# 34 Psychiatrie : au-delà des murs (mars 2020) http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations Thu, 11 May 2023 19:24:54 +0200 Joomla! - Open Source Content Management fr-fr « Les filles de Romorantin », Nassira El Moaddem http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/577-lesfillesderomorantin http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/577-lesfillesderomorantin

Une autre autrice originaire du Berry a attiré notre attention ce mois-ci. Son sujet est différent de celui choisi par Juliette Rigondet (lire la rubrique (Ré)acteurs) mais part aussi d'une réalité de ce petit coin de France.

Nassira El Moaddem est née et a grandi à « Romo ».
20 ans après avoir quitté cette ville pour poursuivre ses études et bâtir une vie professionnelle à Paris, elle livre un récit très personnel d’un retour au long cours à Romorantin.
Pendant plusieurs mois, elle va en arpenter les rues, y retrouver des visages familiers, mesurer les changements profonds advenus dans cette ville laminée par une fermeture d’usine tout autant que par les bouleversements économiques et sociétaux à l’œuvre depuis un quart de siècle au niveau national.
Nassira El Moaddem, désormais journaliste, s’exprime ici à la première personne du singulier. Elle relit et décrit sa ville aujourd’hui, à l’aune de ses souvenirs d’enfance et d’adolescence.
Dans un constant balancier entre hier et aujourd’hui, elle narre des destins, à commencer par celui de Caroline, son amie d’enfance, retrouvée via les réseaux sociaux, un jour où elle guettait comment le mouvement des Gilets Jaunes se développait dans sa ville d’origine.
Nassira El Moadedem dit la force inlassable de femmes, de mères d’enfants, qui se battent pour donner à ces derniers les plus douces conditions pour grandir ; elle dit également la place essentielle de l’école publique.
Elle dit la trahison violente éprouvée par les ouvrier·es à la fermeture de l’usine Matra et l’abîme de sidération.
Elle expérimente le travail harassant de femmes de ménage auprès du plus grand employeur de la région, Center Parcs, et partage, pour s’y rendre, les trajets en bus avec des femmes –  sœurs ou mères de cœur.

Pour le ou la lecteur·ice qui aurait expérimenté la vie dans ce type d’environnement urbain, ce récit est un miroir net. Pour d’autres, il est une fenêtre crue ouverte sur un monde ignoré.
En dernier lieu, c’est à elle-même que Nassira El Moaddem s’adresse, s’interrogeant sur la fidélité à sa classe sociale, sur la cruauté des inégalités de destins, sur les chemins, choisis ou subis, que l’on arpente et qui déterminent notre existence.
Il n’est pas improbable que cette adresse à elle-même trouve un écho intime en bon nombre de lecteurs...

« Les filles de Romorantin », éditions L'Iconoclaste, Paris, 2019.

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200
« 10 jours dans un asile », Nellie Bly http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/578-dixjoursdansunasile http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/578-dixjoursdansunasile

Elle est une véritable légende. LA pionnière du journalisme d'infiltration. Nellie Bly a inauguré une méthode pour le moins singulière à son époque : se fondre clandestinement dans le milieu sur lequel elle doit écrire. La mission qui fera sa renommée : en 1887, dix jours dans un asile...

Née Elizabeth Jane Cochrane le 5 mai 1864 aux Etats-Unis, Nellie Bly a commencé à écrire tôt, dès l'âge de 16 ans, dans le « Pittsburg Dispatch ». On raconte qu'elle aurait été embauchée parce qu'elle aurait écrit une lettre au rédacteur en chef, pour fustiger un des articles publié dans le journal qu'elle considérait sexiste.
Son domaine de prédilection ? Le journalisme d'investigation. Pour son premier reportage, elle se fait embaucher dans une fabrique de conserves. Ses sujets, racontés de l'intérieur, rencontrent un véritable succès auprès des lecteurs.
En 1887, elle est engagée au journal « New York World » du célèbre Joseph Pulitzer (1), qui lui demande de se faire passer pour « folle » et d'intégrer un asile, le Blackwell's Island Hospital, à New York. L'expérience est intense mais terrible. Elle la raconte dans une série d'articles intitulée « 10 jours dans un asile » (aujourd'hui lisibles en un seul ouvrage (2)). Après ses révélations sur les conditions épouvantables dans lesquelles vivent les internées, la Ville de New York attribuera un million de dollars supplémentaire aux hôpitaux psychiatriques.

Un autre de ses faits remarquables est son tour du monde, effectué en 72 jours, seule en 1890. Elle bat ainsi le record de Phileas Fogg, le personnage de Jules Verne et du roman « Le Tour du Monde en quatre-vingt jours ». L'écrivain en personne la félicitera. Ce périple donnera lieu à un ouvrage, publié en français il y a quelques années (3).
A son retour, elle épouse le millionnaire Robert Seaman. Il meurt en 1904. Nellie Bly doit alors gérer ses affaires, notamment ses fabriques de bidons de lait. Dix ans plus tard, elle revend ces usines, redevient journaliste et, plus précisément, reporter de guerre pendant la Première Guerre mondiale.
Elle meurt le 27 janvier 1922 d'une pneumonie à New York.

(1) Joseph Pulitzer (1847-1911) : journaliste et patron de presse américain d'origine hongroise. Le prix qui porte son nom (Prix Pulitzer) est attribué chaque année dans les catégories journalisme, littérature, fiction et musique.
(2) « 10 jours dans un asile, un reportage de Nellie Blye », éditions du Sous-sol, Paris 2015.
(3) « Le Tour du Monde en 72 jours », Nellie Bly, éditions du Sous-sol, Paris, 2016

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200
« Zinzin Zine » http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/579-zinzinzine http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/579-zinzinzine

Au détour de mes recherches, je découvre régulièrement des pépites. Celle-ci en est une. De contenus, de formes, d'idées, de liens… Prenez le temps de parcourir « Zinzin Zine », un blog participatif engagé dans la lutte antispychiatrique et la psychophobie.

La coordinatrice a tenu à exposer son « point de vie » : dire clairement d'où elle parle : « anarchiste féministe, femme cis (1), adulte, blanche, non-hétérosexuelle, psychiatrisée et psychoatypique, aux revenus personnels faibles (AAH), née en banlieue française de parents immigré·es et prolétaires qui se sont graduellement enrichis (transfuges de classe) et par lesquels elle bénéficie maintenant de privilèges bourgeois et donc du filet de sécurité matérielle qui va avec (logement pérenne et aide financière occasionnelle) ».
Le blog qu'elle a créé est nourri et traversé par les expériences qu'elle a vécues. Mais son ouverture offre une grande diversité, autant dans la forme des contributions (textes, images, sons, vidéos…), que dans le fond (articles historiques, sociologiques, médicaux, sensibles…) ou encore dans les signatures (collectifs, associations, universitaires, anonymes…). Le fil conducteur : la perspective révolutionnaire.

D'abord, en développant une analyse critique des discours psychiatriques : « La psychiatrie est un pouvoir déguisé en savoir, une institution de coercition et de contrôle social médicalisé, écrit ainsi la coordinatrice du blog. Si nous pensons qu'il ne sert à rien de se leurrer sur le fait qu'une telle institution puisse être remplacée par une autre à cette fonction de coercition et de contrôle social (…), étant donné la place centrale qu'elle occupe de nos jours, il nous paraît primordial de développer les outils d’analyses nécessaires à comprendre et à combattre son pouvoir. Depuis sa création, la psychiatrie a notamment été utilisée comme un moyen de légitimer / invisibiliser les systèmes d'oppressions en pathologisant certaines réactions de défense des opprimé·es et en prônant l'adaptation aux divers systèmes d'oppressions comme norme de santé mentale. Elle est une institution répressive médicalisée visant non pas à résoudre les problèmes d'individus, mais à résoudre les problèmes que des individus posent à l'organisation sociale. »
Aux solutions médicales présentées comme objectives et neutres (donc au-dessus de toute critique possible), elle oppose d'autres voies qui ne soient pas une psychiatrie alternative : il n'est pas question ici d'améliorer le système existant, mais bien de l'abolir. Les alternatives à la psychiatrie ne seraient qu'une étape.

La lutte antipsychatrique s'inscrit dans une lutte plus large, celle d'une « libération totale de tout système d'oppression quel qu'il soit ». Les atypicités et souffrances psychiques considérées comme anormales et / ou pathologiques, émergent dans un environnement social particulier et ne peuvent donc pas être considérées en dehors des systèmes capitaliste, patriarcal, raciste, validistes (2), âgiste, hétérosexiste, cisexiste… Le blog vise à présenter « des points de vue sur les souffrances psychiques qui prennent en compte ces systèmes ainsi que les conséquences psychologiques des violences systémiques qui en résultent ». Il s'agit de « dépsychiatriser les fous / folles, en montrant que [leurs] souffrances sont principalement causées par des violences sociales et environnementales et non par des défauts individuels. (…) ».

Pas question ici de présenter les contributions comme des « guides à suivre au pied de la lettre ». Mais bien comme des outils dont chacun.e peut se saisir pour comprendre, réfléchir, discuter, débattre… Certain.es y trouveront des connaissances insoupçonnées, d'autres des réponses à leurs questions, d'autres des manières de se relier et de combattre ensemble, d'autres encore d'aider des personnes en souffrance...
Si la perspective est bien révolutionnaire, ce n'est pas forcément le cas de toutes les contributions. La coordinatrice accepte des contributions avec lesquelles elle ne partage pas nécessairement toutes les considérations. Celles des professionnel.les de la santé mentale sont, par exemple, acceptées « lorsqu'iels tentent de produire des autocritiques ou qu'iels partagent des savoirs utiles ». Les contradictions sont possibles et assumées.

C'est l'une des formidables richesses et intelligences de ce blog, à découvrir sur http://www.zinzinzine.net

(1) Personne dont l'identité de genre est conforme au genre qui lui a été attribué à la naissance.
(2) Validiste / validisme : ou capacitisme, est une forme de discrimination influencée par le système médical à l'égard de personnes souffrant d'un handicap, en décidant que les personnes « capables », donc sans handicap, représentent la norme sociale à laquelle se conformer. « Dans ce système de valeurs et de pouvoir, le handicap est ainsi perçu comme une erreur, un manque ou un échec et non comme une conséquence des événements de la vie ou de la diversité au sein de l'humanité. » (Source : wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Capacitisme)

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200
« Un beau frère », Hector Malot http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/580-unbeaufrere http://www.rebonds.net/34audeladesmurs/108-recreations/580-unbeaufrere

Hector Malot est resté dans la mémoire collective pour son œuvre « Sans famille » qui raconte l'histoire d'un enfant abandonné, Rémi. Il écrivit en fait une soixantaine d'ouvrages parmi lesquels « Un beau frère », qui traite de l'internement forcé.

Paru en 1869 chez P.J. Hetzel (1), « Un beau frère » est l'histoire d'un jeune noble, le vicomte Cénéri d'Eturquai, dépossédé de ses biens et envoyé dans un asile d'aliénés par son beau-frère, pour éviter que son fils naturel hérite de ses biens. Le roman dénonce la loi du 30 juin 1838 dite « loi des aliénés » promulguée durant le Second Empire, sous Louis-Philippe. Dans un texte décrivant la genèse de son projet (1), Hector Malot souligne que cette loi « a précisément pour but d’empêcher que les gens sains d’esprit puissent être séquestrés comme fous ; ce qui, avant 1838, devait se produire assez souvent sans doute, puisqu’on a été obligé de faire une loi spéciale, avec toutes sortes de dispositions, qui à la lecture, semblent reposer sur la fantaisie tant les faits qu’elles visent paraissent invraisemblables, pour prévenir et punir ces séquestrations ». Ce qui inspira l'auteur ? « Peu d’années après le vote de cette loi, il se passa dans notre entourage un de ces faits qui, précisément, prouvait avec quelle facilité des gens habiles pouvaient l’escamoter. »
Ainsi, Hector Malot était un journaliste et romancier engagé. Né en 1830 près de Rouen, il mourut en 1907 à Fontenay-sous-Bois. Son enfance près de la Seine lui donna le goût des voyages, son adolescence à la campagne celui de la nature. Il suivit des études de lettres et commença sa carrière à Paris en écrivant au « Journal pour tous », dans la rubrique consacrée à la botanique.
Il publia son premier roman « Les Amants » en 1859 et devint journaliste à « L'Opinion Nationale » où il rencontra le succès. C'est en 1878 que parut « Sans famille », son œuvre la plus célèbre.
Surnommé « Malot-la-Probité » par la journaliste Séverine (2), il était ami de Jules Vallès (3). Son dernier ouvrage, « Le Mousse », est dédié à sa petite fille Perrine. Il s'agit de l'histoire de Michelle, une jeune anglaise sauvée d'un naufrage par un pêcheur. Elle travaille comme mousse, jusqu'au jour où on découvre ses origines… En accord avec l'éditeur, cet ouvrage a été publié à titre posthume… mais en 1997, à l’initiative de l'association des Amis d’Hector Malot, dont le site Internet est une précieuse source d'informations sur les œuvres et les thèmes chers à Hector Malot.

Plus de renseignements sur https://www.amis-hectormalot.fr

(1) Réédité en 2011 par Hachette.
(2) https://www.amis-hectormalot.fr/bibliographie/%C5%93uvre/1859-1871/ Chapitre 6. Un beau frère, rubrique « Genèse du projet ».
(3) Caroline Rémy, dite « Séverine » (1855-1929) : journaliste amie de Jules Vallès qui écrivit notamment pour le journal « Le Cri du Peuple », mais aussi « La Fronde » (premier journal féministe entièrement réalisé par des femmes).
(4) Jules Vallès (1832-1885) : journaliste homme de lettres et politique.

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200