différents domaines comme l'agriculture biodynamique, la médecine ou encore l'éducation.
La connaissance provient de l'observation et du « penser ». Grâce à ces deux éléments combinés, l'homme peut agir librement et tenter de dépasser sa vision matérialiste de la nature et du monde, pour y substituer des niveaux hyprasensibles : les processus vitaux, l'âme et l'esprit.steiner reitman 1915

Peter Gumbel considère que « dans la galaxie de l'éducation alternative, Steiner occupe sa propre planète ». « L'harmonie, la nature, la beauté et l'imagination sont des notions de la plus haute importance (…). L'école s'adresse aux mains et au coeur, au corps et à l'esprit autant qu'au cerveau. » Les enfants doivent pouvoir expérimenter mais aussi être touchés par ce qu'ils apprennent.

La journée commence généralement par une activité de groupe - récitation ou chant ou travail manuel - pour renforcer la cohésion de la classe et entrer dans les apprentissages de manière sereine.
Peter Gumbel insiste : « on ne se presse pas ». « A la différence des écoles « classiques » qui tentent de faire entrer une masse de connaissances dans un laps de temps de cinquante-cinq minutes, le premier cours de la journée dure deux heures, ce qui permet aux enseignants de creuser plus profondément un sujet unique. » De la même manière, le temps global de l'école est découpé différemment de celui de l'Education nationale. L'enseignement est divisé en trois cycles sur douze ans : de la naissance à l'âge de 7 ans (stade de l'imitation), de 7 à 15 ans (stade de la création artistique) et après 15 ans (conceptualisation). Avant d'entrer dans le cycle primaire, des jardins d'enfants sont proposés.
Un même enseignant, assisté d'enseignants spécialisés (en langues ou arts, par exemple), s'occupe de la même classe durant tout le cycle primaire.

Selon Steiner, l'homme naît avec quatre corps : physique, éthérique (qui constitue la force vitale de la personnalité), astral (gouvernant une partie des sensations et émotions), et Moi, l'âme. Si la Fédération – Pédagogie Steiner-Waldorf en France assure que l'anthroposophie n'est pas enseignée en tant que telle, elle sert tout de même de base à la pédagogie Steiner : par exemple, il faut attendre l'âge de sept ans avant d'apprendre à lire et à écrire, car c'est à ce moment que le corps éthérique se révèle…
Est-ce si choquant ? Sur quoi sont fondées les écoles privées catholiques, si ce n'est sur des croyances et des valeurs qui accompagnent le développement et l'évolution des enfants ?
Si la Fédération revendique « une pleine autonomie tant au plan pédagogique qu'à celui des programmes », elle assure vouloir « rejoindre des paliers de convergence avec les programmes de l'Education nationale de façon à permettre la mobilité de ceux qui la souhaitent ».

Les résultats ne sont évalués par des notes qu'à partir du collège et de manière progressive. Durant le cycle primaire, c'est un rapport annuel qui présente un portrait de l'enfant et de son comportement.
La réalisation d'un « chef-d'oeuvre » marque la fin de la scolarité : les élèves présentent un projet manuel, artistique, littéraire, scientifique, technique… Selon la Fédération, 85 % des élèves obtiennent le baccalauréat.

Aujourd'hui, environ 2.500 enfants sont scolarisés dans les 23 établissements labellisés Steiner-Waldorf en France, de la maternelle au lycée. Deux d'entre elles sont actives dans le Centre, à Tours et Moulins. Elles sont également présentes dans le monde entier.

Decroly

Autre pédagogie faisant partie du mouvement de l'Education Nouvelle : celle de Jean-Ovide Decroly, dit Ovide Decroly. Il est né en 1871 et mort en 1932 en Belgique. Comme Maria Montessori, il a débuté sa carrière comme médecin : en 1898, il a été affecté à la Polyclinique des Eperonniers, dans un quartier populaire de Bruxelles, où il était chargé d'enfants présentant des troubles de la parole. En 1901, on lui a proposé de devenir le médecin-chef d'une clinique-laboratoire pour enfants « anormaux » (Decroly préfèrait le therme d' « irréguliers »). Il a accepté à la condition que la clinique soit installée chez lui, afin de pouvoir observer au plus près les enfants dans leur quotidien.
C'est de ses observations et de celles de ses collaborateurs qu'est née sa pédagogie, qu'il a ensuite étendue à tous.

La démarche de Decroly est scientifique et se base sur la biologie. Mais elle s'inscrit aussi dans un engagement social : il croyait en l'éducation comme outil indispensable pour faire évoluer la société, la rendre plus juste, permettre le progrès social.decroly

Les centres d'intérêt de l'enfant tiennent une grande place. Ils sont classés en quatre besoins fondamentaux qui doivent être étudiés à l'école : se nourrir, lutter contre les intempéries, se défendre contre les dangers, travailler.
Les activités doivent stimuler toutes les fonctions simultanément : sensorielles, motrices, intellectuelles et affectives.
Decroly est surtout connu pour le « globalisme », une façon d'appréhender le monde et sa réalité dans son ensemble, de manière globale, avant d'affiner son analyse. Il en découle la méthode d'apprentissage de la lecture dite « globale » : des phrases simples forment un corpus ; grâce à des comparaisons et des découpages, l'enfant apprend progressivement à lire, en se concentrant davantage sur le sens que sur les formes ou la sonorité des mots.
Une méthode adoptée dans l'Education nationale, décriée avant d'être presqu'abandonnée pour revenir à la méthode syllabique. Mais pour les défenseurs de Decroly, les principes auraient été mal compris et surtout mal enseignés.

Peter Gumbel a visité l'école-collège Decroly à Saint-Mandé. Ce qui l'a particulièrement marqué, c'est la place accordée aux parents. « Dans la plupart des écoles, ils ne sont tout simplement pas les bienvenus, rappelle-t-il. Les contacts entre les familles et les enseignants sont restreints au minimum et peuvent être tendus. »

Comme l'école du 3e type de Bernard Collot (lire aussi la rubrique (Re)découvrir), l'école Decroly juge la participation des parents primordiale. Ils font partie du conseil d'administration qui gère et anime l'école. Ils y siègent avec les enseignants et prennent part aux décisions.
Tous les samedis, ils animent des ateliers dans l'école, selon leurs compétences et leurs centres d'intérêt. Ils participent également à l'entretien des locaux.
Pour Peter Gumbel, l'implication des parents contribue au sentiment de « communauté ». Il écrit : « L'éducation ne se fait pas seul dans un coin mais est un travail d'équipe, avec des parents et des enseignants qui jouent des rôles aussi différents que complémentaires. Tout ce qui peut être fait pour soutenir ce concept de « communauté » est le bienvenu. »

Fanny Lancelin

(1) François Jacquet-Francillon, Laurence Loeffel et Renaud D'Enfert, « Une histoire de l'école : anthologie de l'éducation et de l'enseignement en France, XVIII-XXe siècle » (éditions Retz).
(2) Jean-Marc-Gaspard Itard (1774-1838) et Edouard Séguin (1812-1880) sont connus pour leurs travaux sur la psychologie de l'enfant. Itard est célèbre pour avoir tenté d'apprivoiser Victor, « l'enfant sauvage » de l'Aveyron.
(3) « Ces écoles pas comme les autres – à la rencontre des dissidents de l'éducation », Peter Gumbel, éditions La librairie Vuibert.
(4) Élise Freinet, « Naissance d'une pédagogie populaire : historique de la C.E.L. [Coopérative de l'Enseignement Lai͏̈c] », éditions de l'École moderne française.
(5) Extrait d'un article publié le 19 septembre 2018 dans le journal La Croix : « Les écoles Steiner sous le feu des critiques », signé Anaïs Brosseau.

 

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# 20 Une autre école Tue, 21 Mar 2017 13:37:42 +0100
Le Chêne Vert : à l'école des enfants http://www.rebonds.net/20-une-autre-ecole-est-possible/474-lechenevertalecoledesenfants http://www.rebonds.net/20-une-autre-ecole-est-possible/474-lechenevertalecoledesenfants « Je ne suis pas assez jeune pour tout savoir. » James Matthew Barrie

Une petite main posée sur mon épaule. Je sens à la fois la délicatesse et l'assurance du geste. Je me retourne. Mizuki me regarde.

Son bras est tendu vers moi, sa main toujours posée sur mon épaule. Je suis assise à sa hauteur, son visage me fait face. Un silence, qui me paraît long mais agréable, s'installe. Je finis par comprendre : « Oui, Mizuki ? » La petite fille se lance dans une histoire. Quelques instants plus tard, c'est au tour de Manon de solliciter ainsi mon attention. Elle attend, sans manifester d'impatience, que je termine ma conversation avec Mizuki. Une nouvelle petite main posée sur mon épaule.
Aucune de ces deux enfants ne me connaît et pourtant, je sens par ce simple geste un trait-d'union – certes éphémère – qui se dessine. Je suis là, assise sur un petit tabouret de bois, au milieu d'elles. Je ne suis jamais là d'habitude, et pourtant, l'ambiance me semble familière. Je me sens chez elles, mais je pourrais être chez moi. Je suis plus âgée qu'elles, mais elles m'ont appris bien plus que je n'aurai pu leur apprendre ce jour-là.
Par leurs petites mains posées sur mon épaule, elles m'ont invité à laisser mes repères, mes a priori, mes fausses idées à l'extérieur de leur école. Je n'y suis pas entrée. C'est elles qui m'y ont accueillie.

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Des activités et des déplacements libres

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Mardi 11 décembre – 9 heures – Plaimpied-Givaudinschêne vert 14

Mizuki et Manon vont à l'école du Chêne Vert. Elle se situe dans une zone d'activités sur la commune de Plaimpied-Givaudins, qui jouxte la ville de Bourges. Sur le terrain bordé par des arbres, se trouvent une yourte et un bâtiment en bois, un petit tipi, un jardin potager et des cabanes visiblement construites par les enfants.
La yourte est l'espace dédié aux plus jeunes âgés de 3 à 6 ans, le bâtiment en bois celui des plus grands jusqu'à 12 ans.

Depuis 7 h 30 le matin, les enfants sont accueillis par Léa et Amandine (chez les petits), Pierre ou Aurélie (chez les grands), les accompagnateurs professionnels, auxquels peuvent s'ajouter des parents et des intervenants bénévoles.
Comme dans n'importe quelle école, les enfants commencent par dire « bonjour », quittent leurs manteaux et les accrochent. Mais ici, ils se déchaussent pour enfiler des chaussons ; ils sortent de leur sac le déjeuner préparé à la maison pour le placer dans le frigo ou, s'il s'agit d'un thermos, sur une étagère.
Puis, librement, ils choisissent une activité. A leur hauteur, des plateaux contenant du matériel pédagogique, utilisé de manière autonome ou, s'il est nouveau pour l'enfant, présenté individuellement par un accompagnateur.

Les déplacements s'effectuent librement dans la pièce. Chacun réalise les activités à son rythme, range lorsqu'il a terminé, nettoie les tables lorsqu'il salit. Les adultes ont surtout une position d'observateurs : ils répondent aux sollicitations, questions ou appels à l'aide, et veillent à ce que l'environnement soit favorable à la meilleure concentration possible. Ils peuvent faire des propositions, mais n'ordonnent ou ne contraignent jamais.

Pierre est accompagnateur chez les grands. Son ton de voix est posé, bas, se transforme parfois en chuchotement, pour encourager les enfants à s'exprimer de la même manière. Des éclats de voix se font parfois entendre, notamment en cas de travaux de groupe ; l'adulte peut alors intervenir ; mais je remarque qu'il arrive aussi que le groupe s'auto-régule, ceux qui font beaucoup de bruit étant repris par ceux qui souhaitent plus de calme.

Ce matin-là, Agathe dessine une montagne et le cycle de l'eau ; Manon travaille sa conjugaison ; Diane s'entraîne au calcul avec des chaînes de perles ; Isaya et Ellie ont choisi de manipuler les poids d'une balance ; Camille et Romane cherchent des mots qui riment pour écrire une chanson ; Warrick dissèque une pelote de réjection ; Louis scie une petite planche pour fabriquer des éponges japonaises…chêne vert 5
A la fin de la matinée, Léa, accompagnatrice chez les petits, d'origine américaine, leur propose une séance d'anglais. Certains choisissent de poursuivre leurs activités. Les autres font cercle autour d'une chaîne stéréo : des notes de « Where the streets have no name » de U2 se diffusent ; puis celles de « Love me do » des Beatles. L'occasion d'aborder les sentiments et, par la discussion et un jeu de traduction, d'apprendre quelques nouveaux mots…

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Le choix des pédagogies actives

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Si le déroulement de la journée, les activités et la manière dont elles sont proposées diffèrent tant d'une école « ordinaire », c'est que l'école du Chêne Vert ne l'est pas.
Elle est un établissement privé hors contrat, c'est-à-dire indépendant de l'Education nationale dans sa gestion, son organisation, le recrutement de ses enseignants, le programme. En revanche, l'Education nationale conserve un droit d'inspection, notamment pour veiller au respect des lois et s'assurer que les enfants maîtrisent le fameux « socle commun de connaissances » à la fin de leur scolarité.

A l'origine de l'école : un groupe de parents désireux de s'associer à des professionnels pour offrir un « accompagnement respectueux des enfants ». « On venait d'une crèche parentale et on se disait : pourquoi s'arrêter à la crèche ? Pourquoi pas une école sur le même principe ? », se souvient Marie Lebas-Fabre, présidente de l'association du Chêne Vert. Tous partagent le sentiment que l'école publique ne répond pas aux besoins des enfants. Certains instruisent à la maison, mais ressentent une envie de temps collectifs.
Une association est alors créée, qui organise d'abord des ateliers, des sorties, des réunions d'échanges, des conférences, des projections de films en lien avec l'éducation et la vie des enfants.chêne vert 2
Le projet de l'école s'est construit pas à pas : finances, locaux, recrutement de l'équipe, élaboration du projet pédagogique... « Nous avons dès le début opté pour les pédagogies actives car ce sont bien celles qui partent de l'enfant et de ses compétences, et qui le placent au centre des apprentissages. Nos rencontres avec nos accompagnateurs (Amandine, Pierre et Aurélie principalement) et le centre de formation Nascita, ainsi que les lectures et visites d'écoles Montessori nous ont fait découvrir cette philosophie qui correspond vraiment bien à nos besoins, tout en offrant un cadre rassurant pour les parents et une expérience longue également. »
Si les activités Montessori sont beaucoup utilisées à l'école, elle n'est pas pour autant « purement montessorienne » (1). « Nous nous sommes beaucoup inspiré également au départ de l'expérience école du 3e type de Bernard Collot (2), nous y viendrons peut-être pour les plus âgés, souligne Marie Lebas-Fabre. Nous avons un atelier Stern (3), nous regardons du côté de Steiner (4)... Dès l'instant où on se place du point de vue de l'enfant, c'est intéressant. Nous suivons leurs centres d'intérêt au maximum et adaptons nos propositions d'activités à leurs besoins (qui évoluent constamment). »

Comment ont-été recrutés les accompagnateurs ? « Sur entretien, l'idée étant de privilégier leur posture éducative, ainsi qu'en formation en pédagogie active. Aujourd'hui, ils sont quatre et sont formés à la pédagogie Montessori mais viennent d'horizons variés (Beaux-Arts, céramiste, auxiliaire de puériculture, université de Berkeley). Jusqu'à l'an dernier, nous avions également une professeure des écoles, qui a malheureusement déménagé dans l'été pour une autre région. »

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Une implication nécessaire des parents

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Les difficultés ont été nombreuses : « Administratives, problématiques de locaux, délais et retard de différents intervenants, recrutement des accompagnateurs, recrutement des nouvelles familles (départ de familles aussi), finances fragilisées par des impayés importants… liste Marie Lebas-Fabre. Au final, je pense que c'est notre détermination, notre persévérance et surtout le fait qu'on soit une équipe qui nous a fait (nous fait) tenir. » Heureusement, le projet a aussi bénéficié de soutiens : les familles et les amis, les enfants et les accompagnateurs, l'ARPPE en Berry (5), la Caisse d'Allocations Familiales pour les ateliers de l'association, par exemple. L'expérience de certains fondateurs dans la gestion de projets et d'associations a également aidé.

L'école a finalement ouvert ses portes en mai 2017 à une douzaine d'enfants. Elle en compte 29 aujourd'hui. Mais tous ne viennent pas tous les jours. En effet, lors de l'inscription, les parents choisissent les jours de fréquentation.chêne vert 12
Les familles viennent de Bourges et d'environ trente kilomètres alentour. La place des parents est importante. « Les parents restent les premiers éducateurs de leurs enfants », peut-on ainsi lire dans le projet éducatif. Leur implication est nécessaire pour que la structure fonctionne : soit dans l'association (au sein des commissions, des instances de décision), soit par des heures de présence en classe (une heure par mois, par jour d'accueil) ; soit lors de grands chantiers et ménages saisonniers (en été et en hiver). Ils peuvent également proposer des activités : par exemple, actuellement, une maman, médecin, vient partager son savoir en anatomie avec les plus grands.

L'école étant privée, elle doit assurer, sans aucune aide, le paiement de toutes ses charges. Ce sont donc les parents qui financent la scolarité de leurs enfants. Combien cela peut représenter ? 3.840 euros par an pour un enfant qui viendrait cinq jours par semaine (à raison de 35 semaines d'école dans l'année) ; un montant que les familles peuvent payer en plusieurs fois.

Sans doute le coût est un frein au développement de ce type d'écoles. Mais force est de constater qu'elles séduisent de plus en plus, notamment les déçus de l'Education nationale. Selon des statistiques publiées par l'institution elle-même, le nombre d'écoles hors contrat a augmenté de 26 % en trois ans, entre 2011 et 2014. Certes, elles regroupaient une infime part des effectifs scolarisés (0,4 % avec 56.300 élèves dans le premier et second degrés), mais leur augmentation était de plus en plus rapide. Précisons que sur les 1.300 établissements concernés par ces chiffres, 300 seulement étaient confessionnels, les autres appliquant des pédagogies dites « alternatives » ou étant simplement bilingues.

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Prochaine étape : la crèche

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Mercredi 12 décembre – 9 heures – Plaimpied-Givaudins

Bientôt – l'équipe l'espère en 2019 – d'autres enfants et leurs familles s'avanceront vers le Chêne Vert le matin : des tout-jeunes qui seront accueillis à la crèche. C'est en effet le projet en cours. « Le permis de construire a été accordé, nos dossiers pédagogiques et financiers sont finalisés, il ne nous manque plus que des partenaires financiers (collectivités ou entreprises) qui réservent des berceaux pour leurs usagers », explique Marie Lebas-Fabre. Au total, quinze berceaux sont disponibles. De ces engagements, dépendent le lancement de cette nouvelle structure.chêne vert 7

Pour l'heure, ce sont les 3-6 ans qui entrent en classe. Aujourd'hui, Manon, stagiaire, et Sébastien, bénévole, renforcent l'équipe éducative. Léa, quant à elle, reçoit une maman et son enfant pour un entretien.
Au Chêne Vert, le suivi est individuel et sans notation : un cahier permet d'indiquer l'évolution des enfants, et un bilan entre parents et accompagnateurs est organisé annuellement.
Comment un enfant peut se rendre compte s'il commet des erreurs ou s'il « réussit » ? Tout le matériel est auto-correctif. C'est en observant, en faisant, en expérimentant, que l'enfant rectifiera de lui-même et trouvera la juste réponse à son problème. Ainsi, l'adulte ne le juge pas, l'enfant n'est pas en faute. Il est en évolution permanente.

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L'enfant acteur de ses apprentissages

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Axel a les mains dans la pâte : il prépare le pain pour le goûter de l'après-midi. Maïssa s'entraîne à faire des lacets sur un cadre en bois qui comprend aussi une fermeture éclair, des boutons… Sacha peine à fixer son attention ; une accompagnatrice lui présente une nouvelle activité. Ysia et Charlie ont choisi de travailler ensemble avec de petites pièces en bois ; je ne comprends pas bien le principe et je crois voir qu'elles réinventent quelque peu les règles de l'activité ; c'est leur imagination qui travaille !chêne vert 13
Je suis debout, des bras m'enlacent les jambes. C'est Lia, qui a visiblement besoin d'un câlin. On se serre fort. On se connaît déjà. Je me surprends à lui demander : « Tu veux me présenter une activité ? » Sa réponse me surprend plus encore : « Oui, on va laver la table. » Autour de moi, rien ne semble sale. Lia me montre une petite table bleue. Du dessous, elle sort un tablier qu'elle enfile et noue « comme au judo ». Puis, elle se saisit d'une brosse, d'un savon, d'une éponge et d'un torchon, va remplir d'eau une bassine et entreprend, très minutieusement, de nettoyer cette surface propre.
Je l'observe, fascinée. Un si petit être avec un si fort pouvoir de projection. Car bien sûr, pour Lia comme pour moi, la table est propre. Mais là voilà qui fait « comme si », dans l'unique but non pas d'apprendre (puisqu'elle sait visiblement déjà le faire), ni de s'amuser (elle ne plaisante pas du tout), mais de se perfectionner. Elle ne me parle pas et semble m'avoir totalement oublié.

Toute la pédagogie active est là, dans ce moment privilégié : l'enfant acteur de ses apprentissages ; un cadre dans lequel il se sent en sécurité et qui favorise sa concentration ; une activité qui développe son autonomie ; le respect de son rythme.

Avec un balai-serpillère, Lia fait disparaître les quelques gouttes qu'elle a laissées tomber au sol. Elle range, se lave les mains, croise mon regard souriant et file vers une nouvelle activité.
Bientôt, c'est l'heure du repas. Ce sont les enfants qui dressent la table et récupèrent leur déjeuner. Ils parlent un peu plus fort que durant les activités, plaisantent, prennent leur temps. Entre chaque plat, le groupe attend que chacun ait terminé pour passer à la suite. Ici, pas question de forcer les enfants à manger.
Après avoir débarrassé, ils se dirigent vers la sieste ou, pour les plus grands, vers un coin de lecture et de temps calme. Pas question non plus de réveil commandé par l'adulte : les rythmes biologiques sont respectés et chacun reprendra ses activités progressivement jusqu'à 16 heures. Les parents peuvent venir les chercher jusqu'à 18 heures.

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Faire bouger les lignes

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« Ça s'est bien passé ce matin ? » demande Léa à Manon, stagiaire. « Un peu difficile… c'est toujours un peu difficile, le mercredi. » Les enfants étaient, semble-t-il, un peu plus dissipés que d'habitude. Je souris intérieurement. J'interviens toute l'année dans des écoles de l'Education nationale. La veille, je me trouvais dans une classe aux âges sensiblement identiques mais aux comportements bien différents. « Difficile » n'aurait pas eu le même sens, chez des enfants pourtant intéressés par l'activité proposée ! D'année en année, je remarque des situations stéréotypées : soit les enfants sont tellement cadrés qu'on entend les mouches voler et qu'il est un véritable travail de les faire s'exprimer librement ; soit ils sont dans un état de surexcitation telle à l'idée d'une nouvelle activité, que je dois débuter mes séances par de la sophrologie ! Ne parlons pas du niveau sonore des cantines, que j'ai définitivement décidé de déserter…chêne vert 9

En certaines occasions toutefois, j'ai aussi travaillé en collaboration avec des enseignantes audacieuses, qui remettent en question ce qu'elles ont appris et comment elles l'ont appris, qui réagencent leur classe, bousculent leurs méthodes, défont les niveaux, testent, font davantage confiance aux enfants... Si leur hiérarchie et les moyens qu'on leur alloue suivent, leurs résultats parlent pour elles.

Bien sûr, les parents et les citoyens de manière générale doivent aussi faire bouger les lignes. Comment ceux de l'école du Chêne Vert s'investissent ? Qu'est-ce qui les motive ? Pourquoi ont-ils choisi d'emprunter ce chemin ?
Comment les accompagnateurs perçoivent leur rôle, au sein de l'école mais aussi, plus généralement, dans la société ? Comment peuvent-ils essaimer ? Quelques réponses et pistes de réflexion le mardi 15 janvier lors de notre prochain épisode...

Fanny Lancelin

(1) Maria Montessori, médecin et pédagogue italienne (1870-1952). Lire aussi la rubrique (Re)visiter.
(2) Rencontre avec Bernard Collot, fondateur de l'école du 3e type, dans la rubrique (Re)découvrir.
(3) Du nom d'Arno Stern : https://www.arnostern.com
(4) Rudolf Steiner, philosophe austro-hongrois (1861-1925). Lire aussi la rubrique (Re)visiter.

(5) ARPPE en Berry est une association départementale qui fait partie de la fédération de l'ACEPP (Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels), mouvement parental et éducatif, qui fédère les lieux d'accueil parentaux et associatifs et projets enfance famille du département du Cher. Plus de renseignements sur https://www.arppeenberry.org/

Le site de l'association et de l'école : http://associationlechenevert.fr/

 

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  • Informations complémentaires ajoutées le mardi 15 janvier 2019 : suite à la publication de notre premier épisode, des lecteurs et lectrices ont souhaité réagir et poser des questions, notamment sur le libre choix des activités, l'auto-évaluation et l'auto-correction.

    Pierre Garnaud et Aurélie Plessis Lara, accompagnateurs chez les 6-12 ans, ont accepté de répondre aux questions. Leur témoignage montre à quel point la place de l'adulte est essentielle dans les pédagogies actives, bien qu'une grande liberté soit laissée aux enfants.

    Le libre choix des activités

    « En tant qu'adulte, nous devons présenter à l'enfant un environnement ou une ambiance qui soit préparé.e pour une tranche d'âge précise et pour des activités précises. A la rentrée, les étagères ne sont pas toutes remplies : elles le sont au fur et à mesure que les enfants avancent dans les apprentissages. L'une des règles - car il y en a - c'est que l'enfant ne touche pas aux activités qui ne lui ont pas encore été présentées. Chez les 3-6 ans, c'est très encadré.
    Le matériel est présenté à l'enfant selon les observations de l'accompagnateur. L'adulte qui accompagne doit faire preuve d'une grande attention.
    Le matériel est très progressif et une seule difficulté est présentée à la fois. S'il acquiert les bases nécessaires, on lui représentera le matériel avec de nouvelles difficultés.

    Chez les 6-12 ans, on peut davantage expliquer, ils sont capables de comprendre la notion de progression. Le matin, on leur pose la question : tu prévois de faire quoi aujourd'hui ? Et on essaie d'établir un agenda. Ils travaillent également davantage par petits groupes que chez les petits.
    C'est vrai qu'ils peuvent rester parfois un moment sans rien faire, simplement à observer les autres. Mais nous avons constaté que lorsqu'ils s'y mettent vraiment, ils sont d'autant plus efficaces. Chez les grands, ça dépend aussi de la vie de la classe : comme ils sont libres de leurs déplacements ou de former des groupes, ils peuvent avoir un fou rire ou se disputer. Il arrive qu'on arrête la classe pour entamer la résolution d'un conflit mais cela fait partie des apprentissages. »

    Pierre et Aurélie reconnaissent que lorsque les enfants arrivent de l'Education nationale (trois chez les grands cette année), une période de « vide », (« qu'est-ce que je fais » ?) peut s'installer. Elle peut durer quelques semaines, mais grâce aux accompagnateurs, l'enfant prend porgressivement ses marques.
    S'ils vont toujours vers les mêmes matières, « les Grands récits » de Montessori leur sont racontés. Ils expliquent chaque matière et à quoi elle leur servira dans leur vie.

    « Ce qu'on essaie de partager avec eux, explique Aurélie, c'est le plaisir d'apprendre et l'émerveillement. Je leur dis souvent : ah, c'est super ce que j'ai appris avec toi !... pour leur faire comprendre que non, l'adulte ne sait pas tout et qu'on peut apprendre et s'émerveiller tout au long de sa vie. Et aussi, qu'en tant qu'adulte, on peut faire des erreurs. Il m'arrive de faire une faute d'orthographe. Et alors ? Je ne suis pas parfaite, l'important c'est de pouvoir la corriger. »

    L'auto-évaluation / l'auto-correction

    « Avec le matériel Montessori, chez les petits, si l'enfant ne parvient pas au bon résultat, c'est qu'il n'a pas compris comment utiliser l'outil. L'adulte l'observe et lui représente. Sans émettre de commentaires. Pour les enfants âgés de 0 à 6 ans, l'adulte travaille beaucoup sur ses gestes et sa voix, pour ne pas montrer qu'il est content ou déçu. L'enfant ne doit pas ressentir de jugement, c'est ça qui crée la frustration et le sentiment de dévaluation. Il ne travaille pas pour faire plaisir à l'adulte mais pour lui-même.

    L'auto-correction a pour objectif de développer la confiance en soi. Ce que nous observons chez les enfants qui arrivent de l'Education nationale, c'est surtout ça : un manque de confiance en soi, le stress, la peur de l'évaluation...

    Chez les petits, le contrôle de l'erreur est sensible. L'enfant se rend compte qu'il n'a pas obtenu le résultat qu'on lui avait présenté. A force de présentation, de répétition et d'entraînement, il finit par y arriver. »
    Idem chez les grands qui peuvent, eux aussi, poser des questions aux adultes et s'entraider entre enfants.

    « C'est aussi la place de l'adulte que l'on questionne dans l'auto-correction. La remise en question du rapport de domination. »
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# 20 Une autre école Tue, 21 Mar 2017 12:54:42 +0100