# 33 Terre d'inconnu (février 2020) (Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale. http://www.rebonds.net/33terredinconnu 2023-05-11T19:00:41+02:00 (Re)bonds.net Joomla! - Open Source Content Management (Toujours) moins d'humanité, (toujours) plus de fermeté 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/33terredinconnu/569-toujoursmoinsdhumanitetoujoursplusdefermete Super User <p><strong>Le 21 janvier dernier, la Direction Générale des Etrangers en France (DGEF), rattachée au ministère de l'Intérieur, publiait les statistiques annuelles en matière d'immigration, d'asile et d'acquisition de la nationalité française. Au même moment, la Cimade mettait en ligne un article éclairant ces données froides&nbsp;: les expulsions augmentent, la répression se durcit et les enfants font partie des cibles...</strong></p> <p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Les chiffres officiels</span></strong></p> <p>Les données communiquées sont des données provisoires qui seront consolidées au cours des prochaines semaines. Mais elles donnent déjà un aperçu de la tendance&nbsp;: une augmentation du nombre de demandeurs d'asile, mais aussi du nombre d'expulsions, appelées ici <em>«&nbsp;mesures d'éloignement forcé&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.</p> <p><strong>Les visas</strong><br />La délivrance de visas est en légère baisse en 2019 (- 1 %), avec un total de 3.534.996 visas délivrés. <br />Les étudiants constituent le premier flux migratoire (+ 9,3 %), soit près de 91.500 titres délivrés. Ils devancent pour la première fois l’immigration familiale qui recule de 2,5 % (avec 88.778 premiers titres délivrés).<br />Viennent ensuite les premiers titres pour motif économique (salariés, scientifiques, artistes...)&nbsp;: 38.850, soit une hausse de 15,3 %.<br />On dénombre près de 32.300 titres de séjour « passeport talent » <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.<br />Après un repli en 2018, les premiers titres humanitaires sont en hausse (+ 9,1 %) avec 38.157 titres.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_de_séjour.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_de_séjour.jpeg" alt="carte de séjour" width="335" height="200" style="border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><strong>Les demandes d'asile</strong><br />En 2019, 132.614 demandes ont été déposées auprès de l’OFPRA (Office Français pour la Protection des Réfugiés et Apatrides), soit 7,3 % de plus qu’en 2018.<br />Les primo-demandeurs d’asile viennent majoritairement d'Afghanistan, de Guinée, de Géorgie, d'Albanie et du Bangladesh.</p> <p>L’OFPRA a rendu plus de 95.500 décisions.<br />Le nombre de personnes qui ont obtenu le statut de réfugiés ou la protection subsidiaire s’élève à 36.512, soit une augmentation de 9,5 % par rapport à 2018. Le taux de protection à l’OFPRA diminue, tandis que le taux d’admission finale au statut, après prise en compte des décisions de la CNDA (Cour Nationale du Droit d'Asile), est en augmentation.</p> <p><strong>Les expulsions</strong><br />Au total, plus de 31.400 étrangers en situation irrégulière ont quitté le territoire national en 2019 (éloignements, départs volontaires et départs spontanés), soit un niveau supérieur de 3,7 % à celui de 2018.</p> <p>Le total des éloignements d’étrangers en situation irrégulière est en hausse de 19 % par rapport à 2018, soit 23.746 (contre 19.957 en 2018).<br />Les retours forcés augmentent de 24,7 % et s’établissent à 8.858, ce qui constitue leur plus haut niveau depuis 2010. Les éloignements aidés progressent eux aussi fortement (+ 33,2 %).</p> <p><strong>L'obtention de la nationalité française</strong><br />En 2019, 74.933 personnes ont obtenu la nationalité française&nbsp;: 49.671 par décret (- 11 %) et 25.262 par déclarations comme les mariages (+ 20,23 %).</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">L'analyse de La Cimade</span></strong></span></p> <p>Pour La Cimade, la réalité des chiffres masque la réalité sur le terrain. L'association vient en aide aux réfugiés et aux migrants depuis 80 ans. Elle organise des permanences, propose des places dans ses centres d'hébergement, et intervient directement dans huit centres de rétention et 75 établissements pénitentiaires. Elle réalise aussi un travail d'information et de sensiblisation de la population, et de propositions auprès des pouvoirs publics.</p> <p>Selon elle, les données publiées par le ministère de l'Intérieur occultent les expulsions réalisées depuis les départements ultramarins comme la Guyane, la Guadeloupe ou Mayotte.<em> «&nbsp;En 2019, 27.000 expulsions ont été exécutées depuis Mayotte avec des violations massives des droits (parents d’enfants français renvoyés de force aux Comores, familles séparées, enfants enfermés et expulsés illégalement)&nbsp;»</em>, écrit ainsi l'association dans un article publié sur son site <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>.</p> <p>Pour «&nbsp;préparer les expulsions&nbsp;», les pouvoirs publics multiplient les assignations à résidence. Après leur interpellation, les personnes sont enfermées en rétention. Les plus réticentes face à un renvoi forcé sont de plus en plus souvent expédiées en prison.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/lacimade-couleur.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/lacimade-couleur.jpg" alt="lacimade couleur" width="312" height="121" style="border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>L'enfermement dans les Centres de Rétention Administrative (CRA) a augmenté de 37&nbsp;% depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir (+ 8&nbsp;% entre 2018 et 2019). Suite à l'adoption de la loi dite Collomb de septembre 2018 <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, la durée maximale d'enfermement a doublé, passant à 90 jours. Une mesure inutile, puisque 91&nbsp;% des expulsions sont réalisées avant 45 jours. Cette période supplémentaire ne fait qu'accroître les souffrances des retenu·es, et créer des tensions et des violences.<em> «&nbsp;Les personnes dublinées vers un pays européen représentent 21 % des personnes expulsées depuis les CRA où intervient La Cimade,</em> peut-on encore lire dans l'article. <em>Les deux tiers sont expulsés dès les premiers jours de la rétention. Leur enfermement n’est organisé que pour des raisons logistiques et devrait être évité.&nbsp;»</em> Fait inédit et dramatique&nbsp;: en 2019, trois personnes sont décédées en rétention.</p> <p>L'association dénonce aussi le sort réservé aux enfants&nbsp;:<em> «&nbsp;En 2018, 86 enfants avaient été enfermés dans les CRA où La Cimade intervient. En 2019, 135 ont subi ce traumatisme. À Mayotte, des milliers d'enfants sont enfermés chaque année&nbsp;»</em>.</p> <p>Depuis décembre 2003, la France est dotée d'une liste de «&nbsp;pays d'origine sûrs&nbsp;», qui permet aux autorités d'organiser des expulsions directes (pour les non dublinés, c'est-à-dire ceux et celles qui n'ont pas été enregistré·es dans un pays de l'Union européenne avant leur arrivée en France). La Cimade relève qu'en 2019, <em>«&nbsp;les autorités françaises ont multiplié les initiatives pour expulser vers des pays comme l’Afghanistan, le Soudan, l’Iran, l’Irak et même l’Érythrée&nbsp;»</em>, qui sont pourtant loin d'être des pays sûrs…</p> <p>La Cimade multiplie les actions et les pétitions pour demander au gouvernement de mettre un terme à une politique d’expulsion vers des pays où les personnes sont gravement mises en danger. Sans succès. Dans un article paru le 6 février dernier, l'association écrit&nbsp;:<em> «&nbsp;Si cette politique interpelle, sa mise en œuvre par l’administration est pleinement assumée par le ministère de l’Intérieur, tant en amont de ces expulsions, par l’absence de consigne donnée aux préfets pour les proscrire, qu’en aval, lorsque ce même ministère n’y met pas un terme alors qu’il est directement interpellé sur ces graves situations.&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"></span></p> <p></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span><span style="font-size: 8pt;">(1) L'ensemble des données sont consultables sur <a href="http://www.immigration.interieur.gouv.fr">www.immigration.interieur.gouv.fr</a>. Voir aussi l'infographie du site Infomigrants.net : <a href="https://www.infomigrants.net/fr/post/22281/en-chiffres-les-dernieres-evolutions-de-l-immigration-en-france-en-2019">https://www.infomigrants.net/fr/post/22281/en-chiffres-les-dernieres-evolutions-de-l-immigration-en-france-en-2019</a><br />(2) Créé en mars 2016, le passeport talent vise à attirer les étrangers qualifiés, notamment dans les secteurs économiques tendus.<br />(3) <a href="https://www.lacimade.org/une-politique-dexpulsion-de-plus-en-plus-repressive/">https://www.lacimade.org/une-politique-dexpulsion-de-plus-en-plus-repressive/</a><br />(4) Loi du 10 septembre 2018 adoptée par l'Assemblée nationale le 1er août 2018, «&nbsp;Pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie&nbsp;». Elle a notamment&nbsp;: réduit le délai pour déposer une demande d'asile (de 120 à 90 jours)&nbsp;; réduit le délai de recours en cas de refus d'une demande d'asile (15 jours)&nbsp;; augmenté la durée maximale de rétention y compris pour les enfants accompagnants (de 45 à 90 jours)&nbsp;; limiter le droit du sol à Mayotte…<br />(5) <a href="https://www.lacimade.org/expulsions-vers-des-pays-a-risques-la-france-toujours-plus-inhumaine-2/">https://www.lacimade.org/expulsions-vers-des-pays-a-risques-la-france-toujours-plus-inhumaine-2/</a></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title"><span style="background-color: #ff615d;">Contre le fichage des mineur·es non accompagné·es</span></h3> </div> <ul> <li><span style="background-color: #ff615d;">La Cimade fait partie des associations et des organisations qui ont récemment dénoncé la décision du Conseil d’État de rejeter leur recours contre le décret du 30 janvier 2019 sur le fichier d’Appui à l’Evaluation de la Minorité (AEM). Elles considèrent que ce fichier porte atteinte aux droits des mineur·es migrant ·es non accompagné·es et fait ainsi passer la lutte contre l’immigration irrégulière au-dessus des droits de l'enfant.</span><br /><br /><span style="background-color: #ff615d;">Lorsqu'un·e mineur·e étranger·e non accompagné·e entre sur le territoire français, une procédure vise à s'assurer qu'il·le est bien mineur·e et qu'il·le peut ainsi bénéficier de mesures de protection spécifiques. S'il·le est à Paris, il·le doit s'adresser au DEMIE (Dispositif d'Evaluation des Mineurs Isolés Etrangers). S'il·le est en Province, il·le doit s'adresser à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), un service du Conseil départemental. En vertu des lois européennes et de la Convention internationale des droits de l'enfant,<em> «&nbsp;un mineur est un enfant avant d'être un migrant&nbsp;»</em>. A ce titre, il a le droit d'entrer dans le dispositif français de protection de l’enfance. </span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Mais depuis le début de l'année 2019, les mineur·es doivent aussi se rendre à la préfecture pour un relevé d'empreintes que l’État enregistre dans un fichier centralisé. Cette nouvelle disposition vise à éviter que les mineur·es changent de département lorsque leur minorité leur est refusée.</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Celle-ci est établie après un entretien d'évaluation passée au DEMIE ou à l'ASE. Il s'agit pour l'enfant de présenter ses papiers s'il·le en a, de raconter son histoire, de fournir tous les éléments susceptibles de prouver sa minorité et son isolement.</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">S'il·le est débouté·e, il·le pourra déposer un recours auprès d'un juge pour enfants, qui peut prendre de un à quatorze mois pour statuer (en moyenne, trois mois).</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Une fois reconnu·e mineur·e, l'enfant n'est pas expulsable, mais il·le doit rapidement déposer une demande d'asile car à sa majorité, il·le perdra tous ses droits.</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">S' il·le n'est pas reconnu·e mineur·e, il·le entrera dans la procédure classique pour adulte.</span><br /><br /><span style="background-color: #ff615d;">Problème du décret du 30 janvier 2019&nbsp;: il offre<em> « la possibilité [à] l’administration d’expulser un∙e jeune qui demande protection en raison de sa minorité et de son isolement dès lors qu’un département l’a considéré⋅e comme majeur⋅e, le plus souvent à l’issue d’une procédure d’évaluation sommaire fondée sur des critères subjectifs, </em>s'insurgent les associations de défense des réfugiés et migrants<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span><em>. Et peu importe au Conseil d’État que le ou la jeune n’ait pas pu exercer de recours devant le juge des enfants. On sait pourtant que – dans certains départements – la moitié des mineur∙es qui saisissent ce juge voient finalement leur minorité reconnue.&nbsp;»</em></span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Les organisations constatent que dans de nombreux territoires l’application du décret a pour effet de laisser à la rue des enfants en demande de protection pendant toute la procédure en préfecture.<em> «&nbsp;Alors qu’environ 70 départements mettent déjà en œuvre ce dispositif et qu’un mécanisme d’incitation financière a été annoncé par le premier ministre, nos organisations sont extrêmement inquiètes du sort réservé à ces enfants en situation de grande vulnérabilité. Nous constatons qu’ils sont de moins en moins nombreux·ses à se rendre dans nos permanences. Globalement, leur état de santé se dégrade et les suspicions de cas d’exploitation augmentent. Autant de signes qui confirment nos craintes que ces enfants et adolescent·es, dissuadé·es de demander une protection par un tel dispositif, restent exposé·es à tous les dangers. Nos organisations persistent à demander le retrait de ce décret et appellent tous les départements, chefs de file de la protection de l’enfance, à renoncer à participer à ce dispositif.&nbsp;»</em></span><br /><br /><span style="font-size: 8pt; background-color: #ff615d; color: #ffffff;">(1) <a href="https://www.gisti.org/spip.php?article6309" style="background-color: #ff615d; color: #ffffff;">https://www.gisti.org/spip.php?article6309</a></span></li> </ul> <p><strong>Le 21 janvier dernier, la Direction Générale des Etrangers en France (DGEF), rattachée au ministère de l'Intérieur, publiait les statistiques annuelles en matière d'immigration, d'asile et d'acquisition de la nationalité française. Au même moment, la Cimade mettait en ligne un article éclairant ces données froides&nbsp;: les expulsions augmentent, la répression se durcit et les enfants font partie des cibles...</strong></p> <p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Les chiffres officiels</span></strong></p> <p>Les données communiquées sont des données provisoires qui seront consolidées au cours des prochaines semaines. Mais elles donnent déjà un aperçu de la tendance&nbsp;: une augmentation du nombre de demandeurs d'asile, mais aussi du nombre d'expulsions, appelées ici <em>«&nbsp;mesures d'éloignement forcé&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.</p> <p><strong>Les visas</strong><br />La délivrance de visas est en légère baisse en 2019 (- 1 %), avec un total de 3.534.996 visas délivrés. <br />Les étudiants constituent le premier flux migratoire (+ 9,3 %), soit près de 91.500 titres délivrés. Ils devancent pour la première fois l’immigration familiale qui recule de 2,5 % (avec 88.778 premiers titres délivrés).<br />Viennent ensuite les premiers titres pour motif économique (salariés, scientifiques, artistes...)&nbsp;: 38.850, soit une hausse de 15,3 %.<br />On dénombre près de 32.300 titres de séjour « passeport talent » <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.<br />Après un repli en 2018, les premiers titres humanitaires sont en hausse (+ 9,1 %) avec 38.157 titres.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_de_séjour.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_de_séjour.jpeg" alt="carte de séjour" width="335" height="200" style="border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><strong>Les demandes d'asile</strong><br />En 2019, 132.614 demandes ont été déposées auprès de l’OFPRA (Office Français pour la Protection des Réfugiés et Apatrides), soit 7,3 % de plus qu’en 2018.<br />Les primo-demandeurs d’asile viennent majoritairement d'Afghanistan, de Guinée, de Géorgie, d'Albanie et du Bangladesh.</p> <p>L’OFPRA a rendu plus de 95.500 décisions.<br />Le nombre de personnes qui ont obtenu le statut de réfugiés ou la protection subsidiaire s’élève à 36.512, soit une augmentation de 9,5 % par rapport à 2018. Le taux de protection à l’OFPRA diminue, tandis que le taux d’admission finale au statut, après prise en compte des décisions de la CNDA (Cour Nationale du Droit d'Asile), est en augmentation.</p> <p><strong>Les expulsions</strong><br />Au total, plus de 31.400 étrangers en situation irrégulière ont quitté le territoire national en 2019 (éloignements, départs volontaires et départs spontanés), soit un niveau supérieur de 3,7 % à celui de 2018.</p> <p>Le total des éloignements d’étrangers en situation irrégulière est en hausse de 19 % par rapport à 2018, soit 23.746 (contre 19.957 en 2018).<br />Les retours forcés augmentent de 24,7 % et s’établissent à 8.858, ce qui constitue leur plus haut niveau depuis 2010. Les éloignements aidés progressent eux aussi fortement (+ 33,2 %).</p> <p><strong>L'obtention de la nationalité française</strong><br />En 2019, 74.933 personnes ont obtenu la nationalité française&nbsp;: 49.671 par décret (- 11 %) et 25.262 par déclarations comme les mariages (+ 20,23 %).</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">L'analyse de La Cimade</span></strong></span></p> <p>Pour La Cimade, la réalité des chiffres masque la réalité sur le terrain. L'association vient en aide aux réfugiés et aux migrants depuis 80 ans. Elle organise des permanences, propose des places dans ses centres d'hébergement, et intervient directement dans huit centres de rétention et 75 établissements pénitentiaires. Elle réalise aussi un travail d'information et de sensiblisation de la population, et de propositions auprès des pouvoirs publics.</p> <p>Selon elle, les données publiées par le ministère de l'Intérieur occultent les expulsions réalisées depuis les départements ultramarins comme la Guyane, la Guadeloupe ou Mayotte.<em> «&nbsp;En 2019, 27.000 expulsions ont été exécutées depuis Mayotte avec des violations massives des droits (parents d’enfants français renvoyés de force aux Comores, familles séparées, enfants enfermés et expulsés illégalement)&nbsp;»</em>, écrit ainsi l'association dans un article publié sur son site <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>.</p> <p>Pour «&nbsp;préparer les expulsions&nbsp;», les pouvoirs publics multiplient les assignations à résidence. Après leur interpellation, les personnes sont enfermées en rétention. Les plus réticentes face à un renvoi forcé sont de plus en plus souvent expédiées en prison.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/lacimade-couleur.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/lacimade-couleur.jpg" alt="lacimade couleur" width="312" height="121" style="border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>L'enfermement dans les Centres de Rétention Administrative (CRA) a augmenté de 37&nbsp;% depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir (+ 8&nbsp;% entre 2018 et 2019). Suite à l'adoption de la loi dite Collomb de septembre 2018 <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, la durée maximale d'enfermement a doublé, passant à 90 jours. Une mesure inutile, puisque 91&nbsp;% des expulsions sont réalisées avant 45 jours. Cette période supplémentaire ne fait qu'accroître les souffrances des retenu·es, et créer des tensions et des violences.<em> «&nbsp;Les personnes dublinées vers un pays européen représentent 21 % des personnes expulsées depuis les CRA où intervient La Cimade,</em> peut-on encore lire dans l'article. <em>Les deux tiers sont expulsés dès les premiers jours de la rétention. Leur enfermement n’est organisé que pour des raisons logistiques et devrait être évité.&nbsp;»</em> Fait inédit et dramatique&nbsp;: en 2019, trois personnes sont décédées en rétention.</p> <p>L'association dénonce aussi le sort réservé aux enfants&nbsp;:<em> «&nbsp;En 2018, 86 enfants avaient été enfermés dans les CRA où La Cimade intervient. En 2019, 135 ont subi ce traumatisme. À Mayotte, des milliers d'enfants sont enfermés chaque année&nbsp;»</em>.</p> <p>Depuis décembre 2003, la France est dotée d'une liste de «&nbsp;pays d'origine sûrs&nbsp;», qui permet aux autorités d'organiser des expulsions directes (pour les non dublinés, c'est-à-dire ceux et celles qui n'ont pas été enregistré·es dans un pays de l'Union européenne avant leur arrivée en France). La Cimade relève qu'en 2019, <em>«&nbsp;les autorités françaises ont multiplié les initiatives pour expulser vers des pays comme l’Afghanistan, le Soudan, l’Iran, l’Irak et même l’Érythrée&nbsp;»</em>, qui sont pourtant loin d'être des pays sûrs…</p> <p>La Cimade multiplie les actions et les pétitions pour demander au gouvernement de mettre un terme à une politique d’expulsion vers des pays où les personnes sont gravement mises en danger. Sans succès. Dans un article paru le 6 février dernier, l'association écrit&nbsp;:<em> «&nbsp;Si cette politique interpelle, sa mise en œuvre par l’administration est pleinement assumée par le ministère de l’Intérieur, tant en amont de ces expulsions, par l’absence de consigne donnée aux préfets pour les proscrire, qu’en aval, lorsque ce même ministère n’y met pas un terme alors qu’il est directement interpellé sur ces graves situations.&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"></span></p> <p></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span><span style="font-size: 8pt;">(1) L'ensemble des données sont consultables sur <a href="http://www.immigration.interieur.gouv.fr">www.immigration.interieur.gouv.fr</a>. Voir aussi l'infographie du site Infomigrants.net : <a href="https://www.infomigrants.net/fr/post/22281/en-chiffres-les-dernieres-evolutions-de-l-immigration-en-france-en-2019">https://www.infomigrants.net/fr/post/22281/en-chiffres-les-dernieres-evolutions-de-l-immigration-en-france-en-2019</a><br />(2) Créé en mars 2016, le passeport talent vise à attirer les étrangers qualifiés, notamment dans les secteurs économiques tendus.<br />(3) <a href="https://www.lacimade.org/une-politique-dexpulsion-de-plus-en-plus-repressive/">https://www.lacimade.org/une-politique-dexpulsion-de-plus-en-plus-repressive/</a><br />(4) Loi du 10 septembre 2018 adoptée par l'Assemblée nationale le 1er août 2018, «&nbsp;Pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie&nbsp;». Elle a notamment&nbsp;: réduit le délai pour déposer une demande d'asile (de 120 à 90 jours)&nbsp;; réduit le délai de recours en cas de refus d'une demande d'asile (15 jours)&nbsp;; augmenté la durée maximale de rétention y compris pour les enfants accompagnants (de 45 à 90 jours)&nbsp;; limiter le droit du sol à Mayotte…<br />(5) <a href="https://www.lacimade.org/expulsions-vers-des-pays-a-risques-la-france-toujours-plus-inhumaine-2/">https://www.lacimade.org/expulsions-vers-des-pays-a-risques-la-france-toujours-plus-inhumaine-2/</a></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title"><span style="background-color: #ff615d;">Contre le fichage des mineur·es non accompagné·es</span></h3> </div> <ul> <li><span style="background-color: #ff615d;">La Cimade fait partie des associations et des organisations qui ont récemment dénoncé la décision du Conseil d’État de rejeter leur recours contre le décret du 30 janvier 2019 sur le fichier d’Appui à l’Evaluation de la Minorité (AEM). Elles considèrent que ce fichier porte atteinte aux droits des mineur·es migrant ·es non accompagné·es et fait ainsi passer la lutte contre l’immigration irrégulière au-dessus des droits de l'enfant.</span><br /><br /><span style="background-color: #ff615d;">Lorsqu'un·e mineur·e étranger·e non accompagné·e entre sur le territoire français, une procédure vise à s'assurer qu'il·le est bien mineur·e et qu'il·le peut ainsi bénéficier de mesures de protection spécifiques. S'il·le est à Paris, il·le doit s'adresser au DEMIE (Dispositif d'Evaluation des Mineurs Isolés Etrangers). S'il·le est en Province, il·le doit s'adresser à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), un service du Conseil départemental. En vertu des lois européennes et de la Convention internationale des droits de l'enfant,<em> «&nbsp;un mineur est un enfant avant d'être un migrant&nbsp;»</em>. A ce titre, il a le droit d'entrer dans le dispositif français de protection de l’enfance. </span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Mais depuis le début de l'année 2019, les mineur·es doivent aussi se rendre à la préfecture pour un relevé d'empreintes que l’État enregistre dans un fichier centralisé. Cette nouvelle disposition vise à éviter que les mineur·es changent de département lorsque leur minorité leur est refusée.</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Celle-ci est établie après un entretien d'évaluation passée au DEMIE ou à l'ASE. Il s'agit pour l'enfant de présenter ses papiers s'il·le en a, de raconter son histoire, de fournir tous les éléments susceptibles de prouver sa minorité et son isolement.</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">S'il·le est débouté·e, il·le pourra déposer un recours auprès d'un juge pour enfants, qui peut prendre de un à quatorze mois pour statuer (en moyenne, trois mois).</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Une fois reconnu·e mineur·e, l'enfant n'est pas expulsable, mais il·le doit rapidement déposer une demande d'asile car à sa majorité, il·le perdra tous ses droits.</span><br /><span style="background-color: #ff615d;">S' il·le n'est pas reconnu·e mineur·e, il·le entrera dans la procédure classique pour adulte.</span><br /><br /><span style="background-color: #ff615d;">Problème du décret du 30 janvier 2019&nbsp;: il offre<em> « la possibilité [à] l’administration d’expulser un∙e jeune qui demande protection en raison de sa minorité et de son isolement dès lors qu’un département l’a considéré⋅e comme majeur⋅e, le plus souvent à l’issue d’une procédure d’évaluation sommaire fondée sur des critères subjectifs, </em>s'insurgent les associations de défense des réfugiés et migrants<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span><em>. Et peu importe au Conseil d’État que le ou la jeune n’ait pas pu exercer de recours devant le juge des enfants. On sait pourtant que – dans certains départements – la moitié des mineur∙es qui saisissent ce juge voient finalement leur minorité reconnue.&nbsp;»</em></span><br /><span style="background-color: #ff615d;">Les organisations constatent que dans de nombreux territoires l’application du décret a pour effet de laisser à la rue des enfants en demande de protection pendant toute la procédure en préfecture.<em> «&nbsp;Alors qu’environ 70 départements mettent déjà en œuvre ce dispositif et qu’un mécanisme d’incitation financière a été annoncé par le premier ministre, nos organisations sont extrêmement inquiètes du sort réservé à ces enfants en situation de grande vulnérabilité. Nous constatons qu’ils sont de moins en moins nombreux·ses à se rendre dans nos permanences. Globalement, leur état de santé se dégrade et les suspicions de cas d’exploitation augmentent. Autant de signes qui confirment nos craintes que ces enfants et adolescent·es, dissuadé·es de demander une protection par un tel dispositif, restent exposé·es à tous les dangers. Nos organisations persistent à demander le retrait de ce décret et appellent tous les départements, chefs de file de la protection de l’enfance, à renoncer à participer à ce dispositif.&nbsp;»</em></span><br /><br /><span style="font-size: 8pt; background-color: #ff615d; color: #ffffff;">(1) <a href="https://www.gisti.org/spip.php?article6309" style="background-color: #ff615d; color: #ffffff;">https://www.gisti.org/spip.php?article6309</a></span></li> </ul> La terre de personne ou la terre d'un autre ? 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/33terredinconnu/573-laterredepersonneoulaterredunautre Super User <p><strong>Mariana Lombard (Patagonie, Argentine) est une artiste visuelle, chercheuse et professeure, étudiante candidate au master en Arts électroniques (UNTREF). Elle s'est spécialisée dans la vidéo et les arts audiovisuels. Dans ses travaux récents, elle explore les différentes histoires de la terre construites sur chaque territoire, et qui donnent lieu à différentes manières de s'y rapporter et de reproduire la vie. Elle est actuellement accueillie à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts de Bourges&nbsp; (ENSA – Beaux Arts) où elle a animé un workshop autour de la notion de Terra Incognita (terre inconnue). Elle nous le raconte ici.</strong></p> <p>Qui terre a, poème a.</p> <p>Avec la dénomination « terre inconnue » (1), il a été indiqué sur les cartes, au fil du temps, la présence de lieux inconnus, ignorés, peu explorés, supposés, incroyables, projetés, recherchés, étrangers, désirés.</p> <p>Le workshop a repris ces idées de manière métaphorique et ouverte, proposant une série d'activités de groupe pour aborder ces terres avec sensibilité.</p> <p>L'invitation à ce voyage trouve son origine dans ma reconnaissance en tant qu'habitante de terres inconnues. Je suis née et j'ai grandi en Patagonie (Argentine), une région qui, sur de nombreuses cartes anciennes (et pas si anciennes), est restée vierge ou avec diverses inscriptions qui la désignaient comme une terre inconnue ou peu explorée.</p> <p>Au-delà de mon pays et de son histoire, nous interroger sur les façons d'enregistrer ou de raconter des terres inconnues nous a permis d'aborder les terres et les souvenirs de chacun des participants, ainsi que de réfléchir collectivement aux relations que nous créons avec les autres et avec nous-mêmes.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 12pt;">La limite</span></strong></span></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/1.JPG" alt="1" width="503" height="337" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p>Nous commençons le voyage vers les « terres inconnues » en les nommant dans une autre langue.<br />De l'espagnol au français. Du français à toutes les langues connues des étudiants.<br />Un premier exercice de traduction collective d'une liste de mots associés à l'idée de « terre inconnue » nous a permis de l'aborder avant de sortir à sa recherche.</p> <p><strong>Lo desconocido</strong><br />Incierto<br />Impensado<br />Inesperado <br />Lo Blanco<br />Recto<br />Abierto<br />Incompleto<br /><strong>Lo inexplorado : no visto, no conocido</strong><br />Al borde de lo imaginable<br />Ignorado<br />Lo que está más allá del horizonte<br />El abismo<br />Escurridizo<br />Supuesto<br />Plausible<br />Verosímil<br />Especular<br />Increíble<br />Esperado<br />Deseado<br />Anticipado<br />Buscado<br />Prometido<br /><strong>¿ Tierra de Nadie o Tierra del Otro ?</strong><br />Lo ajeno<br />Extraño<br />Extranjero<br />Diferente<br />Dónde lo propio se asoma a lo extranjero<br />La frontera<br />Del otro lado<br />El destierro<br /><strong>Lo poco o mal conocido</strong><br />Lejano<br />Separado<br />Aislado<br />Improductivo<br />Indeseado<br />Inútil<br />En tensión<br />Opacado o demasiado iluminado<br />Borrado<br />Eliminado<br />Tachado<br />Rescrito <br /><strong>La Paradoja : lo presente ausente</strong><br />El olvido<br />La sombra<br />El cero<br />El silencio<br />Ecos de voces sin cuerpo<br />La ausencia<br />El vacío<br />Lo invisible<br />Inmaterial<br />Presentido<br />Intuído<br />Inconsciente<br />Indecible<br />Intraducible<br />El miedo<br />La Soledad<br />La Oscuridad<br /><strong>La Nada</strong></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 12pt;">Le connu devient inconnu</span></strong></span></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/3.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/3.JPG" alt="3" width="409" height="391" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><em>Y a-t-il des terres inconnues à Bourges ?</em><br /><em>Que prenons-nous comme point de référence pour tracer cette frontière entre le connu et l'inconnu ?</em></p> <p>L'activité suivante, réalisée en petits groupes, consistait à choisir un lieu connu et inconnu dans la ville même et à aller à la rencontre des deux expériences. À son retour, chaque groupe a développé différentes cartographies (visuelles et sonores) pour enregistrer ou raconter ce qui s'est passé au départ.</p> <p>De cette façon, le plan de la ville a été transformé en un espace actif et une image qui pourrait également accueillir des incertitudes et des questions sur l'inconnu. Un exercice pour reconnaître les espaces habituels (et moins fréquentés) en essayant de désactiver les modes de connaissance courants. Une invitation à marcher en groupe, avec des collègues peu connus ou directement inconnus.<br />Trouvez les frontières ensemble. Parcourez-les. Créez des ponts au-delà d'eux afin que d'autres puissent également traverser.</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;">Représenter l'inconnu. Un défi pour l'imagination.</span></strong><br /><br />Des inconnus peuvent être imaginés, mais pas entièrement compris ou expliqués. C'est pourquoi l'imagination est la meilleure aide pour pouvoir transférer votre image vers la réalité.</p> <p>La deuxième journée de travail a été consacrée à l'élaboration collective d'un livre textile de terres inconnues. Chaque étudiant a écrit un texte sur une terre inconnue qui a trouvé son image grâce à l'aide d'un autre étudiant qui était chargé de faire la cartographie sur tissu, broderie et couture.</p> <p>La matérialité textile a la bonté de présenter deux faces pour un même dessin. Tout comme le connu et l'inconnu ne peuvent être séparés et sont complémentaires dans notre expérience du monde, dans notre livre nous avons un recto et un verso pour chaque cartographie.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/4.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/4.JPG" alt="4" width="502" height="336" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/5.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/5.JPG" alt="5" width="422" height="282" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/8.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/8.JPG" alt="8" width="572" height="383" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/9.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/9.JPG" alt="9" width="548" height="367" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/10.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/10.JPG" alt="10" width="423" height="284" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"></span></p> <p><strong><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;">Habitants de l'inconnu. Partager le silence.</span></strong></p> <p>Les terres inconnues représentent une limite et un défi pour la connaissance des lieux. De même, nous pourrions considérer les autres comme des terres inconnues.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/11.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/11.jpg" alt="11" width="458" height="287" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p>La proposition de la dernière journée de travail consistait en un exercice de performance d'écoute et de perception de l'altérité. Deux par deux, assis l'un en face de l'autre, les étudiants ont fait l'exercice d'écoute à l'aide de microphones pour amplifier les sons de leur respiration. Habiter le paradoxe de percevoir les sons intimes en s'éloignant, de partager la complicité d'un silence impossible.</p> <p>Merci aux étudiants pour la confiance qu'ils m'ont accordée.</p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Ce workshop a été inspiré par les idées présentes dans le livre de Carla Lois «&nbsp;Terrae Incognitae&nbsp;: Modos de pensar y marear geografías desconocidas&nbsp;», Buenos Aires, éditions Eudeba, 2018.</span></p> <p><strong>Mariana Lombard (Patagonie, Argentine) est une artiste visuelle, chercheuse et professeure, étudiante candidate au master en Arts électroniques (UNTREF). Elle s'est spécialisée dans la vidéo et les arts audiovisuels. Dans ses travaux récents, elle explore les différentes histoires de la terre construites sur chaque territoire, et qui donnent lieu à différentes manières de s'y rapporter et de reproduire la vie. Elle est actuellement accueillie à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts de Bourges&nbsp; (ENSA – Beaux Arts) où elle a animé un workshop autour de la notion de Terra Incognita (terre inconnue). Elle nous le raconte ici.</strong></p> <p>Qui terre a, poème a.</p> <p>Avec la dénomination « terre inconnue » (1), il a été indiqué sur les cartes, au fil du temps, la présence de lieux inconnus, ignorés, peu explorés, supposés, incroyables, projetés, recherchés, étrangers, désirés.</p> <p>Le workshop a repris ces idées de manière métaphorique et ouverte, proposant une série d'activités de groupe pour aborder ces terres avec sensibilité.</p> <p>L'invitation à ce voyage trouve son origine dans ma reconnaissance en tant qu'habitante de terres inconnues. Je suis née et j'ai grandi en Patagonie (Argentine), une région qui, sur de nombreuses cartes anciennes (et pas si anciennes), est restée vierge ou avec diverses inscriptions qui la désignaient comme une terre inconnue ou peu explorée.</p> <p>Au-delà de mon pays et de son histoire, nous interroger sur les façons d'enregistrer ou de raconter des terres inconnues nous a permis d'aborder les terres et les souvenirs de chacun des participants, ainsi que de réfléchir collectivement aux relations que nous créons avec les autres et avec nous-mêmes.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 12pt;">La limite</span></strong></span></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/1.JPG" alt="1" width="503" height="337" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p>Nous commençons le voyage vers les « terres inconnues » en les nommant dans une autre langue.<br />De l'espagnol au français. Du français à toutes les langues connues des étudiants.<br />Un premier exercice de traduction collective d'une liste de mots associés à l'idée de « terre inconnue » nous a permis de l'aborder avant de sortir à sa recherche.</p> <p><strong>Lo desconocido</strong><br />Incierto<br />Impensado<br />Inesperado <br />Lo Blanco<br />Recto<br />Abierto<br />Incompleto<br /><strong>Lo inexplorado : no visto, no conocido</strong><br />Al borde de lo imaginable<br />Ignorado<br />Lo que está más allá del horizonte<br />El abismo<br />Escurridizo<br />Supuesto<br />Plausible<br />Verosímil<br />Especular<br />Increíble<br />Esperado<br />Deseado<br />Anticipado<br />Buscado<br />Prometido<br /><strong>¿ Tierra de Nadie o Tierra del Otro ?</strong><br />Lo ajeno<br />Extraño<br />Extranjero<br />Diferente<br />Dónde lo propio se asoma a lo extranjero<br />La frontera<br />Del otro lado<br />El destierro<br /><strong>Lo poco o mal conocido</strong><br />Lejano<br />Separado<br />Aislado<br />Improductivo<br />Indeseado<br />Inútil<br />En tensión<br />Opacado o demasiado iluminado<br />Borrado<br />Eliminado<br />Tachado<br />Rescrito <br /><strong>La Paradoja : lo presente ausente</strong><br />El olvido<br />La sombra<br />El cero<br />El silencio<br />Ecos de voces sin cuerpo<br />La ausencia<br />El vacío<br />Lo invisible<br />Inmaterial<br />Presentido<br />Intuído<br />Inconsciente<br />Indecible<br />Intraducible<br />El miedo<br />La Soledad<br />La Oscuridad<br /><strong>La Nada</strong></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 12pt;">Le connu devient inconnu</span></strong></span></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/3.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/3.JPG" alt="3" width="409" height="391" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><em>Y a-t-il des terres inconnues à Bourges ?</em><br /><em>Que prenons-nous comme point de référence pour tracer cette frontière entre le connu et l'inconnu ?</em></p> <p>L'activité suivante, réalisée en petits groupes, consistait à choisir un lieu connu et inconnu dans la ville même et à aller à la rencontre des deux expériences. À son retour, chaque groupe a développé différentes cartographies (visuelles et sonores) pour enregistrer ou raconter ce qui s'est passé au départ.</p> <p>De cette façon, le plan de la ville a été transformé en un espace actif et une image qui pourrait également accueillir des incertitudes et des questions sur l'inconnu. Un exercice pour reconnaître les espaces habituels (et moins fréquentés) en essayant de désactiver les modes de connaissance courants. Une invitation à marcher en groupe, avec des collègues peu connus ou directement inconnus.<br />Trouvez les frontières ensemble. Parcourez-les. Créez des ponts au-delà d'eux afin que d'autres puissent également traverser.</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;">Représenter l'inconnu. Un défi pour l'imagination.</span></strong><br /><br />Des inconnus peuvent être imaginés, mais pas entièrement compris ou expliqués. C'est pourquoi l'imagination est la meilleure aide pour pouvoir transférer votre image vers la réalité.</p> <p>La deuxième journée de travail a été consacrée à l'élaboration collective d'un livre textile de terres inconnues. Chaque étudiant a écrit un texte sur une terre inconnue qui a trouvé son image grâce à l'aide d'un autre étudiant qui était chargé de faire la cartographie sur tissu, broderie et couture.</p> <p>La matérialité textile a la bonté de présenter deux faces pour un même dessin. Tout comme le connu et l'inconnu ne peuvent être séparés et sont complémentaires dans notre expérience du monde, dans notre livre nous avons un recto et un verso pour chaque cartographie.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/4.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/4.JPG" alt="4" width="502" height="336" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/5.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/5.JPG" alt="5" width="422" height="282" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/8.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/8.JPG" alt="8" width="572" height="383" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/9.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/9.JPG" alt="9" width="548" height="367" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/10.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/10.JPG" alt="10" width="423" height="284" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"></span></p> <p><strong><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;">Habitants de l'inconnu. Partager le silence.</span></strong></p> <p>Les terres inconnues représentent une limite et un défi pour la connaissance des lieux. De même, nous pourrions considérer les autres comme des terres inconnues.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/11.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Mariana Lombard"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/11.jpg" alt="11" width="458" height="287" style="margin-left: auto; border: 2px double #e2e2e2; display: block; margin-right: auto;" /></a></p> <p>La proposition de la dernière journée de travail consistait en un exercice de performance d'écoute et de perception de l'altérité. Deux par deux, assis l'un en face de l'autre, les étudiants ont fait l'exercice d'écoute à l'aide de microphones pour amplifier les sons de leur respiration. Habiter le paradoxe de percevoir les sons intimes en s'éloignant, de partager la complicité d'un silence impossible.</p> <p>Merci aux étudiants pour la confiance qu'ils m'ont accordée.</p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Ce workshop a été inspiré par les idées présentes dans le livre de Carla Lois «&nbsp;Terrae Incognitae&nbsp;: Modos de pensar y marear geografías desconocidas&nbsp;», Buenos Aires, éditions Eudeba, 2018.</span></p> Doro : de la Gambie à la France, par la route de l'Enfer 2017-03-21T12:54:42+01:00 2017-03-21T12:54:42+01:00 http://www.rebonds.net/33terredinconnu/568-dorodelagambiealafranceparlaroutedelenfer Super User <p style="text-align: right;"><strong><em>«&nbsp;Le réel exil commence lorsque le présent est confisqué. Quand on est condamné à rêver le temps d'avant et attendre l'avenir.&nbsp;»</em> Chawki Abdelamir</strong></p> <p><span style="font-size: 18pt;">A</span> le lire, on pourrait croire à un récit initiatique. <em>«&nbsp;Un jeune homme qui s'appelle Doro, très intelligent, silencieux, gentil et très beau&nbsp;»</em> est forcé de quitter son village après un drame.</p> <p>Son chemin est semé d'obstacles qu'il parvient toutefois à franchir les uns après les autres. Grâce à son courage, sa chance et sa foi, il survit aux pires épreuves&nbsp;: la solitude, la faim, la soif, la torture, la folie… Il a peur, doute et souffre. Il se réjouit et espère aussi&nbsp;: il veut croire que tout ce qui est sur sa route a été placé là pour qu'il apprenne, et fasse de lui un homme meilleur.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_histoire.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_histoire.JPG" alt="doro histoire" width="481" height="361" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Ainsi, à l'écrit, Doro raconte son parcours de la Gambie à la France, en passant notamment par la Libye, dans un style qui rappelle les histoires transmises par les griots africains. Il en est le personnage principal, le héros. Si les faits sont bien réels, certaines scènes peuvent paraître surréalistes, mais elles sont en fait (soigneusement ou inconsciemment) construites dans un souci de pédagogie. <br />Car Doro n'adresse pas seulement son histoire à ceux et celles qui l'ont accueilli, Occidentaux dont les yeux doivent être et rester ouverts. Mais aussi <em>«&nbsp;aux enfants d'Afrique&nbsp;»</em>, pour <em>«&nbsp;qu'ils sachent quelle est cette route&nbsp;»</em> et<em> «&nbsp;ce qu'est l'enfer&nbsp;»</em>.</p> <p>J'ai souhaité raconter cette histoire pour poursuivre l'échange entamé il y a près de trois ans avec les demandeurs d'asile et les réfugiés vivant notamment à Bourges <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>&nbsp;; pour continuer à leur faire une place, à leur donner la parole, à les visibiliser.<br />Avec Doro, il me fallait faire un choix&nbsp;: transmettre le fruit de nos échanges oraux, en y introduisant mes propres connaissances, pensées, émotions, images&nbsp;; ou adapter son récit calligraphié pour le rendre plus conforme à un compte-rendu journalistique&nbsp;; ou encore utiliser le texte brut, à peine corrigé, pour faire entendre sa voix, son parler.<br />Finalement, dans les passages que nous avons choisis de partager ici, j'ai tenté de conserver la langue et le style du récit initiatique. J'ai ajouté quelques éléments permettant une meilleure compréhension aux lecteurs occidentaux. J'en ai volontairement omis certains, afin de ne pas mettre en péril la vie de ses proches.</p> <p>Laissez-nous donc vous conter l'histoire de Doro, âgé de 30 ans, réfugié gambien vivant aujourd'hui à Bourges, dans le Centre de la France, au destin tourmenté mais qui survit fort de l'espoir de revoir un jour les siens.<span style="color: #fc615d;"> <br /></span></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></p> <h3>Devenir «&nbsp;quelqu'un de bien&nbsp;»</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></p> <p>Il y a longtemps, un jeune homme qui s'appelle Doro, très intelligent, silencieux, gentil et très beau, est né en Gambie<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span>, dans une famille composée d'un père et d'une mère. Il n'y a pas d'autres enfants dans le foyer, mais des oncles, des tantes, des cousins. Le père de Doro est un grand pêcheur.<br />Quelques années après la naissance de Doro, son père meurt dans un accident de voiture. L'enfant pense qu'il a été assassiné, mais n'en connaît pas la raison. Le jour de l'enterrement, la foule est venue en masse, pour saluer la mémoire de cet homme digne et brave, mais aussi pour savoir ce que l'enfant deviendrait sans son papa, qu'il aimait plus que tout au monde.<br />Après les funérailles, la maman de Doro l'emmène dans son propre village natal, Nettéboulou, au Sénégal.<br />Il se retrouve au milieu d'une grande famille&nbsp;: son grand-père maternel a marié trois femmes et toutes ont eu des enfants. Au village, tout le monde apprécie Doro mais dans la famille, certains le jalousent.</p> <p>Les enfants vont à l'école. Mais les oncles de Doro lui intiment l'ordre de garder les chèvres et les moutons dans les champs. Parfois, il laisse les animaux en brousse pour rejoindre ses cousins et leurs amis à la sortie de l'école, et jouer avec eux. De retour à la maison, ses oncles le punissent sévèrement et le frappent.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_gambie.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : afrique-planete.com"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_gambie.jpg" alt="carte gambie" width="597" height="318" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Malgré tout, l'enfant ne peut s'empêcher de quitter le troupeau. Il ne supporte pas de vivre sans compagnon et il est attiré vers l'école. Un jour, alors qu'il attend sur le seuil de la classe, le maître le remarque, se dirige vers lui et l'interroge. <em>«&nbsp;Qui es-tu&nbsp;? Pourquoi ne viens-tu pas étudier avec les autres&nbsp;?&nbsp;»</em> L'enfant lui explique sa situation. Le directeur est appelé. Quelle n'est pas sa surprise lorsque Doro répond à ses questions en français&nbsp;! <span style="font-size: 8pt;">(3)</span><br /><em>«&nbsp;Comment peux-tu ainsi parler français alors que tu n'es jamais allé à l'école&nbsp;?</em><br /><em>- Lorsque je viens attendre mes cousins et leurs amis, j'entends le maître enseigner et j'étudie en même temps.&nbsp;»</em><br />Le directeur décide de parler aux oncles. Il leur faut laisser le jeune homme être ce qu'il a mérité, être dans le futur quelqu'un de bien, avoir un avenir, avoir la chance d'étudier au village. Les études seront gratuites. Ils acceptent.</p> <p>De la première année jusqu'au certificat d'études, Doro n'a de cesse d'être le meilleur, souvent le premier de la classe.<br />Jusqu'ici, les enfants du village ne parvenaient pas à obtenir l'examen permettant d'entrer en 6e tout en décrochant une bourse. Les parents qui le pouvaient payaient des écoles privées.<br />En cette année 1999, Doro organise des groupes de travail pour les 48 enfants de CM2. Au final, 42 décrochent leur passage en 6e. Parce qu'il est classé parmi les meilleurs de la région, Doro obtient une aide du gouvernement pour poursuivre ses études jusqu'en Terminale, gratuitement. C'est ainsi qu'il quitte son village pour la région de Tambacounda au Sénégal. Il loge chez un oncle, sa femme et leurs deux enfants.</p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <h3>L'époque du «&nbsp;business&nbsp;»</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <p>Mais la jalousie refait son œuvre. Des disputes éclatent. L'enfant devenu un jeune homme est jeté dehors. Ses études s'arrêtent en Terminale. Il lui faut désormais travailler. Il décide alors de se rendre dans la ville natale de son père, Bassé, en Gambie, pour reprendre son métier&nbsp;: pêcheur. Il répare son vieux bateau et retrouve un ancien ami de son père, Samba, qui le prend sous son aile&nbsp;: durant un an, il lui apprend tout ce qu'il faut savoir pour voyager sur la mer et attraper de bons poissons.<br />Ils forment une équipe pour pêcher, puis vendre le poisson sur le port. Les pêches sont bonnes. L'argent commence à rentrer. Pas suffisamment toutefois pour avoir un toit au-dessus de la tête&nbsp;: Doro dort dans le bateau de son père. Il se sent seul, sa mère lui manque, l'école lui manque mais lorsqu'il se couche là, il sent la présence&nbsp;réconfortante de son père&nbsp;; il lui parle la nuit dans ses rêves.</p> <p>Doro veut s'agrandir. Il veut faire du «&nbsp;business&nbsp;». Il fait alors la connaissance d'un homme blanc venu de Belgique et ensemble, créent une compagnie de transport de poissons. Doro conduit et répare des véhicules frigorifiques qui emportent la marchandise vers des pays d'Afrique de l'Ouest qui n'ont pas de mer. Doro se marie et fonde une famille. Il achète une maison.</p> <p>Malheureusement, le «&nbsp;business&nbsp;» tourne au cauchemar. L'homme blanc est accusé de trafic et jeté en prison. Selon Doro, il s'agit d'un prétexte pour le gouvernement dictatorial de l'époque pour mettre la main sur l'entreprise et ses bénéfices. Sa maison, les véhicules de transport, ses comptes sont saisis. Il craint pour sa vie. Il décide de partir.</p> <p>Il se sent à nouveau perdu et abandonné. Il a envie de demander à son gouvernement&nbsp;:<em> «&nbsp;où vous étiez quand je me fatiguais à travailler&nbsp;? Où vous étiez quand je souffrais et dormais dehors&nbsp;? Où vous étiez quand je marchais du jour jusqu'à la nuit sans manger&nbsp;? Où vous étiez quand je rentrais dans l'eau de la mer pour attraper les poissons&nbsp;? Où vous étiez quand je passais des jours sans me laver et sans avoir d'habits corrects&nbsp;?&nbsp;»</em> Il a le sentiment que son avenir s'enfuit. Mais il sait qu'il ne peut rien contre son gouvernement.</p> <p><span style="color: #fc615d;">__________________________</span></p> <h3>Le début de l'exil</h3> <p><span style="color: #fc615d;">__________________________</span></p> <p>C'est auprès des membres de son équipage qu'il va trouver le réconfort. Ils lui donnent un peu d'argent pour qu'il puisse aller au Sénégal et travailler.<br />Pendant deux mois, il est employé dans le bâtiment et passe sa journée à remplir des camions de sable. Il part ensuite pour le Mali et le Burkina-Faso. Sans argent, il fait les poubelles des restaurants de Ouagadougou pour se nourrir. Il doit à nouveau travailler dans le bâtiment pour payer son passage en Algérie. Pour entrer dans ce pays, il faut traverser le désert… Quatre jours d'enfer… Une petite bouteille d'eau et quelques biscuits laissés par les passeurs&nbsp;; une chaleur abominable&nbsp;; aucun arbre pour se reposer&nbsp;; les compagnons qui tombent et qu'on ne peut relever&nbsp;; les cadavres à demi recouverts par le sable… Tout ce que l'on porte sur soi paraît peser des tonnes. Tamanrasset, enfin. Première «&nbsp;porte&nbsp;» algérienne après le désert.</p> <p>Doro est presqu'immédiatement arrêté pour être entré illégalement dans le pays. Devant le juge, il raconte son histoire. Il est relâché, avec une autorisation de séjour de deux mois. Il lui faudra alors quitter l'Algérie.<br />Doro est persuadé que le bon dieu le protège. Il veut croire que le bon dieu lui montre le chemin, que le bon dieu réalisera son rêve. Désormais, son rêve, c'est l'Europe. Il n'y a pas de retour possible, même s'il pense chaque jour à sa mère, sa femme et ses enfants.</p> <p><span style="color: #fc615d;">_____________________________</span></p> <h3>L'enfer de la Libye</h3> <p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">_____________________________</span></span></p> <p>Il est temps de passer en Libye. Il ne sait rien de ce qui l'attend. Il ne sait rien de ce qui attend les Africains à la peau noire, là-bas : l'esclavage, la guerre, les tortures, la mort.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_3.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_3.jpg" alt="doro 3" width="319" height="439" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Dès son arrivée, Doro est kidnappé et enfermé dans une prison gérée par une sorte de mafia. Les êtres humains enfermés là sont soumis au travail forcé, en échange d'une hypothétique liberté. Doro va y vivre pendant plus d'un an, supportant les privations et la dureté du travail. Un soir, ses geôliers oublient de fermer la porte à clé. Il s'enfuit avec quelques compagnons et parvient à Tripoli, la capitale. Embauché comme maçon, il gagne suffisamment d'argent pour tenter de quitter le pays via la Méditerranée.<br />Il se concentre sur la nouvelle vie et l'avenir qui l'attendent dans la luxurieuse Europe. Mais le destin s'acharne : après quatre jours passés en mer, des dizaines de personnes mortes de faim et de soif, le bateau est arrêté par les gardes-côtes lybiens. Doro et ses compagnons sont placés en centre de rétention en attendant leur expulsion vers leur pays d'origine. Mais ils sont vendus, encore, comme du bétail.</p> <p>C'est à Benghazi que Doro est à nouveau emprisonné, à la merci de mafieux pires que les précédents. Ici, il faut payer deux fois la somme qui a été versée pour t'acheter. Mais pas question de travail forcé. Les prisonniers sont torturés, pris en photo et filmés pour effrayer leurs familles et obliger le versement de rançons. La seule nourriture accordée est du pain et de l'eau, une fois par jour. Beaucoup meurent dans d'atroces souffrances.<br />Doro n'échappe pas à la torture. Nu, les pieds et les mains attachés, suspendu la tête en bas, il est frappé encore et encore. Il a beau se défendre, expliquer qu'aucun membre de sa famille ne paiera pour le libérer, les séances se poursuivent, inlassablement, jour après jour.<br />Avec une poignée de compagnons, il organise une tentative d'évasion. Elle échoue. Les gardes leur tirent dessus. Un de ses amis est tué, Doro est mortellement touché au ventre. Il s'évanouit.</p> <p><span style="color: #fc615d;">________________</span></p> <h3>Re-naître</h3> <p><span style="color: #fc615d;">________________</span></p> <p>Son réveil ressemble à un nouveau cauchemar. A quelques kilomètres de la prison, il a été jeté dans une fosse commune, parmi les cadavres. Il sent des corps, des os. Il est horrifié. Il doit sortir de là ! Son ventre saigne, il se sert de son boubou comme d'un pansement et, avec le peu de forces qui lui reste, parvient à s'extraire de la fosse. Titubant, il marche jusqu'à une route où il s'écroule, à nouveau sans connaissance.<br />Un vieil homme et sa femme l'aperçoivent et le conduisent à l'hôpital. Dans un premier temps, le personnel refuse de soigner cet étranger de couleur noire. Mais un des médecins les interpelle&nbsp;: <em>«&nbsp;Votre mission est de sauver les êtres humains, non pas de considérer leur couleur ou leur race.&nbsp;Etes-vous des meurtriers ou des médecins&nbsp;?&nbsp;»</em> Doro est finalement pris en charge et opéré.<br />A sa sortie, il se sent à nouveau perdu. Il n'a ni endroit où aller, ni argent pour quitter le pays. Le médecin lui a interdit de travailler, pour éviter qu'empire sa blessure.<br />Heureusement, il rencontre un Libyen qui prend pitié de lui. Il a beaucoup voyagé, il a l'esprit ouvert. Il l'accueille chez lui, le nourrit et l'encourage à réfléchir sur ce qu'il souhaite faire par la suite. Doro n'a qu'une idée en tête&nbsp;: atteindre l'Europe et réaliser son rêve, simple&nbsp;: vivre mieux. Malgré les conseils du médecin, il reprend les travaux difficiles qui, souvent, font souffrir son ventre. En même temps, il se renseigne pour embarquer sur la Méditerranée. Il rencontre un jeune Sénégalais, qui veut aussi tenter la traversée. Il est heureux d'avoir à nouveau un ami.<em><em></em></em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <h3>Sauvé par le Sea Watch</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <p>Les jours passent et les voici contactés. Avec d'autres compagnons, ils sont rassemblés dans une maison en ruine. Ils doivent attendre. Trois jours plus tard, un passeur vient les chercher pour l'embarquement sur un bateau de fortune. Il est 3 heures du matin. Ils n'ont ni vivres, ni eau potable. Le lendemain, ils sont secourus par le Sea Watch 3 <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Ils sont 47.<strong><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Brendan - Sea Watch 3"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_2.jpg" alt="doro 2" width="560" height="377" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></strong><br />Doro est soulagé. Il croit que la fin du voyage est proche. Mais il va en fait passer quinze jours sur le gros bateau de secours. Car à terre, les gouvernements européens palabrent&nbsp;: qui accueillera ces migrants<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span>&nbsp;? Dans un premier temps, Malte refuse, l'Italie aussi. Un accord est trouvé via l'Union européenne&nbsp;: ils débarqueront en Sicile, puis seront répartis en France, en Allemagne, au Portugal, au Luxembourg, à Malte et en Roumanie.<br />Doro est interrogé par des membres de l'OFPRA <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>&nbsp;; il a été choisi par la France. Pour la première fois de sa vie, il entre dans un avion, et avant qu'il ne puisse réaliser ce qui lui arrive, atterrit à l'aéroport international Roissy-Charles de Gaulle, près de Paris.<br /><em>«&nbsp;Nous sommes en France, mais nous sommes aussi au paradis,</em> dit-il à ses compagnons. <em>Car l'enfer, la Libye, c'est fini.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________</span></p> <h3>Réaliser son rêve</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________</span></p> <p>Doro a obtenu le statut de réfugié pour dix ans. Il ne quitte jamais la carte attribuée par l’État français qui le prouve. De Paris, on l'envoie à Orléans puis à Bourges. Il suit des cours de français. A l'enseignant et aux autres élèves, il dit&nbsp;: <em>«&nbsp;Dans la vie, il y a trois choses importantes. Marcher, voir et parler. En marchant, tu vas partout et n'importe où. En marchant, tu vois beaucoup de choses que tu ne connaissais pas. Tu entends tout ce qui se passe dans le monde parce que les gens en parlent. C'est la parole qui fait le savoir. Si personne ne parle, tu ne peux pas savoir.&nbsp;»</em><br />Doro sent que sa parole est importante. Chaque réfugié a sa propre histoire. Mais il en connaît peu qui ont pu échapper à cette prison infernale vivant, pour témoigner ou qui acceptent d'en parler.<br /><br />Le jeune homme débutera bientôt une formation pour travailler ensuite dans le bâtiment.<em> «&nbsp;J'aurai réalisé mon rêve d'une nouvelle vie pour être heureux&nbsp;»</em>, pense-t-il sans tout à fait y croire. Car sa famille, sa maman, sa femme, ses enfants sont loin. Il aimerait les avoir près de lui. Alors, seulement, son rêve serait totalement réalisé. <em>«&nbsp;J'aurai accompli ma mission.&nbsp;»</em><br />Son but est aussi d'aider les jeunes perdus qui se retrouvent dans le pays de l'enfer, la Libye. Il voudrait les prévenir pour qu'ils ne soient pas emprisonnés ou torturés. Son idée&nbsp;? Une association entre les dirigeants de l'Afrique noire et les dirigeants européens, pour régler les problèmes des migrants dans les pays frontaliers de l'Europe.<br /><br />L'histoire de Doro se termine ici. Il donne un conseil à ceux et celles qui l'ont lue. Il dit&nbsp;:<em> «&nbsp;Soyez les bienvenu·es sur cette terre de bonheur et de malheur. Mais cette terre ne vous appartient pas. Tu viens et un jour, tu repars. Aimons-nous et respectons-nous sans guerre et sans souffrance. Car la mort nous regarde et nous attend.&nbsp;»</em><br /><br /><strong>Récit reccueilli et retranscrit par Fanny Lancelin</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Lire aussi les numéros 6 («&nbsp;Prahda&nbsp;») et 14 («&nbsp;Ecrire comme acte d'existence ») de (Re)bonds. Menu Archives accessible en haut à droite de la page d'accueil.<br />(2) La Gambie est le plus petit pays d'Afrique de l'Ouest (11.295 km²) enclavé dans le Sénégal et bordé par l'océan Atlantique. Sa population est estimée à environ deux millions d'habitants. Ancienne colonie portugaise puis britannique, elle a obtenu son indépendance en 1965. Le premier président, Dawda Jawara, a gouverné le pays de 1970 à 1994&nbsp;; le deuxième, Yahya Jammeh, a pris le pouvoir par un coup d’État et dirigé le pays de manière autocratique durant 22 ans&nbsp;; le troisième, Adama Barrow, l'actuel président, a été élu en 2016. Source&nbsp;: <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/gambie/presentation-de-la-gambie/">https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/gambie/presentation-de-la-gambie/</a><br />(3) En Gambie, la langue officielle est l'anglais. Les autres langues les plus courantes sont le wolof, le mandingue, le fula, le jola et le serere.<br />(4) Sea Watch est une organisation à but non lucratif qui mène des opérations civiles de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Plus de renseignements sur <a href="https://sea-watch.org/fr/">https://sea-watch.org/fr/</a><br />(5) Migrant&nbsp;: le terme est ici utilisé pour désigner une personne qui migre, c'est-à-dire qui quitte son pays (que ce soit pour des raisons volontaires ou subies). Il n'existe pas de définition juridique du terme migrant. Pour voir les différences avec «&nbsp;réfugié&nbsp;» ou «&nbsp;demandeur d'asile&nbsp;» (qui sont des statuts juridiques en France), consulter le site de la Cimade&nbsp;: <a href="https://www.lacimade.org/faq/qu-est-ce-qu-un-migrant/">https://www.lacimade.org/faq/qu-est-ce-qu-un-migrant/</a><br />(6) OFPRA&nbsp;: Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. <a href="https://www.ofpra.gouv.fr/">https://www.ofpra.gouv.fr/</a></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>Doro fait partie des 47 migrants dont le sort avait été âprement discuté par les dirigeants européens, après que l'Italie a refusé de les faire débarquer sur son sol.<br />Retrouvez quelques-uns des reportages sur le sujet sur <a href="https://www.france24.com/fr/20190130-migrants-sea-watch-italie-catane-salvini-accord-europeen">https://www.france24.com/fr/20190130-migrants-sea-watch-italie-catane-salvini-accord-europeen</a> et <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Accord-entre-sept-pays-europeens-faire-debarquer-migrants-Sea-Watch-2019-01-30-1300999146">https://www.la-croix.com/Monde/Accord-entre-sept-pays-europeens-faire-debarquer-migrants-Sea-Watch-2019-01-30-1300999146</a></li> </ul> </div> <p style="text-align: right;"><strong><em>«&nbsp;Le réel exil commence lorsque le présent est confisqué. Quand on est condamné à rêver le temps d'avant et attendre l'avenir.&nbsp;»</em> Chawki Abdelamir</strong></p> <p><span style="font-size: 18pt;">A</span> le lire, on pourrait croire à un récit initiatique. <em>«&nbsp;Un jeune homme qui s'appelle Doro, très intelligent, silencieux, gentil et très beau&nbsp;»</em> est forcé de quitter son village après un drame.</p> <p>Son chemin est semé d'obstacles qu'il parvient toutefois à franchir les uns après les autres. Grâce à son courage, sa chance et sa foi, il survit aux pires épreuves&nbsp;: la solitude, la faim, la soif, la torture, la folie… Il a peur, doute et souffre. Il se réjouit et espère aussi&nbsp;: il veut croire que tout ce qui est sur sa route a été placé là pour qu'il apprenne, et fasse de lui un homme meilleur.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_histoire.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_histoire.JPG" alt="doro histoire" width="481" height="361" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Ainsi, à l'écrit, Doro raconte son parcours de la Gambie à la France, en passant notamment par la Libye, dans un style qui rappelle les histoires transmises par les griots africains. Il en est le personnage principal, le héros. Si les faits sont bien réels, certaines scènes peuvent paraître surréalistes, mais elles sont en fait (soigneusement ou inconsciemment) construites dans un souci de pédagogie. <br />Car Doro n'adresse pas seulement son histoire à ceux et celles qui l'ont accueilli, Occidentaux dont les yeux doivent être et rester ouverts. Mais aussi <em>«&nbsp;aux enfants d'Afrique&nbsp;»</em>, pour <em>«&nbsp;qu'ils sachent quelle est cette route&nbsp;»</em> et<em> «&nbsp;ce qu'est l'enfer&nbsp;»</em>.</p> <p>J'ai souhaité raconter cette histoire pour poursuivre l'échange entamé il y a près de trois ans avec les demandeurs d'asile et les réfugiés vivant notamment à Bourges <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>&nbsp;; pour continuer à leur faire une place, à leur donner la parole, à les visibiliser.<br />Avec Doro, il me fallait faire un choix&nbsp;: transmettre le fruit de nos échanges oraux, en y introduisant mes propres connaissances, pensées, émotions, images&nbsp;; ou adapter son récit calligraphié pour le rendre plus conforme à un compte-rendu journalistique&nbsp;; ou encore utiliser le texte brut, à peine corrigé, pour faire entendre sa voix, son parler.<br />Finalement, dans les passages que nous avons choisis de partager ici, j'ai tenté de conserver la langue et le style du récit initiatique. J'ai ajouté quelques éléments permettant une meilleure compréhension aux lecteurs occidentaux. J'en ai volontairement omis certains, afin de ne pas mettre en péril la vie de ses proches.</p> <p>Laissez-nous donc vous conter l'histoire de Doro, âgé de 30 ans, réfugié gambien vivant aujourd'hui à Bourges, dans le Centre de la France, au destin tourmenté mais qui survit fort de l'espoir de revoir un jour les siens.<span style="color: #fc615d;"> <br /></span></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></p> <h3>Devenir «&nbsp;quelqu'un de bien&nbsp;»</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></p> <p>Il y a longtemps, un jeune homme qui s'appelle Doro, très intelligent, silencieux, gentil et très beau, est né en Gambie<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span>, dans une famille composée d'un père et d'une mère. Il n'y a pas d'autres enfants dans le foyer, mais des oncles, des tantes, des cousins. Le père de Doro est un grand pêcheur.<br />Quelques années après la naissance de Doro, son père meurt dans un accident de voiture. L'enfant pense qu'il a été assassiné, mais n'en connaît pas la raison. Le jour de l'enterrement, la foule est venue en masse, pour saluer la mémoire de cet homme digne et brave, mais aussi pour savoir ce que l'enfant deviendrait sans son papa, qu'il aimait plus que tout au monde.<br />Après les funérailles, la maman de Doro l'emmène dans son propre village natal, Nettéboulou, au Sénégal.<br />Il se retrouve au milieu d'une grande famille&nbsp;: son grand-père maternel a marié trois femmes et toutes ont eu des enfants. Au village, tout le monde apprécie Doro mais dans la famille, certains le jalousent.</p> <p>Les enfants vont à l'école. Mais les oncles de Doro lui intiment l'ordre de garder les chèvres et les moutons dans les champs. Parfois, il laisse les animaux en brousse pour rejoindre ses cousins et leurs amis à la sortie de l'école, et jouer avec eux. De retour à la maison, ses oncles le punissent sévèrement et le frappent.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_gambie.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : afrique-planete.com"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/carte_gambie.jpg" alt="carte gambie" width="597" height="318" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Malgré tout, l'enfant ne peut s'empêcher de quitter le troupeau. Il ne supporte pas de vivre sans compagnon et il est attiré vers l'école. Un jour, alors qu'il attend sur le seuil de la classe, le maître le remarque, se dirige vers lui et l'interroge. <em>«&nbsp;Qui es-tu&nbsp;? Pourquoi ne viens-tu pas étudier avec les autres&nbsp;?&nbsp;»</em> L'enfant lui explique sa situation. Le directeur est appelé. Quelle n'est pas sa surprise lorsque Doro répond à ses questions en français&nbsp;! <span style="font-size: 8pt;">(3)</span><br /><em>«&nbsp;Comment peux-tu ainsi parler français alors que tu n'es jamais allé à l'école&nbsp;?</em><br /><em>- Lorsque je viens attendre mes cousins et leurs amis, j'entends le maître enseigner et j'étudie en même temps.&nbsp;»</em><br />Le directeur décide de parler aux oncles. Il leur faut laisser le jeune homme être ce qu'il a mérité, être dans le futur quelqu'un de bien, avoir un avenir, avoir la chance d'étudier au village. Les études seront gratuites. Ils acceptent.</p> <p>De la première année jusqu'au certificat d'études, Doro n'a de cesse d'être le meilleur, souvent le premier de la classe.<br />Jusqu'ici, les enfants du village ne parvenaient pas à obtenir l'examen permettant d'entrer en 6e tout en décrochant une bourse. Les parents qui le pouvaient payaient des écoles privées.<br />En cette année 1999, Doro organise des groupes de travail pour les 48 enfants de CM2. Au final, 42 décrochent leur passage en 6e. Parce qu'il est classé parmi les meilleurs de la région, Doro obtient une aide du gouvernement pour poursuivre ses études jusqu'en Terminale, gratuitement. C'est ainsi qu'il quitte son village pour la région de Tambacounda au Sénégal. Il loge chez un oncle, sa femme et leurs deux enfants.</p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <h3>L'époque du «&nbsp;business&nbsp;»</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <p>Mais la jalousie refait son œuvre. Des disputes éclatent. L'enfant devenu un jeune homme est jeté dehors. Ses études s'arrêtent en Terminale. Il lui faut désormais travailler. Il décide alors de se rendre dans la ville natale de son père, Bassé, en Gambie, pour reprendre son métier&nbsp;: pêcheur. Il répare son vieux bateau et retrouve un ancien ami de son père, Samba, qui le prend sous son aile&nbsp;: durant un an, il lui apprend tout ce qu'il faut savoir pour voyager sur la mer et attraper de bons poissons.<br />Ils forment une équipe pour pêcher, puis vendre le poisson sur le port. Les pêches sont bonnes. L'argent commence à rentrer. Pas suffisamment toutefois pour avoir un toit au-dessus de la tête&nbsp;: Doro dort dans le bateau de son père. Il se sent seul, sa mère lui manque, l'école lui manque mais lorsqu'il se couche là, il sent la présence&nbsp;réconfortante de son père&nbsp;; il lui parle la nuit dans ses rêves.</p> <p>Doro veut s'agrandir. Il veut faire du «&nbsp;business&nbsp;». Il fait alors la connaissance d'un homme blanc venu de Belgique et ensemble, créent une compagnie de transport de poissons. Doro conduit et répare des véhicules frigorifiques qui emportent la marchandise vers des pays d'Afrique de l'Ouest qui n'ont pas de mer. Doro se marie et fonde une famille. Il achète une maison.</p> <p>Malheureusement, le «&nbsp;business&nbsp;» tourne au cauchemar. L'homme blanc est accusé de trafic et jeté en prison. Selon Doro, il s'agit d'un prétexte pour le gouvernement dictatorial de l'époque pour mettre la main sur l'entreprise et ses bénéfices. Sa maison, les véhicules de transport, ses comptes sont saisis. Il craint pour sa vie. Il décide de partir.</p> <p>Il se sent à nouveau perdu et abandonné. Il a envie de demander à son gouvernement&nbsp;:<em> «&nbsp;où vous étiez quand je me fatiguais à travailler&nbsp;? Où vous étiez quand je souffrais et dormais dehors&nbsp;? Où vous étiez quand je marchais du jour jusqu'à la nuit sans manger&nbsp;? Où vous étiez quand je rentrais dans l'eau de la mer pour attraper les poissons&nbsp;? Où vous étiez quand je passais des jours sans me laver et sans avoir d'habits corrects&nbsp;?&nbsp;»</em> Il a le sentiment que son avenir s'enfuit. Mais il sait qu'il ne peut rien contre son gouvernement.</p> <p><span style="color: #fc615d;">__________________________</span></p> <h3>Le début de l'exil</h3> <p><span style="color: #fc615d;">__________________________</span></p> <p>C'est auprès des membres de son équipage qu'il va trouver le réconfort. Ils lui donnent un peu d'argent pour qu'il puisse aller au Sénégal et travailler.<br />Pendant deux mois, il est employé dans le bâtiment et passe sa journée à remplir des camions de sable. Il part ensuite pour le Mali et le Burkina-Faso. Sans argent, il fait les poubelles des restaurants de Ouagadougou pour se nourrir. Il doit à nouveau travailler dans le bâtiment pour payer son passage en Algérie. Pour entrer dans ce pays, il faut traverser le désert… Quatre jours d'enfer… Une petite bouteille d'eau et quelques biscuits laissés par les passeurs&nbsp;; une chaleur abominable&nbsp;; aucun arbre pour se reposer&nbsp;; les compagnons qui tombent et qu'on ne peut relever&nbsp;; les cadavres à demi recouverts par le sable… Tout ce que l'on porte sur soi paraît peser des tonnes. Tamanrasset, enfin. Première «&nbsp;porte&nbsp;» algérienne après le désert.</p> <p>Doro est presqu'immédiatement arrêté pour être entré illégalement dans le pays. Devant le juge, il raconte son histoire. Il est relâché, avec une autorisation de séjour de deux mois. Il lui faudra alors quitter l'Algérie.<br />Doro est persuadé que le bon dieu le protège. Il veut croire que le bon dieu lui montre le chemin, que le bon dieu réalisera son rêve. Désormais, son rêve, c'est l'Europe. Il n'y a pas de retour possible, même s'il pense chaque jour à sa mère, sa femme et ses enfants.</p> <p><span style="color: #fc615d;">_____________________________</span></p> <h3>L'enfer de la Libye</h3> <p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">_____________________________</span></span></p> <p>Il est temps de passer en Libye. Il ne sait rien de ce qui l'attend. Il ne sait rien de ce qui attend les Africains à la peau noire, là-bas : l'esclavage, la guerre, les tortures, la mort.<a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_3.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_3.jpg" alt="doro 3" width="319" height="439" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Dès son arrivée, Doro est kidnappé et enfermé dans une prison gérée par une sorte de mafia. Les êtres humains enfermés là sont soumis au travail forcé, en échange d'une hypothétique liberté. Doro va y vivre pendant plus d'un an, supportant les privations et la dureté du travail. Un soir, ses geôliers oublient de fermer la porte à clé. Il s'enfuit avec quelques compagnons et parvient à Tripoli, la capitale. Embauché comme maçon, il gagne suffisamment d'argent pour tenter de quitter le pays via la Méditerranée.<br />Il se concentre sur la nouvelle vie et l'avenir qui l'attendent dans la luxurieuse Europe. Mais le destin s'acharne : après quatre jours passés en mer, des dizaines de personnes mortes de faim et de soif, le bateau est arrêté par les gardes-côtes lybiens. Doro et ses compagnons sont placés en centre de rétention en attendant leur expulsion vers leur pays d'origine. Mais ils sont vendus, encore, comme du bétail.</p> <p>C'est à Benghazi que Doro est à nouveau emprisonné, à la merci de mafieux pires que les précédents. Ici, il faut payer deux fois la somme qui a été versée pour t'acheter. Mais pas question de travail forcé. Les prisonniers sont torturés, pris en photo et filmés pour effrayer leurs familles et obliger le versement de rançons. La seule nourriture accordée est du pain et de l'eau, une fois par jour. Beaucoup meurent dans d'atroces souffrances.<br />Doro n'échappe pas à la torture. Nu, les pieds et les mains attachés, suspendu la tête en bas, il est frappé encore et encore. Il a beau se défendre, expliquer qu'aucun membre de sa famille ne paiera pour le libérer, les séances se poursuivent, inlassablement, jour après jour.<br />Avec une poignée de compagnons, il organise une tentative d'évasion. Elle échoue. Les gardes leur tirent dessus. Un de ses amis est tué, Doro est mortellement touché au ventre. Il s'évanouit.</p> <p><span style="color: #fc615d;">________________</span></p> <h3>Re-naître</h3> <p><span style="color: #fc615d;">________________</span></p> <p>Son réveil ressemble à un nouveau cauchemar. A quelques kilomètres de la prison, il a été jeté dans une fosse commune, parmi les cadavres. Il sent des corps, des os. Il est horrifié. Il doit sortir de là ! Son ventre saigne, il se sert de son boubou comme d'un pansement et, avec le peu de forces qui lui reste, parvient à s'extraire de la fosse. Titubant, il marche jusqu'à une route où il s'écroule, à nouveau sans connaissance.<br />Un vieil homme et sa femme l'aperçoivent et le conduisent à l'hôpital. Dans un premier temps, le personnel refuse de soigner cet étranger de couleur noire. Mais un des médecins les interpelle&nbsp;: <em>«&nbsp;Votre mission est de sauver les êtres humains, non pas de considérer leur couleur ou leur race.&nbsp;Etes-vous des meurtriers ou des médecins&nbsp;?&nbsp;»</em> Doro est finalement pris en charge et opéré.<br />A sa sortie, il se sent à nouveau perdu. Il n'a ni endroit où aller, ni argent pour quitter le pays. Le médecin lui a interdit de travailler, pour éviter qu'empire sa blessure.<br />Heureusement, il rencontre un Libyen qui prend pitié de lui. Il a beaucoup voyagé, il a l'esprit ouvert. Il l'accueille chez lui, le nourrit et l'encourage à réfléchir sur ce qu'il souhaite faire par la suite. Doro n'a qu'une idée en tête&nbsp;: atteindre l'Europe et réaliser son rêve, simple&nbsp;: vivre mieux. Malgré les conseils du médecin, il reprend les travaux difficiles qui, souvent, font souffrir son ventre. En même temps, il se renseigne pour embarquer sur la Méditerranée. Il rencontre un jeune Sénégalais, qui veut aussi tenter la traversée. Il est heureux d'avoir à nouveau un ami.<em><em></em></em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <h3>Sauvé par le Sea Watch</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></p> <p>Les jours passent et les voici contactés. Avec d'autres compagnons, ils sont rassemblés dans une maison en ruine. Ils doivent attendre. Trois jours plus tard, un passeur vient les chercher pour l'embarquement sur un bateau de fortune. Il est 3 heures du matin. Ils n'ont ni vivres, ni eau potable. Le lendemain, ils sont secourus par le Sea Watch 3 <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Ils sont 47.<strong><a href="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Brendan - Sea Watch 3"><img src="http://www.rebonds.net/images/DORO/doro_2.jpg" alt="doro 2" width="560" height="377" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></strong><br />Doro est soulagé. Il croit que la fin du voyage est proche. Mais il va en fait passer quinze jours sur le gros bateau de secours. Car à terre, les gouvernements européens palabrent&nbsp;: qui accueillera ces migrants<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span>&nbsp;? Dans un premier temps, Malte refuse, l'Italie aussi. Un accord est trouvé via l'Union européenne&nbsp;: ils débarqueront en Sicile, puis seront répartis en France, en Allemagne, au Portugal, au Luxembourg, à Malte et en Roumanie.<br />Doro est interrogé par des membres de l'OFPRA <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>&nbsp;; il a été choisi par la France. Pour la première fois de sa vie, il entre dans un avion, et avant qu'il ne puisse réaliser ce qui lui arrive, atterrit à l'aéroport international Roissy-Charles de Gaulle, près de Paris.<br /><em>«&nbsp;Nous sommes en France, mais nous sommes aussi au paradis,</em> dit-il à ses compagnons. <em>Car l'enfer, la Libye, c'est fini.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________</span></p> <h3>Réaliser son rêve</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________</span></p> <p>Doro a obtenu le statut de réfugié pour dix ans. Il ne quitte jamais la carte attribuée par l’État français qui le prouve. De Paris, on l'envoie à Orléans puis à Bourges. Il suit des cours de français. A l'enseignant et aux autres élèves, il dit&nbsp;: <em>«&nbsp;Dans la vie, il y a trois choses importantes. Marcher, voir et parler. En marchant, tu vas partout et n'importe où. En marchant, tu vois beaucoup de choses que tu ne connaissais pas. Tu entends tout ce qui se passe dans le monde parce que les gens en parlent. C'est la parole qui fait le savoir. Si personne ne parle, tu ne peux pas savoir.&nbsp;»</em><br />Doro sent que sa parole est importante. Chaque réfugié a sa propre histoire. Mais il en connaît peu qui ont pu échapper à cette prison infernale vivant, pour témoigner ou qui acceptent d'en parler.<br /><br />Le jeune homme débutera bientôt une formation pour travailler ensuite dans le bâtiment.<em> «&nbsp;J'aurai réalisé mon rêve d'une nouvelle vie pour être heureux&nbsp;»</em>, pense-t-il sans tout à fait y croire. Car sa famille, sa maman, sa femme, ses enfants sont loin. Il aimerait les avoir près de lui. Alors, seulement, son rêve serait totalement réalisé. <em>«&nbsp;J'aurai accompli ma mission.&nbsp;»</em><br />Son but est aussi d'aider les jeunes perdus qui se retrouvent dans le pays de l'enfer, la Libye. Il voudrait les prévenir pour qu'ils ne soient pas emprisonnés ou torturés. Son idée&nbsp;? Une association entre les dirigeants de l'Afrique noire et les dirigeants européens, pour régler les problèmes des migrants dans les pays frontaliers de l'Europe.<br /><br />L'histoire de Doro se termine ici. Il donne un conseil à ceux et celles qui l'ont lue. Il dit&nbsp;:<em> «&nbsp;Soyez les bienvenu·es sur cette terre de bonheur et de malheur. Mais cette terre ne vous appartient pas. Tu viens et un jour, tu repars. Aimons-nous et respectons-nous sans guerre et sans souffrance. Car la mort nous regarde et nous attend.&nbsp;»</em><br /><br /><strong>Récit reccueilli et retranscrit par Fanny Lancelin</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Lire aussi les numéros 6 («&nbsp;Prahda&nbsp;») et 14 («&nbsp;Ecrire comme acte d'existence ») de (Re)bonds. Menu Archives accessible en haut à droite de la page d'accueil.<br />(2) La Gambie est le plus petit pays d'Afrique de l'Ouest (11.295 km²) enclavé dans le Sénégal et bordé par l'océan Atlantique. Sa population est estimée à environ deux millions d'habitants. Ancienne colonie portugaise puis britannique, elle a obtenu son indépendance en 1965. Le premier président, Dawda Jawara, a gouverné le pays de 1970 à 1994&nbsp;; le deuxième, Yahya Jammeh, a pris le pouvoir par un coup d’État et dirigé le pays de manière autocratique durant 22 ans&nbsp;; le troisième, Adama Barrow, l'actuel président, a été élu en 2016. Source&nbsp;: <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/gambie/presentation-de-la-gambie/">https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/gambie/presentation-de-la-gambie/</a><br />(3) En Gambie, la langue officielle est l'anglais. Les autres langues les plus courantes sont le wolof, le mandingue, le fula, le jola et le serere.<br />(4) Sea Watch est une organisation à but non lucratif qui mène des opérations civiles de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Plus de renseignements sur <a href="https://sea-watch.org/fr/">https://sea-watch.org/fr/</a><br />(5) Migrant&nbsp;: le terme est ici utilisé pour désigner une personne qui migre, c'est-à-dire qui quitte son pays (que ce soit pour des raisons volontaires ou subies). Il n'existe pas de définition juridique du terme migrant. Pour voir les différences avec «&nbsp;réfugié&nbsp;» ou «&nbsp;demandeur d'asile&nbsp;» (qui sont des statuts juridiques en France), consulter le site de la Cimade&nbsp;: <a href="https://www.lacimade.org/faq/qu-est-ce-qu-un-migrant/">https://www.lacimade.org/faq/qu-est-ce-qu-un-migrant/</a><br />(6) OFPRA&nbsp;: Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. <a href="https://www.ofpra.gouv.fr/">https://www.ofpra.gouv.fr/</a></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>Doro fait partie des 47 migrants dont le sort avait été âprement discuté par les dirigeants européens, après que l'Italie a refusé de les faire débarquer sur son sol.<br />Retrouvez quelques-uns des reportages sur le sujet sur <a href="https://www.france24.com/fr/20190130-migrants-sea-watch-italie-catane-salvini-accord-europeen">https://www.france24.com/fr/20190130-migrants-sea-watch-italie-catane-salvini-accord-europeen</a> et <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Accord-entre-sept-pays-europeens-faire-debarquer-migrants-Sea-Watch-2019-01-30-1300999146">https://www.la-croix.com/Monde/Accord-entre-sept-pays-europeens-faire-debarquer-migrants-Sea-Watch-2019-01-30-1300999146</a></li> </ul> </div>