# 57 Sans Fumier ! (avril 2022)(Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale.http://www.rebonds.net/57sansfumier2023-05-11T19:09:20+02:00(Re)bonds.netJoomla! - Open Source Content ManagementLe fumain2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/57sansfumier/771-lefumainSuper User<p><strong>Utiliser le compost issu des urines et matières fécales des humain·es : un moyen efficace pour fertiliser les sols ? Des chercheurs se sont penchés sur le sujet. Ibiscus, de l’association Carpelle, <em>(lire aussi la rubrique (Ré)acteur·ices)</em> nous en propose ici une synthèse.</strong></p>
<p>Tout comme l’agriculture biologique, l’agriculture sans intrant d’élevage ne fait pas appel aux engrais industriels. Elle s’en distingue cependant, comme son nom l’indique, en se passant des intrants d’origine animale (fumier, lisier et sous-produits d’abattoirs). Cela implique des pratiques spécifiques en matière d’entretien et d’apports en fertilité des sols : rotations, engrais verts, compostage etc.</p>
<p>Néanmoins, il est un intrant d’origine animale, qu’il serait possible d’utiliser dans le cadre de cette agriculture (comme dans les autres) et qui permettrait d’accroître l’autonomie en fertilité et la circularité des nutriments. Que cela n’entre pas en contradiction avec les principes éthiques, politiques et écologiques de l’agriculture sans intrant d’élevage tient, on l’aura compris, à l’animal en question, l’animal humain. Et oui, les excrétas humains (les urines et matières fécales) peuvent être utilisés en agriculture, moyennant précautions.</p>
<p>Si leur emploi à grande échelle est pour le moment limité par une variété d’obstacles (en particulier juridiques, techniques et psychologiques), des solutions existent déjà. Il s’agit d’un sujet plus vaste qu’il n’y paraît, à la croisée des questions agronomiques, d’assainissement et environnementales.<br />Pour cette petite introduction, je partirai du procédé le plus connu en la matière, à savoir les Toilettes à Litières Biomaîtrisées (TLB), le nom technique des toilettes sèches à compost que vous aurez peut-être déjà utilisées en festival ou chez des personnes disposant d’un jardin. Les atouts et limites de cette technique permettront d’aborder les questions suivantes : est-ce salubre ? Quel intérêt agronomique ? Quelle faisabilité à plus ou moins grande échelle ?</p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Des toilettes à litières biomaîtrisées, qu’est-ce que c’est ?</span></strong></p>
<p>Parmi les nombreuses formes de toilettes sèches, la spécificité de la TLB est de traiter les excrétas humains via le compostage.<br />Il existe déjà d’assez nombreuses ressources quant à la construction et la gestion d’une TLB <em>(lire l’encadré)</em>. Je m’attarde donc ici davantage sur le compostage, en particulier à partir des travaux de Joseph Jenkins.</p>
<p>Le système des TLB nécessite des toilettes, en l’occurrence une surface trouée et dotée d’une lunette, d’un seau placé au niveau du trou, de la litière riche en carbone (généralement de la sciure) et entre deux et trois mètres carrés de jardin pour le compostage. Les excréments et urines ne sont pas évacués dans de l’eau potable mais dans un seau tapissé d’une première couche de litière et à nouveau recouvert après chaque passage. À ce stade, la litière permet d’absorber l’humidité et de neutraliser les odeurs.</p>
<p> </p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/Compost_toilet.jpg" alt="Compost toilet" width="383" height="452" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p> </p>
<p>Au niveau du compostage, il est nécessaire de mettre en place trois bacs à compost. Le compost obtenu à partir du fumain doit en effet reposer au moins une année après le dernier apport et idéalement une année supplémentaire. Les trois bacs permettent ainsi un roulement : le premier sert aux dépôts, le second au compostage d’une année et le dernier à une troisième année de compostage avant utilisation. Cette durée tient, comme on le verra plus bas, à des raisons sanitaires.</p>
<p>Une fois le seau rempli, on en verse le contenu (papier toilette compris) dans un bac à compost préalablement tapissé d’une bonne couche de matière organique riche en carbone et l’on recouvre à nouveau avec de la matière organique riche en carbone à chaque dépôt. La litière, entre autres fonctions, permet ici d’absorber l’humidité et de garantir le bon déroulement du processus de compostage en évitant qu’il ne sèche ou, au contraire, qu’il ne devienne trop humide par temps de pluie.<br />Le processus dépend de l’action de toute une faune (micro-organismes, champignons, vers et insectes) qui, pour se développer, nécessite des quantités de carbone (C) et d’azote (N) suffisantes. Tout au long du processus, le tas réduit considérablement et l’on obtient à terme un compost de bonne qualité.</p>
<p>Est-ce que ça pue ? Non, comme pour le compostage classique, la puanteur est l’indice d’un problème (trop sec, humide, déséquilibré, etc.). Deux pratiques permettent de neutraliser les odeurs au niveau du bac : d’abord, ne pas se contenter de déposer le contenu du seau sur le dessus du tas mais creuser un peu pour l’enfouir. Ensuite, recouvrir le tas d’un nouvel apport de matière organique à chaque ajout.<br />Au niveau des toilettes, on a vu que l’utilisation de litière neutralisait l’odeur. Il importe cependant de laver le seau après l’avoir vidé, par exemple à l’eau et au vinaigre blanc. Mise à part cette spécificité, l’entretien est le même que pour des toilettes à eau, la plomberie en moins.</p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Mais est-ce bien sain tout ça ?</span></strong></p>
<p>Une partie du dégoût qu’inspirent dans nos sociétés les excrétas humains tient aux problèmes de santé publique que leur traitement peuvent poser et ont posé par le passé, avec par exemple les épidémies massives de choléra dans les grandes agglomérations européennes du XIXème siècle. Il s’agit encore aujourd’hui d’un enjeu de santé publique majeur. En 2012, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) estimait ainsi que les diarrhées liées à un assainissement défaillant causaient 1,8 million de morts par an, essentiellement chez les enfants de moins de cinq ans <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Deux ensembles de risques sont à prendre en compte : les premiers liés à des agents pathogènes biologiques (par exemple, des virus), les seconds à des micropolluants (par exemple, des résidus médicamenteux).</p>
<p>Sans entrer dans les détails, on notera que matières fécales et urine ne présentent pas le même degré de risque. Contrairement aux matières fécales, l’urine est en effet salubre chez les individus sains et sous nos latitudes. Qui plus est, un simple stockage d’un à six mois permet d’éliminer tout danger sur ce plan <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/Litière_de_chanvre.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/Litière_de_chanvre.jpg" alt="Litière de chanvre" width="400" height="300" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Quant aux risques liés à la présence de micropolluants dans l’urine, le chercheur Fabien Escudier et l’ingénieur agronome Renaud de Looze estiment qu’ils sont limités. Ils se réfèrent en particulier à l’OMS qui, dans un guide datant de 2012, a estimé que l’usage agricole d’urine ne présentait pas de risque, moyennant, là encore, stockage préalable<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Elle est, de fait, utilisée à plus ou moins large échelle dans quelques pays comme la Chine, les États-Unis ou encore l’Afrique du Sud. Qui plus est, les excrétas des animaux humains présentent des teneurs en résidus médicamenteux très inférieures aux effluents d’élevage conventionnel, sans parler des autres micropolluants spécifiquement liés à ce type d’agriculture.</p>
<p>Pour autant, le sujet n’est pas clos. Tristan Martin, qui a consacré sa thèse à la valorisation agricole de l’urine humaine, note que les recherches sur le sujet manquent, notamment pour ce qui est de l’efficacité du traitement par stockage <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Ce manque de données a pu constituer un frein à la valorisation agricole de l’urine. Fabien Escudier explique que les projets allemands d’expérimentation en la matière ont été arrêtés en grande partie en vertu d’un principe de précaution vis-à-vis des risques potentiellement induits par les résidus médicamenteux <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">En quoi la TLB est-elle une bonne solution sur le plan des risques sanitaires ?</span></strong></p>
<p>En plus d’être économe en eau et en infrastructures, le système des TLB s’avère particulièrement efficace sur le plan sanitaire. Au moins autant, sinon davantage que les procédés d’assainissement collectifs conventionnels (stations d’épuration) et certainement davantage que les fosses sceptiques, selon Joseph Jenkins. À quoi tient cette efficacité ? À deux spécificités du processus de compostage : la montée en température et la biodiversité du tas de compost.</p>
<p>Le processus de compostage comprend des périodes plus ou moins longues de montée en température (jusqu’à 70°C), due à l’action de bactéries dites méso et thermophiles, qui permettent l’élimination d’une grande partie des éléments pathogènes.</p>
<p>Le second élément est la biodiversité présente dans le tas de compost. Plus celle-ci est importante, plus les éléments pathogènes subissent les effets de la concurrence pour les ressources, de la prédation ou des substances antibiotiques produites par certaines bactéries. C’est ce qui explique que si chaque parcelle du compost n’a pas été exposée aux températures élevées, elles n’en sont pas moins assainies au terme du processus. La durée de compostage est donc ici essentielle et c’est ce qui explique le temps de repos d’au moins deux années. Le processus n’élimine pas systématiquement tous les pathogènes, mais il les affaiblit et les réduit à des quantités inoffensives. Le compost obtenu n’est pas stérile mais assaini.</p>
<p>Concernant les micropolluants, le compostage s’avère également d’une grande efficacité. Joseph Jenkins montre, études à l’appui, que le compostage permet d’éliminer différents types de micropolluants et notamment de résidus médicamenteux, en particulier antibiotiques. Certes, il n’est pas efficace pour tous les micropolluants mais Jenkins montre que le compost obtenu est beaucoup moins pollué que les effluents d’élevage et les boues de stations d’épuration <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.</p>
<p>Pour un travail restreint, le compostage s’avère ainsi être une étape essentielle en matière de salubrité. Il importe donc de bien le mener. En particulier, le compostage doit avoir lieu dans un bac. Contrairement à un stockage dans un trou, cela garantit la présence d’oxygène, nécessaire au processus de compostage. Le bac permet également une meilleure isolation, contrairement à un simple tas.</p>
<p>Enfin, une bonne manière de savoir s’il est temps d’utiliser le compost est de recourir à un thermomètre. Tant que la température du compost est sensiblement supérieure à l’air ambiant, le processus n’est pas fini. Surtout, si la température n’a jamais dépassé les 50°C pendant plusieurs jours, il importe de laisser le tas reposer deux années après le dernier apport. Joseph Jenkins recommande par précaution d’éviter d’utiliser le compost obtenu pour les cultures destinées à l’alimentation. Bien sûr, les règles basiques d’hygiène s’appliquent : laver le seau après l’avoir vidé avec de l’eau et ensuite un peu de vinaigre, se laver les mains, laver régulièrement ses toilettes, redoubler d’attention lorsque des usagèr·es sont malades.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Quelles performances agronomiques ?</span></strong></p>
<p>Le système des TLB constitue une excellente alternative en matière d’assainissement non collectif : il permet à la fois de substantielles économies en eau, en infrastructure (et donc en coûts) et s’avère particulièrement salubre.<br />Mais qu’en est-il de ses performances agronomiques ?</p>
<p>Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord connaître les quantités de nutriments présents dans les excrétas humains.</p>
<p>Selon une étude suédoise citée par l’association Terr’eau, les excrétas humains quotidiens contiendraient en moyenne par personne 12,5 g d’azote, 1,5 g de phosphore et 3,8 g de potassium. <em>« En croisant ces données avec la consommation actuelle d’engrais NPK en France et le rendement moyen du blé,</em> peut-on lire sur le site de l’association, <em>chaque individu excréterait ainsi chaque jour de quoi fertiliser la terre nécessaire pour produire 500 g de blé tendre! »</em> <span style="font-size: 8pt;">(7)</span></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/composition_croisée_eaux_domestiques.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/composition_croisée_eaux_domestiques.jpg" alt="composition croisée eaux domestiques" width="724" height="420" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Si l’on regarde de plus près, on constate, comme le représente le graphique qui précède, que les nutriments présents dans nos excrétas sont inégalement répartis : la teneur en NPK des urines est beaucoup plus importante que celle des matières fécales, et tout particulièrement pour l’azote. Ainsi, selon Fabien Escudier, <em>« les matières fécales sont une voie d’excrétion de l’azote environ neuf fois moins importante que l’urine<span style="font-size: 8pt;"></span>. » <span style="font-size: 8pt;">(8)</span><em></em></em> Telle quelle, l’urine correspond à un engrais dit de qualité supérieure, auquel il ne manque que des teneurs plus élevées en magnésium et en souffre pour être qualifié d’engrais « universel ».</p>
<p>Alors, quelle est la qualité agronomique du compost issu de la TLB ?<br />Dans sa thèse, Fabien Escudier avance que les performances sont assez similaires à celle du fumier. Le chercheur estime <em>« raisonnable de retenir comme ordre de grandeur moyen une circularité globale de 50 % »</em> concernant l’azote. Malgré ces pertes, sur le plan de la circularité des nutriments, la TLB s’avère bien plus performante que les modes d’assainissement conventionnels.</p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Les limites de la TLB</span></strong></p>
<p>Malgré tous ses atouts, le compostage des excrétas humains présente un certain nombre de limites, particulièrement saillantes en passant à une autre échelle que celle allant du particulier disposant d’un jardin au festival. Tout d’abord, à court et moyen termes, cette solution ne concerne qu’un nombre limité de personnes et semble peu généralisable en contexte urbain. Et ce, du fait de la densité du bâti et des difficultés à modifier l’existant pour intégrer un tel système.</p>
<p>Elles tiennent ensuite aux pollutions induites. Fabien Escudier avance ici que le système des TLB génère des pollutions à l’azote similaire au système de station d’épuration existant par exemple en région parisienne, quoi que sous une forme différente. Le premier génère une pollution par volatilisation de l’azote sous forme d’ammoniac tandis que le second entraîne une pollution des milieux aquatiques. Le chercheur en conclut que si le compostage s’avère <em>« tout à fait correct et peu dommageable en terme de pollutions locales »</em>, l’éventuelle application du procédé en milieu urbain induirait dans ce contexte de population dense <em>« les mêmes problématiques que pour l’élevage animal à forte densité en concentrant géographiquement les pollutions induites. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(9)</span></p>
<p>Sur le plan agronomique, la TLB implique une perte importante des ressources présentes dans les urines et en particulier d’azote. Or, on l’a vu, si le compostage est un procédé nécessaire pour transformer les matières fécales en un produit salubre, il n’en va pas de même pour les urines : un simple stockage permet d’éliminer le gros des risques liés à leur valorisation agricole et permet un taux de recyclage de l’azote bien supérieur. <br />À cet égard, un traitement séparé – on parle de « séparation à la source de l’urine » – apparaît comme une solution plus efficace pour accroître la circularité en nutriments de nos systèmes alimentaires. Et ce, tant à l’échelle d’un potager que de grandes cultures. La bonne nouvelle est qu’il existe des solutions pour ces différentes échelles, réalisables à court ou moyen terme. Les développer serait néanmoins l’objet d’un article à part entière...</p>
<p><strong>Ibiscus</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span><span style="font-size: 8pt;">(1) OMS, « Directives pour l’utilisation sans risques des eaux usées, des excrétas et des eaux ménagères ». Vol. II Utilisation des eaux usées en agriculture, 2012, p. 20.<br />(2) OMS, « WHO guidelines for the safe use of wastewater, excreta and greywater ». Volume 4 Excreta and greywater use in agriculture, Geneva, 2012, tableau 4.6 p.70.].<br />(3) OMS, « WHO guidelines for the safe use of wastewater, excreta and greywater ». Volume 4, Geneva, 2012, pp.119-120.<br />(4) Tristan Martin, « Valorisation des urines humaines comme source d’azote pour les plantes :<br />une expérimentation en serre », thèse soutenue en 2017, pp.65-67 : <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/06/Martin_2017_Stage_Urine_Engrais_INRA.pdf">https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/06/Martin_2017_Stage_Urine_Engrais_INRA.pdf</a><br />(5) Fabien Escudier, « Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques », thèse soutenue en 2018, pp. 370-371. (Cf. note 1).<br />(6) Celles-ci constituent le résidu final de l’assainissement conventionnel. Elles concentrent les micropolluants issus des eaux domestiques, de pluies (qui « lavent » nos villes) et industrielles. Lorsqu’elles ne sont pas incinérées ou enterrées en décharge, elles peuvent servir d’amendement pour les cultures, non sans poser de sérieuses questions de pollutions des sols : <a href="https://www.notre-planete.info/actualites/888-epandage-boues-epuration-culture-consequences">https://www.notre-planete.info/actualites/888-epandage-boues-epuration-culture-consequences</a><br />(7) « L’assainissement conventionnel », article publié sur le site de l’association Terr’eau : <a href="https://www.terreau.org/spip.php?rubrique69">https://www.terreau.org/spip.php?rubrique69</a> À noter que le « K » de NPK renvoie au potassium.<br />(8) Fabien Escudier, « Le système alimentation/excrétion... », p.72. Cf. note 1<br />(9) Fabien Escudier, « Le système alimentation/excrétion... », p.340. Cf. note 1</span></p>
<p> </p>
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<ul>
<li><strong>Références</strong> <br />
<p>Plusieurs références ont permis l’écriture de cet article :<br />- Les publications du Réseau assainissement écologique et en particulier de l’association Toilettes du monde.<br />- La thèse de Fabien Escudier, chercheur à l’École des Ponts ParisTech et responsable du programme OCAPI (Optimisation des Cycles de Carbone, Azote et Phosphore en vIlle), soutenue en 2018 sous le titre « Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques » (elle est disponible ici : <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01787854/document">https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01787854/document</a>, résumée en une page là : <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/09/R%C3%A9sum%C3%A9_Th%C3%A8se_Esculier_avril_2018.pdf">https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/09/R%C3%A9sum%C3%A9_Th%C3%A8se_Esculier_avril_2018.pdf</a> ou encore en 180 secondes dans cette vidéo : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FjzK-dgE4Os">https://www.youtube.com/watch?v=FjzK-dgE4Os</a><br />- L’ouvrage de Joseph J. Jenkins : « Le petit livre du fumain », éditions écosociété, 2017. J’ai pour ma part eu recours à la quatrième édition états-unienne, datant de 2019, non encore traduite en français et disponible ici : <a href="https://humanurehandbook.com/contents.html">https://humanurehandbook.com/contents.html</a><br />- « L’urine, de l’or liquide au jardin », de l’ingénieur agronome et pépiniériste Renaud de Looze, paru aux éditions du Terran.</p>
</li>
<li>
<p><strong>Pour aller plus loin :</strong><br /><strong> - Sur la TLB</strong><br />Le site du Réseau assainissement écologique est une excellente source sur le sujet de la TLB et plus largement de l’assainissement. On y trouve entre autres :<br />- une synthèse sur le fonctionnement et la gestion d’une TLB domestique : <a href="https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/08/fiche-toilettes-%C3%A0-liti%C3%A8re-V1.pdf">https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/08/fiche-toilettes-%C3%A0-liti%C3%A8re-V1.pdf</a><br />- une fiche d’auto construction de toilettes à litière biomaîtrisée dans ce guide : <a href="https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/04/guide-tdm-toilettes-seches-maison.pdf">https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/04/guide-tdm-toilettes-seches-maison.pdf</a><br />- des instructions pour construire ses bacs à compost au début de ce support : <a href="https://www.terreau.org/IMG/pdf/6-construction_et_realisation.pdf">https://www.terreau.org/IMG/pdf/6-construction_et_realisation.pdf</a><br />- un guide de bonnes pratiques pour le compostage des sous-produits de toilettes sèches : <a href="https://www.terreau.org/IMG/pdf/Guide-Annexes.pdf">https://www.terreau.org/IMG/pdf/Guide-Annexes.pdf</a></p>
<p><strong>- Sur la valorisation agricole de l’urine : </strong>À l’échelle d’un potager plus ou moins grand, la référence est « L’urine, de l’or liquide au jardin » de Renaud de Looze, cité plus haut. On y trouve des conseils pratiques de dosage, mais aussi comment éviter les mauvaises odeurs.<br />Cette vidéo d’entretien avec l’auteur constitue une bonne introduction au sujet : <a href="https://peertube.stream/w/qWamfJsyng99hGRE5YA6Kp">https://peertube.stream/w/qWamfJsyng99hGRE5YA6Kp</a></p>
<p><strong>- Sur les pollutions induites par l’excès d’azote et de phosphore :</strong> une excellente vidéo de vulgarisation portant sur le phénomène d’eutrophisation : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uGp3FuQnQWU">https://www.youtube.com/watch?v=uGp3FuQnQWU</a> et ce site, en anglais, concernant les neuf formes principales de pollutions induites par les excès d’azote : <a href="http://www.nine-esf.org/">http://www.nine-esf.org/</a></p>
</li>
</ul><p><strong>Utiliser le compost issu des urines et matières fécales des humain·es : un moyen efficace pour fertiliser les sols ? Des chercheurs se sont penchés sur le sujet. Ibiscus, de l’association Carpelle, <em>(lire aussi la rubrique (Ré)acteur·ices)</em> nous en propose ici une synthèse.</strong></p>
<p>Tout comme l’agriculture biologique, l’agriculture sans intrant d’élevage ne fait pas appel aux engrais industriels. Elle s’en distingue cependant, comme son nom l’indique, en se passant des intrants d’origine animale (fumier, lisier et sous-produits d’abattoirs). Cela implique des pratiques spécifiques en matière d’entretien et d’apports en fertilité des sols : rotations, engrais verts, compostage etc.</p>
<p>Néanmoins, il est un intrant d’origine animale, qu’il serait possible d’utiliser dans le cadre de cette agriculture (comme dans les autres) et qui permettrait d’accroître l’autonomie en fertilité et la circularité des nutriments. Que cela n’entre pas en contradiction avec les principes éthiques, politiques et écologiques de l’agriculture sans intrant d’élevage tient, on l’aura compris, à l’animal en question, l’animal humain. Et oui, les excrétas humains (les urines et matières fécales) peuvent être utilisés en agriculture, moyennant précautions.</p>
<p>Si leur emploi à grande échelle est pour le moment limité par une variété d’obstacles (en particulier juridiques, techniques et psychologiques), des solutions existent déjà. Il s’agit d’un sujet plus vaste qu’il n’y paraît, à la croisée des questions agronomiques, d’assainissement et environnementales.<br />Pour cette petite introduction, je partirai du procédé le plus connu en la matière, à savoir les Toilettes à Litières Biomaîtrisées (TLB), le nom technique des toilettes sèches à compost que vous aurez peut-être déjà utilisées en festival ou chez des personnes disposant d’un jardin. Les atouts et limites de cette technique permettront d’aborder les questions suivantes : est-ce salubre ? Quel intérêt agronomique ? Quelle faisabilité à plus ou moins grande échelle ?</p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Des toilettes à litières biomaîtrisées, qu’est-ce que c’est ?</span></strong></p>
<p>Parmi les nombreuses formes de toilettes sèches, la spécificité de la TLB est de traiter les excrétas humains via le compostage.<br />Il existe déjà d’assez nombreuses ressources quant à la construction et la gestion d’une TLB <em>(lire l’encadré)</em>. Je m’attarde donc ici davantage sur le compostage, en particulier à partir des travaux de Joseph Jenkins.</p>
<p>Le système des TLB nécessite des toilettes, en l’occurrence une surface trouée et dotée d’une lunette, d’un seau placé au niveau du trou, de la litière riche en carbone (généralement de la sciure) et entre deux et trois mètres carrés de jardin pour le compostage. Les excréments et urines ne sont pas évacués dans de l’eau potable mais dans un seau tapissé d’une première couche de litière et à nouveau recouvert après chaque passage. À ce stade, la litière permet d’absorber l’humidité et de neutraliser les odeurs.</p>
<p> </p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/Compost_toilet.jpg" alt="Compost toilet" width="383" height="452" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p> </p>
<p>Au niveau du compostage, il est nécessaire de mettre en place trois bacs à compost. Le compost obtenu à partir du fumain doit en effet reposer au moins une année après le dernier apport et idéalement une année supplémentaire. Les trois bacs permettent ainsi un roulement : le premier sert aux dépôts, le second au compostage d’une année et le dernier à une troisième année de compostage avant utilisation. Cette durée tient, comme on le verra plus bas, à des raisons sanitaires.</p>
<p>Une fois le seau rempli, on en verse le contenu (papier toilette compris) dans un bac à compost préalablement tapissé d’une bonne couche de matière organique riche en carbone et l’on recouvre à nouveau avec de la matière organique riche en carbone à chaque dépôt. La litière, entre autres fonctions, permet ici d’absorber l’humidité et de garantir le bon déroulement du processus de compostage en évitant qu’il ne sèche ou, au contraire, qu’il ne devienne trop humide par temps de pluie.<br />Le processus dépend de l’action de toute une faune (micro-organismes, champignons, vers et insectes) qui, pour se développer, nécessite des quantités de carbone (C) et d’azote (N) suffisantes. Tout au long du processus, le tas réduit considérablement et l’on obtient à terme un compost de bonne qualité.</p>
<p>Est-ce que ça pue ? Non, comme pour le compostage classique, la puanteur est l’indice d’un problème (trop sec, humide, déséquilibré, etc.). Deux pratiques permettent de neutraliser les odeurs au niveau du bac : d’abord, ne pas se contenter de déposer le contenu du seau sur le dessus du tas mais creuser un peu pour l’enfouir. Ensuite, recouvrir le tas d’un nouvel apport de matière organique à chaque ajout.<br />Au niveau des toilettes, on a vu que l’utilisation de litière neutralisait l’odeur. Il importe cependant de laver le seau après l’avoir vidé, par exemple à l’eau et au vinaigre blanc. Mise à part cette spécificité, l’entretien est le même que pour des toilettes à eau, la plomberie en moins.</p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Mais est-ce bien sain tout ça ?</span></strong></p>
<p>Une partie du dégoût qu’inspirent dans nos sociétés les excrétas humains tient aux problèmes de santé publique que leur traitement peuvent poser et ont posé par le passé, avec par exemple les épidémies massives de choléra dans les grandes agglomérations européennes du XIXème siècle. Il s’agit encore aujourd’hui d’un enjeu de santé publique majeur. En 2012, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) estimait ainsi que les diarrhées liées à un assainissement défaillant causaient 1,8 million de morts par an, essentiellement chez les enfants de moins de cinq ans <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Deux ensembles de risques sont à prendre en compte : les premiers liés à des agents pathogènes biologiques (par exemple, des virus), les seconds à des micropolluants (par exemple, des résidus médicamenteux).</p>
<p>Sans entrer dans les détails, on notera que matières fécales et urine ne présentent pas le même degré de risque. Contrairement aux matières fécales, l’urine est en effet salubre chez les individus sains et sous nos latitudes. Qui plus est, un simple stockage d’un à six mois permet d’éliminer tout danger sur ce plan <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/Litière_de_chanvre.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/Litière_de_chanvre.jpg" alt="Litière de chanvre" width="400" height="300" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Quant aux risques liés à la présence de micropolluants dans l’urine, le chercheur Fabien Escudier et l’ingénieur agronome Renaud de Looze estiment qu’ils sont limités. Ils se réfèrent en particulier à l’OMS qui, dans un guide datant de 2012, a estimé que l’usage agricole d’urine ne présentait pas de risque, moyennant, là encore, stockage préalable<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Elle est, de fait, utilisée à plus ou moins large échelle dans quelques pays comme la Chine, les États-Unis ou encore l’Afrique du Sud. Qui plus est, les excrétas des animaux humains présentent des teneurs en résidus médicamenteux très inférieures aux effluents d’élevage conventionnel, sans parler des autres micropolluants spécifiquement liés à ce type d’agriculture.</p>
<p>Pour autant, le sujet n’est pas clos. Tristan Martin, qui a consacré sa thèse à la valorisation agricole de l’urine humaine, note que les recherches sur le sujet manquent, notamment pour ce qui est de l’efficacité du traitement par stockage <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Ce manque de données a pu constituer un frein à la valorisation agricole de l’urine. Fabien Escudier explique que les projets allemands d’expérimentation en la matière ont été arrêtés en grande partie en vertu d’un principe de précaution vis-à-vis des risques potentiellement induits par les résidus médicamenteux <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">En quoi la TLB est-elle une bonne solution sur le plan des risques sanitaires ?</span></strong></p>
<p>En plus d’être économe en eau et en infrastructures, le système des TLB s’avère particulièrement efficace sur le plan sanitaire. Au moins autant, sinon davantage que les procédés d’assainissement collectifs conventionnels (stations d’épuration) et certainement davantage que les fosses sceptiques, selon Joseph Jenkins. À quoi tient cette efficacité ? À deux spécificités du processus de compostage : la montée en température et la biodiversité du tas de compost.</p>
<p>Le processus de compostage comprend des périodes plus ou moins longues de montée en température (jusqu’à 70°C), due à l’action de bactéries dites méso et thermophiles, qui permettent l’élimination d’une grande partie des éléments pathogènes.</p>
<p>Le second élément est la biodiversité présente dans le tas de compost. Plus celle-ci est importante, plus les éléments pathogènes subissent les effets de la concurrence pour les ressources, de la prédation ou des substances antibiotiques produites par certaines bactéries. C’est ce qui explique que si chaque parcelle du compost n’a pas été exposée aux températures élevées, elles n’en sont pas moins assainies au terme du processus. La durée de compostage est donc ici essentielle et c’est ce qui explique le temps de repos d’au moins deux années. Le processus n’élimine pas systématiquement tous les pathogènes, mais il les affaiblit et les réduit à des quantités inoffensives. Le compost obtenu n’est pas stérile mais assaini.</p>
<p>Concernant les micropolluants, le compostage s’avère également d’une grande efficacité. Joseph Jenkins montre, études à l’appui, que le compostage permet d’éliminer différents types de micropolluants et notamment de résidus médicamenteux, en particulier antibiotiques. Certes, il n’est pas efficace pour tous les micropolluants mais Jenkins montre que le compost obtenu est beaucoup moins pollué que les effluents d’élevage et les boues de stations d’épuration <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.</p>
<p>Pour un travail restreint, le compostage s’avère ainsi être une étape essentielle en matière de salubrité. Il importe donc de bien le mener. En particulier, le compostage doit avoir lieu dans un bac. Contrairement à un stockage dans un trou, cela garantit la présence d’oxygène, nécessaire au processus de compostage. Le bac permet également une meilleure isolation, contrairement à un simple tas.</p>
<p>Enfin, une bonne manière de savoir s’il est temps d’utiliser le compost est de recourir à un thermomètre. Tant que la température du compost est sensiblement supérieure à l’air ambiant, le processus n’est pas fini. Surtout, si la température n’a jamais dépassé les 50°C pendant plusieurs jours, il importe de laisser le tas reposer deux années après le dernier apport. Joseph Jenkins recommande par précaution d’éviter d’utiliser le compost obtenu pour les cultures destinées à l’alimentation. Bien sûr, les règles basiques d’hygiène s’appliquent : laver le seau après l’avoir vidé avec de l’eau et ensuite un peu de vinaigre, se laver les mains, laver régulièrement ses toilettes, redoubler d’attention lorsque des usagèr·es sont malades.</p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Quelles performances agronomiques ?</span></strong></p>
<p>Le système des TLB constitue une excellente alternative en matière d’assainissement non collectif : il permet à la fois de substantielles économies en eau, en infrastructure (et donc en coûts) et s’avère particulièrement salubre.<br />Mais qu’en est-il de ses performances agronomiques ?</p>
<p>Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord connaître les quantités de nutriments présents dans les excrétas humains.</p>
<p>Selon une étude suédoise citée par l’association Terr’eau, les excrétas humains quotidiens contiendraient en moyenne par personne 12,5 g d’azote, 1,5 g de phosphore et 3,8 g de potassium. <em>« En croisant ces données avec la consommation actuelle d’engrais NPK en France et le rendement moyen du blé,</em> peut-on lire sur le site de l’association, <em>chaque individu excréterait ainsi chaque jour de quoi fertiliser la terre nécessaire pour produire 500 g de blé tendre! »</em> <span style="font-size: 8pt;">(7)</span></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/composition_croisée_eaux_domestiques.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/composition_croisée_eaux_domestiques.jpg" alt="composition croisée eaux domestiques" width="724" height="420" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Si l’on regarde de plus près, on constate, comme le représente le graphique qui précède, que les nutriments présents dans nos excrétas sont inégalement répartis : la teneur en NPK des urines est beaucoup plus importante que celle des matières fécales, et tout particulièrement pour l’azote. Ainsi, selon Fabien Escudier, <em>« les matières fécales sont une voie d’excrétion de l’azote environ neuf fois moins importante que l’urine<span style="font-size: 8pt;"></span>. » <span style="font-size: 8pt;">(8)</span><em></em></em> Telle quelle, l’urine correspond à un engrais dit de qualité supérieure, auquel il ne manque que des teneurs plus élevées en magnésium et en souffre pour être qualifié d’engrais « universel ».</p>
<p>Alors, quelle est la qualité agronomique du compost issu de la TLB ?<br />Dans sa thèse, Fabien Escudier avance que les performances sont assez similaires à celle du fumier. Le chercheur estime <em>« raisonnable de retenir comme ordre de grandeur moyen une circularité globale de 50 % »</em> concernant l’azote. Malgré ces pertes, sur le plan de la circularité des nutriments, la TLB s’avère bien plus performante que les modes d’assainissement conventionnels.</p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Les limites de la TLB</span></strong></p>
<p>Malgré tous ses atouts, le compostage des excrétas humains présente un certain nombre de limites, particulièrement saillantes en passant à une autre échelle que celle allant du particulier disposant d’un jardin au festival. Tout d’abord, à court et moyen termes, cette solution ne concerne qu’un nombre limité de personnes et semble peu généralisable en contexte urbain. Et ce, du fait de la densité du bâti et des difficultés à modifier l’existant pour intégrer un tel système.</p>
<p>Elles tiennent ensuite aux pollutions induites. Fabien Escudier avance ici que le système des TLB génère des pollutions à l’azote similaire au système de station d’épuration existant par exemple en région parisienne, quoi que sous une forme différente. Le premier génère une pollution par volatilisation de l’azote sous forme d’ammoniac tandis que le second entraîne une pollution des milieux aquatiques. Le chercheur en conclut que si le compostage s’avère <em>« tout à fait correct et peu dommageable en terme de pollutions locales »</em>, l’éventuelle application du procédé en milieu urbain induirait dans ce contexte de population dense <em>« les mêmes problématiques que pour l’élevage animal à forte densité en concentrant géographiquement les pollutions induites. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(9)</span></p>
<p>Sur le plan agronomique, la TLB implique une perte importante des ressources présentes dans les urines et en particulier d’azote. Or, on l’a vu, si le compostage est un procédé nécessaire pour transformer les matières fécales en un produit salubre, il n’en va pas de même pour les urines : un simple stockage permet d’éliminer le gros des risques liés à leur valorisation agricole et permet un taux de recyclage de l’azote bien supérieur. <br />À cet égard, un traitement séparé – on parle de « séparation à la source de l’urine » – apparaît comme une solution plus efficace pour accroître la circularité en nutriments de nos systèmes alimentaires. Et ce, tant à l’échelle d’un potager que de grandes cultures. La bonne nouvelle est qu’il existe des solutions pour ces différentes échelles, réalisables à court ou moyen terme. Les développer serait néanmoins l’objet d’un article à part entière...</p>
<p><strong>Ibiscus</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span><span style="font-size: 8pt;">(1) OMS, « Directives pour l’utilisation sans risques des eaux usées, des excrétas et des eaux ménagères ». Vol. II Utilisation des eaux usées en agriculture, 2012, p. 20.<br />(2) OMS, « WHO guidelines for the safe use of wastewater, excreta and greywater ». Volume 4 Excreta and greywater use in agriculture, Geneva, 2012, tableau 4.6 p.70.].<br />(3) OMS, « WHO guidelines for the safe use of wastewater, excreta and greywater ». Volume 4, Geneva, 2012, pp.119-120.<br />(4) Tristan Martin, « Valorisation des urines humaines comme source d’azote pour les plantes :<br />une expérimentation en serre », thèse soutenue en 2017, pp.65-67 : <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/06/Martin_2017_Stage_Urine_Engrais_INRA.pdf">https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/06/Martin_2017_Stage_Urine_Engrais_INRA.pdf</a><br />(5) Fabien Escudier, « Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques », thèse soutenue en 2018, pp. 370-371. (Cf. note 1).<br />(6) Celles-ci constituent le résidu final de l’assainissement conventionnel. Elles concentrent les micropolluants issus des eaux domestiques, de pluies (qui « lavent » nos villes) et industrielles. Lorsqu’elles ne sont pas incinérées ou enterrées en décharge, elles peuvent servir d’amendement pour les cultures, non sans poser de sérieuses questions de pollutions des sols : <a href="https://www.notre-planete.info/actualites/888-epandage-boues-epuration-culture-consequences">https://www.notre-planete.info/actualites/888-epandage-boues-epuration-culture-consequences</a><br />(7) « L’assainissement conventionnel », article publié sur le site de l’association Terr’eau : <a href="https://www.terreau.org/spip.php?rubrique69">https://www.terreau.org/spip.php?rubrique69</a> À noter que le « K » de NPK renvoie au potassium.<br />(8) Fabien Escudier, « Le système alimentation/excrétion... », p.72. Cf. note 1<br />(9) Fabien Escudier, « Le système alimentation/excrétion... », p.340. Cf. note 1</span></p>
<p> </p>
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<ul>
<li><strong>Références</strong> <br />
<p>Plusieurs références ont permis l’écriture de cet article :<br />- Les publications du Réseau assainissement écologique et en particulier de l’association Toilettes du monde.<br />- La thèse de Fabien Escudier, chercheur à l’École des Ponts ParisTech et responsable du programme OCAPI (Optimisation des Cycles de Carbone, Azote et Phosphore en vIlle), soutenue en 2018 sous le titre « Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques » (elle est disponible ici : <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01787854/document">https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01787854/document</a>, résumée en une page là : <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/09/R%C3%A9sum%C3%A9_Th%C3%A8se_Esculier_avril_2018.pdf">https://www.leesu.fr/ocapi/wp-content/uploads/2018/09/R%C3%A9sum%C3%A9_Th%C3%A8se_Esculier_avril_2018.pdf</a> ou encore en 180 secondes dans cette vidéo : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FjzK-dgE4Os">https://www.youtube.com/watch?v=FjzK-dgE4Os</a><br />- L’ouvrage de Joseph J. Jenkins : « Le petit livre du fumain », éditions écosociété, 2017. J’ai pour ma part eu recours à la quatrième édition états-unienne, datant de 2019, non encore traduite en français et disponible ici : <a href="https://humanurehandbook.com/contents.html">https://humanurehandbook.com/contents.html</a><br />- « L’urine, de l’or liquide au jardin », de l’ingénieur agronome et pépiniériste Renaud de Looze, paru aux éditions du Terran.</p>
</li>
<li>
<p><strong>Pour aller plus loin :</strong><br /><strong> - Sur la TLB</strong><br />Le site du Réseau assainissement écologique est une excellente source sur le sujet de la TLB et plus largement de l’assainissement. On y trouve entre autres :<br />- une synthèse sur le fonctionnement et la gestion d’une TLB domestique : <a href="https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/08/fiche-toilettes-%C3%A0-liti%C3%A8re-V1.pdf">https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/08/fiche-toilettes-%C3%A0-liti%C3%A8re-V1.pdf</a><br />- une fiche d’auto construction de toilettes à litière biomaîtrisée dans ce guide : <a href="https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/04/guide-tdm-toilettes-seches-maison.pdf">https://reseau-assainissement-ecologique.org/wp-content/uploads/2020/04/guide-tdm-toilettes-seches-maison.pdf</a><br />- des instructions pour construire ses bacs à compost au début de ce support : <a href="https://www.terreau.org/IMG/pdf/6-construction_et_realisation.pdf">https://www.terreau.org/IMG/pdf/6-construction_et_realisation.pdf</a><br />- un guide de bonnes pratiques pour le compostage des sous-produits de toilettes sèches : <a href="https://www.terreau.org/IMG/pdf/Guide-Annexes.pdf">https://www.terreau.org/IMG/pdf/Guide-Annexes.pdf</a></p>
<p><strong>- Sur la valorisation agricole de l’urine : </strong>À l’échelle d’un potager plus ou moins grand, la référence est « L’urine, de l’or liquide au jardin » de Renaud de Looze, cité plus haut. On y trouve des conseils pratiques de dosage, mais aussi comment éviter les mauvaises odeurs.<br />Cette vidéo d’entretien avec l’auteur constitue une bonne introduction au sujet : <a href="https://peertube.stream/w/qWamfJsyng99hGRE5YA6Kp">https://peertube.stream/w/qWamfJsyng99hGRE5YA6Kp</a></p>
<p><strong>- Sur les pollutions induites par l’excès d’azote et de phosphore :</strong> une excellente vidéo de vulgarisation portant sur le phénomène d’eutrophisation : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uGp3FuQnQWU">https://www.youtube.com/watch?v=uGp3FuQnQWU</a> et ce site, en anglais, concernant les neuf formes principales de pollutions induites par les excès d’azote : <a href="http://www.nine-esf.org/">http://www.nine-esf.org/</a></p>
</li>
</ul>Des lieux qui cultivent déjà sans fumier2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/57sansfumier/772-deslieuxquicultiventdejasansfumierSuper User<p><strong>Iels sont encore peu nombreux·ses en France mais il existe déjà des maraîcher·es qui cultivent sans intrant d’élevage. Exemples en Seine-et-Marne, en Loire-Atlantique et en Côte-d’Or.</strong><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p> </p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Les légumes de Rétal</span></strong></p>
<p>Il vit en Seine-et-Marne, à une vingtaine de kilomètres de Melun, mais à perte de vue, des champs et des bois…<br />Stéphane cultive des légumes depuis deux ans sur un terrain d’un hectare. Dans la même ferme, se trouvent un autre maraîcher, une éleveuse de moutons qui tisse aussi la laine, un céréalier, un boulanger et une cultivatrice de plantes aromatiques. <em>« Je suis installé dans une structure individuelle mais nous pouvons travailler ensemble, selon les besoins »</em>, précise-t-il.</p>
<p>Son activité est une reconversion. Après avoir suivi des stages via l’association Abiosol <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, il décide de passer un BPREA <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> en 2018 pour faire pousser des légumes. <em>« Dès le départ, j’ai souhaité le faire sans intrant d’élevage. Je suis végétarien, donc pour être cohérent avec mes valeurs, je ne pouvais pas dépendre des élevages. Je me suis documenté, sur les besoins des plantes, sur le cycle de l’azote… J’en suis arrivé à la conclusion que l’animal d’élevage n’est pas indispensable. Au contraire : c’est plutôt un gâchis d’énergie… sans parler de la question éthique. »</em></p>
<p>S’il sait que théoriquement, cultiver sans intrant d’élevage est possible, qu’en est-il de la pratique ? Sur Internet, il découvre VON <span style="font-size: 8pt;">(3),</span> le réseau d’agriculture biologique végane en Grande-Bretagne. Mais pas d’exemple concret à portée de main ou de possibilité d’échanger avec des maraîcher·es français·es qui pratiquent déjà les techniques sans intrant d’élevage. <em>« Ce qui m’a conforté dans cette voie-là, c’est l’expérimentation,</em> explique-t-il. <em>En 2019, je cherchais un terrain pour m’installer. En attendant, j’ai fait du maraîchage à Villetaneuse, sur un terrain de la Fac. Ça m’a permis de tester la culture sans intrant d’élevage et ça a marché. »</em></p>
<p>Finalement, il trouve une ferme dans la région de la Brie, en Ile-de-France. Trois personnes y vivent déjà et souhaitent ouvrir davantage leur collectif. <em>« Ça m’a plu. L’environnement aussi, même si c’est très plat ! Et puis, autour de mon jardin, 100 hectares sont cultivés en bio, c’est important. Je suis sûr de ne pas me prendre de produits. »</em></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/jardin_stéphane.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Les légumes de Rétal."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/jardin_stéphane.jpg" alt="jardin stéphane" width="800" height="419" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Stéphane pratique le maraîchage sur « sol vivant », c’est-à-dire qu’il ne le « travaille » pas, il ne le touche pas, sauf pour apporter de la matière organique à la faune et la flore déjà présentes. <em>« Est-ce que c’est vraiment végane ? Après tout, je nourris des vers de terre qui travaillent à ma place… Bon, je ne les fais pas souffrir… Mais c’est un peu flou tout ça, non ? »</em> La juste place des animaux sur la ferme sont abordées dans le manuel, « Sans fumier ! » (<em>lire la rubrique (Ré)acteur·ices</em>), notamment dans le rapport aux auxiliaires arrivé·es naturellement sur la ferme ou sur la manière de « traiter » les ravageurs <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.</p>
<p>N’ayant jamais cultivé avec des produits d’élevage, difficile pour Stéphane de donner les avantages et les inconvénients des techniques sans ce type d’intrants. <em>« Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas à aller démarcher les éleveurs ni acheter de produits. Je fais avec la matière organique qui est sur place. Des pépiniéristes du coin m’apportent aussi de la tonte, des ressources en bois… »</em></p>
<p>Chaque semaine, en toute saison, il livre des paniers à une AMAP<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span> dans lequel se trouvent sept à dix légumes différents. Il vend aussi un peu en direct à la ferme. Communique-t-il sur le fait que la production est végane ? <em>« Non, je ne sais pas si ça intéresserait. Je suis le seul à le faire dans le coin et je connais très peu de végétarien·nes autour de moi, encore moins de véganes. »</em> Le livre encouragerait-il la conversation autour de ces questions ? Il pense aux enseignant·es de son ancien centre de formation : <em>« Les esprits changent. Avant, il y avait surtout des enfants d’agriculteur·ices dans ces filières. Mais dans ma promotion, il n’y avait que des converti·es, qui veulent travailler différemment, sur des plus petites surfaces, en bio, parfois sans mécanisation… Le centre était réceptif à nos envies. »</em><br />Il pense aussi à ses collègues déjà sur le terrain : <em>« Je vais peut-être mettre le livre dans les mains d’autres maraîchers… »</em></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) ABIOSOL : Agriculture BIOlogique SOLidaire. <a href="http://devenirpaysan-idf.org/">http://devenirpaysan-idf.org/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Vegan Organic Network.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Chapitre 8, p.177, « Sans fumier ! Manuel de maraîchage biologique sans intrant d’élevage pour un futur soutenable », de Iain Tolhurst et Jenny Hall, traduit en français par l’association Carpelle en 2021.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne.<br /></span></p>
<p> </p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">La Basse-Salmonais</span></strong></p>
<p>Pascal Bigot et Marie Weisbeck cuisinent au sein d’une cantine végane associative connue sous le nom des Schmurts. Mobile, elle vise notamment à promouvoir le végétalisme et à soutenir des luttes. Pour être autonomes dans l’approvisionnement de cette cantine, iels ont décidé de cultiver elleux-mêmes leurs légumes et, pour être totalement cohérent·es, de se passer des intrants d’élevage.<br />C’est ainsi que depuis 2007, iels produisent sans fumier, sans produits de synthèse et en bio. Iels sont aujourd'hui installé·es sur un terrain de cinq hectares situé en Loire-Atlantique, en plein champ et sous tunnel froid, où iels cultivent environ 150 variétés de tout type de légumes (solanacées, crucifères, ombellifères, apiacées, cucurbitacées…). Iels produisent également des semences potagères, sous contrat pour une marque et en vente directe pour des jardiniers.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/haricots.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/haricots.jpg" alt="haricots" width="419" height="279" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Quel est leur parcours ? <em>« Je suis autodidacte,</em> explique Pascal. <em>J’ai appris à travers la lecture de nombreux livres de jardinage et j’étais jardinier avant de faire du maraîchage. »</em> Marie a elle aussi commencé par jardiner. <em>« Puis, après deux ans de maraîchage avec Pascal, j’ai passé un BPREA (1) en maraîchage biologique. »</em> Iels s’inspirent de Jean Pain, Dominique Soltner, André Belot et du Vegan Organic Network <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p>Leur terrain se trouve à La Basse-Salmonais, à trois kilomètres du village de Petit-Auverné et à une vingtaine de kilomètres de Châteaubriant. <em>« Vu les difficultés pour trouver de la terre agricole, on a mis deux ans pour trouver le lieu où nous sommes,</em> racontent-iels. <em>Il correspondait à nos besoins en surface et dans un cadre sympa : ferme isolée et parcelles attenantes. »</em> Bordé d’un petit ruisseau, la Salmonais, le terrain possède des haies, ce qui favorise la biodiversité. La flore est variée, notamment grâce à des parcelles humides, avec un important contraste hydrique. Concernant la faune : <em>« On est dans un environnement entouré de prairies et de parcelles boisées, sans humain proche. On a des blaireaux, ragondins, lièvres, chevreuils, renards, fouines, batraciens en nombre, oiseaux en tous genres. Il y a des espaces dégagés et des espaces fermés, en nombre et divers. »</em></p>
<p>Outre l’approvisionnement de la cantine, Pascal et Marie vendent leurs légumes en vente directe sur le marché de Châteaubriant le mercredi matin et à Petit-Auverné un samedi matin sur deux (semaines impaires).<br />D’autres maraîcher·es cultivent-iels sans intrant d’élevage à proximité ? <em>« Non, mais il y a un ami qui cultive sans intrant d’origine animale en grande culture sur 80 hectares. »</em></p>
<p>Il n’existe pas de réseau d’agriculture sans intrant d’élevage en France pour le moment, mais <em>« une tentative de créer une association de promotion de l’agriculture végétalienne »</em>. <em>« Cette initiative est en suspens pour l’instant,</em> expliquent Pascal et Marie. <em>On a rencontré quelques producteur·ices, mais on est éloigné géographiquement, ce qui limite les contacts. »</em></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Jean Pain : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pain_">https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pain_</a>(inventeur)</span><br /><span style="font-size: 8pt;">Dominique Soltner : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Soltner">https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Soltner</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">André Belot : <a href="https://aryanalibris.com/index.php?post/Belot-Andre-Culture-potagere-moderne">https://aryanalibris.com/index.php?post/Belot-Andre-Culture-potagere-moderne</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">VON : <a href="https://veganorganic.net/">https://veganorganic.net/</a></span></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le Jardin Des Maraîchères aux Lentillères</span></strong></span></p>
<p>Impossible d’expliquer le Jardin Des Maraîchères (JDM) sans raconter (un peu) ce qu’est le quartier libre des Lentillères, où il est implanté <span style="font-size: 8pt;">(1).</span><br />En 2010, en plein cœur de Dijon, des centaines de personnes manifestent fourches en main pour protéger des terres menacées de bétonisation. Elles les défrichent, puis des collectifs s’organisent pour les cultiver. Le Jardin Des Maraîchères est l’un d’eux. Géré de manière non salariée, il alimente des marchés hebdomadaires non lucratifs à prix libre, dans le quartier, mais aussi lors de marchés sauvages en ville ou pour d’autres collectifs en lutte. L’histoire du jardin s’inscrit donc dans celle d’une occupation, et de liens tissés avec les habitant·es d’une ville et des mouvements sociaux.</p>
<p>La première saison a démarré en 2012. Mais ce n’est que depuis trois ans que le JDM est cultivé sans intrant d’élevage. <em>« Au départ, les gens ne savaient pas combien de temps ils allaient rester. C’était du maraîchage bio mais avec utilisation du tracteur et des intrants animaux. Nous réfléchissons maintenant à plus long terme »</em>, expliquent quatre membres du collectif <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Sur 3000 m², en plein champ et sous deux grands tunnels, iels cultivent une cinquantaine de légumes différents, sans aucun intrant d’élevage.<br />Une dizaine de personnes s’engagent chaque année à travailler deux jours par semaine pour les faire pousser. L’équipe change au gré des installations et des départs, des autres tâches à assurer sur le quartier… <em>« Ça n’a jamais été des professionnel·les même si certaines personnes sont devenues maraîchères ensuite. »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/lentillères_JDM.png" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : JDM."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/lentillères_JDM.png" alt="lentillères JDM" width="544" height="417" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Pourquoi avoir choisi de pratiquer sans intrant d’élevage ? <em>« Parce que nous sommes touché·es par les questions d’antispécisme</em>, répondent-iels. <em>Nous avons fait cette proposition sans avoir d’expérience, c’était un peu un test. Une des personnes présentes dans le collectif avait un BPREA <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, donc des bases solides. Elle avait lu « Growing green » <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, les gens lui ont fait confiance. »</em> Dès la première année, le compost a été utilisé sur les 3000 m², puis sont venus les engrais verts. Mais le JDM bénéficie d’une autre ressource, très locale : le fumain <em>(lire aussi la rubrique (Re)découvrir)</em>. <em>« 80 à 100 personnes vivent sur le quartier libre avec des toilettes sèches. Nous collectons notamment l’urine pour l’azote. »</em></p>
<p>Des réticences sur ces techniques se sont-elles exprimées ? <em>« Ce n’est pas facile à mettre en place. La première année, nous avons fait face à des conditions climatiques extrêmes et récolté peu de légumes. Certaines personnes ont attribué ça au fait qu’il n’y avait pas de fumier… Pour le fumain, nous l’avons annoncé au marché pour des questions de transparence. Nous avons fait des recherches, un ami s’était spécialisé sur la question, nous avons beaucoup discuté avec les gens... »</em> Le collectif reconnaît aussi qu’il avait précédemment des liens avec le monde paysan rural, notamment via le fumier, mais qu’ils se sont quelque peu délités. <em>« Certain·es prennent mal notre démarche sans intrant d’élevage. Ça peut poser problème. »</em><br />Toutefois, la saison suivante a montré l’efficacité de ces techniques. <em>« Le fait qu’on arrive à cultiver autant de légumes, le fait qu’on soit un collectif nombreux aussi, ça donne de la force à notre message ! »</em></p>
<p>Pratiquer ce type de maraîchage dans un quartier militant qui entend veiller aux questions d’oppressions fait forcément sens. Sans le marteler à tout bout de champ, le JDM l’évoque surtout lors des visites du lieu. Prochain rendez-vous pour les 10 ans + 2 du quartier libre, du 26 au 29 mai <span style="font-size: 8pt;">(5) </span>! A noter aussi, du 14 au 21 juillet, l’Université d’été de la Libération Animale (ULA) aux Tanneries toutes proches des Lentillères.</p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://lentilleres.potager.org/actualite/">https://lentilleres.potager.org/actualite/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Iels n’ont pas souhaité être nommé·es.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Ecrit par Iain Tolhurst et Jenny Hall, il vient d’être traduit par l’association Carpelle <em>(lire aussi la rubrique (Ré)acteur·ïces)</em>.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Le programme de la fête : <a href="https://lentilleres.potager.org/">https://lentilleres.potager.org/</a></span></p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<ul>
<li><span style="font-size: 10pt;">Pour en savoir plus sur la ferme de Stéphane : <a href="https://legumesretal.yhargla.org/">https://legumesretal.yhargla.org/</a></span></li>
<li><span style="font-size: 10pt;">Pour en savoir plus sur les Lentillères : <a href="https://lentilleres.potager.org/">https://lentilleres.potager.org/</a></span></li>
</ul>
</div><p><strong>Iels sont encore peu nombreux·ses en France mais il existe déjà des maraîcher·es qui cultivent sans intrant d’élevage. Exemples en Seine-et-Marne, en Loire-Atlantique et en Côte-d’Or.</strong><span style="color: #ff615d;"></span></p>
<p> </p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Les légumes de Rétal</span></strong></p>
<p>Il vit en Seine-et-Marne, à une vingtaine de kilomètres de Melun, mais à perte de vue, des champs et des bois…<br />Stéphane cultive des légumes depuis deux ans sur un terrain d’un hectare. Dans la même ferme, se trouvent un autre maraîcher, une éleveuse de moutons qui tisse aussi la laine, un céréalier, un boulanger et une cultivatrice de plantes aromatiques. <em>« Je suis installé dans une structure individuelle mais nous pouvons travailler ensemble, selon les besoins »</em>, précise-t-il.</p>
<p>Son activité est une reconversion. Après avoir suivi des stages via l’association Abiosol <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, il décide de passer un BPREA <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> en 2018 pour faire pousser des légumes. <em>« Dès le départ, j’ai souhaité le faire sans intrant d’élevage. Je suis végétarien, donc pour être cohérent avec mes valeurs, je ne pouvais pas dépendre des élevages. Je me suis documenté, sur les besoins des plantes, sur le cycle de l’azote… J’en suis arrivé à la conclusion que l’animal d’élevage n’est pas indispensable. Au contraire : c’est plutôt un gâchis d’énergie… sans parler de la question éthique. »</em></p>
<p>S’il sait que théoriquement, cultiver sans intrant d’élevage est possible, qu’en est-il de la pratique ? Sur Internet, il découvre VON <span style="font-size: 8pt;">(3),</span> le réseau d’agriculture biologique végane en Grande-Bretagne. Mais pas d’exemple concret à portée de main ou de possibilité d’échanger avec des maraîcher·es français·es qui pratiquent déjà les techniques sans intrant d’élevage. <em>« Ce qui m’a conforté dans cette voie-là, c’est l’expérimentation,</em> explique-t-il. <em>En 2019, je cherchais un terrain pour m’installer. En attendant, j’ai fait du maraîchage à Villetaneuse, sur un terrain de la Fac. Ça m’a permis de tester la culture sans intrant d’élevage et ça a marché. »</em></p>
<p>Finalement, il trouve une ferme dans la région de la Brie, en Ile-de-France. Trois personnes y vivent déjà et souhaitent ouvrir davantage leur collectif. <em>« Ça m’a plu. L’environnement aussi, même si c’est très plat ! Et puis, autour de mon jardin, 100 hectares sont cultivés en bio, c’est important. Je suis sûr de ne pas me prendre de produits. »</em></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/jardin_stéphane.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Les légumes de Rétal."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/jardin_stéphane.jpg" alt="jardin stéphane" width="800" height="419" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Stéphane pratique le maraîchage sur « sol vivant », c’est-à-dire qu’il ne le « travaille » pas, il ne le touche pas, sauf pour apporter de la matière organique à la faune et la flore déjà présentes. <em>« Est-ce que c’est vraiment végane ? Après tout, je nourris des vers de terre qui travaillent à ma place… Bon, je ne les fais pas souffrir… Mais c’est un peu flou tout ça, non ? »</em> La juste place des animaux sur la ferme sont abordées dans le manuel, « Sans fumier ! » (<em>lire la rubrique (Ré)acteur·ices</em>), notamment dans le rapport aux auxiliaires arrivé·es naturellement sur la ferme ou sur la manière de « traiter » les ravageurs <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.</p>
<p>N’ayant jamais cultivé avec des produits d’élevage, difficile pour Stéphane de donner les avantages et les inconvénients des techniques sans ce type d’intrants. <em>« Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas à aller démarcher les éleveurs ni acheter de produits. Je fais avec la matière organique qui est sur place. Des pépiniéristes du coin m’apportent aussi de la tonte, des ressources en bois… »</em></p>
<p>Chaque semaine, en toute saison, il livre des paniers à une AMAP<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span> dans lequel se trouvent sept à dix légumes différents. Il vend aussi un peu en direct à la ferme. Communique-t-il sur le fait que la production est végane ? <em>« Non, je ne sais pas si ça intéresserait. Je suis le seul à le faire dans le coin et je connais très peu de végétarien·nes autour de moi, encore moins de véganes. »</em> Le livre encouragerait-il la conversation autour de ces questions ? Il pense aux enseignant·es de son ancien centre de formation : <em>« Les esprits changent. Avant, il y avait surtout des enfants d’agriculteur·ices dans ces filières. Mais dans ma promotion, il n’y avait que des converti·es, qui veulent travailler différemment, sur des plus petites surfaces, en bio, parfois sans mécanisation… Le centre était réceptif à nos envies. »</em><br />Il pense aussi à ses collègues déjà sur le terrain : <em>« Je vais peut-être mettre le livre dans les mains d’autres maraîchers… »</em></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) ABIOSOL : Agriculture BIOlogique SOLidaire. <a href="http://devenirpaysan-idf.org/">http://devenirpaysan-idf.org/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Vegan Organic Network.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Chapitre 8, p.177, « Sans fumier ! Manuel de maraîchage biologique sans intrant d’élevage pour un futur soutenable », de Iain Tolhurst et Jenny Hall, traduit en français par l’association Carpelle en 2021.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne.<br /></span></p>
<p> </p>
<p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">La Basse-Salmonais</span></strong></p>
<p>Pascal Bigot et Marie Weisbeck cuisinent au sein d’une cantine végane associative connue sous le nom des Schmurts. Mobile, elle vise notamment à promouvoir le végétalisme et à soutenir des luttes. Pour être autonomes dans l’approvisionnement de cette cantine, iels ont décidé de cultiver elleux-mêmes leurs légumes et, pour être totalement cohérent·es, de se passer des intrants d’élevage.<br />C’est ainsi que depuis 2007, iels produisent sans fumier, sans produits de synthèse et en bio. Iels sont aujourd'hui installé·es sur un terrain de cinq hectares situé en Loire-Atlantique, en plein champ et sous tunnel froid, où iels cultivent environ 150 variétés de tout type de légumes (solanacées, crucifères, ombellifères, apiacées, cucurbitacées…). Iels produisent également des semences potagères, sous contrat pour une marque et en vente directe pour des jardiniers.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/haricots.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/haricots.jpg" alt="haricots" width="419" height="279" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Quel est leur parcours ? <em>« Je suis autodidacte,</em> explique Pascal. <em>J’ai appris à travers la lecture de nombreux livres de jardinage et j’étais jardinier avant de faire du maraîchage. »</em> Marie a elle aussi commencé par jardiner. <em>« Puis, après deux ans de maraîchage avec Pascal, j’ai passé un BPREA (1) en maraîchage biologique. »</em> Iels s’inspirent de Jean Pain, Dominique Soltner, André Belot et du Vegan Organic Network <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.</p>
<p>Leur terrain se trouve à La Basse-Salmonais, à trois kilomètres du village de Petit-Auverné et à une vingtaine de kilomètres de Châteaubriant. <em>« Vu les difficultés pour trouver de la terre agricole, on a mis deux ans pour trouver le lieu où nous sommes,</em> racontent-iels. <em>Il correspondait à nos besoins en surface et dans un cadre sympa : ferme isolée et parcelles attenantes. »</em> Bordé d’un petit ruisseau, la Salmonais, le terrain possède des haies, ce qui favorise la biodiversité. La flore est variée, notamment grâce à des parcelles humides, avec un important contraste hydrique. Concernant la faune : <em>« On est dans un environnement entouré de prairies et de parcelles boisées, sans humain proche. On a des blaireaux, ragondins, lièvres, chevreuils, renards, fouines, batraciens en nombre, oiseaux en tous genres. Il y a des espaces dégagés et des espaces fermés, en nombre et divers. »</em></p>
<p>Outre l’approvisionnement de la cantine, Pascal et Marie vendent leurs légumes en vente directe sur le marché de Châteaubriant le mercredi matin et à Petit-Auverné un samedi matin sur deux (semaines impaires).<br />D’autres maraîcher·es cultivent-iels sans intrant d’élevage à proximité ? <em>« Non, mais il y a un ami qui cultive sans intrant d’origine animale en grande culture sur 80 hectares. »</em></p>
<p>Il n’existe pas de réseau d’agriculture sans intrant d’élevage en France pour le moment, mais <em>« une tentative de créer une association de promotion de l’agriculture végétalienne »</em>. <em>« Cette initiative est en suspens pour l’instant,</em> expliquent Pascal et Marie. <em>On a rencontré quelques producteur·ices, mais on est éloigné géographiquement, ce qui limite les contacts. »</em></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Jean Pain : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pain_">https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Pain_</a>(inventeur)</span><br /><span style="font-size: 8pt;">Dominique Soltner : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Soltner">https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Soltner</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">André Belot : <a href="https://aryanalibris.com/index.php?post/Belot-Andre-Culture-potagere-moderne">https://aryanalibris.com/index.php?post/Belot-Andre-Culture-potagere-moderne</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">VON : <a href="https://veganorganic.net/">https://veganorganic.net/</a></span></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le Jardin Des Maraîchères aux Lentillères</span></strong></span></p>
<p>Impossible d’expliquer le Jardin Des Maraîchères (JDM) sans raconter (un peu) ce qu’est le quartier libre des Lentillères, où il est implanté <span style="font-size: 8pt;">(1).</span><br />En 2010, en plein cœur de Dijon, des centaines de personnes manifestent fourches en main pour protéger des terres menacées de bétonisation. Elles les défrichent, puis des collectifs s’organisent pour les cultiver. Le Jardin Des Maraîchères est l’un d’eux. Géré de manière non salariée, il alimente des marchés hebdomadaires non lucratifs à prix libre, dans le quartier, mais aussi lors de marchés sauvages en ville ou pour d’autres collectifs en lutte. L’histoire du jardin s’inscrit donc dans celle d’une occupation, et de liens tissés avec les habitant·es d’une ville et des mouvements sociaux.</p>
<p>La première saison a démarré en 2012. Mais ce n’est que depuis trois ans que le JDM est cultivé sans intrant d’élevage. <em>« Au départ, les gens ne savaient pas combien de temps ils allaient rester. C’était du maraîchage bio mais avec utilisation du tracteur et des intrants animaux. Nous réfléchissons maintenant à plus long terme »</em>, expliquent quatre membres du collectif <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Sur 3000 m², en plein champ et sous deux grands tunnels, iels cultivent une cinquantaine de légumes différents, sans aucun intrant d’élevage.<br />Une dizaine de personnes s’engagent chaque année à travailler deux jours par semaine pour les faire pousser. L’équipe change au gré des installations et des départs, des autres tâches à assurer sur le quartier… <em>« Ça n’a jamais été des professionnel·les même si certaines personnes sont devenues maraîchères ensuite. »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/lentillères_JDM.png" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : JDM."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/lentillères_JDM.png" alt="lentillères JDM" width="544" height="417" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Pourquoi avoir choisi de pratiquer sans intrant d’élevage ? <em>« Parce que nous sommes touché·es par les questions d’antispécisme</em>, répondent-iels. <em>Nous avons fait cette proposition sans avoir d’expérience, c’était un peu un test. Une des personnes présentes dans le collectif avait un BPREA <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, donc des bases solides. Elle avait lu « Growing green » <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, les gens lui ont fait confiance. »</em> Dès la première année, le compost a été utilisé sur les 3000 m², puis sont venus les engrais verts. Mais le JDM bénéficie d’une autre ressource, très locale : le fumain <em>(lire aussi la rubrique (Re)découvrir)</em>. <em>« 80 à 100 personnes vivent sur le quartier libre avec des toilettes sèches. Nous collectons notamment l’urine pour l’azote. »</em></p>
<p>Des réticences sur ces techniques se sont-elles exprimées ? <em>« Ce n’est pas facile à mettre en place. La première année, nous avons fait face à des conditions climatiques extrêmes et récolté peu de légumes. Certaines personnes ont attribué ça au fait qu’il n’y avait pas de fumier… Pour le fumain, nous l’avons annoncé au marché pour des questions de transparence. Nous avons fait des recherches, un ami s’était spécialisé sur la question, nous avons beaucoup discuté avec les gens... »</em> Le collectif reconnaît aussi qu’il avait précédemment des liens avec le monde paysan rural, notamment via le fumier, mais qu’ils se sont quelque peu délités. <em>« Certain·es prennent mal notre démarche sans intrant d’élevage. Ça peut poser problème. »</em><br />Toutefois, la saison suivante a montré l’efficacité de ces techniques. <em>« Le fait qu’on arrive à cultiver autant de légumes, le fait qu’on soit un collectif nombreux aussi, ça donne de la force à notre message ! »</em></p>
<p>Pratiquer ce type de maraîchage dans un quartier militant qui entend veiller aux questions d’oppressions fait forcément sens. Sans le marteler à tout bout de champ, le JDM l’évoque surtout lors des visites du lieu. Prochain rendez-vous pour les 10 ans + 2 du quartier libre, du 26 au 29 mai <span style="font-size: 8pt;">(5) </span>! A noter aussi, du 14 au 21 juillet, l’Université d’été de la Libération Animale (ULA) aux Tanneries toutes proches des Lentillères.</p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://lentilleres.potager.org/actualite/">https://lentilleres.potager.org/actualite/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Iels n’ont pas souhaité être nommé·es.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Ecrit par Iain Tolhurst et Jenny Hall, il vient d’être traduit par l’association Carpelle <em>(lire aussi la rubrique (Ré)acteur·ïces)</em>.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Le programme de la fête : <a href="https://lentilleres.potager.org/">https://lentilleres.potager.org/</a></span></p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<ul>
<li><span style="font-size: 10pt;">Pour en savoir plus sur la ferme de Stéphane : <a href="https://legumesretal.yhargla.org/">https://legumesretal.yhargla.org/</a></span></li>
<li><span style="font-size: 10pt;">Pour en savoir plus sur les Lentillères : <a href="https://lentilleres.potager.org/">https://lentilleres.potager.org/</a></span></li>
</ul>
</div>Une agriculture sans intrant d’élevage2017-03-21T12:54:42+01:002017-03-21T12:54:42+01:00http://www.rebonds.net/57sansfumier/770-uneagriculturesansintrantdelevageSuper User<p style="text-align: right;"><strong><em>« Au départ, on était des rigolos. </em></strong><strong><em>Aujourd’hui, on serait la menace suprême de l’agriculture. »</em></strong></p>
<p style="text-align: right;"><em><strong><strong><em>Hélène, membre de l’association Carpelle</em></strong></strong></em></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">F</span><em>aire pousser des légumes sans fumier ? C’est impossible ! »</em><br /><em>« Oui, d’accord, peut-être dans ton potager de 100 m² mais en mode professionnel, ça ne peut pas fonctionner. »</em><br /><em>« Vous les véganes, vous n’y connaissez vraiment rien à l’agriculture… »</em></p>
<p>Combien de temps, encore, le débat restera-t-il aussi clivant et stérile ?</p>
<p>Sans doute jusqu’à ce que les arguments rationnels et techniques, les expériences et les pratiques menées depuis de nombreuses années soient enfin connues du plus grand nombre. Oui, cultiver des légumes sans intrant d’élevage est possible ! Oui, en vivre économiquement aussi. Non, ce n’est pas réservé à une bande de hippies gaucho ou à de lointain·es paysan·nes à l’autre bout de la planète ! Pas non plus à des ingénieur·es en agronomie...</p>
<p>Confronté·es aux débats parfois compliqués entre éleveur·ses et végétalien·nes, un groupe alors installé sur la ZAD (1) de Notre-Dame-des-Landes a cherché des ressources attestant l’existence et l’efficience du maraîchage biologique sans intrant d’élevage. C’est ainsi que l’aventure « Growing green » est née : la découverte d’un ouvrage de référence en Grande-Bretagne, sa traduction en français et, en novembre 2021, la publication de « Sans fumier ! Manuel de maraîchage biologique sans intrant d’élevage pour un futur soutenable ». Déjà en cours de diffusion, sa sortie officielle sera fêtée au mois de mai dans le Berry.</p>
<p>Pourquoi la parution de ce livre est-il un événement ? Que contient-il ? Par quels chemins sont passés celleux qui l’ont traduit ? En quoi, aujourd’hui, cultiver sans intrant d’élevage est un véritable acte politique ?</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></strong></p>
<h3>Lutter contre un système</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>______________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>J’ai rencontré Hélène, Léonard, Katherine et Céline en 2018. Il faisait beau et le vent soufflait fort, comme souvent sur les hauteurs de Conques-Bas à Humbligny. Des membres de mon collectif, la Coopération Intégrale du Berry (CIB), m’avaient prévenue de l’arrivée d’un groupe de personnes traduisant un manuel d’agriculture végétalienne. <em>« Vas-y ! »</em></p>
<p>A l’époque, les opportunités de discuter de ce sujet n’étaient pas nombreuses. Au sein de la CIB – pourtant construite sur un désir d’autonomie notamment alimentaire – je me débattais dans des discussions houleuses, douloureuses, rarement constructives. Végétalienne depuis quelques années, je ne parvenais pas à comprendre comment certain·es se disaient anticapitalistes, contre toutes formes de domination, et envisageaient sérieusement d’accueillir un élevage… Isolée, je me heurtais aux a priori et aux clichés, et ils m’affectaient d’autant plus qu’ils provenaient de camarades politisé·es. A court d’arguments, je décidai de ne plus aborder le sujet qui devint dès lors quasiment tabou entre nous.</p>
<p>En rencontrant Hélène, Léonard et Katherine, j’appris que d’autres avaient fait cette expérience mais qu’iels avaient réagi en déconstruisant le mythe du « sans élevage, rien à manger parce que sans fumier pas de légume » ou qu’être végane est un « truc d’urbain·e » déconnecté·e des réalités agricoles.</p>
<p>Je suis née et ai vécu quasiment toute ma vie à la campagne, entourée de champs et de bois, dans le fin fond de la Mayenne, de la Bretagne et du Berry. Mes grands-parents étaient agriculteur·ices ; mes parents avaient un potager vivrier pour les enfants que ma mère, en vraie nourrice, nourrissait. Les réalités agricoles ? Je me souviens des algues vertes jonchant les plages des Côtes-d’Armor ; de l’abattoir où mes amies travaillaient jusqu’à l’épuisement et la nausée ; de mes premières manifestations pour soutenir les producteur·ices saigné·es par Entremont, E. Leclerc, Lidl ; des suicides de paysans de la famille aussi...</p>
<p>Pour moi, devenir végétalienne, donc lutter contre l’élevage, c’est lutter contre un système qui broie les êtres humains comme les êtres non humains. L’agriculture sans intrant d’élevage est une réponse aux problèmes environnementaux considérables que cause la production de viande, ainsi qu’un acte engagé contre une forme de domination particulièrement brutale. Mais c’est aussi une opportunité formidable pour les agriculteur·ices à la recherche d’autonomie et de résistance au système qui les exploite elleux aussi.<a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Jenny Hall, extraite du manuel "Sans fumier !""><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_1.jpg" alt="Eco délégués CE" width="374" height="258" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> <strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une alimentation plus juste et moins polluante</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>_____________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Ecartons les considérations liées à la souffrance animale pour le moment.</p>
<p>Prenons la question sous un angle démographique. La population mondiale approche les 8 milliards d’êtres humains et il est prévu que nous soyons près de 10 milliards en 2050 <span style="font-size: 8pt;">(2).</span> Sera-t-il physiquement possible de nourrir tout le monde selon un régime carné à l’occidental ? Non. Pour cela, il faudrait quatre planètes de la taille de la Terre !<br />A contrario, un régime végétalien plus étendu permettrait de réduire considérablement les besoins en surface agricole par personne et ainsi, de nourrir davantage de familles. L’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) estime en effet qu’avec un régime entièrement végétal, un·e Français·e aurait besoin de seulement 1.200 m² d'empreinte au sol pour son alimentation, tandis qu'un·e consommateur·ice de viande aurait besoin de 5.200 m²<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>.</p>
<p>Dépérirons-nous, habitué·es que nous sommes à nous nourrir d’autres animaux ? Non plus. ll n’y a aucun nutriment vital dans un steak, des œufs ou des produits laitiers qui ne se trouve dans ce qui est produit par les végétaux et les micro-organismes. <em>« Seules les plantes sont les productrices de l’énergie alimentaire et de l’humus du sol, et tous les animaux, y compris les êtres humains, n’en sont que des consommateur·ices,</em> rappellent les auteur·ices de « Sans fumier ! ». <em>Nous convertissons et concentrons peut-être l’énergie – et donc la fertilité – des aliments dans notre corps et excréments, mais ne faisons que la détruire. »</em> En d’autres termes : c’est parce que les animaux ingèrent des végétaux (ou d’autres animaux qui en ingèrent) et qu’ils synthétisent protéines, glucides, vitamines et minéraux, que nous en bénéficions en les mangeant. Une sorte d’alimentation indirecte, autrefois nécessaire dans certaines régions du monde par la pauvreté des ressources en végétaux, mais plus du tout justifiée aujourd’hui. Manger directement une alimentation végétalienne complète et équilibrée – assurée par des légumes, des légumineuses, des céréales, des oléagineux, des fruits, des champignons et des produits issus des micro-organismes – est beaucoup plus efficace !</p>
<p>Et beaucoup moins polluant pour la planète. Parmi les impacts de la production de viande du point de vue environnemental, citons les émissions de gaz à effet de serre <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, la déforestation et la consommation excessive d’eau <span style="font-size: 8pt;">(5)</span> ou encore les pollutions souvent irréversibles <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. Qu’il soit industriel, « traditionnel » ou même bio, aucun élevage n'échappe à ces phénomènes.</p>
<p>Enfin, le système d’élevage conditionne aussi notre rapport aux animaux, qu’ils soient humains ou non humains. La plupart des éleveur·ses sont soumis·es au pouvoir de l’agro-industrie, dont l’objectif est avant tout de tirer profit de leur activité. A cause des subventions notamment, les inégalités entre producteur·ices de différents pays s’accentuent, créant une véritable compétition entre elleux, plutôt qu’une coopération visant à nourrir correctement leurs congénères.<br />Quant aux animaux non humains, leur asservissement induit des conditions de naissance, de vie et de mort, dont une espèce auto-proclamée douée de la plus fine intelligence (y compris émotionnelle) comme la nôtre ne devrait plus se satisfaire au XXIe siècle. Environ 3,2 millions d’animaux d’élevage sont abattus chaque jour en France, soit 1,2 milliard par an ! <span style="font-size: 8pt;">(7)</span> Et qu’ils aient été « bien traités » n’y change rien. D’ailleurs, que signifie être bien traité lorsqu’on est toute sa vie enfermé avant d’être tué ?</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_4.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Jenny Hall, extraite du manuel "Sans fumier !""><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_4.jpg" alt="Eco délégués CE" width="290" height="163" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> <strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________</span></strong></p>
<h3>Des techniques éprouvées</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>_________________________________</strong></span></p>
<p>Le livre écrit par Iain Tolhurst et Jenny Hall ne s’attarde par sur la condition des animaux d’élevage. Ce n’est pas son propos. <em>« La recherche sur l’agriculture biologique commerciale sans intrant d’élevage n’a pas émergé pour des raisons de compassion, mais par nécessité économique »</em>, écrivent-iels <span style="font-size: 8pt;">(8).</span><br />Au départ, il s’agissait de compenser le manque de fumier sur certaines fermes éloignées des élevages, et ainsi, de leur permettre de rester autonomes.<br />Aujourd’hui élargis, leurs objectifs sont résumés dans la déclaration des cultivateur·ices biologiques sans intrant d’élevage <span style="font-size: 8pt;">(9)</span> : faire des cultures directement pour la production humaine ; laisser des terres marginales pour préserver la vie sauvage et la forêt ; nourrir, vêtir et abriter les populations du monde présent et à venir.<br />Pour cela, iels proposent des techniques de fertilisation du sol qui permettent d’être autonomes du système agro-industriel, car pouvant être produits directement sur la ferme : engrais verts, compostage maîtrisé, couverture des sols, mise en place de rotations adaptées… Iels entendent contrôler les ravageurs en favorisant la faune et la flore locales, et en utilisant des barrières issues du monde naturel lorsque cela est vraiment nécessaire.<br />Iels veillent à limiter leur impact environnemental en réutilisant au maximum matériaux et outils, en utilisant le moins possible d’énergies fossiles et en commercialisant au plus près leurs paniers de produits.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_5.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Jenny Hall, extraite du manuel "Sans fumier !""><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_5.jpg" alt="couverture entière" width="438" height="250" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Ainsi, au fil des pages, les lecteur·ices de « Sans fumier ! » découvrent des techniques de protection des sols, via des composts et des engrais verts, et la manière de passer les outils. Iels apprennent le rôle des plantes dans la fertilité et comment utiliser au mieux déchets verts, foin et paille, algues, bois raméal… Ils peuvent aussi explorer les méthodes de compostage, de multiplication (semences, plants, terreaux), de rotations des cultures, la gestion des adventices, des maladies et des ravageurs… Un chapitre est consacré à la préservation de l’environnement avec des recommandations sur les maintiens des haies, des points d’eau, l’entretien des fossés ou encore le fauchage. Une partie détaille également le cycle de culture légume par légume… Le tout sans jamais avoir recours aux produits issus de l’élevage comme le fumier et le lisier, ni de produits synthétiques polluants qui les remplaceraient.<br />De même que manger des animaux est une manière indirecte de se nourrir, utiliser des intrants d’élevage est non efficiente. <em>« Personne ne nie que le fumier et les sous-produits d’abattoirs fertilisent le sol et contribuent au rendement des récoltes</em>, précisent les auteur·ices. <em>Cependant, la fertilité ne vient pas de ces résidus, mais plutôt de l’herbe et des céréales que les animaux ont mangé·es. »</em></p>
<p>Loin d’être une simple déclaration de bonnes intentions, le manuel montre que le maraîchage biologique sans intrant d’élevage fonctionne, y compris économiquement parlant. Depuis 1994 en Grande-Bretagne, Iain Tolhurst, co-auteur du livre, cultive ainsi des légumes sur 7,3 hectares et alimente chaque semaine 400 paniers. Véritable site de démonstration et de formation reconnu dans le monde entier, sa ferme est devenue un modèle pour le développement du cahier des charges de l’agriculture biologique sans intrant d’élevage présent dans « Sans fumier ! ».<br />Jenny Hall, co-autrice, est aussi maraîchère professionnelle, depuis 1997. Figure du Vegan Organic Network (VON, le réseau d’agriculture biologique végane en Grande-Bretagne), elle a fondé plusieurs fermes biologiques sans intrant d’élevage. Elle gère actuellement un projet de rétablissement de santé psychologique sur un jardin-forêt et jardin-maraîcher.</p>
<p>Tous·tes deux ont contribué à la traduction de leur manuel en français, en répondant régulièrement aux questions de l’équipe dans l'hexagone. Une équipe qui a dû être très persévérante pour que « Sans fumier ! » voie le jour...</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Placer la discussion sur un plan pratique</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>_______________________________________________</strong></span></p>
<p>En 2016, à l’occasion d’une semaine antispéciste sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Hélène a rencontré les Schmruts, une cantine végane, dont les membres lui ont parlé de VON. <em>« J’ai fait des recherches sur Internet et j’ai trouvé « Growing green », présenté comme un ouvrage de référence,</em> explique-t-elle. <em>J’ai passé une annonce sur la zone pour lancer l’idée d’une traduction en français. Une douzaine de personnes ont répondu. Certain·es étaient véganes, d’autres étaient surtout intéressé·es par la traduction. »</em><br />Parmi elleux, Léonard et Ptolémé, tous les deux bilingues, l’un végane, l’autre non. Leur motivation ? <em>« Avoir un manuel c'est comme un argumentaire,</em> répond Ptolémé, <em>ça peut permettre de placer la discussion sur un plan très pratique, technique et peut-être de dépasser les oppositions caricaturales entre cultivateur·ices et personnes qui s'opposent à l'exploitation animale. »</em></p>
<p>Hélène a d’abord été végétarienne pendant vingt ans. <em>« Il s’agissait surtout de critiquer le mode de surproduction et de surconsommation occidental qui détruit les ressources et les êtres vivants en s’imposant, partout dans le monde. Au fil de mes rencontres, j’ai découvert le végétalisme. Critiquer l’élevage tout en continuant à manger des produits laitiers, ça n’était pas justifié rationnellement, ça n’était pas logique. C’est pourquoi je suis devenue végétalienne. Ce qui m’intéresse surtout, c’est la manière dont on utilise les terres pour produire l’alimentation. »</em><br />Qu’est-ce qui a retenu son attention dans « Growing green » ? <em>« Les pratiques décrites dans le manuel ne sont pas incroyables mais les perspectives sont inhabituelles, novatrices. C’est un guide qui s’adresse aussi bien à quelqu’un·e qui fait du jardinage à petite échelle qu’à un·e maraîcher·e professionnel·le, en donnant des techniques différentes selon les niveaux. »</em></p>
<p>Elle avait imaginé que chacun·e traduirait une partie du manuel et que l’affaire serait réglée en six mois.<em> « Ça a duré quatre ans,</em> sourit-elle. <em>Au début, nous habitions tous·tes sur la zone. Mais après les expulsions et l’abandon du projet d’aéroport <span style="font-size: 8pt;">(10),</span> nous nous sommes dispersé·es un peu partout. Comme nous n’avions plus de maison, nous avons organisé des sessions de travail, environ tous les deux-trois mois, dans différents lieux : des collectifs, des squats... Comme dans le Berry. Nous avions besoin d’un peu de chauffage et de la Wifi ! »</em><br />Des personnes ont renforcé ponctuellement le noyau dur. <em>« Beaucoup de gens ont participé à des petits bouts du projet. Au total, une soixantaine dont certain·es que nous n’avons jamais vu·es ! <em>»</em></em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/couverture_entière.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La couverture du livre réalisée par Lysandre Guillaumat."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/couverture_entière.jpg" alt="Eco délégués CE" width="323" height="391" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________</span></strong></p>
<h3>« Les mots ne sont pas neutres »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>________________________________________</strong></span></p>
<p>La traduction a suscité des discussions et des débats.<em> « Les mots ne sont pas neutres et façonnent aussi nos pensées »</em>, écrit l’équipe dans un chapitre ajouté au texte d’origine pour expliquer ses choix. <em>« A quel point tu adaptes, tu interprètes ?</em> questionne Hélène. <em>Nous avons conservé la plupart des références britanniques, parce que c’est surtout un récit d’une expérience et parce que c’est intéressant aussi de savoir ce qui se passe ailleurs. Nous les avons complétées de notes avec des références francophones. »</em></p>
<p>Autre choix important : l’écriture inclusive. <em>« C’est intéressant que ce soit dans un livre qui ne parle pourtant pas de ça,</em> estime Clair, qui a participé à la mise en page et l’édition de l’ouvrage. <em>Pour moi, la lutte végane est liée aux autres luttes contre les dominations, comme l’antisexisme. C’est important que ça prenne forme là. »</em> Certes, l’écriture inclusive conserve une vision binaire du genre (masculin ou féminin) et l’équipe a même envisagé d’utiliser le neutre (par exemple, « als aiment les légumes »). <em>« Ce qui nous a mis d’accord, c’est que le livre est diffusé dans des milieux non militants par rapport à ça,</em> souligne Hélène. <em>L’écriture inclusive commence à être connue, c’est déjà un pas même si ce serait chouette d’aller plus loin. »</em></p>
<p>La traduction du terme « travail » a aussi été débattue. <em>« Il était répété, martelé à de nombreuses reprises,</em> explique Léonard. <em>Nous voulions éviter de véhiculer cette idéologie du travail issue du capitalisme. »</em> Pour Hélène, il s’agissait de décrire surtout des activités : <em>« Nous avons trouvé des stratégies de contournement. Par exemple, « passage d’outils sur le sol » à la place de « travail du sol ». »</em><br />Le mot « farm » est resté « ferme » plutôt que « exploitation agricole », expression qui renvoie à une conception purement économique. « Sustainability », habituellement transformé en « développement durable », est resté « soutenabilité ».</p>
<p>Comment traduire « stockfree » ? Végane ? <em>« Si on écrit végane toutes les trois pages, jamais celleux qui cultivent avec du fumier ne liront le livre,</em> explique Hélène. <em>Nous avions pensé à « sans animaux » mais il y a beaucoup d’auxiliaires dans les jardins c’est pourquoi, nous avons finalement choisi « sans intrant d’élevage ». »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un livre auto-édité et auto-distribué</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>___________________________________________</strong></span></p>
<p>Pour éditer le livre, l’équipe a contacté différentes maisons dont elle se sentait proche. Problème : elle tenait à la possibilité d’un prix libre et d’un accès gratuit en version numérique. <em>« L’objectif principal, c’est qu’il soit lu et partagé »</em>, souligne Léonard. <em>« Je n’ai pas vraiment envie de le vendre, je préfère le donner ou le déposer dans des librairies ou sur des tables lors d’événements ciblés »</em>, explique Ptolémé.<br />Finalement, le groupe a créé une association, Carpelle <span style="font-size: 8pt;">(11)</span>, pour se lancer dans l’auto-édition et l’auto-diffusion.<br />Clair a rejoint l’aventure à ce moment-là : <em>« En terme de mise en page, je ne trouvais pas le livre d’origine assez lisible. On pouvait faire mieux. Quelles formes utiliser pour servir le propos ? J’ai passé beaucoup de temps à travailler sur les polices : par exemple, une police avec empâtement, c’est moins lisible pour les dyslexiques. Les tableaux aussi devaient être facilement accessibles : c’est un manuel technique, il faut trouver l’info rapidement. »</em> Carpelle a utilisé des logiciels libres qui ne dépendent pas des GAFAM <span style="font-size: 8pt;">(12)</span>, tels que Scribus. <em>« C’est important,</em> assure Clair. <em>Les outils numériques peuvent être des armes de lutte mais ils sont aussi des outils du capital. »</em></p>
<p>Pour la première impression, l’association a reçu des dons de particuliers et de la fondation Lush <span style="font-size: 8pt;">(13)</span>. Mille exemplaires ont été livrés à Fajoles, siège de l’association, en novembre dernier. <em>« C’était chouette,</em> se souvient Clair. <em>J’ai adoré le rendu. Je le trouve beau. On s’en est bien sorti pour des amataires <span style="font-size: 8pt;">(14) </span>! »</em><br /><em>« Je suis fier de voir le résultat, de voir le livre là comme objet concrétisé et j'espère le voir nourrir des pratiques agricoles »</em>, sourit Léonard.<em></em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/oiseau_planète.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Lysandre Guillaumat, extraite de la couverture de "Sans fumier !"."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/oiseau_planète.jpg" alt="Eco délégués CE" width="190" height="218" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Démarginaliser le véganisme</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p>Mais comment toucher les lecteur·ices cibles, les maraîcher·es ? L’équipe de Carpelle a listé les centres de formations et lycées agricoles, les réseaux d’agriculture biologique, les collectifs militants, les lieux qui pratiquent déjà sans intrant d’élevage (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>), les librairies engagées, les médias… Son activité se concentre désormais sur la communication, l’envoi et le dépôt des ouvrages. L’accueil est positif, les retours encourageants. A tel point que certains membres de l’association songent déjà à une réédition !</p>
<p>Qu’est-ce que cette aventure leur aura apporté personnellement ? Hélène et Léonard ont le désir de mettre en pratique ce qu’iels ont découvert dans le livre, là où iels vivent. <em>« Ah non, moi j’habite près du périph’. Même si je pouvais cultiver des légumes, je n’aurais pas envie de les manger !</em> plaisante Ptolémé. <em>Mais j’ai acquis des connaissances sur l’agriculture ; j’ai rencontré beaucoup de personnes, cuisiné avec elles… ça m’a fait avancer dans mon végétarisme. »</em> Depuis peu, il est devenu végane.</p>
<p>Pour Clair aussi, qui vient d’un milieu <em>« hyper carné »</em>, l’expérience l’a fait progresser dans ses réflexions. <em>« Ça m’a montré un côté plus positif du véganisme. Il y a quelque chose d’extrêmement trash dans L214 <span style="font-size: 8pt;">(15)</span>, je n’ai pas besoin de passer par ça. Le livre passe par mon cerveau, pas par mon affect. Il montre aussi qu’il y a une vraie communauté autour de ces questions, un vrai réseau ; ça démarginalise le véganisme. Nous y contribuons : nous avons besoin d’éduquer, de transmettre nos valeurs, donc il faut les théoriser puis les mettre en pratique. »</em></p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"> </span><span style="font-size: 8pt;">(1) Zone A Défendre.<br />(2) Perspectives de la population mondiale, rapport des Nations Unies 2019 : <a href="https://www.un.org/fr/global-issues/population">https://www.un.org/fr/global-issues/population</a><br />(3) <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/agriculture-surface-agricole-necessaire-nourrir-francais-87169/">https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/agriculture-surface-agricole-necessaire-nourrir-francais-87169/</a><br />(4) <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/developpement-durable-manger-moins-viande-proteger-environnement-44770/">https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/developpement-durable-manger-moins-viande-proteger-environnement-44770/</a><br />(5) <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/11/pourquoi-la-viande-est-elle-si-nocive-pour-la-planete_5395914_4355770.html">https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/11/pourquoi-la-viande-est-elle-si-nocive-pour-la-planete_5395914_4355770.html</a><br />(6) <a href="https://www.greenpeace.fr/elevage/">https://www.greenpeace.fr/elevage/</a><br />(7) <a href="https://www.l214.com/animaux/chiffres-cles/statistiques-nombre-animaux-abattus-france-viande/">https://www.l214.com/animaux/chiffres-cles/statistiques-nombre-animaux-abattus-france-viande/</a><br />(8) p.32 de la version française.<br />(9) p.29 de la version française.<br />(10) <a href="https://reporterre.net/Notre-Dame-des-Landes-le-projet-d-aeroport-est-abandonne">https://reporterre.net/Notre-Dame-des-Landes-le-projet-d-aeroport-est-abandonne</a><br />(11) Une partie de la fleur qui se transforme en fruit.<br />(12) Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.<br />(13) <a href="https://weare.lush.com/fr/la-vie-selon-lush/dons-caritatifs/donations-charity-pot/">https://weare.lush.com/fr/la-vie-selon-lush/dons-caritatifs/donations-charity-pot/</a><br />(14) Pour amateur·ices : Clair utilise le neutre à l’écrit comme à l’oral.<br />(15) De son nom complet, L214 Ethique et Animaux : association de défense des animaux utilisés comme ressources alimentaires, qui entend dénoncer leurs conditions d’élevage, de transport et d’abattage: <a href="https://www.l214.com/qui-sommes-nous/en-bref/">https://www.l214.com/qui-sommes-nous/en-bref/</a></span></p>
<p style="text-align: center;"> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">A écouter</h3>
</div>
<iframe src="https://video.ploud.fr/videos/embed/98bb1551-997b-4aea-af10-e6406a33a532" width="560" height="315" title="interview Lysandre" sandbox="allow-same-origin allow-scripts allow-popups" allowfullscreen="" frameborder="0"></iframe></div>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Contact</h3>
</div>
<ul>
<li>Pour contacter l’association, obtenir un ou plusieurs ouvrages, participer à la diffusion dans votre région : <a href="mailto:carpelle@subvertising.org">carpelle@subvertising.org</a></li>
</ul>
</div><p style="text-align: right;"><strong><em>« Au départ, on était des rigolos. </em></strong><strong><em>Aujourd’hui, on serait la menace suprême de l’agriculture. »</em></strong></p>
<p style="text-align: right;"><em><strong><strong><em>Hélène, membre de l’association Carpelle</em></strong></strong></em></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">F</span><em>aire pousser des légumes sans fumier ? C’est impossible ! »</em><br /><em>« Oui, d’accord, peut-être dans ton potager de 100 m² mais en mode professionnel, ça ne peut pas fonctionner. »</em><br /><em>« Vous les véganes, vous n’y connaissez vraiment rien à l’agriculture… »</em></p>
<p>Combien de temps, encore, le débat restera-t-il aussi clivant et stérile ?</p>
<p>Sans doute jusqu’à ce que les arguments rationnels et techniques, les expériences et les pratiques menées depuis de nombreuses années soient enfin connues du plus grand nombre. Oui, cultiver des légumes sans intrant d’élevage est possible ! Oui, en vivre économiquement aussi. Non, ce n’est pas réservé à une bande de hippies gaucho ou à de lointain·es paysan·nes à l’autre bout de la planète ! Pas non plus à des ingénieur·es en agronomie...</p>
<p>Confronté·es aux débats parfois compliqués entre éleveur·ses et végétalien·nes, un groupe alors installé sur la ZAD (1) de Notre-Dame-des-Landes a cherché des ressources attestant l’existence et l’efficience du maraîchage biologique sans intrant d’élevage. C’est ainsi que l’aventure « Growing green » est née : la découverte d’un ouvrage de référence en Grande-Bretagne, sa traduction en français et, en novembre 2021, la publication de « Sans fumier ! Manuel de maraîchage biologique sans intrant d’élevage pour un futur soutenable ». Déjà en cours de diffusion, sa sortie officielle sera fêtée au mois de mai dans le Berry.</p>
<p>Pourquoi la parution de ce livre est-il un événement ? Que contient-il ? Par quels chemins sont passés celleux qui l’ont traduit ? En quoi, aujourd’hui, cultiver sans intrant d’élevage est un véritable acte politique ?</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></strong></p>
<h3>Lutter contre un système</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>______________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>J’ai rencontré Hélène, Léonard, Katherine et Céline en 2018. Il faisait beau et le vent soufflait fort, comme souvent sur les hauteurs de Conques-Bas à Humbligny. Des membres de mon collectif, la Coopération Intégrale du Berry (CIB), m’avaient prévenue de l’arrivée d’un groupe de personnes traduisant un manuel d’agriculture végétalienne. <em>« Vas-y ! »</em></p>
<p>A l’époque, les opportunités de discuter de ce sujet n’étaient pas nombreuses. Au sein de la CIB – pourtant construite sur un désir d’autonomie notamment alimentaire – je me débattais dans des discussions houleuses, douloureuses, rarement constructives. Végétalienne depuis quelques années, je ne parvenais pas à comprendre comment certain·es se disaient anticapitalistes, contre toutes formes de domination, et envisageaient sérieusement d’accueillir un élevage… Isolée, je me heurtais aux a priori et aux clichés, et ils m’affectaient d’autant plus qu’ils provenaient de camarades politisé·es. A court d’arguments, je décidai de ne plus aborder le sujet qui devint dès lors quasiment tabou entre nous.</p>
<p>En rencontrant Hélène, Léonard et Katherine, j’appris que d’autres avaient fait cette expérience mais qu’iels avaient réagi en déconstruisant le mythe du « sans élevage, rien à manger parce que sans fumier pas de légume » ou qu’être végane est un « truc d’urbain·e » déconnecté·e des réalités agricoles.</p>
<p>Je suis née et ai vécu quasiment toute ma vie à la campagne, entourée de champs et de bois, dans le fin fond de la Mayenne, de la Bretagne et du Berry. Mes grands-parents étaient agriculteur·ices ; mes parents avaient un potager vivrier pour les enfants que ma mère, en vraie nourrice, nourrissait. Les réalités agricoles ? Je me souviens des algues vertes jonchant les plages des Côtes-d’Armor ; de l’abattoir où mes amies travaillaient jusqu’à l’épuisement et la nausée ; de mes premières manifestations pour soutenir les producteur·ices saigné·es par Entremont, E. Leclerc, Lidl ; des suicides de paysans de la famille aussi...</p>
<p>Pour moi, devenir végétalienne, donc lutter contre l’élevage, c’est lutter contre un système qui broie les êtres humains comme les êtres non humains. L’agriculture sans intrant d’élevage est une réponse aux problèmes environnementaux considérables que cause la production de viande, ainsi qu’un acte engagé contre une forme de domination particulièrement brutale. Mais c’est aussi une opportunité formidable pour les agriculteur·ices à la recherche d’autonomie et de résistance au système qui les exploite elleux aussi.<a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Jenny Hall, extraite du manuel "Sans fumier !""><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_1.jpg" alt="Eco délégués CE" width="374" height="258" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> <strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une alimentation plus juste et moins polluante</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>_____________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Ecartons les considérations liées à la souffrance animale pour le moment.</p>
<p>Prenons la question sous un angle démographique. La population mondiale approche les 8 milliards d’êtres humains et il est prévu que nous soyons près de 10 milliards en 2050 <span style="font-size: 8pt;">(2).</span> Sera-t-il physiquement possible de nourrir tout le monde selon un régime carné à l’occidental ? Non. Pour cela, il faudrait quatre planètes de la taille de la Terre !<br />A contrario, un régime végétalien plus étendu permettrait de réduire considérablement les besoins en surface agricole par personne et ainsi, de nourrir davantage de familles. L’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) estime en effet qu’avec un régime entièrement végétal, un·e Français·e aurait besoin de seulement 1.200 m² d'empreinte au sol pour son alimentation, tandis qu'un·e consommateur·ice de viande aurait besoin de 5.200 m²<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>.</p>
<p>Dépérirons-nous, habitué·es que nous sommes à nous nourrir d’autres animaux ? Non plus. ll n’y a aucun nutriment vital dans un steak, des œufs ou des produits laitiers qui ne se trouve dans ce qui est produit par les végétaux et les micro-organismes. <em>« Seules les plantes sont les productrices de l’énergie alimentaire et de l’humus du sol, et tous les animaux, y compris les êtres humains, n’en sont que des consommateur·ices,</em> rappellent les auteur·ices de « Sans fumier ! ». <em>Nous convertissons et concentrons peut-être l’énergie – et donc la fertilité – des aliments dans notre corps et excréments, mais ne faisons que la détruire. »</em> En d’autres termes : c’est parce que les animaux ingèrent des végétaux (ou d’autres animaux qui en ingèrent) et qu’ils synthétisent protéines, glucides, vitamines et minéraux, que nous en bénéficions en les mangeant. Une sorte d’alimentation indirecte, autrefois nécessaire dans certaines régions du monde par la pauvreté des ressources en végétaux, mais plus du tout justifiée aujourd’hui. Manger directement une alimentation végétalienne complète et équilibrée – assurée par des légumes, des légumineuses, des céréales, des oléagineux, des fruits, des champignons et des produits issus des micro-organismes – est beaucoup plus efficace !</p>
<p>Et beaucoup moins polluant pour la planète. Parmi les impacts de la production de viande du point de vue environnemental, citons les émissions de gaz à effet de serre <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, la déforestation et la consommation excessive d’eau <span style="font-size: 8pt;">(5)</span> ou encore les pollutions souvent irréversibles <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. Qu’il soit industriel, « traditionnel » ou même bio, aucun élevage n'échappe à ces phénomènes.</p>
<p>Enfin, le système d’élevage conditionne aussi notre rapport aux animaux, qu’ils soient humains ou non humains. La plupart des éleveur·ses sont soumis·es au pouvoir de l’agro-industrie, dont l’objectif est avant tout de tirer profit de leur activité. A cause des subventions notamment, les inégalités entre producteur·ices de différents pays s’accentuent, créant une véritable compétition entre elleux, plutôt qu’une coopération visant à nourrir correctement leurs congénères.<br />Quant aux animaux non humains, leur asservissement induit des conditions de naissance, de vie et de mort, dont une espèce auto-proclamée douée de la plus fine intelligence (y compris émotionnelle) comme la nôtre ne devrait plus se satisfaire au XXIe siècle. Environ 3,2 millions d’animaux d’élevage sont abattus chaque jour en France, soit 1,2 milliard par an ! <span style="font-size: 8pt;">(7)</span> Et qu’ils aient été « bien traités » n’y change rien. D’ailleurs, que signifie être bien traité lorsqu’on est toute sa vie enfermé avant d’être tué ?</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_4.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Jenny Hall, extraite du manuel "Sans fumier !""><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_4.jpg" alt="Eco délégués CE" width="290" height="163" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> <strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________</span></strong></p>
<h3>Des techniques éprouvées</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>_________________________________</strong></span></p>
<p>Le livre écrit par Iain Tolhurst et Jenny Hall ne s’attarde par sur la condition des animaux d’élevage. Ce n’est pas son propos. <em>« La recherche sur l’agriculture biologique commerciale sans intrant d’élevage n’a pas émergé pour des raisons de compassion, mais par nécessité économique »</em>, écrivent-iels <span style="font-size: 8pt;">(8).</span><br />Au départ, il s’agissait de compenser le manque de fumier sur certaines fermes éloignées des élevages, et ainsi, de leur permettre de rester autonomes.<br />Aujourd’hui élargis, leurs objectifs sont résumés dans la déclaration des cultivateur·ices biologiques sans intrant d’élevage <span style="font-size: 8pt;">(9)</span> : faire des cultures directement pour la production humaine ; laisser des terres marginales pour préserver la vie sauvage et la forêt ; nourrir, vêtir et abriter les populations du monde présent et à venir.<br />Pour cela, iels proposent des techniques de fertilisation du sol qui permettent d’être autonomes du système agro-industriel, car pouvant être produits directement sur la ferme : engrais verts, compostage maîtrisé, couverture des sols, mise en place de rotations adaptées… Iels entendent contrôler les ravageurs en favorisant la faune et la flore locales, et en utilisant des barrières issues du monde naturel lorsque cela est vraiment nécessaire.<br />Iels veillent à limiter leur impact environnemental en réutilisant au maximum matériaux et outils, en utilisant le moins possible d’énergies fossiles et en commercialisant au plus près leurs paniers de produits.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_5.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Jenny Hall, extraite du manuel "Sans fumier !""><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/dessin_5.jpg" alt="couverture entière" width="438" height="250" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Ainsi, au fil des pages, les lecteur·ices de « Sans fumier ! » découvrent des techniques de protection des sols, via des composts et des engrais verts, et la manière de passer les outils. Iels apprennent le rôle des plantes dans la fertilité et comment utiliser au mieux déchets verts, foin et paille, algues, bois raméal… Ils peuvent aussi explorer les méthodes de compostage, de multiplication (semences, plants, terreaux), de rotations des cultures, la gestion des adventices, des maladies et des ravageurs… Un chapitre est consacré à la préservation de l’environnement avec des recommandations sur les maintiens des haies, des points d’eau, l’entretien des fossés ou encore le fauchage. Une partie détaille également le cycle de culture légume par légume… Le tout sans jamais avoir recours aux produits issus de l’élevage comme le fumier et le lisier, ni de produits synthétiques polluants qui les remplaceraient.<br />De même que manger des animaux est une manière indirecte de se nourrir, utiliser des intrants d’élevage est non efficiente. <em>« Personne ne nie que le fumier et les sous-produits d’abattoirs fertilisent le sol et contribuent au rendement des récoltes</em>, précisent les auteur·ices. <em>Cependant, la fertilité ne vient pas de ces résidus, mais plutôt de l’herbe et des céréales que les animaux ont mangé·es. »</em></p>
<p>Loin d’être une simple déclaration de bonnes intentions, le manuel montre que le maraîchage biologique sans intrant d’élevage fonctionne, y compris économiquement parlant. Depuis 1994 en Grande-Bretagne, Iain Tolhurst, co-auteur du livre, cultive ainsi des légumes sur 7,3 hectares et alimente chaque semaine 400 paniers. Véritable site de démonstration et de formation reconnu dans le monde entier, sa ferme est devenue un modèle pour le développement du cahier des charges de l’agriculture biologique sans intrant d’élevage présent dans « Sans fumier ! ».<br />Jenny Hall, co-autrice, est aussi maraîchère professionnelle, depuis 1997. Figure du Vegan Organic Network (VON, le réseau d’agriculture biologique végane en Grande-Bretagne), elle a fondé plusieurs fermes biologiques sans intrant d’élevage. Elle gère actuellement un projet de rétablissement de santé psychologique sur un jardin-forêt et jardin-maraîcher.</p>
<p>Tous·tes deux ont contribué à la traduction de leur manuel en français, en répondant régulièrement aux questions de l’équipe dans l'hexagone. Une équipe qui a dû être très persévérante pour que « Sans fumier ! » voie le jour...</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Placer la discussion sur un plan pratique</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>_______________________________________________</strong></span></p>
<p>En 2016, à l’occasion d’une semaine antispéciste sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Hélène a rencontré les Schmruts, une cantine végane, dont les membres lui ont parlé de VON. <em>« J’ai fait des recherches sur Internet et j’ai trouvé « Growing green », présenté comme un ouvrage de référence,</em> explique-t-elle. <em>J’ai passé une annonce sur la zone pour lancer l’idée d’une traduction en français. Une douzaine de personnes ont répondu. Certain·es étaient véganes, d’autres étaient surtout intéressé·es par la traduction. »</em><br />Parmi elleux, Léonard et Ptolémé, tous les deux bilingues, l’un végane, l’autre non. Leur motivation ? <em>« Avoir un manuel c'est comme un argumentaire,</em> répond Ptolémé, <em>ça peut permettre de placer la discussion sur un plan très pratique, technique et peut-être de dépasser les oppositions caricaturales entre cultivateur·ices et personnes qui s'opposent à l'exploitation animale. »</em></p>
<p>Hélène a d’abord été végétarienne pendant vingt ans. <em>« Il s’agissait surtout de critiquer le mode de surproduction et de surconsommation occidental qui détruit les ressources et les êtres vivants en s’imposant, partout dans le monde. Au fil de mes rencontres, j’ai découvert le végétalisme. Critiquer l’élevage tout en continuant à manger des produits laitiers, ça n’était pas justifié rationnellement, ça n’était pas logique. C’est pourquoi je suis devenue végétalienne. Ce qui m’intéresse surtout, c’est la manière dont on utilise les terres pour produire l’alimentation. »</em><br />Qu’est-ce qui a retenu son attention dans « Growing green » ? <em>« Les pratiques décrites dans le manuel ne sont pas incroyables mais les perspectives sont inhabituelles, novatrices. C’est un guide qui s’adresse aussi bien à quelqu’un·e qui fait du jardinage à petite échelle qu’à un·e maraîcher·e professionnel·le, en donnant des techniques différentes selon les niveaux. »</em></p>
<p>Elle avait imaginé que chacun·e traduirait une partie du manuel et que l’affaire serait réglée en six mois.<em> « Ça a duré quatre ans,</em> sourit-elle. <em>Au début, nous habitions tous·tes sur la zone. Mais après les expulsions et l’abandon du projet d’aéroport <span style="font-size: 8pt;">(10),</span> nous nous sommes dispersé·es un peu partout. Comme nous n’avions plus de maison, nous avons organisé des sessions de travail, environ tous les deux-trois mois, dans différents lieux : des collectifs, des squats... Comme dans le Berry. Nous avions besoin d’un peu de chauffage et de la Wifi ! »</em><br />Des personnes ont renforcé ponctuellement le noyau dur. <em>« Beaucoup de gens ont participé à des petits bouts du projet. Au total, une soixantaine dont certain·es que nous n’avons jamais vu·es ! <em>»</em></em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/couverture_entière.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La couverture du livre réalisée par Lysandre Guillaumat."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/couverture_entière.jpg" alt="Eco délégués CE" width="323" height="391" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________</span></strong></p>
<h3>« Les mots ne sont pas neutres »</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>________________________________________</strong></span></p>
<p>La traduction a suscité des discussions et des débats.<em> « Les mots ne sont pas neutres et façonnent aussi nos pensées »</em>, écrit l’équipe dans un chapitre ajouté au texte d’origine pour expliquer ses choix. <em>« A quel point tu adaptes, tu interprètes ?</em> questionne Hélène. <em>Nous avons conservé la plupart des références britanniques, parce que c’est surtout un récit d’une expérience et parce que c’est intéressant aussi de savoir ce qui se passe ailleurs. Nous les avons complétées de notes avec des références francophones. »</em></p>
<p>Autre choix important : l’écriture inclusive. <em>« C’est intéressant que ce soit dans un livre qui ne parle pourtant pas de ça,</em> estime Clair, qui a participé à la mise en page et l’édition de l’ouvrage. <em>Pour moi, la lutte végane est liée aux autres luttes contre les dominations, comme l’antisexisme. C’est important que ça prenne forme là. »</em> Certes, l’écriture inclusive conserve une vision binaire du genre (masculin ou féminin) et l’équipe a même envisagé d’utiliser le neutre (par exemple, « als aiment les légumes »). <em>« Ce qui nous a mis d’accord, c’est que le livre est diffusé dans des milieux non militants par rapport à ça,</em> souligne Hélène. <em>L’écriture inclusive commence à être connue, c’est déjà un pas même si ce serait chouette d’aller plus loin. »</em></p>
<p>La traduction du terme « travail » a aussi été débattue. <em>« Il était répété, martelé à de nombreuses reprises,</em> explique Léonard. <em>Nous voulions éviter de véhiculer cette idéologie du travail issue du capitalisme. »</em> Pour Hélène, il s’agissait de décrire surtout des activités : <em>« Nous avons trouvé des stratégies de contournement. Par exemple, « passage d’outils sur le sol » à la place de « travail du sol ». »</em><br />Le mot « farm » est resté « ferme » plutôt que « exploitation agricole », expression qui renvoie à une conception purement économique. « Sustainability », habituellement transformé en « développement durable », est resté « soutenabilité ».</p>
<p>Comment traduire « stockfree » ? Végane ? <em>« Si on écrit végane toutes les trois pages, jamais celleux qui cultivent avec du fumier ne liront le livre,</em> explique Hélène. <em>Nous avions pensé à « sans animaux » mais il y a beaucoup d’auxiliaires dans les jardins c’est pourquoi, nous avons finalement choisi « sans intrant d’élevage ». »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un livre auto-édité et auto-distribué</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>___________________________________________</strong></span></p>
<p>Pour éditer le livre, l’équipe a contacté différentes maisons dont elle se sentait proche. Problème : elle tenait à la possibilité d’un prix libre et d’un accès gratuit en version numérique. <em>« L’objectif principal, c’est qu’il soit lu et partagé »</em>, souligne Léonard. <em>« Je n’ai pas vraiment envie de le vendre, je préfère le donner ou le déposer dans des librairies ou sur des tables lors d’événements ciblés »</em>, explique Ptolémé.<br />Finalement, le groupe a créé une association, Carpelle <span style="font-size: 8pt;">(11)</span>, pour se lancer dans l’auto-édition et l’auto-diffusion.<br />Clair a rejoint l’aventure à ce moment-là : <em>« En terme de mise en page, je ne trouvais pas le livre d’origine assez lisible. On pouvait faire mieux. Quelles formes utiliser pour servir le propos ? J’ai passé beaucoup de temps à travailler sur les polices : par exemple, une police avec empâtement, c’est moins lisible pour les dyslexiques. Les tableaux aussi devaient être facilement accessibles : c’est un manuel technique, il faut trouver l’info rapidement. »</em> Carpelle a utilisé des logiciels libres qui ne dépendent pas des GAFAM <span style="font-size: 8pt;">(12)</span>, tels que Scribus. <em>« C’est important,</em> assure Clair. <em>Les outils numériques peuvent être des armes de lutte mais ils sont aussi des outils du capital. »</em></p>
<p>Pour la première impression, l’association a reçu des dons de particuliers et de la fondation Lush <span style="font-size: 8pt;">(13)</span>. Mille exemplaires ont été livrés à Fajoles, siège de l’association, en novembre dernier. <em>« C’était chouette,</em> se souvient Clair. <em>J’ai adoré le rendu. Je le trouve beau. On s’en est bien sorti pour des amataires <span style="font-size: 8pt;">(14) </span>! »</em><br /><em>« Je suis fier de voir le résultat, de voir le livre là comme objet concrétisé et j'espère le voir nourrir des pratiques agricoles »</em>, sourit Léonard.<em></em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/oiseau_planète.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Lysandre Guillaumat, extraite de la couverture de "Sans fumier !"."><img src="http://www.rebonds.net/images/CARPELLE/oiseau_planète.jpg" alt="Eco délégués CE" width="190" height="218" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p>
<h3>Démarginaliser le véganisme</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>___________________________________</strong></span></p>
<p>Mais comment toucher les lecteur·ices cibles, les maraîcher·es ? L’équipe de Carpelle a listé les centres de formations et lycées agricoles, les réseaux d’agriculture biologique, les collectifs militants, les lieux qui pratiquent déjà sans intrant d’élevage (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>), les librairies engagées, les médias… Son activité se concentre désormais sur la communication, l’envoi et le dépôt des ouvrages. L’accueil est positif, les retours encourageants. A tel point que certains membres de l’association songent déjà à une réédition !</p>
<p>Qu’est-ce que cette aventure leur aura apporté personnellement ? Hélène et Léonard ont le désir de mettre en pratique ce qu’iels ont découvert dans le livre, là où iels vivent. <em>« Ah non, moi j’habite près du périph’. Même si je pouvais cultiver des légumes, je n’aurais pas envie de les manger !</em> plaisante Ptolémé. <em>Mais j’ai acquis des connaissances sur l’agriculture ; j’ai rencontré beaucoup de personnes, cuisiné avec elles… ça m’a fait avancer dans mon végétarisme. »</em> Depuis peu, il est devenu végane.</p>
<p>Pour Clair aussi, qui vient d’un milieu <em>« hyper carné »</em>, l’expérience l’a fait progresser dans ses réflexions. <em>« Ça m’a montré un côté plus positif du véganisme. Il y a quelque chose d’extrêmement trash dans L214 <span style="font-size: 8pt;">(15)</span>, je n’ai pas besoin de passer par ça. Le livre passe par mon cerveau, pas par mon affect. Il montre aussi qu’il y a une vraie communauté autour de ces questions, un vrai réseau ; ça démarginalise le véganisme. Nous y contribuons : nous avons besoin d’éduquer, de transmettre nos valeurs, donc il faut les théoriser puis les mettre en pratique. »</em></p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"> </span><span style="font-size: 8pt;">(1) Zone A Défendre.<br />(2) Perspectives de la population mondiale, rapport des Nations Unies 2019 : <a href="https://www.un.org/fr/global-issues/population">https://www.un.org/fr/global-issues/population</a><br />(3) <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/agriculture-surface-agricole-necessaire-nourrir-francais-87169/">https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/agriculture-surface-agricole-necessaire-nourrir-francais-87169/</a><br />(4) <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/developpement-durable-manger-moins-viande-proteger-environnement-44770/">https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/developpement-durable-manger-moins-viande-proteger-environnement-44770/</a><br />(5) <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/11/pourquoi-la-viande-est-elle-si-nocive-pour-la-planete_5395914_4355770.html">https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/11/pourquoi-la-viande-est-elle-si-nocive-pour-la-planete_5395914_4355770.html</a><br />(6) <a href="https://www.greenpeace.fr/elevage/">https://www.greenpeace.fr/elevage/</a><br />(7) <a href="https://www.l214.com/animaux/chiffres-cles/statistiques-nombre-animaux-abattus-france-viande/">https://www.l214.com/animaux/chiffres-cles/statistiques-nombre-animaux-abattus-france-viande/</a><br />(8) p.32 de la version française.<br />(9) p.29 de la version française.<br />(10) <a href="https://reporterre.net/Notre-Dame-des-Landes-le-projet-d-aeroport-est-abandonne">https://reporterre.net/Notre-Dame-des-Landes-le-projet-d-aeroport-est-abandonne</a><br />(11) Une partie de la fleur qui se transforme en fruit.<br />(12) Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.<br />(13) <a href="https://weare.lush.com/fr/la-vie-selon-lush/dons-caritatifs/donations-charity-pot/">https://weare.lush.com/fr/la-vie-selon-lush/dons-caritatifs/donations-charity-pot/</a><br />(14) Pour amateur·ices : Clair utilise le neutre à l’écrit comme à l’oral.<br />(15) De son nom complet, L214 Ethique et Animaux : association de défense des animaux utilisés comme ressources alimentaires, qui entend dénoncer leurs conditions d’élevage, de transport et d’abattage: <a href="https://www.l214.com/qui-sommes-nous/en-bref/">https://www.l214.com/qui-sommes-nous/en-bref/</a></span></p>
<p style="text-align: center;"> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">A écouter</h3>
</div>
<iframe src="https://video.ploud.fr/videos/embed/98bb1551-997b-4aea-af10-e6406a33a532" width="560" height="315" title="interview Lysandre" sandbox="allow-same-origin allow-scripts allow-popups" allowfullscreen="" frameborder="0"></iframe></div>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Contact</h3>
</div>
<ul>
<li>Pour contacter l’association, obtenir un ou plusieurs ouvrages, participer à la diffusion dans votre région : <a href="mailto:carpelle@subvertising.org">carpelle@subvertising.org</a></li>
</ul>
</div>