# 53 Toujours là (décembre 2021) http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations Thu, 11 May 2023 19:33:36 +0200 Joomla! - Open Source Content Management fr-fr « Retour à Reims [Fragments] », Jean-Gabriel Périot http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/738-retourareimsfragmentsjeangabrielperiot http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/738-retourareimsfragmentsjeangabrielperiot

Ce n'est pas une adaptation du « best-seller » de Didier Eribon que Jean-Gabriel Périot propose ici. Grâce à son talent de réalisateur-monteur, il donne à l'histoire une nouvelle dimension. S'il s'attache au parcours des femmes de la famille de l'auteur, il lie intime et collectif pour raconter l'évolution de la classe ouvrière en France, des années 1930 à aujourd'hui. Dans un intense crescendo, il termine sur le combat des Gilets Jaunes.

Au départ, « Retour à Reims » est un essai à la fois biographique et sociologique, écrit en 2009 par le philosophe et sociologue Didier Eribon (1). Il raconte comment, à la mort de son père, il retourne dans sa ville natale. Transfuge de classe (2), il dresse dans son livre le portrait de son milieu d'origine et, à travers ses parents et grands-parents, l'évolution de la classe ouvrière du XXe siècle.

Jean-Gabriel Périot a surtout retenu l'histoire de la grand-mère et de la mère de Didier Eribon. La première, partie volontairement en Allemagne en 1940, abandonna la seconde qui fut placée en hospice et dut travailler toute sa vie comme employée de maison au lieu de devenir, comme elle le rêvait, institutrice. Par un jeu de montage d'images d'archives (actualités, interviews, extraits de films, reportages...) dont il est l'un des spécialistes en France (3), le réalisateur superpose à cette histoire familiale celle de la classe ouvrière tout entière.

Il donne à voir les mécanismes de domination et les conséquences concrètes, physiques, de l'exploitation. Il montre aussi comment, génération après génération, s'opère l'exclusion de toute une partie du peuple français puis une forme d'auto-exclusion, de résignation, de désespérance. Ainsi, le témoignage de jeunes issus des milieux populaires dans les années 1970 qui préfèrent aller à l'usine plutôt que de poursuivre leurs études, ne se sentant pas à leur place dans un système scolaire institué pour les élites. Iels se persuadent que c'est à l'usine qu'est leur place, que c'est là seulement qu'iels y trouveront le bonheur.

Comment, politiquement, cette classe ouvrière a-t-elle évolué ? Jean-Gabriel Périot reprend l'un des thèmes forts du livre de Didier Eribon : la montée du Front National. La mère de l'auteur lui a avoué un jour avoir fini par voter pour l'extrême droite. Certain·e·s ouvrier·e·s, ne se sentant plus représenté·e·s par le Parti Communiste, se sont regroupé·e·s derrière Jean-Marie Le Pen dans l'espoir de pouvoir défendre à ses côtés leur identité collective.

Mais la classe ouvrière n'est pas une. Elle est multiple. Et derrière les banderoles et les barricades, battent toujours le cœur de l'indignation et la colère. C'est ainsi que dans un montage incisif, le documentaire prend fin par les manifestations des Gilets Jaunes...

« Retour à Reims [Fragments] » est visible en replay, gratuitement, sur Arte jusqu'au 28 mai 2022 : https://www.arte.tv/fr/videos/091137-000-A/retour-a-reims-fragments/

(1) Edité chez Fayard, « Retour à Reims » est le premier essai d'un diptyque intitulé « Le cycle du retour ». Le second s'intitule « La suite comme verdict » (éditions Fayard, 2013).
(2) Transfuge de classe : individu ayant vécu un changement de classe sociale, de milieu social au cours de sa vie.
(3) Avec cette même technique, Jean-Gabriel Périot a réalisé « Eût-elle été criminelle » (2006) et « Une jeunesse allemande » (2015).

 

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200
« Plein le dos » http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/739-pleinledos http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/739-pleinledos

« On n'entre pas dans un monde meilleur sans effraction » ; « Ils ont la police, on a la peau dure » ; « Dans grève, il y a rêve » ; « Pour eux des couilles en or, pour nous des nouilles encore »… Ce sont quelques-uns des messages inscrits et photographiés sur les dos des gilets aux bandes réfléchissantes durant les manifestations. Un collectif en a recueillis 365 pour éditer un livre. Mais son action ne s'arrête pas là.

« Plein le dos » est un collectif né en 2019 et constitué de personnes engagées dans les manifestations des Gilets Jaunes, réalisant et diffusant des créations graphiques.
Sur son site Internet (1), le collectif explique : « Plein le dos est un projet artistique, politique et éthique. L’idée est apparue face aux messages vus sur les dos de gilets lors des manifestations parisiennes, qui racontaient tout autre chose que ce que disaient les médias dominants sur les Gilets Jaunes. Des messages de colère, de nombreux messages de précaires demandant simplement à pouvoir vivre de leur salaire. Des infirmières, des enseignants, des auxiliaires de vie, des ouvrières… Des messages pour l’écologie, des citations politiques et émancipatrices, des références littéraires, des dessins, des caricatures, de la poésie, de l’humour… Au moment où l’on entendait parler de cahiers de doléances, de débat national, au moment où certains disaient qu’il ne s’agissait que d’un mouvement d’illettrés haineux, il a semblé indispensable de donner à voir la réalité du terrain. »

Grâce à un appel à contributions, le collectif a regroupé des centaines de photographies, qu'il a d'abord publiées et diffusées sous forme d'affiches recto-verso (les feuilles jaunes), pliées à la manière d'un journal. Treize numéros ont progressivement vu le jour, vendus à prix libre dans toute la France, au profit des blessé·e·s et des incarcéré·e·s du mouvement, des caisses de défense collective et de grève. En juin 2021, 33.650 euros leur avaient ainsi été versés.

« Plein le dos » est aussi le titre d'un livre bilingue, paru aux Editions du bout de la ville : dans le même esprit que les feuilles jaunes, il révèle 365 photographies de dos de gilets, sur lesquels on peut lire des slogans, des histoires, des citations, des blagues, des insultes, des extraits de chansons, des revendications… Par exemple :
« Pas de justice climatique sans justice sociale »
« Aujourd'hui les gestes barrières, demain les gestes barricades »
« Le gouvernement nous pisse dessus, les médias disent qu'il pleut »
« Il y a du sang des pauvres dans l'argent des riches »
« Sous les gilets, la rage »
« C'est parce que nous les ouvrons qu'ils nous crèvent les yeux »
« Mettre un banquier à la tête de l’Etat, c'est comme mettre un alcoolique à la cave »
« Celui ou celle qui ne bouge pas, ne peut pas sentir ses chaînes »
« Sois le changement que tu veux voir dans le monde »
« Le monde est à ceux qui se soulèvent tôt »...

Difficile de ne pas faire de parallèle avec les photographies qui immortalisèrent les slogans de Mai 68, graffitis ou affiches sur les murs. Les feuilles jaunes et le livre de « Plein le dos » participent de la même logique : faire trace d'un instant historique, témoigner de l'esprit créatif d'une révolte et de celleux qui la portent, et inspirer les soulèvements à venir.

Les bénéfices du livre sont aussi reversés à des caisses de soutien, aux blessé·e·s et incarcéré·e·s. Il est possible de le commander via le site de la maison d'édition : http://leseditionsduboutdelaville.com/index.php?id_product=11&controller=product

(1) https://pleinledos.org/

 

 

 

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200
« Elise et les nouveaux partisans », Dominique Grange et Tardi http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/740-eliseetlesnouveauxpartisans http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/740-eliseetlesnouveauxpartisans

Autrice, compositrice, interprète, Dominique Grange fut aussi une militante active de la Gauche Prolétarienne dès les années 1960. Avec le célèbre dessinateur Jacques Tardi (1), elle s'inspire de son histoire personnelle pour raconter comment une jeune femme a participé activement à la lutte contre le capitalisme sous toutes ses formes, des manifestations à la clandestinité. Mais cette bande dessinée n'est pas qu'un portrait : elle rappelle des faits majeurs de l'Histoire de France, pourtant méconnus, jamais enseignés.

La répression policière et politique contre celleux qui s'opposent à l'ordre établi n'est pas nouvelle. Les premières planches de « Elise et les nouveaux partisans » le rappellent. Le 17 octobre 1961, des milliers d'immigré·e·s algérien·ne·s défilèrent dans Paris pour exiger la fin du couvre-feu qui leur était imposé dans leurs bidonvilles par le préfet Papon. Combien furent jeté·e·s à la Seine ? On l'ignore encore. Quatre mois plus tard, le 8 février 1962, 60.000 personnes répondaient à l'appel des syndicats et du Parti Communiste pour protester contre la guerre d'Algérie. Bilan : 9 morts, 250 blessé·e·s…
Durant Mai 68, le slogan « CRS - SS » fleurit sur les murs, à mesure que les charges, les coups et les arrestations se faisaient de plus en plus violents. Les saisies des journaux considérés dangereux par le pouvoir en place étaient monnaie courante, comme « La cause du peuple » repris en 1970 par Jean-Paul Sartre après que les deux directeurs ont été arrêtés et emprisonnés.

L'héroïne de la bande dessinée, Elise, est elle-même arrêtée en octobre 1971 lors d'une manifestation exigeant la justice pour un jeune Algérien de 15 ans tué d'un coup de fusil en pleine tête par un chauffeur-livreur… Elle est condamnée à six semaines de prison ferme à l'isolement pour « violences, voies de fait et outrages envers des agents de la force publique », elle qui ne se débattit pas mais fut largement bastonnée, humiliée, insultée…
Avec ses camarades de la GP (Gauche Prolétarienne), elle est de toutes les manifestations, écrit des chansons qu'elle interprète sur les piquets de grève, distribue des tracts, organise des tournées dans les campagnes pour diffuser la contre-information, s'établit en usine afin de sensibiliser de l'intérieur les ouvrier·e·s à la cause...

Le propos principal de Dominique Granche et de Tardi n'est pas – seulement – de dénoncer l'autoritarisme dont faisait montre l’Etat à l'époque. Il est aussi et surtout de montrer avec quelle détermination des groupes d'étudiant·e·s, de jeunes actif·ve·s, d'ouvrier·e·s syndiqué·e·s ou non, se mobilisèrent durant plus d'une décennie pour dénoncer les inégalités sociales, les cadences infernales dans les usines et les mines, les licenciements abusifs, les conditions de vie indignes des travailleur·se·s immigré·e·s, les crimes racistes jamais condamnés… Iels se sont battu·e·s pour la défense des droits humains, des droits des femmes, des prisonnier·e·s et de la liberté d'expression. Souvent à visage découvert, exposant leur existence et celles de leurs proches à de lourdes conséquences. Parfois dans la clandestinité, comme dut le vivre Elise et Dominique Granche une partie de leur vie. « Nos motivations étaient légitimes, écrit l'autrice dans la postface de la bande dessinée, et intacte notre volonté de changer le monde, ce qui a permis à beaucoup d'entre nous, jusqu'à ce jour, de ne jamais déserter le maquis des luttes. »
C'est ainsi qu'iels ont ouvert la voie aux nouveaux et nouvelles partisan·e·s (2), qui poursuivent le combat aujourd'hui pour une société plus juste et plus solidaire.

« Elise et les nouveaux partisans » est paru le 3 novembre 2021 aux éditions Delcourt. Plus d'informations sur https://www.editions-delcourt.fr/bd/series/serie-elise-et-les-nouveaux-partisans/album-elise-et-les-nouveaux-partisans

(1) Tardi : https://www.bedetheque.com/auteur-141-BD-Tardi-Jacques.html
(2) Le titre de la bande dessinée renvoie à la chanson de Dominique Granche « Nous sommes les nouveaux partisans », écrite en 1970 : https://www.youtube.com/watch?v=ZovX27v41rM

 

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200
« Je ne suis pas ton pauvre », Stéphane Vuillet http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/741-jenesuispastonpauvre http://www.rebonds.net/53toujoursla/157-recreations/741-jenesuispastonpauvre

Ecrite en deux semaines et tournée en neuf jours, cette fiction retrace une journée de préparation d'une manifestation à Paris, par un petit groupe de Gilets Jaunes vivant en Bourgogne. Leurs tempéraments, leurs existences, leurs idées politiques même, sont très variés. Alors, qu'est-ce qui les fera rester ensemble, solidaires jusqu'au bout ?

Le film s'ouvre sur Lou, à bicyclette, filant à vive allure dans la campagne de Beaune. Elle porte son gilet jaune, et s'apprête à rejoindre ses compagnes et compagnons de rond-point. Un mois qu'elle ne les a pas vu·e·s. Un mois qu'elle croupissait en prison pour une bouteille en plastique jetée en direction des forces de l'ordre, dans une manifestation qui a dégénéré. Quand elle retrouve ses ami·e·s, ému·e·s, elle leur annonce la sentence : trois ans de sursis avec un an de mise à l'épreuve. « Ils pensent qu'on est des terroristes », soupire-t-elle.

A travers elle, on perçoit les doutes de ceux et celles qui ont eu affaire à la répression incroyable dans une démocratie, du mouvement des Gilets Jaunes. Qu'est-ce qui les a poussé·e·s, encore et encore, à retourner manifester ? La pauvreté. Du porte-feuille mais aussi de l'existence. « On ne mérite pas de vivre dans cette mocheté dans laquelle ils nous mettent, confie en pleurant Sandrine, infirmière, à une journaliste amie venue les filmer. C'est horrible, j'ai envie de crier, j'ai envie de crier à longueur de journée en ce moment. Et c'est pas normal ! »

Il y a aussi un tonnelier bientôt obligé de licencier. Un père qui tente de convaincre sa fille de rentrer à la maison. Un policier en arrêt maladie après un pétage de plomb lors de l'expulsion d'une usine. Un couple au bord de l'implosion parce que le mari n'arrive plus à payer le crédit de la maison ni remplir le frigo, et qu'il panique à l'idée de devoir compter uniquement sur le salaire de sa femme : « J'suis quoi, si je ne peux pas me battre ? » lui demande-t-il.

Et puis un jeune homme, blessé lors d'une précédente manifestation, l'oreille encore ensanglantée. Lui a voté Le Pen, « les deux tours ». Aux yeux écarquillés qui le fixent, il demande, goguenard, ce qu'il aurait dû faire : voter Hollande en 2012, comme son frère qui a perdu son travail aux Hauts-Fourneaux malgré les promesses du candidat socialiste ? Ou Sarkozy en 2007, comme son père qui est retourné travailler malgré son incapacité, parce que ce président de droite a eu la riche idée de transformer le RMI en RSA ? Ou au Centre, comme elleux tou·te·s, pour se retrouver avec Macron, « ce connard qui nous fait tirer dessus à bout portant ». Alors, oui, il a voté Le Pen…
Mais il est là, comme les dix autres, à réfléchir et à douter. Leur seule certitude : ensemble, iels se sentent vivant·e·s, iels ont à nouveau l'impression d'exister. Jusque là, iels courbaient la tête mais iels ont décidé de la relever.

Le film a été écrit lors d'un atelier mis en place par Les Chantiers Nomades et destiné à des comédien·ne·s professionnel·le·s. Avec la complicité du scénariste Jean-Sébastien Lopez (nommé aux Magritte du cinéma belge et aux Césars, et militant impliqué dans les manifestations Gilets Jaunes), Stéphane Vuillet a écrit un squelette d’histoire, laissant la place à l’improvisation et à l’écriture spontanée pendant le tournage. L'équipe a été rejointe par le comédien Jacques Gamblin, pour de précieux conseils.

Le film, sorti en octobre dernier, est visible gratuitement sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=f6CMIkgKdXM

 

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Récréations Sun, 02 Apr 2017 20:07:14 +0200