# 63 Agir pour plus de justice alimentaire (nov 2022)(Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale.http://www.rebonds.net/63agirpourplusdejusticealimentairenov20222023-05-11T19:11:28+02:00(Re)bonds.netJoomla! - Open Source Content ManagementLa cuisine comme espace de rencontres entre populations2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/63agirpourplusdejusticealimentairenov2022/813-lacuisinecommeespacederencontresentrepopulatinsSuper User<p><strong>Les cuisines sont aussi multiples et variées que les peuples qui habitent notre planète. Pour autant, l’acte de préparer un repas et celui de se nourrir touchent à l’universel. Ces gestes communs peuvent permettre à des personnes aux parcours pourtant bien différents de se rapprocher. C’est dans ce but que Le RECHO (REfuge-CHAleur-Optimisme) crée des espaces de rencontres et de partage entre populations locales et exilées autour d’une marmite, d’un pétrin ou d’une table. Une expérience que l’association a proposée à Bourges, le temps d’un week-end.</strong></p>
<p>Bottes aux pieds et paniers à la main, une dizaine de personnes entrent dans la ferme des Beaux-Regards située en plein cœur de la ville de Bourges, face à l’hôpital psychiatrique George-Sand<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span>. Elles récoltent betteraves, blettes, choux chinois et radis noirs qui seront cuisinés quelques heures plus tard pour le dîner. Elles ont répondu à l’invitation de l’association Le RECHO qui organisait, les 22 et 23 octobre, un programme d’ateliers et d’animations autour de la cuisine baptisé « Itinéraires Solidaires ».</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_récolte.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Première étape de la journée : la récolte (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_récolte.JPG" alt="écopole matthieu" width="455" height="607" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Sous un soleil matinal généreux, les participant·es ont (re)découvert le jardin des Beaux-Regards créé par Aurélien Chartendrault et Adeline Pomi en 2020. Les légumes sont produits sur un hectare, en plein champ et sous serres ; un verger conservatoire a également vu le jour sur une surface équivalente. Tous les jeudis, les consommateur·ices viennent chercher leurs paniers sur place.<em> « Nous avons des projets autour de la cuisine et nous espérons pouvoir un jour faire participer les patient·es de l’hôpital psychiatrique à nos activités »</em>, explique Linda Louis, présente tous les jeudis à la ferme, et ce samedi pour guider les récoltant·tes du RECHO.</p>
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<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Transmettre entre les cultures et entre les générations<br /></span></strong></p>
<p>A quelques minutes de là, sur le parking du magasin Biocoop, un autre groupe s’affaire auprès de Lucienne. Lucienne ? La boulange mobile d’Hélène Mouton, venue d’Orléans pour animer un atelier « Pains du monde ». <em>« C’est en voyageant en Amérique du Sud que j’ai fait du pain pour la première fois,</em> raconte-t-elle. <em>J’ai ensuite passé un CAP boulangerie, il y a dix ans maintenant. Mais je n’ai jamais eu envie de m’installer dans une boutique. Je voulais voyager, partager la convivialité de faire du pain collectivement et pour cela, avoir un four nomade. »</em><br />Egalement conteuse, elle a créé un spectacle, « Fais du pain », dans lequel le personnage principal s’appelle... Lucienne !<br />Son four à bois et en métal léger, elle l’a construit avec la coopérative d’autoconstruction l’Atelier Paysan <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Depuis le mois de mai, elle le balade de quartiers en villages, d’écoles en associations… <em>« J’aimerais aussi animer des ateliers auprès de publics sensibles comme les personnes handicapées ou les prisonnier·es »</em>, précise-t-elle.</p>
<p>L’objectif de l’atelier à Bourges était double : transmettre des recettes entre cultures et entre générations. <em>« Aujourd’hui, ce n’est pas moi qui propose la recette, c’est Graciela ! »</em> Originaire d’Equateur, Graciela porte sur elle un précieux carnet dans lequel sa mère a écrit à la main la recette du Pain des Morts : du blé, mais aussi des œufs, du lait… Amancay, la fille de Graciela, explique : <em>« Ce pain symbolise les corps. C’est pourquoi, nous allons le façonner en forme de personnages. Il est généralement servi avec du jus de myrtilles qui représente le sang. »</em> Et pour faire écho aux origines polonaises de son père, un second pain, en forme de tresse cette fois, sera confectionné dans l’après-midi.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_petrin.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Transmettre une recette de génération en génération (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_petrin.JPG" alt="écopole matthieu" width="432" height="576" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Autour du pétrin, on trouve aussi Assia, d’origine algérienne, qui proposera le dimanche la recette du khobz, dit « pain semoule » en français. Zana et sa fille Neralda, originaires d’Albanie, tendent leur smartphone sur lequel on voit ce qui ressemble à une généreuse brioche : <em>« Chez nous, le pain traditionnel, c’est le simit. »</em> Les conversations vont ainsi bon train : chacun·e partage ses recettes, parle des traditions de son pays d’origine, évoque ses souvenirs, compare avec les habitudes du pays d’adoption…</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_mains_petrin.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une dizaine de personnes ont participé à la confection des pains (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_mains_petrin.JPG" alt="écopole matthieu" width="425" height="567" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p><em>« Le but des ateliers, c’est aussi de s’interroger : quel est le sens du pain ?</em> souligne Hélène, qui expose au-dessus de son four l’ouvrage « Notre pain est politique » <span style="font-size: 8pt;">(3).</span> <em>Par exemple, si on s’intéresse à l’histoire du pain, est-ce que la recette a changé avec la colonisation ? Quelles conséquences sur la manière de se nourrir ? »</em> Graciela répond : <em>« Avant l’arrivée des Espagnol·es en Equateur, le pain était fait avec des courges. Après, avec du blé. »</em> La colonisation a souvent imposé des variétés plus rentables pour les semenciers, et privé les populations autochtones de leur autonomie alimentaire et de leurs savoir-faire. De même, alors que la confection du pain au sein de la famille revenait à la femme qui gérait le foyer, la commercialisation et la capitalisation sont devenues affaires d’hommes...</p>
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<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Cuisiner avec et pour les personnes réfugiées</span></strong></p>
<p>Il est bientôt 15 heures, au « 121 », la salle attenante à la Biocoop. Le RECHO y a installé trois îlots avec planches à découper, ustensiles de cuisine et tabliers. Le long du mur, sur une grande table, les légumes fraîchement cueillis du matin et des produits venant du magasin bio d’à côté. Un partenariat précieux.</p>
<p>Car « Itinéraires Solidaires » n’est pas arrivé à Bourges par hasard. C’est Agnès Zoppé, gérante de Biocoop, qui a contacté Le RECHO après avoir lu un ouvrage sur l’association <span style="font-size: 8pt;">(4).</span> L’idée de rencontres entre les populations locales et exilées autour de la cuisine l’a touchée.<br /><em>« Le RECHO a été créé en 2016 par Vanessa Krycève, qui a une formation de cuisinière, et un groupe d’amies,</em> raconte Loukiana Leite, responsable de la communication de l'association. <em>Le but était de réparer un accueil défaillant des personnes réfugiées en France, via la cuisine. »</em> Grâce à une souscription en ligne, elles sont parvenues à financer un « food truck » qu’elles posaient dans les camps notamment en Belgique <em>« pour cuisiner avec et pour les réfugié·es »</em>.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_cuisine.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Dans la cuisine du "121" (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_cuisine.JPG" alt="écopole matthieu" width="607" height="455" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>En 2018, la Ville d’Arras dans le Nord leur a permis d’installer un restaurant éphémère : pendant dix jours, « Le Grand RECHO » a accueilli personnes en difficultés et réfugiées, en cuisine et en salle.<br />Au printemps 2019, l’association Aurore<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span>, qui œuvre notamment pour l’hébergement d’urgence, a proposé au RECHO d’investir une ancienne caserne de pompiers à Paris, pour y ouvrir un restaurant solidaire : La table du RECHO. Agréé « entreprise d’insertion », il emploie des salarié·es issu·es d’un parcours de migration. <em>« Cet agrément suppose un accompagnement,</em> précise Loukiana. <em>Des heures sont dédiées au cours de français et d’autres à une aide pour monter de futurs projets professionnels, par exemple. »</em></p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Des structures qui œuvrent toute l’année sur place</span></strong></span></p>
<p>Mais l’envie de repartir sur la route a repris l’équipe, notamment pour aller dans les villes qui accueillent les populations afghanes fuyant leur pays après le retour des Talibans au pouvoir. <em>« C’est là que nous avons créé « Itinéraires Solidaires ». La première édition a eu lieu à Lyon en mars et la deuxième à Strasbourg en juin. »</em><br />Le point commun ? Des ateliers de cuisine qui rassemblent habitant·es né·es en France et exilé·es. <em>« Pour la première fois à Bourges, nous avons souhaité mettre aussi en place des activités culturelles, qui permettent d’autres rencontres, d’autres échanges »</em>, souligne Loukiana. L’association Mille Univers a proposé un atelier d’impression, le Nez dans les Etoiles une initiation au cirque, Accueil et Promotion une sensibilisation à la mobilité…</p>
<p>Ainsi, « Itinéraires Solidaires » s’appuie sur des structures qui œuvrent toute l’année sur place. Des jeunes accueillis par Tivoli Initiatives <span style="font-size: 8pt;">(6)</span> ont ainsi participé. Mais le CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile), le PRAHDA (PRogramme d’Accueil et d’Hébergement pour les Demandeurs d’Asile) et les foyers tels que Saint-François n’étaient pas présents. Certain·es bénévoles se sont méfié·es de cette initiative qui ne s’inscrit pas dans le temps et qui peut paraître bien loin des préoccupations réelles des demandeur·ses d’asile.<br />Le RECHO espérait pourtant <em>« un impact plus fort »</em> en participant dans une ville moyenne.</p>
<p>Forte d’une quinzaine de salarié·es, comment l’association est-elle financée ? <em>« Il y a un an, nous avons lancé une nouvelle campagne de souscription qui nous a permis de recueillir 32.000 euros,</em> répond Loukiana Leite. <em>Nous répondons à des appels à projets et nous avons des partenaires. Ici, la Ville de Bourges et la Biocoop nous ont soutenu·es. »</em></p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">« Echanger sur autre chose que les papiers... »<br /></span></strong></span></p>
<p><em></em>Au « 121 », on épluche, on coupe, on malaxe, on cuit et on peaufine la présentation des plats qui seront servis au banquet solidaire du soir. Autour de chaque îlot, une dizaine de personnes, les unes préparant les entrées, les autres les plats, les autres encore le dessert. Pour constituer le menu, iels ont dû se mettre d’accord en fonction des produits mis à disposition.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_cuisine_2.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Jean-Noël de Bourges et Hilal, originaire d'Afghanistan, ont cuisiné ensemble une partie du menu (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_cuisine_2.JPG" alt="écopole matthieu" width="524" height="393" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Ruhullah et Hilal, tous deux afghans, préparent des beignets de pommes de terre avec Jean-Noël, de Bourges. <em>« C’est ma logeuse qui m’a prévenu de cet atelier,</em> explique Hilal. <em>Je cuisine déjà chez moi… un peu… mais jamais pour autant de personnes ! »</em> Idem pour Ruhullah, qui sait pourtant qu’il a de bonnes bases : <em>« A chaque fois que je cuisine, on me dit que c’est très bon ! »</em> Ce qui a encouragé Jean-Noël à participer, c’est d’ <em>« apprendre la cuisine étrangère »</em>. Membre de l’association Madera<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span> pendant de nombreuses années, il a souvent voyagé en Afghanistan. <em>« Mais là, c’est l’occasion de discuter et d’échanger avec ces jeunes gens sur un autre sujet que les papiers... »</em></p>
<p>Sur le parking, une odeur délicieuse envahit l’atmosphère : les pains équatoriens et polonais sont prêts ! On déguste, on commente, on emporte pour faire goûter aux proches… et on embarque tout le reste, direction la Halle au Blé pour le banquet.</p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un repas distribué dans la rue</span></strong></span></p>
<p><em></em>Samedi soir, 130 personnes se sont réuni·es dans la grande salle dédiée chaque samedi matin au marché de Bourges, pour déguster le coleslaw revisité, le poulet aux légumes marinés, les salades de pois chiches, le crumble aux fruits ou encore les truffes au chocolat… Un repas à prix libre, animé par le groupe de musique Bata Brinca.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_pains.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les pains équatoriens (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_pains.JPG" alt="écopole matthieu" width="514" height="385" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p><br />Dimanche soir, le plus faible nombre de participant·es (une centaine) a donné lieu à une distribution de repas. <em>« Cela donnait beaucoup plus de sens au « repas partagé »</em>, témoigne Jacques, bénévole qui a aidé à l’organisation. <em>Jusqu’à faire venir la voiture de la maraude qui est repartie pour une distribution aux personnes sans domicile fixe ».</em></p>
<p>Le RECHO vise désormais La Rochelle et Angers pour 2023. Des réflexions sont en cours pour prolonger le partenariat à Bourges.</p>
<p><strong>Texte et photos : Fanny Lancelin<br /></strong></p>
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<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Lire l’article consacré à la ferme des Beaux-Regards dans notre numéro intitulé « A la ville comme à la campagne ? » : <a href="http://www.rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges">http://rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges</a><br />(2) L’Atelier Paysan : <a href="https://latelierpaysan.org/">https://latelierpaysan.org/</a><br />(3) « Notre pain est politique – les blés paysans face à l’industrie boulangère », ouvrage collectif du groupe blé de l’Association Régionale pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural Auvergne-Rhône-Alpes (ARDEAR Aura) et de Mathieu Brier, éditions de La dernière lettre : <a href="https://ladernierelettre.fr/produit/notre-pain-est-politique/">https://ladernierelettre.fr/produit/notre-pain-est-politique/</a><br />(4) « Le Grand RECHO, histoire(s) d’une cuisine fraternelle » de Vanessa Krycève, Valérie Sévenet-Gentil et Alice Barbosa, aux éditions de l’Epure : <a href="https://www.epure-editions.com/collection-hors-collection/le-grand-recho-233-3.html">https://www.epure-editions.com/collection-hors-collection/le-grand-recho-233-3.html</a><br />(5) <a href="https://www.aurore.asso.fr/">https://www.aurore.asso.fr/</a><br />(6) <a href="https://tivoli-initiatives.fr/">https://tivoli-initiatives.fr/</a><br />(7) <a href="https://madera-asso.org/">https://madera-asso.org/</a></span></p>
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<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
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<li>Pour en savoir plus sur le RECHO : <a href="https://www.lerecho.org">https://www.lerecho.org</a></li>
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</div><p><strong>Les cuisines sont aussi multiples et variées que les peuples qui habitent notre planète. Pour autant, l’acte de préparer un repas et celui de se nourrir touchent à l’universel. Ces gestes communs peuvent permettre à des personnes aux parcours pourtant bien différents de se rapprocher. C’est dans ce but que Le RECHO (REfuge-CHAleur-Optimisme) crée des espaces de rencontres et de partage entre populations locales et exilées autour d’une marmite, d’un pétrin ou d’une table. Une expérience que l’association a proposée à Bourges, le temps d’un week-end.</strong></p>
<p>Bottes aux pieds et paniers à la main, une dizaine de personnes entrent dans la ferme des Beaux-Regards située en plein cœur de la ville de Bourges, face à l’hôpital psychiatrique George-Sand<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span>. Elles récoltent betteraves, blettes, choux chinois et radis noirs qui seront cuisinés quelques heures plus tard pour le dîner. Elles ont répondu à l’invitation de l’association Le RECHO qui organisait, les 22 et 23 octobre, un programme d’ateliers et d’animations autour de la cuisine baptisé « Itinéraires Solidaires ».</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_récolte.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Première étape de la journée : la récolte (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_récolte.JPG" alt="écopole matthieu" width="455" height="607" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Sous un soleil matinal généreux, les participant·es ont (re)découvert le jardin des Beaux-Regards créé par Aurélien Chartendrault et Adeline Pomi en 2020. Les légumes sont produits sur un hectare, en plein champ et sous serres ; un verger conservatoire a également vu le jour sur une surface équivalente. Tous les jeudis, les consommateur·ices viennent chercher leurs paniers sur place.<em> « Nous avons des projets autour de la cuisine et nous espérons pouvoir un jour faire participer les patient·es de l’hôpital psychiatrique à nos activités »</em>, explique Linda Louis, présente tous les jeudis à la ferme, et ce samedi pour guider les récoltant·tes du RECHO.</p>
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<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Transmettre entre les cultures et entre les générations<br /></span></strong></p>
<p>A quelques minutes de là, sur le parking du magasin Biocoop, un autre groupe s’affaire auprès de Lucienne. Lucienne ? La boulange mobile d’Hélène Mouton, venue d’Orléans pour animer un atelier « Pains du monde ». <em>« C’est en voyageant en Amérique du Sud que j’ai fait du pain pour la première fois,</em> raconte-t-elle. <em>J’ai ensuite passé un CAP boulangerie, il y a dix ans maintenant. Mais je n’ai jamais eu envie de m’installer dans une boutique. Je voulais voyager, partager la convivialité de faire du pain collectivement et pour cela, avoir un four nomade. »</em><br />Egalement conteuse, elle a créé un spectacle, « Fais du pain », dans lequel le personnage principal s’appelle... Lucienne !<br />Son four à bois et en métal léger, elle l’a construit avec la coopérative d’autoconstruction l’Atelier Paysan <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Depuis le mois de mai, elle le balade de quartiers en villages, d’écoles en associations… <em>« J’aimerais aussi animer des ateliers auprès de publics sensibles comme les personnes handicapées ou les prisonnier·es »</em>, précise-t-elle.</p>
<p>L’objectif de l’atelier à Bourges était double : transmettre des recettes entre cultures et entre générations. <em>« Aujourd’hui, ce n’est pas moi qui propose la recette, c’est Graciela ! »</em> Originaire d’Equateur, Graciela porte sur elle un précieux carnet dans lequel sa mère a écrit à la main la recette du Pain des Morts : du blé, mais aussi des œufs, du lait… Amancay, la fille de Graciela, explique : <em>« Ce pain symbolise les corps. C’est pourquoi, nous allons le façonner en forme de personnages. Il est généralement servi avec du jus de myrtilles qui représente le sang. »</em> Et pour faire écho aux origines polonaises de son père, un second pain, en forme de tresse cette fois, sera confectionné dans l’après-midi.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_petrin.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Transmettre une recette de génération en génération (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_petrin.JPG" alt="écopole matthieu" width="432" height="576" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Autour du pétrin, on trouve aussi Assia, d’origine algérienne, qui proposera le dimanche la recette du khobz, dit « pain semoule » en français. Zana et sa fille Neralda, originaires d’Albanie, tendent leur smartphone sur lequel on voit ce qui ressemble à une généreuse brioche : <em>« Chez nous, le pain traditionnel, c’est le simit. »</em> Les conversations vont ainsi bon train : chacun·e partage ses recettes, parle des traditions de son pays d’origine, évoque ses souvenirs, compare avec les habitudes du pays d’adoption…</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_mains_petrin.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une dizaine de personnes ont participé à la confection des pains (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_mains_petrin.JPG" alt="écopole matthieu" width="425" height="567" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p><em>« Le but des ateliers, c’est aussi de s’interroger : quel est le sens du pain ?</em> souligne Hélène, qui expose au-dessus de son four l’ouvrage « Notre pain est politique » <span style="font-size: 8pt;">(3).</span> <em>Par exemple, si on s’intéresse à l’histoire du pain, est-ce que la recette a changé avec la colonisation ? Quelles conséquences sur la manière de se nourrir ? »</em> Graciela répond : <em>« Avant l’arrivée des Espagnol·es en Equateur, le pain était fait avec des courges. Après, avec du blé. »</em> La colonisation a souvent imposé des variétés plus rentables pour les semenciers, et privé les populations autochtones de leur autonomie alimentaire et de leurs savoir-faire. De même, alors que la confection du pain au sein de la famille revenait à la femme qui gérait le foyer, la commercialisation et la capitalisation sont devenues affaires d’hommes...</p>
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<p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;">Cuisiner avec et pour les personnes réfugiées</span></strong></p>
<p>Il est bientôt 15 heures, au « 121 », la salle attenante à la Biocoop. Le RECHO y a installé trois îlots avec planches à découper, ustensiles de cuisine et tabliers. Le long du mur, sur une grande table, les légumes fraîchement cueillis du matin et des produits venant du magasin bio d’à côté. Un partenariat précieux.</p>
<p>Car « Itinéraires Solidaires » n’est pas arrivé à Bourges par hasard. C’est Agnès Zoppé, gérante de Biocoop, qui a contacté Le RECHO après avoir lu un ouvrage sur l’association <span style="font-size: 8pt;">(4).</span> L’idée de rencontres entre les populations locales et exilées autour de la cuisine l’a touchée.<br /><em>« Le RECHO a été créé en 2016 par Vanessa Krycève, qui a une formation de cuisinière, et un groupe d’amies,</em> raconte Loukiana Leite, responsable de la communication de l'association. <em>Le but était de réparer un accueil défaillant des personnes réfugiées en France, via la cuisine. »</em> Grâce à une souscription en ligne, elles sont parvenues à financer un « food truck » qu’elles posaient dans les camps notamment en Belgique <em>« pour cuisiner avec et pour les réfugié·es »</em>.</p>
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<p>En 2018, la Ville d’Arras dans le Nord leur a permis d’installer un restaurant éphémère : pendant dix jours, « Le Grand RECHO » a accueilli personnes en difficultés et réfugiées, en cuisine et en salle.<br />Au printemps 2019, l’association Aurore<span style="font-size: 8pt;"> (5)</span>, qui œuvre notamment pour l’hébergement d’urgence, a proposé au RECHO d’investir une ancienne caserne de pompiers à Paris, pour y ouvrir un restaurant solidaire : La table du RECHO. Agréé « entreprise d’insertion », il emploie des salarié·es issu·es d’un parcours de migration. <em>« Cet agrément suppose un accompagnement,</em> précise Loukiana. <em>Des heures sont dédiées au cours de français et d’autres à une aide pour monter de futurs projets professionnels, par exemple. »</em></p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Des structures qui œuvrent toute l’année sur place</span></strong></span></p>
<p>Mais l’envie de repartir sur la route a repris l’équipe, notamment pour aller dans les villes qui accueillent les populations afghanes fuyant leur pays après le retour des Talibans au pouvoir. <em>« C’est là que nous avons créé « Itinéraires Solidaires ». La première édition a eu lieu à Lyon en mars et la deuxième à Strasbourg en juin. »</em><br />Le point commun ? Des ateliers de cuisine qui rassemblent habitant·es né·es en France et exilé·es. <em>« Pour la première fois à Bourges, nous avons souhaité mettre aussi en place des activités culturelles, qui permettent d’autres rencontres, d’autres échanges »</em>, souligne Loukiana. L’association Mille Univers a proposé un atelier d’impression, le Nez dans les Etoiles une initiation au cirque, Accueil et Promotion une sensibilisation à la mobilité…</p>
<p>Ainsi, « Itinéraires Solidaires » s’appuie sur des structures qui œuvrent toute l’année sur place. Des jeunes accueillis par Tivoli Initiatives <span style="font-size: 8pt;">(6)</span> ont ainsi participé. Mais le CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile), le PRAHDA (PRogramme d’Accueil et d’Hébergement pour les Demandeurs d’Asile) et les foyers tels que Saint-François n’étaient pas présents. Certain·es bénévoles se sont méfié·es de cette initiative qui ne s’inscrit pas dans le temps et qui peut paraître bien loin des préoccupations réelles des demandeur·ses d’asile.<br />Le RECHO espérait pourtant <em>« un impact plus fort »</em> en participant dans une ville moyenne.</p>
<p>Forte d’une quinzaine de salarié·es, comment l’association est-elle financée ? <em>« Il y a un an, nous avons lancé une nouvelle campagne de souscription qui nous a permis de recueillir 32.000 euros,</em> répond Loukiana Leite. <em>Nous répondons à des appels à projets et nous avons des partenaires. Ici, la Ville de Bourges et la Biocoop nous ont soutenu·es. »</em></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">« Echanger sur autre chose que les papiers... »<br /></span></strong></span></p>
<p><em></em>Au « 121 », on épluche, on coupe, on malaxe, on cuit et on peaufine la présentation des plats qui seront servis au banquet solidaire du soir. Autour de chaque îlot, une dizaine de personnes, les unes préparant les entrées, les autres les plats, les autres encore le dessert. Pour constituer le menu, iels ont dû se mettre d’accord en fonction des produits mis à disposition.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_cuisine_2.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Jean-Noël de Bourges et Hilal, originaire d'Afghanistan, ont cuisiné ensemble une partie du menu (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_cuisine_2.JPG" alt="écopole matthieu" width="524" height="393" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p>Ruhullah et Hilal, tous deux afghans, préparent des beignets de pommes de terre avec Jean-Noël, de Bourges. <em>« C’est ma logeuse qui m’a prévenu de cet atelier,</em> explique Hilal. <em>Je cuisine déjà chez moi… un peu… mais jamais pour autant de personnes ! »</em> Idem pour Ruhullah, qui sait pourtant qu’il a de bonnes bases : <em>« A chaque fois que je cuisine, on me dit que c’est très bon ! »</em> Ce qui a encouragé Jean-Noël à participer, c’est d’ <em>« apprendre la cuisine étrangère »</em>. Membre de l’association Madera<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span> pendant de nombreuses années, il a souvent voyagé en Afghanistan. <em>« Mais là, c’est l’occasion de discuter et d’échanger avec ces jeunes gens sur un autre sujet que les papiers... »</em></p>
<p>Sur le parking, une odeur délicieuse envahit l’atmosphère : les pains équatoriens et polonais sont prêts ! On déguste, on commente, on emporte pour faire goûter aux proches… et on embarque tout le reste, direction la Halle au Blé pour le banquet.</p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un repas distribué dans la rue</span></strong></span></p>
<p><em></em>Samedi soir, 130 personnes se sont réuni·es dans la grande salle dédiée chaque samedi matin au marché de Bourges, pour déguster le coleslaw revisité, le poulet aux légumes marinés, les salades de pois chiches, le crumble aux fruits ou encore les truffes au chocolat… Un repas à prix libre, animé par le groupe de musique Bata Brinca.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_pains.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les pains équatoriens (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/le_recho_pains.JPG" alt="écopole matthieu" width="514" height="385" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p> </p>
<p><br />Dimanche soir, le plus faible nombre de participant·es (une centaine) a donné lieu à une distribution de repas. <em>« Cela donnait beaucoup plus de sens au « repas partagé »</em>, témoigne Jacques, bénévole qui a aidé à l’organisation. <em>Jusqu’à faire venir la voiture de la maraude qui est repartie pour une distribution aux personnes sans domicile fixe ».</em></p>
<p>Le RECHO vise désormais La Rochelle et Angers pour 2023. Des réflexions sont en cours pour prolonger le partenariat à Bourges.</p>
<p><strong>Texte et photos : Fanny Lancelin<br /></strong></p>
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<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Lire l’article consacré à la ferme des Beaux-Regards dans notre numéro intitulé « A la ville comme à la campagne ? » : <a href="http://www.rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges">http://rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges</a><br />(2) L’Atelier Paysan : <a href="https://latelierpaysan.org/">https://latelierpaysan.org/</a><br />(3) « Notre pain est politique – les blés paysans face à l’industrie boulangère », ouvrage collectif du groupe blé de l’Association Régionale pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural Auvergne-Rhône-Alpes (ARDEAR Aura) et de Mathieu Brier, éditions de La dernière lettre : <a href="https://ladernierelettre.fr/produit/notre-pain-est-politique/">https://ladernierelettre.fr/produit/notre-pain-est-politique/</a><br />(4) « Le Grand RECHO, histoire(s) d’une cuisine fraternelle » de Vanessa Krycève, Valérie Sévenet-Gentil et Alice Barbosa, aux éditions de l’Epure : <a href="https://www.epure-editions.com/collection-hors-collection/le-grand-recho-233-3.html">https://www.epure-editions.com/collection-hors-collection/le-grand-recho-233-3.html</a><br />(5) <a href="https://www.aurore.asso.fr/">https://www.aurore.asso.fr/</a><br />(6) <a href="https://tivoli-initiatives.fr/">https://tivoli-initiatives.fr/</a><br />(7) <a href="https://madera-asso.org/">https://madera-asso.org/</a></span></p>
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<li>Pour en savoir plus sur le RECHO : <a href="https://www.lerecho.org">https://www.lerecho.org</a></li>
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</div>Iels militent pour une Sécurité sociale de l’alimentation2017-03-21T13:37:42+01:002017-03-21T13:37:42+01:00http://www.rebonds.net/63agirpourplusdejusticealimentairenov2022/814-ielsmilitentpourunesecuritesocialedelalimentationSuper User<p><strong>Comment se réapproprier une alimentation de qualité, à des prix décents, qui soit respectueuse de l’environnement et des êtres vivants impliqués dans la filière ? Dans l’ouvrage « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », Laura Petersell et Kévin Certenais présentent un système pensé pour et avec l’ensemble de la population, déconnecté de toute logique marchande.</strong></p>
<p>La manière dont nous nous nourrissons est politique : elle est liée à notre statut social, notre éducation, notre lieu de vie, et même, notre genre. Elle résulte de choix qui ne sont bien souvent pas les nôtres et qui touchent à la production des denrées, à leur transformation et à leur diffusion. Car qui décide vraiment qui détient la terre, quelles cultures y poussent, pour quels marchés ? Qui décide que des centres commerciaux remplacent les jardins ? Que la plupart des produits en vente proviennent de pays étrangers ? Qu’ils sont hyper-transformés, trop sucrés, trop salés, trop gras ? Qui décide de coter en bourse le blé et l’eau ? Qui exploite les travailleur·ses, depuis le champ jusqu’à la livraison à vélo, en passant par les usines et les abattoirs ?</p>
<p>Reprendre le pouvoir sur notre alimentation est crucial pour qui aspire à un changement en profondeur de nos sociétés et des rapports qui s’y jouent. En effet, la filière alimentaire concentre tous les stigmates du capitalisme : on y retrouve les rapports de domination entre classes, genres et races, à seules fins pour quelques-un·es de tirer profit de tous·tes les autres.</p>
<p>Les solutions que Laura Pertersell et Kévin Certenais avancent dans leur ouvrage sont donc politiques. Il s’agit de <em>« retirer le pouvoir à la classe bourgeoise »</em> pour valoriser le travail autrement, se réapproprier les outils de production, imaginer des systèmes de gouvernance réellement démocratiques et définir d’autres clés de répartition de la valeur produite, en fonction des vrais besoins de la population.<br />Vaste programme ? Sans aucun doute. Utopique ? Pas le moins du monde. Car leur approche s’inspire d’un système bien réel et que beaucoup de pays nous envient : le régime général de la Sécurité sociale.</p>
<p> </p>
<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>L'héritage d'après guerre</strong></span><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"></span></p>
<p>En 1944, le Conseil de la Résistance avait souhaité un <em>« plan complet de Sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Le 4 octobre 1945, une ordonnance assurait la création d’un régime général qui regroupait l’ensemble des actif·ves (salarié·es des secteurs privé et public, exploitants agricoles, travailleur·ses indépendant·es et secteurs spécifiques d’activité) et qui reconnaissait la possibilité de maintenir certains régimes particuliers (dits spéciaux) <span style="font-size: 8pt;">(1).</span> Elle était notamment défendue par le ministre du Travail communiste de l’époque, Ambroise Croizat.</p>
<p>La gestion du régime général était alors assurée pour les trois quarts par des représentant·es des syndicats de salarié·es et pour le reste par le patronat. Mais, comme le rappellent Laura Petersell et Kévin Certenais, à partir de 1967, De Gaulle s’est employé à changer la donne : il <em>« finalisa la mise en œuvre du paritarisme avec une gestion assurée pour moitié par les syndicats patronaux et pour moitié par les syndicats de salarié·es. En parallèle, l’État s’immisça progressivement dans la direction des caisses jusqu’à en prendre le contrôle <span style="font-size: 8pt;">(2).</span> C’est aussi en 1967 que les trois branches du régime général (santé, retraite, famille) furent scindées, supprimant la possibilité d’équilibrer les budgets d’une branche à l’autre. Diviser pour mieux régner. Avant de réduire nos salaires par le gel puis la baisse des cotisations sociales, le gouvernement et le patronat ont mené la bataille pour le pouvoir de décision. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span></p>
<p>La Sécurité sociale de l’alimentation s’inspire des principes qui préfigurèrent le régime général avant sa « reprise en main ». L’idée n’est pas nouvelle mais elle se développe à mesure que des collectifs s’en emparent, comme l’association Réseau Salariat dont font partie Laura Petersell et Kévin Certenais. <em>« Elle est née en 2012 et compte une centaine de membres à travers différents groupes locaux en France, en Belgique et en Suisse,</em> explique Laura Petersell. <em>Notre but est d’analyser et de comprendre les racines du système capitaliste, et de proposer un autre modèle qui soit désirable. Nous nous inspirons des travaux du sociologue et chercheur Bernard Friot <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, qui s’est intéressé à l’histoire de la Sécurité sociale. »</em></p>
<p>Pas question pour les auteurs·ices de se présenter comme des « expert·es » du sujet. Leurs réflexions, tout comme le projet de Sécurité sociale de l’alimentation, sont en mouvement. Iels parlent depuis leurs engagements dans des luttes sociales. <em>« Kévin est paysan et a une activité de cantine,</em> précise Laura Petersell. <em>Moi je viens du monde associatif, à caractère social. La question de l’alimentation est au cœur de nos parcours. »</em> C’est pour partager leurs prises de conscience qu’iels ont décidé d’écrire ce livre.</p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un système mondial</span></strong></span></p>
<p>Rédigé sous forme d’essai, il commence par <em>« cerner l’adversaire »</em> pour <em>« mieux le renverser »</em>. Le constat est sans appel : notre système alimentaire nous est confisqué par une poignée de multinationales soutenues par des gouvernements qui n’ont que la croissance pour horizon.<br />Chaque chapitre est introduit par une anecdote personnelle des auteur·ices, qui développent ensuite leur argumentaire selon cinq angles d’attaque : la question de l’exploitation de la force de travail ; la propriété des outils ; les enjeux de gouvernance ; l’investissement ; et à qui profite le système.</p>
<p>Le système alimentaire tel que nous le connaissons aujourd’hui s’étend bien au-delà des frontières françaises : il est mondial et c’est dans cette perspective macro-économique que se place la critique des auteur·ices.<br />Remontons au temps, très proche, de la colonisation. Pour satisfaire leurs appétits, les colons ont contraint leurs nouveaux territoires à se spécialiser : café, chocolat, sucre, banane, riz, soja… mettant ainsi fin à la culture vivrière locale. Pour les paysan·nes, il ne s’agit plus de produire pour se nourrir, mais de produire pour vendre. Terminés également les marchés locaux : place à l’exportation. <br /><em>« La colonisation, officielle ou officieuse, c’est aussi l’abolition des usages collectifs des terres arables au profit de la propriété privée,</em> écrivent Laura Petersell et Kévin Certenais. <em>Bien que Jean-Jacques Rousseau ait écrit « Les fruits sont à tous et la terre n’est à personne », l’accaparement des terres cultivables a existé aussi loin qu’existe l’agriculture. Certains disent même que c’est l’agriculture qui a fait naître la propriété privée. La colonisation a été l’occasion pour des pays européens (dont la France) d’envahir et de s’approprier les terres arables et ressources naturelles un peu partout dans le monde. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (5)</span> Aujourd’hui, les paysan·nes des pays exploités produisent la majorité de l’alimentation et pourtant, iels ne possèdent pas leurs terres. Exemple au Brésil : <em>« Les petit·es paysan·nes sont responsables de 78 % de la production alimentaire. Elles et ils représentent 84 % des fermes, emploient trois fois plus de personnes que l’agriculture industrielle, mais ne contrôlent que 24 % des terres agricoles. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span></p>
<p>Pour produire plus et plus vite, les paysan·nes sont également contraint·es de s’équiper. La mécanisation est favorisée par l’endettement et rendent les agriculteur·ices vulnérables.<br />Suite à la crise de 1973, le Fonds Monétaire International (FMI) a imposé aux pays endettés une alimentation tournée vers l’export, afin de rembourser les créanciers. Pour ce faire, il a exigé une ouverture totale des marchés sans barrière douanière (idéal pour faire entrer les produits des pays colons), une austérité budgétaire, ainsi que la privatisation des entreprises publiques (idéal pour faire entrer les sociétés des colons dans le pays). Des décisions qui ont impacté la filière alimentaire, influencé l’économie tout entière et la couleur politique des pays. Plus récemment en Grèce, la période d’austérité a eu raison des aspirations populaires des gouvernements de gauche et d’extrême gauche. Sans régler les difficultés de la population.</p>
<p> </p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/Regime-General.jpg" alt="Regime General" width="472" height="720" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le poids des multinationales</span></strong></span></p>
<p>En Europe aussi, l’agriculture a connu d’importantes transformations après la Seconde Guerre mondiale. Pour nourrir les populations dans un contexte de reconstruction, les paysan·nes ont été encouragés à « moderniser » leurs fermes. Iels ont disparu au profit d’exploitant·es. Et qui dit exploitant·es dit exploité·es. Aujourd’hui, au sein de l’Union européenne, 2 % des fermes contrôlent 50 % des terres agricoles.<br />Dans leur ouvrage, Laura Petersell et Kévin Certenais montrent à quel point la question de la propriété du foncier, des outils de transformation et de distribution est centrale. Les enseignes de la grande distribution et de l’agro-alimentaire l’ont bien compris et développent des filiales immobilières. C’est ainsi qu’elles parviennent à artificialiser des terres agricoles pour y installer des centres commerciaux toujours plus gigantesques, dans lesquels on retrouve de multiples fast-food qui ne s’approvisionnent bien sûr pas sur le marché local... Saviez-vous, par exemple, que Mac Donald’s gagne plus d’argent par ses loyers que par la vente de nourriture ?</p>
<p>Pour obtenir de meilleurs rendements, les agriculteur·ices ont été encouragés à utiliser des produits (pesticides, herbicides et engrais) mettant en danger leur santé, celle des consommateur·ices et l’environnement. Le tout, au profit de multinationales telles que Bayer-Monsanto.<br />Multinationales qui sont également impliquées dans la privatisation du vivant : semences, plantes, reproduction animale… <span style="font-size: 8pt;">(6)</span> et même dans ce que l’on nomme abusivement les « coopératives agricoles » qui sont en fait de véritables entreprises comme, par exemple, Lactalis et Danone.<br />Elles profitent aussi de la financiarisation des denrées alimentaires : rappelons que le blé et l’eau, éléments nutritifs de base s’il en est, sont cotés en bourse… Et la récente guerre en Ukraine a mis en lumière la fragilité de l’approvisionnement des populations dès lors que l’alimentation devient une monnaie d’échange.</p>
<p>Derrière ces faits, se cachent des milliers de personnes dont la force de travail est exploitée au profit de quelques-un·es et des millions qui n’ont pas accès à une alimentation de qualité à des prix décents.<br />C’est bien en pensant à elleux, que la Sécurité sociale de l’alimentation est envisagée par le Réseau Salariat. <em>« Nous nous intéressons aux êtres humains, pas seulement aux données,</em> souligne Laura Petersell. <em>Sur la partie constat, nous sommes tous·tes d’accord. Il faut donner envie de partager autre chose que de l’abattement. Nous devons passer plus de temps à construire un nouveau système plutôt qu’à se lamenter sur le système existant. »</em></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Vers une copropriété d’usage des outils de travail</span></strong></span></p>
<p>Dans un premier temps, la Sécurité sociale de l’alimentation co-existera avec le système actuel. <em>« La bourgeoisie a mis cinq siècles à s’organiser avant de prendre le pouvoir à l’aristocratie,</em> rappelle Kévin Certenais. <em>Elle a d’abord pris le pouvoir économique avant de prendre le pouvoir institutionnel. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (7)</span> La prochaine révolution se fera également sur un temps long, <em>« en attaquant, secteur par secteur, le système capitaliste »</em>.<br />Comment serait mise en place la Sécurité sociale de l’alimentation ? En créant des caisses à l’échelle des bassins de vie. Elles seraient gérées par des habitant·es et des membres de collectifs de travail, mandaté·es pour une durée déterminée. Les sièges seraient renouvelés par étape, ce qui permettrait aux plus ancien·nes de former les nouveaux et nouvelles.<br />Les caisses locales auraient pour mission de décider des grandes orientations en matière d’alimentation, en fonction des besoins des populations. Organisées en réseau, elles pourraient prévoir des échanges entre elles.</p>
<p>La production serait assurée par des collectifs de travail conventionnés : des fermes et des entreprises de transformation et de distribution qui appartiendraient aux travailleur·ses.<br />Des pratiques existantes permettent déjà de sortir les terres et les entreprises de la logique capitaliste : Laura Petersell et Kévin Certenais citent ainsi l’association Terre de Liens dont la mission est d’acheter des terres et d’y installer des paysan·nes ; l’office foncier La société civile des terres du Larzac ; les SCIC (Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif) et SCOP (Sociétés Coopératives Ouvrières de Production), ou encore les CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole). Les communes lancent également des expériences en achetant des terres, en récupérant des « biens vacants sans maîtres » ou encore, en obligeant les propriétaires à mettre en culture ou louer.<br />Mais Laura Petersell et Kévin Certenais vont plus loin en prônant la copropriété d’usage des outils de travail, dans laquelle les décisions sont prises en voix directe, l’organisation du travail est autogérée et le principe de coresponsabilité de l’ensemble des travailleur·ses domine.</p>
<p>Les collectifs de travail seraient conventionnés par les caisses locales de Sécurité sociale de l’alimentation, qui pourraient être propriétaires de certains communs tels que les terres et les bâtiments agricoles, les lieux de transformation, les cantines…</p>
<p>Parce que<em> « tout être humain travaille dans le sens où tout être humain concourt à faire société »</em>, un salaire à vie serait versé à l’ensemble des travailleur·ses et une allocation mensuelle servant à s’approvisionner dans les entreprises conventionnées. <em>« Un salaire à vie attaché à notre personne et ce, quelle que soit la manière dont nous occupons notre temps »</em>, soulignent Laura Petersell et Kévin Certenais<span style="font-size: 8pt;"> (8)</span>. Le salaire serait ainsi déconnecté de la production alimentaire et se rapprocherait plutôt du traitement des fonctionnaires.</p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un outil puissant : la cotisation sociale</span></strong></span></p>
<p>Comment le financer ? Par la cotisation sociale et interprofessionnelle telle que l’avait imaginée Ambroise Croizat. Contrairement au système actuel qui calcule les cotisations sociales sur la masse salariale, il s’agirait de la calculer sur l’ensemble de la valeur ajoutée de toutes les entreprises. Ce qui permettrait notamment de mettre à contribution celles qui utilisent de plus en plus de machines, et de moins en moins d’êtres humains…<br />Les gouvernements libéraux ont fait le choix de baisser les cotisations sociales et les impôts sur les entreprises, en assurant qu’ainsi elles embaucheraient davantage. Ces mesures ne font en fait qu’enrichir la classe bourgeoise et affaiblir les systèmes d’intérêt commun telles que la Sécurité sociale. Le chômage, lui, ne cesse d’augmenter...</p>
<p>Les auteur·ices rappellent qu’ <em>« entre 1946 et 1983, les taux de cotisations ont augmenté, ce qui a permis le développement du budget de la Sécurité sociale <span style="font-size: 8pt;">(9)</span>. Ainsi, dans les années 1960, des centres hospitaliers universitaires (CHU) et des hôpitaux locaux ont été créés partout sur le territoire français. Cet investissement a grandement amélioré l’accès aux soins de la population. De nos jours, la dégradation avancée de l’hôpital public vient en grande partie du gel du taux de cotisation et d’une gestion étatique qui impose un fonctionnement d’entreprise plutôt qu’une politique de service public »</em>.</p>
<p>Grâce à la cotisation sociale et à la valeur ajoutée produite par les entreprises, le salaire à vie et l’allocation mensuelle pour la consommation seraient garantis. <em>« L’allocation mensuelle sera versée par les caisses de Sécurité sociale à chaque habitant·e. Son montant évoluera au fil des ans en fonction de la part du budget nécessaire à l’investissement. Au début, celle-ci sera conséquente, afin de permettre l’installation de nouvelles entreprises répondant aux critères de conventionnement. Avec le temps, elle pourra diminuer, ce qui permettra d’augmenter la part du budget dédiée au versement de l’allocation. »</em></p>
<p>Dans un premier temps, cette allocation serait dépensée uniquement auprès des entreprises conventionnées afin d’assurer la pérennité de la filière. <em>« Mais le fléchage de ce complément de salaire n’est pas satisfaisant car il est infantilisant (comme les allocations logement directement versées aux propriétaires plutôt qu’aux locataires). Une fois que la filière alimentaire conventionnée sera devenue dominante, l’allocation pourra être convertie en augmentation de salaire classique. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(10)</span></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un service de restauration collective gratuit</span></strong></span></p>
<p>A l’image des cantines de la Commune de Paris en 1871 ou de la révolution au Nicaragua dans les années 1980, la Sécurité sociale de l’alimentation pourrait mettre en place des services de restauration collective gratuite : <em>« Dans nos vies, les occasions de manger en collectif sont multiples : restaurants d’entreprise, restaurants universitaires, crèches, cantines scolaires, maisons de retraite, etc. La restauration collective pèse lourd (près de quatre milliards de repas servis chaque année en France). Le secteur est aujourd’hui dominé par des multinationales comme Sodexo. La Sécurité sociale de l’alimentation permettra de développer des espaces de restauration collective gratuits pour les usagères et usagers (…) Tout ceci sera déterminé collectivement dans le cadre du débat démocratique porté par chaque caisse de Sécurité sociale. »</em><br />Ces espaces de restauration collective autogérés sont aussi des outils puissants de lutte : sur la Zone A Défendre de Notre-Dame-des-Landes comme lors des grèves paysannes en Inde ou chez les Zapatistes au Mexique, elles constituent une base-arrière indispensable à la poursuite du combat.</p>
<p>Laura Petersell et Kévin Certenais insistent beaucoup sur le travail invisibilisé des femmes, non reconnu et non rémunéré. Iels rappellent aussi combien elles sont victimes de discriminations dans les entreprises, et en particulier lorsqu’il s’agit d’emplois dits peu qualifiés dans l’agriculture, l’agro-alimentaire et la grande distribution. Les services de restauration collective gratuite pourraient soulager les femmes qui aujourd’hui assument très majoritairement le travail des tâches ménagères et la charge mentale inhérente au foyer.</p>
<p> </p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/Regime-General_schéma.jpg" alt="Regime General" width="800" height="610" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p> </p>
<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Pas un seul chemin mais de multiples pistes</span></strong></span></p>
<p>L’ouvrage « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation » n’est qu’une esquisse. De nombreuses questions restent en suspens, que les auteur·ices listent d’ailleurs dans le chapitre de conclusion. <em>« C’est voulu</em>, justifie Laura Petersell. <em>Il n’y a pas de réponse aboutie, parce qu’il y aura forcément du conflit, au sens démocratique du terme, du débat, pour installer cette Sécurité sociale. Le livre présente un horizon. Il n’y a pas un seul chemin mais de multiples pistes. »</em></p>
<p>Une chose est sûre : la solution sera collective. Les auteur·ices sont en effet très critiques vis-à-vis <em>« des actes individuels brandis comme des choix politiques »</em> ou <em>« des pratiques sociales présentées comme subversives mais qui restent dans le système »</em>. <em>« Ça n’enlève rien à la puissance de leurs luttes,</em> assure Laura Petersell, <em>mais ça règle seulement certains problèmes, pas tous. Quand on veut changer le système alimentaire, on se concentre souvent uniquement sur la consommation. C’est piégeux. »</em> En effet, ce sont généralement les populations les plus aisées qui ont les moyens de choisir de consommer « autrement ». A l’inverse, Le régime général est un régime pour tous·tes, qui peut être pensé et enrichi par tous·tes. Laura Petersell et Kévin Certenais le présentent partout où iels sont invité·es, afin d’enrichir leur contribution et, pourquoi pas, d’aller plus loin encore : <em>« Dans l’idéal, il faudrait généraliser la socialisation à tous les secteurs ! Tout dépendra du rapport de forces que nous pourrons instaurer. »</em></p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.securite-sociale.fr/la-secu-cest-quoi/histoire/les-grandes-dates">https://www.securite-sociale.fr/la-secu-cest-quoi/histoire/les-grandes-dates</a><br />(2) « La défense de la Sécurité sociale ». Rapport présenté par Henri Raynaud, secrétaire de la<br />CGT, au Comité confédéral national des 14 et 15 janvier 1947, Editions syndicalistes, Paris,<br />2016. Cité dans « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.62.<br />(3) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.62.<br />(4) Bernard Friot : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Friot_">https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Friot_</a>(sociologue)<br />(5) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.43-44.<br />(6) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.42<br />(7) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.93<br />(8) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.36<br />(9) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.75<br />(10) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.89</span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
<p> </p>
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• « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », aux éditions Riot, est aussi disponible gratuitement en version PDF : <a href="https://riot-editions.fr/ouvrage/regime-general-pour-une-securite-sociale-de-lalimentation-laura-petersell-kevin-certenais/">https://riot-editions.fr/ouvrage/regime-general-pour-une-securite-sociale-de-lalimentation-laura-petersell-kevin-certenais/</a><br /> • Pour en savoir plus sur l’association Réseau Salariat : <a href="https://www.reseau-salariat.info/">https://www.reseau-salariat.info/</a></div><p><strong>Comment se réapproprier une alimentation de qualité, à des prix décents, qui soit respectueuse de l’environnement et des êtres vivants impliqués dans la filière ? Dans l’ouvrage « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », Laura Petersell et Kévin Certenais présentent un système pensé pour et avec l’ensemble de la population, déconnecté de toute logique marchande.</strong></p>
<p>La manière dont nous nous nourrissons est politique : elle est liée à notre statut social, notre éducation, notre lieu de vie, et même, notre genre. Elle résulte de choix qui ne sont bien souvent pas les nôtres et qui touchent à la production des denrées, à leur transformation et à leur diffusion. Car qui décide vraiment qui détient la terre, quelles cultures y poussent, pour quels marchés ? Qui décide que des centres commerciaux remplacent les jardins ? Que la plupart des produits en vente proviennent de pays étrangers ? Qu’ils sont hyper-transformés, trop sucrés, trop salés, trop gras ? Qui décide de coter en bourse le blé et l’eau ? Qui exploite les travailleur·ses, depuis le champ jusqu’à la livraison à vélo, en passant par les usines et les abattoirs ?</p>
<p>Reprendre le pouvoir sur notre alimentation est crucial pour qui aspire à un changement en profondeur de nos sociétés et des rapports qui s’y jouent. En effet, la filière alimentaire concentre tous les stigmates du capitalisme : on y retrouve les rapports de domination entre classes, genres et races, à seules fins pour quelques-un·es de tirer profit de tous·tes les autres.</p>
<p>Les solutions que Laura Pertersell et Kévin Certenais avancent dans leur ouvrage sont donc politiques. Il s’agit de <em>« retirer le pouvoir à la classe bourgeoise »</em> pour valoriser le travail autrement, se réapproprier les outils de production, imaginer des systèmes de gouvernance réellement démocratiques et définir d’autres clés de répartition de la valeur produite, en fonction des vrais besoins de la population.<br />Vaste programme ? Sans aucun doute. Utopique ? Pas le moins du monde. Car leur approche s’inspire d’un système bien réel et que beaucoup de pays nous envient : le régime général de la Sécurité sociale.</p>
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<p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>L'héritage d'après guerre</strong></span><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"></span></p>
<p>En 1944, le Conseil de la Résistance avait souhaité un <em>« plan complet de Sécurité sociale visant à assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail »</em> <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Le 4 octobre 1945, une ordonnance assurait la création d’un régime général qui regroupait l’ensemble des actif·ves (salarié·es des secteurs privé et public, exploitants agricoles, travailleur·ses indépendant·es et secteurs spécifiques d’activité) et qui reconnaissait la possibilité de maintenir certains régimes particuliers (dits spéciaux) <span style="font-size: 8pt;">(1).</span> Elle était notamment défendue par le ministre du Travail communiste de l’époque, Ambroise Croizat.</p>
<p>La gestion du régime général était alors assurée pour les trois quarts par des représentant·es des syndicats de salarié·es et pour le reste par le patronat. Mais, comme le rappellent Laura Petersell et Kévin Certenais, à partir de 1967, De Gaulle s’est employé à changer la donne : il <em>« finalisa la mise en œuvre du paritarisme avec une gestion assurée pour moitié par les syndicats patronaux et pour moitié par les syndicats de salarié·es. En parallèle, l’État s’immisça progressivement dans la direction des caisses jusqu’à en prendre le contrôle <span style="font-size: 8pt;">(2).</span> C’est aussi en 1967 que les trois branches du régime général (santé, retraite, famille) furent scindées, supprimant la possibilité d’équilibrer les budgets d’une branche à l’autre. Diviser pour mieux régner. Avant de réduire nos salaires par le gel puis la baisse des cotisations sociales, le gouvernement et le patronat ont mené la bataille pour le pouvoir de décision. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span></p>
<p>La Sécurité sociale de l’alimentation s’inspire des principes qui préfigurèrent le régime général avant sa « reprise en main ». L’idée n’est pas nouvelle mais elle se développe à mesure que des collectifs s’en emparent, comme l’association Réseau Salariat dont font partie Laura Petersell et Kévin Certenais. <em>« Elle est née en 2012 et compte une centaine de membres à travers différents groupes locaux en France, en Belgique et en Suisse,</em> explique Laura Petersell. <em>Notre but est d’analyser et de comprendre les racines du système capitaliste, et de proposer un autre modèle qui soit désirable. Nous nous inspirons des travaux du sociologue et chercheur Bernard Friot <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>, qui s’est intéressé à l’histoire de la Sécurité sociale. »</em></p>
<p>Pas question pour les auteurs·ices de se présenter comme des « expert·es » du sujet. Leurs réflexions, tout comme le projet de Sécurité sociale de l’alimentation, sont en mouvement. Iels parlent depuis leurs engagements dans des luttes sociales. <em>« Kévin est paysan et a une activité de cantine,</em> précise Laura Petersell. <em>Moi je viens du monde associatif, à caractère social. La question de l’alimentation est au cœur de nos parcours. »</em> C’est pour partager leurs prises de conscience qu’iels ont décidé d’écrire ce livre.</p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un système mondial</span></strong></span></p>
<p>Rédigé sous forme d’essai, il commence par <em>« cerner l’adversaire »</em> pour <em>« mieux le renverser »</em>. Le constat est sans appel : notre système alimentaire nous est confisqué par une poignée de multinationales soutenues par des gouvernements qui n’ont que la croissance pour horizon.<br />Chaque chapitre est introduit par une anecdote personnelle des auteur·ices, qui développent ensuite leur argumentaire selon cinq angles d’attaque : la question de l’exploitation de la force de travail ; la propriété des outils ; les enjeux de gouvernance ; l’investissement ; et à qui profite le système.</p>
<p>Le système alimentaire tel que nous le connaissons aujourd’hui s’étend bien au-delà des frontières françaises : il est mondial et c’est dans cette perspective macro-économique que se place la critique des auteur·ices.<br />Remontons au temps, très proche, de la colonisation. Pour satisfaire leurs appétits, les colons ont contraint leurs nouveaux territoires à se spécialiser : café, chocolat, sucre, banane, riz, soja… mettant ainsi fin à la culture vivrière locale. Pour les paysan·nes, il ne s’agit plus de produire pour se nourrir, mais de produire pour vendre. Terminés également les marchés locaux : place à l’exportation. <br /><em>« La colonisation, officielle ou officieuse, c’est aussi l’abolition des usages collectifs des terres arables au profit de la propriété privée,</em> écrivent Laura Petersell et Kévin Certenais. <em>Bien que Jean-Jacques Rousseau ait écrit « Les fruits sont à tous et la terre n’est à personne », l’accaparement des terres cultivables a existé aussi loin qu’existe l’agriculture. Certains disent même que c’est l’agriculture qui a fait naître la propriété privée. La colonisation a été l’occasion pour des pays européens (dont la France) d’envahir et de s’approprier les terres arables et ressources naturelles un peu partout dans le monde. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (5)</span> Aujourd’hui, les paysan·nes des pays exploités produisent la majorité de l’alimentation et pourtant, iels ne possèdent pas leurs terres. Exemple au Brésil : <em>« Les petit·es paysan·nes sont responsables de 78 % de la production alimentaire. Elles et ils représentent 84 % des fermes, emploient trois fois plus de personnes que l’agriculture industrielle, mais ne contrôlent que 24 % des terres agricoles. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span></p>
<p>Pour produire plus et plus vite, les paysan·nes sont également contraint·es de s’équiper. La mécanisation est favorisée par l’endettement et rendent les agriculteur·ices vulnérables.<br />Suite à la crise de 1973, le Fonds Monétaire International (FMI) a imposé aux pays endettés une alimentation tournée vers l’export, afin de rembourser les créanciers. Pour ce faire, il a exigé une ouverture totale des marchés sans barrière douanière (idéal pour faire entrer les produits des pays colons), une austérité budgétaire, ainsi que la privatisation des entreprises publiques (idéal pour faire entrer les sociétés des colons dans le pays). Des décisions qui ont impacté la filière alimentaire, influencé l’économie tout entière et la couleur politique des pays. Plus récemment en Grèce, la période d’austérité a eu raison des aspirations populaires des gouvernements de gauche et d’extrême gauche. Sans régler les difficultés de la population.</p>
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<p><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/Regime-General.jpg" alt="Regime General" width="472" height="720" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le poids des multinationales</span></strong></span></p>
<p>En Europe aussi, l’agriculture a connu d’importantes transformations après la Seconde Guerre mondiale. Pour nourrir les populations dans un contexte de reconstruction, les paysan·nes ont été encouragés à « moderniser » leurs fermes. Iels ont disparu au profit d’exploitant·es. Et qui dit exploitant·es dit exploité·es. Aujourd’hui, au sein de l’Union européenne, 2 % des fermes contrôlent 50 % des terres agricoles.<br />Dans leur ouvrage, Laura Petersell et Kévin Certenais montrent à quel point la question de la propriété du foncier, des outils de transformation et de distribution est centrale. Les enseignes de la grande distribution et de l’agro-alimentaire l’ont bien compris et développent des filiales immobilières. C’est ainsi qu’elles parviennent à artificialiser des terres agricoles pour y installer des centres commerciaux toujours plus gigantesques, dans lesquels on retrouve de multiples fast-food qui ne s’approvisionnent bien sûr pas sur le marché local... Saviez-vous, par exemple, que Mac Donald’s gagne plus d’argent par ses loyers que par la vente de nourriture ?</p>
<p>Pour obtenir de meilleurs rendements, les agriculteur·ices ont été encouragés à utiliser des produits (pesticides, herbicides et engrais) mettant en danger leur santé, celle des consommateur·ices et l’environnement. Le tout, au profit de multinationales telles que Bayer-Monsanto.<br />Multinationales qui sont également impliquées dans la privatisation du vivant : semences, plantes, reproduction animale… <span style="font-size: 8pt;">(6)</span> et même dans ce que l’on nomme abusivement les « coopératives agricoles » qui sont en fait de véritables entreprises comme, par exemple, Lactalis et Danone.<br />Elles profitent aussi de la financiarisation des denrées alimentaires : rappelons que le blé et l’eau, éléments nutritifs de base s’il en est, sont cotés en bourse… Et la récente guerre en Ukraine a mis en lumière la fragilité de l’approvisionnement des populations dès lors que l’alimentation devient une monnaie d’échange.</p>
<p>Derrière ces faits, se cachent des milliers de personnes dont la force de travail est exploitée au profit de quelques-un·es et des millions qui n’ont pas accès à une alimentation de qualité à des prix décents.<br />C’est bien en pensant à elleux, que la Sécurité sociale de l’alimentation est envisagée par le Réseau Salariat. <em>« Nous nous intéressons aux êtres humains, pas seulement aux données,</em> souligne Laura Petersell. <em>Sur la partie constat, nous sommes tous·tes d’accord. Il faut donner envie de partager autre chose que de l’abattement. Nous devons passer plus de temps à construire un nouveau système plutôt qu’à se lamenter sur le système existant. »</em></p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Vers une copropriété d’usage des outils de travail</span></strong></span></p>
<p>Dans un premier temps, la Sécurité sociale de l’alimentation co-existera avec le système actuel. <em>« La bourgeoisie a mis cinq siècles à s’organiser avant de prendre le pouvoir à l’aristocratie,</em> rappelle Kévin Certenais. <em>Elle a d’abord pris le pouvoir économique avant de prendre le pouvoir institutionnel. »</em><span style="font-size: 8pt;"> (7)</span> La prochaine révolution se fera également sur un temps long, <em>« en attaquant, secteur par secteur, le système capitaliste »</em>.<br />Comment serait mise en place la Sécurité sociale de l’alimentation ? En créant des caisses à l’échelle des bassins de vie. Elles seraient gérées par des habitant·es et des membres de collectifs de travail, mandaté·es pour une durée déterminée. Les sièges seraient renouvelés par étape, ce qui permettrait aux plus ancien·nes de former les nouveaux et nouvelles.<br />Les caisses locales auraient pour mission de décider des grandes orientations en matière d’alimentation, en fonction des besoins des populations. Organisées en réseau, elles pourraient prévoir des échanges entre elles.</p>
<p>La production serait assurée par des collectifs de travail conventionnés : des fermes et des entreprises de transformation et de distribution qui appartiendraient aux travailleur·ses.<br />Des pratiques existantes permettent déjà de sortir les terres et les entreprises de la logique capitaliste : Laura Petersell et Kévin Certenais citent ainsi l’association Terre de Liens dont la mission est d’acheter des terres et d’y installer des paysan·nes ; l’office foncier La société civile des terres du Larzac ; les SCIC (Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif) et SCOP (Sociétés Coopératives Ouvrières de Production), ou encore les CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole). Les communes lancent également des expériences en achetant des terres, en récupérant des « biens vacants sans maîtres » ou encore, en obligeant les propriétaires à mettre en culture ou louer.<br />Mais Laura Petersell et Kévin Certenais vont plus loin en prônant la copropriété d’usage des outils de travail, dans laquelle les décisions sont prises en voix directe, l’organisation du travail est autogérée et le principe de coresponsabilité de l’ensemble des travailleur·ses domine.</p>
<p>Les collectifs de travail seraient conventionnés par les caisses locales de Sécurité sociale de l’alimentation, qui pourraient être propriétaires de certains communs tels que les terres et les bâtiments agricoles, les lieux de transformation, les cantines…</p>
<p>Parce que<em> « tout être humain travaille dans le sens où tout être humain concourt à faire société »</em>, un salaire à vie serait versé à l’ensemble des travailleur·ses et une allocation mensuelle servant à s’approvisionner dans les entreprises conventionnées. <em>« Un salaire à vie attaché à notre personne et ce, quelle que soit la manière dont nous occupons notre temps »</em>, soulignent Laura Petersell et Kévin Certenais<span style="font-size: 8pt;"> (8)</span>. Le salaire serait ainsi déconnecté de la production alimentaire et se rapprocherait plutôt du traitement des fonctionnaires.</p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un outil puissant : la cotisation sociale</span></strong></span></p>
<p>Comment le financer ? Par la cotisation sociale et interprofessionnelle telle que l’avait imaginée Ambroise Croizat. Contrairement au système actuel qui calcule les cotisations sociales sur la masse salariale, il s’agirait de la calculer sur l’ensemble de la valeur ajoutée de toutes les entreprises. Ce qui permettrait notamment de mettre à contribution celles qui utilisent de plus en plus de machines, et de moins en moins d’êtres humains…<br />Les gouvernements libéraux ont fait le choix de baisser les cotisations sociales et les impôts sur les entreprises, en assurant qu’ainsi elles embaucheraient davantage. Ces mesures ne font en fait qu’enrichir la classe bourgeoise et affaiblir les systèmes d’intérêt commun telles que la Sécurité sociale. Le chômage, lui, ne cesse d’augmenter...</p>
<p>Les auteur·ices rappellent qu’ <em>« entre 1946 et 1983, les taux de cotisations ont augmenté, ce qui a permis le développement du budget de la Sécurité sociale <span style="font-size: 8pt;">(9)</span>. Ainsi, dans les années 1960, des centres hospitaliers universitaires (CHU) et des hôpitaux locaux ont été créés partout sur le territoire français. Cet investissement a grandement amélioré l’accès aux soins de la population. De nos jours, la dégradation avancée de l’hôpital public vient en grande partie du gel du taux de cotisation et d’une gestion étatique qui impose un fonctionnement d’entreprise plutôt qu’une politique de service public »</em>.</p>
<p>Grâce à la cotisation sociale et à la valeur ajoutée produite par les entreprises, le salaire à vie et l’allocation mensuelle pour la consommation seraient garantis. <em>« L’allocation mensuelle sera versée par les caisses de Sécurité sociale à chaque habitant·e. Son montant évoluera au fil des ans en fonction de la part du budget nécessaire à l’investissement. Au début, celle-ci sera conséquente, afin de permettre l’installation de nouvelles entreprises répondant aux critères de conventionnement. Avec le temps, elle pourra diminuer, ce qui permettra d’augmenter la part du budget dédiée au versement de l’allocation. »</em></p>
<p>Dans un premier temps, cette allocation serait dépensée uniquement auprès des entreprises conventionnées afin d’assurer la pérennité de la filière. <em>« Mais le fléchage de ce complément de salaire n’est pas satisfaisant car il est infantilisant (comme les allocations logement directement versées aux propriétaires plutôt qu’aux locataires). Une fois que la filière alimentaire conventionnée sera devenue dominante, l’allocation pourra être convertie en augmentation de salaire classique. »</em> <span style="font-size: 8pt;">(10)</span></p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Un service de restauration collective gratuit</span></strong></span></p>
<p>A l’image des cantines de la Commune de Paris en 1871 ou de la révolution au Nicaragua dans les années 1980, la Sécurité sociale de l’alimentation pourrait mettre en place des services de restauration collective gratuite : <em>« Dans nos vies, les occasions de manger en collectif sont multiples : restaurants d’entreprise, restaurants universitaires, crèches, cantines scolaires, maisons de retraite, etc. La restauration collective pèse lourd (près de quatre milliards de repas servis chaque année en France). Le secteur est aujourd’hui dominé par des multinationales comme Sodexo. La Sécurité sociale de l’alimentation permettra de développer des espaces de restauration collective gratuits pour les usagères et usagers (…) Tout ceci sera déterminé collectivement dans le cadre du débat démocratique porté par chaque caisse de Sécurité sociale. »</em><br />Ces espaces de restauration collective autogérés sont aussi des outils puissants de lutte : sur la Zone A Défendre de Notre-Dame-des-Landes comme lors des grèves paysannes en Inde ou chez les Zapatistes au Mexique, elles constituent une base-arrière indispensable à la poursuite du combat.</p>
<p>Laura Petersell et Kévin Certenais insistent beaucoup sur le travail invisibilisé des femmes, non reconnu et non rémunéré. Iels rappellent aussi combien elles sont victimes de discriminations dans les entreprises, et en particulier lorsqu’il s’agit d’emplois dits peu qualifiés dans l’agriculture, l’agro-alimentaire et la grande distribution. Les services de restauration collective gratuite pourraient soulager les femmes qui aujourd’hui assument très majoritairement le travail des tâches ménagères et la charge mentale inhérente au foyer.</p>
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<p><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/Regime-General_schéma.jpg" alt="Regime General" width="800" height="610" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
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<p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Pas un seul chemin mais de multiples pistes</span></strong></span></p>
<p>L’ouvrage « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation » n’est qu’une esquisse. De nombreuses questions restent en suspens, que les auteur·ices listent d’ailleurs dans le chapitre de conclusion. <em>« C’est voulu</em>, justifie Laura Petersell. <em>Il n’y a pas de réponse aboutie, parce qu’il y aura forcément du conflit, au sens démocratique du terme, du débat, pour installer cette Sécurité sociale. Le livre présente un horizon. Il n’y a pas un seul chemin mais de multiples pistes. »</em></p>
<p>Une chose est sûre : la solution sera collective. Les auteur·ices sont en effet très critiques vis-à-vis <em>« des actes individuels brandis comme des choix politiques »</em> ou <em>« des pratiques sociales présentées comme subversives mais qui restent dans le système »</em>. <em>« Ça n’enlève rien à la puissance de leurs luttes,</em> assure Laura Petersell, <em>mais ça règle seulement certains problèmes, pas tous. Quand on veut changer le système alimentaire, on se concentre souvent uniquement sur la consommation. C’est piégeux. »</em> En effet, ce sont généralement les populations les plus aisées qui ont les moyens de choisir de consommer « autrement ». A l’inverse, Le régime général est un régime pour tous·tes, qui peut être pensé et enrichi par tous·tes. Laura Petersell et Kévin Certenais le présentent partout où iels sont invité·es, afin d’enrichir leur contribution et, pourquoi pas, d’aller plus loin encore : <em>« Dans l’idéal, il faudrait généraliser la socialisation à tous les secteurs ! Tout dépendra du rapport de forces que nous pourrons instaurer. »</em></p>
<p><strong>Fanny Lancelin</strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.securite-sociale.fr/la-secu-cest-quoi/histoire/les-grandes-dates">https://www.securite-sociale.fr/la-secu-cest-quoi/histoire/les-grandes-dates</a><br />(2) « La défense de la Sécurité sociale ». Rapport présenté par Henri Raynaud, secrétaire de la<br />CGT, au Comité confédéral national des 14 et 15 janvier 1947, Editions syndicalistes, Paris,<br />2016. Cité dans « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.62.<br />(3) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.62.<br />(4) Bernard Friot : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Friot_">https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Friot_</a>(sociologue)<br />(5) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.43-44.<br />(6) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.42<br />(7) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.93<br />(8) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.36<br />(9) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.75<br />(10) « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », p.89</span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
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<h3 class="panel-title">Plus</h3>
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• « Régime général. Pour une Sécurité sociale de l’alimentation », aux éditions Riot, est aussi disponible gratuitement en version PDF : <a href="https://riot-editions.fr/ouvrage/regime-general-pour-une-securite-sociale-de-lalimentation-laura-petersell-kevin-certenais/">https://riot-editions.fr/ouvrage/regime-general-pour-une-securite-sociale-de-lalimentation-laura-petersell-kevin-certenais/</a><br /> • Pour en savoir plus sur l’association Réseau Salariat : <a href="https://www.reseau-salariat.info/">https://www.reseau-salariat.info/</a></div>La Chaponnière : produire bio, local, (vraiment) pour tous·tes, avec la participation des habitant·es2017-03-21T12:54:42+01:002017-03-21T12:54:42+01:00http://www.rebonds.net/63agirpourplusdejusticealimentairenov2022/812-lachaponniereproduirebiolocalvraimentpourtoustesaveclaparticipationdeshabitantesSuper User<p><span style="font-size: 18pt;">A</span>gir pour transformer son territoire. Creuser des brèches dans le béton. Y semer des graines. Les nourrir pour qu’une fois épanouies en légumes, elles nourrissent à leur tour. Les partager avec les proches pour multiplier les jardins. Et ainsi, reprendre le pouvoir. Sur les espaces de vie et sur les corps, physiques et politique.</p>
<p>Parce qu’elle touche à de nombreuses vulnérabilités, l’alimentation – comme l’habitat ou le travail – est un sujet éminemment politique qui touche à la justice. Pourquoi seul le public aisé peut consommer des denrées de qualité, respectueuses de l’environnement et des producteur·ices, provenant de circuits locaux ? Pourquoi les populations les plus démunies doivent se contenter de produits de plus mauvaise qualité, venant souvent de loin et transformés dans des conditions écologiques désastreuses ?<br />Les conditions dans lesquelles les populations ont aujourd’hui accès à l'alimentation doivent être questionnées. Les conditions dans lesquelles elles peuvent se réapproprier ce champ d’actions aussi.</p>
<p>C’est l’ambition de la Régie Inter Quartiers C2S à Vierzon, qui a lancé il y a peu l’Ecopôle alimentaire La Chaponnière. Le but : contribuer à développer la production de légumes bio sur le territoire, grâce à la participation active des habitant·es, pour rendre accessible à tous·tes, culturellement et financièrement, une alimentation de qualité. Il s’agit aussi de rendre le territoire plus autonome face aux enjeux climatiques et géopolitiques actuels.</p>
<p>Comment ce projet est-il né ? Quels sont les parcours des personnes qui y participent aujourd’hui ? De quelle manière l’Ecopôle alimentaire La Chaponnière entend modifier le paysage de son territoire ?</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_graff.JPG"> </a></p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_graff.JPG" alt="écopole graff" width="636" height="477" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une dynamique de la ville transformée</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>_____________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>L’idée a germé en 2010, alors que la Régie Inter Quartiers de Vierzon souhaitait se relier avec les habitant·es autrement que par l’emploi. A l’époque, elle propose des chantiers d’insertion autour du second œuvre, du ménage et de l’entretien des espaces verts.<br />Mais en quarante ans, la ville de Vierzon est passée de 33.000 à 27.000 habitant·es <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> et la politique de rénovation urbaine a considérablement transformé la dynamique des quartiers, en même temps que les relations sociales. Comment encourager les habitant·es à investir collectivement leurs espaces de vie ? Autour de quel sujet fédérateur ? L’alimentation était une piste.</p>
<p><em>« Il y a douze ans, nous avons créé un jardin partagé d’environ deux hectares dans le quartier Cellier,</em> raconte Jean-Luc Birski, directeur de C2S. <em>Le problème, c’est que les légumes que nous mettions à disposition partaient à la benne : les gens ne savaient tout simplement pas comment les cuisiner. C’est pourquoi, nous avons monté un restaurant associatif éphémère, à l’auberge de jeunesse. Nous y proposions des ateliers de cuisine et un repas hebdomadaire où se croisaient des publics très différents, dans une ambiance conviviale. Ça a bien marché pendant deux ans. »</em><br />Mais en 2012, C2S doit faire face à d’importantes difficultés financières. Parallèlement, le jardin partagé est régulièrement squatté par des jeunes désœuvré·es qui détruisent tout ce qui s’y trouve. L’auberge de jeunesse tarde à être remise aux normes. Et la Régie Inter Quartiers manque alors de soutien politique pour son projet. <em>« Un contexte merdique localement »</em>, résume sans détours Jean-Luc Birski.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Le développement durable au cœur des quartiers</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Heureusement, nationalement, des portes s’ouvrent : le réseau le Mouvement des Régies<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> décide de placer le développement durable au cœur de ses projets avec des actions sur la précarité énergétique, les déchets et les jardins au pied d’immeubles. Il crée pour cela une association, Si T’es Jardin <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, que Jean-Luc Birski a présidée : <em>« Le développement durable, habituellement, ce n’est pas la priorité dans les quartiers d’habitats sociaux. J’ai fait pas mal de voyages à travers la France pour découvrir les expériences de territoires très différents. »</em> L'association collabore aussi avec des structures telles que l’école Agro Paris Tech qui travaille sur l’agriculture urbaine.</p>
<p>En 2018, la Ville de Vierzon contacte la régie pour débroussailler un site qu’elle a mis en vente : le moulin de la Chaponnière. <em>« Nous l’avons d’abord trouvé extra pour les moutons que nous utilisons en éco-pâturage,</em> raconte Jean-Luc Birski. <em>Et puis, finalement, c’était aussi idéal pour notre projet autour de l’alimentation. Le maire de l’époque, Nicolas Sansu, a tout de suite dit oui. »</em> En février 2020, le conseil municipal le suit et un bail emphytéotique de 18 ans est signé.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_batiment.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le moulin de La Chaponnière (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_batiment.JPG" alt="ecopole batiment" width="651" height="488" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;"></span></strong></p>
<p> </p>
<p>Daté du XVe siècle, le moulin était passé propriété de la Ville dans les années 1970. Devenu centre de loisirs avec puis sans hébergement, et enfin salle des fêtes, il a fermé ses portes faute d’une remise aux normes. Il est resté environ dix ans à l’abandon mais après quelques travaux, C2S y a installé des espaces de stockage, des bureaux, une cuisine et une salle de pause. Autour du moulin, la régie bénéficie de huit hectares de champs et de bois, bordés par la rivière l’Arnon.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________</span></strong></p>
<h3>Former des maraîcher·es bio</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>__________________________________<br /></strong></span></p>
<p>Premier volet du projet à voir le jour en octobre 2020 : le chantier d’insertion en maraîchage bio. Avec une particularité : <em>« Recruter des personnes vraiment intéressées par l’agriculture. »</em> Ce n’est pas toujours le cas : les chantiers d’insertion ont pour but de relancer des personnes éloignées de l’emploi sans qu’ils aient forcément de rapport avec les rêves professionnels des participant·es. Mais pour développer une alimentation locale, il faut bien des cultivateur·ices sur le territoire.</p>
<p>A l’Ecopôle alimentaire, onze personnes suivent un parcours de formation en alternance. Sur le terrain, c’est Yoann Duquesne, chef de culture, encadrant technique, qui les accompagne : <em>« Mon rôle, c’est la planification des cultures, la recherche des variétés, l’organisation des jardins par rapport aux rotations et la gestion du chantier d’insertion. »</em><br />S’iels habitent tous·tes Vierzon et ses alentours, les participant·es ont <em>« des profils variés »</em> : <em>« du sans emploi et sans diplôme au bac + 4, mais tous·tes motivé·es. Il faut simplement réussir à les garder concentré·es. Iels se démotivent vite faute de confiance en elleux. »</em></p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_maraichers.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les maraîcher·es en formation avec Yoann Duquesne (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_maraichers.JPG" alt="écopole matthieu" width="504" height="378" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Sur 1,5 hectare, en plein champ et sous huit serres, iels ont appris à cultiver une soixantaine de variétés. Selon quelles pratiques culturales ? <em>« Nous travaillons avec des semenciers certifiés bio et nous faisons tous nos plants,</em> répond Yoann Duquesne. <em>Nous avons obtenu la certification bio immédiatement à notre installation parce que le site n’avait pas été cultivé pendant 40 ans. Nous n’utilisons aucun engrais chimique. Nous amendons grâce au fumier des moutons et les résidus des chantiers d’entretien des espaces verts. Nous travaillons le foin et le paillage pour éviter un maximum les bâches en plastique. Nous avons un tracteur mais nous utilisons peu la mécanisation. »</em></p>
<p>Le chef de cultures souhaite diversifier au maximum les légumes, en réintroduisant des variétés anciennes ou originales, par exemple. <em>« Avec le changement climatique, les variétés remontent géographiquement. Nous pouvons envisager ce qui est plus exotique et qui est recherché par certaines communautés accueillies à Vierzon. Ça donne lieu à des dégustations et des discussions ! »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>De l’espace-test à la coopérative agricole</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>_______________________________________________</strong></span></p>
<p>Sur les onze personnes engagées au départ, huit sont restées et six souhaitent poursuivre sur la voie du maraîchage. C’est le cas de Joé, Albane, Jonathan et Bastien. <em>« Je n’y connaissais rien du tout,</em> avoue Joé. <em>Avant, j’avais fait un service civique « santé-bien être ». Le chantier m’a permis de savoir me débrouiller, d’être polyvalent et plus autonome. Et le maraîchage m’a plu. J’ai envie de continuer. Peut-être pas en m’installant mais en étant employé. »</em><br />C’est en travaillant dans la vente qu’Albane a découvert les fleurs coupées. Son conseiller à Pôle emploi l’a encouragé à se tourner vers la culture. <em>« Je veux m’installer sur une petite surface, à taille humaine, pour faire des légumes plutôt anciens et planter des fleurs pour faire venir les auxiliaires. J’ai aussi envie d’y mettre des animaux. »</em></p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecolopole_marché.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Jour de marché à la Chaponnière. De gauche à droite : Najiba, Cerel, Albane et Céline (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecolopole_marché.JPG" alt="écopole matthieu" width="583" height="443" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p><br />Jonathan n’était pas du métier non plus : <em>« J’étais très renfermé sur moi. Ici, je me suis ouvert. Il y a une bonne ambiance dans le groupe. On vient de plein d’horizons différents, on se tire vers le haut. »</em> Il souhaite s’installer tout en étant accompagné, <em>« pour faire ses preuves sans prendre trop de risques »</em>.<br />Bastien, qui venait du bâtiment mais partait avec <em>« des bases de maraîchage »</em>, a choisi de se lancer aussi <em>« sur l’espace-test agricole »</em>.</p>
<p>L’espace-test ? <em>« C’est la prochaine étape, en lien avec l’ADDEAR <span style="font-size: 8pt;">(4)</span></em>, explique Jean-Luc Birski. <em>Nous pourrons y aider les futur·es maraîcher·es à mutualiser leurs moyens humains, les outils techniques et les réseaux de commercialisation. La perspective, ce serait quelque chose qui ressemble à une coopérative agricole. »</em><br />La commercialisation est un point délicat. <em>« Pour l’instant, nos légumes sont vendus sur place lors du marché du vendredi,</em> explique Céline Millérioux, responsable du développement de l’Ecopôle. <em>Nous commercialisons un peu en restauration collective, dans les restaurants de Vierzon et en épiceries. Mais nous devons nous faire connaître davantage. Nous avons le projet d’un second marché, en ville, et un site Internet est en préparation pour passer des commandes et les retirer dans des points relais. »</em></p>
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<h3>Bientôt une cuisine mobile</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________</strong></span></p>
<p>A la Chaponnière, une cuisine accueille des ateliers. Mais Céline Millérioux attend avec impatience la cuisine mobile qui sillonnera bientôt les quartiers de Vierzon. <em>« Cela nous permettra de proposer des formations, de promouvoir la production locale et la transformation</em>, souligne-t-elle. <em>Nous voulons montrer que d’autres manières de se nourrir sont possibles et casser les a priori selon lesquels si l’on ne mange pas de viande, c’est qu’on est pauvre ou qu’on ne mange pas équilibré. »</em><br />En ce vendredi 21 octobre sur le marché, à l’occasion de la Quinzaine du goût <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>, elle a proposé un petit déjeuner original aux client·es : carrot cake, pâte à tartiner au chocolat et à la patate douce, confiture de tomates vertes… Celleux qui se sont laissé·es tenter semblaient presque surpris·es d’apprécier !</p>
<p>Cet été, une programmation festive, avec notamment des marchés nocturnes et concerts, a permis de mieux faire connaître le lieu. Mais, situé à cinq kilomètres de Vierzon, ne s’éloigne-t-il pas trop des habitant·es des quartiers ? Aucun transport en commun ne vient en effet jusqu’ici. Une navette serait certainement la bienvenue même si chacun·e semble s’organiser en covoiturage, en vélo et même en trottinette électrique…</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_chat.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : F. Lancelin."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_chat.JPG" alt="écopole chat" width="614" height="460" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Le jardin, porte ouverte vers le lien social</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>________________________________________________</strong></span></p>
<p>Un autre volet de l’Ecopôle se déroule directement dans la ville : celui des jardins partagés au pied d’immeubles. Depuis avril 2021, Matthieu Martin accompagne leur développement : <em>« Il en existe quatre, sur des terrains prêtés par la Ville, à Tunnel-Château, avenue du Colonel-Manhès, à l’église Notre-Dame et rue de Jérusalem. Mais celui-ci va bientôt s’arrêter par manque de proximité et de point d’eau. Des habitant·es s’y investissent, ainsi que des structures comme les centres sociaux ou l’Eglise <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. »</em><br />L’objectif : <em>« provoquer l’espace et le temps de rencontres »</em> autour de la production de légumes. <em>« La rencontre permet de chasser l’ignorance et donc, de vivre ensemble. Nous luttons par exemple contre les clichés sur les personnes issues de la migration qui vivent dans ces quartiers. »</em></p>
<p>Najiba est l’une d’entre elles. Originaire de Syrie où elle était cultivatrice sur une ferme de 150 hectares, elle n’a jamais cessé de mettre les mains dans la terre, même dans son parcours d’exil qui l’a d’abord menée au Liban. En face de son appartement, elle participe à un potager dans lequel poussent actuellement blettes, oignons, choux, persil, menthe, encore un peu de tomates et d’aubergines. Sans oublier le za’atar, l’aromate de son pays d'origine<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span>. <em>« L’été, nous faisons des fêtes ici,</em> raconte-t-elle en désignant un espace où des bancs et des tables ont été construits avec des palettes en bois. <em>Et nous faisons du pain. »</em> Les légumes ? <em>« Distribués aux familles. »</em> Une vingtaine vivent dans son immeuble.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_najiba.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Najiba avec sa famille dans le jardin au pied de leur immeuble (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_najiba.JPG" alt="écopole matthieu" width="555" height="416" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Najiba fait aussi partie de l’équipe du chantier d’insertion à la Chaponnière. Les journées sont longues, souvent fatigantes mais pas question d’abandonner ce petit lopin de terre juste en face du foyer !<br /><em>« Techniquement, les personnes sont libres de cultiver comme elles le souhaitent,</em> précise Matthieu <em>Martin. Il ne s’agit pas d’être dans un rapport sachant / apprenant mais bien de permettre à chacun·e de s’exprimer et de montrer ce qu’iel peut faire. Le jardin partagé est une vraie porte ouverte vers le lien social. »</em></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________</span></strong></p>
<h3>Le compost, même en ville</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________</strong></span></p>
<p><em></em>Son rôle est aussi de développer le compost. Au 1er janvier 2024, les collectivités territoriales qui en ont la compétence auront l’obligation de proposer à leurs administré·es une collecte de déchets alimentaires. L’enjeu est de les recycler pour produire du compost ou du biogaz, et réduire l’activité des centres d’enfouissement ou des usines d’incinération <span style="font-size: 8pt;">(8)</span>.<br /><em>« Nous devons lancer des initiatives pour habituer les gens à composter. Nous expérimentons un modèle école-jardin-compost, avec un compost collectif à Tunnel-Château. Ainsi, quand les enfants sont en vacances, les habitant·es du quartier peuvent prendre le relais ! »</em></p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_matthieu.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Matthieu Martin anime des ateliers autour du compost (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_matthieu.JPG" alt="écopole matthieu" width="637" height="549" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Ce vendredi 21 octobre, <em>« journée mondiale des vers de terre ! »</em>, il a reçu la crèche de Genouilly et l’école de Saint-Hilaire-de-Court pour des animations. <em>« Il faut apporter un côté ludique et sensoriel au sujet, sans discours moralisateur. Les enfants sont alors de très bons ambassadeurs auprès des adultes. »</em><br />De la même manière, un jardin pédagogique animé par Charlotte Garsault accueille tout au long de l’année les établissements scolaires. <em>« Au départ, nous les démarchions. Désormais, nous croulons sous les demandes »</em>, sourit Céline Millérioux.</p>
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<h3>Un programme au-delà de Vierzon</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>_________________________________________</strong></span></p>
<p><em></em>En visant ainsi différents publics, l’Ecopôle s’inscrit dans une démarche ambitieuse, sur du long terme, qui ne s’arrête pas aux contours de la ville de Vierzon : il participe par exemple au programme PATAMIL - équité alimentaire et projets de territoires. Céline Millérioux explique : <em>« Il s’agit d’un programme de recherches auquel j’ai pris part en tant qu’étudiante en géographie à l’Université de Tours. J’ai d’ailleurs réalisé mon mémoire sur la justice alimentaire sur les territoires de Vierzon et de Foëcy. Avec mon directeur d’études, nous avons décidé de poursuivre le partenariat. »</em></p>
<p>PATAMIL part du constat d’une alimentation à deux vitesses : l’une, de qualité et respectueuse de l'environnement, accessible à un public aisé ; l’autre, s’adressant à un public plus pauvre, de mauvaise qualité et produite dans de mauvaises conditions. L’objectif de PATAMIL est de lutter contre ce système au nom de la démocratie et de l’équité alimentaires. Comment ? En croisant des stratégies et des expériences de la Région Centre en France et du Tamil Nadu en Inde<span style="font-size: 8pt;"> (9)</span>. <em>« Arrêtons de regarder les pays du sud comme des vassaux des pays du nord. Ce type de projets permet de changer de regard et de constater que les pays du sud ont beaucoup à nous apprendre »</em>, souligne Céline Milléroux.</p>
<p>De 2022 à 2025, les chercheur·ses de différentes centres <span style="font-size: 8pt;">(10)</span> vont travailler sur les territoires des Pays des Châteaux, du PETR<span style="font-size: 8pt;"> (11)</span> Centre-Cher et Gâtinais-Montargois, la Communauté de communes de Loches-Touraine, et les secteurs indiens de Pondichéry, Maduraï et Jawadhi Hills. Des jeunes en formation participeront également, provenant du lycée agricole du Subdray près de Bourges, du lycée en forêt de Montargis, des lycées hôteliers des deux pays ainsi que des étudiant·es des universités de France et d’Inde.<br />Quel sera le rôle de l’Ecopôle ? <em>« Celui de relais,</em> répond Céline Millérioux, <em>notamment pour faire connaître le programme auprès de celleux qui travaillent sur le PETR. Selon les besoins, il est possible d’accueillir des étudiant·es pour travailler avec nous. Ce serait appréciable quand on connaît les contraintes budgétaires des collectivités, qui n’ont pas toujours les moyens d’embaucher pour ça. »</em></p>
<p>Parmi les missions que l’Ecopôle pourrait confier à ces étudiant·es : un inventaire des terrains disponibles alentour, afin de poursuivre l’objectif d’installer davantage de maraîcher·es, pour toujours plus de justice alimentaire.</p>
<p><strong> Texte et photos : Fanny Lancelin<br /></strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Source INSEE au 30 juin 2016, reprise par la Ville de Vierzon : <a href="https://www.commune-mairie.fr/demographie/vierzon-18279/">https://www.commune-mairie.fr/demographie/vierzon-18279/</a><br />(2) <a href="https://www.lemouvementdesregies.org/">https://www.lemouvementdesregies.org/</a><br />(3) <a href="https://www.lemouvementdesregies.org/si-tes-jardin-les-regies-cultivent-les-territoires-populaires">https://www.lemouvementdesregies.org/si-tes-jardin-les-regies-cultivent-les-territoires-populaires</a><br />(4) Association Départementale pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural, émanation de la Confédération Paysanne. <a href="https://www.agriculturepaysanne.org/addear18">https://www.agriculturepaysanne.org/addear18</a><br />(5) La Quinzaine du goût : <a href="https://fr.calameo.com/books/007124287efd1404965ef">https://fr.calameo.com/books/007124287efd1404965ef</a><br />(6) La paroisse de Vierzon a obtenu le label « Eglise Verte » pour son engagement notamment dans ce jardin. Un label qui récompense les actions de la communauté chrétienne en faveur de l’écologie. Plus d’informations sur www.egliseverte.org<br />(7) <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zaatar">https://fr.wikipedia.org/wiki/Zaatar</a><br />(8) <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15940">https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15940</a><br />(9) Le Tamil Nadu est l’une des cinq régions prioritaires de la politique de coopération décentralisée de la Région Centre.<br />(10) Retrouvez la liste complète des participant·tes sur <a href="http://citeres.univ-tours.fr/spip.php?article3515">http://citeres.univ-tours.fr/spip.php?article3515</a><br />(11) PETR : Pôle d’Equilibre Territorial et Rural. PETR Centre-Cher : <a href="https://www.sirdab.fr/petr/">https://www.sirdab.fr/petr/</a></span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
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<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
<p>• Le marché de l’Ecopôle se déroule tous les vendredis au moulin de la Chaponnière à Saint-Hilaire-de-Court.</p>
<p>• Plus d’informations sur le site <a href="https://www.ecopolelachaponniere.com">www.ecopolelachaponniere.com</a></p>
</div>
</div><p><span style="font-size: 18pt;">A</span>gir pour transformer son territoire. Creuser des brèches dans le béton. Y semer des graines. Les nourrir pour qu’une fois épanouies en légumes, elles nourrissent à leur tour. Les partager avec les proches pour multiplier les jardins. Et ainsi, reprendre le pouvoir. Sur les espaces de vie et sur les corps, physiques et politique.</p>
<p>Parce qu’elle touche à de nombreuses vulnérabilités, l’alimentation – comme l’habitat ou le travail – est un sujet éminemment politique qui touche à la justice. Pourquoi seul le public aisé peut consommer des denrées de qualité, respectueuses de l’environnement et des producteur·ices, provenant de circuits locaux ? Pourquoi les populations les plus démunies doivent se contenter de produits de plus mauvaise qualité, venant souvent de loin et transformés dans des conditions écologiques désastreuses ?<br />Les conditions dans lesquelles les populations ont aujourd’hui accès à l'alimentation doivent être questionnées. Les conditions dans lesquelles elles peuvent se réapproprier ce champ d’actions aussi.</p>
<p>C’est l’ambition de la Régie Inter Quartiers C2S à Vierzon, qui a lancé il y a peu l’Ecopôle alimentaire La Chaponnière. Le but : contribuer à développer la production de légumes bio sur le territoire, grâce à la participation active des habitant·es, pour rendre accessible à tous·tes, culturellement et financièrement, une alimentation de qualité. Il s’agit aussi de rendre le territoire plus autonome face aux enjeux climatiques et géopolitiques actuels.</p>
<p>Comment ce projet est-il né ? Quels sont les parcours des personnes qui y participent aujourd’hui ? De quelle manière l’Ecopôle alimentaire La Chaponnière entend modifier le paysage de son territoire ?</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_graff.JPG"> </a></p>
<p><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_graff.JPG" alt="écopole graff" width="636" height="477" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Une dynamique de la ville transformée</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>_____________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>L’idée a germé en 2010, alors que la Régie Inter Quartiers de Vierzon souhaitait se relier avec les habitant·es autrement que par l’emploi. A l’époque, elle propose des chantiers d’insertion autour du second œuvre, du ménage et de l’entretien des espaces verts.<br />Mais en quarante ans, la ville de Vierzon est passée de 33.000 à 27.000 habitant·es <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> et la politique de rénovation urbaine a considérablement transformé la dynamique des quartiers, en même temps que les relations sociales. Comment encourager les habitant·es à investir collectivement leurs espaces de vie ? Autour de quel sujet fédérateur ? L’alimentation était une piste.</p>
<p><em>« Il y a douze ans, nous avons créé un jardin partagé d’environ deux hectares dans le quartier Cellier,</em> raconte Jean-Luc Birski, directeur de C2S. <em>Le problème, c’est que les légumes que nous mettions à disposition partaient à la benne : les gens ne savaient tout simplement pas comment les cuisiner. C’est pourquoi, nous avons monté un restaurant associatif éphémère, à l’auberge de jeunesse. Nous y proposions des ateliers de cuisine et un repas hebdomadaire où se croisaient des publics très différents, dans une ambiance conviviale. Ça a bien marché pendant deux ans. »</em><br />Mais en 2012, C2S doit faire face à d’importantes difficultés financières. Parallèlement, le jardin partagé est régulièrement squatté par des jeunes désœuvré·es qui détruisent tout ce qui s’y trouve. L’auberge de jeunesse tarde à être remise aux normes. Et la Régie Inter Quartiers manque alors de soutien politique pour son projet. <em>« Un contexte merdique localement »</em>, résume sans détours Jean-Luc Birski.</p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________________________</span></strong></p>
<h3>Le développement durable au cœur des quartiers</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p>
<p>Heureusement, nationalement, des portes s’ouvrent : le réseau le Mouvement des Régies<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span> décide de placer le développement durable au cœur de ses projets avec des actions sur la précarité énergétique, les déchets et les jardins au pied d’immeubles. Il crée pour cela une association, Si T’es Jardin <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, que Jean-Luc Birski a présidée : <em>« Le développement durable, habituellement, ce n’est pas la priorité dans les quartiers d’habitats sociaux. J’ai fait pas mal de voyages à travers la France pour découvrir les expériences de territoires très différents. »</em> L'association collabore aussi avec des structures telles que l’école Agro Paris Tech qui travaille sur l’agriculture urbaine.</p>
<p>En 2018, la Ville de Vierzon contacte la régie pour débroussailler un site qu’elle a mis en vente : le moulin de la Chaponnière. <em>« Nous l’avons d’abord trouvé extra pour les moutons que nous utilisons en éco-pâturage,</em> raconte Jean-Luc Birski. <em>Et puis, finalement, c’était aussi idéal pour notre projet autour de l’alimentation. Le maire de l’époque, Nicolas Sansu, a tout de suite dit oui. »</em> En février 2020, le conseil municipal le suit et un bail emphytéotique de 18 ans est signé.</p>
<p> </p>
<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_batiment.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le moulin de La Chaponnière (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_batiment.JPG" alt="ecopole batiment" width="651" height="488" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
<p><strong><span style="color: #fc615d;"></span></strong></p>
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<p>Daté du XVe siècle, le moulin était passé propriété de la Ville dans les années 1970. Devenu centre de loisirs avec puis sans hébergement, et enfin salle des fêtes, il a fermé ses portes faute d’une remise aux normes. Il est resté environ dix ans à l’abandon mais après quelques travaux, C2S y a installé des espaces de stockage, des bureaux, une cuisine et une salle de pause. Autour du moulin, la régie bénéficie de huit hectares de champs et de bois, bordés par la rivière l’Arnon.</p>
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<h3>Former des maraîcher·es bio</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>__________________________________<br /></strong></span></p>
<p>Premier volet du projet à voir le jour en octobre 2020 : le chantier d’insertion en maraîchage bio. Avec une particularité : <em>« Recruter des personnes vraiment intéressées par l’agriculture. »</em> Ce n’est pas toujours le cas : les chantiers d’insertion ont pour but de relancer des personnes éloignées de l’emploi sans qu’ils aient forcément de rapport avec les rêves professionnels des participant·es. Mais pour développer une alimentation locale, il faut bien des cultivateur·ices sur le territoire.</p>
<p>A l’Ecopôle alimentaire, onze personnes suivent un parcours de formation en alternance. Sur le terrain, c’est Yoann Duquesne, chef de culture, encadrant technique, qui les accompagne : <em>« Mon rôle, c’est la planification des cultures, la recherche des variétés, l’organisation des jardins par rapport aux rotations et la gestion du chantier d’insertion. »</em><br />S’iels habitent tous·tes Vierzon et ses alentours, les participant·es ont <em>« des profils variés »</em> : <em>« du sans emploi et sans diplôme au bac + 4, mais tous·tes motivé·es. Il faut simplement réussir à les garder concentré·es. Iels se démotivent vite faute de confiance en elleux. »</em></p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_maraichers.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Les maraîcher·es en formation avec Yoann Duquesne (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_maraichers.JPG" alt="écopole matthieu" width="504" height="378" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Sur 1,5 hectare, en plein champ et sous huit serres, iels ont appris à cultiver une soixantaine de variétés. Selon quelles pratiques culturales ? <em>« Nous travaillons avec des semenciers certifiés bio et nous faisons tous nos plants,</em> répond Yoann Duquesne. <em>Nous avons obtenu la certification bio immédiatement à notre installation parce que le site n’avait pas été cultivé pendant 40 ans. Nous n’utilisons aucun engrais chimique. Nous amendons grâce au fumier des moutons et les résidus des chantiers d’entretien des espaces verts. Nous travaillons le foin et le paillage pour éviter un maximum les bâches en plastique. Nous avons un tracteur mais nous utilisons peu la mécanisation. »</em></p>
<p>Le chef de cultures souhaite diversifier au maximum les légumes, en réintroduisant des variétés anciennes ou originales, par exemple. <em>« Avec le changement climatique, les variétés remontent géographiquement. Nous pouvons envisager ce qui est plus exotique et qui est recherché par certaines communautés accueillies à Vierzon. Ça donne lieu à des dégustations et des discussions ! »</em></p>
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<h3>De l’espace-test à la coopérative agricole</h3>
<p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>_______________________________________________</strong></span></p>
<p>Sur les onze personnes engagées au départ, huit sont restées et six souhaitent poursuivre sur la voie du maraîchage. C’est le cas de Joé, Albane, Jonathan et Bastien. <em>« Je n’y connaissais rien du tout,</em> avoue Joé. <em>Avant, j’avais fait un service civique « santé-bien être ». Le chantier m’a permis de savoir me débrouiller, d’être polyvalent et plus autonome. Et le maraîchage m’a plu. J’ai envie de continuer. Peut-être pas en m’installant mais en étant employé. »</em><br />C’est en travaillant dans la vente qu’Albane a découvert les fleurs coupées. Son conseiller à Pôle emploi l’a encouragé à se tourner vers la culture. <em>« Je veux m’installer sur une petite surface, à taille humaine, pour faire des légumes plutôt anciens et planter des fleurs pour faire venir les auxiliaires. J’ai aussi envie d’y mettre des animaux. »</em></p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecolopole_marché.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Jour de marché à la Chaponnière. De gauche à droite : Najiba, Cerel, Albane et Céline (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecolopole_marché.JPG" alt="écopole matthieu" width="583" height="443" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p><br />Jonathan n’était pas du métier non plus : <em>« J’étais très renfermé sur moi. Ici, je me suis ouvert. Il y a une bonne ambiance dans le groupe. On vient de plein d’horizons différents, on se tire vers le haut. »</em> Il souhaite s’installer tout en étant accompagné, <em>« pour faire ses preuves sans prendre trop de risques »</em>.<br />Bastien, qui venait du bâtiment mais partait avec <em>« des bases de maraîchage »</em>, a choisi de se lancer aussi <em>« sur l’espace-test agricole »</em>.</p>
<p>L’espace-test ? <em>« C’est la prochaine étape, en lien avec l’ADDEAR <span style="font-size: 8pt;">(4)</span></em>, explique Jean-Luc Birski. <em>Nous pourrons y aider les futur·es maraîcher·es à mutualiser leurs moyens humains, les outils techniques et les réseaux de commercialisation. La perspective, ce serait quelque chose qui ressemble à une coopérative agricole. »</em><br />La commercialisation est un point délicat. <em>« Pour l’instant, nos légumes sont vendus sur place lors du marché du vendredi,</em> explique Céline Millérioux, responsable du développement de l’Ecopôle. <em>Nous commercialisons un peu en restauration collective, dans les restaurants de Vierzon et en épiceries. Mais nous devons nous faire connaître davantage. Nous avons le projet d’un second marché, en ville, et un site Internet est en préparation pour passer des commandes et les retirer dans des points relais. »</em></p>
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<h3>Bientôt une cuisine mobile</h3>
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<p>A la Chaponnière, une cuisine accueille des ateliers. Mais Céline Millérioux attend avec impatience la cuisine mobile qui sillonnera bientôt les quartiers de Vierzon. <em>« Cela nous permettra de proposer des formations, de promouvoir la production locale et la transformation</em>, souligne-t-elle. <em>Nous voulons montrer que d’autres manières de se nourrir sont possibles et casser les a priori selon lesquels si l’on ne mange pas de viande, c’est qu’on est pauvre ou qu’on ne mange pas équilibré. »</em><br />En ce vendredi 21 octobre sur le marché, à l’occasion de la Quinzaine du goût <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>, elle a proposé un petit déjeuner original aux client·es : carrot cake, pâte à tartiner au chocolat et à la patate douce, confiture de tomates vertes… Celleux qui se sont laissé·es tenter semblaient presque surpris·es d’apprécier !</p>
<p>Cet été, une programmation festive, avec notamment des marchés nocturnes et concerts, a permis de mieux faire connaître le lieu. Mais, situé à cinq kilomètres de Vierzon, ne s’éloigne-t-il pas trop des habitant·es des quartiers ? Aucun transport en commun ne vient en effet jusqu’ici. Une navette serait certainement la bienvenue même si chacun·e semble s’organiser en covoiturage, en vélo et même en trottinette électrique…</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_chat.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Photo : F. Lancelin."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_chat.JPG" alt="écopole chat" width="614" height="460" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<h3>Le jardin, porte ouverte vers le lien social</h3>
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<p>Un autre volet de l’Ecopôle se déroule directement dans la ville : celui des jardins partagés au pied d’immeubles. Depuis avril 2021, Matthieu Martin accompagne leur développement : <em>« Il en existe quatre, sur des terrains prêtés par la Ville, à Tunnel-Château, avenue du Colonel-Manhès, à l’église Notre-Dame et rue de Jérusalem. Mais celui-ci va bientôt s’arrêter par manque de proximité et de point d’eau. Des habitant·es s’y investissent, ainsi que des structures comme les centres sociaux ou l’Eglise <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>. »</em><br />L’objectif : <em>« provoquer l’espace et le temps de rencontres »</em> autour de la production de légumes. <em>« La rencontre permet de chasser l’ignorance et donc, de vivre ensemble. Nous luttons par exemple contre les clichés sur les personnes issues de la migration qui vivent dans ces quartiers. »</em></p>
<p>Najiba est l’une d’entre elles. Originaire de Syrie où elle était cultivatrice sur une ferme de 150 hectares, elle n’a jamais cessé de mettre les mains dans la terre, même dans son parcours d’exil qui l’a d’abord menée au Liban. En face de son appartement, elle participe à un potager dans lequel poussent actuellement blettes, oignons, choux, persil, menthe, encore un peu de tomates et d’aubergines. Sans oublier le za’atar, l’aromate de son pays d'origine<span style="font-size: 8pt;"> (7)</span>. <em>« L’été, nous faisons des fêtes ici,</em> raconte-t-elle en désignant un espace où des bancs et des tables ont été construits avec des palettes en bois. <em>Et nous faisons du pain. »</em> Les légumes ? <em>« Distribués aux familles. »</em> Une vingtaine vivent dans son immeuble.</p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_najiba.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Najiba avec sa famille dans le jardin au pied de leur immeuble (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/ecopole_najiba.JPG" alt="écopole matthieu" width="555" height="416" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Najiba fait aussi partie de l’équipe du chantier d’insertion à la Chaponnière. Les journées sont longues, souvent fatigantes mais pas question d’abandonner ce petit lopin de terre juste en face du foyer !<br /><em>« Techniquement, les personnes sont libres de cultiver comme elles le souhaitent,</em> précise Matthieu <em>Martin. Il ne s’agit pas d’être dans un rapport sachant / apprenant mais bien de permettre à chacun·e de s’exprimer et de montrer ce qu’iel peut faire. Le jardin partagé est une vraie porte ouverte vers le lien social. »</em></p>
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<h3>Le compost, même en ville</h3>
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<p><em></em>Son rôle est aussi de développer le compost. Au 1er janvier 2024, les collectivités territoriales qui en ont la compétence auront l’obligation de proposer à leurs administré·es une collecte de déchets alimentaires. L’enjeu est de les recycler pour produire du compost ou du biogaz, et réduire l’activité des centres d’enfouissement ou des usines d’incinération <span style="font-size: 8pt;">(8)</span>.<br /><em>« Nous devons lancer des initiatives pour habituer les gens à composter. Nous expérimentons un modèle école-jardin-compost, avec un compost collectif à Tunnel-Château. Ainsi, quand les enfants sont en vacances, les habitant·es du quartier peuvent prendre le relais ! »</em></p>
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<p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_matthieu.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Matthieu Martin anime des ateliers autour du compost (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_matthieu.JPG" alt="écopole matthieu" width="637" height="549" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p>
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<p>Ce vendredi 21 octobre, <em>« journée mondiale des vers de terre ! »</em>, il a reçu la crèche de Genouilly et l’école de Saint-Hilaire-de-Court pour des animations. <em>« Il faut apporter un côté ludique et sensoriel au sujet, sans discours moralisateur. Les enfants sont alors de très bons ambassadeurs auprès des adultes. »</em><br />De la même manière, un jardin pédagogique animé par Charlotte Garsault accueille tout au long de l’année les établissements scolaires. <em>« Au départ, nous les démarchions. Désormais, nous croulons sous les demandes »</em>, sourit Céline Millérioux.</p>
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<h3>Un programme au-delà de Vierzon</h3>
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<p><em></em>En visant ainsi différents publics, l’Ecopôle s’inscrit dans une démarche ambitieuse, sur du long terme, qui ne s’arrête pas aux contours de la ville de Vierzon : il participe par exemple au programme PATAMIL - équité alimentaire et projets de territoires. Céline Millérioux explique : <em>« Il s’agit d’un programme de recherches auquel j’ai pris part en tant qu’étudiante en géographie à l’Université de Tours. J’ai d’ailleurs réalisé mon mémoire sur la justice alimentaire sur les territoires de Vierzon et de Foëcy. Avec mon directeur d’études, nous avons décidé de poursuivre le partenariat. »</em></p>
<p>PATAMIL part du constat d’une alimentation à deux vitesses : l’une, de qualité et respectueuse de l'environnement, accessible à un public aisé ; l’autre, s’adressant à un public plus pauvre, de mauvaise qualité et produite dans de mauvaises conditions. L’objectif de PATAMIL est de lutter contre ce système au nom de la démocratie et de l’équité alimentaires. Comment ? En croisant des stratégies et des expériences de la Région Centre en France et du Tamil Nadu en Inde<span style="font-size: 8pt;"> (9)</span>. <em>« Arrêtons de regarder les pays du sud comme des vassaux des pays du nord. Ce type de projets permet de changer de regard et de constater que les pays du sud ont beaucoup à nous apprendre »</em>, souligne Céline Milléroux.</p>
<p>De 2022 à 2025, les chercheur·ses de différentes centres <span style="font-size: 8pt;">(10)</span> vont travailler sur les territoires des Pays des Châteaux, du PETR<span style="font-size: 8pt;"> (11)</span> Centre-Cher et Gâtinais-Montargois, la Communauté de communes de Loches-Touraine, et les secteurs indiens de Pondichéry, Maduraï et Jawadhi Hills. Des jeunes en formation participeront également, provenant du lycée agricole du Subdray près de Bourges, du lycée en forêt de Montargis, des lycées hôteliers des deux pays ainsi que des étudiant·es des universités de France et d’Inde.<br />Quel sera le rôle de l’Ecopôle ? <em>« Celui de relais,</em> répond Céline Millérioux, <em>notamment pour faire connaître le programme auprès de celleux qui travaillent sur le PETR. Selon les besoins, il est possible d’accueillir des étudiant·es pour travailler avec nous. Ce serait appréciable quand on connaît les contraintes budgétaires des collectivités, qui n’ont pas toujours les moyens d’embaucher pour ça. »</em></p>
<p>Parmi les missions que l’Ecopôle pourrait confier à ces étudiant·es : un inventaire des terrains disponibles alentour, afin de poursuivre l’objectif d’installer davantage de maraîcher·es, pour toujours plus de justice alimentaire.</p>
<p><strong> Texte et photos : Fanny Lancelin<br /></strong></p>
<p><span style="font-size: 8pt;">(1) Source INSEE au 30 juin 2016, reprise par la Ville de Vierzon : <a href="https://www.commune-mairie.fr/demographie/vierzon-18279/">https://www.commune-mairie.fr/demographie/vierzon-18279/</a><br />(2) <a href="https://www.lemouvementdesregies.org/">https://www.lemouvementdesregies.org/</a><br />(3) <a href="https://www.lemouvementdesregies.org/si-tes-jardin-les-regies-cultivent-les-territoires-populaires">https://www.lemouvementdesregies.org/si-tes-jardin-les-regies-cultivent-les-territoires-populaires</a><br />(4) Association Départementale pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural, émanation de la Confédération Paysanne. <a href="https://www.agriculturepaysanne.org/addear18">https://www.agriculturepaysanne.org/addear18</a><br />(5) La Quinzaine du goût : <a href="https://fr.calameo.com/books/007124287efd1404965ef">https://fr.calameo.com/books/007124287efd1404965ef</a><br />(6) La paroisse de Vierzon a obtenu le label « Eglise Verte » pour son engagement notamment dans ce jardin. Un label qui récompense les actions de la communauté chrétienne en faveur de l’écologie. Plus d’informations sur www.egliseverte.org<br />(7) <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zaatar">https://fr.wikipedia.org/wiki/Zaatar</a><br />(8) <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15940">https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15940</a><br />(9) Le Tamil Nadu est l’une des cinq régions prioritaires de la politique de coopération décentralisée de la Région Centre.<br />(10) Retrouvez la liste complète des participant·tes sur <a href="http://citeres.univ-tours.fr/spip.php?article3515">http://citeres.univ-tours.fr/spip.php?article3515</a><br />(11) PETR : Pôle d’Equilibre Territorial et Rural. PETR Centre-Cher : <a href="https://www.sirdab.fr/petr/">https://www.sirdab.fr/petr/</a></span></p>
<p><span style="font-size: 8pt;"></span></p>
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<div class="panel panel-primary">
<div class="panel-heading">
<h3 class="panel-title">Plus</h3>
<p>• Le marché de l’Ecopôle se déroule tous les vendredis au moulin de la Chaponnière à Saint-Hilaire-de-Court.</p>
<p>• Plus d’informations sur le site <a href="https://www.ecopolelachaponniere.com">www.ecopolelachaponniere.com</a></p>
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