# 32 Coopérations (janvier 2020)(Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale.http://www.rebonds.net/32cooperations2023-05-11T19:00:17+02:00(Re)bonds.netJoomla! - Open Source Content ManagementLa coopération avec Richard Sennett2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/32cooperations/561-lacooperationavecrichardsennettSuper User<p><strong>La coopération est le fondement du développement humain. C'est sur cette affirmation que s'appuie le sociologue et philosophe américain Richard Sennett dans son ouvrage « Ensemble : pour une éthique de la coopération » <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, pour démontrer à quel point la coopération est nécessaire à l'être agissant et pensant, l'<em>homo faber</em>. Pour faire, donc – des choses, des relations sociales, des environnements – mais aussi pour s'émanciper.</strong></p>
<p>Richard Sennett est né en 1943 à Chicago, aux Etats-Unis. D'abord musicien, il a été encouragé à se tourner vers la sociologie par sa professeure, Hanna Arendt <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Il enseigne aujourd'hui à l'université de New York et à la London School of Economics. Il appartient au mouvement philosophique du pragmatisme, courant américain proche d'une méthode scientifique, qui s'intéresse aux conséquences pratiques d'une théorie.<br />A partir de 2008, Richard Sennett s'est consacré à une trilogie d'essais, dont le personnage principal est l'<em>homo faber</em>. Hanna Arendt différenciait l'<em>animal laborans</em> – absorbé par sa tâche, qui ne fait que produire et est amoral – de l'<em>homo faber</em> – qui œuvre pour le bien commun, capable de juger de façon éthique son travail. Travail étant pris au sens d'activité.<br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">L'artisan : une capacité de penser dans le faire</span></strong></p>
<p>Richard Sennett s'est opposé à la vision de son ancienne professeure, notamment dans le premier tome de sa trilogie, intitulé « Ce que sait la main, la culture de l'artisanat » <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> : pour lui, l’artisan (au sens large de celui qui fait) fait preuve d’intelligence lorsqu’il met en œuvre son savoir-faire pour créer et fabriquer. La conception est indissociable de l’exécution, comme la tête l’est de la main. Seul existerait donc l'<em>homo faber</em>.<br />Il regrette que les sociétés capitalistes modernes aient institué un clivage entre la théorie et la pratique, l’artiste et l’artisan, le travail intellectuel et le travail technique. <br />A travers l'analyse de métiers artisanaux (potier, tisserand, souffleur de verre…), il explique l'importance de la préhension (terme qui désigne ici les mouvements dans lesquels le corps anticipe et agit), et de l'expérimentation pour qu'émerge une capacité de penser dans le faire.<br />Il tente de démontrer à quel point la routine est nécessaire pour faire émerger les compétences, mais aussi et surtout, l'innovation et la création. Pas de génie, mais bien du pragmatisme.<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/ensemble.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/ensemble.jpeg" alt="ensemble" width="302" height="477" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Dans ce premier essai, Richard Sennett s'intéresse également à l'aspect politique de l'artisanat. Il serait un modèle d’organisation sociale du travail à suivre en vue de l’établissement d’une société « meilleure ». Dans un article, la sociologue Anne Jourdain, met un bémol à cette affirmation :<em> « En quoi le travail sur des objets matériels dans la sphère productive (fût-il un travail de coopération et de coordination) permet-il effectivement d’améliorer nos rapports avec autrui dans la cité ? Si le lien entre aptitude au travail et aptitude au politique est si peu discuté [ici], c’est sans doute parce que l’auteur n’interroge pas les préceptes de sa propre famille philosophique. Il écrit lui-même en conclusion : « On pourrait dire que le pragmatisme moderne prend pour argent comptant la conviction de Jefferson : le fondement de la citoyenneté est d’apprendre à bien travailler. » »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La résistance politique du côté de la coopération</span></strong></span></p>
<p>« Ensemble – Pour une éthique de la coopération » est le deuxième essai de la trilogie. Richard Sennett y poursuit son observation de l'<em>homo faber</em>, cette fois dans son rapport aux autres, notamment dans le travail.<br />Il introduit son propos par une expérience personnelle : celle qu'il a vécue en tant que violoncelliste au sein d'un orchestre. Une <em>« coopération spéciale »</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>, avec des personnes a priori très différentes les unes des autres, qui ont des modes de fonctionnement et des idées diverses. Ce qu'il avait observé alors pouvait-il être en fait un véritable modèle social ? Pouvait-il le vérifier dans une usine, des bureaux ? Quelle pouvait-être la relation entre la différence (qui caractérise chaque <em>homo faber</em>) et la coopération ? Qu'est-ce qui la rendait possible ?<br />Ici, la coopération ne signifie pas le compromis, mais plutôt une altérité et des différences reconnues et assumées, pour faire en communauté et faire communauté.<br />Pour Richard Sennett, le capitalisme moderne a délité la coopération. Le travail a été déqualifié et les inégalités sociales se sont creusées. Ce qui aurait dû renforcer la coopération ; au lieu de quoi, est né le concept de<em> « solidarité »</em>, <em>« une formule léniniste rigide »</em>, selon Sennett, qui <em>« supprime l'action sociale »</em> et <em>« exige l'adhésion au lieu de la participation »</em>. La solidarité, érigée en France en valeur suprême par les partis de gauche et les syndicats après la Première Guerre mondiale, engendrerait des <em>« tribalismes »</em>, le <em>« nous contre eux »</em>. <em>« Là où on a toujours à penser à la solidarité, on se prive de ce qu'il peut y avoir de plus créatif dans les formes de résistance politique à chercher du côté de la coopération »</em>, explique le sociologue et philosophe <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Le danger majeur : un repli sur soi et l'absence de résistance collective.<em> « En tant qu’animaux sociaux, nous sommes capables de coopérer plus profondément que l’ordre social en place ne l’imagine »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, assure Richard Sennett qui prône <em>« la communauté comme processus d’avènement au monde »</em> et de vrais changements pour plus de socialité.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Comment pouvons-nous vivre ensemble ?</strong></span></p>
<p>Le dernier ouvrage de sa trilogie s'intitule « Bâtir et habiter – Pour une éthique de la ville » <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. lI y analyse la relation entre la manière dont les urbanistes conçoivent les villes et la manière dont elles sont réellement habitées. Comment forme et fond peuvent se rejoindre ? Comment, dans ce cadre, pouvons-nous vivre ensemble ? La réponse du sociologue est <em>« l'ouverture »</em>, de l'esprit de l'<em>homo faber</em> et de ce qu'il construit. <em>« L’urbain compétent »</em> sera celui qui sortira de son isolement, ira à la rencontre des autres, et ne cessera de jeter un regard renouvelé sur le monde qui l’entoure...</p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) « Ensemble – Pour une éthique de la coopération », traduit de l'américain par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Albin Michel, 2014. </span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Johanna « Hanna » Cohn Arendt (1906-1975), philosophe, politologue et journaliste allemande, naturalisée américaine. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hannah_Arendt">https://fr.wikipedia.org/wiki/Hannah_Arendt</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) « Ce que sait la main, la culture de l’artisanat », traduit de l'américain par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Albin Michel, 2010.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Anne Jourdain, « Ce que sait la main », Sociologie [En ligne], Comptes rendus, 2011, mis en ligne le 8 février 2011 : <a href="http://journals.openedition.org/sociologie/685">http://journals.openedition.org/sociologie/685</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) « Coopérer et faire société, avec Richard Sennett », émission « La suite dans les idées » du samedi 25 janvier 2014, présentée par Sylvain Bourmeau sur France Culture. <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-suite-dans-les-idees/cooperer-et-faire-societe-avec-richard-sennett">https://www.franceculture.fr/emissions/la-suite-dans-les-idees/cooperer-et-faire-societe-avec-richard-sennett</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(6) « Bâtir et habiter – Pour une éthique de la ville », traduit de l'américain par Astrid von Busekist, Paris, Albin Michel, 2019.</span></p><p><strong>La coopération est le fondement du développement humain. C'est sur cette affirmation que s'appuie le sociologue et philosophe américain Richard Sennett dans son ouvrage « Ensemble : pour une éthique de la coopération » <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, pour démontrer à quel point la coopération est nécessaire à l'être agissant et pensant, l'<em>homo faber</em>. Pour faire, donc – des choses, des relations sociales, des environnements – mais aussi pour s'émanciper.</strong></p>
<p>Richard Sennett est né en 1943 à Chicago, aux Etats-Unis. D'abord musicien, il a été encouragé à se tourner vers la sociologie par sa professeure, Hanna Arendt <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Il enseigne aujourd'hui à l'université de New York et à la London School of Economics. Il appartient au mouvement philosophique du pragmatisme, courant américain proche d'une méthode scientifique, qui s'intéresse aux conséquences pratiques d'une théorie.<br />A partir de 2008, Richard Sennett s'est consacré à une trilogie d'essais, dont le personnage principal est l'<em>homo faber</em>. Hanna Arendt différenciait l'<em>animal laborans</em> – absorbé par sa tâche, qui ne fait que produire et est amoral – de l'<em>homo faber</em> – qui œuvre pour le bien commun, capable de juger de façon éthique son travail. Travail étant pris au sens d'activité.<br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">L'artisan : une capacité de penser dans le faire</span></strong></p>
<p>Richard Sennett s'est opposé à la vision de son ancienne professeure, notamment dans le premier tome de sa trilogie, intitulé « Ce que sait la main, la culture de l'artisanat » <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> : pour lui, l’artisan (au sens large de celui qui fait) fait preuve d’intelligence lorsqu’il met en œuvre son savoir-faire pour créer et fabriquer. La conception est indissociable de l’exécution, comme la tête l’est de la main. Seul existerait donc l'<em>homo faber</em>.<br />Il regrette que les sociétés capitalistes modernes aient institué un clivage entre la théorie et la pratique, l’artiste et l’artisan, le travail intellectuel et le travail technique. <br />A travers l'analyse de métiers artisanaux (potier, tisserand, souffleur de verre…), il explique l'importance de la préhension (terme qui désigne ici les mouvements dans lesquels le corps anticipe et agit), et de l'expérimentation pour qu'émerge une capacité de penser dans le faire.<br />Il tente de démontrer à quel point la routine est nécessaire pour faire émerger les compétences, mais aussi et surtout, l'innovation et la création. Pas de génie, mais bien du pragmatisme.<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/ensemble.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/ensemble.jpeg" alt="ensemble" width="302" height="477" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Dans ce premier essai, Richard Sennett s'intéresse également à l'aspect politique de l'artisanat. Il serait un modèle d’organisation sociale du travail à suivre en vue de l’établissement d’une société « meilleure ». Dans un article, la sociologue Anne Jourdain, met un bémol à cette affirmation :<em> « En quoi le travail sur des objets matériels dans la sphère productive (fût-il un travail de coopération et de coordination) permet-il effectivement d’améliorer nos rapports avec autrui dans la cité ? Si le lien entre aptitude au travail et aptitude au politique est si peu discuté [ici], c’est sans doute parce que l’auteur n’interroge pas les préceptes de sa propre famille philosophique. Il écrit lui-même en conclusion : « On pourrait dire que le pragmatisme moderne prend pour argent comptant la conviction de Jefferson : le fondement de la citoyenneté est d’apprendre à bien travailler. » »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La résistance politique du côté de la coopération</span></strong></span></p>
<p>« Ensemble – Pour une éthique de la coopération » est le deuxième essai de la trilogie. Richard Sennett y poursuit son observation de l'<em>homo faber</em>, cette fois dans son rapport aux autres, notamment dans le travail.<br />Il introduit son propos par une expérience personnelle : celle qu'il a vécue en tant que violoncelliste au sein d'un orchestre. Une <em>« coopération spéciale »</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>, avec des personnes a priori très différentes les unes des autres, qui ont des modes de fonctionnement et des idées diverses. Ce qu'il avait observé alors pouvait-il être en fait un véritable modèle social ? Pouvait-il le vérifier dans une usine, des bureaux ? Quelle pouvait-être la relation entre la différence (qui caractérise chaque <em>homo faber</em>) et la coopération ? Qu'est-ce qui la rendait possible ?<br />Ici, la coopération ne signifie pas le compromis, mais plutôt une altérité et des différences reconnues et assumées, pour faire en communauté et faire communauté.<br />Pour Richard Sennett, le capitalisme moderne a délité la coopération. Le travail a été déqualifié et les inégalités sociales se sont creusées. Ce qui aurait dû renforcer la coopération ; au lieu de quoi, est né le concept de<em> « solidarité »</em>, <em>« une formule léniniste rigide »</em>, selon Sennett, qui <em>« supprime l'action sociale »</em> et <em>« exige l'adhésion au lieu de la participation »</em>. La solidarité, érigée en France en valeur suprême par les partis de gauche et les syndicats après la Première Guerre mondiale, engendrerait des <em>« tribalismes »</em>, le <em>« nous contre eux »</em>. <em>« Là où on a toujours à penser à la solidarité, on se prive de ce qu'il peut y avoir de plus créatif dans les formes de résistance politique à chercher du côté de la coopération »</em>, explique le sociologue et philosophe <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Le danger majeur : un repli sur soi et l'absence de résistance collective.<em> « En tant qu’animaux sociaux, nous sommes capables de coopérer plus profondément que l’ordre social en place ne l’imagine »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, assure Richard Sennett qui prône <em>« la communauté comme processus d’avènement au monde »</em> et de vrais changements pour plus de socialité.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Comment pouvons-nous vivre ensemble ?</strong></span></p>
<p>Le dernier ouvrage de sa trilogie s'intitule « Bâtir et habiter – Pour une éthique de la ville » <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. lI y analyse la relation entre la manière dont les urbanistes conçoivent les villes et la manière dont elles sont réellement habitées. Comment forme et fond peuvent se rejoindre ? Comment, dans ce cadre, pouvons-nous vivre ensemble ? La réponse du sociologue est <em>« l'ouverture »</em>, de l'esprit de l'<em>homo faber</em> et de ce qu'il construit. <em>« L’urbain compétent »</em> sera celui qui sortira de son isolement, ira à la rencontre des autres, et ne cessera de jeter un regard renouvelé sur le monde qui l’entoure...</p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) « Ensemble – Pour une éthique de la coopération », traduit de l'américain par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Albin Michel, 2014. </span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Johanna « Hanna » Cohn Arendt (1906-1975), philosophe, politologue et journaliste allemande, naturalisée américaine. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hannah_Arendt">https://fr.wikipedia.org/wiki/Hannah_Arendt</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) « Ce que sait la main, la culture de l’artisanat », traduit de l'américain par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Albin Michel, 2010.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Anne Jourdain, « Ce que sait la main », Sociologie [En ligne], Comptes rendus, 2011, mis en ligne le 8 février 2011 : <a href="http://journals.openedition.org/sociologie/685">http://journals.openedition.org/sociologie/685</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) « Coopérer et faire société, avec Richard Sennett », émission « La suite dans les idées » du samedi 25 janvier 2014, présentée par Sylvain Bourmeau sur France Culture. <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-suite-dans-les-idees/cooperer-et-faire-societe-avec-richard-sennett">https://www.franceculture.fr/emissions/la-suite-dans-les-idees/cooperer-et-faire-societe-avec-richard-sennett</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(6) « Bâtir et habiter – Pour une éthique de la ville », traduit de l'américain par Astrid von Busekist, Paris, Albin Michel, 2019.</span></p>La Mutuelle de Travail2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/32cooperations/562-lamutuelledetravailSuper User<p><strong>Comment repenser la coopération dans le travail, qui ouvre à de véritables rapports mutualistes et solidaires ? La Mutuelle de Travail, créée en 2016 à Morogues, ne se contente pas de mettre en commun des outils (juridiques et techniques) ; elle questionne l'idée même de la valeur travail dans notre société et plaide pour l'expérimentation de nouvelles formes d'activités, notamment les filières non-marchandes émancipées de l'économie.</strong></p>
<p>La Mutuelle de Travail est l’un des dispositifs mis en œuvre dans le cadre d’une démarche locale de « Coopération Intégrale ».<br />La Coopération Intégrale du Berry s'est inspirée du modèle catalan. Il s'agit est de trouver collectivement des alternatives au système capitaliste dominant<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span>. L’ensemble de ses membres s’organisent autour de dispositifs et d’instances de coopération. Le but : créer les conditions générales d'une forme de vie quotidienne, structurée par la convivialité et le commun, motivée par l’entraide et la solidarité plutôt que par l’économie et le profit.</p>
<p>Le travail est aujourd’hui questionné de toute part, dans son fond comme dans sa forme. Est-il spécifique à nos sociétés capitalistes ? Faut-il le réinventer, le libérer, le partager, le communiser, le transformer, le dépasser, l'assouplir, le rendre plus flexible, plus compétitif, plus productif, plus coopératif ?<br />Au vu des débats qui le traverse, une chose est certaine : il est l'unique forme d'activité qui fasse de nous un membre désigné comme « actif » et ouvrant des droits à la solidarité. La Mutuelle de Travail prend acte de ce constat et y répond de deux façons.</p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le travail, unique forme d'activité sociale et source de valeur ?</span></strong></span></p>
<p>La première, simplement par : « ENSEMBLE ». Rompre avec l’isolement est un des axes forts de la démarche de Coopération Intégrale. Ayant en charge la question du travail, la Mutuelle de Travail hérite de cet objectif. C'est la raison pour laquelle elle propose, avant de proposer du travail, un rapport au travail et plus précisément un rapport mutualiste et solidaire.<br />Concrètement, cela prend la forme d'une association où des outils sont mis à disposition pour rendre opérationnel ce rapport au travail.<br />Deuxièmement, en menant des recherches et des pratiques qui :<br />- interrogent la légitimité du travail à être l'unique forme d'activité sociale et l'unique source de la valeur ;<br />- expérimentent d'autres formes d'activité sociale.</p>
<p>Par là, la Mutuelle de Travail a rejoint une initiative locale qui porte le projet de créer un revenu d'existence en nature, une forme de richesse nouvelle tournée vers le sensible et la valeur d'usage : « la provision commune ». Elle s'est organisée à travers des activités d'autoproduction réalisées collectivement et visant à se nourrir, se loger, se vêtir, s'échanger les savoirs… Le slogan : « à chacun selon ses besoins », souligne l'aspect solidaire de ce système <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Propriété d'usage, tiers-lieu, communs...</span></strong></p>
<p>Face aux crises écologiques, sociales et politiques que nous vivons, les choix et les propositions politiques ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux, voire même accentuent ces crises par de nombreuses incitations fiscales et juridiques contradictoires ; par exemple, le maintien de l’auto-entreprenariat concomitamment à la promulgation d'une loi Economie Sociale et Solidaire (ESS).<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/entraide.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : StockSnap."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/entraide.jpg" alt="entraide" width="661" height="424" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p>
<p>Les innovations sociales, techniques et économiques portées par la société civile sont autant de propositions de réponses aux crises écologiques, économiques et politiques que nous vivons. Elles portent de nouvelles ambitions sur le vivre ensemble et rêvent de nouvelles formes de solidarité. Elles questionnent la centralité du travail économique comme unique vecteur de socialisation, promeuvent la coopération, expérimentent d’autres formes de propriétés comme la propriété d’usage<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span> ou les licences libres<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span>, créent de nouveaux lieux de convivialité comme les tiers-lieux<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span>, sollicitent l’intelligence collective, portent de nouveaux enjeux comme les communs <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.</p>
<p>Mais elles ne franchissent que trop rarement un cap nécessaire : dépasser une conception économiciste du lien social et de la solidarité, pour se diriger vers la création d'activités et de filières productives non-marchandes, émancipées de l'économie.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Encourager l'autoproduction collective</span></strong></span></p>
<p>Le but de la Mutuelle de Travail est de permettre le partage du temps entre le travail et des activités d'autoproduction collective. Dans la vie quotidienne de ses membres, le travail économique est mené à temps partiel et partagé avec un engagement fort dans des activités autonomisantes (comme, par exemple, la participation à la provision commune).</p>
<p>Dans leur article « Coopératives d’activité et d’emploi : des éléments de réponse de l’économie sociale au délitement du rapport salarial fordien » <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>, Catherine Bodet et Noémie De Grenier précisent que les structures d’entrepreneuriat collectif (comme les coopératives d’activité et d’emploi ou les pépinières d’activités) sont avant tout des structures juridiques et sociales qui <em>« [n’intègrent] pas la prise en charge collective de la question de la mise au travail »</em>. Dans la pratique, la coopération n’est en fait qu’une coopétition : <em>« coopération de circonstance ou d'opportunité entre différents acteurs économiques qui, par ailleurs, sont des concurrents »</em>. <span style="font-size: 8pt;">(7)</span><br />Pour la Mutuelle de Travail, la prise en charge collective de la mise au travail est centrale, un véritable enjeu de solidarité.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Produire un renversement</span></strong></p>
<p>Parmi les pistes explorées, la Mutuelle de Travail souhaite soutenir le temps partiel choisi, animer une bourse de coopération pour les travailleurs précaires sur le territoire, proposer de l’autoproduction collective, investir dans des moyens de production partagée, soutenir le développement d'une économie de la demande (comme les AMAPs<span style="font-size: 8pt;"> (8)</span>).</p>
<p>Elle espère produire un renversement : ce n'est plus l'humain qui est une ressource – la fameuse ressource humaine – mais l’entreprise ; elle est un bien commun. Un moyen et non une fin.</p>
<p>Comment provoquer ce renversement ? Les entreprises adhérentes à l'association Mutuelle de Travail soutiennent la création de métiers libres en bien commun, des cellules de production en propriété d'usage, dont la gouvernance est partagée entre des usagers/clients, des entrepreneurs et des collectifs d'autoproducteurs. Les usagers/habitants affirment la valeur d'usage des biens-produits en échange de leur solidarité à favoriser une économie de la demande.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Ne pas céder à l'injonction de devenir entrepreneur.se</span></strong></p>
<p>Une autre question est au coeur des préoccupations des membres de la Mutuelle : celui ne pas céder à l’injonction faite par notre société moderne à ce que chacun.e devienne un.e entrepreneur.se. Ils ne confondent pas la capacité d’entreprendre et le désir de porter une activité économique avec l’autonomie ou l’émancipation. Dans la Mutuelle, il s'agit de faire une place à chacun.e telle qu’il.elle le souhaite et non pas comme la société lui impose de devenir.</p>
<p>Les membres de la Mutuelle de Travail choisissent s’ils y adhèrent en qualité de porteurs d’une activité (ils deviennent alors des référents d’activité) ou en qualité d’aide sur une activité (ils deviennent alors soutiens d'une activité). Ils ont des responsabilités différentes mais des droits identiques.</p>
<p>La Mutuelle de Travail peut aussi agir comme un groupement d’employeurs dont l’objectif est de mutualiser un emploi.</p>
<p>Elle se dote de tous les outils d'actions et de coopération nécessaires : <br />• animation et accompagnement juridique ;<br />• documentation ;<br />• réseau de compagnonage micro-local ;<br />• coopérative d'activité et d'emploi ;<br />• services communs inter-entreprises ;<br />• développement commercial commun ;<br />• bourse de travail ;<br />• espace de co-working ;<br />• accompagnement à la création d'entreprise ;<br />• pacte social, écologique, économique avec une charte/label.</p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.bastamag.net/La-cooperative-integrale-catalane-ou-comment-fonctionner-hors-du-systeme">https://www.bastamag.net/La-cooperative-integrale-catalane-ou-comment-fonctionner-hors-du-systeme</a><br />(2) La Coopération Intégrale du Berry et la provision commune sont actuellement en suspens, le collectif qui les portait ayant décidé de s'accorder des temps de réflexion pour éprouver d'autres systèmes comme, par exemple, une Coopérative Immobilière.<br />(3) Propriété d'usage : la propriété d'usage est définie par l’usage de ce bien, plutôt que par un titre de propriété contre de l’argent. Par exemple, lorsqu’un immeuble est la propriété collective d’une coopérative : les habitants-coopérateurs ont alors un droit d'usage sur leur logement mais ne peuvent le vendre ou le louer sur le marché pour en tirer un profit financier. Les locaux sont donc seulement des logements et non plus des capitaux soumis à la spéculation d'un marché. La propriété d'usage est reconnue juridiquement dans des pays comme la Norvège, la Suède ou encore l'Allemagne. En France, des organisations comme Habicoop ou Terres de liens ont créé l'équivalent de propriétés d'usage en coopératives à partir du droit des sociétés comme les SCI (Sociétés Coopératives Immobilières) et de nombreuses expériences sont en cours. (Source : <a href="https://everybodywiki.com/Propri%C3%A9t%C3%A9_d%27usage">https://everybodywiki.com/Propri%C3%A9t%C3%A9_d%27usage</a>)<br />(4) Licences libres : lire aussi le numéro 30 de (Re)bonds : <a href="http://www.rebonds.net">www.rebonds.net</a> rubrique Archives (en haut à droite de la page d'accueil).<br />(5) Tiers-lieu : concept élaboré par le sociologue américain Ray Oldenburg dans les années 1980 sous le terme « The Third Place ». Il fait référence à des espaces partagés qui mixent différents usages, venant après ceux du travail et de la maison. Les points caractéristiques d'un tiers-lieu selon Ray Oldenburg sont : le terrain neutre (aucune obligation les uns envers les autres), l'ouverture (en abolissant rangs sociaux et hiérarchiques), communication, accessibilité, noyau dur (pour définir les orientations du lieu), humilité, ambiance (conviviale et chaleureuse), une maison hors de la maison… Pour aller plus loin : <a href="https://journals.openedition.org/rsa/1535">https://journals.openedition.org/rsa/1535</a> <br />(6) Communs : ce terme désigne des formes d'usages et de gestion collectives, de biens, ressources, idées…Sur la notion de commun, écoutez la table ronde : <a href="http://lamanufacturedidees.org/un-monde-commun/">http://lamanufacturedidees.org/un-monde-commun/</a> - Toni Negri , Pierre Dardot et Isabelle Stenger.<br />(7) AMAPs : Associations pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne.<br />(8) Communication lors des XIe Rencontres du RIUESS - Poitiers - 15/17 juin 2011<br />(9) <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coop%C3%A9tition">https://fr.wikipedia.org/wiki/Coop%C3%A9tition</a></span></p>
<p> </p>
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<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Contact</h3>
</div>
<ul>
<li>Mutuelle de Travail, 6 Grande Rue à Morogues : <a href="mailto:mutuelledetravail@siberry.fr">mutuelledetravail@siberry.fr</a><br /><a href="https://zad.nadir.org/spip.php?article6669"></a></li>
</ul>
</div><p><strong>Comment repenser la coopération dans le travail, qui ouvre à de véritables rapports mutualistes et solidaires ? La Mutuelle de Travail, créée en 2016 à Morogues, ne se contente pas de mettre en commun des outils (juridiques et techniques) ; elle questionne l'idée même de la valeur travail dans notre société et plaide pour l'expérimentation de nouvelles formes d'activités, notamment les filières non-marchandes émancipées de l'économie.</strong></p>
<p>La Mutuelle de Travail est l’un des dispositifs mis en œuvre dans le cadre d’une démarche locale de « Coopération Intégrale ».<br />La Coopération Intégrale du Berry s'est inspirée du modèle catalan. Il s'agit est de trouver collectivement des alternatives au système capitaliste dominant<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span>. L’ensemble de ses membres s’organisent autour de dispositifs et d’instances de coopération. Le but : créer les conditions générales d'une forme de vie quotidienne, structurée par la convivialité et le commun, motivée par l’entraide et la solidarité plutôt que par l’économie et le profit.</p>
<p>Le travail est aujourd’hui questionné de toute part, dans son fond comme dans sa forme. Est-il spécifique à nos sociétés capitalistes ? Faut-il le réinventer, le libérer, le partager, le communiser, le transformer, le dépasser, l'assouplir, le rendre plus flexible, plus compétitif, plus productif, plus coopératif ?<br />Au vu des débats qui le traverse, une chose est certaine : il est l'unique forme d'activité qui fasse de nous un membre désigné comme « actif » et ouvrant des droits à la solidarité. La Mutuelle de Travail prend acte de ce constat et y répond de deux façons.</p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le travail, unique forme d'activité sociale et source de valeur ?</span></strong></span></p>
<p>La première, simplement par : « ENSEMBLE ». Rompre avec l’isolement est un des axes forts de la démarche de Coopération Intégrale. Ayant en charge la question du travail, la Mutuelle de Travail hérite de cet objectif. C'est la raison pour laquelle elle propose, avant de proposer du travail, un rapport au travail et plus précisément un rapport mutualiste et solidaire.<br />Concrètement, cela prend la forme d'une association où des outils sont mis à disposition pour rendre opérationnel ce rapport au travail.<br />Deuxièmement, en menant des recherches et des pratiques qui :<br />- interrogent la légitimité du travail à être l'unique forme d'activité sociale et l'unique source de la valeur ;<br />- expérimentent d'autres formes d'activité sociale.</p>
<p>Par là, la Mutuelle de Travail a rejoint une initiative locale qui porte le projet de créer un revenu d'existence en nature, une forme de richesse nouvelle tournée vers le sensible et la valeur d'usage : « la provision commune ». Elle s'est organisée à travers des activités d'autoproduction réalisées collectivement et visant à se nourrir, se loger, se vêtir, s'échanger les savoirs… Le slogan : « à chacun selon ses besoins », souligne l'aspect solidaire de ce système <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Propriété d'usage, tiers-lieu, communs...</span></strong></p>
<p>Face aux crises écologiques, sociales et politiques que nous vivons, les choix et les propositions politiques ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux, voire même accentuent ces crises par de nombreuses incitations fiscales et juridiques contradictoires ; par exemple, le maintien de l’auto-entreprenariat concomitamment à la promulgation d'une loi Economie Sociale et Solidaire (ESS).<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/entraide.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : StockSnap."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/entraide.jpg" alt="entraide" width="661" height="424" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p>
<p>Les innovations sociales, techniques et économiques portées par la société civile sont autant de propositions de réponses aux crises écologiques, économiques et politiques que nous vivons. Elles portent de nouvelles ambitions sur le vivre ensemble et rêvent de nouvelles formes de solidarité. Elles questionnent la centralité du travail économique comme unique vecteur de socialisation, promeuvent la coopération, expérimentent d’autres formes de propriétés comme la propriété d’usage<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span> ou les licences libres<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span>, créent de nouveaux lieux de convivialité comme les tiers-lieux<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span>, sollicitent l’intelligence collective, portent de nouveaux enjeux comme les communs <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.</p>
<p>Mais elles ne franchissent que trop rarement un cap nécessaire : dépasser une conception économiciste du lien social et de la solidarité, pour se diriger vers la création d'activités et de filières productives non-marchandes, émancipées de l'économie.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Encourager l'autoproduction collective</span></strong></span></p>
<p>Le but de la Mutuelle de Travail est de permettre le partage du temps entre le travail et des activités d'autoproduction collective. Dans la vie quotidienne de ses membres, le travail économique est mené à temps partiel et partagé avec un engagement fort dans des activités autonomisantes (comme, par exemple, la participation à la provision commune).</p>
<p>Dans leur article « Coopératives d’activité et d’emploi : des éléments de réponse de l’économie sociale au délitement du rapport salarial fordien » <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>, Catherine Bodet et Noémie De Grenier précisent que les structures d’entrepreneuriat collectif (comme les coopératives d’activité et d’emploi ou les pépinières d’activités) sont avant tout des structures juridiques et sociales qui <em>« [n’intègrent] pas la prise en charge collective de la question de la mise au travail »</em>. Dans la pratique, la coopération n’est en fait qu’une coopétition : <em>« coopération de circonstance ou d'opportunité entre différents acteurs économiques qui, par ailleurs, sont des concurrents »</em>. <span style="font-size: 8pt;">(7)</span><br />Pour la Mutuelle de Travail, la prise en charge collective de la mise au travail est centrale, un véritable enjeu de solidarité.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Produire un renversement</span></strong></p>
<p>Parmi les pistes explorées, la Mutuelle de Travail souhaite soutenir le temps partiel choisi, animer une bourse de coopération pour les travailleurs précaires sur le territoire, proposer de l’autoproduction collective, investir dans des moyens de production partagée, soutenir le développement d'une économie de la demande (comme les AMAPs<span style="font-size: 8pt;"> (8)</span>).</p>
<p>Elle espère produire un renversement : ce n'est plus l'humain qui est une ressource – la fameuse ressource humaine – mais l’entreprise ; elle est un bien commun. Un moyen et non une fin.</p>
<p>Comment provoquer ce renversement ? Les entreprises adhérentes à l'association Mutuelle de Travail soutiennent la création de métiers libres en bien commun, des cellules de production en propriété d'usage, dont la gouvernance est partagée entre des usagers/clients, des entrepreneurs et des collectifs d'autoproducteurs. Les usagers/habitants affirment la valeur d'usage des biens-produits en échange de leur solidarité à favoriser une économie de la demande.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Ne pas céder à l'injonction de devenir entrepreneur.se</span></strong></p>
<p>Une autre question est au coeur des préoccupations des membres de la Mutuelle : celui ne pas céder à l’injonction faite par notre société moderne à ce que chacun.e devienne un.e entrepreneur.se. Ils ne confondent pas la capacité d’entreprendre et le désir de porter une activité économique avec l’autonomie ou l’émancipation. Dans la Mutuelle, il s'agit de faire une place à chacun.e telle qu’il.elle le souhaite et non pas comme la société lui impose de devenir.</p>
<p>Les membres de la Mutuelle de Travail choisissent s’ils y adhèrent en qualité de porteurs d’une activité (ils deviennent alors des référents d’activité) ou en qualité d’aide sur une activité (ils deviennent alors soutiens d'une activité). Ils ont des responsabilités différentes mais des droits identiques.</p>
<p>La Mutuelle de Travail peut aussi agir comme un groupement d’employeurs dont l’objectif est de mutualiser un emploi.</p>
<p>Elle se dote de tous les outils d'actions et de coopération nécessaires : <br />• animation et accompagnement juridique ;<br />• documentation ;<br />• réseau de compagnonage micro-local ;<br />• coopérative d'activité et d'emploi ;<br />• services communs inter-entreprises ;<br />• développement commercial commun ;<br />• bourse de travail ;<br />• espace de co-working ;<br />• accompagnement à la création d'entreprise ;<br />• pacte social, écologique, économique avec une charte/label.</p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.bastamag.net/La-cooperative-integrale-catalane-ou-comment-fonctionner-hors-du-systeme">https://www.bastamag.net/La-cooperative-integrale-catalane-ou-comment-fonctionner-hors-du-systeme</a><br />(2) La Coopération Intégrale du Berry et la provision commune sont actuellement en suspens, le collectif qui les portait ayant décidé de s'accorder des temps de réflexion pour éprouver d'autres systèmes comme, par exemple, une Coopérative Immobilière.<br />(3) Propriété d'usage : la propriété d'usage est définie par l’usage de ce bien, plutôt que par un titre de propriété contre de l’argent. Par exemple, lorsqu’un immeuble est la propriété collective d’une coopérative : les habitants-coopérateurs ont alors un droit d'usage sur leur logement mais ne peuvent le vendre ou le louer sur le marché pour en tirer un profit financier. Les locaux sont donc seulement des logements et non plus des capitaux soumis à la spéculation d'un marché. La propriété d'usage est reconnue juridiquement dans des pays comme la Norvège, la Suède ou encore l'Allemagne. En France, des organisations comme Habicoop ou Terres de liens ont créé l'équivalent de propriétés d'usage en coopératives à partir du droit des sociétés comme les SCI (Sociétés Coopératives Immobilières) et de nombreuses expériences sont en cours. (Source : <a href="https://everybodywiki.com/Propri%C3%A9t%C3%A9_d%27usage">https://everybodywiki.com/Propri%C3%A9t%C3%A9_d%27usage</a>)<br />(4) Licences libres : lire aussi le numéro 30 de (Re)bonds : <a href="http://www.rebonds.net">www.rebonds.net</a> rubrique Archives (en haut à droite de la page d'accueil).<br />(5) Tiers-lieu : concept élaboré par le sociologue américain Ray Oldenburg dans les années 1980 sous le terme « The Third Place ». Il fait référence à des espaces partagés qui mixent différents usages, venant après ceux du travail et de la maison. Les points caractéristiques d'un tiers-lieu selon Ray Oldenburg sont : le terrain neutre (aucune obligation les uns envers les autres), l'ouverture (en abolissant rangs sociaux et hiérarchiques), communication, accessibilité, noyau dur (pour définir les orientations du lieu), humilité, ambiance (conviviale et chaleureuse), une maison hors de la maison… Pour aller plus loin : <a href="https://journals.openedition.org/rsa/1535">https://journals.openedition.org/rsa/1535</a> <br />(6) Communs : ce terme désigne des formes d'usages et de gestion collectives, de biens, ressources, idées…Sur la notion de commun, écoutez la table ronde : <a href="http://lamanufacturedidees.org/un-monde-commun/">http://lamanufacturedidees.org/un-monde-commun/</a> - Toni Negri , Pierre Dardot et Isabelle Stenger.<br />(7) AMAPs : Associations pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne.<br />(8) Communication lors des XIe Rencontres du RIUESS - Poitiers - 15/17 juin 2011<br />(9) <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coop%C3%A9tition">https://fr.wikipedia.org/wiki/Coop%C3%A9tition</a></span></p>
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<h3 class="panel-title">Contact</h3>
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<li>Mutuelle de Travail, 6 Grande Rue à Morogues : <a href="mailto:mutuelledetravail@siberry.fr">mutuelledetravail@siberry.fr</a><br /><a href="https://zad.nadir.org/spip.php?article6669"></a></li>
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</div>Vers des ateliers partagés2017-03-21T12:54:42+01:002017-03-21T12:54:42+01:00http://www.rebonds.net/32cooperations/560-versdesatelierspartagesSuper User<p style="text-align: right;"><strong>« Si tu veux unir les hommes, forme-les à bâtir ensemble, tu les changeras en frères. » Antoine de Saint-Exupéry</strong></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">L</span>'hiver était humide. Des perles de pluie formaient comme des colliers aux branches des arbres. Mes bottes s'enfonçaient dans l'herbe drue et boueuse. Je maudissais intérieurement le « crachin » et le brouillard qui semblaient pénétrer mes os. Pourtant, jusqu'alors dans ma vie, je n'avais jamais connu d'autres hivers que ceux-là, ceux de la Bretagne intérieure.<br />Lorsque j'ouvris la porte des Ateliers Reliés, la chaleur m'envahit soudainement.</p>
<p>Yann Madoré se tenait devant moi, un large sourire fendant son visage émacié, une tasse de thé fumante à la main. J'étais attendue. L'atelier baignait dans une lumière douce et l'odeur – familière – de bois scié emplissait l'air.<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/égoine_1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Un exemple d'atelier partagé : Egoïne à Henrichemont (photo : Egoïne)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/égoine_1.jpg" alt="égoine 1" width="429" height="288" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p>
<p>C'est là, un matin, au cœur de la forêt de Brocéliande <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, que j'ai découvert ce que pouvait dire concrètement la coopération dans un système pourtant économique.<br />Le point de départ des Ateliers Reliés ? La volonté de trois « boiseux » de partager espaces et outils. Yann Madoré, Eric Thébault (menuisiers) et Gwendal Le Corre (luthier) ont fondé en 2008 une coopérative artisanale. Le principe est simple : la coopérative possède l'atelier, le gros matériel et les loue aux coopérateurs ; en revanche, chacun est indépendant dans les chantiers qu'il mène, les produits et services qu'il vend.<br />Au-delà des aspects pratiques d'une telle coopération, c'est <em>« une vision équitable de la gouvernance et un rapport au capital distancié »</em><span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> qui a notamment motivé les artisans. Chez eux, une personne égale une voix ; aucune plus-value n'est réalisée sur le capital, quand bien même la valeur de l'entreprise augmenterait. Le nombre d'associés est modeste, pour éviter de mettre en péril la coopérative en cas de départ d'un des membres.</p>
<p>Yann Madoré a poussé le principe de la coopération plus loin. Avec « La roue qui trotte », il propose de l'aide à l'auto-construction et des chantiers participatifs. Ainsi, tous ceux et toutes celles qui ont un projet de menuiserie, qui sont totalement novices mais qui souhaitent apprendre en faisant, peuvent faire appel à lui. L'aide à l'auto-construction ou le chantier participatif leur permettent de s'approprier totalement leur habitat, d'acquérir des savoirs faires utiles et de réduire le coût des réalisations.</p>
<p>Dix ans plus tard, loin de la forêt de Brocéliande, c'est aussi par une journée d'hiver, celle-ci froide et ensoleillée, que j'ai poussé la porte d'un autre atelier partagé : Sidero, à Humbligny dans le département du Cher. C'est un autre sourire franc qui m'a accueilli, un autre thé, d'autres odeurs… celles du métal et du feu !<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/02.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Olivier Le Clerc, forgeron, a ouvert un atelier à Humbligny (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/02.JPG" alt="02" width="280" height="413" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p>
<p><span style="color: #fc615d;">___________________________________________</span></p>
<h3>Autonomes mais solidaires</h3>
<p><span style="color: #fc615d;">___________________________________________</span></p>
<p><strong>Lundi 6 janvier 2020, 10 heures, Humbligny</strong></p>
<p>Olivier Le Clerc est forgeron. La première fois que je l'ai rencontré, c'était dans son ancien atelier, au lieu-dit Les Guéniaux, sur la commune de Neuvy-deux-Clochers. L'endroit était sombre, froid et des trous dans le toit laissaient tomber régulièrement la pluie à l'intérieur…<br />En juin 2019, Olivier Le Clerc a déménagé son activité quelques kilomètres plus loin, dans un nouveau bâtiment, au Clos-Ferrant à Humbligny.<em> « J'ai acheté le terrain en 2012, il a fallu sept ans pour construire le bâtiment. Chaque année, une étape… C'était une question de temps, d'argent et de personnes disponibles pour m'aider. Finalement, je n'ai plus eu le choix : l'ancien atelier n'était plus du tout adapté, il s'écroulait. »</em><br />Construit avec le plus de matériaux de récupération possibles et un minimum d'opérations mécaniques, le nouvel atelier s'étend sur 100 m², <em>« mais de tous les côtés, il peut être agrandi pour doubler progressivement sa surface »</em>.</p>
<p>Dès le début de son installation, il y a neuf ans, Olivier Le Clerc avait envisagé ouvrir ses portes à d'autres artisans. <em>« J'ai suivi les Beaux-Arts à Paris. J'y ai découvert le travail des métaux et la forge pour des sculptures. Dans l'atelier métal, il n'y avait pas de chef ; on l'utilisait de manière autonome mais on se donnait des coups de main, on pouvait bénéficier d'un regard extérieur sur son travail… C'était super. J'ai eu envie de partager mon premier atelier avec des anciens de l'école, mais ça n'a pas pu se faire. »</em><br />Pour ses créations de mobilier et de luminaires, il aime collaborer avec d'autres artisans d'art comme des céramistes et des verriers.</p>
<p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________</span></p>
<h3>« Abolir au maximum les relations de pouvoir »</h3>
<p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________</span></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/04.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Des stagiaires sont régulièrement accueillis à la forge (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/04.JPG" alt="04" width="509" height="340" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a>Il n'est désormais plus seul dans son atelier : il a invité Eric Raoult (coutelier-forgeron), Baptiste Rosset et Gersende Savel (forgerons) à le rejoindre dans l'aventure de Sidero. S'il ne s'agit pas d'une coopérative au sens des Ateliers Reliés, il s'agit bien d'une véritable coopération où les valeurs d'entraide et de partage semblent primer sur les seuls intérêts économiques.<br />Olivier Le Clerc est propriétaire du bâtiment et de la plupart des machines, qu'il loue aux autres artisans. <em>« Le collectif prend en charge les réparations et les consommables,</em> précise-t-il. <em>Chacun gère son stock de barres, mais les chutes de moins d'un mètre sont mises en commun. Individuellement, chacun a ses petits outils. »</em><br />A l'intérieur de la forge, chacun bénéficie d'un espace de travail ; outils et machines sont disponibles selon les emplois du temps et les besoins.<br /><em>« Au début, nous avons organisé beaucoup de réunions pour nous mettre d'accord sur tous les aspects. Je tenais vraiment à abolir au maximum les relations de pouvoir. Il fallait que tout soit clair pour être équitable »</em>, souligne Olivier Le Clerc.</p>
<p><span style="color: #fc615d;">______________________________</span></p>
<h3>Ouvrir son horizon</h3>
<p><span style="color: #fc615d;">______________________________</span></p>
<p>Agés de 24 et 25 ans, Gersende Savel et Baptiste Rosset expérimentent leur activité dans ce cadre sécurisant. Juridiquement, Baptiste est le responsable de l'entreprise « Affaire d'enclumes », Gersende est conjointe collaboratrice. Tous deux se sont rencontrés lors de la formation du Brevet des Métiers d'Art (BMA) au lycée de Varzy, en Bourgogne.<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/010.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Gersende a intégré Sidero avec son compagnon, Baptiste (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/010.JPG" alt="010" width="313" height="412" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Gersende arrivait du Var.<em> « J'avais passé un CAP ferronnerie et un BTS traitement des matériaux. J'avais travaillé un an dans un laboratoire mais ça ne me convenait pas. Malheureusement, plus tu poursuis dans les études, plus tu t'enfermes dans un bureau ! Depuis la 3e, je voulais être forgeron. J'aimais l'univers fantasy <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, je voulais travailler avec le métal et le feu… Finalement, j'ai décidé de suivre le BMA. »</em><br />Baptiste Rosset venait de la région de Pau.<em> « Depuis tout petit, je bricolais mais j'étais plutôt parti pour devenir tourneur sur bois. C'est le père d'un ami qui m'a fait découvrir le métier de métallier-soudeur. Une vraie révélation. »</em> Mais pour devenir forgeron, il est passé par des chemins de traverse. <em>« En France, l'orientation est pourrie. L'artisanat n'est pas valorisé. Comme j'avais de bonnes notes, les profs voulaient que je suive des études générales. J'ai dû me battre pour faire un Bac Pro chaudronnerie. J'ai poursuivi par un BTS, mais j'ai rencontré le même problème que Gersende : j'ai compris que je passerai beaucoup de temps dans un bureau. La seconde révélation a eu lieu à Varzy, quand j'ai découvert la ferronnerie. »</em></p>
<p>Surtout formés à la ferronnerie de bâtiment (portails, gardes-corps, escaliers…), ils ouvrent leurs horizons en suivant des stages chez des artisans comme Olivier Le Clerc et en abordant la ferronnerie d'art. Aujourd'hui, ils créent des objets de décoration intérieure, de l'utilitaire, des luminaires… Ils vendent sur des marchés, des salons, au sein de boutiques éphémères, via les réseaux sociaux...<br />Très vite, Baptiste a eu à cœur de créer sa propre entreprise.<em> « J'ai eu des problèmes de santé : des tendinites. Les médecins voulaient que j'arrête. Le fait d'avoir ma propre structure me permet de gérer mon temps et mon énergie. Etre salarié aurait été plus compliqué. »</em> Développer cette entreprise au sein d'un atelier comme Sidero est une chance : <em>« Olivier et Eric ont partagé avec nous leurs réseaux d'amis et d'artisans. »</em> Ils les conseillent aussi sur la gestion d'entreprise.</p>
<p><span style="color: #fc615d;">__________________________________________</span></p>
<h3>« Apprendre à apprendre »</h3>
<p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">__________________________________________</span></span></p>
<p>Celle d'Eric Raoult s'appelle « Forge Plume ». Ce nom évoque le contraste entre le poids des matériaux utilisés pour fabriquer les couteaux et la légèreté du « Damas plume » dont il est un spécialiste. Il est aussi un clin d'œil à une autre période de sa vie...<br />A 51 ans, Eric Raoult a en effet multiplié les expériences. Originaire de la banlieue parisienne, il a suivi un parcours de Lettres, avant de devenir animateur socio-culturel, conteur, marionnettiste ou encore auteur de scénari. En 1998, il « migre » en Auvergne et s'installe en collectif dans une ferme pour organiser spectacles, accueils d'animations et échanges européens. L'expérience associative et donc, coopérative, a jalonné tout son parcours.<br /><em>« Un jour, pour un spectacle de marionnettes, j'ai eu besoin d'une halbarde et je me suis renseigné sur Internet pour la fabriquer moi-même. J'avais mis le doigt dans l'engrenage... Six ans plus tard, je devenais coutelier ! »<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/027.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Eric Raoult fabrique des couteaux et accueille les novices dans l'atelier (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/027.JPG" alt="027" width="436" height="303" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Les amateurs et professionnels du genre aiment se retrouver sur des forums de discussions et d'échanges.<em> « Je suis autodidacte. J'ai appris mon métier en grande partie grâce à ces forums sur Internet »</em>, assure-t-il. A tel point qu'il devient l'administrateur de « Forgefr.com » et y croise Olivier Le Clerc, par pseudonymes interposés, avant de le rencontrer en chair et en os.<br />Ayant à nouveau « migré », cette fois dans le Berry, il a intégré Sidero. <em>« L'environnement collectif est idéal,</em> se rejouit-il. <em>Pour la mutualisation du matériel et pour les rapports humains. Je suis entouré de belles personnes. »</em></p>
<p>Les quatre artisans ont aussi une vision commune de la transmission des savoirs. Travailler dans le même espace facilite les échanges et l'acquisition de nouvelles connaissances. Tous souhaitent également<em> « apprendre à apprendre »</em> : classiquement, en accueillant des stagiaires mais aussi en ouvrant l'atelier à des novices. <br />Eric Raoult le propose d'ores et déjà, sous forme de stages organisés pour les enfants comme les adultes.<em> « C'est vrai qu'un beau couteau, c'est un peu cher. Alors, je dis aux gens : vous pouvez aussi venir ici le faire avec moi ! »</em> Pour lui, <em>« s'ouvrir au public, ce n'est pas qu'une question de promotion, mais plutôt d'échanges… ça nous évite de devenir des ours au fond d'un atelier ! »</em><br />A plus long terme, il verrait bien la forge partagée devenir un <em>« centre de formation reconnu, notamment pour des reconversions professionnelles ».</em><br />Olivier Le Clerc n'en est pas encore là, mais il espère transformer un jour l'atelier en association et l'ouvrir à des non-professionnels qui pourraient y réaliser leurs projets.<em> « Le but serait qu'ils fassent, mais guidés par un des membres de Sidero. Apprendre à apprendre, ce n'est pas tout apporter sur un plateau ou donner des recettes toutes faites ; c'est donner envie. En essayant, en testant, ça peut donner de nouvelles et très belles choses. »</em></p>
<p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p>
<h3>Des architectes-artisans</h3>
<p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p>
<p><strong>Vendredi 10 janvier 2020, 14 heures, Henrichemont</strong></p>
<p>Ouvrir leur atelier à des non-professionnels ? Pierre Gourvennec et Léopold Mazoyer y ont bien songé. Depuis leur arrivée dans le Berry, ils n'ont cessé de rencontrer des habitants créateurs, bricoleurs, polyvalents. Les deux trentenaires sont diplômés d'une école d'architecture de Paris et ont fondé, ensemble, en 2017, Egoïne. Une coopération sous forme de SAS (Société par Actions Simplifiée). Mais pourquoi à Henrichemont ? <em>« Nous avions des amis dans la région, nous y venions depuis une dizaine d'années,</em> répondent-ils. <em>Et pour l'atelier, nous avions besoin de place. »</em> Car les deux amis n'ont pas ouvert une agence d'architecture mais un atelier de menuiserie. Ils se revendiquent en effet « architectes-artisans » <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.<em> « A la sortie de l'école, nous avons travaillé en agence, mais ce n'était pas assez riche en termes d'intelligence du dessin par rapport à un chantier »</em>, explique Pierre. <em>« Nous voulions connaître ce que nous dessinions, être connectés à la matière et à l'ensemble des projets sur lesquels nous travaillions</em>, souligne Léopold. <em>Nous avions envie de créer et de fabriquer nous-mêmes. »<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/egoine_2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Léopold Mazoyer et Pierre Gourvennec (Photo : Chris Saunders)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/egoine_2.jpg" alt="egoine 2" width="419" height="616" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Passionnés par la matière bois, ils ont suivi les cours municipaux d'adultes de la Ville de Paris pour le CAP menuiserie.</p>
<p>Ils ont installé Egoïne dans un ancien atelier, fermé depuis quelques années, d'une superficie de 250 m². Ils y préfabriquent des éléments pour de l'agencement sur mesures, avant de les monter sur les chantiers. Ils travaillent pour d'autres architectes et apprennent ainsi beaucoup de la relation que ceux-ci entretiennent avec les artisans.<br />Actuellement, par exemple, ils conçoivent un prototype de chambre pour le dortoir de l'Opéra de Paris, travaillent à l'agencement en bois d'une maison à Fontenay ou encore fabriquent une table pour un vigneron du coin.<em><em></em></em></p>
<p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p>
<h3>De nouveaux métiers à inventer</h3>
<p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p>
<p>Dans leur esprit, ouvrir l'atelier à d'autres artisans ou au plus grand nombre était une évidence. Ils l'ont expérimenté avec une entreprise qui offrait la possibilité à ses salariés de s'initier à la menuiserie. <em>« C'était super intéressant du point de vue pédagogique,</em> explique Léopold.<em> Transmettre à des personnes qui sont engagés dans un projet peut aussi amener une prise de conscience de la réalité des enjeux de l'artisanat. »</em><br />Ils accueillent régulièrement un chef machiniste dans le cinéma qui construit des rampes de travelling, des fixations et des éléments pour la sécurité des tournages… <em>« Mais il a sa propre entreprise, il est donc assuré. Pour le reste, nous avons un problème de mise aux normes. »</em> Pour organiser des stages et des ateliers auprès de non-professionnels, il faudrait en effet réaliser d'importants travaux, coûteux, impossibles à supporter pour le moment. Pour autant, les deux « architectes-artisans » n'abandonnent pas totalement l'idée. <em>« Il y a beaucoup de personnes ici qui savent faire beaucoup de choses et avec qui on aimerait collaborer, sur des projets ponctuels. »</em><br />Leur problématique du moment : <em>« Qu'est-ce qu'on va faire de notre métier ? »</em> sourit Pierre. Autrement dit : comment valoriser au mieux leur double savoir-faire ? Inventer son propre métier ? Indépendamment d'Egoïne, ils s'apprêtent à créer une agence d'architectes pas tout à fait comme les autres donc, en attendant de trouver peut-être une solution pour partager avec le plus grand nombre le fruit de leurs expériences.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Les Ateliers Reliés, coopérative des artisans du bois, à Concoret dans le Morbihan : <a href="http://lesateliersrelies.net/">http://lesateliersrelies.net/</a><br />(2) <a href="http://lesateliersrelies.net/?page_id=57">http://lesateliersrelies.net/?page_id=57</a><br />(3) La fantasy : genre littéraire qui mêle, dans une atmosphère d’épopée, les mythes, les légendes et les thèmes du fantastique et du merveilleux (source : dictionnaire Larousse).<br />(4) Autre exemple d'architectes-artisans ou architectes-ouvriers : Cigüe à Montreuil. <a href="http://cigue.net/wp-content/uploads/2014/04/120600-intramuros-32-33_profils.pdf">http://cigue.net/wp-content/uploads/2014/04/120600-intramuros-32-33_profils.pdf</a></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Pratique</h3>
</div>
<ul>
<li><strong>Atelier Sidero - forge partagée à Humbligny : </strong>06.66.82.73.17.</li>
<li><strong>Egoïne à Henrichemont : </strong><a href="https://www.egoine.fr/">https://www.egoine.fr/</a></li>
</ul>
</div><p style="text-align: right;"><strong>« Si tu veux unir les hommes, forme-les à bâtir ensemble, tu les changeras en frères. » Antoine de Saint-Exupéry</strong></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">L</span>'hiver était humide. Des perles de pluie formaient comme des colliers aux branches des arbres. Mes bottes s'enfonçaient dans l'herbe drue et boueuse. Je maudissais intérieurement le « crachin » et le brouillard qui semblaient pénétrer mes os. Pourtant, jusqu'alors dans ma vie, je n'avais jamais connu d'autres hivers que ceux-là, ceux de la Bretagne intérieure.<br />Lorsque j'ouvris la porte des Ateliers Reliés, la chaleur m'envahit soudainement.</p>
<p>Yann Madoré se tenait devant moi, un large sourire fendant son visage émacié, une tasse de thé fumante à la main. J'étais attendue. L'atelier baignait dans une lumière douce et l'odeur – familière – de bois scié emplissait l'air.<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/égoine_1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Un exemple d'atelier partagé : Egoïne à Henrichemont (photo : Egoïne)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/égoine_1.jpg" alt="égoine 1" width="429" height="288" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p>
<p>C'est là, un matin, au cœur de la forêt de Brocéliande <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, que j'ai découvert ce que pouvait dire concrètement la coopération dans un système pourtant économique.<br />Le point de départ des Ateliers Reliés ? La volonté de trois « boiseux » de partager espaces et outils. Yann Madoré, Eric Thébault (menuisiers) et Gwendal Le Corre (luthier) ont fondé en 2008 une coopérative artisanale. Le principe est simple : la coopérative possède l'atelier, le gros matériel et les loue aux coopérateurs ; en revanche, chacun est indépendant dans les chantiers qu'il mène, les produits et services qu'il vend.<br />Au-delà des aspects pratiques d'une telle coopération, c'est <em>« une vision équitable de la gouvernance et un rapport au capital distancié »</em><span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> qui a notamment motivé les artisans. Chez eux, une personne égale une voix ; aucune plus-value n'est réalisée sur le capital, quand bien même la valeur de l'entreprise augmenterait. Le nombre d'associés est modeste, pour éviter de mettre en péril la coopérative en cas de départ d'un des membres.</p>
<p>Yann Madoré a poussé le principe de la coopération plus loin. Avec « La roue qui trotte », il propose de l'aide à l'auto-construction et des chantiers participatifs. Ainsi, tous ceux et toutes celles qui ont un projet de menuiserie, qui sont totalement novices mais qui souhaitent apprendre en faisant, peuvent faire appel à lui. L'aide à l'auto-construction ou le chantier participatif leur permettent de s'approprier totalement leur habitat, d'acquérir des savoirs faires utiles et de réduire le coût des réalisations.</p>
<p>Dix ans plus tard, loin de la forêt de Brocéliande, c'est aussi par une journée d'hiver, celle-ci froide et ensoleillée, que j'ai poussé la porte d'un autre atelier partagé : Sidero, à Humbligny dans le département du Cher. C'est un autre sourire franc qui m'a accueilli, un autre thé, d'autres odeurs… celles du métal et du feu !<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/02.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Olivier Le Clerc, forgeron, a ouvert un atelier à Humbligny (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/02.JPG" alt="02" width="280" height="413" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p>
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<h3>Autonomes mais solidaires</h3>
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<p><strong>Lundi 6 janvier 2020, 10 heures, Humbligny</strong></p>
<p>Olivier Le Clerc est forgeron. La première fois que je l'ai rencontré, c'était dans son ancien atelier, au lieu-dit Les Guéniaux, sur la commune de Neuvy-deux-Clochers. L'endroit était sombre, froid et des trous dans le toit laissaient tomber régulièrement la pluie à l'intérieur…<br />En juin 2019, Olivier Le Clerc a déménagé son activité quelques kilomètres plus loin, dans un nouveau bâtiment, au Clos-Ferrant à Humbligny.<em> « J'ai acheté le terrain en 2012, il a fallu sept ans pour construire le bâtiment. Chaque année, une étape… C'était une question de temps, d'argent et de personnes disponibles pour m'aider. Finalement, je n'ai plus eu le choix : l'ancien atelier n'était plus du tout adapté, il s'écroulait. »</em><br />Construit avec le plus de matériaux de récupération possibles et un minimum d'opérations mécaniques, le nouvel atelier s'étend sur 100 m², <em>« mais de tous les côtés, il peut être agrandi pour doubler progressivement sa surface »</em>.</p>
<p>Dès le début de son installation, il y a neuf ans, Olivier Le Clerc avait envisagé ouvrir ses portes à d'autres artisans. <em>« J'ai suivi les Beaux-Arts à Paris. J'y ai découvert le travail des métaux et la forge pour des sculptures. Dans l'atelier métal, il n'y avait pas de chef ; on l'utilisait de manière autonome mais on se donnait des coups de main, on pouvait bénéficier d'un regard extérieur sur son travail… C'était super. J'ai eu envie de partager mon premier atelier avec des anciens de l'école, mais ça n'a pas pu se faire. »</em><br />Pour ses créations de mobilier et de luminaires, il aime collaborer avec d'autres artisans d'art comme des céramistes et des verriers.</p>
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<h3>« Abolir au maximum les relations de pouvoir »</h3>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/04.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Des stagiaires sont régulièrement accueillis à la forge (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/04.JPG" alt="04" width="509" height="340" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a>Il n'est désormais plus seul dans son atelier : il a invité Eric Raoult (coutelier-forgeron), Baptiste Rosset et Gersende Savel (forgerons) à le rejoindre dans l'aventure de Sidero. S'il ne s'agit pas d'une coopérative au sens des Ateliers Reliés, il s'agit bien d'une véritable coopération où les valeurs d'entraide et de partage semblent primer sur les seuls intérêts économiques.<br />Olivier Le Clerc est propriétaire du bâtiment et de la plupart des machines, qu'il loue aux autres artisans. <em>« Le collectif prend en charge les réparations et les consommables,</em> précise-t-il. <em>Chacun gère son stock de barres, mais les chutes de moins d'un mètre sont mises en commun. Individuellement, chacun a ses petits outils. »</em><br />A l'intérieur de la forge, chacun bénéficie d'un espace de travail ; outils et machines sont disponibles selon les emplois du temps et les besoins.<br /><em>« Au début, nous avons organisé beaucoup de réunions pour nous mettre d'accord sur tous les aspects. Je tenais vraiment à abolir au maximum les relations de pouvoir. Il fallait que tout soit clair pour être équitable »</em>, souligne Olivier Le Clerc.</p>
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<h3>Ouvrir son horizon</h3>
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<p>Agés de 24 et 25 ans, Gersende Savel et Baptiste Rosset expérimentent leur activité dans ce cadre sécurisant. Juridiquement, Baptiste est le responsable de l'entreprise « Affaire d'enclumes », Gersende est conjointe collaboratrice. Tous deux se sont rencontrés lors de la formation du Brevet des Métiers d'Art (BMA) au lycée de Varzy, en Bourgogne.<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/010.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Gersende a intégré Sidero avec son compagnon, Baptiste (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/010.JPG" alt="010" width="313" height="412" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Gersende arrivait du Var.<em> « J'avais passé un CAP ferronnerie et un BTS traitement des matériaux. J'avais travaillé un an dans un laboratoire mais ça ne me convenait pas. Malheureusement, plus tu poursuis dans les études, plus tu t'enfermes dans un bureau ! Depuis la 3e, je voulais être forgeron. J'aimais l'univers fantasy <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, je voulais travailler avec le métal et le feu… Finalement, j'ai décidé de suivre le BMA. »</em><br />Baptiste Rosset venait de la région de Pau.<em> « Depuis tout petit, je bricolais mais j'étais plutôt parti pour devenir tourneur sur bois. C'est le père d'un ami qui m'a fait découvrir le métier de métallier-soudeur. Une vraie révélation. »</em> Mais pour devenir forgeron, il est passé par des chemins de traverse. <em>« En France, l'orientation est pourrie. L'artisanat n'est pas valorisé. Comme j'avais de bonnes notes, les profs voulaient que je suive des études générales. J'ai dû me battre pour faire un Bac Pro chaudronnerie. J'ai poursuivi par un BTS, mais j'ai rencontré le même problème que Gersende : j'ai compris que je passerai beaucoup de temps dans un bureau. La seconde révélation a eu lieu à Varzy, quand j'ai découvert la ferronnerie. »</em></p>
<p>Surtout formés à la ferronnerie de bâtiment (portails, gardes-corps, escaliers…), ils ouvrent leurs horizons en suivant des stages chez des artisans comme Olivier Le Clerc et en abordant la ferronnerie d'art. Aujourd'hui, ils créent des objets de décoration intérieure, de l'utilitaire, des luminaires… Ils vendent sur des marchés, des salons, au sein de boutiques éphémères, via les réseaux sociaux...<br />Très vite, Baptiste a eu à cœur de créer sa propre entreprise.<em> « J'ai eu des problèmes de santé : des tendinites. Les médecins voulaient que j'arrête. Le fait d'avoir ma propre structure me permet de gérer mon temps et mon énergie. Etre salarié aurait été plus compliqué. »</em> Développer cette entreprise au sein d'un atelier comme Sidero est une chance : <em>« Olivier et Eric ont partagé avec nous leurs réseaux d'amis et d'artisans. »</em> Ils les conseillent aussi sur la gestion d'entreprise.</p>
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<h3>« Apprendre à apprendre »</h3>
<p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">__________________________________________</span></span></p>
<p>Celle d'Eric Raoult s'appelle « Forge Plume ». Ce nom évoque le contraste entre le poids des matériaux utilisés pour fabriquer les couteaux et la légèreté du « Damas plume » dont il est un spécialiste. Il est aussi un clin d'œil à une autre période de sa vie...<br />A 51 ans, Eric Raoult a en effet multiplié les expériences. Originaire de la banlieue parisienne, il a suivi un parcours de Lettres, avant de devenir animateur socio-culturel, conteur, marionnettiste ou encore auteur de scénari. En 1998, il « migre » en Auvergne et s'installe en collectif dans une ferme pour organiser spectacles, accueils d'animations et échanges européens. L'expérience associative et donc, coopérative, a jalonné tout son parcours.<br /><em>« Un jour, pour un spectacle de marionnettes, j'ai eu besoin d'une halbarde et je me suis renseigné sur Internet pour la fabriquer moi-même. J'avais mis le doigt dans l'engrenage... Six ans plus tard, je devenais coutelier ! »<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/027.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Eric Raoult fabrique des couteaux et accueille les novices dans l'atelier (Photo : Caroline Rosse)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/027.JPG" alt="027" width="436" height="303" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Les amateurs et professionnels du genre aiment se retrouver sur des forums de discussions et d'échanges.<em> « Je suis autodidacte. J'ai appris mon métier en grande partie grâce à ces forums sur Internet »</em>, assure-t-il. A tel point qu'il devient l'administrateur de « Forgefr.com » et y croise Olivier Le Clerc, par pseudonymes interposés, avant de le rencontrer en chair et en os.<br />Ayant à nouveau « migré », cette fois dans le Berry, il a intégré Sidero. <em>« L'environnement collectif est idéal,</em> se rejouit-il. <em>Pour la mutualisation du matériel et pour les rapports humains. Je suis entouré de belles personnes. »</em></p>
<p>Les quatre artisans ont aussi une vision commune de la transmission des savoirs. Travailler dans le même espace facilite les échanges et l'acquisition de nouvelles connaissances. Tous souhaitent également<em> « apprendre à apprendre »</em> : classiquement, en accueillant des stagiaires mais aussi en ouvrant l'atelier à des novices. <br />Eric Raoult le propose d'ores et déjà, sous forme de stages organisés pour les enfants comme les adultes.<em> « C'est vrai qu'un beau couteau, c'est un peu cher. Alors, je dis aux gens : vous pouvez aussi venir ici le faire avec moi ! »</em> Pour lui, <em>« s'ouvrir au public, ce n'est pas qu'une question de promotion, mais plutôt d'échanges… ça nous évite de devenir des ours au fond d'un atelier ! »</em><br />A plus long terme, il verrait bien la forge partagée devenir un <em>« centre de formation reconnu, notamment pour des reconversions professionnelles ».</em><br />Olivier Le Clerc n'en est pas encore là, mais il espère transformer un jour l'atelier en association et l'ouvrir à des non-professionnels qui pourraient y réaliser leurs projets.<em> « Le but serait qu'ils fassent, mais guidés par un des membres de Sidero. Apprendre à apprendre, ce n'est pas tout apporter sur un plateau ou donner des recettes toutes faites ; c'est donner envie. En essayant, en testant, ça peut donner de nouvelles et très belles choses. »</em></p>
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<h3>Des architectes-artisans</h3>
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<p><strong>Vendredi 10 janvier 2020, 14 heures, Henrichemont</strong></p>
<p>Ouvrir leur atelier à des non-professionnels ? Pierre Gourvennec et Léopold Mazoyer y ont bien songé. Depuis leur arrivée dans le Berry, ils n'ont cessé de rencontrer des habitants créateurs, bricoleurs, polyvalents. Les deux trentenaires sont diplômés d'une école d'architecture de Paris et ont fondé, ensemble, en 2017, Egoïne. Une coopération sous forme de SAS (Société par Actions Simplifiée). Mais pourquoi à Henrichemont ? <em>« Nous avions des amis dans la région, nous y venions depuis une dizaine d'années,</em> répondent-ils. <em>Et pour l'atelier, nous avions besoin de place. »</em> Car les deux amis n'ont pas ouvert une agence d'architecture mais un atelier de menuiserie. Ils se revendiquent en effet « architectes-artisans » <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.<em> « A la sortie de l'école, nous avons travaillé en agence, mais ce n'était pas assez riche en termes d'intelligence du dessin par rapport à un chantier »</em>, explique Pierre. <em>« Nous voulions connaître ce que nous dessinions, être connectés à la matière et à l'ensemble des projets sur lesquels nous travaillions</em>, souligne Léopold. <em>Nous avions envie de créer et de fabriquer nous-mêmes. »<a href="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/egoine_2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Léopold Mazoyer et Pierre Gourvennec (Photo : Chris Saunders)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ATELIERS_PARTAGES/egoine_2.jpg" alt="egoine 2" width="419" height="616" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Passionnés par la matière bois, ils ont suivi les cours municipaux d'adultes de la Ville de Paris pour le CAP menuiserie.</p>
<p>Ils ont installé Egoïne dans un ancien atelier, fermé depuis quelques années, d'une superficie de 250 m². Ils y préfabriquent des éléments pour de l'agencement sur mesures, avant de les monter sur les chantiers. Ils travaillent pour d'autres architectes et apprennent ainsi beaucoup de la relation que ceux-ci entretiennent avec les artisans.<br />Actuellement, par exemple, ils conçoivent un prototype de chambre pour le dortoir de l'Opéra de Paris, travaillent à l'agencement en bois d'une maison à Fontenay ou encore fabriquent une table pour un vigneron du coin.<em><em></em></em></p>
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<h3>De nouveaux métiers à inventer</h3>
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<p>Dans leur esprit, ouvrir l'atelier à d'autres artisans ou au plus grand nombre était une évidence. Ils l'ont expérimenté avec une entreprise qui offrait la possibilité à ses salariés de s'initier à la menuiserie. <em>« C'était super intéressant du point de vue pédagogique,</em> explique Léopold.<em> Transmettre à des personnes qui sont engagés dans un projet peut aussi amener une prise de conscience de la réalité des enjeux de l'artisanat. »</em><br />Ils accueillent régulièrement un chef machiniste dans le cinéma qui construit des rampes de travelling, des fixations et des éléments pour la sécurité des tournages… <em>« Mais il a sa propre entreprise, il est donc assuré. Pour le reste, nous avons un problème de mise aux normes. »</em> Pour organiser des stages et des ateliers auprès de non-professionnels, il faudrait en effet réaliser d'importants travaux, coûteux, impossibles à supporter pour le moment. Pour autant, les deux « architectes-artisans » n'abandonnent pas totalement l'idée. <em>« Il y a beaucoup de personnes ici qui savent faire beaucoup de choses et avec qui on aimerait collaborer, sur des projets ponctuels. »</em><br />Leur problématique du moment : <em>« Qu'est-ce qu'on va faire de notre métier ? »</em> sourit Pierre. Autrement dit : comment valoriser au mieux leur double savoir-faire ? Inventer son propre métier ? Indépendamment d'Egoïne, ils s'apprêtent à créer une agence d'architectes pas tout à fait comme les autres donc, en attendant de trouver peut-être une solution pour partager avec le plus grand nombre le fruit de leurs expériences.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Les Ateliers Reliés, coopérative des artisans du bois, à Concoret dans le Morbihan : <a href="http://lesateliersrelies.net/">http://lesateliersrelies.net/</a><br />(2) <a href="http://lesateliersrelies.net/?page_id=57">http://lesateliersrelies.net/?page_id=57</a><br />(3) La fantasy : genre littéraire qui mêle, dans une atmosphère d’épopée, les mythes, les légendes et les thèmes du fantastique et du merveilleux (source : dictionnaire Larousse).<br />(4) Autre exemple d'architectes-artisans ou architectes-ouvriers : Cigüe à Montreuil. <a href="http://cigue.net/wp-content/uploads/2014/04/120600-intramuros-32-33_profils.pdf">http://cigue.net/wp-content/uploads/2014/04/120600-intramuros-32-33_profils.pdf</a></span></p>
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<h3 class="panel-title">Pratique</h3>
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<li><strong>Atelier Sidero - forge partagée à Humbligny : </strong>06.66.82.73.17.</li>
<li><strong>Egoïne à Henrichemont : </strong><a href="https://www.egoine.fr/">https://www.egoine.fr/</a></li>
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