# 46 Les soulèvements de la terre (avril 2021)(Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale.http://www.rebonds.net/46soulevementsdelaterre2023-05-11T19:05:29+02:00(Re)bonds.netJoomla! - Open Source Content ManagementMiliter sous de nouvelles formes2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/46soulevementsdelaterre/685-militersousdenouvellesformesSuper User<p><strong>Parmi les signataires des Soulèvements de la Terre, des collectifs et associations qui organisent des actions originales. Les modes traditionnels d'expression de la contestation ont en effet atteint leurs limites. Aujourd'hui, pour être entendu·es, les militant·es doivent faire preuve d'audace et de créativité. Le risque ? Que le fond se perde dans la forme, que le message se dilue dans le spectacle. L'équilibre est fragile...<br />Mais quelles sont ces « nouvelles » manières de dénoncer et revendiquer ? Sont-elles réellement efficaces ?</strong></p>
<p>Manifester en cortège derrière les banderoles des syndicats et des partis politiques est une pratique qui reste courante. Installer un piquet de grève devant une usine aussi. Mais ces types d'actions ne séduisent plus guère. <br />Selon le sociologue Sébastien Porte <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, elles sont entrées <em>« dans une phase de routinisation et de normalisation où l'on devine par avance qu'elles n'aboutiront pas »</em>. <em>« Les syndicats se montrent dans l'incapacité d'obtenir de nouveaux avantages. La grève n'est plus constructive mais défensive. Ministres et médias enfoncent le clou en présentant la grève non plus comme un outil d'expression indissociable de la démocratie réelle, mais comme une gêne, une entrave, une prise en otage. »</em> Le service minimum a achevé de la rendre inopérante.</p>
<p>Sur son site Internet, l'organisation internationale écologique Extinction Rebellion ne dit pas autre chose : <em>« Les approches traditionnelles telles que signer des pétitions, faire du lobbying, voter, manifester, n'ont pas fonctionné, dans la mesure où de puissants intérêts économiques et politiques font barrage au changement. Notre stratégie s'inscrit donc bien dans la désobéissance civile non-violente, mais perturbatrice. Nous nous rebellons pour faire advenir ce changement, tous les autres recours ayant été épuisés. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(2)</span></p>
<p>La contestation n'est pas morte donc. Bien loin de là. Elle se transforme, se réinvente. Elle ne tend plus vers un <em>« universel abstrait »</em> (une théorie, une idéologie… des lendemains qui chantent), mais un <em>« universel concret »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> (peser sur le réel, ici et maintenant, en luttant contre des points précis qui touchent la société).<br />Les formes qu'elle prend sont ainsi plus variées.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/extinction-rebellion-4875990_960_720.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une action de l'organisation internationale écologiste Extinction Rebellion."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/extinction-rebellion-4875990_960_720.jpg" alt="soutien carnet" width="824" height="549" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Sébastien Porte a toutefois repéré des points communs :<br />- une organisation en réseau, sans hiérarchie ni chef ;<br />- une vie militante débarrassée des rituels associatifs (comme la carte d'adhérent·e, les bureaux et les assemblées générales, trop calqués sur le modèle étatique…) ;<br />- l'utilisation massive et quasi systématique d'Internet pour s'organiser et communiquer ;<br />- un « engagement distancié » (on peut s'investir un temps, prendre de la distance, revenir...) ;<br />- l'apparition de collectifs éphémères qui se dissolvent une fois l'objectif atteint ;<br />- des actions pensées comme des « coups », des spectacles médiatiques et donc, annoncées à l'avance pour pouvoir être suivies ;<br />- dans certains cas, une forme de désobéissance civile, hors cadre légal ;<br />- une efficacité de l'action qui prime sur le nombre de participant·es.</p>
<p>Il s'agit aussi de prendre plaisir à agir, à s'organiser, à être ensemble et au monde. La joie doit faire partie de la contestation, même si le problème mis en évidence et le discours qui l'accompagne restent évidemment sérieux.</p>
<p>Si l'ennemi est commun – le système capitaliste qui engendre dominations et injustices en tous genres – les manières de l'affronter varient d'un groupe à l'autre. Certains choisissent la voie de la légalité et se battent sur le terrain juridique. D'autres préfèrent la désobéissance civile et / ou civique.<br />Certains agissent à visage découvert, d'autres avancent masqués.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Faire converger les luttes</span></strong></span></p>
<p>L'une des caractéristiques des années 2000 est la convergence des luttes. Elle n'est pas tout à fait nouvelle (elle avait, par exemple, été expérimentée sur le plateau du Larzac ou à Plogoff dans les années 1970) mais elle s'est normalisée.</p>
<p>En la matière, prenons l'exemple de la lutte contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Pendant plusieurs années, sur une Zone A Défendre (ZAD), elle a réuni des groupes qui ne se seraient peut-être pas côtoyés dans un autre contexte : des habitant·es « historiques » et des militant·es anticapitalistes et anarchistes, des éleveur·ses et des végétalien·nes, des élu·es de tous bords, des demandeur·ses d'asile…<br />Le mouvement a connu nombre de tensions et de fractures mais il est parvenu à se structurer et à s'organiser pour occuper le terrain, et coordonner d'importantes mobilisations réunissant des milliers de personnes. Il a réussi à tenir jusqu'à l'annonce de l'abandon du projet d'aéroport en 2018.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/soutien_carnet.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Banderole aperçue aux Soulèvements de la Terre à Besançon en mars 2021."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/soutien_carnet.JPG" alt="soutien carnet" width="879" height="659" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>La ZAD est devenue un mode d'action en elle-même et il en fleurit un peu partout en France. Décréter une ZAD, c'est s'organiser pour occuper un territoire menacé par un projet inutile, extractiviste, destructeur pour le vivant. C'est expérimenter des formes de luttes mais aussi de vie plus harmonieuses et plus justes, qui déconstruisent les dominations. C'est prôner l'autonomie vis-à-vis de l’État et plus généralement des pouvoirs publics jugés corrompus, parce qu'ils défendent des intérêts privés plutôt que l'intérêt général.<br />Parmi les ZAD les plus connues, celle de Notre-Dame-des-Landes, mais aussi du Carnet toutes deux en Loire-Atlantique, le Testet dans le Tarn (contre le barrage de Sivens), Strasbourg (pour éviter un contournement routier), Bure (contre le centre d'enfouissement de déchets nucléaires ultimes)… Si elles sont régulièrement « évacuées » par les forces de police, elles sont réinstallées parfois quelques mois plus tard à la faveur d'un relâchement de la surveillance.</p>
<p>La convergence des luttes s'observe aussi à la lecture de nombreux appels à mobilisation, comme récemment avec les Soulèvements de la Terre (<em>lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>) ou contre la réintoxication du monde <em>(lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>). Les signataires sont aussi bien des collectifs, que des syndicats ou des partis politiques, des intellectuel·les, des artistes, des individu·es sans étiquette particulière qui ne partagent pas les mêmes idées mais qui, le temps d'un combat, font fi de leurs différences de points de vue.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Action directe</span></strong></span></p>
<p>Les luttes des années 2000 se caractérisent aussi par l'action directe : il s'agit d'intervenir au cœur même de la situation dénoncée.</p>
<p>Pour défendre la cause des sans-abri et des mal-logés dans les agglomérations, les collectifs et associations ne descendent plus dans la rue ; ils multiplient les occupations.<br />Occupation d'immeubles vides par Jeudi Noir, en faveur des étudiant·es et des jeunes actif·ves qui ne parviennent pas à se loger à Paris. Le collectif dénonce la non-application de la loi sur les réquisitions de logements vacants. Il s'invite lors de visite de logements aux loyers prohibitifs et y organise des fêtes avec cotillons et musique dansante.<br />Occupation des bords du canal Saint-Martin à Paris par les Enfants de Don Quichotte qui, en 2006, ont installé 200 tentes pour dénoncer l'indifférence quant au sort des sans domicile fixe.<br />Occupation régulière des sièges des promoteurs et des banques par les Mal-logés en colère.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jeudi_noir.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jeudi_noir.jpeg" alt="soutien carnet" width="720" height="341" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Mais aussi : occupation des bourses pour plus de justice économique ; occupation des ronds-points par les Gilets jaunes, partout en France à partir d'octobre 2018 pour dénoncer « la fin du monde et la fin du mois » ; occupation des théâtres par les intermittent·es et les travailleur·ses précaires en période de crise sanitaire du Covid pour stopper le sacrifice de la culture ; occupation des terres pour éviter la bétonisation (<em>lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>)...</p>
<p>Pour dénoncer la précarité alimentaire, occupation des supermarchés par L'Appel et la Pioche, comité du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) qui organise des « pique-niques de faim de mois » à l'intérieur même des commerces d'alimentation.<br />L'idée est simple : remplir un caddie, dérouler une nappe et redistribuer gratuitement les produits aux consommateur·ices venu·es faire leurs courses.<br />S'inspirant des mouvements autonomes des années 1970 pratiquant « l'autoréduction », d'autres militant·es remplissent leurs caddies et passent à la caisse sans payer, redistribuant ensuite les denrées auprès des plus précaires. Il s'agit de leur rendre ce que le capitalisme leur a volé.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Le principe de non-violence</strong></span></p>
<p>A l'occasion des rassemblements des Gilets jaunes qui ont eu lieu chaque samedi durant un an, des heurts violents éclataient régulièrement entre manifestant·es et policier·es.<br />Les sommets des « grands de ce monde » comme le G8 sont souvent la cible de ceux qu'on appelle désormais communément les « blacks blocks » (sans bien savoir exactement la ou les réalités qui se cachent derrière ce terme).</p>
<p>Mais la plupart des collectifs et associations qui militent aujourd'hui le font selon le principe de non-violence.<br />Certain·es se forment même à l'occasion de stages proposés par les Désobéissants. Y sont privilégiés les jeux de rôle et les mises en situation, afin d'agir et de réagir sans entrer dans la spirale de la violence qui décrédibiliserait et ferait échouer l'action.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Désobéir</span></strong></span></p>
<p>Certain·es militant·es acceptent d'enfreindre la loi. Consciemment, à la vue de tou·tes, se laissant arrêter et transformant un éventuel procès en véritable tribune pour leur cause.</p>
<p>Ainsi, Greenpeace s'introduit régulièrement sur les sites des centrales nucléaires ou les survole avec des drones, pour démontrer les failles de leurs systèmes de sécurité. En 2017 à Cattenom en Moselle, les militant·es sont même parvenu·es à tirer un feu d'artifice depuis l'enceinte extérieure. Des actions qui leur valent à chaque fois des poursuites judiciaires.<br />Chez Sea Shepherd, le champ de bataille, c'est la mer elle-même, pour défendre les animaux marins tels que les baleines face aux braconniers. Le fondateur de l'organisation, Paul Watson, a longtemps été considéré comme un « écoterroriste » et traqué par Interpol.</p>
<p>Plus proche, Sébastien Porte cite le cas des anti-pubs français baptisés les Déboulonneurs. S'il·les se contentent de barbouiller les affiches publicitaires avec des stylos et des feutres, il·les sont tout de même accusé·es de « dégradation volontaire du bien d'autrui en réunion ». Les procès représentent <em>« une tribune libre où peuvent être dénoncés pêle-mêle la privatisation rampante de l'espace public, le non-respect des libertés individuelles, le diktat sexiste imposé par la publicité »</em>.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/faucheurs.png" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/faucheurs.png" alt="soutien carnet" width="371" height="371" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Chez les Faucheurs d'OGM, chacun·e s'engage à reconnaître ses actes devant les tribunaux et cela fait partie intégrante de la stratégie. Au départ, dans les années 1990, les arrachages<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span> étaient surtout menés par le syndicat de la Confédération paysanne et son emblématique chef de file, José Bové. Mais l'organisation ne pouvait plus, sans risquer de disparaître, en porter seule la responsabilité. D'où le choix de créer un collectif sans chef où chaque faucheur est responsable individuellement. La cause est si populaire que les frais de procès, et les dommages et intérêts exigés par la justice, sont généralement couverts par les dons des citoyen·nes.<br />Par ailleurs, les Faucheurs ne revendiquent pas seulement la désobéissance civile mais aussi civique : l'objectif est de lutter contre la loi, mais surtout de la modifier.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Changement de donne avec Internet : l'hacktivisme</strong></span></p>
<p>La toile représente un nouveau terrain pour les militant·es. Mais elle est à la fois un outil et un objet de contestation.</p>
<p>Outil, lorsqu'il sert à s'organiser, à communiquer sur des actions, à diffuser massivement des informations ou encore à lancer des pétitions.<br />Outil, lorsque les hackers s'en emparent pour détourner la technologie de leurs ennemis. Il·les s'introduisent dans les systèmes et perturbent leur fonctionnement, par exemple. Loin de la figure mythique et plutôt négative du pirate informatique sans scrupules, <em>« le hacker est celui qui, grâce à ses connaissances, va traquer les failles dans les systèmes informatiques, dégager les verrous, inventer et mettre en œuvre des processus alternatifs aux limites imposées par les fabricants,</em> explique Sébastien Porte.<em> Et lorsqu'il exerce son action avec la finalité d'un certain bien commun, il devient un hacktiviste, un militant dont les technologies sont tantôt l'objet, tantôt l'outil, tantôt les deux. »</em><br />Des hacktivistes du monde entier travaillent à déverrouiller régulièrement le Google chinois, par exemple.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/anonymous-1334775_960_720.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/anonymous-1334775_960_720.jpg" alt="soutien carnet" width="602" height="401" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Ainsi, l'hacktiviste est aussi, souvent, celui qui dénonce les dérives de la société techno-sécuritaire qu'engendre le tout numérique. Le plus célèbre d'entre eux est sans doute Edward Snowden, ancien employé de la CIA et de la NSA dont il dénonça les pratiques illégales en matière de surveillance de citoyen·nes du monde entier.<br />En France, les hacktivistes de la Quadrature du Net entendent faire prendre conscience au public de l'arsenal dont se dote progressivement l’État pour contrôler à tout prix sa population.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>L'importance de l'image</strong></span></p>
<p>Nous l'avons dit, en tant qu'outil, Internet sert à communiquer sur les actions militantes, particulièrement si elles sont spectaculaires et pensées pour l'image. Les médias, qu'ils soient traditionnels ou créés par les groupes eux-mêmes, sont indispensables à la diffusion des messages. Ils font partie intégrante du dispositif.<br />Pour séduire les médias, il faut une parole claire, une cible précise et emblématique, et un traitement original du sujet.</p>
<p>Les clowns-activistes l'ont bien compris, tout comme le Laboratoire d'Imaginaire Insurrectionnel (qui ont d'ailleurs le même fondateur, le londonien John Jordan).<br />Cette <em>« milice internationale sans chef »</em>, comme la décrit Sébastien Porte, est composée de groupes affinitaires qui sévissent aux quatre coins du globe. A Paris, il s'agit de la BAC, la Brigade Activiste des Clowns. Les causes pour lesquelles il·les interviennent sont très variées. Dans tous les cas, il s'agit d'associer la technique du clown et de l'action directe non-violente.</p>
<p>L'intérêt ? Utiliser des <em>« armes de dérision massive »</em> pour interpeller le public sur le nucléaire, la pollution, la précarité ou encore la surveillance de masse… Mais toujours en se plaçant du côté de l'ennemi, en dénonçant l'absurde par l'absurde.<br />Jusqu'au mandat d'Emmanuel Macron, leur posture servait aussi à désamorcer les risques de répression policière, leurs actions restant sur le ton de l'humour et des blagues potaches.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/g20_clown.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Des clowns-activistes durant un G20 en Allemagne."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/g20_clown.jpg" alt="Installation pierre qui vire" width="960" height="540" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Quelles limites ?</strong></span></p>
<p>Dans la conclusion de son ouvrage « Un nouvel art de militer » <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, Sébastien Porte souligne que si de nouvelles formes de contestation apparaissent bel et bien partout en France, elles ne constituent pas pour autant une rupture franche, l'annonce d'une vraie révolution. Selon le sociologue, elles s'inscrivent dans la vie normale de la démocratie.</p>
<p>Elles bouleversent toutefois les institutions, dans le sens où elles sont désormais accessibles librement à tou·tes. Inutile de prendre sa carte au parti, d'adhérer à un quelconque syndicat ou d'être formé·es à la politique pour participer aux actions qui sont proposées par ces collectifs et associations d'un nouveau genre : constructions de barricades artistiques, vélonudisme, abordage d'une base navale en baignoire flottante, cérémonie de remise de prix au meilleur pollueur, détournement d'affiches et de slogans, étalage de sang frais sur les trottoirs pour dénoncer la maltraitance animale…<br />Contre la 5G dans son quartier, une cimenterie dans son village, une piscine de déchets radioactifs dans sa région, le mal-logement dans son pays, la pollution sur la planète… Les habitant·es retrouvent la liberté de créer leur propre forme de contestation, intelligente, percutante, drôle. <br />Il·les peuvent interpeller directement les décideur·ses, sans attendre de devoir passer par les urnes.</p>
<p>Certes, ceux et celles qui militent quotidiennement ont le sentiment que cette lutte porte ses fruits : des projets inutiles sont abandonnés, des procès sont gagnés, des lois sont modifiées. Mais, de l'extérieur, ces luttes apparaissent parfois marginales. Comment essaimer davantage ?</p>
<p>De même, face aux médias traditionnels, comment ne pas appauvrir les messages qui concernent des enjeux complexes ?<br />Comment ne pas noyer ce message dans la masse d'informations que le public reçoit chaque jour, notamment via Internet ? En radicalisant ses positions ? En rendant les actions plus spectaculaires encore ? L'un des enjeux des nouvelles formes de contestation sera de trouver un juste équilibre entre radicalité et acceptabilité par la population, pour être rejointes et continuer d'agiter la sphère publique.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span><span style="font-size: 8pt;">(1) « Un nouvel art de militer », Sébastien Porte (textes) et Cyril Cavalié (photos), Editions Alternatives, 2009.<br />(2) <a href="https://rebellion.global/fr/">https://rebellion.global/fr/</a><br />(3) Les militant·es des Faucheurs d'OGM ne fauchent pas : il·les agissent à mains nues, notamment pour éviter les violences qui pourraient découler de la présence d'outils.</span></p><p><strong>Parmi les signataires des Soulèvements de la Terre, des collectifs et associations qui organisent des actions originales. Les modes traditionnels d'expression de la contestation ont en effet atteint leurs limites. Aujourd'hui, pour être entendu·es, les militant·es doivent faire preuve d'audace et de créativité. Le risque ? Que le fond se perde dans la forme, que le message se dilue dans le spectacle. L'équilibre est fragile...<br />Mais quelles sont ces « nouvelles » manières de dénoncer et revendiquer ? Sont-elles réellement efficaces ?</strong></p>
<p>Manifester en cortège derrière les banderoles des syndicats et des partis politiques est une pratique qui reste courante. Installer un piquet de grève devant une usine aussi. Mais ces types d'actions ne séduisent plus guère. <br />Selon le sociologue Sébastien Porte <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, elles sont entrées <em>« dans une phase de routinisation et de normalisation où l'on devine par avance qu'elles n'aboutiront pas »</em>. <em>« Les syndicats se montrent dans l'incapacité d'obtenir de nouveaux avantages. La grève n'est plus constructive mais défensive. Ministres et médias enfoncent le clou en présentant la grève non plus comme un outil d'expression indissociable de la démocratie réelle, mais comme une gêne, une entrave, une prise en otage. »</em> Le service minimum a achevé de la rendre inopérante.</p>
<p>Sur son site Internet, l'organisation internationale écologique Extinction Rebellion ne dit pas autre chose : <em>« Les approches traditionnelles telles que signer des pétitions, faire du lobbying, voter, manifester, n'ont pas fonctionné, dans la mesure où de puissants intérêts économiques et politiques font barrage au changement. Notre stratégie s'inscrit donc bien dans la désobéissance civile non-violente, mais perturbatrice. Nous nous rebellons pour faire advenir ce changement, tous les autres recours ayant été épuisés. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(2)</span></p>
<p>La contestation n'est pas morte donc. Bien loin de là. Elle se transforme, se réinvente. Elle ne tend plus vers un <em>« universel abstrait »</em> (une théorie, une idéologie… des lendemains qui chantent), mais un <em>« universel concret »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> (peser sur le réel, ici et maintenant, en luttant contre des points précis qui touchent la société).<br />Les formes qu'elle prend sont ainsi plus variées.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/extinction-rebellion-4875990_960_720.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une action de l'organisation internationale écologiste Extinction Rebellion."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/extinction-rebellion-4875990_960_720.jpg" alt="soutien carnet" width="824" height="549" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Sébastien Porte a toutefois repéré des points communs :<br />- une organisation en réseau, sans hiérarchie ni chef ;<br />- une vie militante débarrassée des rituels associatifs (comme la carte d'adhérent·e, les bureaux et les assemblées générales, trop calqués sur le modèle étatique…) ;<br />- l'utilisation massive et quasi systématique d'Internet pour s'organiser et communiquer ;<br />- un « engagement distancié » (on peut s'investir un temps, prendre de la distance, revenir...) ;<br />- l'apparition de collectifs éphémères qui se dissolvent une fois l'objectif atteint ;<br />- des actions pensées comme des « coups », des spectacles médiatiques et donc, annoncées à l'avance pour pouvoir être suivies ;<br />- dans certains cas, une forme de désobéissance civile, hors cadre légal ;<br />- une efficacité de l'action qui prime sur le nombre de participant·es.</p>
<p>Il s'agit aussi de prendre plaisir à agir, à s'organiser, à être ensemble et au monde. La joie doit faire partie de la contestation, même si le problème mis en évidence et le discours qui l'accompagne restent évidemment sérieux.</p>
<p>Si l'ennemi est commun – le système capitaliste qui engendre dominations et injustices en tous genres – les manières de l'affronter varient d'un groupe à l'autre. Certains choisissent la voie de la légalité et se battent sur le terrain juridique. D'autres préfèrent la désobéissance civile et / ou civique.<br />Certains agissent à visage découvert, d'autres avancent masqués.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Faire converger les luttes</span></strong></span></p>
<p>L'une des caractéristiques des années 2000 est la convergence des luttes. Elle n'est pas tout à fait nouvelle (elle avait, par exemple, été expérimentée sur le plateau du Larzac ou à Plogoff dans les années 1970) mais elle s'est normalisée.</p>
<p>En la matière, prenons l'exemple de la lutte contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Pendant plusieurs années, sur une Zone A Défendre (ZAD), elle a réuni des groupes qui ne se seraient peut-être pas côtoyés dans un autre contexte : des habitant·es « historiques » et des militant·es anticapitalistes et anarchistes, des éleveur·ses et des végétalien·nes, des élu·es de tous bords, des demandeur·ses d'asile…<br />Le mouvement a connu nombre de tensions et de fractures mais il est parvenu à se structurer et à s'organiser pour occuper le terrain, et coordonner d'importantes mobilisations réunissant des milliers de personnes. Il a réussi à tenir jusqu'à l'annonce de l'abandon du projet d'aéroport en 2018.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/soutien_carnet.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Banderole aperçue aux Soulèvements de la Terre à Besançon en mars 2021."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/soutien_carnet.JPG" alt="soutien carnet" width="879" height="659" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>La ZAD est devenue un mode d'action en elle-même et il en fleurit un peu partout en France. Décréter une ZAD, c'est s'organiser pour occuper un territoire menacé par un projet inutile, extractiviste, destructeur pour le vivant. C'est expérimenter des formes de luttes mais aussi de vie plus harmonieuses et plus justes, qui déconstruisent les dominations. C'est prôner l'autonomie vis-à-vis de l’État et plus généralement des pouvoirs publics jugés corrompus, parce qu'ils défendent des intérêts privés plutôt que l'intérêt général.<br />Parmi les ZAD les plus connues, celle de Notre-Dame-des-Landes, mais aussi du Carnet toutes deux en Loire-Atlantique, le Testet dans le Tarn (contre le barrage de Sivens), Strasbourg (pour éviter un contournement routier), Bure (contre le centre d'enfouissement de déchets nucléaires ultimes)… Si elles sont régulièrement « évacuées » par les forces de police, elles sont réinstallées parfois quelques mois plus tard à la faveur d'un relâchement de la surveillance.</p>
<p>La convergence des luttes s'observe aussi à la lecture de nombreux appels à mobilisation, comme récemment avec les Soulèvements de la Terre (<em>lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>) ou contre la réintoxication du monde <em>(lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>). Les signataires sont aussi bien des collectifs, que des syndicats ou des partis politiques, des intellectuel·les, des artistes, des individu·es sans étiquette particulière qui ne partagent pas les mêmes idées mais qui, le temps d'un combat, font fi de leurs différences de points de vue.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Action directe</span></strong></span></p>
<p>Les luttes des années 2000 se caractérisent aussi par l'action directe : il s'agit d'intervenir au cœur même de la situation dénoncée.</p>
<p>Pour défendre la cause des sans-abri et des mal-logés dans les agglomérations, les collectifs et associations ne descendent plus dans la rue ; ils multiplient les occupations.<br />Occupation d'immeubles vides par Jeudi Noir, en faveur des étudiant·es et des jeunes actif·ves qui ne parviennent pas à se loger à Paris. Le collectif dénonce la non-application de la loi sur les réquisitions de logements vacants. Il s'invite lors de visite de logements aux loyers prohibitifs et y organise des fêtes avec cotillons et musique dansante.<br />Occupation des bords du canal Saint-Martin à Paris par les Enfants de Don Quichotte qui, en 2006, ont installé 200 tentes pour dénoncer l'indifférence quant au sort des sans domicile fixe.<br />Occupation régulière des sièges des promoteurs et des banques par les Mal-logés en colère.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jeudi_noir.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jeudi_noir.jpeg" alt="soutien carnet" width="720" height="341" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Mais aussi : occupation des bourses pour plus de justice économique ; occupation des ronds-points par les Gilets jaunes, partout en France à partir d'octobre 2018 pour dénoncer « la fin du monde et la fin du mois » ; occupation des théâtres par les intermittent·es et les travailleur·ses précaires en période de crise sanitaire du Covid pour stopper le sacrifice de la culture ; occupation des terres pour éviter la bétonisation (<em>lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>)...</p>
<p>Pour dénoncer la précarité alimentaire, occupation des supermarchés par L'Appel et la Pioche, comité du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) qui organise des « pique-niques de faim de mois » à l'intérieur même des commerces d'alimentation.<br />L'idée est simple : remplir un caddie, dérouler une nappe et redistribuer gratuitement les produits aux consommateur·ices venu·es faire leurs courses.<br />S'inspirant des mouvements autonomes des années 1970 pratiquant « l'autoréduction », d'autres militant·es remplissent leurs caddies et passent à la caisse sans payer, redistribuant ensuite les denrées auprès des plus précaires. Il s'agit de leur rendre ce que le capitalisme leur a volé.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Le principe de non-violence</strong></span></p>
<p>A l'occasion des rassemblements des Gilets jaunes qui ont eu lieu chaque samedi durant un an, des heurts violents éclataient régulièrement entre manifestant·es et policier·es.<br />Les sommets des « grands de ce monde » comme le G8 sont souvent la cible de ceux qu'on appelle désormais communément les « blacks blocks » (sans bien savoir exactement la ou les réalités qui se cachent derrière ce terme).</p>
<p>Mais la plupart des collectifs et associations qui militent aujourd'hui le font selon le principe de non-violence.<br />Certain·es se forment même à l'occasion de stages proposés par les Désobéissants. Y sont privilégiés les jeux de rôle et les mises en situation, afin d'agir et de réagir sans entrer dans la spirale de la violence qui décrédibiliserait et ferait échouer l'action.</p>
<p><span style="font-size: 12pt;"><strong><span style="color: #ff615d;">Désobéir</span></strong></span></p>
<p>Certain·es militant·es acceptent d'enfreindre la loi. Consciemment, à la vue de tou·tes, se laissant arrêter et transformant un éventuel procès en véritable tribune pour leur cause.</p>
<p>Ainsi, Greenpeace s'introduit régulièrement sur les sites des centrales nucléaires ou les survole avec des drones, pour démontrer les failles de leurs systèmes de sécurité. En 2017 à Cattenom en Moselle, les militant·es sont même parvenu·es à tirer un feu d'artifice depuis l'enceinte extérieure. Des actions qui leur valent à chaque fois des poursuites judiciaires.<br />Chez Sea Shepherd, le champ de bataille, c'est la mer elle-même, pour défendre les animaux marins tels que les baleines face aux braconniers. Le fondateur de l'organisation, Paul Watson, a longtemps été considéré comme un « écoterroriste » et traqué par Interpol.</p>
<p>Plus proche, Sébastien Porte cite le cas des anti-pubs français baptisés les Déboulonneurs. S'il·les se contentent de barbouiller les affiches publicitaires avec des stylos et des feutres, il·les sont tout de même accusé·es de « dégradation volontaire du bien d'autrui en réunion ». Les procès représentent <em>« une tribune libre où peuvent être dénoncés pêle-mêle la privatisation rampante de l'espace public, le non-respect des libertés individuelles, le diktat sexiste imposé par la publicité »</em>.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/faucheurs.png" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/faucheurs.png" alt="soutien carnet" width="371" height="371" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Chez les Faucheurs d'OGM, chacun·e s'engage à reconnaître ses actes devant les tribunaux et cela fait partie intégrante de la stratégie. Au départ, dans les années 1990, les arrachages<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span> étaient surtout menés par le syndicat de la Confédération paysanne et son emblématique chef de file, José Bové. Mais l'organisation ne pouvait plus, sans risquer de disparaître, en porter seule la responsabilité. D'où le choix de créer un collectif sans chef où chaque faucheur est responsable individuellement. La cause est si populaire que les frais de procès, et les dommages et intérêts exigés par la justice, sont généralement couverts par les dons des citoyen·nes.<br />Par ailleurs, les Faucheurs ne revendiquent pas seulement la désobéissance civile mais aussi civique : l'objectif est de lutter contre la loi, mais surtout de la modifier.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Changement de donne avec Internet : l'hacktivisme</strong></span></p>
<p>La toile représente un nouveau terrain pour les militant·es. Mais elle est à la fois un outil et un objet de contestation.</p>
<p>Outil, lorsqu'il sert à s'organiser, à communiquer sur des actions, à diffuser massivement des informations ou encore à lancer des pétitions.<br />Outil, lorsque les hackers s'en emparent pour détourner la technologie de leurs ennemis. Il·les s'introduisent dans les systèmes et perturbent leur fonctionnement, par exemple. Loin de la figure mythique et plutôt négative du pirate informatique sans scrupules, <em>« le hacker est celui qui, grâce à ses connaissances, va traquer les failles dans les systèmes informatiques, dégager les verrous, inventer et mettre en œuvre des processus alternatifs aux limites imposées par les fabricants,</em> explique Sébastien Porte.<em> Et lorsqu'il exerce son action avec la finalité d'un certain bien commun, il devient un hacktiviste, un militant dont les technologies sont tantôt l'objet, tantôt l'outil, tantôt les deux. »</em><br />Des hacktivistes du monde entier travaillent à déverrouiller régulièrement le Google chinois, par exemple.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/anonymous-1334775_960_720.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/anonymous-1334775_960_720.jpg" alt="soutien carnet" width="602" height="401" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Ainsi, l'hacktiviste est aussi, souvent, celui qui dénonce les dérives de la société techno-sécuritaire qu'engendre le tout numérique. Le plus célèbre d'entre eux est sans doute Edward Snowden, ancien employé de la CIA et de la NSA dont il dénonça les pratiques illégales en matière de surveillance de citoyen·nes du monde entier.<br />En France, les hacktivistes de la Quadrature du Net entendent faire prendre conscience au public de l'arsenal dont se dote progressivement l’État pour contrôler à tout prix sa population.</p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>L'importance de l'image</strong></span></p>
<p>Nous l'avons dit, en tant qu'outil, Internet sert à communiquer sur les actions militantes, particulièrement si elles sont spectaculaires et pensées pour l'image. Les médias, qu'ils soient traditionnels ou créés par les groupes eux-mêmes, sont indispensables à la diffusion des messages. Ils font partie intégrante du dispositif.<br />Pour séduire les médias, il faut une parole claire, une cible précise et emblématique, et un traitement original du sujet.</p>
<p>Les clowns-activistes l'ont bien compris, tout comme le Laboratoire d'Imaginaire Insurrectionnel (qui ont d'ailleurs le même fondateur, le londonien John Jordan).<br />Cette <em>« milice internationale sans chef »</em>, comme la décrit Sébastien Porte, est composée de groupes affinitaires qui sévissent aux quatre coins du globe. A Paris, il s'agit de la BAC, la Brigade Activiste des Clowns. Les causes pour lesquelles il·les interviennent sont très variées. Dans tous les cas, il s'agit d'associer la technique du clown et de l'action directe non-violente.</p>
<p>L'intérêt ? Utiliser des <em>« armes de dérision massive »</em> pour interpeller le public sur le nucléaire, la pollution, la précarité ou encore la surveillance de masse… Mais toujours en se plaçant du côté de l'ennemi, en dénonçant l'absurde par l'absurde.<br />Jusqu'au mandat d'Emmanuel Macron, leur posture servait aussi à désamorcer les risques de répression policière, leurs actions restant sur le ton de l'humour et des blagues potaches.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/g20_clown.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Des clowns-activistes durant un G20 en Allemagne."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/g20_clown.jpg" alt="Installation pierre qui vire" width="960" height="540" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;"><strong>Quelles limites ?</strong></span></p>
<p>Dans la conclusion de son ouvrage « Un nouvel art de militer » <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, Sébastien Porte souligne que si de nouvelles formes de contestation apparaissent bel et bien partout en France, elles ne constituent pas pour autant une rupture franche, l'annonce d'une vraie révolution. Selon le sociologue, elles s'inscrivent dans la vie normale de la démocratie.</p>
<p>Elles bouleversent toutefois les institutions, dans le sens où elles sont désormais accessibles librement à tou·tes. Inutile de prendre sa carte au parti, d'adhérer à un quelconque syndicat ou d'être formé·es à la politique pour participer aux actions qui sont proposées par ces collectifs et associations d'un nouveau genre : constructions de barricades artistiques, vélonudisme, abordage d'une base navale en baignoire flottante, cérémonie de remise de prix au meilleur pollueur, détournement d'affiches et de slogans, étalage de sang frais sur les trottoirs pour dénoncer la maltraitance animale…<br />Contre la 5G dans son quartier, une cimenterie dans son village, une piscine de déchets radioactifs dans sa région, le mal-logement dans son pays, la pollution sur la planète… Les habitant·es retrouvent la liberté de créer leur propre forme de contestation, intelligente, percutante, drôle. <br />Il·les peuvent interpeller directement les décideur·ses, sans attendre de devoir passer par les urnes.</p>
<p>Certes, ceux et celles qui militent quotidiennement ont le sentiment que cette lutte porte ses fruits : des projets inutiles sont abandonnés, des procès sont gagnés, des lois sont modifiées. Mais, de l'extérieur, ces luttes apparaissent parfois marginales. Comment essaimer davantage ?</p>
<p>De même, face aux médias traditionnels, comment ne pas appauvrir les messages qui concernent des enjeux complexes ?<br />Comment ne pas noyer ce message dans la masse d'informations que le public reçoit chaque jour, notamment via Internet ? En radicalisant ses positions ? En rendant les actions plus spectaculaires encore ? L'un des enjeux des nouvelles formes de contestation sera de trouver un juste équilibre entre radicalité et acceptabilité par la population, pour être rejointes et continuer d'agiter la sphère publique.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span><span style="font-size: 8pt;">(1) « Un nouvel art de militer », Sébastien Porte (textes) et Cyril Cavalié (photos), Editions Alternatives, 2009.<br />(2) <a href="https://rebellion.global/fr/">https://rebellion.global/fr/</a><br />(3) Les militant·es des Faucheurs d'OGM ne fauchent pas : il·les agissent à mains nues, notamment pour éviter les violences qui pourraient découler de la présence d'outils.</span></p>La dynamique des 172017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/46soulevementsdelaterre/686-ladynamiquedes17Super User<p><strong><strong>Le 17 juin 2020, des collectifs, syndicats, paysan·nes, associations, territoires en luttes ont lancé une vague d'actions contre la réintoxication du monde : des rassemblements et des blocages contre des lieux de production, chantiers, projets et infrastructures jugés toxiques. Il·les ont bravé le confinement pour de nouvelles éditions. La dernière a eu lieu ce samedi 17 avril 2021. Nous publions ci-dessous le compte rendu rédigé par la Coordination des 17.</strong></strong></p>
<p><strong><strong> </strong></strong></p>
<p>Samedi 17 avril, avait lieu la troisième vague d'actions contre la réintoxication du monde. Ce mouvement national de coordination de mobilisations, blocages, occupations a été initié le 17 juin dernier au sortir du premier confinement, puis s'est poursuivi durant le second le 17 novembre. Il partait du besoin urgent de traduire en actions de terrain la nécessité de rompre avec la destruction du vivant et le nihilisme marchand.</p>
<p>Malgré les restrictions croissantes sur les libertés publiques et possibilités de manifester liées au contexte sanitaire, le 17 avril apparaît comme une nouvelle étape forte de mise en réseaux de résistances locales. En cette journée internationale des luttes paysannes, plus d'une trentaine de mobilisations avaient été annoncées dans diverses villes, zones industrielles et campagnes du pays. Un certain nombre d'entre elles ont dû passer outre les interdictions préfectorales ou municipales pour se dérouler.</p>
<p>Des actions surprises ont par ailleurs surgi dans l'espace public sans crier gare ! Elles visaient aussi bien des destructions de terres agricoles et jardins en ville, des industries écocides de sable, ciment ou des fermes usines, des chimères marchandes aberrantes de type zoo tropical, des projets routiers ou d'implantations de plate-forme (e-)commerciales diverses. Elles se sont déployées à travers des manifestations, vélorutions, fêtes, art'ivisme, sabotages, détournements, plantations, blocages, occupations....</p>
<p>Un certain nombre de groupes et résistances sont nées les 17 juin et 17 novembre derniers, d'autres y préexistaient. Chacune de ces luttes sait qu'on ne fait pas reculer l'adversaire sans s'entêter, tenir le terrain et annoncent quasi-toutes d'autres rendez-vous. Certains, à l'instar des jardins des Vertus à Aubervilliers, menacés par l'urbanisation accélérée en vue des JO 2024, sont dans un régime d'urgence et appellent à se regrouper alors que les bulldozers sont à leur porte. <br />Voici, ci-dessous, un premier bilan des actions menées ville par ville. Il dessine une cartographie de territoires indociles et vivants. Vous pouvez la retrouvez de manière plus détaillée et imagée sur <a href="https://agir17.noblogs.org/">https://agir17.noblogs.org/</a> <br /> <br />* * * * *<br /> <br />A <strong>Dijon</strong> (Côte-d'Or), des panneaux publicitaires de nombreux sites de projets immobiliers et zones d’activités économiques ont été détournés pour interpeller les habitant·es de la métropole sur la destruction programmée de centaines d’hectares d’espaces naturels et cultivables, promise par le Plan local d’urbanisme (PLUi-HD).</p>
<p>A <strong>Aubervilliers</strong> (Seine-Saint-Denis), un millier de personnes ont manifesté pour défendre les jardins ouvriers des Vertus menacés par l'urbanisation accélérée des Jeux Olympiques 2024, avant de pénétrer dans les jardins, d'y pique-niquer et d'y tenir une AG pour organiser la résistance aux travaux prévus dans les jours à venir.</p>
<p>A <strong>Saint-Gérand</strong> (Morbihan), plus de 600 personnes ont répondu à l'appel du collectif Morbihan contre les fermes usines pour marcher en fanfare jusque devant l'usine du géant de l'agro-alimentaire Sanders.</p>
<p>A <strong>Saint-Colomban</strong> (Loire Atlantique), plusieurs centaines d'autres se sont mobilisées contre l'extension des carrières de sable par Lafarge et GSM, et contre le maraîchage industriel. Malgré les coups de pressions d'un maire en pleine crise d'autorité et son interdiction de manifester, une trentaine de tracteurs ont défilé dans le bourg et devant la :airie en chantant "on est là !"</p>
<p>A <strong>Bordeaux</strong> (Gironde), l'immense affiche publicitaire Apple de la place de la Bourse a été recouverte à coups de jets de peinture noire forçant ainsi son retrait immédiat.</p>
<p>A <strong>Wittelsheim</strong> (Haut-Rhin), pour rappeler leur totale opposition à la décision gouvernementale de laisser les 42.000 tonnes de déchets toxiques au fond de Stocamine, des habitant·es du Haut-Rhin ont accroché des panneaux « commune poubelle » à l'entrée de différents bourgs et des « têtes de mort alsaciennes » sur les lampadaires du centre ville.</p>
<p>A <strong>Besançon</strong> (Doubs), aux Vaîtes, des nouvelles terres occupées sur ces jardins menacés ont été mises en culture : champs de patates, verger... et une cabane incendiée il y a quelques jours a été reconstruite !</p>
<p>A <strong>La Roche-sur-Yon</strong> (Vendée), un rassemblement avec caviardage publicitaire a été organisé contre la construction de la rocade contournement sud de la ville.</p>
<p>A<strong> Die</strong> (Drôme), à l'appel du collectif Ma Tulipe Sauvage, 200 personnes ont occupé le rond-point de Chamarges, lieu d’un projet d’extension d’une zone d’activité sur des terres fertiles.</p>
<p>A <strong>Briec</strong> (Finistère), de multiples camions ont été peints dans le centre-ville pour dénoncer un projet d'implantation d’Amazon.</p>
<p>A<strong> Sens</strong> (Yonne), c'est contre la destruction de 40 hectares de terres cultivées pour installer un entrepôt de e-commerce que les résistan·e·s locaux se sont retrouvé·e·s en rappelant que « l'écologie sans lutte des classes, c'est du jardinage ».</p>
<p>A <strong>Crots</strong> (Hautes-Alpes), 200 personnes ont commencé à occuper un terrain convoité par le golf de Crots, un projet trou de balles dans les Hautes-Alpes, et y ont déployé une banderole géante «la guerre du golf ! ».</p>
<p>A <strong>Salles</strong> (Gironde), de gros colis ont été livrés devant la porte de la mairie, et beaucoup de personnes étaient présentes pour dire stop au projet inutile de plate-forme logistique sur une zone humide dans le Val de l’Eyre.</p>
<p>A <strong>Marquillies</strong> (Nord), plus de 250 personnes ont enterré le plan climat local suite à un projet d’entrepôt logistique géant dans les Weppes.</p>
<p>A <strong>Angers</strong> (Maine-et-Loire), une grenouille énervée face au PLUI est apparue un peu partout dans les rues.</p>
<p>A<strong> Saint-Sulpice-La-Pointe</strong> (Tarn), on s'est retrouvé contre l’implantation d’une plateforme de 70.000 m2 destinée au e-commerce, à faire plus de bruits que la déferlante de camions annoncés.</p>
<p>A <strong>Faux-la-Montagne</strong> (Creuse), sur le plateau Millevaches, les habitant·es de la région ont fait bloc sur le site d'une récente coupe rase en forêt.</p>
<p>Au <strong>col de la Fau</strong> (Isère), des arbres ont été plantés malgré les menaces des gendarmes pour marquer le refus de l'élargissement de la RD1075 et des antennes 5G…</p>
<p>A <strong>Paris</strong>, l'association écologiste étudiante Écocampus ENS a fait une action collage dans les rues du 5e arrondissement, en affichant des articles de recherche en écologie (géosciences, histoire, économie, etc...)</p>
<p>A <strong>Montreuil-sur-Mer</strong> (Pas-de-Calais), 398 personnes (comptées une à une !) ont défilé sous le soleil et en musique avec la chorale et la batucada lilloise, s'opposant au projet de serre et de zoo tropical Tropicalia.</p>
<p>A <strong>Châteaubriand</strong> (Loire-Atlantique), près de cent personnes ont participé à une marche pour empêcher un autre projet de carrière de sable à Soudan sur des terres agricoles.</p>
<p>A <strong>Lille</strong> (Nord), un rassemblement devant le siège de la métropole lilloise s'est tenu contre les GP2I, l'artificialisation des terres et l'industrialisation de l'agriculture dans le Nord-Pas-de-Calais tandis que des semis, plantations et balades étaient menés sur la friche Saint-sauveur.</p>
<p>A <strong>Teulat</strong> (Tarn), près de 800 manifestant·e·s se sont retrouvé·e·s sur le tracé envisagé de l'autoroute Castres-Toulouse en projet, et y ont formé une chaîne humaine.</p>
<p>A <strong>Reims</strong> (Marne), l'abattage d'arbres s'est vu pointé du doigt par du théâtre sauvage.</p>
<p>A <strong>Grenoble</strong> (Isère), de même qu'à <strong>Montpellier </strong>(Hérault), des centaines de personnes ont participé à des vélorutions revendicatives contre l’urbanisation agressive et la destruction de plusieurs lieux collectifs en ville.</p>
<p>A <strong>Vitré</strong> (Ille-et-Vilaine), des banderoles ont été déployées au cours d'une déambulation urbaine pour rappeler l'urgence climatique, et la nécessité de ne pas détruire les terres agricoles avec le projet de 2e contournement routier autour de la ville..</p>
<p><strong>Partout en France</strong>, à l'initiative de la Confédération Paysanne, des paysan·ne·s ont brandi poings et pancartes traduites en bengali et en hindi pour envoyer messages de soutien et force aux camarades indiens en lutte. <br /> <br />C'est ce que nous savons pour l'instant et c'est déjà remuant. Nous compléterons ce bilan dans les prochains jours sur le site. D'autres étapes et coordinations se préparent. En parallèle et entre autres, la saison 1 des Soulèvements de la Terre se poursuit avec des blocages d'industries et occupations de terres jusqu'à l'été (voir : <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/">https://lessoulevementsdelaterre.org/</a>)</p>
<p> </p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/3-55-0a70f.jpg" alt="3 55 0a70f" width="447" height="632" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
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<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<ul>
<li>
<p>Retrouvez l'appel et la liste des signataires du 17 avril sur <a href="https://agir17.noblogs.org">https://agir17.noblogs.or</a></p>
</li>
<li>Le compte rendu en photos : <span class="v1author-a-nmz69z1uz68zz80zz85zdnrz75zighz80z"><a href="https://dl.poivron.org/yme37e5yt5tl4kdtkwxf-wwwrqcmssbhobtj4" target="_blank" rel="noopener noreferrer"></a><a href="https://dl.poivron.org/yme37e5yt5tl4kdtkwxf-wwwrqcmssbhobtj4">https://dl.poivron.org/yme37e5yt5tl4kdtkwxf-wwwrqcmssbhobtj4</a></span></li>
</ul>
</div>
<p> </p><p><strong><strong>Le 17 juin 2020, des collectifs, syndicats, paysan·nes, associations, territoires en luttes ont lancé une vague d'actions contre la réintoxication du monde : des rassemblements et des blocages contre des lieux de production, chantiers, projets et infrastructures jugés toxiques. Il·les ont bravé le confinement pour de nouvelles éditions. La dernière a eu lieu ce samedi 17 avril 2021. Nous publions ci-dessous le compte rendu rédigé par la Coordination des 17.</strong></strong></p>
<p><strong><strong> </strong></strong></p>
<p>Samedi 17 avril, avait lieu la troisième vague d'actions contre la réintoxication du monde. Ce mouvement national de coordination de mobilisations, blocages, occupations a été initié le 17 juin dernier au sortir du premier confinement, puis s'est poursuivi durant le second le 17 novembre. Il partait du besoin urgent de traduire en actions de terrain la nécessité de rompre avec la destruction du vivant et le nihilisme marchand.</p>
<p>Malgré les restrictions croissantes sur les libertés publiques et possibilités de manifester liées au contexte sanitaire, le 17 avril apparaît comme une nouvelle étape forte de mise en réseaux de résistances locales. En cette journée internationale des luttes paysannes, plus d'une trentaine de mobilisations avaient été annoncées dans diverses villes, zones industrielles et campagnes du pays. Un certain nombre d'entre elles ont dû passer outre les interdictions préfectorales ou municipales pour se dérouler.</p>
<p>Des actions surprises ont par ailleurs surgi dans l'espace public sans crier gare ! Elles visaient aussi bien des destructions de terres agricoles et jardins en ville, des industries écocides de sable, ciment ou des fermes usines, des chimères marchandes aberrantes de type zoo tropical, des projets routiers ou d'implantations de plate-forme (e-)commerciales diverses. Elles se sont déployées à travers des manifestations, vélorutions, fêtes, art'ivisme, sabotages, détournements, plantations, blocages, occupations....</p>
<p>Un certain nombre de groupes et résistances sont nées les 17 juin et 17 novembre derniers, d'autres y préexistaient. Chacune de ces luttes sait qu'on ne fait pas reculer l'adversaire sans s'entêter, tenir le terrain et annoncent quasi-toutes d'autres rendez-vous. Certains, à l'instar des jardins des Vertus à Aubervilliers, menacés par l'urbanisation accélérée en vue des JO 2024, sont dans un régime d'urgence et appellent à se regrouper alors que les bulldozers sont à leur porte. <br />Voici, ci-dessous, un premier bilan des actions menées ville par ville. Il dessine une cartographie de territoires indociles et vivants. Vous pouvez la retrouvez de manière plus détaillée et imagée sur <a href="https://agir17.noblogs.org/">https://agir17.noblogs.org/</a> <br /> <br />* * * * *<br /> <br />A <strong>Dijon</strong> (Côte-d'Or), des panneaux publicitaires de nombreux sites de projets immobiliers et zones d’activités économiques ont été détournés pour interpeller les habitant·es de la métropole sur la destruction programmée de centaines d’hectares d’espaces naturels et cultivables, promise par le Plan local d’urbanisme (PLUi-HD).</p>
<p>A <strong>Aubervilliers</strong> (Seine-Saint-Denis), un millier de personnes ont manifesté pour défendre les jardins ouvriers des Vertus menacés par l'urbanisation accélérée des Jeux Olympiques 2024, avant de pénétrer dans les jardins, d'y pique-niquer et d'y tenir une AG pour organiser la résistance aux travaux prévus dans les jours à venir.</p>
<p>A <strong>Saint-Gérand</strong> (Morbihan), plus de 600 personnes ont répondu à l'appel du collectif Morbihan contre les fermes usines pour marcher en fanfare jusque devant l'usine du géant de l'agro-alimentaire Sanders.</p>
<p>A <strong>Saint-Colomban</strong> (Loire Atlantique), plusieurs centaines d'autres se sont mobilisées contre l'extension des carrières de sable par Lafarge et GSM, et contre le maraîchage industriel. Malgré les coups de pressions d'un maire en pleine crise d'autorité et son interdiction de manifester, une trentaine de tracteurs ont défilé dans le bourg et devant la :airie en chantant "on est là !"</p>
<p>A <strong>Bordeaux</strong> (Gironde), l'immense affiche publicitaire Apple de la place de la Bourse a été recouverte à coups de jets de peinture noire forçant ainsi son retrait immédiat.</p>
<p>A <strong>Wittelsheim</strong> (Haut-Rhin), pour rappeler leur totale opposition à la décision gouvernementale de laisser les 42.000 tonnes de déchets toxiques au fond de Stocamine, des habitant·es du Haut-Rhin ont accroché des panneaux « commune poubelle » à l'entrée de différents bourgs et des « têtes de mort alsaciennes » sur les lampadaires du centre ville.</p>
<p>A <strong>Besançon</strong> (Doubs), aux Vaîtes, des nouvelles terres occupées sur ces jardins menacés ont été mises en culture : champs de patates, verger... et une cabane incendiée il y a quelques jours a été reconstruite !</p>
<p>A <strong>La Roche-sur-Yon</strong> (Vendée), un rassemblement avec caviardage publicitaire a été organisé contre la construction de la rocade contournement sud de la ville.</p>
<p>A<strong> Die</strong> (Drôme), à l'appel du collectif Ma Tulipe Sauvage, 200 personnes ont occupé le rond-point de Chamarges, lieu d’un projet d’extension d’une zone d’activité sur des terres fertiles.</p>
<p>A <strong>Briec</strong> (Finistère), de multiples camions ont été peints dans le centre-ville pour dénoncer un projet d'implantation d’Amazon.</p>
<p>A<strong> Sens</strong> (Yonne), c'est contre la destruction de 40 hectares de terres cultivées pour installer un entrepôt de e-commerce que les résistan·e·s locaux se sont retrouvé·e·s en rappelant que « l'écologie sans lutte des classes, c'est du jardinage ».</p>
<p>A <strong>Crots</strong> (Hautes-Alpes), 200 personnes ont commencé à occuper un terrain convoité par le golf de Crots, un projet trou de balles dans les Hautes-Alpes, et y ont déployé une banderole géante «la guerre du golf ! ».</p>
<p>A <strong>Salles</strong> (Gironde), de gros colis ont été livrés devant la porte de la mairie, et beaucoup de personnes étaient présentes pour dire stop au projet inutile de plate-forme logistique sur une zone humide dans le Val de l’Eyre.</p>
<p>A <strong>Marquillies</strong> (Nord), plus de 250 personnes ont enterré le plan climat local suite à un projet d’entrepôt logistique géant dans les Weppes.</p>
<p>A <strong>Angers</strong> (Maine-et-Loire), une grenouille énervée face au PLUI est apparue un peu partout dans les rues.</p>
<p>A<strong> Saint-Sulpice-La-Pointe</strong> (Tarn), on s'est retrouvé contre l’implantation d’une plateforme de 70.000 m2 destinée au e-commerce, à faire plus de bruits que la déferlante de camions annoncés.</p>
<p>A <strong>Faux-la-Montagne</strong> (Creuse), sur le plateau Millevaches, les habitant·es de la région ont fait bloc sur le site d'une récente coupe rase en forêt.</p>
<p>Au <strong>col de la Fau</strong> (Isère), des arbres ont été plantés malgré les menaces des gendarmes pour marquer le refus de l'élargissement de la RD1075 et des antennes 5G…</p>
<p>A <strong>Paris</strong>, l'association écologiste étudiante Écocampus ENS a fait une action collage dans les rues du 5e arrondissement, en affichant des articles de recherche en écologie (géosciences, histoire, économie, etc...)</p>
<p>A <strong>Montreuil-sur-Mer</strong> (Pas-de-Calais), 398 personnes (comptées une à une !) ont défilé sous le soleil et en musique avec la chorale et la batucada lilloise, s'opposant au projet de serre et de zoo tropical Tropicalia.</p>
<p>A <strong>Châteaubriand</strong> (Loire-Atlantique), près de cent personnes ont participé à une marche pour empêcher un autre projet de carrière de sable à Soudan sur des terres agricoles.</p>
<p>A <strong>Lille</strong> (Nord), un rassemblement devant le siège de la métropole lilloise s'est tenu contre les GP2I, l'artificialisation des terres et l'industrialisation de l'agriculture dans le Nord-Pas-de-Calais tandis que des semis, plantations et balades étaient menés sur la friche Saint-sauveur.</p>
<p>A <strong>Teulat</strong> (Tarn), près de 800 manifestant·e·s se sont retrouvé·e·s sur le tracé envisagé de l'autoroute Castres-Toulouse en projet, et y ont formé une chaîne humaine.</p>
<p>A <strong>Reims</strong> (Marne), l'abattage d'arbres s'est vu pointé du doigt par du théâtre sauvage.</p>
<p>A <strong>Grenoble</strong> (Isère), de même qu'à <strong>Montpellier </strong>(Hérault), des centaines de personnes ont participé à des vélorutions revendicatives contre l’urbanisation agressive et la destruction de plusieurs lieux collectifs en ville.</p>
<p>A <strong>Vitré</strong> (Ille-et-Vilaine), des banderoles ont été déployées au cours d'une déambulation urbaine pour rappeler l'urgence climatique, et la nécessité de ne pas détruire les terres agricoles avec le projet de 2e contournement routier autour de la ville..</p>
<p><strong>Partout en France</strong>, à l'initiative de la Confédération Paysanne, des paysan·ne·s ont brandi poings et pancartes traduites en bengali et en hindi pour envoyer messages de soutien et force aux camarades indiens en lutte. <br /> <br />C'est ce que nous savons pour l'instant et c'est déjà remuant. Nous compléterons ce bilan dans les prochains jours sur le site. D'autres étapes et coordinations se préparent. En parallèle et entre autres, la saison 1 des Soulèvements de la Terre se poursuit avec des blocages d'industries et occupations de terres jusqu'à l'été (voir : <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/">https://lessoulevementsdelaterre.org/</a>)</p>
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<p><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/3-55-0a70f.jpg" alt="3 55 0a70f" width="447" height="632" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p> </p>
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<div class="panel panel-primary">
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<h3 class="panel-title">Plus</h3>
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<p>Retrouvez l'appel et la liste des signataires du 17 avril sur <a href="https://agir17.noblogs.org">https://agir17.noblogs.or</a></p>
</li>
<li>Le compte rendu en photos : <span class="v1author-a-nmz69z1uz68zz80zz85zdnrz75zighz80z"><a href="https://dl.poivron.org/yme37e5yt5tl4kdtkwxf-wwwrqcmssbhobtj4" target="_blank" rel="noopener noreferrer"></a><a href="https://dl.poivron.org/yme37e5yt5tl4kdtkwxf-wwwrqcmssbhobtj4">https://dl.poivron.org/yme37e5yt5tl4kdtkwxf-wwwrqcmssbhobtj4</a></span></li>
</ul>
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<p> </p>Les Soulèvements de la Terre2017-03-21T12:54:42+01:002017-03-21T12:54:42+01:00http://www.rebonds.net/46soulevementsdelaterre/684-lessoulevementsdelaterreSuper User<p style="text-align: right;"><em><strong>« Arrêter la bétonisation, c'est un projet </strong><strong>pour rendre notre pays plus humain, au fond plus beau. »</strong></em><br /><strong>Emmanuel Macron,</strong><br /><strong>devant la Convention citoyenne pour le climat,</strong><br /><strong>lundi 29 juin 2020</strong></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">J</span>e ne reconnais plus ma ville.</p>
<p>Bien avant que je ne la quitte, des banderoles avaient fleuri sur les balcons des pavillons de briques de la rue de l'Alma : les habitant·es refusaient de partir pour laisser place aux immeubles, aux bureaux, aux avenues sans âme qui poussent en surface des trajectoires du métro.<br />Des artistes squattaient les friches industrielles pour en faire des lieux de répétition et de spectacles vivants, créatifs, militants, pour tou·tes et à prix libre.<br />Les jeudis soirs étaient festifs, les étudiant·es se déversaient dans les bars et les rues du centre-ville dans un joyeux dawa (quoique très alcoolisé ).<br />La Maison du peuple offrait un espace d'expression et de liberté à tou·tes ceux·les qui voulaient changer le monde…</p>
<p>Rennes était une ville dynamique, en mouvement. On l'appelait la rockeuse. Nul doute qu'elle le soit encore.<br />Mais les bulldozers ont rasé les maisons de l'Alma (parmi tant d'autres) et les immeubles ont poussé comme les champignons en forêt de Brocéliande. Les squats se sont institutionnalisés, le centre gentrifié, les fêtes excentrées, la Maison du peuple a été détruite… La couronne urbaine s'étend de plus en plus loin aux villages alentour. Le prix du foncier flambe.<br />Il faut construire, bâtir, bétonner, pour cette population qui arrive de partout, de plus en plus aisée, en empruntant notamment la Ligne à Très Grande Vitesse depuis Paris. La gare a fait peau neuve avec force boutiques parmi lesquelles celle du Stade rennais… La deuxième ligne du métro-boulot-dodo est en cours d'achèvement.</p>
<p>Je ne suis pas partie par hasard. Il fallait retrouver les forêts, les champs, les liens qui unissent les êtres humains aux autres vivant·es.<br />Je ne suis pas revenue par hasard non plus : dans la capitale bretonne, ce 10 avril 2021 – soit près de dix ans après mon départ – il s'agit de défendre des espaces menacés de bétonisation. Le cas de Rennes est loin d'être isolé : partout en France, l'artificialisation est un vrai danger pour les espaces agricoles et naturels.<br />C'est pourquoi, l'appel des Soulèvements de la Terre a été lancé : des actions de (re)prises de terres et de blocages des industries qui les dévorent sont organisées tout au long de l'année dans l'hexagone. La saison 1 vient de démarrer.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Agir ensemble contre la bétonisation des terres</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p><em>« Nous sommes des habitant·es en lutte attaché·es à leur territoire (…). Nous sommes des jeunes révolté·es qui ont grandi avec la catastrophe écologique en fond d'écran et la précarité comme seul horizon (…). Nous sommes des paysan·nes (…). Parce que tout porte à croire que c'est maintenant ou jamais, nous avons décidé d'agir ensemble. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> Le dimanche 24 janvier, sur la ZAD<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> de Notre-Dame-des-Landes, après un week-end de réflexions et d'échanges, une centaine de personnes issues de collectifs, syndicats, fermes et espaces occupés, décident de lancer un programme d'actions autour de la question des terres. Si elles sont de sensibilités, de parcours et d'horizons très variés, elles se retrouvent autour d'un constat commun : aujourd'hui, pour espérer un monde différent, la question foncière est incontournable. En tant qu'habitant·es, dans quels espaces souhaitons-nous vivre ? Selon quels types de rapports ?</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_tour.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="10 avril 2021 : 2e acte des Soulèvements de la Terre à Rennes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_tour.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="667" height="1000" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Comment nous nourrir et être nourri·es ? Dans les dix ans à venir, un·e agriculteur·ice sur trois partira à la retraite<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Qui prendra le relais ? Que deviendront les terres ? Comment les protéger de l'artificialisation qui gagne du terrain ?</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Chaque année, 60.000 hectares disparaissent</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Le terme « artificialisation » désigne le fait de <em>« transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…) ».</em> (4)</p>
<p>En France, depuis le 4 juillet 2019, il existe un Observatoire de l'artificialisation. Son rôle : compulser toutes les données existantes et émettre un rapport, accessible à tou·tes sur son site Internet. Les chiffres consultables actuellement concernent la période du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2018. Pour avoir une vue antérieure, il faut aller sur le site de l'Agreste, le service de la statistique et de la prospective du ministère de l'Agriculture.<br />Qu'y apprend-on ?<br />Que les sols artificialisés représentent 9,58 % du territoire métropolitain. Depuis les années 1960, le phénomène s'accélère. Chaque année, ce sont en moyenne 60.000 hectares qui disparaissent sous le béton et le bitume, soit l'équivalent d'un département tous les cinq ans.<br /><em>« Cette extension s'est effectuée pour deux tiers aux dépens des espaces agricoles »</em>, souligne l'Agreste <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p>
<p>Les constructions se développent dans les plaines et en zones péri-urbaines, où domine pourtant l'agriculture. Là, <em>« l'habitat individuel, les chantiers, les services publics et les activités industrielles se développent à plus de 70 % sur les terrains agricoles, tandis que les réseaux routiers ou les infrastructures de sport et de loisir s'étendent à part égale sur les espaces naturels et agricoles »</em>.<br />Certaines régions sont plus touchées que d'autres, comme le quart sud-est (Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse), l'ouest (région nantaise, Rennes, Bordeaux), l'Ile-de-France. Deux forces majeures sont à l'œuvre : la métropolisation, et l'attraction du littoral, près de l'Atlantique comme du bassin méditerranéen.</p>
<p>Première cause d'artificialisation : l'habitat. <em>« Sur les 491.000 hectares de terres artificialisées [entre 2006 et 2014], 46 % ont été consommées par des maisons individuelles »</em>, précise l'Agreste. Le critère démographique l'explique en partie (entre 2007 et 2012, la population française a augmenté de 1,6 million d'habitant·es), mais aussi certains choix de vie (vouloir avoir une maison neuve plutôt que restaurer ; habiter seul plutôt qu'en collectif ; aspirer à de grands terrains isolés qui engendrent la multiplication des routes plutôt que dans les villages…).<br />Le réseau routier est la deuxième cause d'artificialisation. Viennent ensuite, dans l'ordre : l'agriculture elle-même avec la construction de bâtis ou d'aires de stockage ; les chantiers et activités du bâtiment et du génie civil ; les commerces ; les services ; les industries.<br />Actuellement, l'artificialisation pour les activités économiques augmente plus vite que pour l'habitat.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/carte_artificialisation.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : observatoire de l'artificialisation."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/carte_artificialisation.jpg" alt="rennes banderoles 1" width="620" height="877" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Le Zéro Artificialisation Nette : un leurre</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________</strong></span></p>
<p>Quelles leçons l’Etat français en tire-t-il ? Rassurons-nous en lisant le site du ministère de l'Ecologie et de la Transition Energétique : l'artificialisation y est présentée comme un facteur aggravant de la perte de la biodiversité, du réchauffement climatique, des inondations, de la réduction de la capacité des terres agricoles à nous nourrir… La solution est toute trouvée : le « Zéro Artificialisation Nette » ou ZAN. <em>« Il s’agit de limiter autant que possible la consommation de nouveaux espaces et, lorsque c’est impossible, de « rendre à la nature » l’équivalent des superficies consommées. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (4)</span><br />Tout est dans le <em>« lorsque c'est impossible »</em>…<br />Officiellement, donc, l’Etat souhaite favoriser la restauration des espaces déjà urbanisés (maisons, friches industrielles) et augmenter la densité des opérations (construire dans les dents creuses plutôt que d'étaler les zones urbaines, construire des immeubles plutôt que de l'habitat individuel). Il va devoir donner un sacré coup d'accélérateur parce qu'au rythme où les choses se passent, la ZAN ne sera atteinte qu'en 2070, selon l'Observatoire de l'artificialisation <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.<br /><em>« Lorsque c'est impossible ? »</em> Compensons ! Cent arbres coupés par-ci, cent arbres replantés par-là et le tour est joué. Mais l'espèce en voie de disparition qui ne pouvait vivre que dans l'environnement des cent premiers arbres ? Euh… Passons ! Et les habitant·es privé·es des mêmes cent premiers arbres ? Passons, passons…</p>
<p>L’Etat émet de faux vœux pieux qui n'engagent que lui. En accord avec sa logique néo-libérale capitaliste, il soutient voire imagine lui-même des projets extractivistes : ici, une plate-forme logistique, là une carrière de sable pour un cimentier, là-bas une piscine olympique, un peu plus loin un nouvel axe autoroutier… Il faut nourrir et faire vivre la machine économique, peu importe qu'elle appauvrisse et asphyxie les vivant·es.<br />Mais des habitant·es se révoltent. Pour eux·les, il faut établir un rapport de forces avec l’Etat et les industries qu'il encourage.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Défendre des jardins en milieu urbain</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>____________________________________________</strong></span></p>
<p><strong>Samedi 27 mars 2021 – 11 heures – Besançon</strong></p>
<p>Le premier acte des Soulèvements de la Terre a lieu aux Vaîtes : 34 hectares de jardins familiaux autogérés, d'espaces boisés, de zones humides, de terres maraîchères… Situés au milieu des immeubles, ils sont menacés par un projet d'éco-quartier porté par une municipalité pourtant d'union socialiste-communiste-écologiste.<br />Sur la place de la Révolution ce matin-là, 650 personnes viennent exprimer leur désaccord. Elles ont répondu à l'invitation conjointe de l'association des Jardins des Vaîtes à Besançon et des Lentillères à Dijon. Les luttes de ces habitant·es sont en effet sœurs : dans les deux cas, il s'agit de préserver des espaces naturels et agricoles au cœur de zones urbaines, face à des investisseurs et des collectivités qui construisent des éco-quartiers qui n'ont d'écologique que le nom.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/tracteur_rose.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="27 mars 2021 : 1er acte des Soulèvements de la Terre à Besançon."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/tracteur_rose.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="875" height="656" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>La journée débute par une marche, des rues du centre-ville jusqu'aux jardins. Le tracteur rose des Lentillères, mascotte des luttes à Dijon, accompagne les manifestant·es. L'ambiance est détendue, la police discrète. Les militant·es d'Extinction Rébellion démontent avec précaution, sans casse, les affiches des abri-bus pour les remplacer par les leurs, véritables manifestes pour la biodiversité. Des tracts sont distribués aux passant·es qui se promènent ou font les magasins. Sur la remorque d'un camion, un groupe joue de la musique. Le soleil brille.<br />Une fois aux jardins, les organisateur·ices prennent la parole, le public pique-nique, des visites sont proposées, une conférence, un spectacle, de la danse au son de l'accordéon…</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Des espèces protégées menacées</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________________</strong></span></p>
<p>Marie-Hélène Parreaux a accepté de jouer les guides. Elle vit aux Vaîtes depuis 2012. <em>« Dans une maison qui devait disparaître selon la première carte du projet présentée aux habitants »</em>, sourit-elle. Un projet appris par voie de tract glissé dans les boîtes aux lettres, en 2005.<em> « Vous imaginez ? Ça a été d'une violence incroyable ! »</em> A l'époque, l'éco-quartier devait occuper 23 hectares, dont sept pour les habitations, sept pour la voirie et six pour une zone végétalisée. <em>« Sauf que sur le plan, cette bande est un espace déjà urbanisé, donc il n'y aura pas vraiment d'espaces verts ! »</em><br />La majorité des jardiniers ne sont pas propriétaires et louent leurs parcelles. La ville les rachète progressivement via la Société Publique Locale « Territoires 25 » dont elle est actionnaire majoritaire.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jardins_vaites.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les jardins des Vaîtes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jardins_vaites.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="750" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Dès le départ, des habitant·es s'organisent pour s'opposer au projet. Fin 2018, à l'annonce du début des travaux, l'association des Jardins des Vaîtes est créée. Quelques mois plus tard, dans une procédure d'urgence devant le Conseil d’Etat, elle parvient à faire suspendre les travaux. Mais il reste le procès sur le fond, dont la date n'a pas encore été définie. <em>« Le problème, c'est que le jugement portera sur l'ancien dossier alors que la Ville est en train de le modifier. »</em> En effet, la municipalité a fini par s'apercevoir que Besançon perd des habitant·es, que 10 % des logements sont vacants et que les Vaîtes n'ont sans doute pas besoin des 1.100 appartements annoncés. Elle a réduit sa feuille de route, mais pour la faire accepter, elle y a ajouté un argument de poids : une nouvelle école. Marie-Hélène Parreaux hausse les épaules : <em>« C'est bien joué : comment s'opposer à la construction d'une école ? Mais Besançon n'en a pas besoin non plus : la population vieillit et actuellement, des classes ferment ! »</em></p>
<p>Dans la logique « Zéro Artificialisation Nette », la municipalité devrait plutôt réhabiliter l'ancienne école et réfléchir à une alternative à son éco-quartier. Mais, apparemment, nous sommes dans le cas du « lorsque c'est impossible » car elle a plutôt proposé des compensations : des bouts de terrains à droite et à gauche pour les jardiniers, d'autres habitats pour les espèces animales…<em> « Mais c'est ridicule, ça ne veut rien dire !</em> s'insurge Marie-Hélène. <em>Les chauve-souris devraient aller au Fort-Benoît, là où il y en a plein d'autres. Autant dire qu'elles n'iront pas ! Pour les crapauds et les tritons, ils voulaient construire de nouvelles mares. Mais dans la seule qu'ils ont creusée, il n'y a jamais eu d'eau ! »</em> Parmi les espèces protégées recensées par les naturalistes, l'alyte accoucheur, le triton alpestre et le triton palmé, ou encore le Milan royal, qui ne vit pas dans les jardins mais y chasse. <em>« Le groupe d'experts mandaté par la municipalité a reconnu que les inventaires réalisés pendant les études préalables étaient incomplets en ce qui concerne la faune et la flore. C'est pourtant très important car on sait aujourd'hui que ça peut faire basculer un projet. »</em></p>
<p>Les habitant·es ne veulent pas que l'on « compense » la perte de leur mode de vie, la convivialité qui règne entre usager·es des jardins, leur relation aux êtres non-humains. <em>« Nous voulons l'abandon complet du projet »</em>, répète Marie-Hélène avec détermination. La journée avait pour but de montrer qu'il·les n'étaient pas seul·es. <em>« C'est positif dans le rapport de forces et ça nous donne de l'énergie pour continuer la lutte. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Sécuriser l'accès aux terres</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"> <br /></span></p>
<p>Dans le cortège et les jardins, de petits drapeaux jaunes et noirs flottent au vent : la Confédération paysanne marque sa présence. Signataire de l'appel des Soulèvements de la Terre, elle entend alerter sur les dangers que l'artificialisation fait porter sur l'agriculture. Directement, parce qu'une terre agricole artificialisée l'est à jamais ; indirectement, par la pression foncière qu'elle exerce sur les zones à forte demande. Résultat : alors que le métier attire de moins en moins et que le nombre d'exploitant·es diminue après les départs en retraite, des jeunes peinent à s'installer. Les prix des terres et prés libres non bâtis ne cessent d'augmenter : la moyenne nationale était de 6.000 euros à l'hectare en 2019, mais de fortes disparités existent selon les régions puisque le prix monte jusqu'à 8.500 euros à l'hectare dans le Nord, à l'est, dans le bassin parisien, au sud-ouest, sur les bords de la Méditerranée…<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/banderole_besançon.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La Confédération paysanne est signataire de l'appel."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/banderole_besançon.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="750" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Autre évolution inquiétante dénoncée par le syndicat : la financiarisation des terres. Les prix empêchant les jeunes de devenir propriétaires, les terres sont achetées par des investisseurs. En 1993, 60 % des surfaces appartenaient aux agriculteur·ices contre 47 % seulement aujourd'hui <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>. Le foncier agricole devient un enjeu de spéculation.<br />Pour résister, certain·es choisissent de se regrouper, ce qui a tendance à augmenter la taille des fermes et à accentuer le phénomène de l'agriculture productiviste, au détriment des petites unités.<br />Dès lors, la question de la sécurisation de l'accès au foncier agricole par les paysan·nes eux·les-mêmes devient primordiale. Les Soulèvements de la Terre seront l'occasion de défendre un autre modèle : à Saint-Colomban et sur le plateau de Saclay en Ile-de-France, par exemple, la défense de champs et de fermes est enclenchée.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>« Remettre du sens dans les priorités »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________</strong></span><strong><span style="color: #ff615d;"> <br /></span></strong></p>
<p><strong>Samedi 10 avril 2021 – 13 heures – Rennes</strong></p>
<p>Changement d'ambiance.<br />Des cars de CRS forment le comité d'accueil sur le mail François-Mitterrand, lieu du rendez-vous pour le deuxième acte des Soulèvements de la Terre. En plein confinement, les organisateur·ices avaient réussi un tour de force : faire accepter par la Préfecture d'Ille-et-Vilaine la manifestation du matin. Mais pas question pour elle de valider les réjouissances du reste du week-end : plantations, tournoi de football…<br />La pluie tombe drue. La manifestation est finalement reportée au début d'après-midi. Elle est donc illégale. Près de 500 personnes sont tout de même venues, de tous âges et, réunies derrière des banderoles, prennent la direction de La Prévalaye.</p>
<p>Ce quartier, qui s'étend sur 450 hectares à l'ouest de la ville de Rennes, a toujours eu une vocation agricole, notamment maraîchère. Des surfaces boisées et des zones humides sont particulièrement appréciées des habitant·es qui s'y promènent souvent le dimanche.<br />Refusant l'installation de nouveaux agriculteur·ices, la métropole rennaise préfère les sites touristiques et récréatifs, ou laisser le Stade rennais étendre ses infrastructures. Trois hectares doivent ainsi prochainement être transformés en parking et servir le centre d'entraînement de football.<br />C'est sur ces parcelles que sont prévus symboliquement les Soulèvements de la Terre.</p>
<p><em>« La Prévalaye incarne un non-sens,</em> explique une des membres de l'organisation, paysanne en Bretagne. <em>La municipalité socialo-écolo de Rennes prône le « Zéro Artificialisation », alors qu'elle permet ce type de projets. Nous avons besoin d'une ceinture verte autour de la ville pour nourrir la population. Nous devons remettre du sens dans les priorités : nous ne sommes pas contre le football, mais nous considérons qu'il est prioritaire de nourrir les gens sainement. »</em></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_cortège_foot.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le cortège des manifestant·es à Rennes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_cortège_foot.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="667" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />En septembre et en janvier, des rassemblements avaient déjà eu lieu sur place, pour informer la population. Un collectif d'habitant·es et d'usager·es s'est monté. <em>« Il faut que nous puissions réduire la fracture entre urbains et ruraux, que nous tissions de nouveaux liens pour faire prendre conscience des réalités de l'agriculture d'aujourd'hui. »</em><br />Trouve-t-elle que l'écho est favorable ? <em>« Oui, depuis les Gilets Jaunes et avec la crise sanitaire et les confinements, les gens réfléchissent. Ils réalisent l'importance de manger local. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>(Re)prise de terres en bonne et due forme</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"> <br /></span></p>
<p>Le cortège a traversé sans encombre une petite partie de la ville, s'arrangeant avec les automobilistes qui, parfois, klaxonnent gaiement en signe de soutien. Quelques graffs sur les murs. Un arrêt pour dérouler la banderole au-dessus de la rocade et bientôt, les infrastructures du Stade rennais sont en vue. L'atmosphère se crispe un peu : les CRS sont là et barrent l'accès au centre d'entraînement et la seconde parcelle.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_rocade.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une banderole est déployée sur le pont qui enjambe la rocade de Rennes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_rocade.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="894" height="596" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />La première est bientôt investie par les manifestant·es qui ont apporté pelles, pioches et fourches-bêches et entreprennent de planter, semer. Une (re)prise de terres en bonne et due forme. Malgré la pluie qui ne cesse que par intermittence, le sourire est sur tous les visages. Une petite restauration avec des tourtes véganes, des cookies, des tartines et un thé chaud réchauffe aussi les cœurs.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_plantations.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'occupation des terres : planter, semer..."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_plantations.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="521" height="781" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Mais bientôt, il faut partir. Les CRS perdent patience. Le retour sera néanmoins joyeux, au rythme d'un système-son diffusant des chansons entraînantes. La manifestation prend fin là où elle a démarré, place des Lices, où de nouveau les CRS ont été postés pour empêcher l'accès au centre-ville.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_CRS_2.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les CRS empêchent l'accès à l'une des parcelles concernée par le projet."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_CRS_2.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="667" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />Le petit groupe de manifestant·es restant entonne le « Fuck You » de la chanteuse Lili Allen, le doigt levé bien haut en direction des uniformes bleus… A Rennes, les mauvais rapports entre la police et une partie de sa population ne datent pas d'hier. La répression des luttes sociales a laissé des traces, notamment celles des dernières en date, les Gilets jaunes et la loi Travail.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________</span></strong></p>
<h3>Un choix politique</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________</strong></span></p>
<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>Sur la route qui me ramène dans mon Berry d'adoption, je pense aux actes qui se préparent.<br />Les 22 et 23 mai, dans la Haute-Loire, le collectif « La lutte des Sucs » appelle à des manifestations et des semis pour dénoncer le tracé de la RN88, le chantier routier le plus important actuellement en France. Une trentaine de fermes et plus de 140 hectares de forêts, zones humides, prés, sources, haies seraient impactés.<br />Du 19 au 21 juin, au sud de Nantes, les paysan·nes et habitant·es de Saint-Colomban attendent du renfort pour monter un camp contre l'extension des sablières du cimentier Lafarge.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_fourche.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les rendez-vous pour défendre les terres agricoles vont se multiplier."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_fourche.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="761" height="835" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Sur le plateau du Saclay, des occupations devraient freiner le projet du Grand Paris, qui artificialise les dernières terres agricoles de la région, jugées pourtant extrêmement fertiles.<br />A l'été, un grand rassemblement devrait marquer la fin de la saison 1. Car il y en aura une seconde ! Une grande marche vers le ministère de l'Agriculture est déjà annoncée pour l'automne…<span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p>Ce mouvement est inéluctable et rien ne l'arrêtera. Sans doute est-il encore considéré comme marginal. Mais il est rejoint par de plus en plus d'habitant·es qui voient bien que le mode de vie qu'on leur vend depuis des décennies n'est plus tenable, que les crises sanitaires sont directement liées aux choix catastrophiques des politiques et industries qui n'entendent que la raison du profit. Alors, que faire ?<span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p><em>« Faire date. Agir ensemble au fil des saisons. Jeter toutes nos forces dans la bataille. Remuer ciel et terre. Entre la fin du monde et la fin de leur monde, il n'y a pas d'alternative. Rejoignez les Soulèvements de la Terre. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (1)</span></p>
<p><strong>Textes et photos : Fanny Lancelin</strong></p>
<p style="text-align: left;"><span style="font-size: 8pt;">(1) Extrait de l'appel des Soulèvements de la Terre : <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/">https://lessoulevementsdelaterre.org/</a><br />(2) ZAD : Zone A Défendre.<br />(3) Données : Mutualité Sociale Agricole. <a href="https://statistiques.msa.fr/publication/les-installations-de-chefs-dexploitation-agricole-en-2019-infostat/">https://statistiques.msa.fr/publication/les-installations-de-chefs-dexploitation-agricole-en-2019-infostat/</a><br />(4) <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols">https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols</a><br />(5) <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri326/primeur326.pdf">https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri326/primeur326.pdf</a><br />(6) <a href="https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/sites/artificialisation/files/fichiers/2020/06/rapport%20V3%20complet.pdf">https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/sites/artificialisation/files/fichiers/2020/06/rapport%20V3%20complet.pdf</a><br />(7) <a href="https://www.pleinchamp.com/les-guides/trouver-des-terres-pour-s-installer~les-terres-agricoles-un-enjeu-majeur-panorama-du-foncier-en-france">https://www.pleinchamp.com/les-guides/trouver-des-terres-pour-s-installer~les-terres-agricoles-un-enjeu-majeur-panorama-du-foncier-en-france</a><br />(8) <a href="https://www.france-insoumise-rennes-metropole.fr/viasilva-cesson-sevigne-halte-a-la-politique-beton/">https://www.france-insoumise-rennes-metropole.fr/viasilva-cesson-sevigne-halte-a-la-politique-beton/</a></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
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<ul>
<li>
<p>Retrouvez l'ensemble des informations sur les Soulèvements de la Terre, l'appel, les comptes rendus et les prochains rendez-vous sur <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/">https://lessoulevementsdelaterre.org/</a></p>
</li>
</ul>
</div><p style="text-align: right;"><em><strong>« Arrêter la bétonisation, c'est un projet </strong><strong>pour rendre notre pays plus humain, au fond plus beau. »</strong></em><br /><strong>Emmanuel Macron,</strong><br /><strong>devant la Convention citoyenne pour le climat,</strong><br /><strong>lundi 29 juin 2020</strong></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">J</span>e ne reconnais plus ma ville.</p>
<p>Bien avant que je ne la quitte, des banderoles avaient fleuri sur les balcons des pavillons de briques de la rue de l'Alma : les habitant·es refusaient de partir pour laisser place aux immeubles, aux bureaux, aux avenues sans âme qui poussent en surface des trajectoires du métro.<br />Des artistes squattaient les friches industrielles pour en faire des lieux de répétition et de spectacles vivants, créatifs, militants, pour tou·tes et à prix libre.<br />Les jeudis soirs étaient festifs, les étudiant·es se déversaient dans les bars et les rues du centre-ville dans un joyeux dawa (quoique très alcoolisé ).<br />La Maison du peuple offrait un espace d'expression et de liberté à tou·tes ceux·les qui voulaient changer le monde…</p>
<p>Rennes était une ville dynamique, en mouvement. On l'appelait la rockeuse. Nul doute qu'elle le soit encore.<br />Mais les bulldozers ont rasé les maisons de l'Alma (parmi tant d'autres) et les immeubles ont poussé comme les champignons en forêt de Brocéliande. Les squats se sont institutionnalisés, le centre gentrifié, les fêtes excentrées, la Maison du peuple a été détruite… La couronne urbaine s'étend de plus en plus loin aux villages alentour. Le prix du foncier flambe.<br />Il faut construire, bâtir, bétonner, pour cette population qui arrive de partout, de plus en plus aisée, en empruntant notamment la Ligne à Très Grande Vitesse depuis Paris. La gare a fait peau neuve avec force boutiques parmi lesquelles celle du Stade rennais… La deuxième ligne du métro-boulot-dodo est en cours d'achèvement.</p>
<p>Je ne suis pas partie par hasard. Il fallait retrouver les forêts, les champs, les liens qui unissent les êtres humains aux autres vivant·es.<br />Je ne suis pas revenue par hasard non plus : dans la capitale bretonne, ce 10 avril 2021 – soit près de dix ans après mon départ – il s'agit de défendre des espaces menacés de bétonisation. Le cas de Rennes est loin d'être isolé : partout en France, l'artificialisation est un vrai danger pour les espaces agricoles et naturels.<br />C'est pourquoi, l'appel des Soulèvements de la Terre a été lancé : des actions de (re)prises de terres et de blocages des industries qui les dévorent sont organisées tout au long de l'année dans l'hexagone. La saison 1 vient de démarrer.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Agir ensemble contre la bétonisation des terres</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p><em>« Nous sommes des habitant·es en lutte attaché·es à leur territoire (…). Nous sommes des jeunes révolté·es qui ont grandi avec la catastrophe écologique en fond d'écran et la précarité comme seul horizon (…). Nous sommes des paysan·nes (…). Parce que tout porte à croire que c'est maintenant ou jamais, nous avons décidé d'agir ensemble. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> Le dimanche 24 janvier, sur la ZAD<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> de Notre-Dame-des-Landes, après un week-end de réflexions et d'échanges, une centaine de personnes issues de collectifs, syndicats, fermes et espaces occupés, décident de lancer un programme d'actions autour de la question des terres. Si elles sont de sensibilités, de parcours et d'horizons très variés, elles se retrouvent autour d'un constat commun : aujourd'hui, pour espérer un monde différent, la question foncière est incontournable. En tant qu'habitant·es, dans quels espaces souhaitons-nous vivre ? Selon quels types de rapports ?</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_tour.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="10 avril 2021 : 2e acte des Soulèvements de la Terre à Rennes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_tour.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="667" height="1000" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Comment nous nourrir et être nourri·es ? Dans les dix ans à venir, un·e agriculteur·ice sur trois partira à la retraite<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Qui prendra le relais ? Que deviendront les terres ? Comment les protéger de l'artificialisation qui gagne du terrain ?</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Chaque année, 60.000 hectares disparaissent</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Le terme « artificialisation » désigne le fait de <em>« transformer un sol naturel, agricole ou forestier, par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…) ».</em> (4)</p>
<p>En France, depuis le 4 juillet 2019, il existe un Observatoire de l'artificialisation. Son rôle : compulser toutes les données existantes et émettre un rapport, accessible à tou·tes sur son site Internet. Les chiffres consultables actuellement concernent la période du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2018. Pour avoir une vue antérieure, il faut aller sur le site de l'Agreste, le service de la statistique et de la prospective du ministère de l'Agriculture.<br />Qu'y apprend-on ?<br />Que les sols artificialisés représentent 9,58 % du territoire métropolitain. Depuis les années 1960, le phénomène s'accélère. Chaque année, ce sont en moyenne 60.000 hectares qui disparaissent sous le béton et le bitume, soit l'équivalent d'un département tous les cinq ans.<br /><em>« Cette extension s'est effectuée pour deux tiers aux dépens des espaces agricoles »</em>, souligne l'Agreste <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p>
<p>Les constructions se développent dans les plaines et en zones péri-urbaines, où domine pourtant l'agriculture. Là, <em>« l'habitat individuel, les chantiers, les services publics et les activités industrielles se développent à plus de 70 % sur les terrains agricoles, tandis que les réseaux routiers ou les infrastructures de sport et de loisir s'étendent à part égale sur les espaces naturels et agricoles »</em>.<br />Certaines régions sont plus touchées que d'autres, comme le quart sud-est (Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse), l'ouest (région nantaise, Rennes, Bordeaux), l'Ile-de-France. Deux forces majeures sont à l'œuvre : la métropolisation, et l'attraction du littoral, près de l'Atlantique comme du bassin méditerranéen.</p>
<p>Première cause d'artificialisation : l'habitat. <em>« Sur les 491.000 hectares de terres artificialisées [entre 2006 et 2014], 46 % ont été consommées par des maisons individuelles »</em>, précise l'Agreste. Le critère démographique l'explique en partie (entre 2007 et 2012, la population française a augmenté de 1,6 million d'habitant·es), mais aussi certains choix de vie (vouloir avoir une maison neuve plutôt que restaurer ; habiter seul plutôt qu'en collectif ; aspirer à de grands terrains isolés qui engendrent la multiplication des routes plutôt que dans les villages…).<br />Le réseau routier est la deuxième cause d'artificialisation. Viennent ensuite, dans l'ordre : l'agriculture elle-même avec la construction de bâtis ou d'aires de stockage ; les chantiers et activités du bâtiment et du génie civil ; les commerces ; les services ; les industries.<br />Actuellement, l'artificialisation pour les activités économiques augmente plus vite que pour l'habitat.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/carte_artificialisation.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : observatoire de l'artificialisation."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/carte_artificialisation.jpg" alt="rennes banderoles 1" width="620" height="877" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Le Zéro Artificialisation Nette : un leurre</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________</strong></span></p>
<p>Quelles leçons l’Etat français en tire-t-il ? Rassurons-nous en lisant le site du ministère de l'Ecologie et de la Transition Energétique : l'artificialisation y est présentée comme un facteur aggravant de la perte de la biodiversité, du réchauffement climatique, des inondations, de la réduction de la capacité des terres agricoles à nous nourrir… La solution est toute trouvée : le « Zéro Artificialisation Nette » ou ZAN. <em>« Il s’agit de limiter autant que possible la consommation de nouveaux espaces et, lorsque c’est impossible, de « rendre à la nature » l’équivalent des superficies consommées. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (4)</span><br />Tout est dans le <em>« lorsque c'est impossible »</em>…<br />Officiellement, donc, l’Etat souhaite favoriser la restauration des espaces déjà urbanisés (maisons, friches industrielles) et augmenter la densité des opérations (construire dans les dents creuses plutôt que d'étaler les zones urbaines, construire des immeubles plutôt que de l'habitat individuel). Il va devoir donner un sacré coup d'accélérateur parce qu'au rythme où les choses se passent, la ZAN ne sera atteinte qu'en 2070, selon l'Observatoire de l'artificialisation <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.<br /><em>« Lorsque c'est impossible ? »</em> Compensons ! Cent arbres coupés par-ci, cent arbres replantés par-là et le tour est joué. Mais l'espèce en voie de disparition qui ne pouvait vivre que dans l'environnement des cent premiers arbres ? Euh… Passons ! Et les habitant·es privé·es des mêmes cent premiers arbres ? Passons, passons…</p>
<p>L’Etat émet de faux vœux pieux qui n'engagent que lui. En accord avec sa logique néo-libérale capitaliste, il soutient voire imagine lui-même des projets extractivistes : ici, une plate-forme logistique, là une carrière de sable pour un cimentier, là-bas une piscine olympique, un peu plus loin un nouvel axe autoroutier… Il faut nourrir et faire vivre la machine économique, peu importe qu'elle appauvrisse et asphyxie les vivant·es.<br />Mais des habitant·es se révoltent. Pour eux·les, il faut établir un rapport de forces avec l’Etat et les industries qu'il encourage.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Défendre des jardins en milieu urbain</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>____________________________________________</strong></span></p>
<p><strong>Samedi 27 mars 2021 – 11 heures – Besançon</strong></p>
<p>Le premier acte des Soulèvements de la Terre a lieu aux Vaîtes : 34 hectares de jardins familiaux autogérés, d'espaces boisés, de zones humides, de terres maraîchères… Situés au milieu des immeubles, ils sont menacés par un projet d'éco-quartier porté par une municipalité pourtant d'union socialiste-communiste-écologiste.<br />Sur la place de la Révolution ce matin-là, 650 personnes viennent exprimer leur désaccord. Elles ont répondu à l'invitation conjointe de l'association des Jardins des Vaîtes à Besançon et des Lentillères à Dijon. Les luttes de ces habitant·es sont en effet sœurs : dans les deux cas, il s'agit de préserver des espaces naturels et agricoles au cœur de zones urbaines, face à des investisseurs et des collectivités qui construisent des éco-quartiers qui n'ont d'écologique que le nom.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/tracteur_rose.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="27 mars 2021 : 1er acte des Soulèvements de la Terre à Besançon."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/tracteur_rose.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="875" height="656" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>La journée débute par une marche, des rues du centre-ville jusqu'aux jardins. Le tracteur rose des Lentillères, mascotte des luttes à Dijon, accompagne les manifestant·es. L'ambiance est détendue, la police discrète. Les militant·es d'Extinction Rébellion démontent avec précaution, sans casse, les affiches des abri-bus pour les remplacer par les leurs, véritables manifestes pour la biodiversité. Des tracts sont distribués aux passant·es qui se promènent ou font les magasins. Sur la remorque d'un camion, un groupe joue de la musique. Le soleil brille.<br />Une fois aux jardins, les organisateur·ices prennent la parole, le public pique-nique, des visites sont proposées, une conférence, un spectacle, de la danse au son de l'accordéon…</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Des espèces protégées menacées</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________________</strong></span></p>
<p>Marie-Hélène Parreaux a accepté de jouer les guides. Elle vit aux Vaîtes depuis 2012. <em>« Dans une maison qui devait disparaître selon la première carte du projet présentée aux habitants »</em>, sourit-elle. Un projet appris par voie de tract glissé dans les boîtes aux lettres, en 2005.<em> « Vous imaginez ? Ça a été d'une violence incroyable ! »</em> A l'époque, l'éco-quartier devait occuper 23 hectares, dont sept pour les habitations, sept pour la voirie et six pour une zone végétalisée. <em>« Sauf que sur le plan, cette bande est un espace déjà urbanisé, donc il n'y aura pas vraiment d'espaces verts ! »</em><br />La majorité des jardiniers ne sont pas propriétaires et louent leurs parcelles. La ville les rachète progressivement via la Société Publique Locale « Territoires 25 » dont elle est actionnaire majoritaire.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jardins_vaites.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les jardins des Vaîtes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/jardins_vaites.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="750" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Dès le départ, des habitant·es s'organisent pour s'opposer au projet. Fin 2018, à l'annonce du début des travaux, l'association des Jardins des Vaîtes est créée. Quelques mois plus tard, dans une procédure d'urgence devant le Conseil d’Etat, elle parvient à faire suspendre les travaux. Mais il reste le procès sur le fond, dont la date n'a pas encore été définie. <em>« Le problème, c'est que le jugement portera sur l'ancien dossier alors que la Ville est en train de le modifier. »</em> En effet, la municipalité a fini par s'apercevoir que Besançon perd des habitant·es, que 10 % des logements sont vacants et que les Vaîtes n'ont sans doute pas besoin des 1.100 appartements annoncés. Elle a réduit sa feuille de route, mais pour la faire accepter, elle y a ajouté un argument de poids : une nouvelle école. Marie-Hélène Parreaux hausse les épaules : <em>« C'est bien joué : comment s'opposer à la construction d'une école ? Mais Besançon n'en a pas besoin non plus : la population vieillit et actuellement, des classes ferment ! »</em></p>
<p>Dans la logique « Zéro Artificialisation Nette », la municipalité devrait plutôt réhabiliter l'ancienne école et réfléchir à une alternative à son éco-quartier. Mais, apparemment, nous sommes dans le cas du « lorsque c'est impossible » car elle a plutôt proposé des compensations : des bouts de terrains à droite et à gauche pour les jardiniers, d'autres habitats pour les espèces animales…<em> « Mais c'est ridicule, ça ne veut rien dire !</em> s'insurge Marie-Hélène. <em>Les chauve-souris devraient aller au Fort-Benoît, là où il y en a plein d'autres. Autant dire qu'elles n'iront pas ! Pour les crapauds et les tritons, ils voulaient construire de nouvelles mares. Mais dans la seule qu'ils ont creusée, il n'y a jamais eu d'eau ! »</em> Parmi les espèces protégées recensées par les naturalistes, l'alyte accoucheur, le triton alpestre et le triton palmé, ou encore le Milan royal, qui ne vit pas dans les jardins mais y chasse. <em>« Le groupe d'experts mandaté par la municipalité a reconnu que les inventaires réalisés pendant les études préalables étaient incomplets en ce qui concerne la faune et la flore. C'est pourtant très important car on sait aujourd'hui que ça peut faire basculer un projet. »</em></p>
<p>Les habitant·es ne veulent pas que l'on « compense » la perte de leur mode de vie, la convivialité qui règne entre usager·es des jardins, leur relation aux êtres non-humains. <em>« Nous voulons l'abandon complet du projet »</em>, répète Marie-Hélène avec détermination. La journée avait pour but de montrer qu'il·les n'étaient pas seul·es. <em>« C'est positif dans le rapport de forces et ça nous donne de l'énergie pour continuer la lutte. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Sécuriser l'accès aux terres</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>__________________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"> <br /></span></p>
<p>Dans le cortège et les jardins, de petits drapeaux jaunes et noirs flottent au vent : la Confédération paysanne marque sa présence. Signataire de l'appel des Soulèvements de la Terre, elle entend alerter sur les dangers que l'artificialisation fait porter sur l'agriculture. Directement, parce qu'une terre agricole artificialisée l'est à jamais ; indirectement, par la pression foncière qu'elle exerce sur les zones à forte demande. Résultat : alors que le métier attire de moins en moins et que le nombre d'exploitant·es diminue après les départs en retraite, des jeunes peinent à s'installer. Les prix des terres et prés libres non bâtis ne cessent d'augmenter : la moyenne nationale était de 6.000 euros à l'hectare en 2019, mais de fortes disparités existent selon les régions puisque le prix monte jusqu'à 8.500 euros à l'hectare dans le Nord, à l'est, dans le bassin parisien, au sud-ouest, sur les bords de la Méditerranée…<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/banderole_besançon.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La Confédération paysanne est signataire de l'appel."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/banderole_besançon.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="750" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Autre évolution inquiétante dénoncée par le syndicat : la financiarisation des terres. Les prix empêchant les jeunes de devenir propriétaires, les terres sont achetées par des investisseurs. En 1993, 60 % des surfaces appartenaient aux agriculteur·ices contre 47 % seulement aujourd'hui <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>. Le foncier agricole devient un enjeu de spéculation.<br />Pour résister, certain·es choisissent de se regrouper, ce qui a tendance à augmenter la taille des fermes et à accentuer le phénomène de l'agriculture productiviste, au détriment des petites unités.<br />Dès lors, la question de la sécurisation de l'accès au foncier agricole par les paysan·nes eux·les-mêmes devient primordiale. Les Soulèvements de la Terre seront l'occasion de défendre un autre modèle : à Saint-Colomban et sur le plateau de Saclay en Ile-de-France, par exemple, la défense de champs et de fermes est enclenchée.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>« Remettre du sens dans les priorités »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>______________________________________________</strong></span><strong><span style="color: #ff615d;"> <br /></span></strong></p>
<p><strong>Samedi 10 avril 2021 – 13 heures – Rennes</strong></p>
<p>Changement d'ambiance.<br />Des cars de CRS forment le comité d'accueil sur le mail François-Mitterrand, lieu du rendez-vous pour le deuxième acte des Soulèvements de la Terre. En plein confinement, les organisateur·ices avaient réussi un tour de force : faire accepter par la Préfecture d'Ille-et-Vilaine la manifestation du matin. Mais pas question pour elle de valider les réjouissances du reste du week-end : plantations, tournoi de football…<br />La pluie tombe drue. La manifestation est finalement reportée au début d'après-midi. Elle est donc illégale. Près de 500 personnes sont tout de même venues, de tous âges et, réunies derrière des banderoles, prennent la direction de La Prévalaye.</p>
<p>Ce quartier, qui s'étend sur 450 hectares à l'ouest de la ville de Rennes, a toujours eu une vocation agricole, notamment maraîchère. Des surfaces boisées et des zones humides sont particulièrement appréciées des habitant·es qui s'y promènent souvent le dimanche.<br />Refusant l'installation de nouveaux agriculteur·ices, la métropole rennaise préfère les sites touristiques et récréatifs, ou laisser le Stade rennais étendre ses infrastructures. Trois hectares doivent ainsi prochainement être transformés en parking et servir le centre d'entraînement de football.<br />C'est sur ces parcelles que sont prévus symboliquement les Soulèvements de la Terre.</p>
<p><em>« La Prévalaye incarne un non-sens,</em> explique une des membres de l'organisation, paysanne en Bretagne. <em>La municipalité socialo-écolo de Rennes prône le « Zéro Artificialisation », alors qu'elle permet ce type de projets. Nous avons besoin d'une ceinture verte autour de la ville pour nourrir la population. Nous devons remettre du sens dans les priorités : nous ne sommes pas contre le football, mais nous considérons qu'il est prioritaire de nourrir les gens sainement. »</em></p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_cortège_foot.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le cortège des manifestant·es à Rennes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_cortège_foot.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="667" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />En septembre et en janvier, des rassemblements avaient déjà eu lieu sur place, pour informer la population. Un collectif d'habitant·es et d'usager·es s'est monté. <em>« Il faut que nous puissions réduire la fracture entre urbains et ruraux, que nous tissions de nouveaux liens pour faire prendre conscience des réalités de l'agriculture d'aujourd'hui. »</em><br />Trouve-t-elle que l'écho est favorable ? <em>« Oui, depuis les Gilets Jaunes et avec la crise sanitaire et les confinements, les gens réfléchissent. Ils réalisent l'importance de manger local. »</em></p>
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<h3>(Re)prise de terres en bonne et due forme</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>___________________________________________________</strong></span><span style="color: #ff615d;"> <br /></span></p>
<p>Le cortège a traversé sans encombre une petite partie de la ville, s'arrangeant avec les automobilistes qui, parfois, klaxonnent gaiement en signe de soutien. Quelques graffs sur les murs. Un arrêt pour dérouler la banderole au-dessus de la rocade et bientôt, les infrastructures du Stade rennais sont en vue. L'atmosphère se crispe un peu : les CRS sont là et barrent l'accès au centre d'entraînement et la seconde parcelle.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_rocade.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une banderole est déployée sur le pont qui enjambe la rocade de Rennes."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_rocade.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="894" height="596" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />La première est bientôt investie par les manifestant·es qui ont apporté pelles, pioches et fourches-bêches et entreprennent de planter, semer. Une (re)prise de terres en bonne et due forme. Malgré la pluie qui ne cesse que par intermittence, le sourire est sur tous les visages. Une petite restauration avec des tourtes véganes, des cookies, des tartines et un thé chaud réchauffe aussi les cœurs.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_plantations.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'occupation des terres : planter, semer..."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_plantations.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="521" height="781" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Mais bientôt, il faut partir. Les CRS perdent patience. Le retour sera néanmoins joyeux, au rythme d'un système-son diffusant des chansons entraînantes. La manifestation prend fin là où elle a démarré, place des Lices, où de nouveau les CRS ont été postés pour empêcher l'accès au centre-ville.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_CRS_2.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les CRS empêchent l'accès à l'une des parcelles concernée par le projet."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_CRS_2.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="1000" height="667" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br />Le petit groupe de manifestant·es restant entonne le « Fuck You » de la chanteuse Lili Allen, le doigt levé bien haut en direction des uniformes bleus… A Rennes, les mauvais rapports entre la police et une partie de sa population ne datent pas d'hier. La répression des luttes sociales a laissé des traces, notamment celles des dernières en date, les Gilets jaunes et la loi Travail.</p>
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<h3>Un choix politique</h3>
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<p><em></em><span style="color: #ff615d;"> </span>Sur la route qui me ramène dans mon Berry d'adoption, je pense aux actes qui se préparent.<br />Les 22 et 23 mai, dans la Haute-Loire, le collectif « La lutte des Sucs » appelle à des manifestations et des semis pour dénoncer le tracé de la RN88, le chantier routier le plus important actuellement en France. Une trentaine de fermes et plus de 140 hectares de forêts, zones humides, prés, sources, haies seraient impactés.<br />Du 19 au 21 juin, au sud de Nantes, les paysan·nes et habitant·es de Saint-Colomban attendent du renfort pour monter un camp contre l'extension des sablières du cimentier Lafarge.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_fourche.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les rendez-vous pour défendre les terres agricoles vont se multiplier."><img src="http://www.rebonds.net/images/SOULEVEMENTS/rennes_fourche.JPG" alt="rennes banderoles 1" width="761" height="835" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>Sur le plateau du Saclay, des occupations devraient freiner le projet du Grand Paris, qui artificialise les dernières terres agricoles de la région, jugées pourtant extrêmement fertiles.<br />A l'été, un grand rassemblement devrait marquer la fin de la saison 1. Car il y en aura une seconde ! Une grande marche vers le ministère de l'Agriculture est déjà annoncée pour l'automne…<span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p>Ce mouvement est inéluctable et rien ne l'arrêtera. Sans doute est-il encore considéré comme marginal. Mais il est rejoint par de plus en plus d'habitant·es qui voient bien que le mode de vie qu'on leur vend depuis des décennies n'est plus tenable, que les crises sanitaires sont directement liées aux choix catastrophiques des politiques et industries qui n'entendent que la raison du profit. Alors, que faire ?<span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p><em>« Faire date. Agir ensemble au fil des saisons. Jeter toutes nos forces dans la bataille. Remuer ciel et terre. Entre la fin du monde et la fin de leur monde, il n'y a pas d'alternative. Rejoignez les Soulèvements de la Terre. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (1)</span></p>
<p><strong>Textes et photos : Fanny Lancelin</strong></p>
<p style="text-align: left;"><span style="font-size: 8pt;">(1) Extrait de l'appel des Soulèvements de la Terre : <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/">https://lessoulevementsdelaterre.org/</a><br />(2) ZAD : Zone A Défendre.<br />(3) Données : Mutualité Sociale Agricole. <a href="https://statistiques.msa.fr/publication/les-installations-de-chefs-dexploitation-agricole-en-2019-infostat/">https://statistiques.msa.fr/publication/les-installations-de-chefs-dexploitation-agricole-en-2019-infostat/</a><br />(4) <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols">https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols</a><br />(5) <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri326/primeur326.pdf">https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri326/primeur326.pdf</a><br />(6) <a href="https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/sites/artificialisation/files/fichiers/2020/06/rapport%20V3%20complet.pdf">https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/sites/artificialisation/files/fichiers/2020/06/rapport%20V3%20complet.pdf</a><br />(7) <a href="https://www.pleinchamp.com/les-guides/trouver-des-terres-pour-s-installer~les-terres-agricoles-un-enjeu-majeur-panorama-du-foncier-en-france">https://www.pleinchamp.com/les-guides/trouver-des-terres-pour-s-installer~les-terres-agricoles-un-enjeu-majeur-panorama-du-foncier-en-france</a><br />(8) <a href="https://www.france-insoumise-rennes-metropole.fr/viasilva-cesson-sevigne-halte-a-la-politique-beton/">https://www.france-insoumise-rennes-metropole.fr/viasilva-cesson-sevigne-halte-a-la-politique-beton/</a></span></p>
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<h3 class="panel-title">Plus</h3>
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<p>Retrouvez l'ensemble des informations sur les Soulèvements de la Terre, l'appel, les comptes rendus et les prochains rendez-vous sur <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/">https://lessoulevementsdelaterre.org/</a></p>
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