# 45 La méthanisation (mars 2021)(Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale.http://www.rebonds.net/45lamethanisation2023-05-11T19:05:14+02:00(Re)bonds.netJoomla! - Open Source Content ManagementUn moratoire exigé par la Confédération paysanne2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/45lamethanisation/680-unmoratoireexigeparlaconfederationpaysanneSuper User<p><strong><strong>La Confédération paysanne a réclamé, le 12 janvier dernier, un moratoire sur la méthanisation en attendant un bilan et une Analyse du Cycle de Vie (ACV) du procédé. Représentants du syndicat dans le Cher, François Crutain (Cuffy), Frédéric Bidault (Clémont) et Jean-Paul Chauvelot (Vesdun) nous expliquent pourquoi.</strong></strong></p>
<p>Pour François Crutain, le développement de la méthanisation s'inscrit dans un contexte particulier : notre mode de vie, tout comme le modèle d'agriculture dominant, est énergivore.<br />Mais la population étant de plus en plus sensible aux problèmes environnementaux – notamment liés au réchauffement climatique – l'accent politique est porté sur les énergies renouvelables, sans que nos modes de consommation soient réellement remis en question.<br />En clair : il s'agit seulement de trouver des alternatives aux énergies fossiles, mais pour consommer toujours autant ! Or, la Confédération paysanne milite pour un changement en profondeur, ce qui nécessite des efforts pour réduire les consommations d'énergie.</p>
<p><em>« La méthanisation est symptomatique de l'écart abyssal entre les points de vue de la Confédération paysanne et ceux de la FNSEA <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> et des acteurs du commerce agricole »</em>, explique François Crutain. Elle est symptomatique d'un choix politique et sociétal, plus que technique.<br /><em>« Nous ne sommes pas contre le principe de méthanisation,</em> nuance Frédéric Bidault. <em>Comme beaucoup de sujets, c'est une question d'échelle : pour nous, les fermes à taille humaine sont les plus efficaces. Donc, un système de méthanisation à l'échelle d'une ferme, où les déchets sont utilisés sur place pour fabriquer de l'énergie qui sert sur place, ça paraît intéressant. Mais on observe que les projets des méthaniseurs sont toujours très gros. »</em></p>
<p>Ainsi, pour supporter les investissements conséquents et pour s'assurer les volumes nécessaires au bon fonctionnement de l'unité, les agriculteur·ices ont tendance à se regrouper. <em>« On se retrouve alors avec des fermes de plusieurs milliers d'hectares qui emploient des sous-traitants »</em>, regrette Frédéric Bidault.</p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Contre la financiarisation de l'agriculture</strong><br /></span></p>
<p>Plus grave encore, les agriculteur·ices seraient progressivement dépossédé·es des terres à cultiver. C'est ce qui est appelé « la financiarisation de l'agriculture ».<br />Les surfaces consacrées à l'alimentation entrant en concurrence avec les surfaces consacrées aux méthaniseurs (voire au photovoltaïque au sol ou aux agro-carburants), le prix du foncier augmente. C'est ce qu'a constaté Jean-Paul Chauvelot à Vesdun :<em> « Les experts fonciers ont montré qu'en quelques années, nous sommes passés de 2.500 euros l'hectare environ, à 4.000 euros. »</em> Les nouveaux agriculteur·ices ont alors de plus en plus de difficultés à s'installer. A leur place, des Groupements Fonciers Agricoles (GFA) voire de simples investisseurs dont le but est de spéculer sur la terre.</p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/logo_conf_paysanne.jpeg" alt="logo conf paysanne" width="650" height="325" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p>Pendant ce temps, la population demande plus de produits locaux et issus de l'agriculture biologique. Durant le premier confinement, les paysan·nes n'étaient pas suffisamment nombreux·ses pour répondre à cette demande dans le Cher. Les consommateur·ices doivent donc s'approvisionner avec des produits venant de plus loin. Une aberration sociale et écologique.</p>
<p>Autre problème pointé du doigt par la Confédération paysanne dans sa demande de moratoire : <em>« Trop de végétaux qui ne sont pas des déchets alimentent les méthaniseurs. »</em><br />François Crutain est formel sur l'argument des cultures intermédiaires (<em>lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>) : <em>« Il serait entendable s'il existait des contrôles stricts. Or, il n'y a pas de contrôles. Ce sont des vœux pieux qui n'engagent que ceux qui les prononcent. Quand il faut nourrir un méthaniseur et qu'il n'y a pas assez de volumes de cultures intermédiaires, comme c'est le cas certains hivers, ce sont des tonnes de maïs qui se retrouvent dedans ! »</em></p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">« Aucune étude officielle sérieuse »</span></strong></p>
<p>Que pense l'organisation syndicale des craintes liées à l'environnement ?<em> « J'ai une crainte sur la qualité des digestats,</em> reconnaît François Crutain. <em>Si on composte de la matière organique comme on le fait dans les fermes bio, on obtient un produit très riche en vie microbienne. En l'introduisant dans un méthaniseur, avec un procédé de fermentation sans oxygène, on obtient deux formes : une solide, quasi inerte ; et une liquide, pour le coup très riche, un vrai coup de fouet… mais très lessivable et très volatile avec un pouvoir important de gaz à effet de serre. »</em><br />A Vesdun, avec quatre projets de méthaniseurs, Jean-Paul Chauvelot s'inquiète des quantités à épandre. <em>« Ça va être énorme. Et à des doses pareilles, qu'est-ce que ça va donner ? »</em></p>
<p>C'est précisément pour répondre à ce type de questions que la Confédération paysanne exige un moratoire et une Analyse de Cycle de Vie (ACV). <em>« Aucune étude officielle sérieuse pour faire un bilan énergétique et financier n'a été réalisée par l’État sur ce sujet »</em>, déplore François Crutain.<br />En attendant, elle tente d'agir au niveau régional.<em> « Pour avoir un droit à exploiter, il faut demander à l’État, qui délègue aux régions la rédaction d'un schéma des structures agricoles. Cela priorise les autorisations lorsqu'il y a mise en concurrence sur les terres »</em>, rappelle Jean-Paul Chauvelot. La Confédération paysanne a demandé que les projets de méthanisation ne soient pas prioritaires. <em>« Le débat est en cours... »</em></p>
<p>L'organisation syndicale invite aussi la société civile à se mobiliser. Elle a été contactée par des opposant·es de la commune de Plou concerné·es par le projet de Chârost mais n'a pas donné suite :<em> « on ne peut pas être sur tous les fronts, et on ne fera pas changer les choses tout seuls, mais il est hors de question qu'on baisse les bras »</em>, assure néanmoins François Crutain.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) FNSEA : Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles.</span></p><p><strong><strong>La Confédération paysanne a réclamé, le 12 janvier dernier, un moratoire sur la méthanisation en attendant un bilan et une Analyse du Cycle de Vie (ACV) du procédé. Représentants du syndicat dans le Cher, François Crutain (Cuffy), Frédéric Bidault (Clémont) et Jean-Paul Chauvelot (Vesdun) nous expliquent pourquoi.</strong></strong></p>
<p>Pour François Crutain, le développement de la méthanisation s'inscrit dans un contexte particulier : notre mode de vie, tout comme le modèle d'agriculture dominant, est énergivore.<br />Mais la population étant de plus en plus sensible aux problèmes environnementaux – notamment liés au réchauffement climatique – l'accent politique est porté sur les énergies renouvelables, sans que nos modes de consommation soient réellement remis en question.<br />En clair : il s'agit seulement de trouver des alternatives aux énergies fossiles, mais pour consommer toujours autant ! Or, la Confédération paysanne milite pour un changement en profondeur, ce qui nécessite des efforts pour réduire les consommations d'énergie.</p>
<p><em>« La méthanisation est symptomatique de l'écart abyssal entre les points de vue de la Confédération paysanne et ceux de la FNSEA <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> et des acteurs du commerce agricole »</em>, explique François Crutain. Elle est symptomatique d'un choix politique et sociétal, plus que technique.<br /><em>« Nous ne sommes pas contre le principe de méthanisation,</em> nuance Frédéric Bidault. <em>Comme beaucoup de sujets, c'est une question d'échelle : pour nous, les fermes à taille humaine sont les plus efficaces. Donc, un système de méthanisation à l'échelle d'une ferme, où les déchets sont utilisés sur place pour fabriquer de l'énergie qui sert sur place, ça paraît intéressant. Mais on observe que les projets des méthaniseurs sont toujours très gros. »</em></p>
<p>Ainsi, pour supporter les investissements conséquents et pour s'assurer les volumes nécessaires au bon fonctionnement de l'unité, les agriculteur·ices ont tendance à se regrouper. <em>« On se retrouve alors avec des fermes de plusieurs milliers d'hectares qui emploient des sous-traitants »</em>, regrette Frédéric Bidault.</p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Contre la financiarisation de l'agriculture</strong><br /></span></p>
<p>Plus grave encore, les agriculteur·ices seraient progressivement dépossédé·es des terres à cultiver. C'est ce qui est appelé « la financiarisation de l'agriculture ».<br />Les surfaces consacrées à l'alimentation entrant en concurrence avec les surfaces consacrées aux méthaniseurs (voire au photovoltaïque au sol ou aux agro-carburants), le prix du foncier augmente. C'est ce qu'a constaté Jean-Paul Chauvelot à Vesdun :<em> « Les experts fonciers ont montré qu'en quelques années, nous sommes passés de 2.500 euros l'hectare environ, à 4.000 euros. »</em> Les nouveaux agriculteur·ices ont alors de plus en plus de difficultés à s'installer. A leur place, des Groupements Fonciers Agricoles (GFA) voire de simples investisseurs dont le but est de spéculer sur la terre.</p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/logo_conf_paysanne.jpeg" alt="logo conf paysanne" width="650" height="325" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p>Pendant ce temps, la population demande plus de produits locaux et issus de l'agriculture biologique. Durant le premier confinement, les paysan·nes n'étaient pas suffisamment nombreux·ses pour répondre à cette demande dans le Cher. Les consommateur·ices doivent donc s'approvisionner avec des produits venant de plus loin. Une aberration sociale et écologique.</p>
<p>Autre problème pointé du doigt par la Confédération paysanne dans sa demande de moratoire : <em>« Trop de végétaux qui ne sont pas des déchets alimentent les méthaniseurs. »</em><br />François Crutain est formel sur l'argument des cultures intermédiaires (<em>lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>) : <em>« Il serait entendable s'il existait des contrôles stricts. Or, il n'y a pas de contrôles. Ce sont des vœux pieux qui n'engagent que ceux qui les prononcent. Quand il faut nourrir un méthaniseur et qu'il n'y a pas assez de volumes de cultures intermédiaires, comme c'est le cas certains hivers, ce sont des tonnes de maïs qui se retrouvent dedans ! »</em></p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">« Aucune étude officielle sérieuse »</span></strong></p>
<p>Que pense l'organisation syndicale des craintes liées à l'environnement ?<em> « J'ai une crainte sur la qualité des digestats,</em> reconnaît François Crutain. <em>Si on composte de la matière organique comme on le fait dans les fermes bio, on obtient un produit très riche en vie microbienne. En l'introduisant dans un méthaniseur, avec un procédé de fermentation sans oxygène, on obtient deux formes : une solide, quasi inerte ; et une liquide, pour le coup très riche, un vrai coup de fouet… mais très lessivable et très volatile avec un pouvoir important de gaz à effet de serre. »</em><br />A Vesdun, avec quatre projets de méthaniseurs, Jean-Paul Chauvelot s'inquiète des quantités à épandre. <em>« Ça va être énorme. Et à des doses pareilles, qu'est-ce que ça va donner ? »</em></p>
<p>C'est précisément pour répondre à ce type de questions que la Confédération paysanne exige un moratoire et une Analyse de Cycle de Vie (ACV). <em>« Aucune étude officielle sérieuse pour faire un bilan énergétique et financier n'a été réalisée par l’État sur ce sujet »</em>, déplore François Crutain.<br />En attendant, elle tente d'agir au niveau régional.<em> « Pour avoir un droit à exploiter, il faut demander à l’État, qui délègue aux régions la rédaction d'un schéma des structures agricoles. Cela priorise les autorisations lorsqu'il y a mise en concurrence sur les terres »</em>, rappelle Jean-Paul Chauvelot. La Confédération paysanne a demandé que les projets de méthanisation ne soient pas prioritaires. <em>« Le débat est en cours... »</em></p>
<p>L'organisation syndicale invite aussi la société civile à se mobiliser. Elle a été contactée par des opposant·es de la commune de Plou concerné·es par le projet de Chârost mais n'a pas donné suite :<em> « on ne peut pas être sur tous les fronts, et on ne fera pas changer les choses tout seuls, mais il est hors de question qu'on baisse les bras »</em>, assure néanmoins François Crutain.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) FNSEA : Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles.</span></p>Un exemple de micro-méthanisation2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/45lamethanisation/681-unexempledemicromethanisationSuper User<p><strong>Philippe Abrahams est installé à Saint-Léger-Vauban dans l'Yonne, dans une ferme cogérée avec des moines bénédictins. Son unité de méthanisation utilise majoritairement des déchets de la ferme et il n'est pas question pour lui de produire des cultures pour nourrir la machine.</strong></p>
<p><strong> </strong></p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 10pt;"><strong><span style="font-size: 12pt;">« Présentez-nous votre ferme...</span><br /></strong></span></p>
<p>Elle se situe au nord du Parc Naturel du Morvan. La surface agricole est de 175 hectares. Le sol est granitique, assez pauvre, acide et séchant.<br />Nous avons 80 vaches laitières de race brune. Jusqu'en 2019, nous avions aussi un atelier de chèvres mais il devenait difficile de trouver du personnel.<br />Nous transformons la moitié du lait en produits laitiers, fromages, yaourts et faisselles.</p>
<p>Deux personnes s'occupent de l'élevage et de la culture pour le cheptel : 15 hectares de céréales et 10 hectares de métaie. Tout le reste est en prairies temporaires.<br />Nous employons également une fromagère à plein temps, deux personnes à temps partiel et une apprentie.</p>
<p>La ferme fonctionne en co-gestion avec le monastère, qui intervient surtout sur l'aspect décisionnel. Il a fait le choix du « bio » depuis 1969 <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Son objectif est que la ferme soit vivante et autonome (<em>lire aussi l'encadré</em>).<br />Pour moi aussi, dans le fonctionnement de la ferme, l'idée est d'aller vers le plus d'autonomie possible.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Comment est née l'idée de l'unité de méthanisation ?</span></strong></span></p>
<p>La fromagerie était chauffée au propane. La facture du gaz pesait. L'idée était de limiter cette charge d'énergie.<br />Un jour dans l'étable, j'observais la chaleur s'élever du fumier… pourquoi ne pas canaliser cette chaleur pour la fromagerie ? Mais à l'époque, je n'ai trouvé personne sachant le faire.</p>
<p>Quelque temps plus tard, en 2006, la Chambre d'agriculture a organisé un stage sur le sujet. J'y suis allé. Les autres participants étaient surtout des céréaliers qui avaient des problématiques de fertilisants.<br />Nous nous sommes organisés pour visiter des unités de méthanisation dans l'Est de la France, puis un cabinet a fait une pré-étude sur la ferme, financée par l'ADEME <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Mais la conclusion, c'était que je n'avais pas suffisamment de volumes de déchets.</p>
<p>Le temps a passé. Finalement, c'est l'ADEME qui nous a recontactés : une personne venait d'être embauchée pour développer la méthanisation dans notre région. Nous avons travaillé avec le cabinet d'études ARIA qui est venu sur le site pour voir comment incorporer au mieux l'unité dans le fonctionnement de la ferme.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/abbaye_de_la_pierre_qui_vire.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : ferme de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/abbaye_de_la_pierre_qui_vire.jpg" alt="abbaye de la pierre qui vire" width="455" height="258" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Combien de temps s'est écoulé entre l'idée et la construction de l'unité ?</span></strong></span></p>
<p>La formation a eu lieu en 2006, la construction a démarré en 2010 et l'unité a été mise en route en 2012.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Qu'est-ce qui vous a paru le plus complexe dans les différentes étapes du projet ?</strong></span></p>
<p>Les relations avec EDF.<br />Il y avait eu une première loi sur le biogaz en 2006 et une deuxième en 2011. Nous étions entre les deux périodes, ce qui était plutôt à notre avantage en terme de rachat de l'électricité. Mais ça a été compliqué de faire valider notre projet auprès d'EDF.</p>
<p>A ce moment-là, il n'y avait pas de règlement sanitaire comme aujourd'hui. Ça nous est tombé dessus après ! Et tout ce qui concerne l'ICPE<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span> a été assuré par le cabinet d'études.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Avez-vous été formé à la conduite d'une unité de méthanisation ?</span></strong></span></p>
<p>Non. J'ai monté mon installation avec le bureau d'études en choisissant les entreprises compétentes et en réalisant certains travaux moi-même. En construisant pas à pas le méthaniseur, on apprend comment ça marche.<br />J'ai tout de même suivi quelques formations sur des points précis, comme la biologie ou la mécanique par exemple.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Avec quels types de déchets fonctionne votre unité et d'où proviennent-ils ?</strong></span></p>
<p>Il s'agit du lisier de nos vaches et des déchets de céréales comme des poussières de silo que j'ai fait le choix d'acheter à la COCEBI, la Coopérative Céréalière bio de Bourgogne <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Vous ne produisez pas de CIVE, de Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique ?</strong></span></p>
<p>Il n'en est pas question ! Si je cultive, c'est pour nourrir les bêtes.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/Installation-pierre-qui-vire.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : ferme de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/Installation-pierre-qui-vire.jpg" alt="Installation pierre qui vire" width="474" height="274" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>A quoi sert le gaz produit ?</strong></span></p>
<p>Le méthane est utilisé comme combustible dans un moteur qui entraîne une génératrice et produit de l'électricité. La chaleur du moteur permet de chauffer la fromagerie. Sa puissance est de 30 kw/h.<br />J'aimerais utiliser le gaz pour les véhicules de l'abbaye. Ça me gêne qu'on produise un hydrocarbure sans pouvoir s'en servir directement. C'est un problème technologique : il n'y a pas de recherches entamées pour de petites unités.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Où est épandu le digestat ?</strong></span></p>
<p>Sur les champs de la ferme.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Quel investissement représente cette unité ?</strong></span></p>
<p>Elle a coûté 450.000 euros. Nous avons bénéficié d'un plan de performance énergétique. L'ADEME a présenté un certain nombre de projets au niveau national et le nôtre a été retenu parce que c'était une petite unité. Elle a été financée à hauteur de 40 %. Si nous n'avions pas reçu d'aides, nous ne serions peut-être pas allés au bout.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Comment l'annonce de votre projet a-t-elle été accueillie par la population ?</strong></span></p>
<p>Beaucoup de monde est venu visiter, surtout au début.<br />Nous n'avons pas eu de problèmes.<br />Ça sent moins mauvais dans mon méthaniseur que dans une étable !</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Comprenez-vous quand même les inquiétudes qui accompagnent parfois l'installation d'une unité de méthanisation ?</strong></span></p>
<p>Ça dépend où elle est, ça dépend comment elle est faite.<br />C'est vrai que je m'interroge aussi sur l'intérêt des grosses installations.</p>
<p>Ce qui donne de l'intérêt à mon projet, c'est la vente de l'électricité donc l'économie que je fais sur l'énergie. C'est dans cet esprit que notre méthaniseur a été conçu.<br />Si nous allions chercher des déchets à l'extérieur, c'est sûr, nous pourrions faire plus gros !<br />Mais nous sommes en agriculture biologique et il est important de maîtriser ce qui entre dans le méthaniseur notamment pour la qualité du digestat.</p>
<p>On doit réfléchir à l'endroit où on le met et pourquoi on le met. Ça va avec le modèle agricole qu'on choisit pour sa ferme. »</p>
<p><strong>Propos recueillis par Fanny Lancelin</strong></p>
<p>Le descriptif complet de l'unité de la ferme est disponible sur : <a href="https://www.bourgogne-franche-comte.ademe.fr/sites/default/files/descriptif-installation-pierre-qui-vire.pdf">https://www.bourgogne-franche-comte.ademe.fr/sites/default/files/descriptif-installation-pierre-qui-vire.pdf</a></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Depuis cinquante ans, la ferme de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire est conduite sans utilisation de substances chimiques de synthèse (engrais ou pesticides). Aujourd'hui, ses produits bénéficient du label AB et Morvan Terroir</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) ADEME : Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie, appelée aussi Agence de la Transition Energétique. <a href="https://www.ademe.fr/">https://www.ademe.fr/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) ICPE : Installées Classées Protection de l'Environnement. <a href="https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F33414">https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F33414</a>, rubrique « Qu'est-ce qu'une ICPE ? »</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) <a href="https://www.cocebi.com/.">https://www.cocebi.com/</a></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Sur les terres d'un monastère</h3>
</div>
<ul>
<li>
<p>C'est en 1938 que les moines bénédictins de la Pierre-qui-Vire ont acheté la ferme située à 800 mètres de leur lieu de vie. Ils y font alors de l'élevage et de la culture. En 1965, la fromagerie est créée et, en 1969, la ferme est labellisée « biologique ». En 1987, elle est confiée à Philippe et Véronique Abrahams, des laïcs. La forme juridique est une SCEA (Société Civile d'Exploitation Agricole).<br />L'abbaye, quant à elle, a été fondée en 1850 par le Père Muard, près d'un dolmen qui portait le nom de « Pierre qui vire ». Après les expulsions de la fin du XIXe et du début du XXe siècles (liées notamment aux lois de séparation de l’Église et de l’État), la communauté est revenue en 1920. Une école, une maison d'édition sur l'art, une imprimerie mais aussi une usine hydroélectrique et une chaufferie à plaquettes de bois ont vu tour à tour le jour dans le monastère.</p>
</li>
<li>
<p>Pour en savoir plus sur l'histoire et les activités de l'abbaye : <a href="http://www.apqv.fr">http://www.apqv.fr</a></p>
</li>
</ul>
</div><p><strong>Philippe Abrahams est installé à Saint-Léger-Vauban dans l'Yonne, dans une ferme cogérée avec des moines bénédictins. Son unité de méthanisation utilise majoritairement des déchets de la ferme et il n'est pas question pour lui de produire des cultures pour nourrir la machine.</strong></p>
<p><strong> </strong></p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 10pt;"><strong><span style="font-size: 12pt;">« Présentez-nous votre ferme...</span><br /></strong></span></p>
<p>Elle se situe au nord du Parc Naturel du Morvan. La surface agricole est de 175 hectares. Le sol est granitique, assez pauvre, acide et séchant.<br />Nous avons 80 vaches laitières de race brune. Jusqu'en 2019, nous avions aussi un atelier de chèvres mais il devenait difficile de trouver du personnel.<br />Nous transformons la moitié du lait en produits laitiers, fromages, yaourts et faisselles.</p>
<p>Deux personnes s'occupent de l'élevage et de la culture pour le cheptel : 15 hectares de céréales et 10 hectares de métaie. Tout le reste est en prairies temporaires.<br />Nous employons également une fromagère à plein temps, deux personnes à temps partiel et une apprentie.</p>
<p>La ferme fonctionne en co-gestion avec le monastère, qui intervient surtout sur l'aspect décisionnel. Il a fait le choix du « bio » depuis 1969 <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Son objectif est que la ferme soit vivante et autonome (<em>lire aussi l'encadré</em>).<br />Pour moi aussi, dans le fonctionnement de la ferme, l'idée est d'aller vers le plus d'autonomie possible.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Comment est née l'idée de l'unité de méthanisation ?</span></strong></span></p>
<p>La fromagerie était chauffée au propane. La facture du gaz pesait. L'idée était de limiter cette charge d'énergie.<br />Un jour dans l'étable, j'observais la chaleur s'élever du fumier… pourquoi ne pas canaliser cette chaleur pour la fromagerie ? Mais à l'époque, je n'ai trouvé personne sachant le faire.</p>
<p>Quelque temps plus tard, en 2006, la Chambre d'agriculture a organisé un stage sur le sujet. J'y suis allé. Les autres participants étaient surtout des céréaliers qui avaient des problématiques de fertilisants.<br />Nous nous sommes organisés pour visiter des unités de méthanisation dans l'Est de la France, puis un cabinet a fait une pré-étude sur la ferme, financée par l'ADEME <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Mais la conclusion, c'était que je n'avais pas suffisamment de volumes de déchets.</p>
<p>Le temps a passé. Finalement, c'est l'ADEME qui nous a recontactés : une personne venait d'être embauchée pour développer la méthanisation dans notre région. Nous avons travaillé avec le cabinet d'études ARIA qui est venu sur le site pour voir comment incorporer au mieux l'unité dans le fonctionnement de la ferme.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/abbaye_de_la_pierre_qui_vire.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : ferme de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/abbaye_de_la_pierre_qui_vire.jpg" alt="abbaye de la pierre qui vire" width="455" height="258" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Combien de temps s'est écoulé entre l'idée et la construction de l'unité ?</span></strong></span></p>
<p>La formation a eu lieu en 2006, la construction a démarré en 2010 et l'unité a été mise en route en 2012.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Qu'est-ce qui vous a paru le plus complexe dans les différentes étapes du projet ?</strong></span></p>
<p>Les relations avec EDF.<br />Il y avait eu une première loi sur le biogaz en 2006 et une deuxième en 2011. Nous étions entre les deux périodes, ce qui était plutôt à notre avantage en terme de rachat de l'électricité. Mais ça a été compliqué de faire valider notre projet auprès d'EDF.</p>
<p>A ce moment-là, il n'y avait pas de règlement sanitaire comme aujourd'hui. Ça nous est tombé dessus après ! Et tout ce qui concerne l'ICPE<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span> a été assuré par le cabinet d'études.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Avez-vous été formé à la conduite d'une unité de méthanisation ?</span></strong></span></p>
<p>Non. J'ai monté mon installation avec le bureau d'études en choisissant les entreprises compétentes et en réalisant certains travaux moi-même. En construisant pas à pas le méthaniseur, on apprend comment ça marche.<br />J'ai tout de même suivi quelques formations sur des points précis, comme la biologie ou la mécanique par exemple.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Avec quels types de déchets fonctionne votre unité et d'où proviennent-ils ?</strong></span></p>
<p>Il s'agit du lisier de nos vaches et des déchets de céréales comme des poussières de silo que j'ai fait le choix d'acheter à la COCEBI, la Coopérative Céréalière bio de Bourgogne <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Vous ne produisez pas de CIVE, de Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique ?</strong></span></p>
<p>Il n'en est pas question ! Si je cultive, c'est pour nourrir les bêtes.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/Installation-pierre-qui-vire.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : ferme de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/Installation-pierre-qui-vire.jpg" alt="Installation pierre qui vire" width="474" height="274" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>A quoi sert le gaz produit ?</strong></span></p>
<p>Le méthane est utilisé comme combustible dans un moteur qui entraîne une génératrice et produit de l'électricité. La chaleur du moteur permet de chauffer la fromagerie. Sa puissance est de 30 kw/h.<br />J'aimerais utiliser le gaz pour les véhicules de l'abbaye. Ça me gêne qu'on produise un hydrocarbure sans pouvoir s'en servir directement. C'est un problème technologique : il n'y a pas de recherches entamées pour de petites unités.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Où est épandu le digestat ?</strong></span></p>
<p>Sur les champs de la ferme.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Quel investissement représente cette unité ?</strong></span></p>
<p>Elle a coûté 450.000 euros. Nous avons bénéficié d'un plan de performance énergétique. L'ADEME a présenté un certain nombre de projets au niveau national et le nôtre a été retenu parce que c'était une petite unité. Elle a été financée à hauteur de 40 %. Si nous n'avions pas reçu d'aides, nous ne serions peut-être pas allés au bout.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Comment l'annonce de votre projet a-t-elle été accueillie par la population ?</strong></span></p>
<p>Beaucoup de monde est venu visiter, surtout au début.<br />Nous n'avons pas eu de problèmes.<br />Ça sent moins mauvais dans mon méthaniseur que dans une étable !</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Comprenez-vous quand même les inquiétudes qui accompagnent parfois l'installation d'une unité de méthanisation ?</strong></span></p>
<p>Ça dépend où elle est, ça dépend comment elle est faite.<br />C'est vrai que je m'interroge aussi sur l'intérêt des grosses installations.</p>
<p>Ce qui donne de l'intérêt à mon projet, c'est la vente de l'électricité donc l'économie que je fais sur l'énergie. C'est dans cet esprit que notre méthaniseur a été conçu.<br />Si nous allions chercher des déchets à l'extérieur, c'est sûr, nous pourrions faire plus gros !<br />Mais nous sommes en agriculture biologique et il est important de maîtriser ce qui entre dans le méthaniseur notamment pour la qualité du digestat.</p>
<p>On doit réfléchir à l'endroit où on le met et pourquoi on le met. Ça va avec le modèle agricole qu'on choisit pour sa ferme. »</p>
<p><strong>Propos recueillis par Fanny Lancelin</strong></p>
<p>Le descriptif complet de l'unité de la ferme est disponible sur : <a href="https://www.bourgogne-franche-comte.ademe.fr/sites/default/files/descriptif-installation-pierre-qui-vire.pdf">https://www.bourgogne-franche-comte.ademe.fr/sites/default/files/descriptif-installation-pierre-qui-vire.pdf</a></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Depuis cinquante ans, la ferme de l'abbaye de la Pierre-qui-Vire est conduite sans utilisation de substances chimiques de synthèse (engrais ou pesticides). Aujourd'hui, ses produits bénéficient du label AB et Morvan Terroir</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) ADEME : Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie, appelée aussi Agence de la Transition Energétique. <a href="https://www.ademe.fr/">https://www.ademe.fr/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) ICPE : Installées Classées Protection de l'Environnement. <a href="https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F33414">https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F33414</a>, rubrique « Qu'est-ce qu'une ICPE ? »</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) <a href="https://www.cocebi.com/.">https://www.cocebi.com/</a></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Sur les terres d'un monastère</h3>
</div>
<ul>
<li>
<p>C'est en 1938 que les moines bénédictins de la Pierre-qui-Vire ont acheté la ferme située à 800 mètres de leur lieu de vie. Ils y font alors de l'élevage et de la culture. En 1965, la fromagerie est créée et, en 1969, la ferme est labellisée « biologique ». En 1987, elle est confiée à Philippe et Véronique Abrahams, des laïcs. La forme juridique est une SCEA (Société Civile d'Exploitation Agricole).<br />L'abbaye, quant à elle, a été fondée en 1850 par le Père Muard, près d'un dolmen qui portait le nom de « Pierre qui vire ». Après les expulsions de la fin du XIXe et du début du XXe siècles (liées notamment aux lois de séparation de l’Église et de l’État), la communauté est revenue en 1920. Une école, une maison d'édition sur l'art, une imprimerie mais aussi une usine hydroélectrique et une chaufferie à plaquettes de bois ont vu tour à tour le jour dans le monastère.</p>
</li>
<li>
<p>Pour en savoir plus sur l'histoire et les activités de l'abbaye : <a href="http://www.apqv.fr">http://www.apqv.fr</a></p>
</li>
</ul>
</div>La méthanisation, fausse bonne solution ?2017-03-21T12:54:42+01:002017-03-21T12:54:42+01:00http://www.rebonds.net/45lamethanisation/683-lamethanisationfaussebonnesolutionSuper User<p><span style="font-size: 18pt;">F</span>or-mi-da-ble et confondant de simplicité. Vous voyez à quoi ressemble une marmite ? Bien. Mettez-y des déchets végétaux, des déjections animales, pourquoi pas un peu de tonte d'espaces verts. Mélangez. Couvrez. Laissez fermenter. Qu'obtenez-vous ? Du gaz. Hop ! Faites sortir un tuyau de votre marmite et voici la ville dotée d'un chauffage bon marché et écologique avec ça. Formidable, je vous l'avais bien dit !</p>
<p>Le maire de Ploërmel, Paul Anselin, savait y faire lorsqu'il s'agissait de convaincre son auditoire. Ce soir-là, dans la salle des fêtes de la petite ville du Morbihan, tout le monde avait applaudi des deux mains à la présentation de l'unité de méthanisation qui devait voir le jour sur le site du lycée agricole La Touche <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.<br />Moi-même, jeune journaliste couvrant la réunion, je restais stupéfaite en regardant le dessin grossier de cette marmite que le maire avait tracé au tableau. Comment, diable, n'y avions-nous pas pensé plus tôt ?</p>
<p>C'était en 2007.<br />Treize ans plus tard, un habitant de Brécy m'interpelle : suis-je au courant des unités de méthanisation agricole qui se multiplient dans le département du Cher ? Des nuisances pour les riverain·es ? Le dessin de la marmite me revient. Pas si formidable que ça, alors ? En tout cas, pas si simple.<br />Car la méthanisation n'est pas seulement une question d'énergie ou d'écologie. Elle est symptomatique de modèles qui s'opposent, dans l'agriculture certes, mais aussi plus largement dans la société.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un processus biologique</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>De l'extérieur, une unité de méthanisation agricole ressemble davantage à un chapiteau de cirque qu'à une marmite. Que se passe-t-il en dessous ?</p>
<p>Le terme de « méthanisation agricole » désigne le processus biologique qui permet de transformer des matières organiques en énergie renouvelable comme le biogaz ou le biométhane. Par « matières organiques », on entend déjections animales ou substrats de végétaux considérés comme des « déchets ».<br />La transformation s'effectue en l'absence d'oxygène et sous l'effet de bactéries présentes naturellement dans les matières. Cette sorte de fermentation est appelée « digestion anaérobie ».<br />Les déchets proviennent de l'agriculture (de l'exploitation elle-même et / ou d'autres exploitations), parfois aussi d'entreprises de l'industrie agro-alimentaire et / ou de collectivités.</p>
<p>Le résultat ? D'un côté, un gaz, composé en moyenne de 55 % de méthane, de 40 % de dioxyde de carbone et de 5 % d'autres gaz ; de l'autre, un digestat, qui contient de la lignine, de l'azote, du phosphore, du potassium, de l'eau.</p>
<p>Le gaz peut être utilisé pour faire tourner un moteur qui produira d'un côté de l'électricité vendue à EDF, de l'autre de la chaleur utilisée sur l'exploitation : c'est la « cogénération ».<br />Epuré et transformé en biométhane, le gaz peut aussi être vendu à des entreprises pour alimenter le réseau (distribution ou transport) : c'est « l'injection ».</p>
<p>Quant au digestat, il est épandu dans les champs.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/APCA_schema_metha.png" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Schéma : ADEME."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/APCA_schema_metha.png" alt="APCA schema metha" width="725" height="442" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>« De quelle agriculture voulons-nous ? »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p><em></em>Baptiste Lamelot a fait le choix de la cogénération. Son unité est située au lieu-dit Grand-Villeneuve, sur la commune de Vornay, dans le Cher.<br />Il nourrit son méthaniseur avec des CIVE (Cultures Intermédiaires à Valeur Energétique), du fumier des ovins qui viennent de l'INRA à Osmoy<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> et des déchets de céréales de l'huilerie de Dun-sur-Auron.</p>
<p>C'est la Chambre d'agriculture du département qui m'a orientée vers lui. Son projet est parfait pour vanter les mérites d'une méthanisation responsable : ingénieur agricole, il a fait son stage de fin d'études dans un bureau qui travaille sur la méthanisation ; son retour sur la ferme familiale, typique des fermes céréalières de la Champagne berrichonne, est un exemple de diversification réussie ; l'unité a créé des emplois ; le projet n'a rencontré aucune opposition significative… Parfait.</p>
<p>J'accepte de jouer le jeu. D'abord, parce que le parcours de Baptiste Lamelot est une réalité : il y a de plus en plus d'exploitant·es agricoles qui sortent de grandes écoles et qui façonnent l'agriculture conventionnelle, selon la vision qu'ils veulent défendre. Ensuite, parce que son unité de méthanisation est conduite selon des principes qui – à défaut d'être partagés – méritent d'être connus. Enfin, parce qu'au cours de notre entrevue, il pose selon moi la question centrale du sujet : <em>« de quelle agriculture voulons-nous ? »</em></p>
<p><em>« A la fin de mes études, en 2011, je suis revenu sur l'exploitation familiale tout en cherchant à m'installer,</em> raconte-t-il. <em>J'ai rencontré des difficultés : mes parents avaient déjà 500 hectares, c'était considéré comme suffisant pour que je travaille avec eux, mais ce n'était pas possible. J'ai été refusé sur une dizaine de fermes, alors j'ai ressorti des cartons le projet de méthanisation conçu durant mon stage de fin d'études. »</em><br />Au même moment, avec sa compagne Marie-Caroline Berton, il s'interroge sur sa vie familiale.<em> « Elle est aussi ingénieur agricole, mais avec une spécialité viticole. Elle a trouvé du travail à Menetou-Salon puis à Sancerre. Ça lui plaisait mais elle faisait 50 minutes de route matin et soir… Nous sommes tombé·es sur un magazine qui parlait de la spiruline <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. Pour cette algue, comme pour le vin et la méthanisation, il s'agit de biochimie. »</em> Marie-Caroline Berton gère aujourd'hui la production de spiruline qui bénéficie sous serres de la chaleur du méthaniseur.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________</span></strong></p>
<h3>De nombreuses étapes</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_____________________________</strong></span></p>
<p>Mais pour que l'unité de méthanisation voie le jour, Baptiste Lamelot a dû passer par de nombreuses étapes : les études préliminaires, les démarches administratives et réglementaires pour le montage du dossier à proprement parler, et la construction.</p>
<p>L'Agence de la transition écologique, l'ADEME, explique : <em>« Au stade de l'avant-projet, le maître d'ouvrage doit : identifier les matières premières présentes sur son exploitation et / ou disponibles à proximité (autres exploitations, collectivités, industriels...) ; identifier les voies potentielles d'écoulement des produits issus de l'installation (compost, digestat, chaleur, électricité) ; définir la structure juridique la plus adaptée à son projet ; faire réaliser un pré-diagnostic technico-économique ; identifier les principales contraintes réglementaires auxquelles son projet sera soumis. »</em></p>
<p><em>« D'abord, il faut sécuriser le gisement,</em> insiste Pierre-Guillaume Cuissinat, conseiller en énergies renouvelables de la Chambre d'agriculture du Cher. <em>Quand une unité de méthanisation ne fonctionne pas bien, c'est parce qu'il y a un problème technique ou parce qu'il n'y a pas assez de volumes. Donc, il est très important de s'assurer que les volumes seront bien là. »</em><br />Il conseille aux porteur·ses de projets de<em> « visiter une vingtaine d'unités de méthanisation de tous types, cogénération et injection, avec différents constructeurs, pour bien s'approprier le projet »</em>. <em>« Il ne faut pas croire que c'est une aventure facile. Il faut savoir enlever sa casquette d'exploitant et prendre celle d'industriel. »</em></p>
<p>Suivent les démarches règlementaires auprès de la préfecture, les installations relevant du régime ICPE (Installations Classées Protection de l'Environnement) ; celles relatives à l'agrément sanitaire ; et celles pour le permis de construire. Des démarches administratives sont également nécessaires pour déclarer les matières entrantes, les produits sortants (vente de compost, de chaleur ou d'électricité)… <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br />Les exploitant·es doivent négocier leurs contrats de vente d'énergie avec les entreprises spécialisées.</p>
<p>Selon les installations, certaines sont soumises à déclaration, d'autres à enregistrement, d'autres encore à autorisation. Tout dépend des volumes de déchets entrant dans le méthaniseur. Certains projets sont ainsi soumis à enquête publique, d'autres non.<br />Les dossiers sont instruits par les préfectures de département ou les DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).</p>
<p>L'ADEME estime que <em>« pour un projet de méthanisation soumis à autorisation [le plus haut niveau], le délai global peut s'élever à deux ou trois ans depuis le début des procédures jusqu’à la mise en service de l’installation »</em>.<br />Chez Baptiste Lamelot, l'idée a germé en 2011, le premier coup de pelle a été donné en 2017 et l'unité mise en route en février 2018.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________</span></strong></p>
<h3>L'importance de la communication</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________________</strong></span></p>
<p>Durant tout ce temps, la Chambre d'agriculture conseille vivement de communiquer. <em>« Auprès du grand public, des mairies, des communautés de communes et des riverains dans un rayon d'un kilomètre autour de l'unité »</em>, énumère Pierre-Guillaume Cuissinat.<br />Pour aider les agriculteur·ices à devenir de bon·nes communicant·es, la Chambre fait intervenir des agences de communication spécialisées. Il·les sont encouragé·es à tenir des permanences sur les marchés, en mairie, dans les salles des fêtes des villages et à organiser des réunions d'information.</p>
<p>A Vornay, Baptiste Lamelot a commencé par téléphoner à tou·tes les riverain·es pour expliquer son projet et proposer des rencontres.<em> « Certains étaient d'accord, d'autres indifférents. Un seul m'a dit, « si vous communiquez, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche ». Que voulez-vous répondre à ça ?... »</em> Il a organisé une réunion publique au village puis une journée portes ouvertes.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/baptiste_lamelot.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Baptiste Lamelot devant son unité à Vornay (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/baptiste_lamelot.JPG" alt="baptiste lamelot" width="578" height="433" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Mais à Brécy, où est annoncée la construction d'une unité d'envergure en 2022, les opposant·es dénoncent un manque de communication : certains riverains en auraient appris l'existence par hasard. Il·les ont dû provoquer une réunion en janvier 2020 afin d'obtenir des réponses concrètes, alors même que les statuts de l'association pour la production de biogaz en Terres du Haut-Berry menant le projet existe depuis 2017.</p>
<p>Arnaud Rondier, vice-président de la Chambre d'agriculture du Cher et lui-même porteur de projet à Dun-sur-Auron, insiste pourtant : <em>« Vivons cachés, vivons heureux, ça ne marche pas pour la méthanisation ! Il faut vraiment communiquer. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________</span></strong></p>
<h3>De nombreux risques</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>____________________________</strong></span></p>
<p>Qu'est-ce qui inquiète les associations d'opposant·es ? Selon les projets, il peut s'agir du problème d'intégration dans le paysage, du bruit des camions qui acheminent les déchets, de l'odeur lorsque le procédé biochimique est mal maîtrisé, des pollutions liées au digestat… A Brécy et dans les villages alentour (Rians, Sainte-Solange, Nohant-en-Goût, Soulangis, Gron, Farge-en-Septaine, Villabon...), la pétition lancée par l'Association être Bien dans le Cher (ABC) met aussi en avant la dévaluation des maisons. Il y a quelques mois, dans un courrier de onze pages adressé au préfet du Cher et argumentant point par point son opposition, un futur riverain du site écrivait : <em>« Je ne suis pas contre une méthanisation à la ferme, qui traite ses propres déchets pour son autoconsommation d'énergie. Méthanisation traitant des vrais déchets, réalisée par de vrais professionnels. Mais celle de Brécy est loin de ces modèles car elle crée des déchets avec des cultures (CIVES) pour « nourrir » une usine au lieu de nourrir les hommes. Ensuite, il reste toujours des déchets (digestat) qu'il faut épandre sur des milliers hectares.»</em> Il soulignait aussi tout l'investissement, en argent et en temps, dépensé depuis quinze ans pour maintenir sa maison centenaire en état, ses 300 arbres plantés, les projets de camping à la ferme et de gîte, l'espoir de transmettre un jour tout ce patrimoine à ses enfants... Inquiet pour la santé de sa famille, il se dit aussi incapable de partir, puisqu'il serait désormais impossible de vendre.</p>
<p>Le ministère de la Transition écologique connaît les risques et a d'ailleurs publié un tableau intitulé « panorama des risques liés à l'activité de méthanisation » énumérant les incendies, les explosions, les émissions gazeuses, les rejets de matières liquides ou semi-liquides dans l'environnement en cas de rupture d'un ouvrage, les rejets d'eaux pluviales contaminées…</p>
<p>Le Collectif National Vigilance Méthanisation (CNVM) les recense sur son site <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Certes, ils ne concernent pas tous des unités agricoles mais les conséquences sont graves et nourrissent les inquiétudes.<br />Parmi les plus récents : en août dernier, la préfecture du Finistère a admis que la pollution constatée dans l'Aulne provenait d'une unité de méthanisation installée à Châteaulin. Un problème technique a fait déborder la cuve, et 200 à 300 m³ de digestat se sont déversés dans le ruisseau, privant 180.000 habitant·es alentour d'eau potable.<br />Quelques semaines plus tôt, c'est un incendie qui s'était déclaré à Marboué, en Eure-et-Loire. Le site avait déjà dû faire face à d'importants problèmes d'odeurs.<br />En 2019 à Naveil, dans le Loir-et-Cher, une surpression de gaz a provoqué une rupture de canalisation au niveau du poste d'injection.</p>
<p>En 2016, sur la commune de Feux dans le Cher, d'importants problèmes d'odeurs avaient poussé un habitant à porter plainte contre l'unité située au lieu-dit Marnay. Il manifestait chaque matin devant la mairie pour exprimer son désarroi. Il a fini par déménager. Suite à des pollutions constatées dans une des rivières, la municipalité avait elle aussi porté plainte et l'entreprise exploitante avait été mise en demeure d'effectuer des travaux.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></strong></p>
<h3>Aucune formation exigée</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p><em>« Les risques existent, reconnaît Baptiste Lamelot, mais ils sont gérables si les agriculteurs travaillent bien. </em>»<br />Une minorité jetterait-elle l'opprobre sur l'ensemble de la profession ? S'agirait-il d'une question de compétences ?<br />Alors que les unités de méthanisation sont classées ICPE, il est surprenant de constater qu'aucune formation, aucune qualification particulière n'est exigée pour créer une unité de méthanisation.</p>
<p>Les constructeurs proposent bien un accompagnement durant les premiers mois. Idem pour les Chambres d'agriculture, plus particulièrement sur le suivi biologique. Dans le Cher, depuis peu, une prestation intitulée « suivi d'unité de méthanisation » est ainsi proposée. Le but est notamment de faire de la veille juridique et d'informer au mieux les porteur·ses de projets de l'évolution de la réglementation. <br />Depuis la rentrée 2019, un certificat de spécialisation « Responsable d'unité de méthanisation » a vu le jour dans l'enseignement agricole mais il n'est pas obligatoire.</p>
<p>Pourtant, comme le reconnaît Pierre-Guillaume Cuissinat, pour bien mener une unité de méthanisation, il faut <em>« être un mouton à cinq pattes »</em> : <em>« avoir des connaissances en biologie, en mécanique, en électricité, être un bon manœuvre et un très bon gestionnaire... »</em> <br /><em>« Il faut se former en permanence,</em> considère Baptiste Lamelot. <em>Quand on a un truc comme ça, on n'a pas le droit à l'erreur. »</em> Selon lui, la plupart des porteur·ses de projets adhèrent à l'Association des agriculteurs méthaniseurs qui propose une charte et des formations <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un détournement des cultures ?</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p>L'association France Nature Environnement fait partie de celles qui demandent une meilleure formation des exploitant·es.<br />Mais pour elle, le risque de la méthanisation est aussi de détourner les cultures d'une production alimentaire vers la production énergétique. Elle se base sur l'expérience des agrocarburants de première et deuxième générations qui avaient fait monter les prix du secteur alimentaire et détruit des zones naturelles.</p>
<p>Un argument que réfutent les agriculteur·ices méthaniseurs. Non, ils ne produiraient pas « exprès » pour nourrir la machine. <em>« Nous avons fait d'une contrainte administrative un atout »</em>, explique Arnaud Rondier, vice-président de la Chambre d'agriculture du Cher. Depuis la directive européenne dite « nitrates » de 1991 <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>, les agriculteur·ices ont l'obligation de couvrir leurs sols entre deux cultures principales, afin de réduire le taux de nitrates dans l'eau. <em>« Ce sont les cultures intermédiaires. Avant, nous les détruisions, par la mécanisation ou des traitements. Maintenant, nous pouvons les valoriser avec les méthaniseurs. »</em></p>
<p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/maïs.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les agriculteurs méthaniseurs sont accusés de cultiver "exprès" pour nourrir la machine (photo : Kapa65)."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/maïs.jpg" alt="maïs" width="800" height="533" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></em></p>
<p>François Crutain, représentant de la Confédération paysanne dans le Cher, est sceptique :<em> « Ce sont des vœux pieux qui n'engagent que ceux qui les prononcent. Quand il faut nourrir un méthaniseur et qu'il n'y a pas assez de volumes de cultures intermédiaires, comme c'est le cas certains hivers, ce sont des tonnes de maïs qui se retrouvent dedans ! » (lire aussi la rubrique (Re)découvrir)</em></p>
<p>A Vornay, Baptiste Lamelot a fait le choix d'intercultures longues. Selon lui, le cycle du carbone serait ainsi renforcé : en augmentant le taux de matière organique, il améliore le stockage du carbone dans le sol ; les intercultures supposant la photosynthèse, elles contribueraient à réduire à le taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.<br />Les permaculteur·ices objecteraient que pour un bon cycle du carbone, le non travail du sol, les haies et l'agroforesterie fonctionnent aussi sans la dépense d'énergies que supposent la culture et la méthanisation...</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________</span></strong></p>
<h3>Un digestat qui inquiète</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_____________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p>Mais en terme de pollution, c'est le digestat qui concentre la majorité des craintes. <em>« Le digestat n'a encore jamais bénéficié d'une étude sérieuse de l'INRA,</em> dénonce le Collectif National Vigilance Méthanisation.<em> Sa composition et ses impacts ne sont ni connus, ni étudiés. On relève de nombreuses lacunes de connaissances relatives aux effets sur l'environnement aux différentes phases du processus. »</em></p>
<p>Les données existantes ne prendraient pas suffisamment en compte la spécificité des sols. Dans le Lot par exemple, où le sol calcaire est dit karstique, la situation est tendue. Une note de l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l'Environnement et du Travail) révélée par le journal « Le Monde » le 31 janvier 2019 pointait les risques de contamination bactériologique dans les sols <span style="font-size: 8pt;">(8)</span>.<br />Le digestat liquide peut aussi être entraîné par infiltration dans les nappes phréatiques.<em> « Les filières de méthanisation sont très diversifiées en France. Chaque exploitation en terme de production, nature des intrants, sol récepteur est un cas particulier qu'il convient de suivre individuellement. Ces exploitations ICPE fonctionnant sur le mode de l'auto-contrôle alors que les effectifs des inspecteurs (...) ne sont pas augmentés, sont loin de pouvoir présenter les « garanties de résultat en terme de qualité et de respect de la réglementation produit » (...) »</em>.<br />L'insuffisance des contrôles voire l'auto-contrôle est largement dénoncée par les associations et collectifs d'opposant·es et de veille.<br />Lorsque j'évoque ce problème, Baptiste Lamelot hausse les sourcils : <em>« En trois ans, j'ai été contrôlé cinq fois, par la DDCSPP <span style="font-size: 8pt;">(9)</span> et les organismes certificateurs. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________</span></strong></p>
<h3>Un choix politique</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________</strong></span></p>
<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>Au-delà des aspects techniques et environnementaux, la méthanisation pose une autre question : quel modèle agricole doit être encouragé aujourd'hui ? <br />Présentée comme un complément de revenus, la méthanisation ne maintient-elle pas l'agriculture sous perfusion ? Les projets voient le jour et se développent parce qu'ils sont le fruit d'un choix politique : sans aides financières publiques, la méthanisation serait encore marginale.<br />En moyenne, dans le Cher, l'investissement que représente une unité de méthanisation varie entre 1 et 9 millions d'euros selon les projets. Des aides peuvent venir de l'ADEME, de la Région et de l'Union européenne via le fonds FEDER. Elles atteignent en moyenne 20 %. L'ADEME a lancé son dernier appel à projets il y a un an. Il portait sur <em>« les investissements liés aux installations d'unités de méthanisation »</em> et <em>« les réseaux de chaleur associés »</em>. Les bénéficiaires seront <em>« les exploitations agricoles, les entreprises, les collectivités, les associations »</em>. <span style="font-size: 8pt;">(10)</span><br />Des financements participatifs existent également. Trois projets sont concernés dans le Cher via la plateforme Mimosa.</p>
<p>Le besoin premier des agriculteur·ices ne serait-il pas une juste rémunération de leur travail ? Le problème principal ne serait donc pas des prix trop faibles, non rémunérateurs pour ce qui est le cœur de leur métier : la production alimentaire ?<br />La diversification telle que la méthanisation n'est-elle pas une fausse bonne solution ?</p>
<p>Pour supporter les investissements importants et s'assurer des volumes suffisants pour nourrir les méthaniseurs, les exploitant·es agricoles tendent à se regrouper. La taille des fermes grossit de plus belle. Ce que regrette des syndicats comme la Confédération paysanne qui plaide pour un retour à des tailles de fermes plus « humaines » (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).</p>
<p>Baptiste Lamelot sourit. <em>« Mais qu'est-ce qui est raisonnable ? De travailler seul et de ne jamais avoir un week-end de repos ? Ou de se regrouper pour mieux travailler et espérer avoir une vie sociale ? Qu'est-ce qui est le plus raisonnable là-dedans ? Avoir un emploi sur 300 hectares ou, comme ici, 11,5 UTH <span style="font-size: 8pt;">(11)</span> sur 700 hectares ? Ça fait vivre la commune, ça fait revenir du monde dans nos campagnes. Je trouve ça important. »</em></p>
<p>Mais dans certains cas, l'agriculture passe au second plan et l'exploitant·es se transforme en énergéticien·ne. Les logiques sont inversées : le méthaniseur n'est plus une solution aux déchets de la ferme ; la ferme est créée pour produire les déchets qui nourriront le méthaniseur. C'est ainsi qu'en 2018, un poulailler a vu le jour à Montauban-de-Bretagne dans le seul but de produire du gaz<span style="font-size: 8pt;"> (12)</span>.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Pour un moratoire et un bilan</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>Pour limiter ces aberrations, des associations et collectifs se mobilisent. A l'image de la Confédération paysanne du Cher qui souhaite peser sur les schémas de structures agricoles, qui priorisent les projets. Au niveau national, le syndicat réclame un moratoire pour effectuer un bilan et une Analyse du Cycle de Vie (ACV) de la méthanisation. Pour l'instant, ni l’État ni les Chambres d'agriculture n'y ont répondu (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).</p>
<p>Au sein du Collectif National Vigilance Méthanisation, des scientifiques réclament également ce moratoire. Il·les regrettent qu'en 2018, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et le Premier ministre, Edouard Philippe, aient signé un décret allégeant la réglementation en matière d'ICPE. Désormais, les méthaniseurs recevant moins de 100 tonnes de déchets par jour ne sont plus soumis à enquête publique ni étude d'impact, et peuvent s'installer à 50 mètres d'un·e riverain·e.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/cnvmch.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/cnvmch.jpeg" alt="cnvmch" width="229" height="229" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />En 2019, ces scientifiques ont été auditionné·e·s à l'Assemblée nationale dans le cadre d'une commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. <span style="font-size: 8pt;">(13)</span> Apparemment reconnu·es comme des interlocuteur·ices sérieux·ses, il·les ont de nouveau été entendu·es le 13 janvier par des représentants des directions Energie Climat et Prévention des Risques du ministère de la Transition écologique, puis invité·es à participer à une visioconférence le 23 février pour donner leur avis sur des arrêtés encadrant les installations de méthanisation.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Chaque camp reste mobilisé</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>En attendant le résultat de ces échanges, les associations d'opposant·es maintiennent la pression. Partout en France, 90 pétitions sont actuellement lancées contre des projets de méthanisation.<br />A Brécy dans le Cher, celle du collectif Bien Vivre en Terres du Haut-Berry a récolté 514 signatures. Elle dénonce <em>« la pollution visuelle »</em>, les risques de <em>« nuisances sonores »</em>, les dangers pour la santé et l'environnement et les <em>« conséquences sur la valeur du patrimoine »</em> <span style="font-size: 8pt;">(14)</span>.<br />Parmi ses dernières actions : en décembre dernier, une manifestation à laquelle une quarantaine de personnes ont participé, devant l'unité de méthanisation de Plaimpied-Givaudins, à l'occasion de la visite du préfet Jean-Christophe Bouvier.</p>
<p>Certains agriculteurs méthaniseurs comme Vincent Barbey comprennent les inquiétudes qui accompagnent parfois les projets de méthanisation. Avec son frère Mathieu, ils ont créé une unité à Trouy, en activité depuis l'an dernier. Le gaz est injecté dans le réseau GRDF sur la commune et en dessert plusieurs autres à l'ouest de Bourges.<em> « Il faut tenir ses promesses en terme de bruit et d'odeurs. Il ne faut pas présenter un méthaniseur « agricole » à la population et construire une usine de recyclage de déchets sans prévoir les aménagements nécessaires pour bien gérer les nuisances de ces déchets ! »</em> écrit ainsi Vincent Barbey <span style="font-size: 8pt;">(15)</span>.</p>
<p>Malgré la multiplication des oppositions, l'habitant de Brécy qui m'avait interpellée se sent bien seul. Sa maison est située à 300 mètres du futur site. Loin dans le ciel, un satellite a capté sa colère et son désarroi : dans l'herbe tondue autour de sa maison, un message clair : <em>« Non à la méthanisation »</em>...</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p style="text-align: left;"><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://lycee-latouche.fr/vivre-au-lycee/ferme">https://lycee-latouche.fr/vivre-au-lycee/ferme</a><br />(2) INRA : Institut National de la Recherche Agronomique.<br />(3) <a href="https://spiberry.fr/">https://spiberry.fr/</a><br />(4) Quelques textes de référence : articles L421-1 et suivants, R421-1 et suivants et A423-1 et suivants du code de l'urbanisme relatifs aux permis de construire et aux autorisations administratives. Article L.311-1 du code rural précisant la qualification de la méthanisation dans l’activité agricole et ayant des implications en termes d’aménagement du territoire. Articles L 511-1 et suivants et D511-1 à R516-6 du code de l’environnement relatifs aux installations classées pour la protection de l’environnement Nomenclature ICPE et en particulier les rubriques ICPE 2780 (compostage)et 2781 (méthanisation)ainsi que les arrêtés ministériels. Article L111-1 et suivants du code de l’urbanisme relatifs au permis de construire et aux autorisations administratives.<br />(5) <a href="https://www.cnvmch.fr/">https://www.cnvmch.fr/</a><br />(6) <a href="https://aamf.fr/charte-aamf/">https://aamf.fr/charte-aamf/</a><br />(7) <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Directive_nitrates">https://fr.wikipedia.org/wiki/Directive_nitrates</a><br />(8) <a href="https://www.blogdesbourians.fr/dans-le-lot-les-craintes-d-une-catastrophe-ecologique-liee-a-lepandage-de-digestat/">https://www.blogdesbourians.fr/dans-le-lot-les-craintes-d-une-catastrophe-ecologique-liee-a-lepandage-de-digestat/</a><br />(9) Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations.<br />(10) <a href="https://centre.ademe.fr">https://centre.ademe.fr</a><br />(11) UTH : Unité Travail Humain.<br />(12) <a href="https://reporterre.net/La-methanisation-des-questions-sur-une-usine-a-gaz-Notre-enquete">https://reporterre.net/La-methanisation-des-questions-sur-une-usine-a-gaz-Notre-enquete</a><br />(13) La vidéo de l'audition est visible sur <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cetransene/l15cetransene1819046_compte-rendu.pdf?">http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cetransene/l15cetransene1819046_compte-rendu.pdf?</a><br />(14) <a href="https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/unite-methanisation-brecy/94333">https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/unite-methanisation-brecy/94333</a><br />(15) Vincent Barbey n'a pas souhaité nous recevoir mais a accepté de répondre à nos questions par mail. D'autres agriculteurs méthaniseurs du Cher n'ont pas donné suite à nos sollicitations.<br /></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">En chiffres</h3>
</div>
<ul>
<li>
<p>Le gisement global mobilisable à l’horizon 2030 pour la méthanisation en France a été évalué à 56 GWh d'énergie primaire en production de biogaz par le ministère de la Transition écologique. Il est composé à 90 % de matières agricoles.<br />En 2019, 646 unités de méthanisation agricole étaient en activité en France.</p>
</li>
<li>
<p>Dans le Cher, douze sont en fonctionnement, sept en construction et une quinzaine en phase de projets qui pourraient voir le jour d'ici deux à trois ans.<br />Dans le Centre : selon la DREAL au 7 juillet 2020, 44 méthaniseurs dont 12 dans le Cher ; 4 dans l'Eure-et-Loir ; 4 dans l'Indre ; 12 en Indre-et-Loire ; 6 dans le Loir-et-Cher ; 6 dans le Loiret.</p>
</li>
</ul>
</div><p><span style="font-size: 18pt;">F</span>or-mi-da-ble et confondant de simplicité. Vous voyez à quoi ressemble une marmite ? Bien. Mettez-y des déchets végétaux, des déjections animales, pourquoi pas un peu de tonte d'espaces verts. Mélangez. Couvrez. Laissez fermenter. Qu'obtenez-vous ? Du gaz. Hop ! Faites sortir un tuyau de votre marmite et voici la ville dotée d'un chauffage bon marché et écologique avec ça. Formidable, je vous l'avais bien dit !</p>
<p>Le maire de Ploërmel, Paul Anselin, savait y faire lorsqu'il s'agissait de convaincre son auditoire. Ce soir-là, dans la salle des fêtes de la petite ville du Morbihan, tout le monde avait applaudi des deux mains à la présentation de l'unité de méthanisation qui devait voir le jour sur le site du lycée agricole La Touche <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.<br />Moi-même, jeune journaliste couvrant la réunion, je restais stupéfaite en regardant le dessin grossier de cette marmite que le maire avait tracé au tableau. Comment, diable, n'y avions-nous pas pensé plus tôt ?</p>
<p>C'était en 2007.<br />Treize ans plus tard, un habitant de Brécy m'interpelle : suis-je au courant des unités de méthanisation agricole qui se multiplient dans le département du Cher ? Des nuisances pour les riverain·es ? Le dessin de la marmite me revient. Pas si formidable que ça, alors ? En tout cas, pas si simple.<br />Car la méthanisation n'est pas seulement une question d'énergie ou d'écologie. Elle est symptomatique de modèles qui s'opposent, dans l'agriculture certes, mais aussi plus largement dans la société.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un processus biologique</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>De l'extérieur, une unité de méthanisation agricole ressemble davantage à un chapiteau de cirque qu'à une marmite. Que se passe-t-il en dessous ?</p>
<p>Le terme de « méthanisation agricole » désigne le processus biologique qui permet de transformer des matières organiques en énergie renouvelable comme le biogaz ou le biométhane. Par « matières organiques », on entend déjections animales ou substrats de végétaux considérés comme des « déchets ».<br />La transformation s'effectue en l'absence d'oxygène et sous l'effet de bactéries présentes naturellement dans les matières. Cette sorte de fermentation est appelée « digestion anaérobie ».<br />Les déchets proviennent de l'agriculture (de l'exploitation elle-même et / ou d'autres exploitations), parfois aussi d'entreprises de l'industrie agro-alimentaire et / ou de collectivités.</p>
<p>Le résultat ? D'un côté, un gaz, composé en moyenne de 55 % de méthane, de 40 % de dioxyde de carbone et de 5 % d'autres gaz ; de l'autre, un digestat, qui contient de la lignine, de l'azote, du phosphore, du potassium, de l'eau.</p>
<p>Le gaz peut être utilisé pour faire tourner un moteur qui produira d'un côté de l'électricité vendue à EDF, de l'autre de la chaleur utilisée sur l'exploitation : c'est la « cogénération ».<br />Epuré et transformé en biométhane, le gaz peut aussi être vendu à des entreprises pour alimenter le réseau (distribution ou transport) : c'est « l'injection ».</p>
<p>Quant au digestat, il est épandu dans les champs.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/APCA_schema_metha.png" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Schéma : ADEME."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/APCA_schema_metha.png" alt="APCA schema metha" width="725" height="442" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>« De quelle agriculture voulons-nous ? »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p><em></em>Baptiste Lamelot a fait le choix de la cogénération. Son unité est située au lieu-dit Grand-Villeneuve, sur la commune de Vornay, dans le Cher.<br />Il nourrit son méthaniseur avec des CIVE (Cultures Intermédiaires à Valeur Energétique), du fumier des ovins qui viennent de l'INRA à Osmoy<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> et des déchets de céréales de l'huilerie de Dun-sur-Auron.</p>
<p>C'est la Chambre d'agriculture du département qui m'a orientée vers lui. Son projet est parfait pour vanter les mérites d'une méthanisation responsable : ingénieur agricole, il a fait son stage de fin d'études dans un bureau qui travaille sur la méthanisation ; son retour sur la ferme familiale, typique des fermes céréalières de la Champagne berrichonne, est un exemple de diversification réussie ; l'unité a créé des emplois ; le projet n'a rencontré aucune opposition significative… Parfait.</p>
<p>J'accepte de jouer le jeu. D'abord, parce que le parcours de Baptiste Lamelot est une réalité : il y a de plus en plus d'exploitant·es agricoles qui sortent de grandes écoles et qui façonnent l'agriculture conventionnelle, selon la vision qu'ils veulent défendre. Ensuite, parce que son unité de méthanisation est conduite selon des principes qui – à défaut d'être partagés – méritent d'être connus. Enfin, parce qu'au cours de notre entrevue, il pose selon moi la question centrale du sujet : <em>« de quelle agriculture voulons-nous ? »</em></p>
<p><em>« A la fin de mes études, en 2011, je suis revenu sur l'exploitation familiale tout en cherchant à m'installer,</em> raconte-t-il. <em>J'ai rencontré des difficultés : mes parents avaient déjà 500 hectares, c'était considéré comme suffisant pour que je travaille avec eux, mais ce n'était pas possible. J'ai été refusé sur une dizaine de fermes, alors j'ai ressorti des cartons le projet de méthanisation conçu durant mon stage de fin d'études. »</em><br />Au même moment, avec sa compagne Marie-Caroline Berton, il s'interroge sur sa vie familiale.<em> « Elle est aussi ingénieur agricole, mais avec une spécialité viticole. Elle a trouvé du travail à Menetou-Salon puis à Sancerre. Ça lui plaisait mais elle faisait 50 minutes de route matin et soir… Nous sommes tombé·es sur un magazine qui parlait de la spiruline <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. Pour cette algue, comme pour le vin et la méthanisation, il s'agit de biochimie. »</em> Marie-Caroline Berton gère aujourd'hui la production de spiruline qui bénéficie sous serres de la chaleur du méthaniseur.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________</span></strong></p>
<h3>De nombreuses étapes</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_____________________________</strong></span></p>
<p>Mais pour que l'unité de méthanisation voie le jour, Baptiste Lamelot a dû passer par de nombreuses étapes : les études préliminaires, les démarches administratives et réglementaires pour le montage du dossier à proprement parler, et la construction.</p>
<p>L'Agence de la transition écologique, l'ADEME, explique : <em>« Au stade de l'avant-projet, le maître d'ouvrage doit : identifier les matières premières présentes sur son exploitation et / ou disponibles à proximité (autres exploitations, collectivités, industriels...) ; identifier les voies potentielles d'écoulement des produits issus de l'installation (compost, digestat, chaleur, électricité) ; définir la structure juridique la plus adaptée à son projet ; faire réaliser un pré-diagnostic technico-économique ; identifier les principales contraintes réglementaires auxquelles son projet sera soumis. »</em></p>
<p><em>« D'abord, il faut sécuriser le gisement,</em> insiste Pierre-Guillaume Cuissinat, conseiller en énergies renouvelables de la Chambre d'agriculture du Cher. <em>Quand une unité de méthanisation ne fonctionne pas bien, c'est parce qu'il y a un problème technique ou parce qu'il n'y a pas assez de volumes. Donc, il est très important de s'assurer que les volumes seront bien là. »</em><br />Il conseille aux porteur·ses de projets de<em> « visiter une vingtaine d'unités de méthanisation de tous types, cogénération et injection, avec différents constructeurs, pour bien s'approprier le projet »</em>. <em>« Il ne faut pas croire que c'est une aventure facile. Il faut savoir enlever sa casquette d'exploitant et prendre celle d'industriel. »</em></p>
<p>Suivent les démarches règlementaires auprès de la préfecture, les installations relevant du régime ICPE (Installations Classées Protection de l'Environnement) ; celles relatives à l'agrément sanitaire ; et celles pour le permis de construire. Des démarches administratives sont également nécessaires pour déclarer les matières entrantes, les produits sortants (vente de compost, de chaleur ou d'électricité)… <span style="font-size: 8pt;">(4)</span><br />Les exploitant·es doivent négocier leurs contrats de vente d'énergie avec les entreprises spécialisées.</p>
<p>Selon les installations, certaines sont soumises à déclaration, d'autres à enregistrement, d'autres encore à autorisation. Tout dépend des volumes de déchets entrant dans le méthaniseur. Certains projets sont ainsi soumis à enquête publique, d'autres non.<br />Les dossiers sont instruits par les préfectures de département ou les DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).</p>
<p>L'ADEME estime que <em>« pour un projet de méthanisation soumis à autorisation [le plus haut niveau], le délai global peut s'élever à deux ou trois ans depuis le début des procédures jusqu’à la mise en service de l’installation »</em>.<br />Chez Baptiste Lamelot, l'idée a germé en 2011, le premier coup de pelle a été donné en 2017 et l'unité mise en route en février 2018.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________</span></strong></p>
<h3>L'importance de la communication</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________________</strong></span></p>
<p>Durant tout ce temps, la Chambre d'agriculture conseille vivement de communiquer. <em>« Auprès du grand public, des mairies, des communautés de communes et des riverains dans un rayon d'un kilomètre autour de l'unité »</em>, énumère Pierre-Guillaume Cuissinat.<br />Pour aider les agriculteur·ices à devenir de bon·nes communicant·es, la Chambre fait intervenir des agences de communication spécialisées. Il·les sont encouragé·es à tenir des permanences sur les marchés, en mairie, dans les salles des fêtes des villages et à organiser des réunions d'information.</p>
<p>A Vornay, Baptiste Lamelot a commencé par téléphoner à tou·tes les riverain·es pour expliquer son projet et proposer des rencontres.<em> « Certains étaient d'accord, d'autres indifférents. Un seul m'a dit, « si vous communiquez, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche ». Que voulez-vous répondre à ça ?... »</em> Il a organisé une réunion publique au village puis une journée portes ouvertes.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/baptiste_lamelot.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Baptiste Lamelot devant son unité à Vornay (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/baptiste_lamelot.JPG" alt="baptiste lamelot" width="578" height="433" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Mais à Brécy, où est annoncée la construction d'une unité d'envergure en 2022, les opposant·es dénoncent un manque de communication : certains riverains en auraient appris l'existence par hasard. Il·les ont dû provoquer une réunion en janvier 2020 afin d'obtenir des réponses concrètes, alors même que les statuts de l'association pour la production de biogaz en Terres du Haut-Berry menant le projet existe depuis 2017.</p>
<p>Arnaud Rondier, vice-président de la Chambre d'agriculture du Cher et lui-même porteur de projet à Dun-sur-Auron, insiste pourtant : <em>« Vivons cachés, vivons heureux, ça ne marche pas pour la méthanisation ! Il faut vraiment communiquer. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________</span></strong></p>
<h3>De nombreux risques</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>____________________________</strong></span></p>
<p>Qu'est-ce qui inquiète les associations d'opposant·es ? Selon les projets, il peut s'agir du problème d'intégration dans le paysage, du bruit des camions qui acheminent les déchets, de l'odeur lorsque le procédé biochimique est mal maîtrisé, des pollutions liées au digestat… A Brécy et dans les villages alentour (Rians, Sainte-Solange, Nohant-en-Goût, Soulangis, Gron, Farge-en-Septaine, Villabon...), la pétition lancée par l'Association être Bien dans le Cher (ABC) met aussi en avant la dévaluation des maisons. Il y a quelques mois, dans un courrier de onze pages adressé au préfet du Cher et argumentant point par point son opposition, un futur riverain du site écrivait : <em>« Je ne suis pas contre une méthanisation à la ferme, qui traite ses propres déchets pour son autoconsommation d'énergie. Méthanisation traitant des vrais déchets, réalisée par de vrais professionnels. Mais celle de Brécy est loin de ces modèles car elle crée des déchets avec des cultures (CIVES) pour « nourrir » une usine au lieu de nourrir les hommes. Ensuite, il reste toujours des déchets (digestat) qu'il faut épandre sur des milliers hectares.»</em> Il soulignait aussi tout l'investissement, en argent et en temps, dépensé depuis quinze ans pour maintenir sa maison centenaire en état, ses 300 arbres plantés, les projets de camping à la ferme et de gîte, l'espoir de transmettre un jour tout ce patrimoine à ses enfants... Inquiet pour la santé de sa famille, il se dit aussi incapable de partir, puisqu'il serait désormais impossible de vendre.</p>
<p>Le ministère de la Transition écologique connaît les risques et a d'ailleurs publié un tableau intitulé « panorama des risques liés à l'activité de méthanisation » énumérant les incendies, les explosions, les émissions gazeuses, les rejets de matières liquides ou semi-liquides dans l'environnement en cas de rupture d'un ouvrage, les rejets d'eaux pluviales contaminées…</p>
<p>Le Collectif National Vigilance Méthanisation (CNVM) les recense sur son site <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Certes, ils ne concernent pas tous des unités agricoles mais les conséquences sont graves et nourrissent les inquiétudes.<br />Parmi les plus récents : en août dernier, la préfecture du Finistère a admis que la pollution constatée dans l'Aulne provenait d'une unité de méthanisation installée à Châteaulin. Un problème technique a fait déborder la cuve, et 200 à 300 m³ de digestat se sont déversés dans le ruisseau, privant 180.000 habitant·es alentour d'eau potable.<br />Quelques semaines plus tôt, c'est un incendie qui s'était déclaré à Marboué, en Eure-et-Loire. Le site avait déjà dû faire face à d'importants problèmes d'odeurs.<br />En 2019 à Naveil, dans le Loir-et-Cher, une surpression de gaz a provoqué une rupture de canalisation au niveau du poste d'injection.</p>
<p>En 2016, sur la commune de Feux dans le Cher, d'importants problèmes d'odeurs avaient poussé un habitant à porter plainte contre l'unité située au lieu-dit Marnay. Il manifestait chaque matin devant la mairie pour exprimer son désarroi. Il a fini par déménager. Suite à des pollutions constatées dans une des rivières, la municipalité avait elle aussi porté plainte et l'entreprise exploitante avait été mise en demeure d'effectuer des travaux.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></strong></p>
<h3>Aucune formation exigée</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p><em>« Les risques existent, reconnaît Baptiste Lamelot, mais ils sont gérables si les agriculteurs travaillent bien. </em>»<br />Une minorité jetterait-elle l'opprobre sur l'ensemble de la profession ? S'agirait-il d'une question de compétences ?<br />Alors que les unités de méthanisation sont classées ICPE, il est surprenant de constater qu'aucune formation, aucune qualification particulière n'est exigée pour créer une unité de méthanisation.</p>
<p>Les constructeurs proposent bien un accompagnement durant les premiers mois. Idem pour les Chambres d'agriculture, plus particulièrement sur le suivi biologique. Dans le Cher, depuis peu, une prestation intitulée « suivi d'unité de méthanisation » est ainsi proposée. Le but est notamment de faire de la veille juridique et d'informer au mieux les porteur·ses de projets de l'évolution de la réglementation. <br />Depuis la rentrée 2019, un certificat de spécialisation « Responsable d'unité de méthanisation » a vu le jour dans l'enseignement agricole mais il n'est pas obligatoire.</p>
<p>Pourtant, comme le reconnaît Pierre-Guillaume Cuissinat, pour bien mener une unité de méthanisation, il faut <em>« être un mouton à cinq pattes »</em> : <em>« avoir des connaissances en biologie, en mécanique, en électricité, être un bon manœuvre et un très bon gestionnaire... »</em> <br /><em>« Il faut se former en permanence,</em> considère Baptiste Lamelot. <em>Quand on a un truc comme ça, on n'a pas le droit à l'erreur. »</em> Selon lui, la plupart des porteur·ses de projets adhèrent à l'Association des agriculteurs méthaniseurs qui propose une charte et des formations <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un détournement des cultures ?</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p>L'association France Nature Environnement fait partie de celles qui demandent une meilleure formation des exploitant·es.<br />Mais pour elle, le risque de la méthanisation est aussi de détourner les cultures d'une production alimentaire vers la production énergétique. Elle se base sur l'expérience des agrocarburants de première et deuxième générations qui avaient fait monter les prix du secteur alimentaire et détruit des zones naturelles.</p>
<p>Un argument que réfutent les agriculteur·ices méthaniseurs. Non, ils ne produiraient pas « exprès » pour nourrir la machine. <em>« Nous avons fait d'une contrainte administrative un atout »</em>, explique Arnaud Rondier, vice-président de la Chambre d'agriculture du Cher. Depuis la directive européenne dite « nitrates » de 1991 <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>, les agriculteur·ices ont l'obligation de couvrir leurs sols entre deux cultures principales, afin de réduire le taux de nitrates dans l'eau. <em>« Ce sont les cultures intermédiaires. Avant, nous les détruisions, par la mécanisation ou des traitements. Maintenant, nous pouvons les valoriser avec les méthaniseurs. »</em></p>
<p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/maïs.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les agriculteurs méthaniseurs sont accusés de cultiver "exprès" pour nourrir la machine (photo : Kapa65)."><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/maïs.jpg" alt="maïs" width="800" height="533" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></em></p>
<p>François Crutain, représentant de la Confédération paysanne dans le Cher, est sceptique :<em> « Ce sont des vœux pieux qui n'engagent que ceux qui les prononcent. Quand il faut nourrir un méthaniseur et qu'il n'y a pas assez de volumes de cultures intermédiaires, comme c'est le cas certains hivers, ce sont des tonnes de maïs qui se retrouvent dedans ! » (lire aussi la rubrique (Re)découvrir)</em></p>
<p>A Vornay, Baptiste Lamelot a fait le choix d'intercultures longues. Selon lui, le cycle du carbone serait ainsi renforcé : en augmentant le taux de matière organique, il améliore le stockage du carbone dans le sol ; les intercultures supposant la photosynthèse, elles contribueraient à réduire à le taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.<br />Les permaculteur·ices objecteraient que pour un bon cycle du carbone, le non travail du sol, les haies et l'agroforesterie fonctionnent aussi sans la dépense d'énergies que supposent la culture et la méthanisation...</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________</span></strong></p>
<h3>Un digestat qui inquiète</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_____________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p>Mais en terme de pollution, c'est le digestat qui concentre la majorité des craintes. <em>« Le digestat n'a encore jamais bénéficié d'une étude sérieuse de l'INRA,</em> dénonce le Collectif National Vigilance Méthanisation.<em> Sa composition et ses impacts ne sont ni connus, ni étudiés. On relève de nombreuses lacunes de connaissances relatives aux effets sur l'environnement aux différentes phases du processus. »</em></p>
<p>Les données existantes ne prendraient pas suffisamment en compte la spécificité des sols. Dans le Lot par exemple, où le sol calcaire est dit karstique, la situation est tendue. Une note de l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l'Environnement et du Travail) révélée par le journal « Le Monde » le 31 janvier 2019 pointait les risques de contamination bactériologique dans les sols <span style="font-size: 8pt;">(8)</span>.<br />Le digestat liquide peut aussi être entraîné par infiltration dans les nappes phréatiques.<em> « Les filières de méthanisation sont très diversifiées en France. Chaque exploitation en terme de production, nature des intrants, sol récepteur est un cas particulier qu'il convient de suivre individuellement. Ces exploitations ICPE fonctionnant sur le mode de l'auto-contrôle alors que les effectifs des inspecteurs (...) ne sont pas augmentés, sont loin de pouvoir présenter les « garanties de résultat en terme de qualité et de respect de la réglementation produit » (...) »</em>.<br />L'insuffisance des contrôles voire l'auto-contrôle est largement dénoncée par les associations et collectifs d'opposant·es et de veille.<br />Lorsque j'évoque ce problème, Baptiste Lamelot hausse les sourcils : <em>« En trois ans, j'ai été contrôlé cinq fois, par la DDCSPP <span style="font-size: 8pt;">(9)</span> et les organismes certificateurs. »</em></p>
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<h3>Un choix politique</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________</strong></span></p>
<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>Au-delà des aspects techniques et environnementaux, la méthanisation pose une autre question : quel modèle agricole doit être encouragé aujourd'hui ? <br />Présentée comme un complément de revenus, la méthanisation ne maintient-elle pas l'agriculture sous perfusion ? Les projets voient le jour et se développent parce qu'ils sont le fruit d'un choix politique : sans aides financières publiques, la méthanisation serait encore marginale.<br />En moyenne, dans le Cher, l'investissement que représente une unité de méthanisation varie entre 1 et 9 millions d'euros selon les projets. Des aides peuvent venir de l'ADEME, de la Région et de l'Union européenne via le fonds FEDER. Elles atteignent en moyenne 20 %. L'ADEME a lancé son dernier appel à projets il y a un an. Il portait sur <em>« les investissements liés aux installations d'unités de méthanisation »</em> et <em>« les réseaux de chaleur associés »</em>. Les bénéficiaires seront <em>« les exploitations agricoles, les entreprises, les collectivités, les associations »</em>. <span style="font-size: 8pt;">(10)</span><br />Des financements participatifs existent également. Trois projets sont concernés dans le Cher via la plateforme Mimosa.</p>
<p>Le besoin premier des agriculteur·ices ne serait-il pas une juste rémunération de leur travail ? Le problème principal ne serait donc pas des prix trop faibles, non rémunérateurs pour ce qui est le cœur de leur métier : la production alimentaire ?<br />La diversification telle que la méthanisation n'est-elle pas une fausse bonne solution ?</p>
<p>Pour supporter les investissements importants et s'assurer des volumes suffisants pour nourrir les méthaniseurs, les exploitant·es agricoles tendent à se regrouper. La taille des fermes grossit de plus belle. Ce que regrette des syndicats comme la Confédération paysanne qui plaide pour un retour à des tailles de fermes plus « humaines » (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).</p>
<p>Baptiste Lamelot sourit. <em>« Mais qu'est-ce qui est raisonnable ? De travailler seul et de ne jamais avoir un week-end de repos ? Ou de se regrouper pour mieux travailler et espérer avoir une vie sociale ? Qu'est-ce qui est le plus raisonnable là-dedans ? Avoir un emploi sur 300 hectares ou, comme ici, 11,5 UTH <span style="font-size: 8pt;">(11)</span> sur 700 hectares ? Ça fait vivre la commune, ça fait revenir du monde dans nos campagnes. Je trouve ça important. »</em></p>
<p>Mais dans certains cas, l'agriculture passe au second plan et l'exploitant·es se transforme en énergéticien·ne. Les logiques sont inversées : le méthaniseur n'est plus une solution aux déchets de la ferme ; la ferme est créée pour produire les déchets qui nourriront le méthaniseur. C'est ainsi qu'en 2018, un poulailler a vu le jour à Montauban-de-Bretagne dans le seul but de produire du gaz<span style="font-size: 8pt;"> (12)</span>.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Pour un moratoire et un bilan</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>Pour limiter ces aberrations, des associations et collectifs se mobilisent. A l'image de la Confédération paysanne du Cher qui souhaite peser sur les schémas de structures agricoles, qui priorisent les projets. Au niveau national, le syndicat réclame un moratoire pour effectuer un bilan et une Analyse du Cycle de Vie (ACV) de la méthanisation. Pour l'instant, ni l’État ni les Chambres d'agriculture n'y ont répondu (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).</p>
<p>Au sein du Collectif National Vigilance Méthanisation, des scientifiques réclament également ce moratoire. Il·les regrettent qu'en 2018, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et le Premier ministre, Edouard Philippe, aient signé un décret allégeant la réglementation en matière d'ICPE. Désormais, les méthaniseurs recevant moins de 100 tonnes de déchets par jour ne sont plus soumis à enquête publique ni étude d'impact, et peuvent s'installer à 50 mètres d'un·e riverain·e.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/cnvmch.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/METHANISATION/cnvmch.jpeg" alt="cnvmch" width="229" height="229" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />En 2019, ces scientifiques ont été auditionné·e·s à l'Assemblée nationale dans le cadre d'une commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. <span style="font-size: 8pt;">(13)</span> Apparemment reconnu·es comme des interlocuteur·ices sérieux·ses, il·les ont de nouveau été entendu·es le 13 janvier par des représentants des directions Energie Climat et Prévention des Risques du ministère de la Transition écologique, puis invité·es à participer à une visioconférence le 23 février pour donner leur avis sur des arrêtés encadrant les installations de méthanisation.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Chaque camp reste mobilisé</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>En attendant le résultat de ces échanges, les associations d'opposant·es maintiennent la pression. Partout en France, 90 pétitions sont actuellement lancées contre des projets de méthanisation.<br />A Brécy dans le Cher, celle du collectif Bien Vivre en Terres du Haut-Berry a récolté 514 signatures. Elle dénonce <em>« la pollution visuelle »</em>, les risques de <em>« nuisances sonores »</em>, les dangers pour la santé et l'environnement et les <em>« conséquences sur la valeur du patrimoine »</em> <span style="font-size: 8pt;">(14)</span>.<br />Parmi ses dernières actions : en décembre dernier, une manifestation à laquelle une quarantaine de personnes ont participé, devant l'unité de méthanisation de Plaimpied-Givaudins, à l'occasion de la visite du préfet Jean-Christophe Bouvier.</p>
<p>Certains agriculteurs méthaniseurs comme Vincent Barbey comprennent les inquiétudes qui accompagnent parfois les projets de méthanisation. Avec son frère Mathieu, ils ont créé une unité à Trouy, en activité depuis l'an dernier. Le gaz est injecté dans le réseau GRDF sur la commune et en dessert plusieurs autres à l'ouest de Bourges.<em> « Il faut tenir ses promesses en terme de bruit et d'odeurs. Il ne faut pas présenter un méthaniseur « agricole » à la population et construire une usine de recyclage de déchets sans prévoir les aménagements nécessaires pour bien gérer les nuisances de ces déchets ! »</em> écrit ainsi Vincent Barbey <span style="font-size: 8pt;">(15)</span>.</p>
<p>Malgré la multiplication des oppositions, l'habitant de Brécy qui m'avait interpellée se sent bien seul. Sa maison est située à 300 mètres du futur site. Loin dans le ciel, un satellite a capté sa colère et son désarroi : dans l'herbe tondue autour de sa maison, un message clair : <em>« Non à la méthanisation »</em>...</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p style="text-align: left;"><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://lycee-latouche.fr/vivre-au-lycee/ferme">https://lycee-latouche.fr/vivre-au-lycee/ferme</a><br />(2) INRA : Institut National de la Recherche Agronomique.<br />(3) <a href="https://spiberry.fr/">https://spiberry.fr/</a><br />(4) Quelques textes de référence : articles L421-1 et suivants, R421-1 et suivants et A423-1 et suivants du code de l'urbanisme relatifs aux permis de construire et aux autorisations administratives. Article L.311-1 du code rural précisant la qualification de la méthanisation dans l’activité agricole et ayant des implications en termes d’aménagement du territoire. Articles L 511-1 et suivants et D511-1 à R516-6 du code de l’environnement relatifs aux installations classées pour la protection de l’environnement Nomenclature ICPE et en particulier les rubriques ICPE 2780 (compostage)et 2781 (méthanisation)ainsi que les arrêtés ministériels. Article L111-1 et suivants du code de l’urbanisme relatifs au permis de construire et aux autorisations administratives.<br />(5) <a href="https://www.cnvmch.fr/">https://www.cnvmch.fr/</a><br />(6) <a href="https://aamf.fr/charte-aamf/">https://aamf.fr/charte-aamf/</a><br />(7) <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Directive_nitrates">https://fr.wikipedia.org/wiki/Directive_nitrates</a><br />(8) <a href="https://www.blogdesbourians.fr/dans-le-lot-les-craintes-d-une-catastrophe-ecologique-liee-a-lepandage-de-digestat/">https://www.blogdesbourians.fr/dans-le-lot-les-craintes-d-une-catastrophe-ecologique-liee-a-lepandage-de-digestat/</a><br />(9) Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations.<br />(10) <a href="https://centre.ademe.fr">https://centre.ademe.fr</a><br />(11) UTH : Unité Travail Humain.<br />(12) <a href="https://reporterre.net/La-methanisation-des-questions-sur-une-usine-a-gaz-Notre-enquete">https://reporterre.net/La-methanisation-des-questions-sur-une-usine-a-gaz-Notre-enquete</a><br />(13) La vidéo de l'audition est visible sur <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cetransene/l15cetransene1819046_compte-rendu.pdf?">http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cetransene/l15cetransene1819046_compte-rendu.pdf?</a><br />(14) <a href="https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/unite-methanisation-brecy/94333">https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/unite-methanisation-brecy/94333</a><br />(15) Vincent Barbey n'a pas souhaité nous recevoir mais a accepté de répondre à nos questions par mail. D'autres agriculteurs méthaniseurs du Cher n'ont pas donné suite à nos sollicitations.<br /></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">En chiffres</h3>
</div>
<ul>
<li>
<p>Le gisement global mobilisable à l’horizon 2030 pour la méthanisation en France a été évalué à 56 GWh d'énergie primaire en production de biogaz par le ministère de la Transition écologique. Il est composé à 90 % de matières agricoles.<br />En 2019, 646 unités de méthanisation agricole étaient en activité en France.</p>
</li>
<li>
<p>Dans le Cher, douze sont en fonctionnement, sept en construction et une quinzaine en phase de projets qui pourraient voir le jour d'ici deux à trois ans.<br />Dans le Centre : selon la DREAL au 7 juillet 2020, 44 méthaniseurs dont 12 dans le Cher ; 4 dans l'Eure-et-Loir ; 4 dans l'Indre ; 12 en Indre-et-Loire ; 6 dans le Loir-et-Cher ; 6 dans le Loiret.</p>
</li>
</ul>
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