# 62 Pour plus d'esprit critique (octobre 2022)(Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale.http://www.rebonds.net/62pourplusdespritcritique2023-05-11T19:11:00+02:00(Re)bonds.netJoomla! - Open Source Content ManagementPrenons la Une à l’école des journalistes2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/62pourplusdespritcritique/806-prenonslaunealecoledesjournalistesSuper User<p><strong>Les médias ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le sexisme <span style="font-size: 8pt;">(1).</span> Encore faudrait-il qu’ils soient eux-mêmes irréprochables sur le sujet. Or, ils véhiculent trop souvent les stéréotypes qui touchent les femmes et les personnes non binaires. L’association Prenons la Une a décidé d’agir auprès des journalistes, étudiant·es et professionnel·les, pour une plus juste représentation de la société dans les médias, mais aussi pour l’égalité au sein des rédactions.</strong></p>
<p><em>« Nous proposons la création de modules de formation, dispensés auprès de tous·tes les étudiant·es en école de journalisme, sur la lutte contre les stéréotypes et l'égalité professionnelle. »</em> C’était écrit noir sur blanc sur l’acte fondateur du collectif : le 2 mars 2014, dans une tribune intitulée « Femmes à la Une » et parue dans le journal Libération <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>, 800 journalistes signataires clamaient haut et fort l’importance de former leurs futur·es confrères et consœurs pour que dans leurs écrits, leurs reportages sonores ou télévisés, iels veillent à ne pas reproduire les discours sexistes. Mieux, pour qu’iels les dénoncent et les combattent.</p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une inégalité de traitement</strong></span></p>
<p>A l’origine de ce collectif baptisé Prenons la Une, Claire Alet et Léa Lejeune, journalistes économiques.<br />Leur constat ? Les femmes sont peu ou mal représentées dans les médias. Selon une enquête menée tous les cinq ans par le Global Media Monitoring Project citée par La Revue des Médias<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>, en France, les femmes ne représentent que 24,1 % des personnes vues dans la presse écrite ou entendues à la radio et à la télévision. En 2015, le journal Le Monde avait publié une étude portant sur quatre quotidiens nationaux : plus de 80 % des Une étaient occupées par des hommes <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. De plus, les thématiques sont bien souvent genrées : aux hommes l’économie et la politique ; aux femmes la santé, l’éducation, les sujets « people ». Un déséquilibre qui se ressent d’autant plus lorsque les médias font appel à des « expert·es » pour apporter un éclairage sur un sujet précis.</p>
<p>Autre constat : les journalistes femmes subissent aussi une inégalité de traitement. Alors que les écoles de journalisme accueillent plus de 60 % d’étudiantes et que près de la moitié des cartes de presse sont délivrées à des femmes, celles-ci sont encore peu présentes dans les fonctions à responsabilité : les postes stratégiques restent occupés par des hommes. Dès lors, comment faire bouger les lignes éditoriales ? Comment éradiquer le sexisme dans les contenus proposés par les médias, alors qu’ils fonctionnent eux-mêmes sur des pratiques discriminantes ?</p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Comment éviter le sexisme dans la production journalistique ?</strong></span></p>
<p>En 2018, le collectif Prenons la Une devient une association et lance officiellement son pôle formation en avril 2019, dont Anaïs Bouitcha est aujourd’hui chargée : <em>« Aujourd’hui, soit nous démarchons les écoles pour leur faire des propositions, soit elles nous contactent en fonction de leurs besoins et nous adaptons nos interventions. »</em></p>
<p>Les formations reposent sur deux piliers : de bonnes pratiques professionnelles pour un traitement équilibré de l’information (vocabulaire, chiffres, sources…) ; des informations et des ressources sur le sexisme en milieu professionnel (ce que dit la loi, à qui s’adresser…). Différents modules ont ainsi été constitués : sexisme et discriminations : comment les éviter dans sa production éditoriale quand on est journaliste ? ; sexisme en rédaction : qu’est-ce qui est inapproprié / illégal ? Comment et à qui rapporter des actes sexistes dont nous sommes victimes / témoins ? ; enquêter sur les violences faites aux femmes ; le cyberharcèlement…</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/cropped-Logo_PLUS_SEPT2020-1-1536x448.png" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/cropped-Logo_PLUS_SEPT2020-1-1536x448.png" alt="pride 5294585 960 720" width="510" height="149" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Etudier et décrypter</strong></span></p>
<p>Grâce aux associations NousToutes et le Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV), des journalistes bénévoles de Prenons la Une ont été formées pour intervenir dans les écoles de journalisme de Tours, Bordeaux, Toulouse, Aix, Paris et même à Bruxelles… mais aussi au sein d’autres filières qui s’intéressent à l’information.</p>
<p>Face à elles, des classes mixtes. Perçoivent-elles des réticences de la part des garçons ? <em>« J’ai toujours reçu un accueil bienveillant,</em> assure Anaïs Bouitcha. <em>Nous ne sommes pas là pour leur faire la leçon, mais pour susciter le débat. Nous présentons des éléments qui donnent matière à discussion. Nous faisons un travail journalistique en leur proposant d’étudier et de décrypter des titres, des photos, des articles… Nous nous appuyons sur des faits, des études et des rapports, comme celui de Céline Calvez <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. »</em> Elle se souvient toutefois d’une formation qui ne s’est pas bien passée : <em>« Elle durait une heure, en visio, devant cinquante élèves dont la majorité se destinait au journalisme sportif. Certains disaient que tout ça n’était que pinaillage. Ça n’était pas facile mais l’important, c’était d’avoir provoqué la discussion. »</em></p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Des propositions concrètes transmises aux rédactions</strong></span></p>
<p>Pour prolonger les débats au-delà de la formation, les membres de Prenons la Une ont imaginé un relais : Prenons la Une Junior. Un pôle constitué d’étudiantes avec des référentes dans chaque établissement. Elles y conduisent des actions de sensibilisation ou font remonter des faits de sexisme rencontrés par les élèves lors de stages ou de leur cursus scolaire. « En 2021, elles ont participé à la réalisation d’un manuel anti-discriminations à destination des stagiaires en journalisme, des écoles et des rédactions qui les emploient (6) », explique Anaïs Bouitcha.</p>
<p>Prenons la Une propose d’autres outils à destination des journalistes, qu’iels soient étudiant·es ou déjà en poste, par exemple, un document pour un meilleur traitement médiatique des violences faites aux femmes dans les médias et un manuel de rébellion à usage des femmes dans les rédactions.</p>
<p>En 2019, l’association a organisé les premiers Etats généraux des femmes journalistes à la Cité des Sciences à Paris. Environ 350 personnes ont contribué à produire des cahiers de doléances, avec des propositions concrètes transmises au ministre de la Culture et aux directions des rédactions. Parmi les sujets abordés : la rémunération des femmes journalistes, la mobilité et les évolutions de carrières, la direction d’une équipe, le racisme ou les discriminations des LGBT+ (7) dans les rédactions, le harcèlement…</p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">S’étendre aux autres pays francophones</span></strong></span></p>
<p>L’association est financée par les adhésions de ses membres (environ 150 aujourd’hui), des dons et la billetterie d’événements qu’elle organise tout au long de l’année. En 2020, elle a également reçu 1.500 euros en remportant le premier prix des Assises du Journalisme de Tours. Des réflexions sont en cours pour trouver d’autres ressources. Pas d’aide particulière de l’Education nationale. Mais Anaïs Bouitcha l’assure : <em>« L'association est aujourd'hui identifiée comme une actrice incontournable et experte dans les débats. »</em></p>
<p>Quels sont les projets de Prenons la Une ? Ses membres le savent : sensibiliser les étudiant·es n’est pas suffisant. <em>« La formation professionnelle, c’est-à-dire des journalistes déjà en poste, est incontournable pour faire changer les choses »</em>, reconnaît Anaïs Bouitcha. C’est un des projets de l’association, qui espère également accueillir de nouvelles formatrices et développer ses liens avec des écoles dans d’autres pays francophones comme la Belgique, la Suisse et le Luxembourg.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Sexisme : selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), le sexisme est « une idéologie qui repose sur le postulat de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes, d’une part, et, d’autre part, (…) un ensemble de manifestations des plus anodines en apparence (remarques…) aux plus graves (viols, meurtres…). Ces manifestations ont pour objet de délégitimer, stigmatiser, humilier ou violenter les femmes et ont des effets sur elles (estime de soi, santé psychique et physique, modification des comportements) ». Source : 1er état des lieux du sexisme en France : lutter contre une tolérance sociale qui persiste (17 janvier 2019).<br />(2) <a href="https://www.liberation.fr/ecrans/2014/03/02/femmes-a-la-une_983970/">https://www.liberation.fr/ecrans/2014/03/02/femmes-a-la-une_983970/</a><br />(3) <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/mesurer-la-place-des-femmes-dans-les-medias-et-apres">https://larevuedesmedias.ina.fr/mesurer-la-place-des-femmes-dans-les-medias-et-apres</a><br />(4) <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/03/09/les-femmes-toujours-en-minorite-dans-les-medias_4590137_4355770.html">https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/03/09/les-femmes-toujours-en-minorite-dans-les-medias_4590137_4355770.html</a><br />(5) En 2020, la députée LREM Céline Calvez mène une mission sur la place des femmes dans les médias en temps de crise. Prenons la Une fait partie des organisations auditionnées. Publié en septembre 2020, le rapport souligne un recul de la place des femmes dans quasiment tous les médias. Il est consultable ici : <a href="https://celine-calvez.fr/wp-content/uploads/2020/09/Rapport-place-des-femmes-dans-les-m%C3%A9dias-en-temps-de-crise-.pdf">https://celine-calvez.fr/wp-content/uploads/2020/09/Rapport-place-des-femmes-dans-les-m%C3%A9dias-en-temps-de-crise-.pdf</a><br />(6) <a href="https://prenonslaune.fr/2021/09/manuel-anti-discrimination/">https://prenonslaune.fr/2021/09/manuel-anti-discrimination/</a><br />(7) LGBT+ : Lesbiennes, Gays, Bisexuel·les, Trans et autres personnes non cisgenres.<br /></span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
Pour en savoir plus sur Prenons la Une : <a href="https://prenonslaune.fr">https://prenonslaune.fr</a><br /> Pour contacter le pôle formation : <a href="mailto:anais.bouitcha@gmail.com">anais.bouitcha@gmail.com</a> et <a href="mailto:prenonslaune@gmail.com">prenonslaune@gmail.com</a></div><p><strong>Les médias ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le sexisme <span style="font-size: 8pt;">(1).</span> Encore faudrait-il qu’ils soient eux-mêmes irréprochables sur le sujet. Or, ils véhiculent trop souvent les stéréotypes qui touchent les femmes et les personnes non binaires. L’association Prenons la Une a décidé d’agir auprès des journalistes, étudiant·es et professionnel·les, pour une plus juste représentation de la société dans les médias, mais aussi pour l’égalité au sein des rédactions.</strong></p>
<p><em>« Nous proposons la création de modules de formation, dispensés auprès de tous·tes les étudiant·es en école de journalisme, sur la lutte contre les stéréotypes et l'égalité professionnelle. »</em> C’était écrit noir sur blanc sur l’acte fondateur du collectif : le 2 mars 2014, dans une tribune intitulée « Femmes à la Une » et parue dans le journal Libération <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>, 800 journalistes signataires clamaient haut et fort l’importance de former leurs futur·es confrères et consœurs pour que dans leurs écrits, leurs reportages sonores ou télévisés, iels veillent à ne pas reproduire les discours sexistes. Mieux, pour qu’iels les dénoncent et les combattent.</p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une inégalité de traitement</strong></span></p>
<p>A l’origine de ce collectif baptisé Prenons la Une, Claire Alet et Léa Lejeune, journalistes économiques.<br />Leur constat ? Les femmes sont peu ou mal représentées dans les médias. Selon une enquête menée tous les cinq ans par le Global Media Monitoring Project citée par La Revue des Médias<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>, en France, les femmes ne représentent que 24,1 % des personnes vues dans la presse écrite ou entendues à la radio et à la télévision. En 2015, le journal Le Monde avait publié une étude portant sur quatre quotidiens nationaux : plus de 80 % des Une étaient occupées par des hommes <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. De plus, les thématiques sont bien souvent genrées : aux hommes l’économie et la politique ; aux femmes la santé, l’éducation, les sujets « people ». Un déséquilibre qui se ressent d’autant plus lorsque les médias font appel à des « expert·es » pour apporter un éclairage sur un sujet précis.</p>
<p>Autre constat : les journalistes femmes subissent aussi une inégalité de traitement. Alors que les écoles de journalisme accueillent plus de 60 % d’étudiantes et que près de la moitié des cartes de presse sont délivrées à des femmes, celles-ci sont encore peu présentes dans les fonctions à responsabilité : les postes stratégiques restent occupés par des hommes. Dès lors, comment faire bouger les lignes éditoriales ? Comment éradiquer le sexisme dans les contenus proposés par les médias, alors qu’ils fonctionnent eux-mêmes sur des pratiques discriminantes ?</p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Comment éviter le sexisme dans la production journalistique ?</strong></span></p>
<p>En 2018, le collectif Prenons la Une devient une association et lance officiellement son pôle formation en avril 2019, dont Anaïs Bouitcha est aujourd’hui chargée : <em>« Aujourd’hui, soit nous démarchons les écoles pour leur faire des propositions, soit elles nous contactent en fonction de leurs besoins et nous adaptons nos interventions. »</em></p>
<p>Les formations reposent sur deux piliers : de bonnes pratiques professionnelles pour un traitement équilibré de l’information (vocabulaire, chiffres, sources…) ; des informations et des ressources sur le sexisme en milieu professionnel (ce que dit la loi, à qui s’adresser…). Différents modules ont ainsi été constitués : sexisme et discriminations : comment les éviter dans sa production éditoriale quand on est journaliste ? ; sexisme en rédaction : qu’est-ce qui est inapproprié / illégal ? Comment et à qui rapporter des actes sexistes dont nous sommes victimes / témoins ? ; enquêter sur les violences faites aux femmes ; le cyberharcèlement…</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/cropped-Logo_PLUS_SEPT2020-1-1536x448.png" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/cropped-Logo_PLUS_SEPT2020-1-1536x448.png" alt="pride 5294585 960 720" width="510" height="149" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Etudier et décrypter</strong></span></p>
<p>Grâce aux associations NousToutes et le Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV), des journalistes bénévoles de Prenons la Une ont été formées pour intervenir dans les écoles de journalisme de Tours, Bordeaux, Toulouse, Aix, Paris et même à Bruxelles… mais aussi au sein d’autres filières qui s’intéressent à l’information.</p>
<p>Face à elles, des classes mixtes. Perçoivent-elles des réticences de la part des garçons ? <em>« J’ai toujours reçu un accueil bienveillant,</em> assure Anaïs Bouitcha. <em>Nous ne sommes pas là pour leur faire la leçon, mais pour susciter le débat. Nous présentons des éléments qui donnent matière à discussion. Nous faisons un travail journalistique en leur proposant d’étudier et de décrypter des titres, des photos, des articles… Nous nous appuyons sur des faits, des études et des rapports, comme celui de Céline Calvez <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. »</em> Elle se souvient toutefois d’une formation qui ne s’est pas bien passée : <em>« Elle durait une heure, en visio, devant cinquante élèves dont la majorité se destinait au journalisme sportif. Certains disaient que tout ça n’était que pinaillage. Ça n’était pas facile mais l’important, c’était d’avoir provoqué la discussion. »</em></p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Des propositions concrètes transmises aux rédactions</strong></span></p>
<p>Pour prolonger les débats au-delà de la formation, les membres de Prenons la Une ont imaginé un relais : Prenons la Une Junior. Un pôle constitué d’étudiantes avec des référentes dans chaque établissement. Elles y conduisent des actions de sensibilisation ou font remonter des faits de sexisme rencontrés par les élèves lors de stages ou de leur cursus scolaire. « En 2021, elles ont participé à la réalisation d’un manuel anti-discriminations à destination des stagiaires en journalisme, des écoles et des rédactions qui les emploient (6) », explique Anaïs Bouitcha.</p>
<p>Prenons la Une propose d’autres outils à destination des journalistes, qu’iels soient étudiant·es ou déjà en poste, par exemple, un document pour un meilleur traitement médiatique des violences faites aux femmes dans les médias et un manuel de rébellion à usage des femmes dans les rédactions.</p>
<p>En 2019, l’association a organisé les premiers Etats généraux des femmes journalistes à la Cité des Sciences à Paris. Environ 350 personnes ont contribué à produire des cahiers de doléances, avec des propositions concrètes transmises au ministre de la Culture et aux directions des rédactions. Parmi les sujets abordés : la rémunération des femmes journalistes, la mobilité et les évolutions de carrières, la direction d’une équipe, le racisme ou les discriminations des LGBT+ (7) dans les rédactions, le harcèlement…</p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">S’étendre aux autres pays francophones</span></strong></span></p>
<p>L’association est financée par les adhésions de ses membres (environ 150 aujourd’hui), des dons et la billetterie d’événements qu’elle organise tout au long de l’année. En 2020, elle a également reçu 1.500 euros en remportant le premier prix des Assises du Journalisme de Tours. Des réflexions sont en cours pour trouver d’autres ressources. Pas d’aide particulière de l’Education nationale. Mais Anaïs Bouitcha l’assure : <em>« L'association est aujourd'hui identifiée comme une actrice incontournable et experte dans les débats. »</em></p>
<p>Quels sont les projets de Prenons la Une ? Ses membres le savent : sensibiliser les étudiant·es n’est pas suffisant. <em>« La formation professionnelle, c’est-à-dire des journalistes déjà en poste, est incontournable pour faire changer les choses »</em>, reconnaît Anaïs Bouitcha. C’est un des projets de l’association, qui espère également accueillir de nouvelles formatrices et développer ses liens avec des écoles dans d’autres pays francophones comme la Belgique, la Suisse et le Luxembourg.</p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Sexisme : selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), le sexisme est « une idéologie qui repose sur le postulat de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes, d’une part, et, d’autre part, (…) un ensemble de manifestations des plus anodines en apparence (remarques…) aux plus graves (viols, meurtres…). Ces manifestations ont pour objet de délégitimer, stigmatiser, humilier ou violenter les femmes et ont des effets sur elles (estime de soi, santé psychique et physique, modification des comportements) ». Source : 1er état des lieux du sexisme en France : lutter contre une tolérance sociale qui persiste (17 janvier 2019).<br />(2) <a href="https://www.liberation.fr/ecrans/2014/03/02/femmes-a-la-une_983970/">https://www.liberation.fr/ecrans/2014/03/02/femmes-a-la-une_983970/</a><br />(3) <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/mesurer-la-place-des-femmes-dans-les-medias-et-apres">https://larevuedesmedias.ina.fr/mesurer-la-place-des-femmes-dans-les-medias-et-apres</a><br />(4) <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/03/09/les-femmes-toujours-en-minorite-dans-les-medias_4590137_4355770.html">https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/03/09/les-femmes-toujours-en-minorite-dans-les-medias_4590137_4355770.html</a><br />(5) En 2020, la députée LREM Céline Calvez mène une mission sur la place des femmes dans les médias en temps de crise. Prenons la Une fait partie des organisations auditionnées. Publié en septembre 2020, le rapport souligne un recul de la place des femmes dans quasiment tous les médias. Il est consultable ici : <a href="https://celine-calvez.fr/wp-content/uploads/2020/09/Rapport-place-des-femmes-dans-les-m%C3%A9dias-en-temps-de-crise-.pdf">https://celine-calvez.fr/wp-content/uploads/2020/09/Rapport-place-des-femmes-dans-les-m%C3%A9dias-en-temps-de-crise-.pdf</a><br />(6) <a href="https://prenonslaune.fr/2021/09/manuel-anti-discrimination/">https://prenonslaune.fr/2021/09/manuel-anti-discrimination/</a><br />(7) LGBT+ : Lesbiennes, Gays, Bisexuel·les, Trans et autres personnes non cisgenres.<br /></span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
Pour en savoir plus sur Prenons la Une : <a href="https://prenonslaune.fr">https://prenonslaune.fr</a><br /> Pour contacter le pôle formation : <a href="mailto:anais.bouitcha@gmail.com">anais.bouitcha@gmail.com</a> et <a href="mailto:prenonslaune@gmail.com">prenonslaune@gmail.com</a></div>L214 Education : pour un autre discours sur les animaux2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/62pourplusdespritcritique/807-l214educationpourunautrediscourssurlesanimauxSuper User<p><strong>D’un côté, des organisations interprofessionnelles qui promeuvent la consommation de viande. De l’autre, une association qui entend changer le regard porté sur les animaux. Leur point commun ? Elles développent des campagnes à destination des plus jeunes, en proposant des outils pédagogiques à leurs enseignant·es. Mais tandis qu’INTERBEV défend des intérêts économiques, L214 milite pour une transformation de nos rapports aux autres êtres vivants. Le message éducatif est forcément bien différent...</strong></p>
<p>Charlotte Maignan, chargée d'éducation au sein de L214, l’assure : l'association ne construit pas ses propositions en opposition aux discours des lobbies de la viande. Dans les messages adressés aux plus jeunes, pas d’injonction directe à stopper sa consommation de viande, mais des informations démontrant que les animaux sont des êtres sensibles qui méritent considération et respect.</p>
<p>L214 est une association de défense des animaux, plus particulièrement ceux utilisés comme ressources alimentaires. Créée en 2008, son nom fait référence à l’article L 214-1 du Code rural <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> qui, en 1976, reconnut pour la première fois les animaux comme des êtres sensibles. <br />Elle regroupe aujourd’hui 50.000 membres, 2.500 bénévoles et 75 salarié·es. Ensemble, iels militent pour placer la question animale dans le débat public, pour faire reculer les pratiques cruelles (dans les élevages, le transport des animaux et l’abattage) et pour promouvoir l’alimentation végétale.<br />Depuis sa création, L214 a mené une centaine d’enquêtes, souvent filmées, révélant les conditions épouvantables dans lesquelles « vivent » les animaux d’élevage aujourd’hui encore en France.<br />Elle-même mène des actions de lobbying, notamment pour encourager les élu·es à prendre position et pour transformer les lois.</p>
<p> </p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Des outils variés et accessibles à tous·tes<br /></span></strong></p>
<p>En 2017, elle a ouvert une campagne baptisée L214 Education. Charlotte Maignan explique : <em>« Dès sa création, l’association a eu pour objectif de mettre en place des actions éducatives, mais elle a dû se structurer, grandir un peu, attendre d’avoir des salarié·es… »</em> En 2017, Dominic Hofbauer, éducateur en éthique animale, a intégré l’association et, fort de son expérience à la Welfarm en Belgique <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>, a permis de lancer la campagne. <em>« Nous avons commencé par des animations sur notre site Internet et par le magazine Mon journal animal »</em>, précise Charlotte Maignan.</p>
<p>En cinq ans, les outils se sont développés : expositions, posters et livrets pédagogiques, vidéos, Centre de Documentation et d’Information (CDI) virtuel avec des références de livres jeunesse, romans, films qui abordent la question animale sous des angles originaux… <em>« Tous ces outils sont gratuits, téléchargeables, reproductibles et libres de droit,</em> précise Charlotte Maignan. <em>Ils ont vraiment été conçus pour que tout le monde puisse les utiliser. »</em><br />L’association intervient également directement dans les classes. <em>« Ce qui n’est pas évident car nous sommes une toute petite équipe de trois salarié·es. »</em> Un test avec des bénévoles formé·es par l’association est en cours. Mais la campagne se dirige plutôt vers la multiplication d’activités à réaliser en autonomie par les enseignant·es.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Animation-gratuite-scolaire-animations-header-03-1536x701.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : L 214 Education."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Animation-gratuite-scolaire-animations-header-03-1536x701.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="625" height="285" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Des animaux montrés sous un autre jour</span></strong></p>
<p>Pour concevoir ses propositions, L214 Education s’est appuyée sur un conseil scientifique, composé de vétérinaires, d’enseignant·es, de philosophes, de juristes… <em>« C’est important en termes de crédibilité et de légitimité,</em> souligne Charlotte Maignan. <em>Tout doit être vérifié et sourcé. Il est essentiel que des expert·es nous fassent des retours. »</em></p>
<p>Le but : <em>« montrer les animaux sous un nouveau jour »</em>. <em>« Iels ont une vie propre et ressentent des émotions. Mieux les connaître et mieux les comprendre permet de mieux les respecter. »</em><br />Si la campagne suit la ligne générale de l’association, les méthodes sont bien différentes. <em>« Nous ne montrons pas la réalité des élevages aux jeunes enfants ! Nous leur apportons des faits scientifiques et juridiques, pour éveiller leur curiosité et leur sensibilité, sur les animaux qu’iels ont dans leur assiette. C’est un angle peu abordé dans les écoles. On leur parle généralement plutôt d’animaux exotiques ou domestiques. »</em><br />Et, lorsqu’on évoque des vaches, cochons, chèvres et poulets, c’est plutôt sous l’angle de la chaîne alimentaire…</p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Les lobbies de la viande présents dans les classes</span></strong></span></p>
<p>Les organisations interprofessionnelles de la viande ont tout intérêt à ce que ce discours soit maintenu. Depuis longtemps déjà, elles ont infiltré les établissements scolaires et les cantines. L’enjeu : convaincre que l’élevage industriel tel que les décrivent les militant·es écologistes n’existe pas et qu’il est nécessaire pour notre équilibre alimentaire de manger de la viande tous les jours. N’en déplaise aux spécialistes des maladies cardio-vasculaires <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>.</p>
<p>Selon un rapport de Greenpeace France paru en janvier 2022 <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, la palme du lobby auprès des plus jeunes revient à INTERBEV, l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes. Des bancs de l’école à la sphère médicale, elle diffuse son message partout à coups de campagnes de publicité massives telles que des brochures distribuées jusque dans les salles d’attente avec des slogans du type « N’oubliez pas la viande ! » ou « Aimez la viande, mangez-en mieux ! »<br />Chaque année, de son propre aveu, INTERBEV dépense les deux tiers de son budget afin d’influencer le débat public et elle déclare 200.000 à 300.000 euros de dépenses ouvertement dédiées au lobbying <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p>
<p>Selon Greenpeace, depuis 2006 au moins, INTERBEV multiplie les outils pédagogiques sur l’élevage et l’alimentation à destination des enseignant·es et des élèves du primaire au lycée : animations en classe, visites de fermes, ressources ludiques avec des vidéos, des bandes dessinées… Des kits pour infirmier·es et médecins scolaires sont également distribués avec, toujours, le même message : la viande est indispensable à la croissance des adolescent·es.<br />Elle est surtout indispensable pour maintenir un secteur économique en berne qui doit faire face à une diminution de la consommation de viande en France, mais aussi dans le monde <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. Elle vise aussi à redorer le blason de la filière à chaque fois que des associations environnementales mettent à jour les conséquences écologiques désastreuses des élevages industriels.<br />Des faits qui ne sont, bien sûr, jamais évoqués dans les campagnes des organisations interprofessionnelles de la viande.</p>
<p>Greenpeace a accompagné son rapport de recommandations à destination du gouvernement (que les organisations professionnelles soient interdites dans les écoles ou qu’elles aient l’obligation de s’identifier clairement comme proposant des services d’intérêts privés) mais aussi à destination des enseignant·es : <em>« refusez l’utilisation d’outils créés par les organisations professionnelles ou interprofessionnelles qui ne présentent qu’une vision enjolivée de l’élevage »</em>. <span style="font-size: 8pt;">(4)</span></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le respect des animaux dans les programmes scolaires</span></strong></span></p>
<p>Mais quelle est la position de l’Education nationale ? <em>« Lorsque l’enseignant·e fait intervenir des personnes dans sa classe, il doit demander l’autorisation au chef d’établissement. Les cas où nous n’avons pas pu intervenir faute d’autorisations sont marginaux. »</em><br />Au contraire, les animations de L214 devraient être encouragées puisqu’en 2021, l’article 315-12 du Code de l’éducation<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span> a fait entrer le respect des animaux dans les programmes scolaires. Avec cependant un petit bémol à la clé… <em>« L’association Education Ethique Animale que nous connaissons bien avait travaillé auprès des parlementaires pour que l’article concerne tous les animaux,</em> raconte Charlotte Maignan. <em>Les lobbies sont passés par là et au final, l’article précise « animaux de compagnie »… Mais nous avons décidé de voir le verre à moitié plein ! On parle bien des animaux comme des êtres sensibles donc c’est une avancée, même si c’est à tout petits pas ! »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/mock-up-MJA-12.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : L 214 Education."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/mock-up-MJA-12.jpg" alt="mock up MJA 12" width="541" height="541" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>En 2019, le ministère de l’Education nationale avait envoyé un courrier aux recteur·ices, inspecteur·ices d’académies et directeur·ices d’établissements pour préciser que L214 n’avait pas d’agrément pour intervenir dans les écoles. <em>« C’est vrai,</em> reconnaît Charlotte Maignan. <em>Nous ne l’avons jamais demandé. Ce que ne dit pas le courrier, c’est qu’il n’est pas obligatoire et que peu d’organisations qui interviennent dans les classes l’ont ! Dans les sous-titres, ça veut dire que nous ne sommes pas vraiment les bienvenu·es… Mais les enseignant·es sont heureusement libres et depuis 2019, le nombre de demandes pour des interventions ne cesse d’augmenter ! »</em></p>
<p>Pas question de stopper la campagne L214 Education, donc. <em>« C’est fantastique d’aller dans les classes, ce sont toujours de bons moments,</em> se réjouit Charlotte Maignan. <em>Les enfants ont une empathie naturelle pour les animaux. Iels aiment qu’on parle d’eux comme des êtres qui ont des besoins et des émotions comme nous. C’est très important de continuer à activer tout ça. »</em></p>
<p><strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022200245/">https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022200245/</a><br />(2) <a href="https://welfarm.fr/">https://welfarm.fr/</a><br />(3) <a href="https://www.santemagazine.fr/alimentation/aliments-et-sante/viandes/viande-rouge-attention-danger-172150">https://www.santemagazine.fr/alimentation/aliments-et-sante/viandes/viande-rouge-attention-danger-172150</a><br />(4) « Comment les lobbies de la viande nous manipulent » : <a href="https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2022/01/synthese-rapport-lobbies-viande.pdf">https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2022/01/synthese-rapport-lobbies-viande.pdf</a><br />(5) Les actions des groupes d’influence sont soumis à réglementation et leurs déclarations soumises au contrôle de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique : <a href="https://www.hatvp.fr/">https://www.hatvp.fr/</a><br />(6) <a href="https://www.letemps.ch/economie/baisse-inedite-consommation-viande-monde">https://www.letemps.ch/economie/baisse-inedite-consommation-viande-monde</a><br />(7) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027682815">https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027682815</a></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<p> Pour en savoir plus sur L214 Education et accéder aux outils pédagogiques proposés gratuitement : <a href="https://education.l214.com/">https://education.l214.com/</a></p>
</div><p><strong>D’un côté, des organisations interprofessionnelles qui promeuvent la consommation de viande. De l’autre, une association qui entend changer le regard porté sur les animaux. Leur point commun ? Elles développent des campagnes à destination des plus jeunes, en proposant des outils pédagogiques à leurs enseignant·es. Mais tandis qu’INTERBEV défend des intérêts économiques, L214 milite pour une transformation de nos rapports aux autres êtres vivants. Le message éducatif est forcément bien différent...</strong></p>
<p>Charlotte Maignan, chargée d'éducation au sein de L214, l’assure : l'association ne construit pas ses propositions en opposition aux discours des lobbies de la viande. Dans les messages adressés aux plus jeunes, pas d’injonction directe à stopper sa consommation de viande, mais des informations démontrant que les animaux sont des êtres sensibles qui méritent considération et respect.</p>
<p>L214 est une association de défense des animaux, plus particulièrement ceux utilisés comme ressources alimentaires. Créée en 2008, son nom fait référence à l’article L 214-1 du Code rural <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> qui, en 1976, reconnut pour la première fois les animaux comme des êtres sensibles. <br />Elle regroupe aujourd’hui 50.000 membres, 2.500 bénévoles et 75 salarié·es. Ensemble, iels militent pour placer la question animale dans le débat public, pour faire reculer les pratiques cruelles (dans les élevages, le transport des animaux et l’abattage) et pour promouvoir l’alimentation végétale.<br />Depuis sa création, L214 a mené une centaine d’enquêtes, souvent filmées, révélant les conditions épouvantables dans lesquelles « vivent » les animaux d’élevage aujourd’hui encore en France.<br />Elle-même mène des actions de lobbying, notamment pour encourager les élu·es à prendre position et pour transformer les lois.</p>
<p> </p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Des outils variés et accessibles à tous·tes<br /></span></strong></p>
<p>En 2017, elle a ouvert une campagne baptisée L214 Education. Charlotte Maignan explique : <em>« Dès sa création, l’association a eu pour objectif de mettre en place des actions éducatives, mais elle a dû se structurer, grandir un peu, attendre d’avoir des salarié·es… »</em> En 2017, Dominic Hofbauer, éducateur en éthique animale, a intégré l’association et, fort de son expérience à la Welfarm en Belgique <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>, a permis de lancer la campagne. <em>« Nous avons commencé par des animations sur notre site Internet et par le magazine Mon journal animal »</em>, précise Charlotte Maignan.</p>
<p>En cinq ans, les outils se sont développés : expositions, posters et livrets pédagogiques, vidéos, Centre de Documentation et d’Information (CDI) virtuel avec des références de livres jeunesse, romans, films qui abordent la question animale sous des angles originaux… <em>« Tous ces outils sont gratuits, téléchargeables, reproductibles et libres de droit,</em> précise Charlotte Maignan. <em>Ils ont vraiment été conçus pour que tout le monde puisse les utiliser. »</em><br />L’association intervient également directement dans les classes. <em>« Ce qui n’est pas évident car nous sommes une toute petite équipe de trois salarié·es. »</em> Un test avec des bénévoles formé·es par l’association est en cours. Mais la campagne se dirige plutôt vers la multiplication d’activités à réaliser en autonomie par les enseignant·es.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Animation-gratuite-scolaire-animations-header-03-1536x701.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : L 214 Education."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Animation-gratuite-scolaire-animations-header-03-1536x701.jpg" alt="istockphoto 1352511821 612x612" width="625" height="285" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Des animaux montrés sous un autre jour</span></strong></p>
<p>Pour concevoir ses propositions, L214 Education s’est appuyée sur un conseil scientifique, composé de vétérinaires, d’enseignant·es, de philosophes, de juristes… <em>« C’est important en termes de crédibilité et de légitimité,</em> souligne Charlotte Maignan. <em>Tout doit être vérifié et sourcé. Il est essentiel que des expert·es nous fassent des retours. »</em></p>
<p>Le but : <em>« montrer les animaux sous un nouveau jour »</em>. <em>« Iels ont une vie propre et ressentent des émotions. Mieux les connaître et mieux les comprendre permet de mieux les respecter. »</em><br />Si la campagne suit la ligne générale de l’association, les méthodes sont bien différentes. <em>« Nous ne montrons pas la réalité des élevages aux jeunes enfants ! Nous leur apportons des faits scientifiques et juridiques, pour éveiller leur curiosité et leur sensibilité, sur les animaux qu’iels ont dans leur assiette. C’est un angle peu abordé dans les écoles. On leur parle généralement plutôt d’animaux exotiques ou domestiques. »</em><br />Et, lorsqu’on évoque des vaches, cochons, chèvres et poulets, c’est plutôt sous l’angle de la chaîne alimentaire…</p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Les lobbies de la viande présents dans les classes</span></strong></span></p>
<p>Les organisations interprofessionnelles de la viande ont tout intérêt à ce que ce discours soit maintenu. Depuis longtemps déjà, elles ont infiltré les établissements scolaires et les cantines. L’enjeu : convaincre que l’élevage industriel tel que les décrivent les militant·es écologistes n’existe pas et qu’il est nécessaire pour notre équilibre alimentaire de manger de la viande tous les jours. N’en déplaise aux spécialistes des maladies cardio-vasculaires <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>.</p>
<p>Selon un rapport de Greenpeace France paru en janvier 2022 <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, la palme du lobby auprès des plus jeunes revient à INTERBEV, l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes. Des bancs de l’école à la sphère médicale, elle diffuse son message partout à coups de campagnes de publicité massives telles que des brochures distribuées jusque dans les salles d’attente avec des slogans du type « N’oubliez pas la viande ! » ou « Aimez la viande, mangez-en mieux ! »<br />Chaque année, de son propre aveu, INTERBEV dépense les deux tiers de son budget afin d’influencer le débat public et elle déclare 200.000 à 300.000 euros de dépenses ouvertement dédiées au lobbying <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p>
<p>Selon Greenpeace, depuis 2006 au moins, INTERBEV multiplie les outils pédagogiques sur l’élevage et l’alimentation à destination des enseignant·es et des élèves du primaire au lycée : animations en classe, visites de fermes, ressources ludiques avec des vidéos, des bandes dessinées… Des kits pour infirmier·es et médecins scolaires sont également distribués avec, toujours, le même message : la viande est indispensable à la croissance des adolescent·es.<br />Elle est surtout indispensable pour maintenir un secteur économique en berne qui doit faire face à une diminution de la consommation de viande en France, mais aussi dans le monde <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. Elle vise aussi à redorer le blason de la filière à chaque fois que des associations environnementales mettent à jour les conséquences écologiques désastreuses des élevages industriels.<br />Des faits qui ne sont, bien sûr, jamais évoqués dans les campagnes des organisations interprofessionnelles de la viande.</p>
<p>Greenpeace a accompagné son rapport de recommandations à destination du gouvernement (que les organisations professionnelles soient interdites dans les écoles ou qu’elles aient l’obligation de s’identifier clairement comme proposant des services d’intérêts privés) mais aussi à destination des enseignant·es : <em>« refusez l’utilisation d’outils créés par les organisations professionnelles ou interprofessionnelles qui ne présentent qu’une vision enjolivée de l’élevage »</em>. <span style="font-size: 8pt;">(4)</span></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le respect des animaux dans les programmes scolaires</span></strong></span></p>
<p>Mais quelle est la position de l’Education nationale ? <em>« Lorsque l’enseignant·e fait intervenir des personnes dans sa classe, il doit demander l’autorisation au chef d’établissement. Les cas où nous n’avons pas pu intervenir faute d’autorisations sont marginaux. »</em><br />Au contraire, les animations de L214 devraient être encouragées puisqu’en 2021, l’article 315-12 du Code de l’éducation<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span> a fait entrer le respect des animaux dans les programmes scolaires. Avec cependant un petit bémol à la clé… <em>« L’association Education Ethique Animale que nous connaissons bien avait travaillé auprès des parlementaires pour que l’article concerne tous les animaux,</em> raconte Charlotte Maignan. <em>Les lobbies sont passés par là et au final, l’article précise « animaux de compagnie »… Mais nous avons décidé de voir le verre à moitié plein ! On parle bien des animaux comme des êtres sensibles donc c’est une avancée, même si c’est à tout petits pas ! »</em></p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/mock-up-MJA-12.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : L 214 Education."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/mock-up-MJA-12.jpg" alt="mock up MJA 12" width="541" height="541" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p>En 2019, le ministère de l’Education nationale avait envoyé un courrier aux recteur·ices, inspecteur·ices d’académies et directeur·ices d’établissements pour préciser que L214 n’avait pas d’agrément pour intervenir dans les écoles. <em>« C’est vrai,</em> reconnaît Charlotte Maignan. <em>Nous ne l’avons jamais demandé. Ce que ne dit pas le courrier, c’est qu’il n’est pas obligatoire et que peu d’organisations qui interviennent dans les classes l’ont ! Dans les sous-titres, ça veut dire que nous ne sommes pas vraiment les bienvenu·es… Mais les enseignant·es sont heureusement libres et depuis 2019, le nombre de demandes pour des interventions ne cesse d’augmenter ! »</em></p>
<p>Pas question de stopper la campagne L214 Education, donc. <em>« C’est fantastique d’aller dans les classes, ce sont toujours de bons moments,</em> se réjouit Charlotte Maignan. <em>Les enfants ont une empathie naturelle pour les animaux. Iels aiment qu’on parle d’eux comme des êtres qui ont des besoins et des émotions comme nous. C’est très important de continuer à activer tout ça. »</em></p>
<p><strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022200245/">https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022200245/</a><br />(2) <a href="https://welfarm.fr/">https://welfarm.fr/</a><br />(3) <a href="https://www.santemagazine.fr/alimentation/aliments-et-sante/viandes/viande-rouge-attention-danger-172150">https://www.santemagazine.fr/alimentation/aliments-et-sante/viandes/viande-rouge-attention-danger-172150</a><br />(4) « Comment les lobbies de la viande nous manipulent » : <a href="https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2022/01/synthese-rapport-lobbies-viande.pdf">https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2022/01/synthese-rapport-lobbies-viande.pdf</a><br />(5) Les actions des groupes d’influence sont soumis à réglementation et leurs déclarations soumises au contrôle de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique : <a href="https://www.hatvp.fr/">https://www.hatvp.fr/</a><br />(6) <a href="https://www.letemps.ch/economie/baisse-inedite-consommation-viande-monde">https://www.letemps.ch/economie/baisse-inedite-consommation-viande-monde</a><br />(7) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027682815">https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027682815</a></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<p> Pour en savoir plus sur L214 Education et accéder aux outils pédagogiques proposés gratuitement : <a href="https://education.l214.com/">https://education.l214.com/</a></p>
</div>Un courant alternatif chez les enseignant·es : le Front pédagogique antinucléaire2017-03-21T12:54:42+01:002017-03-21T12:54:42+01:00http://www.rebonds.net/62pourplusdespritcritique/805-uncourantalternatifchezlesenseignanteslefrontpedagogiqueantinucleaireSuper User<p style="text-align: right;"><strong><em>« Enseigner, c’est faire en sorte que chaque cours sonne l’heure du réveil. »<br />Daniel Pennac<br /></em></strong></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">C'</span>était une proposition inattendue. Il me fallut quelques instants pour me reprendre et préparer une réponse ferme qui serait entendue, comprise mais qui ne choquerait pas. L’enseignante m’en laissait le temps. Elle ne tarissait pas d’éloges à propos de la visite qu’elle venait de suivre avec ses élèves de CM1-CM2 à la centrale de production d’électricité nucléaire d’Avoine (Chinon). Accueilli·es par les animateur·ices pédagogiques d’EDF, iels avaient pu bénéficier de tout un tas de jeux pédagogiques. Et, <em>« tout naturellement »</em>, elle avait pensé au journal que je réalisais alors avec les enfants sur le thème de l’écologie. Pourquoi ne pas les aider à rédiger un article sur cette formidable énergie décarbonée ?</p>
<p>Lorsqu’enfin elle se tut et m’encouragea à parler d’un large sourire, je ne pus que m’entendre dire : <em>« Non, je suis désolée mais ça ne va pas être possible. »</em> Je poursuivis en expliquant que la démarche journalistique que je transmettais aux enfants supposait de les exposer à des arguments contradictoires. Je me faisais fort de trouver les interlocuteur·ices adéquat·es, qu’iels soient enseignant·es ou militant·es antinucléaires. Son sourire s’effaça. <em>« Vous savez que le nucléaire est un sujet controversé ? »</em> lui demandai-je. Elle parut surprise, reprit un sourire de circonstance et déclara que finalement, ça n’était peut-être pas très intéressant pour le journal...</p>
<p>C’était en 2017, dans un village situé à une vingtaine de kilomètres d’Avoine. Avec le recul, je regrette de n’avoir pas suivi l’idée de l’enseignante. J’aurais dû interroger les élèves sur ce qu’iels avaient retenu de la visite et leur faire interviewer des militant·es. J’aurais dû faire entrer un courant alternatif dans l’école.<br />Chaque année, ce sont 60.000 jeunes qui sont exposé·es au discours d’EDF via des visites sur sites ou les 2.500 interventions que l’entreprise assure directement dans les établissements scolaires <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Les outils pédagogiques qui s’adressent à tous les niveaux, de la primaire au lycée, sont particulièrement bien conçus, modernes, attrayants. On y parle d’hydroélectricité, d’enjeux énergétiques et climatiques, d’éco-mobilité ou d’éco-quartiers…</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un lobby qui vise l’Education nationale</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>_____________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Le problème ? L’entreprise présente son activité sous un jour positif et omet bien volontiers d’évoquer l’ensemble des impacts de sa filière industrielle : géopolitiques (conséquences de l’extraction d’uranium en Afrique), sociaux (recours massif à la sous-traitance dans les centrales avec une perte de savoirs et de compétences qui augmente les risques d’accidents), environnementaux (problème des rejets et des déchets nucléaires), économiques (fiasco financier de projets présentés comme d’avenir tels que l’EPR…).</p>
<p>Autre problème : si EDF est bien considéré comme un groupe de pression défendant ses intérêts, ce lobby<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> n’est pas identifié comme tel à l’école. En France, les représentant·es d’intérêts ont l’obligation légale de déclarer leurs activités auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Dans son bilan annuel publié en juillet 2022, elle indique que 2,5 % de leurs activités auprès des ministères visaient l’Education nationale, l’enseignement supérieur et la recherche<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>.</p>
<p>Peu importe que l’on soit pro ou antinucléaire. Le rôle de l’école n’est-il pas de dispenser un savoir exhaustif, équilibré et d’éveiller l’esprit critique des élèves ? Comment peut-on enseigner la production d’énergie en France sans explorer toutes les pistes et sans évoquer les controverses ?<br />Il y a quelques mois, un Front pédagogique s’est formé pour faire entrer le débat à l’école. Constitué d’enseignant·es actif·ves et à la retraite, il a pour but de répondre au manque de formation de leurs collègues et de leurs élèves.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/contaminés.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Anne-Marie Bonnisseau."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/contaminés.jpg" alt="skatepark 1" width="680" height="331" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Peu de résistance au sein de l’école</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>___________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Anne-Marie Bonnisseau a enseigné pendant 30 ans au lycée autogéré de Paris. Membre de l’association ADN (Arrêt Du Nucléaire), elle fait partie du groupe qui a lancé le Front en novembre 2020 et rédigé un appel à le rejoindre en janvier 2021. <em>« Nous avons constaté que, d’un côté, au sein de l’école, il y a peu de résistance au discours d’EDF et de l’ANDRA<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span>. Et de l’autre côté, il y a beaucoup d’enseignant·es dans le mouvement antinucléaire. Il s’agissait donc de partir de celleux qui sont déjà sensibilisé·es et de les aider à apporter un discours plus ouvert, plus critique aux enfants. »</em></p>
<p>Une quarantaine de personnes sont inscrites sur la liste du Front. Dispersées géographiquement, elles se retrouvent régulièrement en visio-conférence pour échanger sur le contenu des programmes scolaires, pour partager des ressources, pour élaborer des outils pédagogiques… En mars 2022, elles se sont réunies physiquement durant trois jours à Paris sur le thème « Quoi de neuf dans l’éducation du nucléaire ? Ou comment aborder le nucléaire en milieu scolaire ? » <br /><em>« Nous pensons que nous pouvons présenter le pour et le contre aux élèves, sans faire de la propagande,</em> assure Anne-Marie Bonnisseau. <em>L’important, c’est de leur apporter des éléments qui suscitent le débat. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un sujet longtemps absent des manuels</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>_______________________________________________</strong></span></p>
<p>Débattre, mettre en perspective, critiquer… C’est la posture qu’Adrien D. encourage chez ses élèves de Seconde, Première et Terminale. Agrégé de physique, il enseigne dans un lycée des Hauts-de-Seine, non loin des sièges de l’ANDRA et du CEA <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. <em>« Depuis une dizaine d’années, je pose un regard critique sur les sciences et j’essaie d’encourager mes élèves à faire de même,</em> explique-t-il. <em>Pour moi, il est important de placer la critique du nucléaire au cœur d’une critique plus large de la technologie. La physique, notamment, a une vraie responsabilité dans la catastrophe écologique en cours. »</em></p>
<p>Après la réforme des enseignements en 2013, <em>« le nucléaire a carrément disparu des programmes de physique-chimie »</em>. <em>« Avant, nous en parlions de manière froide, mais au moins nous l’évoquions. »</em> Il y a trois ans, le sujet est revenu mais en enseignement scientifique, auprès d’élèves de tous horizons. <br />Le Front rappelle que la question des déchets est apparue dans les manuels scolaires en 2020 seulement. <em>« Et cela a été contrebalancé par des nouveaux programmes clairement en faveur du nucléaire,</em> écrivent ses membres dans un article paru en juin 2022 sur le site « Enseignant·e·s pour la planète » <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.<em> Il suffit de lire les manuels scolaires pour constater que cette filière n’est jamais remise en question. Par exemple, le projet controversé ITER <span style="font-size: 8pt;">(7)</span> et le nucléaire civil en général sont souvent présentés comme des solutions au réchauffement climatique, sans point de vue critique <span style="font-size: 8pt;">(8).</span> En histoire, la nucléarisation de la France est toujours étudiée sous l’angle économique comme un élément de la geste gaullienne visionnaire et modernisatrice, mais jamais sous l’angle politique, comme la création d’un domaine ultra-réservé des chefs d’états qui n’a jamais été soumis au contrôle démocratique. </em><br /><em>Nous souhaitons donc proposer des contenus pédagogiques qui permettent au discours antinucléaire d’avoir le même espace que celui pronucléaire, car il en va d’une part de la neutralité de l’éducation sur cette question et, d’autre part, d’une réelle prise de conscience de ce qu’implique l’exploitation industrielle de la radioactivité. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Partager des outils et en créer de nouveaux</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>__________________________________________________</strong></span></p>
<p>Avec un groupe d’enseignant·es qui aiment créer du matériel pédagogique, Adrien D. a imaginé des outils pour présenter les différentes facettes de l’industrie du nucléaire. Par exemple, un jeu de rôles autour d’une mine d’extraction d’uranium en Namibie. <em>« Certain·es élèves jouent les Namibien·nes, d’autres les Français·es, d’autres des journalistes. Ça leur permet d’argumenter en fonction des différents points de vue et de débattre entre elleux. »</em> Autre exemple : grâce à deux documentaires, l’un « pro », l’autre « anti », l’enseignant propose aux lycéen·nes d’analyser qui sont les personnes interviewées, pourquoi, pour faire passer quels messages…<br />Lors de la rencontre à Paris, il a été présenté une version du jeu de société Timeline revisité pour transmettre l’histoire de la filière nucléaire. Le Front a quant à lui un projet d’Escape Game.</p>
<p>Si Adrien D. l’a rejoint, c’est pour partager ces ressources et en créer de nouvelles. L’équipe a ouvert un CDI virtuel<span style="font-size: 8pt;"> (9)</span> qui regroupe des références de livres, films, documentaires, podcasts, sites Internet... <em>« J’avais aussi besoin de rencontrer des gens un peu experts pour étayer mes connaissances. Mais en fait, ce qui m’a touché le plus, c’est de rencontrer des militant·es qui sont dans la lutte depuis longtemps. J’ai vraiment ressenti beaucoup d’émotion. »</em></p>
<p>Peut-il envisager de les faire intervenir au lycée ? <em>« Pourquoi pas… Ce serait une étape supplémentaire car il faut faire feu de tout bois : présenter les éléments scientifiques, sociologiques, économiques, géopolitiques mais aussi sensibles, ceux des militant·es sur le terrain. Mais pour contrebalancer, il faudrait faire venir des représentant·es de l’ANDRA. Pas le même jour, afin que chacun·e ait le temps de déployer ses arguments. »</em></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Les_Hiboux_devant_le_siège_de_lANDRA_2018_03.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Anne-Marie Bonnisseau."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Les_Hiboux_devant_le_siège_de_lANDRA_2018_03.jpg" alt="skatepark 1" width="433" height="342" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> <strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une position antinucléaire difficile à assumer</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>____________________________________________________</strong></span></p>
<p>A-t-il déjà essuyé des remarques de la part de sa hiérarchie ou de l’Inspection académique ? <em>« Non. Je n’ai jamais eu de retours de parents non plus. Ici, beaucoup de familles travaillent pour l’industrie du nucléaire. »</em> Il reconnaît toutefois qu’avoir une position antinucléaire assumée est compliqué en tant qu’enseignant, particulièrement en tant que « physicien ». Pourquoi ? <em>« Vous militez aussi pour une critique du numérique,</em> lui fais-je remarquer. <em>En quoi est-ce une position plus facile à adopter ? La majeure partie des élèves sont équipé·es, ne le remettent pas en question et vous pourriez avoir des parents qui travaillent aussi dans cette filière. »</em> Il marque un temps de réflexion. <em>« C’est vrai. C’est différent. Sans doute parce que le débat sur le nucléaire est passionné. »</em></p>
<p>Le Front tente de l’expliquer plus précisément : <em>« Si dans d’autres pays sortis du nucléaire ou qui n’y sont jamais entrés, il peut être respectable de considérer le nucléaire comme dangereux et contre-productif, en France, le pays le plus nucléarisé au monde <span style="font-size: 8pt;">(10)</span>, beaucoup ne se sentent pas légitimes ou libres de tenir le même discours. C’est que nous baignons dans une ambiance pronucléaire : du Président de la République qui relance et soutient la filière à l’aura médiatique d’un Jean-Marc Jancovici, en passant par certains vulgarisateurs scientifiques de la plateforme YouTube, sans oublier le soutien apporté à cette filière par le PCF jusqu’au RN, le discours nucléariste est constamment relayé. Ainsi, les arguments critiques du nucléaire sont souvent attribués à une écologie « dogmatique », non scientifique voire ésotérique. Cela rappelle les grandes heures de la propagande de l’industrie fossile ou celle de l’industrie du tabac. En France, l’industrie nucléaire est quasiment hégémonique dans le domaine de l’électricité. ORANO, EDF, ANDRA, ASN [Autorité de Sûreté Nucléaire] et IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire] sont autant d’institutions publiques ou privées émanant d’une volonté de nucléariser le pays.</em><br /><em>Ces industries ont des moyens de communication importants et bénéficient du soutien des gouvernements successifs. Il est donc normal d’aboutir, dans l’imaginaire de certain·es jeunes, à une écologie compatible avec le nucléaire, véritable aberration intellectuelle, notamment par le simple fait historique que le combat contre le nucléaire est à la base du mouvement écologique en France. <span style="font-size: 8pt;">(11) </span>»</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Pour la création d’un nouvel imaginaire</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>______________________________________________</strong></span></p>
<p>Autre rôle que le Front souhaite tenir : celui de lanceur d’alerte. <em>« Sur les ressources mises à disposition et sur certain·es influenceur·ses »</em>, précise Anne-Marie Bonnisseau. Ainsi, l’un des membres du Front a récemment contacté Lumni, une plateforme de ressources pour les enseignant·es et les éducateur·ices, proposée par France Télévisions, Arte, France Médias Monde, l’INA, Radio France et TV5Monde. Il a alerté jusqu’au cabinet du ministre de l’Education nationale et de la jeunesse de l’existence d’une vidéo intitulée « C’est quoi un déchet nucléaire ? » qui présente des informations trompeuses.</p>
<p>Mais pas question d’être <em>« seulement les « oiseaux de mauvais augure » »</em>. Le Front souhaite aussi <em>« relayer d’autres façons de voir le futur énergétique en France »</em>.<em> « Nous voulons montrer que d’autres solutions, d’autres manières d’habiter la planète existent. En ce sens, nous souhaitons aussi laisser la place aux émotions, aux doutes et à celleux qui essayent, expérimentent d’autres modes de vie. La prise de conscience se fera aussi par la création d’un nouvel imaginaire, un imaginaire dénucléarisé. »</em></p>
<p> <strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/enseignants/accueil">https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/enseignants/accueil</a><br />(2) Le mot « lobby » signifie couloir en anglais. Au XIXe siècle, il désignait les couloirs de la Chambre des communes britannique ou les membres de groupes de pression venaient discuter avec les membres du Parlement. Aujourd’hui, ce terme désigne les structures (organisations professionnelles, sociétés, syndicats, associations…) qui défendent leurs intérêts en exerçant certaines formes de pression pour faire pencher l’opinion publique ou les décisions réglementaires en leur faveur.<br />(3) <a href="https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2022/07/HATVP_BILAN_RI_180722.pdf">https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2022/07/HATVP_BILAN_RI_180722.pdf</a><br />(4) ANDRA : Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs. <a href="https://www.andra.fr/">https://www.andra.fr/</a><br />(5) CEA : Centre de l’Energie Atomique. <a href="https://www.cea.fr/">https://www.cea.fr/</a><br />(6) <a href="https://enseignantspourlaplanete.com/le-front-pedagogique-anti-nucleaire/">https://enseignantspourlaplanete.com/le-front-pedagogique-anti-nucleaire/</a><br />(7) ITER : <a href="https://www.iter.org/fr/proj/inafewlines">https://www.iter.org/fr/proj/inafewlines</a><br />(8) Note du Front : Exemples : p.191 p. 197 Manuel Bordas Terminale Enseignement Scientifique. 2020<br />(9) CDI : Centre de Documentation et d’Information présent dans tous les établissements scolaires types collèges et lycées.<br />(10) Note du Front : La France est le deuxième pays possédant le plus de réacteurs dans le monde derrière les Etats-Unis, mais la taille du territoire, le nombre d’habitant·es et la part du nucléaire dans l’énergie électrique permettent de considérer la France comme le pays le plus dépendant du nucléaire. Sources : sites EDF et connaissance des énergies.<br />(11) Note du Front : lire « Survivre et vivre : critique de la science et naissance de l’écologie » coordonné par Céline Plessis, les éditions L’échappée, 2014.<br /></span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<ul>
<li>Pour plus d’informations sur le Front pédagogique antinucléaire ou pour le rejoindre : <a href="mailto:nucleaire_badaboum@riseup.net.">nucleaire_badaboum@riseup.net.</a> ou <a href="mailto:front_pedagogique_anti_nuc@lists.riseup.net">front_pedagogique_anti_nuc@lists.riseup.net</a></li>
<li><a href="mailto:front_pedagogique_anti_nuc@lists.riseup.net"><span style="color: #000000;">Vous pouvez également trouver des informations sur</span> https://bureburebure.info/ et https://enseignantspourlaplanete.com/</a></li>
</ul>
</div><p style="text-align: right;"><strong><em>« Enseigner, c’est faire en sorte que chaque cours sonne l’heure du réveil. »<br />Daniel Pennac<br /></em></strong></p>
<p><span style="font-size: 18pt;">C'</span>était une proposition inattendue. Il me fallut quelques instants pour me reprendre et préparer une réponse ferme qui serait entendue, comprise mais qui ne choquerait pas. L’enseignante m’en laissait le temps. Elle ne tarissait pas d’éloges à propos de la visite qu’elle venait de suivre avec ses élèves de CM1-CM2 à la centrale de production d’électricité nucléaire d’Avoine (Chinon). Accueilli·es par les animateur·ices pédagogiques d’EDF, iels avaient pu bénéficier de tout un tas de jeux pédagogiques. Et, <em>« tout naturellement »</em>, elle avait pensé au journal que je réalisais alors avec les enfants sur le thème de l’écologie. Pourquoi ne pas les aider à rédiger un article sur cette formidable énergie décarbonée ?</p>
<p>Lorsqu’enfin elle se tut et m’encouragea à parler d’un large sourire, je ne pus que m’entendre dire : <em>« Non, je suis désolée mais ça ne va pas être possible. »</em> Je poursuivis en expliquant que la démarche journalistique que je transmettais aux enfants supposait de les exposer à des arguments contradictoires. Je me faisais fort de trouver les interlocuteur·ices adéquat·es, qu’iels soient enseignant·es ou militant·es antinucléaires. Son sourire s’effaça. <em>« Vous savez que le nucléaire est un sujet controversé ? »</em> lui demandai-je. Elle parut surprise, reprit un sourire de circonstance et déclara que finalement, ça n’était peut-être pas très intéressant pour le journal...</p>
<p>C’était en 2017, dans un village situé à une vingtaine de kilomètres d’Avoine. Avec le recul, je regrette de n’avoir pas suivi l’idée de l’enseignante. J’aurais dû interroger les élèves sur ce qu’iels avaient retenu de la visite et leur faire interviewer des militant·es. J’aurais dû faire entrer un courant alternatif dans l’école.<br />Chaque année, ce sont 60.000 jeunes qui sont exposé·es au discours d’EDF via des visites sur sites ou les 2.500 interventions que l’entreprise assure directement dans les établissements scolaires <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Les outils pédagogiques qui s’adressent à tous les niveaux, de la primaire au lycée, sont particulièrement bien conçus, modernes, attrayants. On y parle d’hydroélectricité, d’enjeux énergétiques et climatiques, d’éco-mobilité ou d’éco-quartiers…</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un lobby qui vise l’Education nationale</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>_____________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Le problème ? L’entreprise présente son activité sous un jour positif et omet bien volontiers d’évoquer l’ensemble des impacts de sa filière industrielle : géopolitiques (conséquences de l’extraction d’uranium en Afrique), sociaux (recours massif à la sous-traitance dans les centrales avec une perte de savoirs et de compétences qui augmente les risques d’accidents), environnementaux (problème des rejets et des déchets nucléaires), économiques (fiasco financier de projets présentés comme d’avenir tels que l’EPR…).</p>
<p>Autre problème : si EDF est bien considéré comme un groupe de pression défendant ses intérêts, ce lobby<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> n’est pas identifié comme tel à l’école. En France, les représentant·es d’intérêts ont l’obligation légale de déclarer leurs activités auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Dans son bilan annuel publié en juillet 2022, elle indique que 2,5 % de leurs activités auprès des ministères visaient l’Education nationale, l’enseignement supérieur et la recherche<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>.</p>
<p>Peu importe que l’on soit pro ou antinucléaire. Le rôle de l’école n’est-il pas de dispenser un savoir exhaustif, équilibré et d’éveiller l’esprit critique des élèves ? Comment peut-on enseigner la production d’énergie en France sans explorer toutes les pistes et sans évoquer les controverses ?<br />Il y a quelques mois, un Front pédagogique s’est formé pour faire entrer le débat à l’école. Constitué d’enseignant·es actif·ves et à la retraite, il a pour but de répondre au manque de formation de leurs collègues et de leurs élèves.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/contaminés.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Anne-Marie Bonnisseau."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/contaminés.jpg" alt="skatepark 1" width="680" height="331" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Peu de résistance au sein de l’école</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>___________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Anne-Marie Bonnisseau a enseigné pendant 30 ans au lycée autogéré de Paris. Membre de l’association ADN (Arrêt Du Nucléaire), elle fait partie du groupe qui a lancé le Front en novembre 2020 et rédigé un appel à le rejoindre en janvier 2021. <em>« Nous avons constaté que, d’un côté, au sein de l’école, il y a peu de résistance au discours d’EDF et de l’ANDRA<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span>. Et de l’autre côté, il y a beaucoup d’enseignant·es dans le mouvement antinucléaire. Il s’agissait donc de partir de celleux qui sont déjà sensibilisé·es et de les aider à apporter un discours plus ouvert, plus critique aux enfants. »</em></p>
<p>Une quarantaine de personnes sont inscrites sur la liste du Front. Dispersées géographiquement, elles se retrouvent régulièrement en visio-conférence pour échanger sur le contenu des programmes scolaires, pour partager des ressources, pour élaborer des outils pédagogiques… En mars 2022, elles se sont réunies physiquement durant trois jours à Paris sur le thème « Quoi de neuf dans l’éducation du nucléaire ? Ou comment aborder le nucléaire en milieu scolaire ? » <br /><em>« Nous pensons que nous pouvons présenter le pour et le contre aux élèves, sans faire de la propagande,</em> assure Anne-Marie Bonnisseau. <em>L’important, c’est de leur apporter des éléments qui suscitent le débat. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Un sujet longtemps absent des manuels</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>_______________________________________________</strong></span></p>
<p>Débattre, mettre en perspective, critiquer… C’est la posture qu’Adrien D. encourage chez ses élèves de Seconde, Première et Terminale. Agrégé de physique, il enseigne dans un lycée des Hauts-de-Seine, non loin des sièges de l’ANDRA et du CEA <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. <em>« Depuis une dizaine d’années, je pose un regard critique sur les sciences et j’essaie d’encourager mes élèves à faire de même,</em> explique-t-il. <em>Pour moi, il est important de placer la critique du nucléaire au cœur d’une critique plus large de la technologie. La physique, notamment, a une vraie responsabilité dans la catastrophe écologique en cours. »</em></p>
<p>Après la réforme des enseignements en 2013, <em>« le nucléaire a carrément disparu des programmes de physique-chimie »</em>. <em>« Avant, nous en parlions de manière froide, mais au moins nous l’évoquions. »</em> Il y a trois ans, le sujet est revenu mais en enseignement scientifique, auprès d’élèves de tous horizons. <br />Le Front rappelle que la question des déchets est apparue dans les manuels scolaires en 2020 seulement. <em>« Et cela a été contrebalancé par des nouveaux programmes clairement en faveur du nucléaire,</em> écrivent ses membres dans un article paru en juin 2022 sur le site « Enseignant·e·s pour la planète » <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.<em> Il suffit de lire les manuels scolaires pour constater que cette filière n’est jamais remise en question. Par exemple, le projet controversé ITER <span style="font-size: 8pt;">(7)</span> et le nucléaire civil en général sont souvent présentés comme des solutions au réchauffement climatique, sans point de vue critique <span style="font-size: 8pt;">(8).</span> En histoire, la nucléarisation de la France est toujours étudiée sous l’angle économique comme un élément de la geste gaullienne visionnaire et modernisatrice, mais jamais sous l’angle politique, comme la création d’un domaine ultra-réservé des chefs d’états qui n’a jamais été soumis au contrôle démocratique. </em><br /><em>Nous souhaitons donc proposer des contenus pédagogiques qui permettent au discours antinucléaire d’avoir le même espace que celui pronucléaire, car il en va d’une part de la neutralité de l’éducation sur cette question et, d’autre part, d’une réelle prise de conscience de ce qu’implique l’exploitation industrielle de la radioactivité. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Partager des outils et en créer de nouveaux</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>__________________________________________________</strong></span></p>
<p>Avec un groupe d’enseignant·es qui aiment créer du matériel pédagogique, Adrien D. a imaginé des outils pour présenter les différentes facettes de l’industrie du nucléaire. Par exemple, un jeu de rôles autour d’une mine d’extraction d’uranium en Namibie. <em>« Certain·es élèves jouent les Namibien·nes, d’autres les Français·es, d’autres des journalistes. Ça leur permet d’argumenter en fonction des différents points de vue et de débattre entre elleux. »</em> Autre exemple : grâce à deux documentaires, l’un « pro », l’autre « anti », l’enseignant propose aux lycéen·nes d’analyser qui sont les personnes interviewées, pourquoi, pour faire passer quels messages…<br />Lors de la rencontre à Paris, il a été présenté une version du jeu de société Timeline revisité pour transmettre l’histoire de la filière nucléaire. Le Front a quant à lui un projet d’Escape Game.</p>
<p>Si Adrien D. l’a rejoint, c’est pour partager ces ressources et en créer de nouvelles. L’équipe a ouvert un CDI virtuel<span style="font-size: 8pt;"> (9)</span> qui regroupe des références de livres, films, documentaires, podcasts, sites Internet... <em>« J’avais aussi besoin de rencontrer des gens un peu experts pour étayer mes connaissances. Mais en fait, ce qui m’a touché le plus, c’est de rencontrer des militant·es qui sont dans la lutte depuis longtemps. J’ai vraiment ressenti beaucoup d’émotion. »</em></p>
<p>Peut-il envisager de les faire intervenir au lycée ? <em>« Pourquoi pas… Ce serait une étape supplémentaire car il faut faire feu de tout bois : présenter les éléments scientifiques, sociologiques, économiques, géopolitiques mais aussi sensibles, ceux des militant·es sur le terrain. Mais pour contrebalancer, il faudrait faire venir des représentant·es de l’ANDRA. Pas le même jour, afin que chacun·e ait le temps de déployer ses arguments. »</em></p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Les_Hiboux_devant_le_siège_de_lANDRA_2018_03.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : Anne-Marie Bonnisseau."><img src="http://www.rebonds.net/images/LOBBYECOLES/Les_Hiboux_devant_le_siège_de_lANDRA_2018_03.jpg" alt="skatepark 1" width="433" height="342" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> <strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une position antinucléaire difficile à assumer</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>____________________________________________________</strong></span></p>
<p>A-t-il déjà essuyé des remarques de la part de sa hiérarchie ou de l’Inspection académique ? <em>« Non. Je n’ai jamais eu de retours de parents non plus. Ici, beaucoup de familles travaillent pour l’industrie du nucléaire. »</em> Il reconnaît toutefois qu’avoir une position antinucléaire assumée est compliqué en tant qu’enseignant, particulièrement en tant que « physicien ». Pourquoi ? <em>« Vous militez aussi pour une critique du numérique,</em> lui fais-je remarquer. <em>En quoi est-ce une position plus facile à adopter ? La majeure partie des élèves sont équipé·es, ne le remettent pas en question et vous pourriez avoir des parents qui travaillent aussi dans cette filière. »</em> Il marque un temps de réflexion. <em>« C’est vrai. C’est différent. Sans doute parce que le débat sur le nucléaire est passionné. »</em></p>
<p>Le Front tente de l’expliquer plus précisément : <em>« Si dans d’autres pays sortis du nucléaire ou qui n’y sont jamais entrés, il peut être respectable de considérer le nucléaire comme dangereux et contre-productif, en France, le pays le plus nucléarisé au monde <span style="font-size: 8pt;">(10)</span>, beaucoup ne se sentent pas légitimes ou libres de tenir le même discours. C’est que nous baignons dans une ambiance pronucléaire : du Président de la République qui relance et soutient la filière à l’aura médiatique d’un Jean-Marc Jancovici, en passant par certains vulgarisateurs scientifiques de la plateforme YouTube, sans oublier le soutien apporté à cette filière par le PCF jusqu’au RN, le discours nucléariste est constamment relayé. Ainsi, les arguments critiques du nucléaire sont souvent attribués à une écologie « dogmatique », non scientifique voire ésotérique. Cela rappelle les grandes heures de la propagande de l’industrie fossile ou celle de l’industrie du tabac. En France, l’industrie nucléaire est quasiment hégémonique dans le domaine de l’électricité. ORANO, EDF, ANDRA, ASN [Autorité de Sûreté Nucléaire] et IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire] sont autant d’institutions publiques ou privées émanant d’une volonté de nucléariser le pays.</em><br /><em>Ces industries ont des moyens de communication importants et bénéficient du soutien des gouvernements successifs. Il est donc normal d’aboutir, dans l’imaginaire de certain·es jeunes, à une écologie compatible avec le nucléaire, véritable aberration intellectuelle, notamment par le simple fait historique que le combat contre le nucléaire est à la base du mouvement écologique en France. <span style="font-size: 8pt;">(11) </span>»</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Pour la création d’un nouvel imaginaire</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>______________________________________________</strong></span></p>
<p>Autre rôle que le Front souhaite tenir : celui de lanceur d’alerte. <em>« Sur les ressources mises à disposition et sur certain·es influenceur·ses »</em>, précise Anne-Marie Bonnisseau. Ainsi, l’un des membres du Front a récemment contacté Lumni, une plateforme de ressources pour les enseignant·es et les éducateur·ices, proposée par France Télévisions, Arte, France Médias Monde, l’INA, Radio France et TV5Monde. Il a alerté jusqu’au cabinet du ministre de l’Education nationale et de la jeunesse de l’existence d’une vidéo intitulée « C’est quoi un déchet nucléaire ? » qui présente des informations trompeuses.</p>
<p>Mais pas question d’être <em>« seulement les « oiseaux de mauvais augure » »</em>. Le Front souhaite aussi <em>« relayer d’autres façons de voir le futur énergétique en France »</em>.<em> « Nous voulons montrer que d’autres solutions, d’autres manières d’habiter la planète existent. En ce sens, nous souhaitons aussi laisser la place aux émotions, aux doutes et à celleux qui essayent, expérimentent d’autres modes de vie. La prise de conscience se fera aussi par la création d’un nouvel imaginaire, un imaginaire dénucléarisé. »</em></p>
<p> <strong>Fanny Lancelin<br /></strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/enseignants/accueil">https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/enseignants/accueil</a><br />(2) Le mot « lobby » signifie couloir en anglais. Au XIXe siècle, il désignait les couloirs de la Chambre des communes britannique ou les membres de groupes de pression venaient discuter avec les membres du Parlement. Aujourd’hui, ce terme désigne les structures (organisations professionnelles, sociétés, syndicats, associations…) qui défendent leurs intérêts en exerçant certaines formes de pression pour faire pencher l’opinion publique ou les décisions réglementaires en leur faveur.<br />(3) <a href="https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2022/07/HATVP_BILAN_RI_180722.pdf">https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2022/07/HATVP_BILAN_RI_180722.pdf</a><br />(4) ANDRA : Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs. <a href="https://www.andra.fr/">https://www.andra.fr/</a><br />(5) CEA : Centre de l’Energie Atomique. <a href="https://www.cea.fr/">https://www.cea.fr/</a><br />(6) <a href="https://enseignantspourlaplanete.com/le-front-pedagogique-anti-nucleaire/">https://enseignantspourlaplanete.com/le-front-pedagogique-anti-nucleaire/</a><br />(7) ITER : <a href="https://www.iter.org/fr/proj/inafewlines">https://www.iter.org/fr/proj/inafewlines</a><br />(8) Note du Front : Exemples : p.191 p. 197 Manuel Bordas Terminale Enseignement Scientifique. 2020<br />(9) CDI : Centre de Documentation et d’Information présent dans tous les établissements scolaires types collèges et lycées.<br />(10) Note du Front : La France est le deuxième pays possédant le plus de réacteurs dans le monde derrière les Etats-Unis, mais la taille du territoire, le nombre d’habitant·es et la part du nucléaire dans l’énergie électrique permettent de considérer la France comme le pays le plus dépendant du nucléaire. Sources : sites EDF et connaissance des énergies.<br />(11) Note du Front : lire « Survivre et vivre : critique de la science et naissance de l’écologie » coordonné par Céline Plessis, les éditions L’échappée, 2014.<br /></span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
<p> </p>
<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
</div>
<ul>
<li>Pour plus d’informations sur le Front pédagogique antinucléaire ou pour le rejoindre : <a href="mailto:nucleaire_badaboum@riseup.net.">nucleaire_badaboum@riseup.net.</a> ou <a href="mailto:front_pedagogique_anti_nuc@lists.riseup.net">front_pedagogique_anti_nuc@lists.riseup.net</a></li>
<li><a href="mailto:front_pedagogique_anti_nuc@lists.riseup.net"><span style="color: #000000;">Vous pouvez également trouver des informations sur</span> https://bureburebure.info/ et https://enseignantspourlaplanete.com/</a></li>
</ul>
</div>