# 61 La Loire qui se défend (septembre 2022) (Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale. http://www.rebonds.net/61laloirequisedefend 2023-05-11T19:10:45+02:00 (Re)bonds.net Joomla! - Open Source Content Management Quand les centrales nucléaires ont soif - Quelles conséquences sur la Loire ? 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/61laloirequisedefend/798-quandlescentralesnucleairesontsoifquellesconsequencessurlaloire Super User <p><strong>A travers la vigilance qu’il mène sur les centrales de production d’énergie nucléaire, le réseau Sortir du Nucléaire (SDN)<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> veille sur les fleuves. L’antenne Berry-Giennois-Puisaye se préoccupe plus particulièrement de la Loire. Cet été, son niveau et ses débits anormalement faibles ont alimenté les débats&nbsp;: comment assurer la sécurité des centrales si celles-ci n’ont plus assez d’eau pour les circuits de refroidissement&nbsp;? Quelles conséquences les rejets des centrales peuvent avoir sur la température de la Loire et ainsi, sur tout le milieu environnant&nbsp;?</strong></p> <p>Longue de 1.008 kilomètres, la Loire possède des débits irréguliers et des fluctuations saisonnières bien marquées. Ainsi, en moyenne sur une année, on peut enregistrer 350 m³/s à Orléans contre 900 m³/s à l’embouchure en Loire-Atlantique. En période de crue, le débit peut atteindre 7.000 m³/s.<br />L’été, le niveau de la Loire diminue de manière spectaculaire&nbsp;: des bancs de sable similaires à des îles apparaissent alors. Les niveaux les plus bas ont été enregistrés en 1870 et 1949, tandis que le débit minimal a été relevé en 1976 au Pont-Royal d’Orléans&nbsp;: 22,4 m³/s.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/loire.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La Loire au pont de Saint-Satur dans le Cher, septembre 2022 (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/loire.JPG" alt="pride 5294585 960 720" width="376" height="252" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un problème de sûreté&nbsp;?</strong></span></p> <p>Pour réguler niveaux et débits, trois barrages ont été construits à Grangent, Villerest et Naussac. Leur rôle est à la fois de retenir l’eau en période dite de hautes eaux pour éviter les crues (d’octobre à février) et de la relarguer si besoin en période dite de basses eaux (de mars à septembre).<br />Une fonction indispensable pour les centrales de production d’électricité nucléaire situées en bord de Loire&nbsp;: Belleville-sur-Loire, Chinon, Dampierre-en-Burly et Saint-Laurent-des-Eaux. En effet, afin de refroidir leurs installations, les quatre centrales puisent de l’eau dans le fleuve. Pour que leur fonctionnement soit assuré en toute sécurité, des seuils minimums sont définis par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN)&nbsp;: 25 m³/s à Belleville-sur-Loire et Dampierre-en-Burly, 26 m³/s à Chinon, 35 m³/s à Saint-Laurent-des-Eaux <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.<br />Dans le cas contraire&nbsp;? La centrale concernée doit abaisser sa production. Ce fut le cas cet été pour celles situées sur le Rhône et la Garonne, par exemple.</p> <p>Celles du Centre de la France n’ont pas atteint leurs limites. Mais, en-deçà de 60 m³/s, elles sont entrées dans une période de coordination pour partager la ressource. Françoise Pouzet et Catherine Fumé, militant·e·s de SDN Berry-Giennois-Puisaye, soulignent&nbsp;: <em>«&nbsp;Cette année a été particulièrement basse&nbsp;: le 12 août, le débit relevé au pont de Gien était de 44 m³/s seulement. Les barrages n’ont été remplis qu’à 86&nbsp;% et se trouvent à moins de 50&nbsp;% aujourd’hui. Avec le réchauffement climatique et la multiplication des épisodes de canicule, le risque existe vraiment qu’il n’y ait un jour plus assez d’eau pour refroidir les centrales. Or, même à l’arrêt, une centrale doit être refroidie&nbsp;! Et nous n’évoquons que des chiffres qui concernent une période d’activité normale. Mais en cas d’accident majeur, que se passera-t-il&nbsp;? »</em><br />Des réserves d’appoint en eau ultime doivent être présentes sur chaque site nucléaire. Difficile d’obtenir des informations sur leur fonctionnement. SDN a demandé des précisions à la Commission Locale d’Information de Dampierre-en-Burly sur la gestion des eaux en période de sécheresse… et attend les réponses.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Des risques pour la biodiversité</strong></span></p> <p>Autre problème&nbsp;: la température de l’eau. Prélevée dans la Loire pour refroidir les réacteurs, elle est rejetée à une température plus élevée, soit directement, soit après refroidissement dans des tours aéroréfrigérantes pour une évacuation partielle de la chaleur dans l’atmosphère.</p> <p>Afin de préserver l’environnement, notamment l’écosystème, l’échauffement du cours d’eau dû au fonctionnement de la centrale nucléaire, ainsi que la température de l’eau à son aval sont encadrés par des valeurs limites fixées par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). En cas de dépassement, EDF doit réduire la puissance des réacteurs ou les arrêter. Ce fu le cas pour le réacteur 2 de la centrale de Golfech le 31 juillet dernier.</p> <p>Toutefois, des dérogations peuvent être accordées par l’ASN, à la demande d’EDF, en cas de besoin du réseau électrique. Ainsi, des arrêtés exceptionnels ont autorisé les centrales de Blayais, Bugey, Saint-Alban et Tricastin à déroger au seuil fixant la température maximale admissible pour les cours d’eau, pourtant déjà haute&nbsp;: jusqu’à 36,5 °C pour l’eau en aval du rejet dans l’estuaire de la Gironde. Un véritable danger pour la faune, comme l’a dénoncé le Réseau Sortir Du Nucléaire dans un communiqué&nbsp;: <em>«&nbsp;Comment imaginer que la biodiversité aquatique ressortira indemne de trois semaines de cuisson à petit feu&nbsp;? Quel crédit accorder aux études qui seront menées sur l’impact environnemental de ce mode de fonctionnement, dans la mesure où celles-ci seront réalisées par… EDF elle-même&nbsp;?&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> Il souligne également le risque de prolifération d’espèces invasives, d’algues et de micro-organismes qui peuvent être pathogènes.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/centrale_belleville.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La centrale de Belleville-sur-Loire dans le Cher."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/centrale_belleville.jpg" alt="pride 5294585 960 720" width="500" height="284" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un parc en mauvais état</strong></span></p> <p>Pourquoi ne pas tout simplement réduire la production ou arrêter les réacteurs, comme le préconise normalement la réglementation&nbsp;? Parce que le parc nucléaire est déjà en mauvaise posture. Début septembre, plus de la moitié des réacteurs (32) étaient à l’arrêt&nbsp;: seize pour maintenance courante, 14 pour des contrôles relatifs au problème de corrosion sous contrainte <span style="font-size: 8pt;">(4)</span> et deux pour économie de combustible.</p> <p>Au début du mois, sous la pression du gouvernement, EDF a assuré que 26 devraient redémarrer d’ici au 25 décembre et les autres en février 2023. La production serait ainsi maintenue cet hiver. Mais rien n’est moins sûr, de nouveaux contrôles devant intervenir sur le problème de corrosion en janvier… <br />Sortir Du Nucléaire fustige&nbsp;: <em>«&nbsp;Face à cette défaillance, pour continuer à assurer la production d’électricité, EDF maintient aujourd’hui en fonctionnement, en pleine vague de chaleur exceptionnelle, les centrales qui, en temps normal, sont arrêtées en priorité lors des canicules car elles réchauffent le plus l’eau ou sont situées sur certains des fleuves les plus vulnérables <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une surchauffe des matériels</strong></span></p> <p>Dans le Centre de la France, Françoise Pouzet et Catherine Fumé pointent du doigt les différences de traitement entre les fleuves&nbsp;: <em>«&nbsp;Sur le Rhône et la Garonne, il y a des limites. Pas sur la Loire. Pourquoi&nbsp;? Nous ne comprenons pas qu’il n’y ait pas de réglementation européenne à ce sujet. Toutes les centrales sont liées puisqu’elles se trouvent parfois sur un même cours d’eau, un même bassin. Pourtant, les arrêtés varient de l’une à l’autre.&nbsp;»</em> Elles aimeraient que les prélèvements soient plus nombreux, notamment directement sur les lieux de rejet, pour avoir des données plus fiables&nbsp;: <em>«&nbsp;Souvent, la température est modélisée via des calculs. Mais la dynamique d’un fleuve n’est pas un modèle mathématique&nbsp;!&nbsp;On ne confronte pas assez souvent la théorie et la réalité.&nbsp;»</em></p> <p>L’augmentation de la température inquiète aussi les militant·e·s quant au matériel à l’intérieur des centrales. Plusieurs avis publiés par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et repris par SDN montrent que dans certaines centrales, <em>«&nbsp;de faibles marges existent entre les températures calculées dans les locaux et les températures admissibles pour de nombreux matériels, notamment de sauvegarde&nbsp;»</em>, ce qui <em>«&nbsp;constitue une fragilité de la démonstration de la protection des installations contre les "grands chauds"&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (6)</span> Sont concernés notamment les diesels de secours, qui prennent le relais en cas de perte d’alimentation électrique, pour maintenir le refroidissement, matériel imminemment crucial en cas d’accident.</p> <p>EDF a conscience du problème. En 2008, il a lancé le «&nbsp;Plan Grand Chaud&nbsp;» <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>. Premier objectif&nbsp;: <em>«&nbsp;cartographier les températures d’air et d’eau à horizons 2020-2030 en prenant en compte à la fois le retour d’expérience acquis par EDF depuis une cinquantaine d’années et les modèles de prévision climatique du&nbsp;GIEC.&nbsp;»</em>&nbsp;Deuxième objectif&nbsp;: construire un référentiel sûreté pour permettre aux centrales nucléaires de supporter correctement, et avec les marges nécessaires, les températures extrêmes futures.<em> «&nbsp;Cela passe notamment par le changement de tous les groupes frigorifiques qui servent à refroidir l’air.&nbsp;»&nbsp;</em> Troisième objectif&nbsp;: augmenter la performance thermique des aéroréfrigérants en rénovant les échangeurs.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte-etiage2050-web-6-bf67b-1fd6e-028e9.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Carte : Réseau Sortir Du Nucléaire"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte-etiage2050-web-6-bf67b-1fd6e-028e9.jpg" alt="pride 5294585 960 720" width="434" height="500" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">«&nbsp;Pas une de plus&nbsp;»</span></strong></span></p> <p><br />Mais pour Sortir Du Nucléaire, ces risques sont de trop. Pas question de maintenir davantage le parc existant, encore moins de voir se construire de nouveaux EPR (Réacteur pressurisé européen, nouvelle génération de réacteurs), notamment au regard des prévisions de température annoncées par les scientifiques GIEC&nbsp;: <em>« Une baisse de 10 à 40&nbsp;% du débit des cours d’eau français est prévue d’ici à la fin du siècle. Le débit d’étiage <span style="font-size: 8pt;">(8)</span> de nombreux cours d’eau français pose déjà la question de la faisabilité de la prolongation du fonctionnement des réacteurs existants. La question se pose d’autant plus pour d’éventuels nouveaux réacteurs dont la durée de fonctionnement prévue serait de 60 ans, ce qui nous amène à la fin du siècle.&nbsp;»</em></p> <p><strong>Fanny Lancelin</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Le réseau Sortir Du Nucléaire se compose de 893 groupes à travers toute la France et plus de 60.000 personnes sont signataires de sa charte. Pour en savoir plus&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/">https://www.sortirdunucleaire.org/</a><br />(2) <a href="https://www.eptb-loire.fr/wp-content/uploads/2021/03/EP-Loire_Etiage2019_Rapport_final.pdf">https://www.eptb-loire.fr/wp-content/uploads/2021/03/EP-Loire_Etiage2019_Rapport_final.pdf</a><br />(3) <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF">https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF</a><br />(4) Corrosion sous contrainte&nbsp;: à l’automne 2021, des corrosions sur des portions de tuyauteries de circuit auxiliaire du circuit primaire principal était révélé à Civeaux. Des investigations lancées sur d’autres centrales par EDF et l’ASN ont montré que plusieurs réacteurs étaient touchés, provoquant leur arrêt. Le rapport du 27 juillet 2022 d’EDF à ce sujet&nbsp;: <a href="https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-07/EDF_Mise%20a%20jour%20Note%20Info%20CSC_27juillet%202022.pdf">https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-07/EDF_Mise%20a%20jour%20Note%20Info%20CSC_27juillet%202022.pdf</a><br />(5) La centrale de Golfech est régulièrement arrêtée lorsque les eaux de la Garonne sont trop chaudes et/ou trop basses. Quant aux réacteurs de Saint-Alban, du Blayais et de Bugey 2 et 3, ils fonctionnent en circuit dit "ouvert", prélevant de grandes quantités d’eau et la rejetant à une température très élevée. Lors des derniers étés (notamment 2018, 2019 et 2020), ils ont connu des réduction de puissance ou arrêts. Source&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF">https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF</a><br />(6) Avis de l’IRSN du 30 mars 2020&nbsp;: <a href="https://www.irsn.fr/fr/expertise/avis/2020/documents/mars/avis-irsn-2020-00053.pdf">https://www.irsn.fr/fr/expertise/avis/2020/documents/mars/avis-irsn-2020-00053.pdf</a><br />(7) <a href="https://www.sfen.org/rgn/centrales-nucleaires-face-secheresses-0/">https://www.sfen.org/rgn/centrales-nucleaires-face-secheresses-0/</a><br />(8) Le débit le plus faible d’un cours d’eau.</span></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <strong>Dans l’actualité de SDN Berry-Giennois-Puisaye</strong><br /> • Suite à la découverte de nombreux dysfonctionnements et négligences à la centrale nucléaire de Belleville (Cher), le Réseau Sortir Du Nucléaire et Sortir Du Nucléaire Berry-Giennois-Puisaye ont déposé plainte le 20 octobre 2017 contre EDF et le directeur de la centrale. Rendez-vous le lundi 31 octobre à 9h30 à la cour d’appel d’Orléans pour une nouvelle audience.<br /> <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Belleville-sur-Loire-delabrement">https://www.sortirdunucleaire.org/Belleville-sur-Loire-delabrement</a><br /> • L'association lutte contre les pollutions liées au rejet des industries nucléaires dans la Loire. Lire le dernier article paru sur le sujet le 25 juillet 2022 : <a href="https://www.sdn72.org/2022/07/25/pollutions-de-la-loire-et-de-la-vienne-liees-a-lindustrie-nucleaire/">https://www.sdn72.org/2022/07/25/pollutions-de-la-loire-et-de-la-vienne-liees-a-lindustrie-nucleaire/</a><br /> • L’association participera à un prochain audit lancé par l’ASN sur la confiance de la population en matière de sûreté nucléaire.<br /><strong>Dans l’actualité du Réseau&nbsp;:</strong><br /> • Une pétition est en cours pour dire non à de nouvelles centrales nucléaires en France&nbsp;: <a href="https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/stop-aux-centrales-nucleaires-france/184275">https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/stop-aux-centrales-nucleaires-france/184275</a><br /> • Un recours a été déposé pour contrer la Déclaration d’Utilité Publique du projet de centre d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Projet-CIGEO-d-enfouissement-des-dechets">https://www.sortirdunucleaire.org/Projet-CIGEO-d-enfouissement-des-dechets</a><br /> • L’agenda des actions et manifestations&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Agenda">https://www.sortirdunucleaire.org/Agenda</a></div> <p><strong>A travers la vigilance qu’il mène sur les centrales de production d’énergie nucléaire, le réseau Sortir du Nucléaire (SDN)<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> veille sur les fleuves. L’antenne Berry-Giennois-Puisaye se préoccupe plus particulièrement de la Loire. Cet été, son niveau et ses débits anormalement faibles ont alimenté les débats&nbsp;: comment assurer la sécurité des centrales si celles-ci n’ont plus assez d’eau pour les circuits de refroidissement&nbsp;? Quelles conséquences les rejets des centrales peuvent avoir sur la température de la Loire et ainsi, sur tout le milieu environnant&nbsp;?</strong></p> <p>Longue de 1.008 kilomètres, la Loire possède des débits irréguliers et des fluctuations saisonnières bien marquées. Ainsi, en moyenne sur une année, on peut enregistrer 350 m³/s à Orléans contre 900 m³/s à l’embouchure en Loire-Atlantique. En période de crue, le débit peut atteindre 7.000 m³/s.<br />L’été, le niveau de la Loire diminue de manière spectaculaire&nbsp;: des bancs de sable similaires à des îles apparaissent alors. Les niveaux les plus bas ont été enregistrés en 1870 et 1949, tandis que le débit minimal a été relevé en 1976 au Pont-Royal d’Orléans&nbsp;: 22,4 m³/s.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/loire.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La Loire au pont de Saint-Satur dans le Cher, septembre 2022 (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/loire.JPG" alt="pride 5294585 960 720" width="376" height="252" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un problème de sûreté&nbsp;?</strong></span></p> <p>Pour réguler niveaux et débits, trois barrages ont été construits à Grangent, Villerest et Naussac. Leur rôle est à la fois de retenir l’eau en période dite de hautes eaux pour éviter les crues (d’octobre à février) et de la relarguer si besoin en période dite de basses eaux (de mars à septembre).<br />Une fonction indispensable pour les centrales de production d’électricité nucléaire situées en bord de Loire&nbsp;: Belleville-sur-Loire, Chinon, Dampierre-en-Burly et Saint-Laurent-des-Eaux. En effet, afin de refroidir leurs installations, les quatre centrales puisent de l’eau dans le fleuve. Pour que leur fonctionnement soit assuré en toute sécurité, des seuils minimums sont définis par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN)&nbsp;: 25 m³/s à Belleville-sur-Loire et Dampierre-en-Burly, 26 m³/s à Chinon, 35 m³/s à Saint-Laurent-des-Eaux <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>.<br />Dans le cas contraire&nbsp;? La centrale concernée doit abaisser sa production. Ce fut le cas cet été pour celles situées sur le Rhône et la Garonne, par exemple.</p> <p>Celles du Centre de la France n’ont pas atteint leurs limites. Mais, en-deçà de 60 m³/s, elles sont entrées dans une période de coordination pour partager la ressource. Françoise Pouzet et Catherine Fumé, militant·e·s de SDN Berry-Giennois-Puisaye, soulignent&nbsp;: <em>«&nbsp;Cette année a été particulièrement basse&nbsp;: le 12 août, le débit relevé au pont de Gien était de 44 m³/s seulement. Les barrages n’ont été remplis qu’à 86&nbsp;% et se trouvent à moins de 50&nbsp;% aujourd’hui. Avec le réchauffement climatique et la multiplication des épisodes de canicule, le risque existe vraiment qu’il n’y ait un jour plus assez d’eau pour refroidir les centrales. Or, même à l’arrêt, une centrale doit être refroidie&nbsp;! Et nous n’évoquons que des chiffres qui concernent une période d’activité normale. Mais en cas d’accident majeur, que se passera-t-il&nbsp;? »</em><br />Des réserves d’appoint en eau ultime doivent être présentes sur chaque site nucléaire. Difficile d’obtenir des informations sur leur fonctionnement. SDN a demandé des précisions à la Commission Locale d’Information de Dampierre-en-Burly sur la gestion des eaux en période de sécheresse… et attend les réponses.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Des risques pour la biodiversité</strong></span></p> <p>Autre problème&nbsp;: la température de l’eau. Prélevée dans la Loire pour refroidir les réacteurs, elle est rejetée à une température plus élevée, soit directement, soit après refroidissement dans des tours aéroréfrigérantes pour une évacuation partielle de la chaleur dans l’atmosphère.</p> <p>Afin de préserver l’environnement, notamment l’écosystème, l’échauffement du cours d’eau dû au fonctionnement de la centrale nucléaire, ainsi que la température de l’eau à son aval sont encadrés par des valeurs limites fixées par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). En cas de dépassement, EDF doit réduire la puissance des réacteurs ou les arrêter. Ce fu le cas pour le réacteur 2 de la centrale de Golfech le 31 juillet dernier.</p> <p>Toutefois, des dérogations peuvent être accordées par l’ASN, à la demande d’EDF, en cas de besoin du réseau électrique. Ainsi, des arrêtés exceptionnels ont autorisé les centrales de Blayais, Bugey, Saint-Alban et Tricastin à déroger au seuil fixant la température maximale admissible pour les cours d’eau, pourtant déjà haute&nbsp;: jusqu’à 36,5 °C pour l’eau en aval du rejet dans l’estuaire de la Gironde. Un véritable danger pour la faune, comme l’a dénoncé le Réseau Sortir Du Nucléaire dans un communiqué&nbsp;: <em>«&nbsp;Comment imaginer que la biodiversité aquatique ressortira indemne de trois semaines de cuisson à petit feu&nbsp;? Quel crédit accorder aux études qui seront menées sur l’impact environnemental de ce mode de fonctionnement, dans la mesure où celles-ci seront réalisées par… EDF elle-même&nbsp;?&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> Il souligne également le risque de prolifération d’espèces invasives, d’algues et de micro-organismes qui peuvent être pathogènes.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/centrale_belleville.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La centrale de Belleville-sur-Loire dans le Cher."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/centrale_belleville.jpg" alt="pride 5294585 960 720" width="500" height="284" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un parc en mauvais état</strong></span></p> <p>Pourquoi ne pas tout simplement réduire la production ou arrêter les réacteurs, comme le préconise normalement la réglementation&nbsp;? Parce que le parc nucléaire est déjà en mauvaise posture. Début septembre, plus de la moitié des réacteurs (32) étaient à l’arrêt&nbsp;: seize pour maintenance courante, 14 pour des contrôles relatifs au problème de corrosion sous contrainte <span style="font-size: 8pt;">(4)</span> et deux pour économie de combustible.</p> <p>Au début du mois, sous la pression du gouvernement, EDF a assuré que 26 devraient redémarrer d’ici au 25 décembre et les autres en février 2023. La production serait ainsi maintenue cet hiver. Mais rien n’est moins sûr, de nouveaux contrôles devant intervenir sur le problème de corrosion en janvier… <br />Sortir Du Nucléaire fustige&nbsp;: <em>«&nbsp;Face à cette défaillance, pour continuer à assurer la production d’électricité, EDF maintient aujourd’hui en fonctionnement, en pleine vague de chaleur exceptionnelle, les centrales qui, en temps normal, sont arrêtées en priorité lors des canicules car elles réchauffent le plus l’eau ou sont situées sur certains des fleuves les plus vulnérables <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une surchauffe des matériels</strong></span></p> <p>Dans le Centre de la France, Françoise Pouzet et Catherine Fumé pointent du doigt les différences de traitement entre les fleuves&nbsp;: <em>«&nbsp;Sur le Rhône et la Garonne, il y a des limites. Pas sur la Loire. Pourquoi&nbsp;? Nous ne comprenons pas qu’il n’y ait pas de réglementation européenne à ce sujet. Toutes les centrales sont liées puisqu’elles se trouvent parfois sur un même cours d’eau, un même bassin. Pourtant, les arrêtés varient de l’une à l’autre.&nbsp;»</em> Elles aimeraient que les prélèvements soient plus nombreux, notamment directement sur les lieux de rejet, pour avoir des données plus fiables&nbsp;: <em>«&nbsp;Souvent, la température est modélisée via des calculs. Mais la dynamique d’un fleuve n’est pas un modèle mathématique&nbsp;!&nbsp;On ne confronte pas assez souvent la théorie et la réalité.&nbsp;»</em></p> <p>L’augmentation de la température inquiète aussi les militant·e·s quant au matériel à l’intérieur des centrales. Plusieurs avis publiés par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et repris par SDN montrent que dans certaines centrales, <em>«&nbsp;de faibles marges existent entre les températures calculées dans les locaux et les températures admissibles pour de nombreux matériels, notamment de sauvegarde&nbsp;»</em>, ce qui <em>«&nbsp;constitue une fragilité de la démonstration de la protection des installations contre les "grands chauds"&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (6)</span> Sont concernés notamment les diesels de secours, qui prennent le relais en cas de perte d’alimentation électrique, pour maintenir le refroidissement, matériel imminemment crucial en cas d’accident.</p> <p>EDF a conscience du problème. En 2008, il a lancé le «&nbsp;Plan Grand Chaud&nbsp;» <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>. Premier objectif&nbsp;: <em>«&nbsp;cartographier les températures d’air et d’eau à horizons 2020-2030 en prenant en compte à la fois le retour d’expérience acquis par EDF depuis une cinquantaine d’années et les modèles de prévision climatique du&nbsp;GIEC.&nbsp;»</em>&nbsp;Deuxième objectif&nbsp;: construire un référentiel sûreté pour permettre aux centrales nucléaires de supporter correctement, et avec les marges nécessaires, les températures extrêmes futures.<em> «&nbsp;Cela passe notamment par le changement de tous les groupes frigorifiques qui servent à refroidir l’air.&nbsp;»&nbsp;</em> Troisième objectif&nbsp;: augmenter la performance thermique des aéroréfrigérants en rénovant les échangeurs.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte-etiage2050-web-6-bf67b-1fd6e-028e9.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Carte : Réseau Sortir Du Nucléaire"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte-etiage2050-web-6-bf67b-1fd6e-028e9.jpg" alt="pride 5294585 960 720" width="434" height="500" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">«&nbsp;Pas une de plus&nbsp;»</span></strong></span></p> <p><br />Mais pour Sortir Du Nucléaire, ces risques sont de trop. Pas question de maintenir davantage le parc existant, encore moins de voir se construire de nouveaux EPR (Réacteur pressurisé européen, nouvelle génération de réacteurs), notamment au regard des prévisions de température annoncées par les scientifiques GIEC&nbsp;: <em>« Une baisse de 10 à 40&nbsp;% du débit des cours d’eau français est prévue d’ici à la fin du siècle. Le débit d’étiage <span style="font-size: 8pt;">(8)</span> de nombreux cours d’eau français pose déjà la question de la faisabilité de la prolongation du fonctionnement des réacteurs existants. La question se pose d’autant plus pour d’éventuels nouveaux réacteurs dont la durée de fonctionnement prévue serait de 60 ans, ce qui nous amène à la fin du siècle.&nbsp;»</em></p> <p><strong>Fanny Lancelin</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Le réseau Sortir Du Nucléaire se compose de 893 groupes à travers toute la France et plus de 60.000 personnes sont signataires de sa charte. Pour en savoir plus&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/">https://www.sortirdunucleaire.org/</a><br />(2) <a href="https://www.eptb-loire.fr/wp-content/uploads/2021/03/EP-Loire_Etiage2019_Rapport_final.pdf">https://www.eptb-loire.fr/wp-content/uploads/2021/03/EP-Loire_Etiage2019_Rapport_final.pdf</a><br />(3) <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF">https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF</a><br />(4) Corrosion sous contrainte&nbsp;: à l’automne 2021, des corrosions sur des portions de tuyauteries de circuit auxiliaire du circuit primaire principal était révélé à Civeaux. Des investigations lancées sur d’autres centrales par EDF et l’ASN ont montré que plusieurs réacteurs étaient touchés, provoquant leur arrêt. Le rapport du 27 juillet 2022 d’EDF à ce sujet&nbsp;: <a href="https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-07/EDF_Mise%20a%20jour%20Note%20Info%20CSC_27juillet%202022.pdf">https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-07/EDF_Mise%20a%20jour%20Note%20Info%20CSC_27juillet%202022.pdf</a><br />(5) La centrale de Golfech est régulièrement arrêtée lorsque les eaux de la Garonne sont trop chaudes et/ou trop basses. Quant aux réacteurs de Saint-Alban, du Blayais et de Bugey 2 et 3, ils fonctionnent en circuit dit "ouvert", prélevant de grandes quantités d’eau et la rejetant à une température très élevée. Lors des derniers étés (notamment 2018, 2019 et 2020), ils ont connu des réduction de puissance ou arrêts. Source&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF">https://www.sortirdunucleaire.org/Derogations-aux-normes-de-rejets-d-eau-chaude-EDF</a><br />(6) Avis de l’IRSN du 30 mars 2020&nbsp;: <a href="https://www.irsn.fr/fr/expertise/avis/2020/documents/mars/avis-irsn-2020-00053.pdf">https://www.irsn.fr/fr/expertise/avis/2020/documents/mars/avis-irsn-2020-00053.pdf</a><br />(7) <a href="https://www.sfen.org/rgn/centrales-nucleaires-face-secheresses-0/">https://www.sfen.org/rgn/centrales-nucleaires-face-secheresses-0/</a><br />(8) Le débit le plus faible d’un cours d’eau.</span></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <strong>Dans l’actualité de SDN Berry-Giennois-Puisaye</strong><br /> • Suite à la découverte de nombreux dysfonctionnements et négligences à la centrale nucléaire de Belleville (Cher), le Réseau Sortir Du Nucléaire et Sortir Du Nucléaire Berry-Giennois-Puisaye ont déposé plainte le 20 octobre 2017 contre EDF et le directeur de la centrale. Rendez-vous le lundi 31 octobre à 9h30 à la cour d’appel d’Orléans pour une nouvelle audience.<br /> <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Belleville-sur-Loire-delabrement">https://www.sortirdunucleaire.org/Belleville-sur-Loire-delabrement</a><br /> • L'association lutte contre les pollutions liées au rejet des industries nucléaires dans la Loire. Lire le dernier article paru sur le sujet le 25 juillet 2022 : <a href="https://www.sdn72.org/2022/07/25/pollutions-de-la-loire-et-de-la-vienne-liees-a-lindustrie-nucleaire/">https://www.sdn72.org/2022/07/25/pollutions-de-la-loire-et-de-la-vienne-liees-a-lindustrie-nucleaire/</a><br /> • L’association participera à un prochain audit lancé par l’ASN sur la confiance de la population en matière de sûreté nucléaire.<br /><strong>Dans l’actualité du Réseau&nbsp;:</strong><br /> • Une pétition est en cours pour dire non à de nouvelles centrales nucléaires en France&nbsp;: <a href="https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/stop-aux-centrales-nucleaires-france/184275">https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/stop-aux-centrales-nucleaires-france/184275</a><br /> • Un recours a été déposé pour contrer la Déclaration d’Utilité Publique du projet de centre d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Projet-CIGEO-d-enfouissement-des-dechets">https://www.sortirdunucleaire.org/Projet-CIGEO-d-enfouissement-des-dechets</a><br /> • L’agenda des actions et manifestations&nbsp;: <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/Agenda">https://www.sortirdunucleaire.org/Agenda</a></div> « Nous sommes la Loire qui se défend » 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/61laloirequisedefend/799-noussommeslaloirequisedefend Super User <p><strong>Il y a une dizaine d’années, des habitant·e·s du Loiret ont créé une coordination d’associations, afin de défendre le fleuve contre un projet autoroutier. Baptisée La Loire Vivra, elle prend des voies juridiques et citoyennes, et tente de mobiliser les populations, pour lutter contre «&nbsp;le tout camion&nbsp;». Elle vient d’entrer dans une coordination encore plus grande&nbsp;: celle des luttes du Centre.</strong></p> <p>C’est un projet ancien qui, comme beaucoup de projets contestés, refait surface à intervalles réguliers… En 1994, un agriculteur de Darvoy, le maire de Donnery et une association de Mardié prennent connaissance d’un projet de déviation porté par le Conseil départemental du Loiret, qui passerait sur leurs terres, dont une partie de terres agricoles.<br />Dans les trois communes, les habitant·e·s se mobilisent pour le contester&nbsp;: avec l’APSIDE (Association pour la Protection du Site de Darvoy et son Environnement), l’AQVD (Association pour la Qualité de Vie à Donnery) et Mardiéval (pour la défense de Mardié et du Val de Loire).</p> <p><em>«&nbsp;A l’époque, chaque association a étudié les tracés pour se rendre compte qu’il ne s’agissait pas simplement d’un aménagement routier pour désengorger la ville d’Orléans, mais d’un véritable grand contournement&nbsp;»</em>, raconte Katherine, membre de la coordination La Loire Vivra, dont font partie les trois associations historiques.<br />Prévu pour les années 2000, ce grand contournement nécessite de construire de nombreux ponts sur la Loire. Il est prévu pour rejoindre l’A19 et ainsi, faire passer les camions par les villages aux alentours d’Orléans. Une vingtaine d’associations d’opposition voient le jour. <em>«&nbsp;Elles réalisaient un travail de veille et organisaient des réunions publiques et des manifestations. Elles invitaient aussi à signer des pétitions.&nbsp;»</em> Elles se regroupent au sein de la coordination La Loire Vivra en 2010-2011.</p> <p>Les pétitions sont transmises à l’Union européenne qui dépêche des commissaires sur place. Pourquoi&nbsp;? Parce qu’elle vient d’inscrire le Val de Loire sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. <em>«&nbsp;Ces commissaires ont exigé qu’une enquête environnementale soit réalisée sur l’ensemble du tracé, ce qui a mis un premier coup d’arrêt au projet,</em> explique Katherine. <em>Le Conseil départemental a rétropédalé.&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="629" height="390" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Un temps fort : le Village de la Loire<br /></span></strong></p> <p>Mais en 2015, le Conseil départemental ressort le projet des cartons et organise une enquête d’utilité publique pour faire admettre la déviation de la Route départementale 921 et un franchissement de la Loire par la construction d’un pont à Mardié. Le préfet donne son autorisation. <em>«&nbsp;Ils ont choisi Mardié pour des raisons d’acceptabilité sociale,</em> assure Katherine. <em>Ils pensaient qu’il n’y avait pas assez de militant·e·s pour s’opposer.&nbsp;»</em><br />Erreur… Les recours juridiques se multiplient, portés par Mardiéval et France Nature Environnement, soutenus par l’APSIDE et l’AQVD&nbsp;: ils s’appuient notamment sur la loi sur l’eau <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, sur la loi pour la reconquête de la biodiversité <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> ou encore, dénoncent purement et simplement la déclaration d’utilité publique devant le tribunal administratif de Nantes.</p> <p>Malgré tout, en 2017, le Conseil départemental commence les travaux préliminaires en détruisant Le Bois des Comtesses à Saint-Denis-de-l’Hôtel. <em>«&nbsp;En plein hiver, sans que personne ne s’en rende compte&nbsp;»</em>, soupire Katherine. Quelques mois plus tard, tandis que les Marches pour le Climat battent leur plein, l’association Mardiéval contacte les jeunes qui les organisent. Iels mettent en place «&nbsp;Le Village de la Loire&nbsp;», sur les terres de propriétaires impactés par la déviation. Au programme, durant plus d’une semaine&nbsp;: des ateliers, des stands, des temps de discussions et d’échanges, pour penser des alternatives à l’artificialisation des terres. C’est un succès&nbsp;: les militant·e·s estiment entre 800 et 1.000 le nombre de participant·e·s.</p> <p>Mais le Conseil départemental, toujours dans le cadre de travaux préliminaires, s’attaque, en septembre 2019, au Bois Latingy à Mardié.<em> «&nbsp;Ça nous a beaucoup traumatisé·e·s, découragé·e·s,</em> se souvient Katherine. <em>Mais certain·e·s ont décidé de poursuivre. Nous n’étions pas seulement contre ce pont, mais contre ce pont et son monde, c’est-à-dire contre l’artificialisation en faveur des camions. Il fallait relancer la dynamique.&nbsp;»</em> <br />La coordination se réunit alors chaque dimanche en assemblée, constituée d’une cinquantaine de personnes. Sous le slogan «&nbsp;Mille sources, un fleuve et tous ses affluents, nous sommes la Loire qui se défend&nbsp;», elle poursuit son information auprès des populations, crée des chansons, brasse de la bière pour financer la lutte…</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : La Loire Vivra"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_2.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="500" height="364" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Les travaux se poursuivent</span></strong></p> <p>L’essoufflement gagne toutefois les rangs des militant·e·s, notamment lorsqu’iels doivent quitter le terrain qu’iels occupaient jusque-là. Le Covid arrive, rendant difficiles réunions et manifestations.<br />En août 2020, iels parviennent à accueillir 70 cyclistes de l’AlterTour à Bou près de Mardié<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. L’AlterTour permet de réaliser une grande (ou une petite) partie de la France à vélo et de faire étape dans des lieux dits «&nbsp;alternatifs&nbsp;»&nbsp;: fermes paysannes, coopératives, éco-lieux, centres sociaux autogérés, ateliers participatifs, associations en lutte…</p> <p>En 2020 également, Emmanuel Macron se rend à Saint-Denis-de-l’Hôtel et annonce la panthéonisation de l’auteur local Maurice Genevoix <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. <em>«&nbsp;Macron a oublié que c’était un grand écologiste et que la nature lui avait permis de surmonter les épreuves de la guerre,</em> relève Katherine. <em>Nous voulions souligner son incohérence.&nbsp;»</em> Ainsi, en mai 2021, soutenue par un petit-fils de Maurice Genevoix, Julien Larere Genevoix, la coordination organise un hommage sur les lieux des travaux en cours.<br />En décembre, à l'occasion de la journée mondiale des sols, c’est une marche régionale des luttes qui est organisée pour dénoncer la non prise en compte des zones humides sur le tracé et les dangers inhérents à la construction de la déviation sur une zone karstique <span style="font-size: 8pt;"></span>fragile <span style="font-size: 8pt;">(5)</span> qui pourrait modifier le cours de la Loire souterraine, sur des terres arables.</p> <p>Où en sont les travaux aujourd’hui&nbsp;? Ils se poursuivent. Le recours contre l’utilité publique a été rejeté en juillet dernier. <em>«&nbsp;Les piles des ponts sont creusées et en cours de cimentage&nbsp;»</em>, regrette Katherine. Trop tard&nbsp;? Pas si sûr… En 2019, la cour d’appel de Bordeaux avait confirmé une décision du Conseil d’Etat ordonnant au Conseil départemental de Dordogne de démolir des piles de ponts et des ouvrages de la déviation de Beynac, projet rejeté par les habitant·e·s <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. L’avocat de l’époque, Maître Jean-Philippe Maginot, est celui qui défend le dossier de Mardié aujourd’hui…</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : La Loire Vivra"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_1.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="548" height="308" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">L’espoir de la Coordination des luttes du Centre</span></strong></span></p> <p>Katherine juge cependant que l’espoir est mince sur le plan local et qu’il est surtout temps d’élargir la lutte. <em>«&nbsp;Il faut s’opposer à l’artificialisation des terres qui est un non sens écologique, qui détruit notre mode de vie et nos métiers. Partout, on favorise l’installation de plateformes logistiques, ce qui augmente les flux de camions. Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour notre territoire ni pour notre monde&nbsp;! On nous parle d’attractivité économique, mais désormais, quand tu regardes les filières de formation proposées à Orléans, il n’y a que de la logistique et du parfum de luxe… c’est ça, l’avenir&nbsp;? L’artificialisation, c’est aussi la spéculation foncière. C’est quoi, le prix à payer pour l’emploi et la croissance&nbsp;? Comment fait-on pour accompagner le changement&nbsp;?&nbsp;»</em></p> <p>La Loire Vivra n’est pas la seule à se poser ces questions. C’est pourquoi, en novembre, suite à la manifestation régionale, elle a créé avec une quinzaine d’autres associations de la région, la Coordination des luttes du Centre. Toutes, à différents niveaux, sont concernées par l’artificialisation, comme «&nbsp;A bas le béton&nbsp;!&nbsp;» à Vierzon qui lutte contre une plateforme logistique dans le Cher, «&nbsp;Bassines Non Merci Berry&nbsp;» contre les retenues d’eau pour l’irrigation de l’agriculture industrielle ou encore Sortir Du Nucléaire Berry Giennois-Puisaye qui veut empêcher la nucléocratie de s’étendre…</p> <p>Réunie pour la première fois dans le Cher cet été, cette coordination régionale a entamé un travail de mutualisation des ressources. Le but&nbsp;? Se renforcer au niveau des connaissances techniques, des démarches juridiques, de la communication, et organiser des actions communes. Katherine est enthousiaste&nbsp;: <em>«&nbsp;Tout porte à nous atomiser, à nous enfermer derrière des murs ou des écrans. Mais nous, on crée du lien et on en prendra soin&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000173995/">https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000173995/</a><br />(2) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033016237/">https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033016237/</a><br />(3) <a href="https://www.altercampagne.net/?page_id=17732&amp;route=368">https://www.altercampagne.net/?page_id=17732&amp;route=368</a><br />(4) <a href="https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/maurice-genevoix">https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/maurice-genevoix</a><br />(5) Une zone karstique désigne une forme de paysage où l’action de l’eau qui s’infiltre dans le sous-sol dissout la roche et la redépose en créant des formes caractéristiques.<br />(6) <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/deviation-beynac-dordogne-nouvelle-procedure-opposants-demolition-site-1632401945">https://www.francebleu.fr/infos/societe/deviation-beynac-dordogne-nouvelle-procedure-opposants-demolition-site-1632401945</a></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Peut-on donner une entité juridique au fleuve&nbsp;?</h3> </div> <p>La coordination La Loire Vivra a participé aux auditions organisées dans le cadre de l’expérimentation «&nbsp;Le Parlement de Loire&nbsp;», initiée en 2019 par le POLAU (POle d’Arts et d’Urbanismes situé à Saint-Pierre-des-Corps en Indre-et-Loire). L’objectif&nbsp;: envisager la reconnaissance juridique du fleuve. Les ligérien·ne·s ont été mis·e·s à contribution puisqu’iels ont pu s’exprimer lors d’auditions publiques mais aussi d’assemblées et d’ateliers.</p> <p>L’originalité de la démarche tient au croisement entre arts, sciences et droit.<br />Les restitutions du travail réalisé durant deux ans ont d’ailleurs pris de multiples formes&nbsp;: actions locales, débats thématiques, performances poétiques…<br />Un ouvrage, intitulé «&nbsp;Le fleuve qui voulait écrire&nbsp;», a été édité en 2021.<br />L’expérimentation se poursuit en 2022 sur des réflexions autour des manières d’aménager le territoire.<br />Pour en savoir plus&nbsp;: <a href="https://polau.org/incubations/demarche-du-parlement-de-loire/">https://polau.org/incubations/demarche-du-parlement-de-loire/</a></p> <p>Mais un fleuve peut-il réellement devenir une entité juridique&nbsp;? Oui, si l’on en croit les exemples qui nous parviennent de Nouvelle-Zélande, de Colombie ou d’Inde. En France, plusieurs démarches sont en cours&nbsp;: celle du collectif En Commun 66 et Notre Affaire à Tous pour la Têt dans les Pyrénées orientales <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>&nbsp;; la mobilisation transnationale en faveur du Rhône <span style="font-size: 8pt;">(2)&nbsp;</span>; ou encore pour le Tavinianu en Corse qui a désormais sa propre déclaration de droits… <span style="font-size: 8pt;">(3)</span><br />Certes, le Code de l’environnement français n’en tient pas encore compte, mais toutes ces initiatives, qu’elles soient institutionnelles ou populaires, permettent d’avancer vers une reconnaissance légale de l’ensemble des vivant·e·s, particulièrement lorsque leurs intérêts sont niés au profit des intérêts des humain·e·s.</p> <p>A ce sujet, (ré)écoutez l’émission «&nbsp;La Terre au Carré&nbsp;» sur France Inter du jeudi 9 septembre 2021&nbsp;: «&nbsp;La Loire peut-elle devenir une personne juridique&nbsp;?&nbsp;»<br /><a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-09-septembre-2021-6562514">https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-09-septembre-2021-6562514</a></p> <p>et celle du 13 août 2022, « Les droits de la Loire pour un ménagement du fleuve&nbsp;» : <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-09-septembre-2021-6562514">https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/je-reviens-du-monde-d-avant/je-reviens-du-monde-d-avant-du-samedi-13-aout-2022-9593525?fbclid=IwAR13tKToN5tzCYsxOY1YiBVNWMSCr3YzMc4UVbNAaT2CwD2oKfHXi6wpFDs</a></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://encommun66.org/droitsdelatet/?utm_source=sendinblue&amp;utm_campaign=CP%20Dclaratin%20Tete&amp;utm_medium=email">https://encommun66.org/droitsdelatet/?utm_source=sendinblue&amp;utm_campaign=CP%20Dclaratin%20Tete&amp;utm_medium=email</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) <a href="https://www.appeldurhone.org/l-appel-du-rh%C3%B4ne">https://www.appeldurhone.org/l-appel-du-rh%C3%B4ne</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) <a href="https://www.geo.fr/environnement/en-corse-le-fleuve-tavignanu-a-desormais-sa-propre-declaration-des-droits-205727">https://www.geo.fr/environnement/en-corse-le-fleuve-tavignanu-a-desormais-sa-propre-declaration-des-droits-205727</a></span></p> </div> <p><strong>Il y a une dizaine d’années, des habitant·e·s du Loiret ont créé une coordination d’associations, afin de défendre le fleuve contre un projet autoroutier. Baptisée La Loire Vivra, elle prend des voies juridiques et citoyennes, et tente de mobiliser les populations, pour lutter contre «&nbsp;le tout camion&nbsp;». Elle vient d’entrer dans une coordination encore plus grande&nbsp;: celle des luttes du Centre.</strong></p> <p>C’est un projet ancien qui, comme beaucoup de projets contestés, refait surface à intervalles réguliers… En 1994, un agriculteur de Darvoy, le maire de Donnery et une association de Mardié prennent connaissance d’un projet de déviation porté par le Conseil départemental du Loiret, qui passerait sur leurs terres, dont une partie de terres agricoles.<br />Dans les trois communes, les habitant·e·s se mobilisent pour le contester&nbsp;: avec l’APSIDE (Association pour la Protection du Site de Darvoy et son Environnement), l’AQVD (Association pour la Qualité de Vie à Donnery) et Mardiéval (pour la défense de Mardié et du Val de Loire).</p> <p><em>«&nbsp;A l’époque, chaque association a étudié les tracés pour se rendre compte qu’il ne s’agissait pas simplement d’un aménagement routier pour désengorger la ville d’Orléans, mais d’un véritable grand contournement&nbsp;»</em>, raconte Katherine, membre de la coordination La Loire Vivra, dont font partie les trois associations historiques.<br />Prévu pour les années 2000, ce grand contournement nécessite de construire de nombreux ponts sur la Loire. Il est prévu pour rejoindre l’A19 et ainsi, faire passer les camions par les villages aux alentours d’Orléans. Une vingtaine d’associations d’opposition voient le jour. <em>«&nbsp;Elles réalisaient un travail de veille et organisaient des réunions publiques et des manifestations. Elles invitaient aussi à signer des pétitions.&nbsp;»</em> Elles se regroupent au sein de la coordination La Loire Vivra en 2010-2011.</p> <p>Les pétitions sont transmises à l’Union européenne qui dépêche des commissaires sur place. Pourquoi&nbsp;? Parce qu’elle vient d’inscrire le Val de Loire sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. <em>«&nbsp;Ces commissaires ont exigé qu’une enquête environnementale soit réalisée sur l’ensemble du tracé, ce qui a mis un premier coup d’arrêt au projet,</em> explique Katherine. <em>Le Conseil départemental a rétropédalé.&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte.jpg"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/carte.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="629" height="390" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Un temps fort : le Village de la Loire<br /></span></strong></p> <p>Mais en 2015, le Conseil départemental ressort le projet des cartons et organise une enquête d’utilité publique pour faire admettre la déviation de la Route départementale 921 et un franchissement de la Loire par la construction d’un pont à Mardié. Le préfet donne son autorisation. <em>«&nbsp;Ils ont choisi Mardié pour des raisons d’acceptabilité sociale,</em> assure Katherine. <em>Ils pensaient qu’il n’y avait pas assez de militant·e·s pour s’opposer.&nbsp;»</em><br />Erreur… Les recours juridiques se multiplient, portés par Mardiéval et France Nature Environnement, soutenus par l’APSIDE et l’AQVD&nbsp;: ils s’appuient notamment sur la loi sur l’eau <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, sur la loi pour la reconquête de la biodiversité <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> ou encore, dénoncent purement et simplement la déclaration d’utilité publique devant le tribunal administratif de Nantes.</p> <p>Malgré tout, en 2017, le Conseil départemental commence les travaux préliminaires en détruisant Le Bois des Comtesses à Saint-Denis-de-l’Hôtel. <em>«&nbsp;En plein hiver, sans que personne ne s’en rende compte&nbsp;»</em>, soupire Katherine. Quelques mois plus tard, tandis que les Marches pour le Climat battent leur plein, l’association Mardiéval contacte les jeunes qui les organisent. Iels mettent en place «&nbsp;Le Village de la Loire&nbsp;», sur les terres de propriétaires impactés par la déviation. Au programme, durant plus d’une semaine&nbsp;: des ateliers, des stands, des temps de discussions et d’échanges, pour penser des alternatives à l’artificialisation des terres. C’est un succès&nbsp;: les militant·e·s estiment entre 800 et 1.000 le nombre de participant·e·s.</p> <p>Mais le Conseil départemental, toujours dans le cadre de travaux préliminaires, s’attaque, en septembre 2019, au Bois Latingy à Mardié.<em> «&nbsp;Ça nous a beaucoup traumatisé·e·s, découragé·e·s,</em> se souvient Katherine. <em>Mais certain·e·s ont décidé de poursuivre. Nous n’étions pas seulement contre ce pont, mais contre ce pont et son monde, c’est-à-dire contre l’artificialisation en faveur des camions. Il fallait relancer la dynamique.&nbsp;»</em> <br />La coordination se réunit alors chaque dimanche en assemblée, constituée d’une cinquantaine de personnes. Sous le slogan «&nbsp;Mille sources, un fleuve et tous ses affluents, nous sommes la Loire qui se défend&nbsp;», elle poursuit son information auprès des populations, crée des chansons, brasse de la bière pour financer la lutte…</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : La Loire Vivra"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_2.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="500" height="364" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Les travaux se poursuivent</span></strong></p> <p>L’essoufflement gagne toutefois les rangs des militant·e·s, notamment lorsqu’iels doivent quitter le terrain qu’iels occupaient jusque-là. Le Covid arrive, rendant difficiles réunions et manifestations.<br />En août 2020, iels parviennent à accueillir 70 cyclistes de l’AlterTour à Bou près de Mardié<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. L’AlterTour permet de réaliser une grande (ou une petite) partie de la France à vélo et de faire étape dans des lieux dits «&nbsp;alternatifs&nbsp;»&nbsp;: fermes paysannes, coopératives, éco-lieux, centres sociaux autogérés, ateliers participatifs, associations en lutte…</p> <p>En 2020 également, Emmanuel Macron se rend à Saint-Denis-de-l’Hôtel et annonce la panthéonisation de l’auteur local Maurice Genevoix <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. <em>«&nbsp;Macron a oublié que c’était un grand écologiste et que la nature lui avait permis de surmonter les épreuves de la guerre,</em> relève Katherine. <em>Nous voulions souligner son incohérence.&nbsp;»</em> Ainsi, en mai 2021, soutenue par un petit-fils de Maurice Genevoix, Julien Larere Genevoix, la coordination organise un hommage sur les lieux des travaux en cours.<br />En décembre, à l'occasion de la journée mondiale des sols, c’est une marche régionale des luttes qui est organisée pour dénoncer la non prise en compte des zones humides sur le tracé et les dangers inhérents à la construction de la déviation sur une zone karstique <span style="font-size: 8pt;"></span>fragile <span style="font-size: 8pt;">(5)</span> qui pourrait modifier le cours de la Loire souterraine, sur des terres arables.</p> <p>Où en sont les travaux aujourd’hui&nbsp;? Ils se poursuivent. Le recours contre l’utilité publique a été rejeté en juillet dernier. <em>«&nbsp;Les piles des ponts sont creusées et en cours de cimentage&nbsp;»</em>, regrette Katherine. Trop tard&nbsp;? Pas si sûr… En 2019, la cour d’appel de Bordeaux avait confirmé une décision du Conseil d’Etat ordonnant au Conseil départemental de Dordogne de démolir des piles de ponts et des ouvrages de la déviation de Beynac, projet rejeté par les habitant·e·s <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. L’avocat de l’époque, Maître Jean-Philippe Maginot, est celui qui défend le dossier de Mardié aujourd’hui…</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : La Loire Vivra"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/la_loire_vivra_1.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="548" height="308" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">L’espoir de la Coordination des luttes du Centre</span></strong></span></p> <p>Katherine juge cependant que l’espoir est mince sur le plan local et qu’il est surtout temps d’élargir la lutte. <em>«&nbsp;Il faut s’opposer à l’artificialisation des terres qui est un non sens écologique, qui détruit notre mode de vie et nos métiers. Partout, on favorise l’installation de plateformes logistiques, ce qui augmente les flux de camions. Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour notre territoire ni pour notre monde&nbsp;! On nous parle d’attractivité économique, mais désormais, quand tu regardes les filières de formation proposées à Orléans, il n’y a que de la logistique et du parfum de luxe… c’est ça, l’avenir&nbsp;? L’artificialisation, c’est aussi la spéculation foncière. C’est quoi, le prix à payer pour l’emploi et la croissance&nbsp;? Comment fait-on pour accompagner le changement&nbsp;?&nbsp;»</em></p> <p>La Loire Vivra n’est pas la seule à se poser ces questions. C’est pourquoi, en novembre, suite à la manifestation régionale, elle a créé avec une quinzaine d’autres associations de la région, la Coordination des luttes du Centre. Toutes, à différents niveaux, sont concernées par l’artificialisation, comme «&nbsp;A bas le béton&nbsp;!&nbsp;» à Vierzon qui lutte contre une plateforme logistique dans le Cher, «&nbsp;Bassines Non Merci Berry&nbsp;» contre les retenues d’eau pour l’irrigation de l’agriculture industrielle ou encore Sortir Du Nucléaire Berry Giennois-Puisaye qui veut empêcher la nucléocratie de s’étendre…</p> <p>Réunie pour la première fois dans le Cher cet été, cette coordination régionale a entamé un travail de mutualisation des ressources. Le but&nbsp;? Se renforcer au niveau des connaissances techniques, des démarches juridiques, de la communication, et organiser des actions communes. Katherine est enthousiaste&nbsp;: <em>«&nbsp;Tout porte à nous atomiser, à nous enfermer derrière des murs ou des écrans. Mais nous, on crée du lien et on en prendra soin&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000173995/">https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000173995/</a><br />(2) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033016237/">https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033016237/</a><br />(3) <a href="https://www.altercampagne.net/?page_id=17732&amp;route=368">https://www.altercampagne.net/?page_id=17732&amp;route=368</a><br />(4) <a href="https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/maurice-genevoix">https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/maurice-genevoix</a><br />(5) Une zone karstique désigne une forme de paysage où l’action de l’eau qui s’infiltre dans le sous-sol dissout la roche et la redépose en créant des formes caractéristiques.<br />(6) <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/deviation-beynac-dordogne-nouvelle-procedure-opposants-demolition-site-1632401945">https://www.francebleu.fr/infos/societe/deviation-beynac-dordogne-nouvelle-procedure-opposants-demolition-site-1632401945</a></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Peut-on donner une entité juridique au fleuve&nbsp;?</h3> </div> <p>La coordination La Loire Vivra a participé aux auditions organisées dans le cadre de l’expérimentation «&nbsp;Le Parlement de Loire&nbsp;», initiée en 2019 par le POLAU (POle d’Arts et d’Urbanismes situé à Saint-Pierre-des-Corps en Indre-et-Loire). L’objectif&nbsp;: envisager la reconnaissance juridique du fleuve. Les ligérien·ne·s ont été mis·e·s à contribution puisqu’iels ont pu s’exprimer lors d’auditions publiques mais aussi d’assemblées et d’ateliers.</p> <p>L’originalité de la démarche tient au croisement entre arts, sciences et droit.<br />Les restitutions du travail réalisé durant deux ans ont d’ailleurs pris de multiples formes&nbsp;: actions locales, débats thématiques, performances poétiques…<br />Un ouvrage, intitulé «&nbsp;Le fleuve qui voulait écrire&nbsp;», a été édité en 2021.<br />L’expérimentation se poursuit en 2022 sur des réflexions autour des manières d’aménager le territoire.<br />Pour en savoir plus&nbsp;: <a href="https://polau.org/incubations/demarche-du-parlement-de-loire/">https://polau.org/incubations/demarche-du-parlement-de-loire/</a></p> <p>Mais un fleuve peut-il réellement devenir une entité juridique&nbsp;? Oui, si l’on en croit les exemples qui nous parviennent de Nouvelle-Zélande, de Colombie ou d’Inde. En France, plusieurs démarches sont en cours&nbsp;: celle du collectif En Commun 66 et Notre Affaire à Tous pour la Têt dans les Pyrénées orientales <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>&nbsp;; la mobilisation transnationale en faveur du Rhône <span style="font-size: 8pt;">(2)&nbsp;</span>; ou encore pour le Tavinianu en Corse qui a désormais sa propre déclaration de droits… <span style="font-size: 8pt;">(3)</span><br />Certes, le Code de l’environnement français n’en tient pas encore compte, mais toutes ces initiatives, qu’elles soient institutionnelles ou populaires, permettent d’avancer vers une reconnaissance légale de l’ensemble des vivant·e·s, particulièrement lorsque leurs intérêts sont niés au profit des intérêts des humain·e·s.</p> <p>A ce sujet, (ré)écoutez l’émission «&nbsp;La Terre au Carré&nbsp;» sur France Inter du jeudi 9 septembre 2021&nbsp;: «&nbsp;La Loire peut-elle devenir une personne juridique&nbsp;?&nbsp;»<br /><a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-09-septembre-2021-6562514">https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-09-septembre-2021-6562514</a></p> <p>et celle du 13 août 2022, « Les droits de la Loire pour un ménagement du fleuve&nbsp;» : <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-jeudi-09-septembre-2021-6562514">https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/je-reviens-du-monde-d-avant/je-reviens-du-monde-d-avant-du-samedi-13-aout-2022-9593525?fbclid=IwAR13tKToN5tzCYsxOY1YiBVNWMSCr3YzMc4UVbNAaT2CwD2oKfHXi6wpFDs</a></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://encommun66.org/droitsdelatet/?utm_source=sendinblue&amp;utm_campaign=CP%20Dclaratin%20Tete&amp;utm_medium=email">https://encommun66.org/droitsdelatet/?utm_source=sendinblue&amp;utm_campaign=CP%20Dclaratin%20Tete&amp;utm_medium=email</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) <a href="https://www.appeldurhone.org/l-appel-du-rh%C3%B4ne">https://www.appeldurhone.org/l-appel-du-rh%C3%B4ne</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) <a href="https://www.geo.fr/environnement/en-corse-le-fleuve-tavignanu-a-desormais-sa-propre-declaration-des-droits-205727">https://www.geo.fr/environnement/en-corse-le-fleuve-tavignanu-a-desormais-sa-propre-declaration-des-droits-205727</a></span></p> </div> Loire Sentinelle : une exploration au long cours pour mieux défendre le fleuve 2017-03-21T12:54:42+01:00 2017-03-21T12:54:42+01:00 http://www.rebonds.net/61laloirequisedefend/797-loiresentinelleuneexplorationaulongcourspourmieuxdefendrelefleuve Super User <p style="text-align: right;"><strong><em>«&nbsp;Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux.&nbsp;» Marcel Proust</em></strong></p> <p><span style="font-size: 18pt;">C'</span>est une expérience unique au monde que Julien Chapuis et Barbara Rhétoré mènent depuis le printemps dernier. Iels ont effectué une descente intégrale de la Loire pour révéler l’ADN environnemental du fleuve. Mais leur aventure ne se cantonne pas à un programme scientifique&nbsp;: iels ont proposé à des artistes de se joindre à elleux, afin d’explorer les formes que pourrait prendre <em>«&nbsp;une culture vivante du fleuve&nbsp;»</em>.</p> <p>A chaque escale, iels ont organisé des rencontres avec le public, pour partager le fruit de leurs découvertes et leur ressenti, mais aussi pour collecter les récits des habitant·e·s, usager·e·s, défenseur·se·s de la Loire et de ses bassins.·</p> <p><em>«&nbsp;Que va devenir la Loire et qu’allons-nous devenir avec elle&nbsp;?&nbsp;»</em> ont-iels interrogé. Les réponses prennent de multiples formes et différents types de restitution sont envisagés dans les prochains mois.<br />Mais pourquoi est-il intéressant de mieux connaître ce fleuve&nbsp;? Quelles sont ses richesses&nbsp;? Les dangers qui le guettent et qui, par conséquent, guettent tous·tes celleux qui y vivent, voire bien au-delà&nbsp;? Comment l’association de la science et des arts peut constituer une formidable défense&nbsp;?</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p> <h3>Révéler sans mettre en danger&nbsp;?</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>Julien Chapuis et Barbara Rhétoré sont éthologues de formation&nbsp;: iels étudient le comportement des espèces animales (y compris humaine) dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental. Egalement biologistes, médiateur·ice·s scientifiques et chargé·e·s d’enseignement universitaire, iels ont créé leur propre structure d’exploration et de culture scientifique en 2015&nbsp;: Nat Explorers.</p> <p>Leurs premiers travaux les ont mené·e·s loin de leur Loire natale&nbsp;: en 2016, à la frontière entre le Panama et la Colombie pour explorer des zones jusqu’alors inconnues mais parmi les plus riches, biologiquement, de la planète. Ont suivi 200 jours en Amérique Centrale pour dresser un état des lieux de la protection de la nature. En 2017, iels sont parti·e·s à Madagascar étudier les mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, mais aussi poissons, insectes, fougères, mousses...</p> <p>Explorer ce qui n’a pas été découvert… Quand on pense aux nombreuses découvertes qui ont ensuite permis de violentes exploitations d’êtres et de ressources, on peut s’interroger sur la pertinence de révéler ce qui vit très bien sans l’intervention humaine. <em>«&nbsp;C’est une question que nous nous posons beaucoup, c’est un difficile équilibre,</em> reconnaît Julien Chapuis. <em>Mais nous voulons montrer que d’autres formes d’exploration sont possibles&nbsp;: avec l’exploration de proximité, pas besoin d’aller à l’autre bout du monde. Et dans le cas précis de la Loire, son état de dégradation est tel qu’il nous a semblé nécessaire de mener cette expérience pour mieux vivre avec elle et pour mieux la défendre.&nbsp;»</em></p> <p>Quels sont les dangers qui la menacent&nbsp;? <em>«&nbsp;Pour résumer, disons le capitalisme extractiviste. La monoculture, l’usage du fleuve pour des questions énergétiques, l’urbanisme avec l’artificialisation des sols...&nbsp;»</em> En 2013, une étude écotoxicologique menée par Vet-Agro-Sup et le Muséum d’Orléans avait révélé que les rejets directs ou indirects des produits agricoles et de l’activité industrielle contaminaient l’ensemble des espèces et du réseau trophique du fleuve. Cinquante-quatre polluants différents, tels que le PCB, le mercure, le plomb ou le cadmium, y avaient alors été retrouvés <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_18-Loire_Sentinelle_Estuaire-Mauves_Nantes-BD-83.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Jean-Félix Fayolle"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_18-Loire_Sentinelle_Estuaire-Mauves_Nantes-BD-83.jpg" alt="skatepark 1" width="500" height="333" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p> <h3>Une culture vivante du fleuve</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>La Loire est le plus long fleuve s’écoulant exclusivement en France&nbsp;: 1 008 kilomètres depuis ses sources au Mont-Gerbier-de-Jonc en Ardèche, jusqu’à l’estuaire de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique. Souvent présenté comme «&nbsp;sauvage&nbsp;», il a en fait été largement domestiqué depuis l’Antiquité, par des aménagements qui visaient à favoriser la navigation et le commerce, et à protéger les populations des crues, par exemple.<br />Parler de «&nbsp;fleuve vivant&nbsp;» serait plus juste, tant son lit ne cesse de bouger, ses débits de varier, ses paysages de se métamorphoser. Ainsi, la Loire se présente-t-elle différemment selon les régions qu’elle traverse, ses habitant·e·s, les saisons…</p> <p>C’est sur cette <em>«&nbsp;culture vivante du fleuve&nbsp;»</em> que les deux explorateur·ice·s ont enquêté, au cours d’un projet appelé Loire Sentinelle. <em>«&nbsp;Nous avons constaté que de plus en plus de personnes tentent d’être plus proches du fleuve, de se relier à lui,</em> explique Julien Chapuis. <em>Ces connexions participent à des cultures du fleuve. Sont-elles différentes selon les territoires&nbsp;? Nous avons envie d’explorer cette question sur un temps long.&nbsp;»</em></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></strong></p> <h3>Reconstituer l’ADN de la Loire</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>____________________________________</strong></span></p> <p>Première étape sur le terrain&nbsp;: la descente de la Loire du 1er mai au 23 juillet dernier. D’abord à pied puis en canoë canadien pour la majeure partie du parcours. A bord d’Umiak, 150 kilos de matériel dont des outils scientifiques. Julien Chapuis et Barbara Rhétoré avaient préalablement identifié les sites où iels ont réalisé 18 prélèvements pour l’ADN environnemental et 20 pour les micro-plastiques. Comment ont-iels choisi ces lieux&nbsp;? <em>«&nbsp;Ce sont des zones de friction entre la vie humaine et celle du fleuve,</em> répond Julien Chapuis. <em>Des zones urbaines, de confluence ou d’obstacles, par exemple.&nbsp;»</em></p> <p>Pour les micro-plastiques, les deux biologistes utilisent deux techniques. Dans l’eau, un filet de type filet à micro-plancton. <em>«&nbsp;Nous le laissons dériver pendant 30 minutes et nous renouvelons l’opération trois fois, pour que ce soit représentatif. Nous récupérons ainsi ce que la Loire nous apporte. Les morceaux de micro-plastiques mesurent de 5 mm à quelques centaines de nanomètres. En laboratoire, ces particules vont être comptées et caractérisées.&nbsp;»</em><br />Dans le sédiment, une pelle métallique permet de remplir un bocal, également analysé par un laboratoire. <em>«&nbsp;Sur le sédiment, les analyses sont plus fines&nbsp;: nous pouvons dire de quoi chaque particule est composée.&nbsp;»</em></p> <p>Pour l’ADN environnemental, l’eau est filtrée également pendant 30 minutes à l’aide d’une pompe. <em>«&nbsp;Le filtre retient la matière dont la matière organique&nbsp;: des excréments, des traces de sang, des gamètes, du mucus… Cela nous indique quelles sont les espèces qui vivent là.&nbsp;»</em> Une méthode de la police scientifique qui a été étendue à l’écologie.<br />A l’échelle d’un fleuve, c’est la première fois qu’un tel ADN va être constitué. <em>«&nbsp;L’idéal étant de revenir régulièrement et de voir comment il évolue&nbsp;»</em>, souligne Julien Chapuis.</p> <p>Trois laboratoires français sont partenaires de l’expérience. Les premiers résultats ont été partagés lors de l’arrivée à Saint-Nazaire et le reste sera transmis à Nat Explorers progressivement jusqu’au printemps 2023.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________</span></strong></p> <h3>Une résidence d’artistes flottante</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>______________________________________</strong></span></p> <p>Sur le terrain également, des artistes et penseur·se·s invité·e·s à une «&nbsp;résidence flottante&nbsp;», c’est-à-dire à suivre l’aventure, entièrement ou pour partie, et à y poser un autre regard, plus sensible. Y ont participé le photographe Jean-Félix Fayolle, l’autrice Clara Arnaud, la carnettiste Aurélie Calmet, la documentariste Laure Bourru, l’historienne et essayiste Marielle Macé ou encore le journaliste Sébastien Rochard.</p> <p>Chacun·e à leur manière, souvent en s’inspirant des récits qu’iels ont collectés au fil de l’eau et de leur propre rapport au fleuve, iels font écho à l’aventure Loire Sentinelle sous diverses formes&nbsp;: des photographies, des textes, des dessins, des vidéos… <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> En faisant ainsi trace, iels contribuent, elleux aussi, à révéler l’ADN de la Loire.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_19-Loire_Sentinelle_Estuaire-Nantes_LePellerin-BD-95.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Jean-Félix Fayolle"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_19-Loire_Sentinelle_Estuaire-Nantes_LePellerin-BD-95.jpg" alt="skatepark 1" width="500" height="333" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;<strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></strong></p> <h3>Un geste symbolique fort</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>______________________________</strong></span></p> <p>Pour échanger avec les riverain·e·s, l’équipe de Nat Explorers avaient prévu des «&nbsp;escales-rencontres&nbsp;».</p> <p>Julien Chapuis se souvient de la première au Gorges de la Loire, au Moulin du Chambon, le 7 mai&nbsp;: <em>«&nbsp;c’est un lieu très important car c’est là qu’aurait pu être érigé un barrage il y a trente ans. Nous avons rencontré des militant·e·s de l’association SOS Loire Vivante qui s’y était opposée<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Nous avons réalisé des échantillonnages devant des gens qui étaient là, à regarder la science à l’œuvre, en direct. Nous pouvions répondre à leurs questions. Et puis, il y a eu un temps de restitution scientifique et artistique. »</em></p> <p>Tout au long du parcours, des associations et des particulier·e·s sont ainsi venu·e·s les écouter ou participer à des ateliers.</p> <p>A la fin du périple, à l’estuaire, le 23 juillet, c’est l’association environnementale Bretagne Vivante qui assurait l’accueil <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. <em>«&nbsp;Après trois mois d’expédition, nous avions plus de choses à partager,</em> raconte Julien Chapuis. <em>Nous avons aussi fait un geste symbolique fort&nbsp;: nous avons mis dans l’estuaire de l’eau prélevée au Mont-Gerbier-de-Jonc.&nbsp;»</em></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________</span></strong></p> <h3>La suite en 2023</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>______________________</strong></span></p> <p>En plus d’animer des événements et de créer des supports pour faire connaître les résultats, Nat Explorers envisage déjà une édition 2023. <em>«&nbsp;Plutôt sous forme de résidence, plus légère en terme d’organisation,</em> précise Julien Chapuis. <em>Peut-être que nous amorcerons aussi un travail de formation des militant·e·s aux prélèvements.&nbsp;»</em> Pour cela, il faudra trouver de nouveaux financements. Le premier volet de Loire Sentinelle a tenu <em>«&nbsp;avec des bouts de ficelles&nbsp;»</em>, l’aide des laboratoires partenaires, de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, de sponsors et de mécènes. <em>«&nbsp;Le gros challenge sera de pérenniser tout ça&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>Ligérien·ne·s d’origine, les deux biologistes connaissaient déjà la Loire. Mais la regardent-iels aujourd’hui différemment&nbsp;? <em>«&nbsp;Notre vision a radicalement, mais alors vraiment radicalement changé. On ne s’attendait pas à voir une Loire aussi diverse. C’est une belle leçon d’humilité parce qu’en fait, nous connaissons une toute petite partie de la Loire. Cette aventure nous a apporté beaucoup d’enseignements et nous avons l’impression désormais d’avoir une vision plus globale. C’était important de vivre dans notre chair, physiquement, la continuité ou la discontinuité du fleuve. Maintenant, lorsque je me présente comme ligérien, j’ai l’impression de l’être vraiment.&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;<strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="http://www.rebonds.net/file:///tmp/fichierRessource1_Rapport_ecotoxicologie_Loire_jan13.pdf">file:///tmp/fichierRessource1_Rapport_ecotoxicologie_Loire_jan13.pdf</a><br />(2) Retrouvez une partie de leur travail sur le site de Nat Explorers&nbsp;: <a href="https://www.natexplorers.fr/">https://www.natexplorers.fr/</a><br />(3) Lire à ce sujet la rétrospective des Carnets d’Ecire&nbsp;: <a href="https://lescarnetsdecir.fr/sos-loire-vivante-i-les-annees-poudriere-1988-1994/.">https://lescarnetsdecir.fr/sos-loire-vivante-i-les-annees-poudriere-1988-1994/.</a><br />SOS Loire Vivante aujourd’hui&nbsp;: <a href="https://www.rivernet.org/loire/soslv/soslv_f.htm">https://www.rivernet.org/loire/soslv/soslv_f.htm</a><br />(4) Bretagne vivante&nbsp;: <a href="https://www.bretagne-vivante.org/">https://www.bretagne-vivante.org/</a><br /></span></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>Pour en savoir plus sur Nat Explorers et avoir des informations sur les suites de l’aventure&nbsp;: <a href="https://www.natexplorers.fr/">https://www.natexplorers.fr/</a></li> </ul> </div> <p style="text-align: right;"><strong><em>«&nbsp;Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux.&nbsp;» Marcel Proust</em></strong></p> <p><span style="font-size: 18pt;">C'</span>est une expérience unique au monde que Julien Chapuis et Barbara Rhétoré mènent depuis le printemps dernier. Iels ont effectué une descente intégrale de la Loire pour révéler l’ADN environnemental du fleuve. Mais leur aventure ne se cantonne pas à un programme scientifique&nbsp;: iels ont proposé à des artistes de se joindre à elleux, afin d’explorer les formes que pourrait prendre <em>«&nbsp;une culture vivante du fleuve&nbsp;»</em>.</p> <p>A chaque escale, iels ont organisé des rencontres avec le public, pour partager le fruit de leurs découvertes et leur ressenti, mais aussi pour collecter les récits des habitant·e·s, usager·e·s, défenseur·se·s de la Loire et de ses bassins.·</p> <p><em>«&nbsp;Que va devenir la Loire et qu’allons-nous devenir avec elle&nbsp;?&nbsp;»</em> ont-iels interrogé. Les réponses prennent de multiples formes et différents types de restitution sont envisagés dans les prochains mois.<br />Mais pourquoi est-il intéressant de mieux connaître ce fleuve&nbsp;? Quelles sont ses richesses&nbsp;? Les dangers qui le guettent et qui, par conséquent, guettent tous·tes celleux qui y vivent, voire bien au-delà&nbsp;? Comment l’association de la science et des arts peut constituer une formidable défense&nbsp;?</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p> <h3>Révéler sans mettre en danger&nbsp;?</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>Julien Chapuis et Barbara Rhétoré sont éthologues de formation&nbsp;: iels étudient le comportement des espèces animales (y compris humaine) dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental. Egalement biologistes, médiateur·ice·s scientifiques et chargé·e·s d’enseignement universitaire, iels ont créé leur propre structure d’exploration et de culture scientifique en 2015&nbsp;: Nat Explorers.</p> <p>Leurs premiers travaux les ont mené·e·s loin de leur Loire natale&nbsp;: en 2016, à la frontière entre le Panama et la Colombie pour explorer des zones jusqu’alors inconnues mais parmi les plus riches, biologiquement, de la planète. Ont suivi 200 jours en Amérique Centrale pour dresser un état des lieux de la protection de la nature. En 2017, iels sont parti·e·s à Madagascar étudier les mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, mais aussi poissons, insectes, fougères, mousses...</p> <p>Explorer ce qui n’a pas été découvert… Quand on pense aux nombreuses découvertes qui ont ensuite permis de violentes exploitations d’êtres et de ressources, on peut s’interroger sur la pertinence de révéler ce qui vit très bien sans l’intervention humaine. <em>«&nbsp;C’est une question que nous nous posons beaucoup, c’est un difficile équilibre,</em> reconnaît Julien Chapuis. <em>Mais nous voulons montrer que d’autres formes d’exploration sont possibles&nbsp;: avec l’exploration de proximité, pas besoin d’aller à l’autre bout du monde. Et dans le cas précis de la Loire, son état de dégradation est tel qu’il nous a semblé nécessaire de mener cette expérience pour mieux vivre avec elle et pour mieux la défendre.&nbsp;»</em></p> <p>Quels sont les dangers qui la menacent&nbsp;? <em>«&nbsp;Pour résumer, disons le capitalisme extractiviste. La monoculture, l’usage du fleuve pour des questions énergétiques, l’urbanisme avec l’artificialisation des sols...&nbsp;»</em> En 2013, une étude écotoxicologique menée par Vet-Agro-Sup et le Muséum d’Orléans avait révélé que les rejets directs ou indirects des produits agricoles et de l’activité industrielle contaminaient l’ensemble des espèces et du réseau trophique du fleuve. Cinquante-quatre polluants différents, tels que le PCB, le mercure, le plomb ou le cadmium, y avaient alors été retrouvés <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_18-Loire_Sentinelle_Estuaire-Mauves_Nantes-BD-83.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Jean-Félix Fayolle"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_18-Loire_Sentinelle_Estuaire-Mauves_Nantes-BD-83.jpg" alt="skatepark 1" width="500" height="333" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></strong></p> <h3>Une culture vivante du fleuve</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>La Loire est le plus long fleuve s’écoulant exclusivement en France&nbsp;: 1 008 kilomètres depuis ses sources au Mont-Gerbier-de-Jonc en Ardèche, jusqu’à l’estuaire de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique. Souvent présenté comme «&nbsp;sauvage&nbsp;», il a en fait été largement domestiqué depuis l’Antiquité, par des aménagements qui visaient à favoriser la navigation et le commerce, et à protéger les populations des crues, par exemple.<br />Parler de «&nbsp;fleuve vivant&nbsp;» serait plus juste, tant son lit ne cesse de bouger, ses débits de varier, ses paysages de se métamorphoser. Ainsi, la Loire se présente-t-elle différemment selon les régions qu’elle traverse, ses habitant·e·s, les saisons…</p> <p>C’est sur cette <em>«&nbsp;culture vivante du fleuve&nbsp;»</em> que les deux explorateur·ice·s ont enquêté, au cours d’un projet appelé Loire Sentinelle. <em>«&nbsp;Nous avons constaté que de plus en plus de personnes tentent d’être plus proches du fleuve, de se relier à lui,</em> explique Julien Chapuis. <em>Ces connexions participent à des cultures du fleuve. Sont-elles différentes selon les territoires&nbsp;? Nous avons envie d’explorer cette question sur un temps long.&nbsp;»</em></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></strong></p> <h3>Reconstituer l’ADN de la Loire</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>____________________________________</strong></span></p> <p>Première étape sur le terrain&nbsp;: la descente de la Loire du 1er mai au 23 juillet dernier. D’abord à pied puis en canoë canadien pour la majeure partie du parcours. A bord d’Umiak, 150 kilos de matériel dont des outils scientifiques. Julien Chapuis et Barbara Rhétoré avaient préalablement identifié les sites où iels ont réalisé 18 prélèvements pour l’ADN environnemental et 20 pour les micro-plastiques. Comment ont-iels choisi ces lieux&nbsp;? <em>«&nbsp;Ce sont des zones de friction entre la vie humaine et celle du fleuve,</em> répond Julien Chapuis. <em>Des zones urbaines, de confluence ou d’obstacles, par exemple.&nbsp;»</em></p> <p>Pour les micro-plastiques, les deux biologistes utilisent deux techniques. Dans l’eau, un filet de type filet à micro-plancton. <em>«&nbsp;Nous le laissons dériver pendant 30 minutes et nous renouvelons l’opération trois fois, pour que ce soit représentatif. Nous récupérons ainsi ce que la Loire nous apporte. Les morceaux de micro-plastiques mesurent de 5 mm à quelques centaines de nanomètres. En laboratoire, ces particules vont être comptées et caractérisées.&nbsp;»</em><br />Dans le sédiment, une pelle métallique permet de remplir un bocal, également analysé par un laboratoire. <em>«&nbsp;Sur le sédiment, les analyses sont plus fines&nbsp;: nous pouvons dire de quoi chaque particule est composée.&nbsp;»</em></p> <p>Pour l’ADN environnemental, l’eau est filtrée également pendant 30 minutes à l’aide d’une pompe. <em>«&nbsp;Le filtre retient la matière dont la matière organique&nbsp;: des excréments, des traces de sang, des gamètes, du mucus… Cela nous indique quelles sont les espèces qui vivent là.&nbsp;»</em> Une méthode de la police scientifique qui a été étendue à l’écologie.<br />A l’échelle d’un fleuve, c’est la première fois qu’un tel ADN va être constitué. <em>«&nbsp;L’idéal étant de revenir régulièrement et de voir comment il évolue&nbsp;»</em>, souligne Julien Chapuis.</p> <p>Trois laboratoires français sont partenaires de l’expérience. Les premiers résultats ont été partagés lors de l’arrivée à Saint-Nazaire et le reste sera transmis à Nat Explorers progressivement jusqu’au printemps 2023.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">__________________________________________________</span></strong></p> <h3>Une résidence d’artistes flottante</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>______________________________________</strong></span></p> <p>Sur le terrain également, des artistes et penseur·se·s invité·e·s à une «&nbsp;résidence flottante&nbsp;», c’est-à-dire à suivre l’aventure, entièrement ou pour partie, et à y poser un autre regard, plus sensible. Y ont participé le photographe Jean-Félix Fayolle, l’autrice Clara Arnaud, la carnettiste Aurélie Calmet, la documentariste Laure Bourru, l’historienne et essayiste Marielle Macé ou encore le journaliste Sébastien Rochard.</p> <p>Chacun·e à leur manière, souvent en s’inspirant des récits qu’iels ont collectés au fil de l’eau et de leur propre rapport au fleuve, iels font écho à l’aventure Loire Sentinelle sous diverses formes&nbsp;: des photographies, des textes, des dessins, des vidéos… <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> En faisant ainsi trace, iels contribuent, elleux aussi, à révéler l’ADN de la Loire.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_19-Loire_Sentinelle_Estuaire-Nantes_LePellerin-BD-95.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Jean-Félix Fayolle"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOIRESENTINELLE/JFF-2022_07_19-Loire_Sentinelle_Estuaire-Nantes_LePellerin-BD-95.jpg" alt="skatepark 1" width="500" height="333" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>&nbsp;<strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________</span></strong></p> <h3>Un geste symbolique fort</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>______________________________</strong></span></p> <p>Pour échanger avec les riverain·e·s, l’équipe de Nat Explorers avaient prévu des «&nbsp;escales-rencontres&nbsp;».</p> <p>Julien Chapuis se souvient de la première au Gorges de la Loire, au Moulin du Chambon, le 7 mai&nbsp;: <em>«&nbsp;c’est un lieu très important car c’est là qu’aurait pu être érigé un barrage il y a trente ans. Nous avons rencontré des militant·e·s de l’association SOS Loire Vivante qui s’y était opposée<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Nous avons réalisé des échantillonnages devant des gens qui étaient là, à regarder la science à l’œuvre, en direct. Nous pouvions répondre à leurs questions. Et puis, il y a eu un temps de restitution scientifique et artistique. »</em></p> <p>Tout au long du parcours, des associations et des particulier·e·s sont ainsi venu·e·s les écouter ou participer à des ateliers.</p> <p>A la fin du périple, à l’estuaire, le 23 juillet, c’est l’association environnementale Bretagne Vivante qui assurait l’accueil <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. <em>«&nbsp;Après trois mois d’expédition, nous avions plus de choses à partager,</em> raconte Julien Chapuis. <em>Nous avons aussi fait un geste symbolique fort&nbsp;: nous avons mis dans l’estuaire de l’eau prélevée au Mont-Gerbier-de-Jonc.&nbsp;»</em></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________</span></strong></p> <h3>La suite en 2023</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>______________________</strong></span></p> <p>En plus d’animer des événements et de créer des supports pour faire connaître les résultats, Nat Explorers envisage déjà une édition 2023. <em>«&nbsp;Plutôt sous forme de résidence, plus légère en terme d’organisation,</em> précise Julien Chapuis. <em>Peut-être que nous amorcerons aussi un travail de formation des militant·e·s aux prélèvements.&nbsp;»</em> Pour cela, il faudra trouver de nouveaux financements. Le premier volet de Loire Sentinelle a tenu <em>«&nbsp;avec des bouts de ficelles&nbsp;»</em>, l’aide des laboratoires partenaires, de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, de sponsors et de mécènes. <em>«&nbsp;Le gros challenge sera de pérenniser tout ça&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>Ligérien·ne·s d’origine, les deux biologistes connaissaient déjà la Loire. Mais la regardent-iels aujourd’hui différemment&nbsp;? <em>«&nbsp;Notre vision a radicalement, mais alors vraiment radicalement changé. On ne s’attendait pas à voir une Loire aussi diverse. C’est une belle leçon d’humilité parce qu’en fait, nous connaissons une toute petite partie de la Loire. Cette aventure nous a apporté beaucoup d’enseignements et nous avons l’impression désormais d’avoir une vision plus globale. C’était important de vivre dans notre chair, physiquement, la continuité ou la discontinuité du fleuve. Maintenant, lorsque je me présente comme ligérien, j’ai l’impression de l’être vraiment.&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;<strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="http://www.rebonds.net/file:///tmp/fichierRessource1_Rapport_ecotoxicologie_Loire_jan13.pdf">file:///tmp/fichierRessource1_Rapport_ecotoxicologie_Loire_jan13.pdf</a><br />(2) Retrouvez une partie de leur travail sur le site de Nat Explorers&nbsp;: <a href="https://www.natexplorers.fr/">https://www.natexplorers.fr/</a><br />(3) Lire à ce sujet la rétrospective des Carnets d’Ecire&nbsp;: <a href="https://lescarnetsdecir.fr/sos-loire-vivante-i-les-annees-poudriere-1988-1994/.">https://lescarnetsdecir.fr/sos-loire-vivante-i-les-annees-poudriere-1988-1994/.</a><br />SOS Loire Vivante aujourd’hui&nbsp;: <a href="https://www.rivernet.org/loire/soslv/soslv_f.htm">https://www.rivernet.org/loire/soslv/soslv_f.htm</a><br />(4) Bretagne vivante&nbsp;: <a href="https://www.bretagne-vivante.org/">https://www.bretagne-vivante.org/</a><br /></span></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>Pour en savoir plus sur Nat Explorers et avoir des informations sur les suites de l’aventure&nbsp;: <a href="https://www.natexplorers.fr/">https://www.natexplorers.fr/</a></li> </ul> </div>