# 43 Ya Basta (janvier 2021)(Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale.http://www.rebonds.net/43yabasta2023-05-11T19:04:32+02:00(Re)bonds.netJoomla! - Open Source Content ManagementUn geste de solidarité : acheter du café rebelle et zapatiste !2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/43yabasta/668-ungestedesolidariteacheterducaferebelleetzapatisteSuper User<p><strong><strong>Au Chiapas, la culture du café existait déjà avant l'insurrection zapatiste. Mais depuis, elle est devenue un acte qui renforce l'autonomie des communautés indigènes : elle apporte un revenu aux coopératives, et permet la réalisation de projets dans le domaine de la santé et de l'éducation, par exemple. En France, des commandes groupées sont organisées chaque année par l'association Échanges solidaires.</strong></strong></p>
<p> </p>
<p>Deux coopératives appartenant à des communautés indigènes zapatistes produisent du café au Chiapas : Yachil Xojobal Chulchán, dans la région montagneuse, et Ssit Lequil Lum, plus au nord.<br />La première se compose de réfugié·es ayant fui les violences militaires dans les années 1990. Elle comprend 1.000 membres et a obtenu la certification biologique.<br />La seconde ne produit pas uniquement du café. Elle compte 300 membres. Pour affirmer pleinement son autonomie, elle a refusé d'être certifiée par les institutions officielles. En revanche, elle a mis en place une certification interne indépendante. Sa culture du café est garantie sans intrants chimiques.</p>
<p>Le café est récolté à partir de janvier durant plusieurs mois. Les fruits sont ensuite éclatés, les grains sont triés selon leur grosseur, séchés et mis en sac. Ils voyagent par bateau jusqu'en Europe et en Amérique du Nord, où ils sont torréfiés, moulus et mis en petits paquets pour la distribution.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Une commande annuelle</span></strong></p>
<p>En France, c'est l'association Échanges solidaires, créée en 2002, qui assure le lien entre les coopératives zapatistes et ceux·les qui veulent les soutenir en achetant du café.<br /><em>« Ce projet est une manière concrète d’accompagner le mouvement zapatiste dans sa marche vers une autonomie culturelle, politique et économique, en empruntant des chemins alternatifs,</em> écrivent les responsables de l'association dans sa présentation. <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> <em>Il s’agit aussi de tisser d’autres relations avec des luttes d’ici et de là-bas et d’essayer de construire des alternatives à la mondialisation néolibérale pour laquelle il n'y a pas d'autre horizon que l’accumulation et l’échange d'argent. Par les échanges solidaires, nous échangeons nos rêves d'un autre monde. Une manière de joindre nos voix à ce cri de « ¡ ya basta ! » (ça suffit !) venant des montagnes du sud-est mexicain. »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/etiq2gen-2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/etiq2gen-2.jpg" alt="etiq2gen 2" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />Le principe est simple : une fois par an, est organisée une pré-commande, via une campagne de souscription (généralement à l'automne).<em> « Nous leur versons un acompte de 50 % à 70 % pour éviter que les agriculteurs s'endettent auprès des banques en attendant la vente de la récolte, et le reste à la réception du café en avril / mai. »</em><br />A l'occasion de la livraison, une journée de réception-dégustation est organisée à Paris, avant que les commandes hors région parisienne partent un peu partout en France. D'autres associations et collectifs prennent alors le relais. C'est le cas de Ki-6-Col qui gère le café militant associatif L'Antidote à Bourges, par exemple <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Échapper aux coyotes et aux bourses</span></strong></span></p>
<p>Pour les zapatistes, l'intérêt de vendre ainsi leur café en direct est double : cela leur permet d'échapper aux « coyotes », nom qu'il·les donnent aux intermédiaires qui tentent de leur acheter leur production à bas prix avant de l'écouler sur le marché au prix fort ; cela leur permet aussi de ne pas être dépendant·es du cours du café fixé dans les bourses mondiales.<br />Les européen·nes et les américain·es engagé·es dans cette démarche acceptent de payer le café zapatiste à un prix supérieur à celui des coyotes. Il·les savent que l'intégralité des bénéfices est reversée aux communautés et, plus précisément, aux conseils de bon gouvernement (<em>lire la rubrique (Ré)acteurs</em>). Composés de membres élu·es, ces conseils veillent à ce que la solidarité internationale soit répartie en fonction des besoins les plus urgents.</p>
<p><em>« Nous concevons l’achat de ce café « rebelle et zapatiste » comme un geste militant, comme un petit acte de rébellion, un geste de solidarité avec les zapatistes qui s’opposent à la vision néolibérale du monde en essayant de construire des modèles alternatifs »</em>, écrivent les membres d'Échanges solidaires. Souvent, la distribution du café est aussi l'occasion de prendre des nouvelles de la lutte là-bas, toujours inspirante ici.</p>
<p>La souscirption 2021 est en cours jusqu'en avril. Cette année, le soutien se portera sur la venue des zapatistes en Europe (<em>lire la rubrique (Ré)acteurs</em>).</p>
<p><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://ladm.noblogs.org/files/2020/02/E_changes_solidaires-pre_sentation.pdf">https://ladm.noblogs.org/files/2020/02/E_changes_solidaires-pre_sentation.pdf</a><br />(2) <a href="https://www.ki6col.com/cafe-associatif/">https://www.ki6col.com/cafe-associatif/</a>.</span></p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Contact</h3>
</div>
<ul>
<li>Association Échanges solidaires : <a href="mailto:cafesolidaire@no-log.org">cafesolidaire@no-log.org</a></li>
</ul>
</div><p><strong><strong>Au Chiapas, la culture du café existait déjà avant l'insurrection zapatiste. Mais depuis, elle est devenue un acte qui renforce l'autonomie des communautés indigènes : elle apporte un revenu aux coopératives, et permet la réalisation de projets dans le domaine de la santé et de l'éducation, par exemple. En France, des commandes groupées sont organisées chaque année par l'association Échanges solidaires.</strong></strong></p>
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<p>Deux coopératives appartenant à des communautés indigènes zapatistes produisent du café au Chiapas : Yachil Xojobal Chulchán, dans la région montagneuse, et Ssit Lequil Lum, plus au nord.<br />La première se compose de réfugié·es ayant fui les violences militaires dans les années 1990. Elle comprend 1.000 membres et a obtenu la certification biologique.<br />La seconde ne produit pas uniquement du café. Elle compte 300 membres. Pour affirmer pleinement son autonomie, elle a refusé d'être certifiée par les institutions officielles. En revanche, elle a mis en place une certification interne indépendante. Sa culture du café est garantie sans intrants chimiques.</p>
<p>Le café est récolté à partir de janvier durant plusieurs mois. Les fruits sont ensuite éclatés, les grains sont triés selon leur grosseur, séchés et mis en sac. Ils voyagent par bateau jusqu'en Europe et en Amérique du Nord, où ils sont torréfiés, moulus et mis en petits paquets pour la distribution.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Une commande annuelle</span></strong></p>
<p>En France, c'est l'association Échanges solidaires, créée en 2002, qui assure le lien entre les coopératives zapatistes et ceux·les qui veulent les soutenir en achetant du café.<br /><em>« Ce projet est une manière concrète d’accompagner le mouvement zapatiste dans sa marche vers une autonomie culturelle, politique et économique, en empruntant des chemins alternatifs,</em> écrivent les responsables de l'association dans sa présentation. <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> <em>Il s’agit aussi de tisser d’autres relations avec des luttes d’ici et de là-bas et d’essayer de construire des alternatives à la mondialisation néolibérale pour laquelle il n'y a pas d'autre horizon que l’accumulation et l’échange d'argent. Par les échanges solidaires, nous échangeons nos rêves d'un autre monde. Une manière de joindre nos voix à ce cri de « ¡ ya basta ! » (ça suffit !) venant des montagnes du sud-est mexicain. »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/etiq2gen-2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/etiq2gen-2.jpg" alt="etiq2gen 2" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />Le principe est simple : une fois par an, est organisée une pré-commande, via une campagne de souscription (généralement à l'automne).<em> « Nous leur versons un acompte de 50 % à 70 % pour éviter que les agriculteurs s'endettent auprès des banques en attendant la vente de la récolte, et le reste à la réception du café en avril / mai. »</em><br />A l'occasion de la livraison, une journée de réception-dégustation est organisée à Paris, avant que les commandes hors région parisienne partent un peu partout en France. D'autres associations et collectifs prennent alors le relais. C'est le cas de Ki-6-Col qui gère le café militant associatif L'Antidote à Bourges, par exemple <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Échapper aux coyotes et aux bourses</span></strong></span></p>
<p>Pour les zapatistes, l'intérêt de vendre ainsi leur café en direct est double : cela leur permet d'échapper aux « coyotes », nom qu'il·les donnent aux intermédiaires qui tentent de leur acheter leur production à bas prix avant de l'écouler sur le marché au prix fort ; cela leur permet aussi de ne pas être dépendant·es du cours du café fixé dans les bourses mondiales.<br />Les européen·nes et les américain·es engagé·es dans cette démarche acceptent de payer le café zapatiste à un prix supérieur à celui des coyotes. Il·les savent que l'intégralité des bénéfices est reversée aux communautés et, plus précisément, aux conseils de bon gouvernement (<em>lire la rubrique (Ré)acteurs</em>). Composés de membres élu·es, ces conseils veillent à ce que la solidarité internationale soit répartie en fonction des besoins les plus urgents.</p>
<p><em>« Nous concevons l’achat de ce café « rebelle et zapatiste » comme un geste militant, comme un petit acte de rébellion, un geste de solidarité avec les zapatistes qui s’opposent à la vision néolibérale du monde en essayant de construire des modèles alternatifs »</em>, écrivent les membres d'Échanges solidaires. Souvent, la distribution du café est aussi l'occasion de prendre des nouvelles de la lutte là-bas, toujours inspirante ici.</p>
<p>La souscirption 2021 est en cours jusqu'en avril. Cette année, le soutien se portera sur la venue des zapatistes en Europe (<em>lire la rubrique (Ré)acteurs</em>).</p>
<p><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://ladm.noblogs.org/files/2020/02/E_changes_solidaires-pre_sentation.pdf">https://ladm.noblogs.org/files/2020/02/E_changes_solidaires-pre_sentation.pdf</a><br />(2) <a href="https://www.ki6col.com/cafe-associatif/">https://www.ki6col.com/cafe-associatif/</a>.</span></p>
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<h3 class="panel-title">Contact</h3>
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<ul>
<li>Association Échanges solidaires : <a href="mailto:cafesolidaire@no-log.org">cafesolidaire@no-log.org</a></li>
</ul>
</div>L'histoire des luttes indigènes et sociales au Mexique2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/43yabasta/669-lhistoiredesluttesindigenesetsocialesaumexiqueSuper User<p><strong>Pour comprendre comment le zapatisme est né, il faut remonter aux origines de l'exploitation des peuples autochtones du Mexique. La révolte des indigènes et leur lutte pour l'autonomie découlent en effet d'événements bien plus anciens, qui ont marqué l'histoire du pays et qui portent le sceau du capitalisme.</strong></p>
<p><strong>Avant la colonisation :</strong> les Olmèques, Mayas, Zapotèques, Mixtèques, Teotihuacán, Toltèques, Aztèques, Mexicas et bien d'autres peuples dits « amérindiens » habitent le territoire du Mexique. La grande diversité des peuples indigènes<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> actuels témoigne de la richesse de ces cultures.</p>
<p><strong>1521 :</strong> au nom de la couronne d'Espagne, Hernán Cortès prend le contrôle du sud du pays. La conquête des terres s'accompagne d'un système de domination et d'exploitation des autochtones, par ailleurs converti·es de gré ou de force au christianisme.</p>
<p>Durant la colonisation, le vice-royaume de « Nouvelle Espagne » s'étend de l'actuel sud-ouest des États-Unis au nord du Chiapas (à l'époque, le Chiapas appartient au Guatemala).</p>
<p><strong>XIXe siècle :</strong> l'Espagne perd ses colonies américaines.</p>
<p><strong>1810 :</strong> l'Espagne est gouvernée par Joseph Bonaparte.<br />Au Mexique, débute la guerre pour l'indépendance. Elle fera entre 250.000 et 500.000 mort·es selon les estimations.</p>
<p><strong>1821 :</strong> le traité de Cordoba acte l'indépendance du Mexique. La situation reste fragile : 50 gouvernements se succèdent en près de trente ans.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1823 :</strong> les grands propriétaires terriens du Chiapas font pression pour que la région se rattache au Mexique. Ils installent des exploitations d'élevage extensif et asservissent la population indigène.</span></p>
<p><strong>1824 :</strong> la République fédérale est proclamée. Elle comprend 25 États (aujourd'hui 31 et le District Fédéral de Mexico).</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/carte-regions-mexique.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les régions du Mexique aujourd'hui."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/carte-regions-mexique.jpg" alt="carte regions mexique" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong>1854-1876 :</strong> après une première révolution contre le pouvoir en place, la « Reforma » est imposée.<br />Les principales décisions sont : la séparation de l’Église et de l’État, la liberté des cultes, la naissance d'un État laïc, la fin des privilèges ecclésiastiques et la confiscation des biens du clergé. Mais les communautés indigènes perdent toute existence légale.</p>
<p><strong>1876 :</strong> Porfirio Díaz devient président. Véritable autocrate, il reste en place jusqu'en 1910. Cette période, appelée « porfiriat », se caractérise par une administration hyper-centralisée, l'industrialisation et l'urbanisation du pays, la surexploitation de la classe paysanne et ouvrière, la concentration des richesses et du pouvoir dans les mains des « élites », et l'ouverture du pays à l'impérialisme commercial.</p>
<p>De nombreux mouvements de révoltes indigènes, ouvriers et anarchistes éclatent.</p>
<p><span style="color: #000000;">Au Chiapas, les indigènes sont déplacé.es par milliers pour travailler de force dans les grandes exploitations de café, de caoutchouc, de gomme et de bois, appartenant souvent à des investisseurs étrangers.</span><br /><span style="color: #000000;">Les conditions de travail extrêmement pénibles, le salaire quasi inexistant, l'hygiène déplorable, le droit de cuissage... Autant d'humiliations qui inciteront les indigènes à se révolter.</span></p>
<p><strong>1900 :</strong> Ricardo Flores Magón devient un des leaders de l'opposition, mais la répression le force à l'exil aux États-Unis. Là-bas, il se lie avec les anarchistes et les syndicalistes révolutionnaires.</p>
<p><strong>1905 :</strong> Ricardo Flores Magón devient président du PLM (Parti Libéral Mexicain) qui entend renverser le pouvoir en place. Mais les gouvernements mexicain et étasunien parviennent à l'en empêcher.<br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Dix ans de révolution – la naissance du zapatisme</span></strong><br /><br /><strong>1910 :</strong> début de la « Revolución mexicana ».</p>
<p>Différentes classes sociales y participent : les prolétaires contre l'exploitation dans les villes ; les paysan.nes contre les propriétaires des grandes « haciendas » <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> ; la petite bourgeoisie contre la dictature.</p>
<p>En 1910, Porfirio Díaz consent à organiser des élections. Une vaste fraude lui permet d'être réélu.</p>
<p>Des figures d'opposants apparaissent : Pancho Villa, Pascual Orozco et Emiliano Zapata, par exemple. Ils ne constituent pas un front uni mais la réforme agraire est au cœur de leurs revendications.</p>
<p><strong>1911 :</strong> le PLM lance une insurrection dans huit États et publie un manifeste dans lequel il réclame <em>« l'émancipation politique, économique et sociale »</em>. Il revendique un communisme libertaire <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> contre l’État, l’Église et le Capital.</p>
<p>Porfirio Díaz démissionne et quitte le pays. Francisco I. Madero lui succède.</p>
<p>La même année, Emiliano Zapata publie le Plan de Ayala, un programme agraire révolutionnaire affirmant que <em>« la terre est à ceux qui la travaillent »</em>. Il faut donc exproprier les grands propriétaires terriens et redistribuer les terres aux paysan·nes. Le slogan zapatiste « Réforme, Liberté, Justice et Loi » apparaît.</p>
<p>Huerta Marquez prend le pouvoir et met en place une dictature proche de celle de Porfirio Días.</p>
<p><strong>1913 :</strong> la guérilla se poursuit, notamment aux côtés d'Emiliano Zapata. Publication du Manifeste zapatiste pour une réforme agraire.</p>
<p><strong>1914 :</strong> Malgré leurs points de convergence, les différents mouvements insurrectionnels ne parviennent pas à s'unir.<br />Les troupes de Pancho Villa et d'Emiliano Zapata entrent toutefois ensemble dans Mexico, en décembre 1914 <em>(lire aussi la rubrique (Ré)créations</em>).</p>
<p><strong>1915 :</strong> Venustiano Carranza, issu de l'insurrection, accède au pouvoir avec l'armée constitutionnaliste.</p>
<p><strong>1917 :</strong> une nouvelle Constitution est promulguée.<br />Les principes sont : la réforme agraire, la laïcité, l'anticléricalisme, le nationalisme, la non-réélection du président, la protection sociale (journée de 8 heures, droit syndical, droit de grève, salaire minimum, limitation du travail des enfants, conventions collectives)…</p>
<p>Mais en avril de la même année, les zapatistes contestent cette nouvelle Constitution. Pour eux, la lutte principale doit rester celle contre les grands propriétaires terriens. Ils dénoncent la compromission du pouvoir.</p>
<p><strong>1918 :</strong> Carranza réprime ses opposant·es.</p>
<p><strong>1919 :</strong> il fait assassiner Emiliano Zapata.<br />Il sera lui-même assassiné par son ministre de la guerre, Alvaro Obregón, qui devient président.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Dans la forêt de Lacandone</span></strong></span><br /><br /><strong>1926 :</strong> un grand nombre de Catholiques prennent les armes contre le gouvernement pour défendre leur Église attaquée par la nouvelle Constitution. C'est la guerre dite des « Cristeros » (partisan·nes du Christ).<br />Obregón est assassiné par un jeune fanatique catholique.<br />L’État est obligé de céder et de rendre ses lieux de culte aux croyant·es. Il procède toutefois à de violentes représailles et de nombreux·ses Cristeros sont exécutés·es.</p>
<p><strong>1929 :</strong> Plutarco Elias Calles, le président, fonde le parti unique : le PNR (Parti National Révolutionnaire) qui reste au pouvoir pendant plus de soixante-dix ans.</p>
<p><strong>1935-1938 :</strong> le président Lazaro Cárdenas intensifie la réforme agraire et nationalise les chemins de fer et la production de pétrole.</p>
<p><strong>1939 :</strong> le gouvernement mexicain offre l'asile aux opposant·es de Franco en Espagne, puis entre en guerre aux côtés des Alliés.</p>
<p><strong>Années 1950 :</strong> essor économique lié à l'industrialisation du pays.</p>
<p><span style="color: #000000;">Des paysan·nes, de zones où la pression sur les terres est forte, sont envoyé·es au Chiapas et incité·es à coloniser la forêt de Lacandone. De nombreux indigènes fuient les grandes propriétés et les rejoignent pour échapper à leur sort d'exploité·es.</span></p>
<p>Pour amoindrir leur pouvoir et les contrôler, l’État réunit les syndicats dans un Bloc d'unité ouvrière.</p>
<p><strong>Années 1960 :</strong> malgré la poursuite de la réforme agraire et son inscription dans la Constitution, 47 % des exploitations agricoles du pays sont toujours aux mains des grands propriétaires terriens.</p>
<p>Une quarantaine d'organisations armées apparaissent dans le pays, influencées par l'ouvrage « La guerre de guérilla » de Che Guevara.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La guerre sale</span></strong></span><br /><br /><strong>1968 :</strong> les Jeux Olympiques se déroulent à Mexico.<br />Le mouvement étudiant est très actif, mais aussi durement réprimé. Dix jours avant l'ouverture des JO, plusieurs centaines de manifestant·es sont exécuté·es dans le centre de la capitale.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1969 :</strong> au Chiapas, création des Forces de Libération Nationale (FLN), qui installent un « foco » (foyer) guérillero dans la forêt Lacandone.</span></p>
<p><strong>1970-1976 :</strong> c'est la présidence de Luis Echeverria.<br />L'inflation est forte et la situation économique compliquée.<br />Une partie des étudiant·es se radicalisent. Ils prennent les armes pour renverser le pouvoir. Le gouvernement réagit avec l'opération Condor : officiellement, celle-ci vise à lutter contre les narco-trafiquants mais en réalité, elle s'attaque à tou·tes les opposant·es. Cette période est appelée « Guerra Sucia » (la guerre sale).<br />Les disparitions, les arrestations, les tortures se multiplient. La presse est censurée.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1972 :</strong> la situation dans la forêt de Lacandone se tend, lorsque l’État décide d'accorder des milliers d'hectares de terres supplémentaires aux grands propriétaires. Quatre mille familles indigènes sont contraintes de fuir.</span><br /><span style="color: #000000;">A partir de 1974 au Chiapas, des groupes de paysan·nes, indigènes et métisses créent des mouvements politiques et d'organisation autour des questions des terres, mais aussi de l'éducation, de la santé et du commerce.</span></p>
<p><strong>Années 1980 :</strong> le pays se place au 4e rang mondial des pays exportateurs de pétrole. Mais le Mexique connaît tout de même une crise économique de grande ampleur.<br />Les politiques de rigueur se succèdent.<br />L'immigration vers les États-Unis s'accentue.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1982 :</strong> au Chiapas, des organisations paysannes occupent des terres, organisent des manifestations et des rencontres avec la société civile. La répression est sanglante : des centaines d'assassinats, d'emprisonnements, d'enlèvements, de disparitions et d'expulsions...</span><br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La renaissance des zapatistes</span></strong></span><br /><br /><span style="color: #000000;"><strong>17 novembre 1983 :</strong> au Chiapas, l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) est créée.</span></p>
<p><strong>1er janvier 1994 :</strong> l'Accord de Libre Echange de l'Amérique du Nord (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique entre en vigueur.</p>
<p>Le même jour, l'Armée Zapatiste de Libération Nationale se soulève et occupe plusieurs villes du Chiapas.<br />Par la Première Déclaration de la Forêt de Lacandone, elle déclare la guerre au gouvernement fédéral et à son armée (lire aussi en encadré).</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/21841-ezln-ejercito-zapatista_400px.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/21841-ezln-ejercito-zapatista_400px.jpg" alt="21841 ezln ejercito zapatista 400px" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Ernesto Zedillo est élu président et poursuit la politique néolibérale de ses prédécesseurs. Liée aux accords de l'ALENA, une forte crise financière se produit.</p>
<p><strong>12 janvier 1994 :</strong> grande manifestation pour la paix à Mexico. Le gouvernement annonce un cessez-le-feu et sa volonté de négocier avec les zapatistes.<br /><span style="color: #000000;">Ce sont les « Dialogues de la Cathédrale », qui ont lieu dans la cathédrale de San Cristóbal Las Casas, en présence d'un médiateur, l'évêque Samuel Ruiz.</span></p>
<p><strong>Juin 1994 :</strong> les zapatistes rejettent les propositions du gouvernement.</p>
<p><strong>Août 1994 :</strong> Première convention démocratique dans le premier « Aguascalientes » zapatiste, un lieu de rencontres avec la société civile ; 6.000 personnes y participent.</p>
<p><strong>Décembre 1994 :</strong> l'EZLN occupe pacifiquement 38 villes déclarées municipalités autonomes et rebelles.</p>
<p><strong>1995 :</strong> Zedillo ordnonne une attaque contre les communautés zapatistes pour arrêter ses dirigeant·es.</p>
<p>L'EZLN lance une consultation nationale et internationale à laquelle plus d'un million de personnes répondent.<br />Suite aux résultats, l'EZLN annonce la création du Front Zapatiste de Libération Nationale (FZLN), force politique indépendante et pacifique (elle sera officialisée en 1997).</p>
<p><strong>Janvier 1996 :</strong> les représentant·es des peuples indigènes réuni·es en forum créent le Congrès National Indigène (CNI).</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/cni.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/cni.jpg" alt="cni" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><strong>16 février 1996 </strong>: le gouvernement et l'EZLN signent les accords de San Andrés sur les droits et cultures indigènes.<br />Ces accords ne seront jamais respectés par les gouvernements successifs et l'EZLN n'aura de cesse de les remettre sur les différentes tables de négociations.</p>
<p><strong>Été 1996 :</strong> première rencontre intercontinentale pour l'Humanité et contre le Néolibéralisme (Ces rencontres se poursuivent encore aujourd'hui partout dans le monde et sont connues sous le nom de rencontres intergalactiques. En France, elles ont lieu par exemple sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes).</p>
<p><strong>1999 :</strong> 5.000 délégué.es zapatistes se rendent dans les 32 États du pays pour une consultation nationale. L'objectif : la reconnaissance des peuples indigènes et la fin de la « guerre d'extermination ». Plus de 2,8 millions de personnes y participent.</p>
<p><strong>2000 :</strong> Vicente Fox Quesada, membre du PAN (parti conservateur) est élu président et assure résoudre le « problème chiapanèque » en quinze minutes.<span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"> </span></p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Avec la société civile</strong></span><br /><br /><strong>2001 :</strong> en février, les zapatistes organisent la Marche de la Couleur de la Terre pour demander l'application des accords de San Andrés. Vingt-trois sous-commandant·es <span style="font-size: 8pt;">(4)</span> dont Marcos quittent le Chiapas pour se rendre à Mexico. Un mois plus tard, 100.000 personnes les acclament dans le centre de la capitale. Les sous-commandant·es exigent toujours le respect des accords de San Andrés.</p>
<p><strong>2003 :</strong> création des « caracoles » et des conseils de bon gouvernement pour renforcer la mise en œuvre de l'autonomie (lire aussi la rubrique (Ré)acteurs).</p>
<p><strong>2005 :</strong> Sixième déclaration de la Forêt de Lacandone (lire aussi l'encadré).</p>
<p><strong>2006 :</strong> Les zapatistes lancent l'Autre Campagne : une tournée des sous-commandant·es à travers le pays. Le but : convaincre les mexicain·es que la voie électorale ne les mène à rien, et que seule la lutte « en bas à gauche » permettra de construire un monde anti-capitaliste et améliorera leur existence.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Sub_Marcos.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le sous-commandant Marcos (source : wikipédia)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Sub_Marcos.jpg" alt="Sub Marcos" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Felipe Calderon Hinojosa, élu président, intensifie la répression sous couvert de la lutte contre le narco-trafic. Cinquante mort·es par jour sont dénombré·es. Le pays devient aussi l'un des plus dangereux au monde pour les journalistes.</p>
<p><strong>2008 </strong>: le ministère de l'Intérieur met fin à la Coordination pour le Dialogue au Chiapas, née en 1994.</p>
<p><strong>2009 :</strong> le CNI signe le Manifeste d'Ostula, qui affirme le droit à l'autodéfense comme seul moyen de protéger les ressources et droits indigènes.</p>
<p><strong>2010 :</strong> naissance de la Brigade européenne de solidarité avec les zapatistes au Chiapas.</p>
<p><strong>2011 :</strong> lancement du Mouvement pour la Paix avec Justice et Dignité par le poète mexicain Javier Sicilia. Les zapatistes s'y associent. L'objectif est la démilitarisation du pays, la lutte contre la corruption des fonctionnaires, la restructuration des institutions et une nouvelle politique sociale.</p>
<p><strong>2012 :</strong> Enrique Peña Nieto devient président et continue de réprimer violemment tous les mouvements sociaux.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Une tournée internationale</span></strong></span><br /><br /><strong>2013 :</strong> l'EZLN publie « Eux et Nous », une analyse du système capitaliste et de la construction de l'autonomie zapatiste.</p>
<p><strong>2018 :</strong> Élection d'Andrés Manuel Lopez Obrador, accusé par les zapatistes de renier ses engagements envers les indigènes. Dans plusieurs zones autonomes, la militarisation s'est encore accentuée.<br />Les zapatistes décrètent onze nouvelles régions et municipalités autonomes.</p>
<p><strong>2020 :</strong> « Déclaration pour la vie ». Les zapatistes annoncent leur venue en Europe à l'été 2021 (lire aussi la rubrique (Ré)acteurs), dans le but de réactiver leurs réseaux internationaux et d'aller à la rencontre de tou·tes ceux·les qui luttent contre le capitalisme.<br />Une tournée à travers l'Asie et l'Afrique est également en préparation.</p>
<p><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Indigène : ce terme signifie « originaire du pays où il vit » ou « qui était implanté avant la colonisation » (dictionnaire Larousse). Il est couramment utilisé par les peuples autochtones mexicains.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Hacienda : exploitation agricole d'Amérique latine de grande taille.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Communisme libertaire : mouvement politique basé sur l'abolition de la propriété privée, et sur la mise en commun des moyens de production et des produits obtenus. Mais contrairement au communisme autoritaire, le communisme libertaire est hostile à toute forme d’État et d’autorité, et s’oppose donc dans les moyens et dans la forme à « l’autoritarisme » marxiste. Le but est de créer une société égalitaire, mutualiste et fraternelle par la libre association des individu·es et une fédération au niveau local, régional, national et international. L’État serait remplacé par l'association des fédérations.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Sous-commandant·es : selon les principes zapatistes, le commandant est le peuple. Il ne peut donc y avoir que des sous-commandant·es. Le plus célèbre est le sous-commandant Marcos, écrivain, philosophe et militaire, porte-voix du mouvement. Il avait été choisi avec le sous-commandant Pedro mais celui-ci a été tué lors du soulèvement de 1994. Toujours cagoulé, Marcos n'a jamais révélé son identité. Ces dernières années, il s'est effacé pour laisser la place au sous-commandant Moisés.</span><br /><br /><strong>Sources :</strong><br />- « Mexique, Chiapas et Zapatistes » – n° 9, automne 2013 – Supplément à « Expressions solidaires » édité par l'Union syndicale Solidaires et le CEFI.<br />- Wikimonde, article sur l'Armée Zapatiste de Libération Nationale : <a href="http://wikimonde.com/article/EZLN">http://wikimonde.com/article/EZLN</a><br />- site officiel de l'EZLN : <a href="http://enlacezapatista.ezln.org.mx">http://enlacezapatista.ezln.org.mx</a> et le site en français : <a href="http://cspcl.ouvaton.org">http://cspcl.ouvaton.org</a></p>
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<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">A lire aussi</h3>
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<ul>
<li>Depuis 1994, les zapatistes ont publié six déclarations dites « de la forêt de Lacandone ». Elles regroupent les orientations politiques du mouvement.</li>
<li><strong>1er janvier 1994 :</strong> la première déclaration est en fait une déclaration de guerre au gouvernement fédéral mexicain et à son armée, « principal pilier de la dictature que nous subissons ». Les zapatistes y détaillent aussi leurs revendications qui concernent le travail, la terre, le logement, l'alimentation, la santé, l'éducation, l'indépendance, la liberté, la démocratie, la justice et la paix (auxquelles seront ajoutées plus tard l'information et la culture).</li>
<li><strong>Juin 1994 :</strong> la deuxième déclaration annonce la création d'une Convention Nationale Démocratique (CND) pour une nouvelle Constitution. Mais après l'élection du président Ernesto Zedillo (qui a promulgué une nouvelle Constitution), la CND s'est démobilisée.</li>
<li><strong>Janvier 1995 :</strong> la troisième déclaration affirme la nécessité « d'un mouvement pour la libération nationale et pour la reconnaissance des peuples indigènes et leur droit à l'autonomie ». Elle annonce aussi l'organisation d'une consultation nationale à laquelle plus d'un million de personnes participent.<br />Rappelons qu'en 1995 et 1996, le gouvernement et l'EZLN entament des négociations qui aboutiront aux accords de San Andrés.</li>
<li><strong>Janvier 1996 :</strong> « Gouverner en obéissant » : c'est l'un des piliers fondamental de la pensée politique zapatiste qui est affirmé dans la quatrième déclaration.<br />Il s'agit : d'obéir et ne pas commander ; représenter et non supplanter ; partir d'en bas et non d'en haut ; servir et non se servir ; convaincre et non vaincre ; proposer et non imposer ; construire et non détruire.<br />Est également annoncée la création d'une nouvelle force politique : le Front Zapatiste de Libération Nationale (FZLN).</li>
<li><strong>Juillet 1998 :</strong> la cinquième déclaration annonce l'organisation d'une nouvelle consultation nationale sur l'initiative de loi indigène.</li>
<li><strong>Juin 2005 :</strong> la sixième déclaration présente une analyse politique du capitalisme dans le monde. Il·les affirment leur volonté d'établir des relations au-delà de leur pays, avec tou·tes ceux·les qui luttent contre le capitalisme.<br />C'est dans cet esprit que la déclaration a été réactivée pour les rencontres qui devraient avoir lieu cet été en Europe.<br /><br />Toutes les déclarations sont consultables en français sur le site <a href="http://cspcl.ouvaton.org">http://cspcl.ouvaton.org</a> et en langue castillane sur <a href="http://enlacezapatista.ezln.org.mx">http://enlacezapatista.ezln.org.mx</a></li>
</ul>
</div><p><strong>Pour comprendre comment le zapatisme est né, il faut remonter aux origines de l'exploitation des peuples autochtones du Mexique. La révolte des indigènes et leur lutte pour l'autonomie découlent en effet d'événements bien plus anciens, qui ont marqué l'histoire du pays et qui portent le sceau du capitalisme.</strong></p>
<p><strong>Avant la colonisation :</strong> les Olmèques, Mayas, Zapotèques, Mixtèques, Teotihuacán, Toltèques, Aztèques, Mexicas et bien d'autres peuples dits « amérindiens » habitent le territoire du Mexique. La grande diversité des peuples indigènes<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> actuels témoigne de la richesse de ces cultures.</p>
<p><strong>1521 :</strong> au nom de la couronne d'Espagne, Hernán Cortès prend le contrôle du sud du pays. La conquête des terres s'accompagne d'un système de domination et d'exploitation des autochtones, par ailleurs converti·es de gré ou de force au christianisme.</p>
<p>Durant la colonisation, le vice-royaume de « Nouvelle Espagne » s'étend de l'actuel sud-ouest des États-Unis au nord du Chiapas (à l'époque, le Chiapas appartient au Guatemala).</p>
<p><strong>XIXe siècle :</strong> l'Espagne perd ses colonies américaines.</p>
<p><strong>1810 :</strong> l'Espagne est gouvernée par Joseph Bonaparte.<br />Au Mexique, débute la guerre pour l'indépendance. Elle fera entre 250.000 et 500.000 mort·es selon les estimations.</p>
<p><strong>1821 :</strong> le traité de Cordoba acte l'indépendance du Mexique. La situation reste fragile : 50 gouvernements se succèdent en près de trente ans.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1823 :</strong> les grands propriétaires terriens du Chiapas font pression pour que la région se rattache au Mexique. Ils installent des exploitations d'élevage extensif et asservissent la population indigène.</span></p>
<p><strong>1824 :</strong> la République fédérale est proclamée. Elle comprend 25 États (aujourd'hui 31 et le District Fédéral de Mexico).</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/carte-regions-mexique.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les régions du Mexique aujourd'hui."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/carte-regions-mexique.jpg" alt="carte regions mexique" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong>1854-1876 :</strong> après une première révolution contre le pouvoir en place, la « Reforma » est imposée.<br />Les principales décisions sont : la séparation de l’Église et de l’État, la liberté des cultes, la naissance d'un État laïc, la fin des privilèges ecclésiastiques et la confiscation des biens du clergé. Mais les communautés indigènes perdent toute existence légale.</p>
<p><strong>1876 :</strong> Porfirio Díaz devient président. Véritable autocrate, il reste en place jusqu'en 1910. Cette période, appelée « porfiriat », se caractérise par une administration hyper-centralisée, l'industrialisation et l'urbanisation du pays, la surexploitation de la classe paysanne et ouvrière, la concentration des richesses et du pouvoir dans les mains des « élites », et l'ouverture du pays à l'impérialisme commercial.</p>
<p>De nombreux mouvements de révoltes indigènes, ouvriers et anarchistes éclatent.</p>
<p><span style="color: #000000;">Au Chiapas, les indigènes sont déplacé.es par milliers pour travailler de force dans les grandes exploitations de café, de caoutchouc, de gomme et de bois, appartenant souvent à des investisseurs étrangers.</span><br /><span style="color: #000000;">Les conditions de travail extrêmement pénibles, le salaire quasi inexistant, l'hygiène déplorable, le droit de cuissage... Autant d'humiliations qui inciteront les indigènes à se révolter.</span></p>
<p><strong>1900 :</strong> Ricardo Flores Magón devient un des leaders de l'opposition, mais la répression le force à l'exil aux États-Unis. Là-bas, il se lie avec les anarchistes et les syndicalistes révolutionnaires.</p>
<p><strong>1905 :</strong> Ricardo Flores Magón devient président du PLM (Parti Libéral Mexicain) qui entend renverser le pouvoir en place. Mais les gouvernements mexicain et étasunien parviennent à l'en empêcher.<br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Dix ans de révolution – la naissance du zapatisme</span></strong><br /><br /><strong>1910 :</strong> début de la « Revolución mexicana ».</p>
<p>Différentes classes sociales y participent : les prolétaires contre l'exploitation dans les villes ; les paysan.nes contre les propriétaires des grandes « haciendas » <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> ; la petite bourgeoisie contre la dictature.</p>
<p>En 1910, Porfirio Díaz consent à organiser des élections. Une vaste fraude lui permet d'être réélu.</p>
<p>Des figures d'opposants apparaissent : Pancho Villa, Pascual Orozco et Emiliano Zapata, par exemple. Ils ne constituent pas un front uni mais la réforme agraire est au cœur de leurs revendications.</p>
<p><strong>1911 :</strong> le PLM lance une insurrection dans huit États et publie un manifeste dans lequel il réclame <em>« l'émancipation politique, économique et sociale »</em>. Il revendique un communisme libertaire <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> contre l’État, l’Église et le Capital.</p>
<p>Porfirio Díaz démissionne et quitte le pays. Francisco I. Madero lui succède.</p>
<p>La même année, Emiliano Zapata publie le Plan de Ayala, un programme agraire révolutionnaire affirmant que <em>« la terre est à ceux qui la travaillent »</em>. Il faut donc exproprier les grands propriétaires terriens et redistribuer les terres aux paysan·nes. Le slogan zapatiste « Réforme, Liberté, Justice et Loi » apparaît.</p>
<p>Huerta Marquez prend le pouvoir et met en place une dictature proche de celle de Porfirio Días.</p>
<p><strong>1913 :</strong> la guérilla se poursuit, notamment aux côtés d'Emiliano Zapata. Publication du Manifeste zapatiste pour une réforme agraire.</p>
<p><strong>1914 :</strong> Malgré leurs points de convergence, les différents mouvements insurrectionnels ne parviennent pas à s'unir.<br />Les troupes de Pancho Villa et d'Emiliano Zapata entrent toutefois ensemble dans Mexico, en décembre 1914 <em>(lire aussi la rubrique (Ré)créations</em>).</p>
<p><strong>1915 :</strong> Venustiano Carranza, issu de l'insurrection, accède au pouvoir avec l'armée constitutionnaliste.</p>
<p><strong>1917 :</strong> une nouvelle Constitution est promulguée.<br />Les principes sont : la réforme agraire, la laïcité, l'anticléricalisme, le nationalisme, la non-réélection du président, la protection sociale (journée de 8 heures, droit syndical, droit de grève, salaire minimum, limitation du travail des enfants, conventions collectives)…</p>
<p>Mais en avril de la même année, les zapatistes contestent cette nouvelle Constitution. Pour eux, la lutte principale doit rester celle contre les grands propriétaires terriens. Ils dénoncent la compromission du pouvoir.</p>
<p><strong>1918 :</strong> Carranza réprime ses opposant·es.</p>
<p><strong>1919 :</strong> il fait assassiner Emiliano Zapata.<br />Il sera lui-même assassiné par son ministre de la guerre, Alvaro Obregón, qui devient président.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Dans la forêt de Lacandone</span></strong></span><br /><br /><strong>1926 :</strong> un grand nombre de Catholiques prennent les armes contre le gouvernement pour défendre leur Église attaquée par la nouvelle Constitution. C'est la guerre dite des « Cristeros » (partisan·nes du Christ).<br />Obregón est assassiné par un jeune fanatique catholique.<br />L’État est obligé de céder et de rendre ses lieux de culte aux croyant·es. Il procède toutefois à de violentes représailles et de nombreux·ses Cristeros sont exécutés·es.</p>
<p><strong>1929 :</strong> Plutarco Elias Calles, le président, fonde le parti unique : le PNR (Parti National Révolutionnaire) qui reste au pouvoir pendant plus de soixante-dix ans.</p>
<p><strong>1935-1938 :</strong> le président Lazaro Cárdenas intensifie la réforme agraire et nationalise les chemins de fer et la production de pétrole.</p>
<p><strong>1939 :</strong> le gouvernement mexicain offre l'asile aux opposant·es de Franco en Espagne, puis entre en guerre aux côtés des Alliés.</p>
<p><strong>Années 1950 :</strong> essor économique lié à l'industrialisation du pays.</p>
<p><span style="color: #000000;">Des paysan·nes, de zones où la pression sur les terres est forte, sont envoyé·es au Chiapas et incité·es à coloniser la forêt de Lacandone. De nombreux indigènes fuient les grandes propriétés et les rejoignent pour échapper à leur sort d'exploité·es.</span></p>
<p>Pour amoindrir leur pouvoir et les contrôler, l’État réunit les syndicats dans un Bloc d'unité ouvrière.</p>
<p><strong>Années 1960 :</strong> malgré la poursuite de la réforme agraire et son inscription dans la Constitution, 47 % des exploitations agricoles du pays sont toujours aux mains des grands propriétaires terriens.</p>
<p>Une quarantaine d'organisations armées apparaissent dans le pays, influencées par l'ouvrage « La guerre de guérilla » de Che Guevara.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La guerre sale</span></strong></span><br /><br /><strong>1968 :</strong> les Jeux Olympiques se déroulent à Mexico.<br />Le mouvement étudiant est très actif, mais aussi durement réprimé. Dix jours avant l'ouverture des JO, plusieurs centaines de manifestant·es sont exécuté·es dans le centre de la capitale.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1969 :</strong> au Chiapas, création des Forces de Libération Nationale (FLN), qui installent un « foco » (foyer) guérillero dans la forêt Lacandone.</span></p>
<p><strong>1970-1976 :</strong> c'est la présidence de Luis Echeverria.<br />L'inflation est forte et la situation économique compliquée.<br />Une partie des étudiant·es se radicalisent. Ils prennent les armes pour renverser le pouvoir. Le gouvernement réagit avec l'opération Condor : officiellement, celle-ci vise à lutter contre les narco-trafiquants mais en réalité, elle s'attaque à tou·tes les opposant·es. Cette période est appelée « Guerra Sucia » (la guerre sale).<br />Les disparitions, les arrestations, les tortures se multiplient. La presse est censurée.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1972 :</strong> la situation dans la forêt de Lacandone se tend, lorsque l’État décide d'accorder des milliers d'hectares de terres supplémentaires aux grands propriétaires. Quatre mille familles indigènes sont contraintes de fuir.</span><br /><span style="color: #000000;">A partir de 1974 au Chiapas, des groupes de paysan·nes, indigènes et métisses créent des mouvements politiques et d'organisation autour des questions des terres, mais aussi de l'éducation, de la santé et du commerce.</span></p>
<p><strong>Années 1980 :</strong> le pays se place au 4e rang mondial des pays exportateurs de pétrole. Mais le Mexique connaît tout de même une crise économique de grande ampleur.<br />Les politiques de rigueur se succèdent.<br />L'immigration vers les États-Unis s'accentue.</p>
<p><span style="color: #000000;"><strong>1982 :</strong> au Chiapas, des organisations paysannes occupent des terres, organisent des manifestations et des rencontres avec la société civile. La répression est sanglante : des centaines d'assassinats, d'emprisonnements, d'enlèvements, de disparitions et d'expulsions...</span><br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La renaissance des zapatistes</span></strong></span><br /><br /><span style="color: #000000;"><strong>17 novembre 1983 :</strong> au Chiapas, l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) est créée.</span></p>
<p><strong>1er janvier 1994 :</strong> l'Accord de Libre Echange de l'Amérique du Nord (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique entre en vigueur.</p>
<p>Le même jour, l'Armée Zapatiste de Libération Nationale se soulève et occupe plusieurs villes du Chiapas.<br />Par la Première Déclaration de la Forêt de Lacandone, elle déclare la guerre au gouvernement fédéral et à son armée (lire aussi en encadré).</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/21841-ezln-ejercito-zapatista_400px.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/21841-ezln-ejercito-zapatista_400px.jpg" alt="21841 ezln ejercito zapatista 400px" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Ernesto Zedillo est élu président et poursuit la politique néolibérale de ses prédécesseurs. Liée aux accords de l'ALENA, une forte crise financière se produit.</p>
<p><strong>12 janvier 1994 :</strong> grande manifestation pour la paix à Mexico. Le gouvernement annonce un cessez-le-feu et sa volonté de négocier avec les zapatistes.<br /><span style="color: #000000;">Ce sont les « Dialogues de la Cathédrale », qui ont lieu dans la cathédrale de San Cristóbal Las Casas, en présence d'un médiateur, l'évêque Samuel Ruiz.</span></p>
<p><strong>Juin 1994 :</strong> les zapatistes rejettent les propositions du gouvernement.</p>
<p><strong>Août 1994 :</strong> Première convention démocratique dans le premier « Aguascalientes » zapatiste, un lieu de rencontres avec la société civile ; 6.000 personnes y participent.</p>
<p><strong>Décembre 1994 :</strong> l'EZLN occupe pacifiquement 38 villes déclarées municipalités autonomes et rebelles.</p>
<p><strong>1995 :</strong> Zedillo ordnonne une attaque contre les communautés zapatistes pour arrêter ses dirigeant·es.</p>
<p>L'EZLN lance une consultation nationale et internationale à laquelle plus d'un million de personnes répondent.<br />Suite aux résultats, l'EZLN annonce la création du Front Zapatiste de Libération Nationale (FZLN), force politique indépendante et pacifique (elle sera officialisée en 1997).</p>
<p><strong>Janvier 1996 :</strong> les représentant·es des peuples indigènes réuni·es en forum créent le Congrès National Indigène (CNI).</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/cni.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/cni.jpg" alt="cni" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><strong>16 février 1996 </strong>: le gouvernement et l'EZLN signent les accords de San Andrés sur les droits et cultures indigènes.<br />Ces accords ne seront jamais respectés par les gouvernements successifs et l'EZLN n'aura de cesse de les remettre sur les différentes tables de négociations.</p>
<p><strong>Été 1996 :</strong> première rencontre intercontinentale pour l'Humanité et contre le Néolibéralisme (Ces rencontres se poursuivent encore aujourd'hui partout dans le monde et sont connues sous le nom de rencontres intergalactiques. En France, elles ont lieu par exemple sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes).</p>
<p><strong>1999 :</strong> 5.000 délégué.es zapatistes se rendent dans les 32 États du pays pour une consultation nationale. L'objectif : la reconnaissance des peuples indigènes et la fin de la « guerre d'extermination ». Plus de 2,8 millions de personnes y participent.</p>
<p><strong>2000 :</strong> Vicente Fox Quesada, membre du PAN (parti conservateur) est élu président et assure résoudre le « problème chiapanèque » en quinze minutes.<span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"> </span></p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Avec la société civile</strong></span><br /><br /><strong>2001 :</strong> en février, les zapatistes organisent la Marche de la Couleur de la Terre pour demander l'application des accords de San Andrés. Vingt-trois sous-commandant·es <span style="font-size: 8pt;">(4)</span> dont Marcos quittent le Chiapas pour se rendre à Mexico. Un mois plus tard, 100.000 personnes les acclament dans le centre de la capitale. Les sous-commandant·es exigent toujours le respect des accords de San Andrés.</p>
<p><strong>2003 :</strong> création des « caracoles » et des conseils de bon gouvernement pour renforcer la mise en œuvre de l'autonomie (lire aussi la rubrique (Ré)acteurs).</p>
<p><strong>2005 :</strong> Sixième déclaration de la Forêt de Lacandone (lire aussi l'encadré).</p>
<p><strong>2006 :</strong> Les zapatistes lancent l'Autre Campagne : une tournée des sous-commandant·es à travers le pays. Le but : convaincre les mexicain·es que la voie électorale ne les mène à rien, et que seule la lutte « en bas à gauche » permettra de construire un monde anti-capitaliste et améliorera leur existence.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Sub_Marcos.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le sous-commandant Marcos (source : wikipédia)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Sub_Marcos.jpg" alt="Sub Marcos" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Felipe Calderon Hinojosa, élu président, intensifie la répression sous couvert de la lutte contre le narco-trafic. Cinquante mort·es par jour sont dénombré·es. Le pays devient aussi l'un des plus dangereux au monde pour les journalistes.</p>
<p><strong>2008 </strong>: le ministère de l'Intérieur met fin à la Coordination pour le Dialogue au Chiapas, née en 1994.</p>
<p><strong>2009 :</strong> le CNI signe le Manifeste d'Ostula, qui affirme le droit à l'autodéfense comme seul moyen de protéger les ressources et droits indigènes.</p>
<p><strong>2010 :</strong> naissance de la Brigade européenne de solidarité avec les zapatistes au Chiapas.</p>
<p><strong>2011 :</strong> lancement du Mouvement pour la Paix avec Justice et Dignité par le poète mexicain Javier Sicilia. Les zapatistes s'y associent. L'objectif est la démilitarisation du pays, la lutte contre la corruption des fonctionnaires, la restructuration des institutions et une nouvelle politique sociale.</p>
<p><strong>2012 :</strong> Enrique Peña Nieto devient président et continue de réprimer violemment tous les mouvements sociaux.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Une tournée internationale</span></strong></span><br /><br /><strong>2013 :</strong> l'EZLN publie « Eux et Nous », une analyse du système capitaliste et de la construction de l'autonomie zapatiste.</p>
<p><strong>2018 :</strong> Élection d'Andrés Manuel Lopez Obrador, accusé par les zapatistes de renier ses engagements envers les indigènes. Dans plusieurs zones autonomes, la militarisation s'est encore accentuée.<br />Les zapatistes décrètent onze nouvelles régions et municipalités autonomes.</p>
<p><strong>2020 :</strong> « Déclaration pour la vie ». Les zapatistes annoncent leur venue en Europe à l'été 2021 (lire aussi la rubrique (Ré)acteurs), dans le but de réactiver leurs réseaux internationaux et d'aller à la rencontre de tou·tes ceux·les qui luttent contre le capitalisme.<br />Une tournée à travers l'Asie et l'Afrique est également en préparation.</p>
<p><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Indigène : ce terme signifie « originaire du pays où il vit » ou « qui était implanté avant la colonisation » (dictionnaire Larousse). Il est couramment utilisé par les peuples autochtones mexicains.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Hacienda : exploitation agricole d'Amérique latine de grande taille.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Communisme libertaire : mouvement politique basé sur l'abolition de la propriété privée, et sur la mise en commun des moyens de production et des produits obtenus. Mais contrairement au communisme autoritaire, le communisme libertaire est hostile à toute forme d’État et d’autorité, et s’oppose donc dans les moyens et dans la forme à « l’autoritarisme » marxiste. Le but est de créer une société égalitaire, mutualiste et fraternelle par la libre association des individu·es et une fédération au niveau local, régional, national et international. L’État serait remplacé par l'association des fédérations.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Sous-commandant·es : selon les principes zapatistes, le commandant est le peuple. Il ne peut donc y avoir que des sous-commandant·es. Le plus célèbre est le sous-commandant Marcos, écrivain, philosophe et militaire, porte-voix du mouvement. Il avait été choisi avec le sous-commandant Pedro mais celui-ci a été tué lors du soulèvement de 1994. Toujours cagoulé, Marcos n'a jamais révélé son identité. Ces dernières années, il s'est effacé pour laisser la place au sous-commandant Moisés.</span><br /><br /><strong>Sources :</strong><br />- « Mexique, Chiapas et Zapatistes » – n° 9, automne 2013 – Supplément à « Expressions solidaires » édité par l'Union syndicale Solidaires et le CEFI.<br />- Wikimonde, article sur l'Armée Zapatiste de Libération Nationale : <a href="http://wikimonde.com/article/EZLN">http://wikimonde.com/article/EZLN</a><br />- site officiel de l'EZLN : <a href="http://enlacezapatista.ezln.org.mx">http://enlacezapatista.ezln.org.mx</a> et le site en français : <a href="http://cspcl.ouvaton.org">http://cspcl.ouvaton.org</a></p>
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<h3 class="panel-title">A lire aussi</h3>
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<ul>
<li>Depuis 1994, les zapatistes ont publié six déclarations dites « de la forêt de Lacandone ». Elles regroupent les orientations politiques du mouvement.</li>
<li><strong>1er janvier 1994 :</strong> la première déclaration est en fait une déclaration de guerre au gouvernement fédéral mexicain et à son armée, « principal pilier de la dictature que nous subissons ». Les zapatistes y détaillent aussi leurs revendications qui concernent le travail, la terre, le logement, l'alimentation, la santé, l'éducation, l'indépendance, la liberté, la démocratie, la justice et la paix (auxquelles seront ajoutées plus tard l'information et la culture).</li>
<li><strong>Juin 1994 :</strong> la deuxième déclaration annonce la création d'une Convention Nationale Démocratique (CND) pour une nouvelle Constitution. Mais après l'élection du président Ernesto Zedillo (qui a promulgué une nouvelle Constitution), la CND s'est démobilisée.</li>
<li><strong>Janvier 1995 :</strong> la troisième déclaration affirme la nécessité « d'un mouvement pour la libération nationale et pour la reconnaissance des peuples indigènes et leur droit à l'autonomie ». Elle annonce aussi l'organisation d'une consultation nationale à laquelle plus d'un million de personnes participent.<br />Rappelons qu'en 1995 et 1996, le gouvernement et l'EZLN entament des négociations qui aboutiront aux accords de San Andrés.</li>
<li><strong>Janvier 1996 :</strong> « Gouverner en obéissant » : c'est l'un des piliers fondamental de la pensée politique zapatiste qui est affirmé dans la quatrième déclaration.<br />Il s'agit : d'obéir et ne pas commander ; représenter et non supplanter ; partir d'en bas et non d'en haut ; servir et non se servir ; convaincre et non vaincre ; proposer et non imposer ; construire et non détruire.<br />Est également annoncée la création d'une nouvelle force politique : le Front Zapatiste de Libération Nationale (FZLN).</li>
<li><strong>Juillet 1998 :</strong> la cinquième déclaration annonce l'organisation d'une nouvelle consultation nationale sur l'initiative de loi indigène.</li>
<li><strong>Juin 2005 :</strong> la sixième déclaration présente une analyse politique du capitalisme dans le monde. Il·les affirment leur volonté d'établir des relations au-delà de leur pays, avec tou·tes ceux·les qui luttent contre le capitalisme.<br />C'est dans cet esprit que la déclaration a été réactivée pour les rencontres qui devraient avoir lieu cet été en Europe.<br /><br />Toutes les déclarations sont consultables en français sur le site <a href="http://cspcl.ouvaton.org">http://cspcl.ouvaton.org</a> et en langue castillane sur <a href="http://enlacezapatista.ezln.org.mx">http://enlacezapatista.ezln.org.mx</a></li>
</ul>
</div>L'autonomie zapatiste au-delà du Mexique2017-03-21T12:54:42+01:002017-03-21T12:54:42+01:00http://www.rebonds.net/43yabasta/663-lautonomiezapatisteaudeladumexiqueSuper User<p style="text-align: right;"><em><strong>« Ici le peuple commande et le gouvernement obéit. » <br />Inscription zapatiste<br /></strong></em></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">U</span>n véritable rayon de soleil transperçant le brouillard. C'est ainsi que des milliers de militant·es ont accueilli la nouvelle : la promesse d'un moment lumineux au cours d'une année qui promettait (déjà) d'être grise.<br />Cet été, une délégation de zapatistes va traverser l'Océan pour venir à la rencontre des européen·nes. Il.les l'ont annoncé dans un communiqué intitulé « Déclaration pour la vie », diffusé sur leur site Internet et relayé par de nombreux autres depuis<em></em>.</p>
<p>Et alors ? En quoi ce voyage constitue-t-il un événement ? Officiellement, les zapatistes sortent peu du Mexique et de l’État du Chiapas où il·les vivent. Pourtant, il·les représentent un modèle dans la lutte contre le capitalisme et le néolibéralisme partout dans le monde. Il·les défendent les droits et cultures des peuples indigènes de leur pays mais aussi plus largement le droit de tous les peuples à l'autonomie, c'est-à-dire à se gouverner et s'organiser selon leurs besoins, et non selon les besoins d'une classe dominante motivée par la richesse et le pouvoir.</p>
<p>Non seulement les zapatistes se sont soulevé·es, mais il·les ont aussi construit une organisation de vie exemplaire, « l'autonomie de fait », qui inspire les anti-capitalistes du monde entier. Il·les ne prônent pas l'indépendance ou le séparatisme : il·les entendent faire nation avec l'ensemble des Mexicain·es, dans le respect de leurs singularités et de l'environnement de chacun·e.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/c1e0069e19f5f69dfac732fdd07c38.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/c1e0069e19f5f69dfac732fdd07c38.jpg" alt="c1e0069e19f5f69dfac732fdd07c38" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p>
<p>Le but du périple qu'il·les entameront cet été est de <em>« réaliser des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre personnes qui sommes engagées, à partir de différentes conceptions et sur différents terrains, dans la lutte pour la vie </em>», écrivent-il·les dans leur déclaration. <em>« Connaître ce qui est différent, c’est aussi une partie de notre lutte et de notre effort, de notre humanité. »</em><br />Partout en Europe, et particulièrement en France où des liens sont déjà tissés (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>), on se prépare donc à les accueillir, dans l'esprit de partage qui les anime.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un terreau favorable aux révoltes</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Isabelle Besnainou sera heureuse de participer à leur venue. Originaire des Hauts-de-Seine, cette professeure de Français Langue Etrangère (FLE) a vécu près de 28 ans au Mexique, avant de revenir en France et de s'installer dans le Berry. <em>« Je suis allée vivre au Mexique pour apprendre et j’ai appris beaucoup de choses,</em> explique-t-elle.<em> J’ai pu apprécier le côté magique, merveilleux et surréaliste du Mexique. J’ai eu la chance de m’intégrer à un groupe de danse aztèque, danse traditionnelle et autochtone qui m’a passionnée. C’est la raison pour laquelle je suis restée. »</em><br />Elle se souvient très bien la première fois qu'elle a entendu parler des zapatistes : <em>« En même temps que tout le pays et même le monde car j'étais au Mexique quand le 1er janvier 1994, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale a pris les armes pour prendre possession de villes du Chiapas. »</em></p>
<p>Cette armée – appelée également EZLN – est née en 1983. Elle fait référence au nom d'une figure de la « Revolución mexicana » : Emiliano Zapata.<br />En 1910, dans un contexte de dictature politique et de sur-exploitation des prolétaires et des paysan·nes, une partie des mexicain·es se soulèvent. Emiliano Zapata Salazar (1879-1919) est issu d'une famille de petits paysans, de langue indigène nahuatl. Il lutte pour l'expropriation des grands propriétaires terriens et pour la restitution des terres aux paysan·nes. Le président, Venustiano Carranza, pourtant issu de l'insurrection, le fera assassiner (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).</p>
<p>Toutes les révoltes qui marquent l'histoire du Mexique depuis le XIXe siècle ont un terreau commun : le capitalisme. Il se caractérise par un hyper-centralisme politique et administratif : les peuples n'ont aucun pouvoir sur la manière dont ils sont gouvernés. L'ouverture aux entreprises étrangères les privent de leurs ressources les plus élémentaires (comme l'eau, par exemple), tandis que leur tradition de gestion collective est niée au profit de la propriété privée. La surexploitation des classes ouvrière et paysanne devient la norme.</p>
<p>Dans les années 1980, la situation n'a pas beaucoup changé. Si le pays atteint le 4e rang mondial des producteurs de pétrole, une crise économique de grande ampleur sévit.<br />En 1992, une réforme de la Constitution formalise la privatisation des terres collectives, préparant ainsi l'Accord de Libre Échange de l'Amérique du Nord (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il entre en vigueur le 1er janvier 1994. C'en est trop. Le même jour, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale déclare la guerre au gouvernement fédéral<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> et occupe plusieurs villes du Chiapas, État situé à l'extrême sud-ouest du pays.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Pour les droits et les cultures des indigènes</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>____________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p><em></em>Les zapatistes sont issu·es de la société civile. Il·les sont des « indigènes » (un terme qu'eux·les-mêmes utilisent), c'est-à-dire des descendant·es des peuples installés au Mexique avant les « conquistadors » au XVIe siècle (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>). Les indigènes représentent 10 % de la population, soit 12 millions de personnes environ. Il·les sont généralement parmi les plus pauvres.<br />Le Chiapas est un des États aux ressources naturelles riches : pétrole, forêts, eau qui tombe en abondance et qui permet une agriculture florissante… Pourtant, ses habitant·es sont aussi parmi les plus pauvres. Il·les ont été spolié·es de leurs terres, contraint·es de les céder et / ou de travailler pour de grands propriétaires terriens contre un salaire de misère.<br />Le Chiapas concentre les plus forts taux de mortalité, de malnutrition, d'analphabétisme et de précarité du pays.</p>
<p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/chiapas-carte-mexique.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'État du Chiapas au Mexique (en rouge)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/chiapas-carte-mexique.jpg" alt="chiapas carte mexique" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></em></p>
<p>Le comportement du gouvernement à l'égard des indigènes est ambivalent. D'un côté, il ratifie des textes qui semblent en leur faveur ; de l'autre, il les persécute.<br />En 1992 par exemple, la convention de l'Organisation Internationale du Travail sur les peuples indigènes et tribaux entre en vigueur. Le Mexique l'a signée. Elle accorde un certain nombre de droits aux indigènes comme le respect de leurs cultures et usages sociaux ou encore l'obligation pour le gouvernement de les consulter lorsqu'un projet les affecte directement. Mais la même année, le gouvernement mexicain promulgue la Nouvelle Loi Agraire qui autorise la vente des terres communales, jusqu'alors considérées comme des biens communs.</p>
<p>Même double jeu en 1996. Après leur soulèvement, les zapatistes acceptent de négocier. Des rencontres ont lieu avec des représentant·es du gouvernement et des représentant·es de la société civile dans la ville de San Andrés Larráinzar. Elles aboutissent aux accords sur les droits et cultures des indigènes. Y sont reconnus : le droit à la libre détermination des peuples indigènes et à l'autonomie politique, juridique, économique et culturelle.<br />Chaque partie sait cependant que ces principes doivent s'exercer dans un cadre législatif. Il faut réformer la Constitution. Le gouvernement mexicain ne s'y emploiera jamais…<br />C'est pourquoi, en 1997, l'EZLN rompt les négociations et n'a de cesse, depuis, de réclamer le respect des accords de San Andrés comme tout préalable à nouvelle discussion avec le pouvoir.<br />En 2001, une loi sur les droits et les cultures a bien été votée au Sénat, mais sans aucune mention de la notion d'autonomie, pourtant fondamentale chez les indigènes.<span style="font-size: 8pt;"><br /></span></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une gouvernance populaire</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p>Puisque l'autonomie en droit n'est pas possible, les zapatistes ont décidé de mettre en œuvre une autonomie de fait. Dès 1994, il·les ont créé des communes autonomes rebelles. Mais, à partir de 2003, les « caracoles » <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> et les « conseils de bon gouvernement » ont renforcé la cohérence de leurs principes et de leurs organisations de vie.<br />Cinq caracoles voient alors le jour : La Realidad, Oventik, La Garrucha, Morelia et Roberto Barrios. Chaque caracole correspond à une zone, divisée en « municipios », eux-mêmes divisés en « pueblos » <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>.<br />Si tous les caracoles partagent les mêmes principes, des spécificités existent en fonction des ressources existantes sur place ou des besoins exprimés par les habitant·es.<br />Le symbole du caracole a plusieurs significations : conque, il est l'instrument qui permet d'alerter en cas de danger ; spirale, il lie le passé, le présent et le futur ; escargot, il est celui qui avance doucement mais sûrement…</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/affiche_obedecer.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'un des sept principes de bon gouvernement : obéir et ne pas commander."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/affiche_obedecer.jpg" alt="affiche obedecer" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br /><em></em><br />Les zones autonomes sont administrées par des « conseils de bon gouvernement » : le peuple commande, le gouvernement obéit.<br />Pour les zapatistes, les gouvernements inféodés au capitalisme sont de <em>« mauvais gouvernements »</em> (« mal gobierno »). Il·les leur opposent leurs <em>« conseils de bon gouvernement »</em> (« junta de buen gobierno »). Ceux-ci agissent selon sept principes : obéir et ne pas commander ; représenter et non supplanter ; partir d'en bas et non d'en haut (et ne pas chercher à s'élever) ; servir et non se servir ; convaincre et non vaincre ; proposer et non imposer ; construire et non détruire.</p>
<p>Comment fonctionnent ces conseils ? Leurs membres sont élu·es par les assemblées des « municipios » pour une durée de trois ans, mais il·les sont révocables à tout moment. Leurs charges sont tournantes. Il·les agissent sous le regard d'une commission de vigilance, elle aussi élue par les assemblées.<br />Le rôle des conseils est principalement de veiller à la mise en œuvre des projets et à la juste répartition des ressources.<br />Que se passe-t-il lorsqu'un conflit éclate ? Des autorités d'arbitrage existent dans tous les caracoles, même si elles varient de l'un à l'autre. Dans tous les cas, c'est la recherche de l'accord entre les parties qui domine. Il n'existe pas de prison en tant que telle et les « punitions » sont généralement des travaux d'intérêt général. <em>« Il ne saurait être question de maintenir quelqu'un enfermé, à moins qu'il/elle ne représente un réel danger pour l'entourage (…). Ce serait le/la priver des relations humaines qui lui sont indispensables et ce serait priver la collectivité des travaux qu'il/elle doit accomplir. Quel sens cela aurait-il… ? »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Économie, santé, éducation, communication...</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________________</strong></span></p>
<p>Dans leur ouvrage collectif « Mexique, Chiapas et Zapatistes »<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span>, des membres de l'union syndicale Solidaires donnent des exemples concrets des domaines où l'autonomie des zapatistes a beaucoup avancé ces dernières années.<br />En matière économique, les coopératives et le travail collectif sont encouragés. Cela correspond bien à cette tradition indigène des « ejidos », ces terres autrefois possédées collectivement par la communauté, donc inaliénables, mais dont l'usage pouvait cependant être individuel ou familial.<br />Les coopératives sont agricoles (pour la production de café, de maïs, de canne à sucre, de bananes, de haricots…), artisanales (vêtements), d'élevage, de boulangerie… Des coopératives composées de femmes, autrefois privées de l'accès au travail, contribuent à leur émancipation.</p>
<p>En matière de santé, les zapatistes ont ouvert de nombreuses cliniques et des centres de soins dans les zones qu'il·les contrôlent (en 2013, onze cliniques et quarante maisons de santé, 322 « promotores de salud » <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>). Délaissé·es par le gouvernement, les indigènes mouraient, jusqu'à peu encore, de maladies pourtant curables. <br />Les établissements sont ouverts aux zapatistes, mais plus largement, à tou·tes les mexicain·es qui en ont besoin. Outre les soins prodigués sur place, des campagnes de prévention des maladies sexuellement transmissibles ou de vaccination sont organisées directement dans les « pueblos ».<br />Enfin, en plus de la médecine allopathique, les zapatistes renouent avec les médecines naturelles indigènes qui font la part belle à l'herboristerie.</p>
<p>L'éducation est un autre secteur clé de l'autonomie. Au Mexique, l'enseignement est dispensé en castillan. Près de 70 langues indigènes sont pourtant parlées à travers tout le pays. De plus, certaines matières comme l'Histoire occulte totalement celle des peuples autochtones.<br />Pour les zapatistes, un·e enfant doit pouvoir apprendre dans sa langue maternelle, tout en maîtrisant le castillan. Il·le doit connaître les épisodes qui ont fondé sa culture et l'histoire de son peuple. Il doit aussi <em>« apprendre à s'informer, réfléchir, analyser, argumenter, pour mieux affronter un capitalisme sans scrupules »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Propagande, diront les un·es ! Esprit critique, répondront les autres !<br /><em>« Mais un·e enfant doit aussi être respecté·e dans sa personnalité. Il est absurde d'exiger de tous et toutes un même rythme d'acquisition. L'enfant pourra construire ses savoirs à son rythme propre. Jamais il/elle ne sera battu·e ou puni·e. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br />Des principes que l'on retrouve dans les écoles dites « alternatives » partout dans le monde, mais que les institutions éducatives capitalistes nient, au nom d'une pseudo égalité qui n'est en fait qu'une uniformisation des savoirs et des êtres.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/escuelita_zapatista_caracole.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/escuelita_zapatista_caracole.jpg" alt="escuelita zapatista caracole" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Chez les zapatistes, l'école est obligatoire jusqu'au niveau collège environ. Mais la transmission des savoirs et l'autoformation durent tout au long de la vie. Ainsi, les « promotores de salud » sont formé·es par des médecins sympathisant·es de la cause ; les enseignant·es sont formé·es par d'autres enseignant·es, etc…<br />Dans les deux cas, aucun salaire n'est perçu, seule une indemnité alimentaire est accordée, leur charge s'exerçant au bénéfice de la communauté. Lorsque les vacances arrivent, tou·tes retournent en formation ou aux travaux collectifs.</p>
<p>Les zapatistes veulent maîtriser leur communication. Pendant longtemps, il s'est agi de combattre la censure et la collaboration des médias avec le pouvoir en place. Il fallait populariser la lutte et la faire rayonner au niveau international. Le sous-commandant Marcos, porte-voix du mouvement, y a beaucoup contribué (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).<br />Mais les zapatistes veulent aussi faire de leurs médias des outils pédagogiques à destination des peuples. Pour cela, il·les ont développé des radios communautaires, sur les ondes desquelles on apprend et on débat. Avec le soutien de l'association Promedios, il·les forment des apprenti·es cinéastes et organisent des projections (<em>lire aussi la rubrique (Ré)créations</em>).<br />Leur site Internet, particulièrement riche d'informations, est tenu à jour en castillan et dans les langues indigènes, et de nombreux textes sont traduits en anglais, en français, en allemand… <span style="font-size: 8pt;">(6)</span></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>« C’est une lutte pour la vie. »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________</strong></span></p>
<p>Depuis un an, Isabelle Besnainou fait partie de l'équipe de traduction. C'est là qu'elle place son soutien aux zapatistes depuis la France. Adhérente du café militant associatif L'Antidote, à Bourges, elle y a récemment organisé une projection du film « Les derniers zapatistes » de Francesco Taboada.</p>
<p>Lorsqu'elle vivait au Mexique, elle a eu plusieurs fois l'occasion de prendre part à des événements organisés par le mouvement. Elle raconte : <em>« J’ai participé aux assemblées de la Otra Campaña <span style="font-size: 8pt;">(7)</span> en 2006. Il y avait une caravane de zapatistes avec le sous-commandant Marcos, qui sillonnait le pays. J’ai assisté à toutes les rencontres dans l’État de Morelos, l’État où j’habitais. À partir de là, je me suis intégrée à un groupe local qui s’appelait « Flor de la Palabra » (la fleur de la parole). En 2015, j’ai participé au Festival mondial des rébellions et des résistances contre le capitalisme dans le village d’Amilcingo qui se trouve dans l’État de Morelos et au Chiapas où j’ai connu les installations de l’Universidad de la Tierra et le caracole d'Oventik. Beaucoup de mes amis sont zapatistes dans le sens où ils soutiennent l’EZLN. On préfèrera le terme « adhérent à la sixième déclaration de la forêt Lacandone » (</em>lire aussi la rubrique (Re)visiter<em>). À l’occasion de la campagne de la porte-parole du CNI-CIG <span style="font-size: 8pt;">(8)</span> soutenue par l’EZLN, Marichuy, j’ai assisté à un rassemblement à Tepoztlan, village proche de Cuernavaca. Je me suis intégrée au groupe formé pour réunir les signatures pour la « candidate » à l’élection présidentielle de 2018. En janvier 2020, j’ai commencé à traduire un texte diffusé par ce groupe et ensuite, je suis entrée dans un collectif qui traduit les textes de « Enlace zapatista » et les communiqués du CNI. »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/ceremonia_amilcingo.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="En 1994, Isabelle participait à une danse aztèque lors du Festival des résistances et rebellions contre le Capitalisme dans l'État de Morelos. Des parents d'étudiant·es disparu·es étaient présent·es."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/ceremonia_amilcingo.jpg" alt="ceremonia amilcingo" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>En quoi le projet zapatiste lui paraît révolutionnaire pour le Mexique ? <em>« Les zapatistes soutiennent les indigènes de tout le pays mais aussi tous les groupes de personnes qui veulent vivre autrement et qui sont exclus du système capitaliste. Ils ont participé à la création du CNI. Le fait de s’organiser permet de vivre dignement en autonomie et de pouvoir se battre contre des méga-projets de mort qui veulent spolier des terres et des ressources naturelles. L’organisation qui est préconisée est une organisation horizontale. »</em> Et pour les peuples du monde entier ? <em>« En s’ouvrant sur le monde, la lutte zapatiste du Chiapas a pour effet de relier les luttes de différentes géographies entre elles, car le capitalisme détruit partout et la résistance devrait être internationale. C’est une lutte pour la vie. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Rencontrer ceux·les qui sont « en bas, à gauche »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________________________________</strong></span></p>
<p><em></em>Les zapatistes ne se sont jamais « retiré·es » de la vie mexicaine. Ce qu'il·les proposent est un réel projet politique et social, pas un idéal de communautés autarciques. Tout au long de leur histoire, il·les ont organisé des consultations nationales, auxquelles ont participé des millions de personnes (zapatistes ou non) et qui ont débouché sur des actions concrètes vers l'autonomie. Régulièrement, il·les vont à la rencontre de la société civile, en organisant des marches ou des assemblées. Il·les participent à des instances plus larges comme le CNI.<br />En 2006, il·les ont lancé l'Autre Campagne, une tournée de leurs sous-commandant·es à travers tout le pays. La gauche institutionnelle est alors au pouvoir, mais l'EZLN n'entend pas la soutenir.<em> « L'Autre Campagne, celle qui ne prétend pas à la conquête du pouvoir, celle qui n'a aucun candidat à présenter ou à soutenir, celle dont la seule ambition est de favoriser la rencontre de toutes celles et tous ceux qui se trouvent « en bas, à gauche » et pensent qu'un autre monde est possible. La rupture avec la gauche institutionnelle repose sur la priorité donnée à un modèle de représentation qui soumet les élu·es à celles et ceux qui les ont élu·es. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (4)</span></p>
<p>Le gouvernement mexicain n'a jamais relâché la pression sur les zapatistes. Aux disparitions, massacres, arrestations et tortures des années 1980 et 1990 (qui ont toujours cours aujourd'hui dans une autre mesure), ont succédé les descentes régulières des militaires et de la police dans les caracoles (sous couvert de la lutte contre le narco-trafic ou les différends intra-communautaires). <em>« Au Chiapas, il suffit d'observer les situations des camps militaires sur une carte de l’État pour que la « coïncidence » entre camps et zones zapatistes lève toute ambiguïté quant à l'hypothèse du hasard. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br />La pression institutionnelle est également très forte : au prétexte de créer des réserves naturelles, les indigènes sont encore régulièrement exproprié·es de leurs terres. L'appauvrissement dans lequel le gouvernement les maintient les rend particulièrement fragiles dès lors que des propositions d'achats de terres arrivent…</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Zapatistes_25_ans.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Zapatistes_25_ans.JPG" alt="Zapatistes 25 ans" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p>
<p>Mais les zapatistes résistent. Et il·les souhaitent renforcer leur lutte grâce à des échanges avec les anti-capitalistes et anti-néolibéralistes du monde entier. <em>« Comme il y a une globalisation néolibérale, il y a une globalisation de la rébellion »</em>, affirment-il·les <span style="font-size: 8pt;">(9)</span>.</p>
<p>Cet été, c'est donc une tournée internationale exceptionnelle qu'il·les entameront. Peu de détails filtrent pour l'instant, mais les collectifs sympathisants d'Europe seront sollicités pour les accueillir et organiser avec eux·les des temps forts auprès de la population. Isabelle Besnainou espère pouvoir y participer : <em>« Ça serait très important pour moi »</em>, reconnaît-elle. Les rencontres seront forcément bénéfiques : <em>« Le fait de participer à l’arrivée des Zapatistes va pousser les différents collectifs et individus à se rapprocher, se connaître et à s’organiser. Les zapatistes vont apprendre d’autres façons de faire ensemble, aussi, connaître de nouveaux visages, de nouvelles paroles. »</em></p>
<p style="text-align: left;"><strong>Fanny Lancelin</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Le Mexique (de son nom complet États-Unis Mexicains), est composé de 31 États et d'un District Fédéral (Mexico, la capitale). Le Chiapas est un de ces États.<br />(2) Caracol : escargot en français.<br />(3) Municipios : municipalités, communes. Pueblos : ici, villages, villes (peut vouloir dire aussi, peuples).<br />(4) Extrait de l'ouvrage « Mexique, Chiapas et Zapatistes » de l'Union syndicale Solidaires International, p.111 – n° 9, automne 2013 – supplément à « Expressions solidaires » édité par l'Union syndicale Solidaires et le CEFI.<br />(5) Promotores de salud : promoteur·ices de santé.<br />(6) Site officiel de l'EZLN : <a href="http://enlacezapatista.ezln.org.mx">http://enlacezapatista.ezln.org.mx</a> et le site en français : <a href="http://cspcl.ouvaton.org">http://cspcl.ouvaton.org</a><br />(7) Otra campaña : l'Autre Campagne.<br />(8) CNI : Congrès National Indigène - CGI : Conseil Indigène de Gouvernement.<br />(9) Sixième déclaration de la Forêt de Lacandone – juin 2005 (lire aussi la rubrique (Re)visiter).</span></p>
<p> </p>
<p><strong>Références bibliographiques :</strong><br />- Ouvrage « Mexique, Chiapas et Zapatistes » de l'Union syndicale Solidaires International – n° 9, automne 2013 – supplément à « Expressions solidaires » édité par l'Union syndicale Solidaires et le CEFI.<br />- Jérôme Baschet, « La rébellion zapatiste » (Flammarion).<br />- Guillaume Goutte, « Tout pour tous ! » (éditions Libertalia).</p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Une déclaration pour la vie</h3>
</div>
<ul>
<li><strong>Voici le communiqué de la délégation zapatiste annonçant sa tournée :</strong></li>
<li>1er janvier 2021<br />Aux peuples du monde :<br />Aux personnes qui luttent sur les cinq continents :<br />Frères, sœurs, froeurs, compañer@s,<br />Durant ces derniers mois, nous avons pris contact entre nous de différentes manières. Nous sommes des femmes, des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transgenres, des travestis, des transsexuels, des personnes intersexes, des queers et d’autres encore, hommes, groupes, collectifs, associations, organisations, mouvements sociaux, peuples originaires, associations de quartier, communautés et un long etcétéra qui nous donne une identité.<br />Nos différences et les distances entre nous viennent des terres, des cieux, des montagnes, des vallées, des steppes, des déserts, des océans, des lacs, des rivières, des sources, des lagunes, des races, des cultures, des langues, des histoires, des âges, des géographies, des identités sexuelles ou pas, des racines, des frontières, des formes d’organisation, des classes sociales, des capacités financières, du prestige social, de la popularité, des followers, des likes, des monnaies, des niveaux de scolarité, des manières d’être, des préoccupations, des qualités, des défauts, des pour, des contre, des mais, des cependant, des rivalités, des inimitiés, des conceptions, des argumentations, des contre-argumentations, des débats, des différends, des dénonciations, des accusations, des mépris, des phobies, des philies, des éloges, des rejets, des abus, des applaudissements, des divinités, des démons, des dogmes, des hérésies, des goûts, des dégoûts, des manières d’être, et un long etcétéra qui nous rend différents et bien des fois nous oppose.<br />Il n’y a que très peu de choses qui nous unissent :<br />Faire nôtres les douleurs de la terre : la violence contre les femmes, la persécution et le mépris contre les différentEs dans leur identité affective, émotionnelle, sexuelle ; l’anéantissement de l’enfance ; le génocide contre les peuples originaires ; le racisme ; le militarisme ; l’exploitation ; la spoliation ; la destruction de la nature.<br />Comprendre que le responsable de ces douleurs est un système. Le bourreau est un système exploiteur, patriarcal, pyramidal, raciste, voleur et criminel : le capitalisme.<br />Savoir qu’il n’est pas possible de réformer ce système, ni de l’éduquer, de l’atténuer, d’en limer les aspérités, de le domestiquer, de l’humaniser.<br />S’être engagé à lutter, partout et à toute heure — chacunE là où on se trouve — contre ce système jusqu’à le détruire complètement. La survie de l’humanité dépend de la destruction du capitalisme. Nous ne nous rendons pas, nous ne nous vendons pas, nous ne titubons pas.<br />Avoir la certitude que la lutte pour l’humanité est mondiale. De même que la destruction en cours ne reconnaît pas de frontières, de nationalités, de drapeaux, de langues, de cultures, de races, la lutte pour l’humanité est en tous lieux, tout le temps.<br />Avoir la conviction que nombreux sont les mondes qui vivent et qui luttent dans le monde. Et que toute prétention à l’homogénéité et à l’hégémonie attente à l’essence de l’être humain : la liberté. L’égalité de l’humanité se trouve dans le respect de la différence. C’est dans sa diversité que se trouve sa ressemblance.<br />Comprendre que ce n’est pas la prétention d’imposer notre regard, nos pas, nos compagnies, nos chemins et nos destins qui nous permettra d’avancer, mais la capacité à écouter et à regarder l’autre qui, distinct et différent, partage la même vocation de liberté et de justice.<br />De par ce qui nous unit, et sans abandonner nos convictions ni cesser d’être ce que nous sommes, nous nous sommes mis d’accord pour :<br />Premièrement : réaliser des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre personnes qui sommes engagées, à partir de différentes conceptions et sur différents terrains, dans la lutte pour la vie. Après, chacun continuera son chemin, ou pas. Regarder et écouter l’autre nous y aidera peut-être, ou pas. Mais connaître ce qui est différent, c’est aussi une partie de notre lutte et de notre effort, de notre humanité.<br />Deuxièmement : que ces rencontres et ces activités se réalisent sur les cinq continents. Qu’en ce qui concerne le continent européen, elles se concrétisent durant les mois de juillet, août, septembre et octobre 2021, avec la participation directe d’une délégation mexicaine formée par le Congrès national indigène-Conseil indigène de gouvernement, le Front des villages en défense de l’eau et de la Terre des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala, et par l’Armée zapatiste de libération nationale. Et que nous aiderons selon nos possibilités à ce qu’elles se réalisent, à des dates postérieures encore à préciser, en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.<br />Troisièmement : inviter les personnes qui partagent les mêmes préoccupations et des luttes similaires, toutes les personnes honnêtes et tous les en bas qui se rebellent et résistent dans les nombreux recoins du monde, à rejoindre, à contribuer, à soutenir et à participer à ces rencontres et activités ; et à signer et à s’approprier cette déclaration POUR LA VIE.<br />Depuis l’un des ponts de dignité qui unissent les cinq continents.<br />Nous.<br />Planète Terre.<br />1er janvier 2021.</li>
</ul>
</div><p style="text-align: right;"><em><strong>« Ici le peuple commande et le gouvernement obéit. » <br />Inscription zapatiste<br /></strong></em></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">U</span>n véritable rayon de soleil transperçant le brouillard. C'est ainsi que des milliers de militant·es ont accueilli la nouvelle : la promesse d'un moment lumineux au cours d'une année qui promettait (déjà) d'être grise.<br />Cet été, une délégation de zapatistes va traverser l'Océan pour venir à la rencontre des européen·nes. Il.les l'ont annoncé dans un communiqué intitulé « Déclaration pour la vie », diffusé sur leur site Internet et relayé par de nombreux autres depuis<em></em>.</p>
<p>Et alors ? En quoi ce voyage constitue-t-il un événement ? Officiellement, les zapatistes sortent peu du Mexique et de l’État du Chiapas où il·les vivent. Pourtant, il·les représentent un modèle dans la lutte contre le capitalisme et le néolibéralisme partout dans le monde. Il·les défendent les droits et cultures des peuples indigènes de leur pays mais aussi plus largement le droit de tous les peuples à l'autonomie, c'est-à-dire à se gouverner et s'organiser selon leurs besoins, et non selon les besoins d'une classe dominante motivée par la richesse et le pouvoir.</p>
<p>Non seulement les zapatistes se sont soulevé·es, mais il·les ont aussi construit une organisation de vie exemplaire, « l'autonomie de fait », qui inspire les anti-capitalistes du monde entier. Il·les ne prônent pas l'indépendance ou le séparatisme : il·les entendent faire nation avec l'ensemble des Mexicain·es, dans le respect de leurs singularités et de l'environnement de chacun·e.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/c1e0069e19f5f69dfac732fdd07c38.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/c1e0069e19f5f69dfac732fdd07c38.jpg" alt="c1e0069e19f5f69dfac732fdd07c38" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p>
<p>Le but du périple qu'il·les entameront cet été est de <em>« réaliser des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre personnes qui sommes engagées, à partir de différentes conceptions et sur différents terrains, dans la lutte pour la vie </em>», écrivent-il·les dans leur déclaration. <em>« Connaître ce qui est différent, c’est aussi une partie de notre lutte et de notre effort, de notre humanité. »</em><br />Partout en Europe, et particulièrement en France où des liens sont déjà tissés (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>), on se prépare donc à les accueillir, dans l'esprit de partage qui les anime.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un terreau favorable aux révoltes</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Isabelle Besnainou sera heureuse de participer à leur venue. Originaire des Hauts-de-Seine, cette professeure de Français Langue Etrangère (FLE) a vécu près de 28 ans au Mexique, avant de revenir en France et de s'installer dans le Berry. <em>« Je suis allée vivre au Mexique pour apprendre et j’ai appris beaucoup de choses,</em> explique-t-elle.<em> J’ai pu apprécier le côté magique, merveilleux et surréaliste du Mexique. J’ai eu la chance de m’intégrer à un groupe de danse aztèque, danse traditionnelle et autochtone qui m’a passionnée. C’est la raison pour laquelle je suis restée. »</em><br />Elle se souvient très bien la première fois qu'elle a entendu parler des zapatistes : <em>« En même temps que tout le pays et même le monde car j'étais au Mexique quand le 1er janvier 1994, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale a pris les armes pour prendre possession de villes du Chiapas. »</em></p>
<p>Cette armée – appelée également EZLN – est née en 1983. Elle fait référence au nom d'une figure de la « Revolución mexicana » : Emiliano Zapata.<br />En 1910, dans un contexte de dictature politique et de sur-exploitation des prolétaires et des paysan·nes, une partie des mexicain·es se soulèvent. Emiliano Zapata Salazar (1879-1919) est issu d'une famille de petits paysans, de langue indigène nahuatl. Il lutte pour l'expropriation des grands propriétaires terriens et pour la restitution des terres aux paysan·nes. Le président, Venustiano Carranza, pourtant issu de l'insurrection, le fera assassiner (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).</p>
<p>Toutes les révoltes qui marquent l'histoire du Mexique depuis le XIXe siècle ont un terreau commun : le capitalisme. Il se caractérise par un hyper-centralisme politique et administratif : les peuples n'ont aucun pouvoir sur la manière dont ils sont gouvernés. L'ouverture aux entreprises étrangères les privent de leurs ressources les plus élémentaires (comme l'eau, par exemple), tandis que leur tradition de gestion collective est niée au profit de la propriété privée. La surexploitation des classes ouvrière et paysanne devient la norme.</p>
<p>Dans les années 1980, la situation n'a pas beaucoup changé. Si le pays atteint le 4e rang mondial des producteurs de pétrole, une crise économique de grande ampleur sévit.<br />En 1992, une réforme de la Constitution formalise la privatisation des terres collectives, préparant ainsi l'Accord de Libre Échange de l'Amérique du Nord (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il entre en vigueur le 1er janvier 1994. C'en est trop. Le même jour, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale déclare la guerre au gouvernement fédéral<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> et occupe plusieurs villes du Chiapas, État situé à l'extrême sud-ouest du pays.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Pour les droits et les cultures des indigènes</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>____________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p><em></em>Les zapatistes sont issu·es de la société civile. Il·les sont des « indigènes » (un terme qu'eux·les-mêmes utilisent), c'est-à-dire des descendant·es des peuples installés au Mexique avant les « conquistadors » au XVIe siècle (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>). Les indigènes représentent 10 % de la population, soit 12 millions de personnes environ. Il·les sont généralement parmi les plus pauvres.<br />Le Chiapas est un des États aux ressources naturelles riches : pétrole, forêts, eau qui tombe en abondance et qui permet une agriculture florissante… Pourtant, ses habitant·es sont aussi parmi les plus pauvres. Il·les ont été spolié·es de leurs terres, contraint·es de les céder et / ou de travailler pour de grands propriétaires terriens contre un salaire de misère.<br />Le Chiapas concentre les plus forts taux de mortalité, de malnutrition, d'analphabétisme et de précarité du pays.</p>
<p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/chiapas-carte-mexique.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'État du Chiapas au Mexique (en rouge)."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/chiapas-carte-mexique.jpg" alt="chiapas carte mexique" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></em></p>
<p>Le comportement du gouvernement à l'égard des indigènes est ambivalent. D'un côté, il ratifie des textes qui semblent en leur faveur ; de l'autre, il les persécute.<br />En 1992 par exemple, la convention de l'Organisation Internationale du Travail sur les peuples indigènes et tribaux entre en vigueur. Le Mexique l'a signée. Elle accorde un certain nombre de droits aux indigènes comme le respect de leurs cultures et usages sociaux ou encore l'obligation pour le gouvernement de les consulter lorsqu'un projet les affecte directement. Mais la même année, le gouvernement mexicain promulgue la Nouvelle Loi Agraire qui autorise la vente des terres communales, jusqu'alors considérées comme des biens communs.</p>
<p>Même double jeu en 1996. Après leur soulèvement, les zapatistes acceptent de négocier. Des rencontres ont lieu avec des représentant·es du gouvernement et des représentant·es de la société civile dans la ville de San Andrés Larráinzar. Elles aboutissent aux accords sur les droits et cultures des indigènes. Y sont reconnus : le droit à la libre détermination des peuples indigènes et à l'autonomie politique, juridique, économique et culturelle.<br />Chaque partie sait cependant que ces principes doivent s'exercer dans un cadre législatif. Il faut réformer la Constitution. Le gouvernement mexicain ne s'y emploiera jamais…<br />C'est pourquoi, en 1997, l'EZLN rompt les négociations et n'a de cesse, depuis, de réclamer le respect des accords de San Andrés comme tout préalable à nouvelle discussion avec le pouvoir.<br />En 2001, une loi sur les droits et les cultures a bien été votée au Sénat, mais sans aucune mention de la notion d'autonomie, pourtant fondamentale chez les indigènes.<span style="font-size: 8pt;"><br /></span></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une gouvernance populaire</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p>Puisque l'autonomie en droit n'est pas possible, les zapatistes ont décidé de mettre en œuvre une autonomie de fait. Dès 1994, il·les ont créé des communes autonomes rebelles. Mais, à partir de 2003, les « caracoles » <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> et les « conseils de bon gouvernement » ont renforcé la cohérence de leurs principes et de leurs organisations de vie.<br />Cinq caracoles voient alors le jour : La Realidad, Oventik, La Garrucha, Morelia et Roberto Barrios. Chaque caracole correspond à une zone, divisée en « municipios », eux-mêmes divisés en « pueblos » <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>.<br />Si tous les caracoles partagent les mêmes principes, des spécificités existent en fonction des ressources existantes sur place ou des besoins exprimés par les habitant·es.<br />Le symbole du caracole a plusieurs significations : conque, il est l'instrument qui permet d'alerter en cas de danger ; spirale, il lie le passé, le présent et le futur ; escargot, il est celui qui avance doucement mais sûrement…</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/affiche_obedecer.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'un des sept principes de bon gouvernement : obéir et ne pas commander."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/affiche_obedecer.jpg" alt="affiche obedecer" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br /><em></em><br />Les zones autonomes sont administrées par des « conseils de bon gouvernement » : le peuple commande, le gouvernement obéit.<br />Pour les zapatistes, les gouvernements inféodés au capitalisme sont de <em>« mauvais gouvernements »</em> (« mal gobierno »). Il·les leur opposent leurs <em>« conseils de bon gouvernement »</em> (« junta de buen gobierno »). Ceux-ci agissent selon sept principes : obéir et ne pas commander ; représenter et non supplanter ; partir d'en bas et non d'en haut (et ne pas chercher à s'élever) ; servir et non se servir ; convaincre et non vaincre ; proposer et non imposer ; construire et non détruire.</p>
<p>Comment fonctionnent ces conseils ? Leurs membres sont élu·es par les assemblées des « municipios » pour une durée de trois ans, mais il·les sont révocables à tout moment. Leurs charges sont tournantes. Il·les agissent sous le regard d'une commission de vigilance, elle aussi élue par les assemblées.<br />Le rôle des conseils est principalement de veiller à la mise en œuvre des projets et à la juste répartition des ressources.<br />Que se passe-t-il lorsqu'un conflit éclate ? Des autorités d'arbitrage existent dans tous les caracoles, même si elles varient de l'un à l'autre. Dans tous les cas, c'est la recherche de l'accord entre les parties qui domine. Il n'existe pas de prison en tant que telle et les « punitions » sont généralement des travaux d'intérêt général. <em>« Il ne saurait être question de maintenir quelqu'un enfermé, à moins qu'il/elle ne représente un réel danger pour l'entourage (…). Ce serait le/la priver des relations humaines qui lui sont indispensables et ce serait priver la collectivité des travaux qu'il/elle doit accomplir. Quel sens cela aurait-il… ? »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Économie, santé, éducation, communication...</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________________</strong></span></p>
<p>Dans leur ouvrage collectif « Mexique, Chiapas et Zapatistes »<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span>, des membres de l'union syndicale Solidaires donnent des exemples concrets des domaines où l'autonomie des zapatistes a beaucoup avancé ces dernières années.<br />En matière économique, les coopératives et le travail collectif sont encouragés. Cela correspond bien à cette tradition indigène des « ejidos », ces terres autrefois possédées collectivement par la communauté, donc inaliénables, mais dont l'usage pouvait cependant être individuel ou familial.<br />Les coopératives sont agricoles (pour la production de café, de maïs, de canne à sucre, de bananes, de haricots…), artisanales (vêtements), d'élevage, de boulangerie… Des coopératives composées de femmes, autrefois privées de l'accès au travail, contribuent à leur émancipation.</p>
<p>En matière de santé, les zapatistes ont ouvert de nombreuses cliniques et des centres de soins dans les zones qu'il·les contrôlent (en 2013, onze cliniques et quarante maisons de santé, 322 « promotores de salud » <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>). Délaissé·es par le gouvernement, les indigènes mouraient, jusqu'à peu encore, de maladies pourtant curables. <br />Les établissements sont ouverts aux zapatistes, mais plus largement, à tou·tes les mexicain·es qui en ont besoin. Outre les soins prodigués sur place, des campagnes de prévention des maladies sexuellement transmissibles ou de vaccination sont organisées directement dans les « pueblos ».<br />Enfin, en plus de la médecine allopathique, les zapatistes renouent avec les médecines naturelles indigènes qui font la part belle à l'herboristerie.</p>
<p>L'éducation est un autre secteur clé de l'autonomie. Au Mexique, l'enseignement est dispensé en castillan. Près de 70 langues indigènes sont pourtant parlées à travers tout le pays. De plus, certaines matières comme l'Histoire occulte totalement celle des peuples autochtones.<br />Pour les zapatistes, un·e enfant doit pouvoir apprendre dans sa langue maternelle, tout en maîtrisant le castillan. Il·le doit connaître les épisodes qui ont fondé sa culture et l'histoire de son peuple. Il doit aussi <em>« apprendre à s'informer, réfléchir, analyser, argumenter, pour mieux affronter un capitalisme sans scrupules »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Propagande, diront les un·es ! Esprit critique, répondront les autres !<br /><em>« Mais un·e enfant doit aussi être respecté·e dans sa personnalité. Il est absurde d'exiger de tous et toutes un même rythme d'acquisition. L'enfant pourra construire ses savoirs à son rythme propre. Jamais il/elle ne sera battu·e ou puni·e. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br />Des principes que l'on retrouve dans les écoles dites « alternatives » partout dans le monde, mais que les institutions éducatives capitalistes nient, au nom d'une pseudo égalité qui n'est en fait qu'une uniformisation des savoirs et des êtres.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/escuelita_zapatista_caracole.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/escuelita_zapatista_caracole.jpg" alt="escuelita zapatista caracole" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Chez les zapatistes, l'école est obligatoire jusqu'au niveau collège environ. Mais la transmission des savoirs et l'autoformation durent tout au long de la vie. Ainsi, les « promotores de salud » sont formé·es par des médecins sympathisant·es de la cause ; les enseignant·es sont formé·es par d'autres enseignant·es, etc…<br />Dans les deux cas, aucun salaire n'est perçu, seule une indemnité alimentaire est accordée, leur charge s'exerçant au bénéfice de la communauté. Lorsque les vacances arrivent, tou·tes retournent en formation ou aux travaux collectifs.</p>
<p>Les zapatistes veulent maîtriser leur communication. Pendant longtemps, il s'est agi de combattre la censure et la collaboration des médias avec le pouvoir en place. Il fallait populariser la lutte et la faire rayonner au niveau international. Le sous-commandant Marcos, porte-voix du mouvement, y a beaucoup contribué (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).<br />Mais les zapatistes veulent aussi faire de leurs médias des outils pédagogiques à destination des peuples. Pour cela, il·les ont développé des radios communautaires, sur les ondes desquelles on apprend et on débat. Avec le soutien de l'association Promedios, il·les forment des apprenti·es cinéastes et organisent des projections (<em>lire aussi la rubrique (Ré)créations</em>).<br />Leur site Internet, particulièrement riche d'informations, est tenu à jour en castillan et dans les langues indigènes, et de nombreux textes sont traduits en anglais, en français, en allemand… <span style="font-size: 8pt;">(6)</span></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>« C’est une lutte pour la vie. »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________</strong></span></p>
<p>Depuis un an, Isabelle Besnainou fait partie de l'équipe de traduction. C'est là qu'elle place son soutien aux zapatistes depuis la France. Adhérente du café militant associatif L'Antidote, à Bourges, elle y a récemment organisé une projection du film « Les derniers zapatistes » de Francesco Taboada.</p>
<p>Lorsqu'elle vivait au Mexique, elle a eu plusieurs fois l'occasion de prendre part à des événements organisés par le mouvement. Elle raconte : <em>« J’ai participé aux assemblées de la Otra Campaña <span style="font-size: 8pt;">(7)</span> en 2006. Il y avait une caravane de zapatistes avec le sous-commandant Marcos, qui sillonnait le pays. J’ai assisté à toutes les rencontres dans l’État de Morelos, l’État où j’habitais. À partir de là, je me suis intégrée à un groupe local qui s’appelait « Flor de la Palabra » (la fleur de la parole). En 2015, j’ai participé au Festival mondial des rébellions et des résistances contre le capitalisme dans le village d’Amilcingo qui se trouve dans l’État de Morelos et au Chiapas où j’ai connu les installations de l’Universidad de la Tierra et le caracole d'Oventik. Beaucoup de mes amis sont zapatistes dans le sens où ils soutiennent l’EZLN. On préfèrera le terme « adhérent à la sixième déclaration de la forêt Lacandone » (</em>lire aussi la rubrique (Re)visiter<em>). À l’occasion de la campagne de la porte-parole du CNI-CIG <span style="font-size: 8pt;">(8)</span> soutenue par l’EZLN, Marichuy, j’ai assisté à un rassemblement à Tepoztlan, village proche de Cuernavaca. Je me suis intégrée au groupe formé pour réunir les signatures pour la « candidate » à l’élection présidentielle de 2018. En janvier 2020, j’ai commencé à traduire un texte diffusé par ce groupe et ensuite, je suis entrée dans un collectif qui traduit les textes de « Enlace zapatista » et les communiqués du CNI. »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/ceremonia_amilcingo.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="En 1994, Isabelle participait à une danse aztèque lors du Festival des résistances et rebellions contre le Capitalisme dans l'État de Morelos. Des parents d'étudiant·es disparu·es étaient présent·es."><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/ceremonia_amilcingo.jpg" alt="ceremonia amilcingo" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>En quoi le projet zapatiste lui paraît révolutionnaire pour le Mexique ? <em>« Les zapatistes soutiennent les indigènes de tout le pays mais aussi tous les groupes de personnes qui veulent vivre autrement et qui sont exclus du système capitaliste. Ils ont participé à la création du CNI. Le fait de s’organiser permet de vivre dignement en autonomie et de pouvoir se battre contre des méga-projets de mort qui veulent spolier des terres et des ressources naturelles. L’organisation qui est préconisée est une organisation horizontale. »</em> Et pour les peuples du monde entier ? <em>« En s’ouvrant sur le monde, la lutte zapatiste du Chiapas a pour effet de relier les luttes de différentes géographies entre elles, car le capitalisme détruit partout et la résistance devrait être internationale. C’est une lutte pour la vie. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Rencontrer ceux·les qui sont « en bas, à gauche »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________________________________</strong></span></p>
<p><em></em>Les zapatistes ne se sont jamais « retiré·es » de la vie mexicaine. Ce qu'il·les proposent est un réel projet politique et social, pas un idéal de communautés autarciques. Tout au long de leur histoire, il·les ont organisé des consultations nationales, auxquelles ont participé des millions de personnes (zapatistes ou non) et qui ont débouché sur des actions concrètes vers l'autonomie. Régulièrement, il·les vont à la rencontre de la société civile, en organisant des marches ou des assemblées. Il·les participent à des instances plus larges comme le CNI.<br />En 2006, il·les ont lancé l'Autre Campagne, une tournée de leurs sous-commandant·es à travers tout le pays. La gauche institutionnelle est alors au pouvoir, mais l'EZLN n'entend pas la soutenir.<em> « L'Autre Campagne, celle qui ne prétend pas à la conquête du pouvoir, celle qui n'a aucun candidat à présenter ou à soutenir, celle dont la seule ambition est de favoriser la rencontre de toutes celles et tous ceux qui se trouvent « en bas, à gauche » et pensent qu'un autre monde est possible. La rupture avec la gauche institutionnelle repose sur la priorité donnée à un modèle de représentation qui soumet les élu·es à celles et ceux qui les ont élu·es. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (4)</span></p>
<p>Le gouvernement mexicain n'a jamais relâché la pression sur les zapatistes. Aux disparitions, massacres, arrestations et tortures des années 1980 et 1990 (qui ont toujours cours aujourd'hui dans une autre mesure), ont succédé les descentes régulières des militaires et de la police dans les caracoles (sous couvert de la lutte contre le narco-trafic ou les différends intra-communautaires). <em>« Au Chiapas, il suffit d'observer les situations des camps militaires sur une carte de l’État pour que la « coïncidence » entre camps et zones zapatistes lève toute ambiguïté quant à l'hypothèse du hasard. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br />La pression institutionnelle est également très forte : au prétexte de créer des réserves naturelles, les indigènes sont encore régulièrement exproprié·es de leurs terres. L'appauvrissement dans lequel le gouvernement les maintient les rend particulièrement fragiles dès lors que des propositions d'achats de terres arrivent…</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Zapatistes_25_ans.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ZAPATISTES/Zapatistes_25_ans.JPG" alt="Zapatistes 25 ans" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p>
<p>Mais les zapatistes résistent. Et il·les souhaitent renforcer leur lutte grâce à des échanges avec les anti-capitalistes et anti-néolibéralistes du monde entier. <em>« Comme il y a une globalisation néolibérale, il y a une globalisation de la rébellion »</em>, affirment-il·les <span style="font-size: 8pt;">(9)</span>.</p>
<p>Cet été, c'est donc une tournée internationale exceptionnelle qu'il·les entameront. Peu de détails filtrent pour l'instant, mais les collectifs sympathisants d'Europe seront sollicités pour les accueillir et organiser avec eux·les des temps forts auprès de la population. Isabelle Besnainou espère pouvoir y participer : <em>« Ça serait très important pour moi »</em>, reconnaît-elle. Les rencontres seront forcément bénéfiques : <em>« Le fait de participer à l’arrivée des Zapatistes va pousser les différents collectifs et individus à se rapprocher, se connaître et à s’organiser. Les zapatistes vont apprendre d’autres façons de faire ensemble, aussi, connaître de nouveaux visages, de nouvelles paroles. »</em></p>
<p style="text-align: left;"><strong>Fanny Lancelin</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Le Mexique (de son nom complet États-Unis Mexicains), est composé de 31 États et d'un District Fédéral (Mexico, la capitale). Le Chiapas est un de ces États.<br />(2) Caracol : escargot en français.<br />(3) Municipios : municipalités, communes. Pueblos : ici, villages, villes (peut vouloir dire aussi, peuples).<br />(4) Extrait de l'ouvrage « Mexique, Chiapas et Zapatistes » de l'Union syndicale Solidaires International, p.111 – n° 9, automne 2013 – supplément à « Expressions solidaires » édité par l'Union syndicale Solidaires et le CEFI.<br />(5) Promotores de salud : promoteur·ices de santé.<br />(6) Site officiel de l'EZLN : <a href="http://enlacezapatista.ezln.org.mx">http://enlacezapatista.ezln.org.mx</a> et le site en français : <a href="http://cspcl.ouvaton.org">http://cspcl.ouvaton.org</a><br />(7) Otra campaña : l'Autre Campagne.<br />(8) CNI : Congrès National Indigène - CGI : Conseil Indigène de Gouvernement.<br />(9) Sixième déclaration de la Forêt de Lacandone – juin 2005 (lire aussi la rubrique (Re)visiter).</span></p>
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<p><strong>Références bibliographiques :</strong><br />- Ouvrage « Mexique, Chiapas et Zapatistes » de l'Union syndicale Solidaires International – n° 9, automne 2013 – supplément à « Expressions solidaires » édité par l'Union syndicale Solidaires et le CEFI.<br />- Jérôme Baschet, « La rébellion zapatiste » (Flammarion).<br />- Guillaume Goutte, « Tout pour tous ! » (éditions Libertalia).</p>
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<h3 class="panel-title">Une déclaration pour la vie</h3>
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<li><strong>Voici le communiqué de la délégation zapatiste annonçant sa tournée :</strong></li>
<li>1er janvier 2021<br />Aux peuples du monde :<br />Aux personnes qui luttent sur les cinq continents :<br />Frères, sœurs, froeurs, compañer@s,<br />Durant ces derniers mois, nous avons pris contact entre nous de différentes manières. Nous sommes des femmes, des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transgenres, des travestis, des transsexuels, des personnes intersexes, des queers et d’autres encore, hommes, groupes, collectifs, associations, organisations, mouvements sociaux, peuples originaires, associations de quartier, communautés et un long etcétéra qui nous donne une identité.<br />Nos différences et les distances entre nous viennent des terres, des cieux, des montagnes, des vallées, des steppes, des déserts, des océans, des lacs, des rivières, des sources, des lagunes, des races, des cultures, des langues, des histoires, des âges, des géographies, des identités sexuelles ou pas, des racines, des frontières, des formes d’organisation, des classes sociales, des capacités financières, du prestige social, de la popularité, des followers, des likes, des monnaies, des niveaux de scolarité, des manières d’être, des préoccupations, des qualités, des défauts, des pour, des contre, des mais, des cependant, des rivalités, des inimitiés, des conceptions, des argumentations, des contre-argumentations, des débats, des différends, des dénonciations, des accusations, des mépris, des phobies, des philies, des éloges, des rejets, des abus, des applaudissements, des divinités, des démons, des dogmes, des hérésies, des goûts, des dégoûts, des manières d’être, et un long etcétéra qui nous rend différents et bien des fois nous oppose.<br />Il n’y a que très peu de choses qui nous unissent :<br />Faire nôtres les douleurs de la terre : la violence contre les femmes, la persécution et le mépris contre les différentEs dans leur identité affective, émotionnelle, sexuelle ; l’anéantissement de l’enfance ; le génocide contre les peuples originaires ; le racisme ; le militarisme ; l’exploitation ; la spoliation ; la destruction de la nature.<br />Comprendre que le responsable de ces douleurs est un système. Le bourreau est un système exploiteur, patriarcal, pyramidal, raciste, voleur et criminel : le capitalisme.<br />Savoir qu’il n’est pas possible de réformer ce système, ni de l’éduquer, de l’atténuer, d’en limer les aspérités, de le domestiquer, de l’humaniser.<br />S’être engagé à lutter, partout et à toute heure — chacunE là où on se trouve — contre ce système jusqu’à le détruire complètement. La survie de l’humanité dépend de la destruction du capitalisme. Nous ne nous rendons pas, nous ne nous vendons pas, nous ne titubons pas.<br />Avoir la certitude que la lutte pour l’humanité est mondiale. De même que la destruction en cours ne reconnaît pas de frontières, de nationalités, de drapeaux, de langues, de cultures, de races, la lutte pour l’humanité est en tous lieux, tout le temps.<br />Avoir la conviction que nombreux sont les mondes qui vivent et qui luttent dans le monde. Et que toute prétention à l’homogénéité et à l’hégémonie attente à l’essence de l’être humain : la liberté. L’égalité de l’humanité se trouve dans le respect de la différence. C’est dans sa diversité que se trouve sa ressemblance.<br />Comprendre que ce n’est pas la prétention d’imposer notre regard, nos pas, nos compagnies, nos chemins et nos destins qui nous permettra d’avancer, mais la capacité à écouter et à regarder l’autre qui, distinct et différent, partage la même vocation de liberté et de justice.<br />De par ce qui nous unit, et sans abandonner nos convictions ni cesser d’être ce que nous sommes, nous nous sommes mis d’accord pour :<br />Premièrement : réaliser des rencontres, des dialogues, des échanges d’idées, d’expériences, d’analyses et d’évaluations entre personnes qui sommes engagées, à partir de différentes conceptions et sur différents terrains, dans la lutte pour la vie. Après, chacun continuera son chemin, ou pas. Regarder et écouter l’autre nous y aidera peut-être, ou pas. Mais connaître ce qui est différent, c’est aussi une partie de notre lutte et de notre effort, de notre humanité.<br />Deuxièmement : que ces rencontres et ces activités se réalisent sur les cinq continents. Qu’en ce qui concerne le continent européen, elles se concrétisent durant les mois de juillet, août, septembre et octobre 2021, avec la participation directe d’une délégation mexicaine formée par le Congrès national indigène-Conseil indigène de gouvernement, le Front des villages en défense de l’eau et de la Terre des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala, et par l’Armée zapatiste de libération nationale. Et que nous aiderons selon nos possibilités à ce qu’elles se réalisent, à des dates postérieures encore à préciser, en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.<br />Troisièmement : inviter les personnes qui partagent les mêmes préoccupations et des luttes similaires, toutes les personnes honnêtes et tous les en bas qui se rebellent et résistent dans les nombreux recoins du monde, à rejoindre, à contribuer, à soutenir et à participer à ces rencontres et activités ; et à signer et à s’approprier cette déclaration POUR LA VIE.<br />Depuis l’un des ponts de dignité qui unissent les cinq continents.<br />Nous.<br />Planète Terre.<br />1er janvier 2021.</li>
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