# 25 Cathédrale de Jean Linard, bien commun (mai 2019) (Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale. http://www.rebonds.net/cathedraledejeanlinardbiencommun 2023-05-11T18:58:08+02:00 (Re)bonds.net Joomla! - Open Source Content Management « Habiter et bâtir autrement » en résidence à la Cathédrale 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/cathedraledejeanlinardbiencommun/508-habiteretbatirautrementalacathedrale Super User <p><strong>Il y a un an, les associations Autour de la Cathédrale de Jean Linard, Patrimoines Irréguliers de France (PIF) et la Coopération Intégrale du Berry (CIB) lançaient un projet appelé «&nbsp;Habiter et bâtir autrement&nbsp;» <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Comment s'est-il concrétisé&nbsp;? Quels sont les événements à venir&nbsp;?</strong></p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>La genèse du projet</strong></span></p> <p>C'est une tribune rédigée par un collectif d'architectes, d'urbanistes, de paysagistes et de citoyen.nes et publiée sur Médiapart qui a déclenché le projet. Ils entendaient réagir et faire réagir contre les expulsions et les destructions annoncées des habitats de la Zone A Défendre (ZAD) à Notre-Dame-des-Landes. C'était il y a un an, en avril 2018.<br />Ils parlaient <em>«&nbsp;modes de construction autres&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;nouvelles formes d'organisations&nbsp;»</em>. Ils écrivaient&nbsp;: <em>«&nbsp;force poétique des nombreuses cabanes dans les arbres&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;habitats légers&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;inventivité architecturale, manuelle, bricoleuse et créative&nbsp;»</em>, réappropriation de <em>«&nbsp;l'acte de construire&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;patrimoine vivant&nbsp;»</em>…</p> <p>Ces mots ont trouvé écho dans la Cathédrale de Jean Linard, œuvre hors-les-normes sortie d'un esprit libre, entretenue et animée par l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard.<br />Ils ont résonné avec le travail de l'association Patrimoines Irréguliers de France, dont le but est la sauvegarde et la mise en valeur des environnements singuliers (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).<br />Ils sont arrivés jusqu'à la Coopération Intégrale du Berry qui expérimente au quotidien des formes d'habitats collectifs et s'interroge sur la notion «&nbsp;d'habiter&nbsp;» un territoire.</p> <p>Ensemble, ils ont souhaité répondre à ce qui sonnait comme un appel&nbsp;: défendre d'autres manières d'habiter le monde. C'est ainsi que le cycle de réflexions et d'animations «&nbsp;Habiter et bâtir autrement&nbsp;» est né.<br />Ils ont formulé une question pour tisser un fil conducteur au projet&nbsp;: <em>«&nbsp;Comment des habitants peuvent protéger un site hors-les-normes qu'ils considèrent comme bien commun&nbsp;?&nbsp;»</em> <br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un premier temps fort à la Cathédrale<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/habiter_et_batir_autrement_1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une des tables-rondes du premier temps fort de &quot;Habiter et bâtir autrement&quot; (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/habiter_et_batir_autrement_1.JPG" alt="habiter et batir autrement 1" width="572" height="429" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></strong></span><br /><br />Samedi 20 et dimanche 21 octobre 2018, la Cathédrale de Jean Linard à Neuvy-deux-Clochers a accueilli un week-end de recherches et d'échanges.</p> <p>Le samedi, y ont été présentées la situation de la Cathédrale et la volonté d'un groupe d'habitants de la transformer en bien commun <em>(lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>).<br />Une projection de films a permis aux participants de découvrir les quatre types de lieux sur lesquels porte le projet&nbsp;: les ZAD, les squats, les guerrilla gardening <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> et les environnements singuliers. Ceux-ci possèdent des points communs&nbsp;: ils ont été imaginés, construits et habités en dehors des normes (d'urbanisme, sociétales, politiques, culturelles). En cela, ils sont des formes d'expression et / ou de résistance à des formes d'être et de vie imposées par la société capitaliste et de consommation. Ils se dressent pour créer d'autres espaces, des reliefs, ouvrent des horizons. Ils expérimentent de nouveaux modes de vie et d'organisation et ainsi, d'autres rapports humains.</p> <p>Les échanges se sont poursuivis autour d'un exposé sur les définitions possibles des «&nbsp;patrimoines irréguliers&nbsp;» et les stratégies de sauvegarde pour ces héritages atypiques <em>(lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).<br />Le tour de table a pris fin par le partage de l'expérience d'Emmetrop <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, une association basée à Bourges qui a fait du squat d'une friche industrielle, un lieu culturel et officiel incontournable du département.</p> <p>Le dimanche, une restitution des échanges était proposée au public.</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Des échanges avec d'autres lieux<br /></strong></span></p> <p>Le deuxième temps fort s'est déroulé les samedi 23 et dimanche 24 février 2019 sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.</p> <p>Sous un soleil généreux, le comité «&nbsp;Habiter et défendre&nbsp;» et la commission «&nbsp;Habitat&nbsp;» de la ZAD, PIF, la CIB, des architectes, des universitaires, des artistes, des habitants ont échangé sur la question du bien commun et des patrimoines irréguliers, mais aussi des friches ou encore du patrimoine insurgent.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/zad_habiter_et_bâtir.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Lors du deuxième temps fort, les participants ont travaillé par petits groupes. (Photo : F. Lancelin)"><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/zad_habiter_et_bâtir.JPG" alt="zad habiter et bâtir" width="526" height="395" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Des ateliers ont permis de débattre des stratégies à adopter au niveau juridique, au niveau médiatique et au niveau institutionnel, pour pérenniser ces lieux hors-les-normes sans les dénaturer, les compromettre, voire renier jusqu'à leur raison d'être.</p> <p>En Loire-Atlantique comme dans le Berry, des problématiques communes surgissent : par exemple, la question des PLUI, Plans Locaux d'Urbanisme Intercommunaux. Sur tout le territoire français, les intercommunalités doivent établir ce document, autrefois réalisé à l'échelle communale. Il comprend notamment le zonage déterminant les parcelles constructibles, agricoles ou encore les zones humides. Il est donc primordial en terme d'aménagement du territoire, particulièrement lorsqu'on défend des zones ou des sites en danger.<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span><br />Autre sujet d'actualité commun&nbsp;: la constitution d'un fonds de dotation. Dans le Berry, un projet est à l'étude par plusieurs associations ; le fonds pourrait notamment servir à la restauration de la Cathédrale de Jean Linard. Sur la ZAD, le fonds de dotation «&nbsp;La Terre en Commun&nbsp;» a pour ambition d'acquérir collectivement bâti, terres et forêts pour préserver ce qui a été construit et expérimenté depuis tant d'années <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p> <p>Des temps conviviaux (projection, concert, balade…) ont permis aux participants de mieux se connaître et d'envisager de nouveaux rendez-vous.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Les événements à venir</span></strong></span></p> <p>Le prochain temps fort fera partie intégrante de la saison culturelle de la Cathédrale de Jean Linard, puisqu'il s'organisera sous la forme d'une résidence, du 1er juillet au 10 juillet.<br />L'occasion de convier des artistes du Berry et d'ailleurs pour créer autour de la question du bien commun. Le public sera aussi invité à participer… <br />Le programme détaillé est en cours d'élaboration. Il sera très prochainement annoncé ici et sur le site de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard, où sont réunies toutes les informations sur le projet <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.<br /><br /><strong>Fanny Lancelin</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Lire aussi l'article «&nbsp;Défendons d'autres manières d'habiter&nbsp;», n° 13 de (Re)bonds&nbsp;: <a href="http://www.rebonds.net/lazadpartout/418-defendonsdautresmanieresdhabiter">http://rebonds.net/lazadpartout/418-defendonsdautresmanieresdhabiter</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Guerrilla gardening&nbsp;: forme de lutte par l'occupation d'espaces transformés en jardins. Par exemple, le quartier libre des Lentillères à Dijon&nbsp;: <a href="https://lentilleres.potager.org/">https://lentilleres.potager.org/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Emmetrop&nbsp;: <a href="http://www.emmetrop.fr/">http://www.emmetrop.fr/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Enquête publique dans le cadre du PLUI Erdre et Gesvres&nbsp;: <a href="https://www.registre-dematerialise.fr/1125">https://www.registre-dematerialise.fr/1125</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Fonds de dotation «&nbsp;La Terre en Commun&nbsp;» : <a href="https://zad.nadir.org/spip.php?article6260">https://zad.nadir.org/spip.php?article6260</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(6) <a href="https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/evenements/saison-2019/habiter-et-batir-autrement-2">https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/evenements/saison-2019/habiter-et-batir-autrement-2</a></span></p> <p><strong>Il y a un an, les associations Autour de la Cathédrale de Jean Linard, Patrimoines Irréguliers de France (PIF) et la Coopération Intégrale du Berry (CIB) lançaient un projet appelé «&nbsp;Habiter et bâtir autrement&nbsp;» <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>. Comment s'est-il concrétisé&nbsp;? Quels sont les événements à venir&nbsp;?</strong></p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>La genèse du projet</strong></span></p> <p>C'est une tribune rédigée par un collectif d'architectes, d'urbanistes, de paysagistes et de citoyen.nes et publiée sur Médiapart qui a déclenché le projet. Ils entendaient réagir et faire réagir contre les expulsions et les destructions annoncées des habitats de la Zone A Défendre (ZAD) à Notre-Dame-des-Landes. C'était il y a un an, en avril 2018.<br />Ils parlaient <em>«&nbsp;modes de construction autres&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;nouvelles formes d'organisations&nbsp;»</em>. Ils écrivaient&nbsp;: <em>«&nbsp;force poétique des nombreuses cabanes dans les arbres&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;habitats légers&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;inventivité architecturale, manuelle, bricoleuse et créative&nbsp;»</em>, réappropriation de <em>«&nbsp;l'acte de construire&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;patrimoine vivant&nbsp;»</em>…</p> <p>Ces mots ont trouvé écho dans la Cathédrale de Jean Linard, œuvre hors-les-normes sortie d'un esprit libre, entretenue et animée par l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard.<br />Ils ont résonné avec le travail de l'association Patrimoines Irréguliers de France, dont le but est la sauvegarde et la mise en valeur des environnements singuliers (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).<br />Ils sont arrivés jusqu'à la Coopération Intégrale du Berry qui expérimente au quotidien des formes d'habitats collectifs et s'interroge sur la notion «&nbsp;d'habiter&nbsp;» un territoire.</p> <p>Ensemble, ils ont souhaité répondre à ce qui sonnait comme un appel&nbsp;: défendre d'autres manières d'habiter le monde. C'est ainsi que le cycle de réflexions et d'animations «&nbsp;Habiter et bâtir autrement&nbsp;» est né.<br />Ils ont formulé une question pour tisser un fil conducteur au projet&nbsp;: <em>«&nbsp;Comment des habitants peuvent protéger un site hors-les-normes qu'ils considèrent comme bien commun&nbsp;?&nbsp;»</em> <br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un premier temps fort à la Cathédrale<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/habiter_et_batir_autrement_1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Une des tables-rondes du premier temps fort de &quot;Habiter et bâtir autrement&quot; (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/habiter_et_batir_autrement_1.JPG" alt="habiter et batir autrement 1" width="572" height="429" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></strong></span><br /><br />Samedi 20 et dimanche 21 octobre 2018, la Cathédrale de Jean Linard à Neuvy-deux-Clochers a accueilli un week-end de recherches et d'échanges.</p> <p>Le samedi, y ont été présentées la situation de la Cathédrale et la volonté d'un groupe d'habitants de la transformer en bien commun <em>(lire aussi la rubrique (Ré)acteurs</em>).<br />Une projection de films a permis aux participants de découvrir les quatre types de lieux sur lesquels porte le projet&nbsp;: les ZAD, les squats, les guerrilla gardening <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> et les environnements singuliers. Ceux-ci possèdent des points communs&nbsp;: ils ont été imaginés, construits et habités en dehors des normes (d'urbanisme, sociétales, politiques, culturelles). En cela, ils sont des formes d'expression et / ou de résistance à des formes d'être et de vie imposées par la société capitaliste et de consommation. Ils se dressent pour créer d'autres espaces, des reliefs, ouvrent des horizons. Ils expérimentent de nouveaux modes de vie et d'organisation et ainsi, d'autres rapports humains.</p> <p>Les échanges se sont poursuivis autour d'un exposé sur les définitions possibles des «&nbsp;patrimoines irréguliers&nbsp;» et les stratégies de sauvegarde pour ces héritages atypiques <em>(lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>).<br />Le tour de table a pris fin par le partage de l'expérience d'Emmetrop <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, une association basée à Bourges qui a fait du squat d'une friche industrielle, un lieu culturel et officiel incontournable du département.</p> <p>Le dimanche, une restitution des échanges était proposée au public.</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Des échanges avec d'autres lieux<br /></strong></span></p> <p>Le deuxième temps fort s'est déroulé les samedi 23 et dimanche 24 février 2019 sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.</p> <p>Sous un soleil généreux, le comité «&nbsp;Habiter et défendre&nbsp;» et la commission «&nbsp;Habitat&nbsp;» de la ZAD, PIF, la CIB, des architectes, des universitaires, des artistes, des habitants ont échangé sur la question du bien commun et des patrimoines irréguliers, mais aussi des friches ou encore du patrimoine insurgent.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/zad_habiter_et_bâtir.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Lors du deuxième temps fort, les participants ont travaillé par petits groupes. (Photo : F. Lancelin)"><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/zad_habiter_et_bâtir.JPG" alt="zad habiter et bâtir" width="526" height="395" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Des ateliers ont permis de débattre des stratégies à adopter au niveau juridique, au niveau médiatique et au niveau institutionnel, pour pérenniser ces lieux hors-les-normes sans les dénaturer, les compromettre, voire renier jusqu'à leur raison d'être.</p> <p>En Loire-Atlantique comme dans le Berry, des problématiques communes surgissent : par exemple, la question des PLUI, Plans Locaux d'Urbanisme Intercommunaux. Sur tout le territoire français, les intercommunalités doivent établir ce document, autrefois réalisé à l'échelle communale. Il comprend notamment le zonage déterminant les parcelles constructibles, agricoles ou encore les zones humides. Il est donc primordial en terme d'aménagement du territoire, particulièrement lorsqu'on défend des zones ou des sites en danger.<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span><br />Autre sujet d'actualité commun&nbsp;: la constitution d'un fonds de dotation. Dans le Berry, un projet est à l'étude par plusieurs associations ; le fonds pourrait notamment servir à la restauration de la Cathédrale de Jean Linard. Sur la ZAD, le fonds de dotation «&nbsp;La Terre en Commun&nbsp;» a pour ambition d'acquérir collectivement bâti, terres et forêts pour préserver ce qui a été construit et expérimenté depuis tant d'années <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p> <p>Des temps conviviaux (projection, concert, balade…) ont permis aux participants de mieux se connaître et d'envisager de nouveaux rendez-vous.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Les événements à venir</span></strong></span></p> <p>Le prochain temps fort fera partie intégrante de la saison culturelle de la Cathédrale de Jean Linard, puisqu'il s'organisera sous la forme d'une résidence, du 1er juillet au 10 juillet.<br />L'occasion de convier des artistes du Berry et d'ailleurs pour créer autour de la question du bien commun. Le public sera aussi invité à participer… <br />Le programme détaillé est en cours d'élaboration. Il sera très prochainement annoncé ici et sur le site de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard, où sont réunies toutes les informations sur le projet <span style="font-size: 8pt;">(6)</span>.<br /><br /><strong>Fanny Lancelin</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Lire aussi l'article «&nbsp;Défendons d'autres manières d'habiter&nbsp;», n° 13 de (Re)bonds&nbsp;: <a href="http://www.rebonds.net/lazadpartout/418-defendonsdautresmanieresdhabiter">http://rebonds.net/lazadpartout/418-defendonsdautresmanieresdhabiter</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Guerrilla gardening&nbsp;: forme de lutte par l'occupation d'espaces transformés en jardins. Par exemple, le quartier libre des Lentillères à Dijon&nbsp;: <a href="https://lentilleres.potager.org/">https://lentilleres.potager.org/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) Emmetrop&nbsp;: <a href="http://www.emmetrop.fr/">http://www.emmetrop.fr/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Enquête publique dans le cadre du PLUI Erdre et Gesvres&nbsp;: <a href="https://www.registre-dematerialise.fr/1125">https://www.registre-dematerialise.fr/1125</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Fonds de dotation «&nbsp;La Terre en Commun&nbsp;» : <a href="https://zad.nadir.org/spip.php?article6260">https://zad.nadir.org/spip.php?article6260</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(6) <a href="https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/evenements/saison-2019/habiter-et-batir-autrement-2">https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/evenements/saison-2019/habiter-et-batir-autrement-2</a></span></p> Architecture sans architectes : une utopie libertaire 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/cathedraledejeanlinardbiencommun/509-architecturesansarchitectes Super User <p><strong>Roberta Trapani est docteure en histoire de l'art et curatrice indépendante. Avec Chiara Scordato et Danilo Proietti (entre autres), elle a fondé l'association Patrimoines Irréguliers de France <em>(lire aussi les rubriques (Ré)acteurs et (Re)découvrir</em>). Elle nous livre ici quelques réflexions issues de ses travaux de recherche.</strong></p> <p style="text-align: right;"><span style="font-size: 10pt;"><em>«&nbsp;Les constructeurs en sont perdus, mais d’inquiétantes pyramides résistent aux banalisations des agences de voyage.
 Le facteur Cheval a bâti dans son jardin d’Hauterives, en travaillant toutes les nuits de sa vie, son injustifiable «&nbsp;Palais Idéal&nbsp;» qui est la première manifestation d’une architecture de dépaysement. Ce Palais baroque qui détourne les formes de divers monuments exotiques, et d’une végétation de pierre, ne sert qu’à se perdre. Son influence sera bientôt immense.&nbsp;» </em></span><br /><span style="font-size: 10pt;"><em>Guy Debord, «&nbsp;Prochaine Planète&nbsp;», Potlatch, n° 4, 4-13 juillet 1954.</em></span></p> <p style="text-align: left;">Insoutenable. Comment définir autrement la forme d’habitat qui déferle actuellement dans notre société ? Écologiquement non-durable, éthiquement injustifiable, esthétiquement inacceptable, notre habitat est schizophrène. D’une part, on voit chatoyer les mégalomanies architecturales et urbaines des archistars&nbsp;: des constructions spectaculaires et autoréférentielles, parfois intéressantes, mais le plus souvent incapables de répondre aux besoins réels de la population et du territoire dans lequel elles surgissent. D’autre part, on voit se multiplier des stéréotypes de typologies architecturales «&nbsp;locales&nbsp;» qui ne renvoient ni à des endroits précis ni à une époque particulière, mais qui créent une ambiance familière et rassurante : une sorte de grotesque parade du vide. Sous le choc de la globalisation, le paysage contemporain change, talonné par la consommation, pendant qu’il augmente inexorablement la distance entre l’espace habité et celui qui l’habite, entre l’identité d’un individu ou d’une communauté, et les lieux.<br />Entre les mailles de ce tissu bâti, épais et dépersonnalisant, il existe cependant des lieux de résistance où l’on expérimente de nouvelles formes de convivialité et de créativité. Ce sont des espaces interstitiels où l’individu n’est plus le sujet passif de relations de pouvoir et de mécanismes de marché, mais un acteur capable d’habiter la terre d’une manière responsable et poétique. Aux quatre coins du monde, des individus extravagants, des collectifs indisciplinés ou des communautés entières produisent des actions ou construisent des univers relationnels qui constituent des antidotes puissants contre le sentiment d’anonymat et de solitude qu’on a dans tous ces espaces de consommation et de passage frénétique avec lesquels on nous oblige à cohabiter. C’est grâce à ces pratiques que le temps de la consommation passive se change en temps ludique-constructif et que l’habitat insoutenable se transforme en un théâtre de liberté créatrice.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Habitants-paysagistes</span></strong></span><br /><br />Le transcendant Satrape du Collège de Pataphysique Camille Renault (1866-1954), pâtissier et animateur de fêtes, reconstruit deux fois sa maison à l’architecture ingénieuse, ainsi que son «&nbsp;Jardin des Surprises&nbsp;» où, autrefois, une nature artificielle hébergeait une communauté ludique en ciment habillé. Il y met en scène sa mythologie quotidienne, un carnaval de personnages pittoresques et familiers, transformant son habitat en un espace d’expérimentation et de représentation. Tout comme Josué Virgili (1901-1994) et Jean Grard (1928-2004), inventeurs de jardins animés, Renault donne libre expression à ses tendances instinctives, magnifiant un acte consubstantiel à la culture : le jeu. Pour sa part, Danielle Jacqui (1934) fait éclater la structure modeste de son habitation de Roquevaire au rythme de sa créativité. A l’intérieur comme à l’extérieur, des inscriptions y prolifèrent, à côté de grandes peintures murales, bas-reliefs, assemblages et mosaïques aux couleurs chatoyantes, réalisés à partir de matériaux de récupération. En Beauce (Québec), dans un terrain avoisinant une forêt, le contestataire Richard Greaves (1950) raille quant à lui les règles de la construction. Démembrant de vieilles bâtisses, il crée une citadelle symbolique de cabanes éclatées.</p> <p style="text-align: left;">Camille Renault, Josué Virgili, Jean Grard, Danielle Jacqui, Richard Greaves font partie de la grande famille des habitants-paysagistes (Lassus, 1975)&nbsp;: des femmes et des hommes prêts à défier la fureur délocalisante des multinationales économiques et la pauvreté sémantique du paysage urbain contemporain en construisant leur propre utopie. Ils appartiennent majoritairement aux classes populaires et à la frange inférieure des classes moyennes et procèdent en utilisant des rebuts récoltés dans leur environnement immédiat, qu’ils réemploient, assemblent, détournent. Ils interprètent instinctivement des besoins et des facultés humaines fondamentales devenus imperceptibles, car occultés par les faux désirs produits par le spectacle de la société de consommation&nbsp;: le besoin de jouer, la faculté de fabriquer. Autodidactes, ils jouent avec les matériaux glanés, en expérimentant diverses techniques et en exploitant un outillage rudimentaire. Ils donnent forme ainsi à des ensembles structurés, colorés, « kitsch » et en même temps inventifs : des façades historiées, des clôtures ouvragées, des constructions ingénieuses, des bestiaires de ciment, des assemblages ou des archisculptures monumentaux. C’est un travail quotidien, à la fois manuel et intellectuel, expérimental et évolutif, qui change en suivant le rythme de vie des auteurs et déborde parfois, jusqu’à envahir l’espace public.<br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"></span></p> <p style="text-align: left;"><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Potlach</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Ces créations sont offertes métaphoriquement à la collectivité. Elles embellissent une habitation à l’architecture souvent banale, mais elles sont aussi les théâtres d’une action, d’un rituel quotidien ayant ses spectateurs&nbsp;: les habitants du lieu, les promeneurs. Ceux-ci sont appelés à observer l’auteur à l’œuvre pendant qu’il collecte ses matériaux ou réalise ses productions, ils sont invités à découvrir, à parcourir une œuvre-lieux qui modifie non seulement un espace de vie personnel, mais aussi l’habitat collectif. <em>«&nbsp;Bonjour aux promeneurs !&nbsp;»</em>, lit-on à l’entrée du jardin de Fernand Châtelain (1899-1988) à Fyé, près d’Alençon (France), en bordure de la nationale 138 ; <em>« Ralenti regarde moi »</em>, <em>« Stop visites à l’œil »</em>&nbsp;; <em>« Visites interdites depuis la route DANGER On visite à l’intérieur »</em>, écrit Joseph Donadello (1927) dans des panneaux placés juste en dehors de son jardin de statues humoristiques en ciment coloré s’étendant en bordure d’une route champêtre à Saiguède (Haute-Garonne). Dans ces espaces, a lieu une rencontre, un échange, entre l’individu et la collectivité.<br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Fragilité</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Ces environnements hors normes existent sur tous les continents et font l’objet d’une attention particulière en France et aux Etats-Unis (souvent dans les domaines de l’art brut et de l’outsider art). Cependant, leur connaissance demeure réservée à un cercle restreint d’amateurs. Sauf quelques cas éclatants, ils restent méconnus. Parfois, ils sont appréciés comme des curiosités locales. Ils sont de ce fait difficiles à découvrir, leur documentation est fragmentaire. De nombreuses informations demeurent dans la mémoire des gens ou dans des archives privées, sous forme de photos et de vidéo amateurs. Réalisés avec des techniques improvisées et des matériaux inappropriés, ils se révèlent enfin éphémères. Les habitants-paysagistes se préoccupent rarement de la conservation de leurs productions et, après leur décès, celles-ci risquent de disparaître. Nécessitant un entretien constant et étant parfois dénoncées comme des constructions illégales, elles suscitent des réactions contrastées chez les héritiers. Le risque de disparition est souvent aggravé par l’indifférence ou l’hostilité des populations locales, incapables de convertir leur regard pour reconnaître la valeur et le potentiel énorme de ces sites pour le territoire dans lequel ils surgissent. <a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Roberta_à_la_zad.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Roberta Trapani lors d'un exposé sur les environnements singuliers à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Roberta_à_la_zad.JPG" alt="Roberta à la zad" width="638" height="601" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Invitation au voyage</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Comment faire face alors au sort de ces héritages ? Ce sont des entrelacements dynamiques d’objets fortement ancrés à leur territoire d’origine. Pour qu’ils ne s’étiolent pas, on devrait évidemment éviter de les morceler et/ou de les déplacer dans des collections publiques ou privées, comme cela arrive souvent. Toute tentative de muséification paraît paradoxale car, malgré les bonnes intentions, elle engendrerait inévitablement une sorte de momification.<br />Certains intellectuels se sont penchés sur le problème de la postérité de ces «&nbsp;environnements singuliers&nbsp;». Laurent Danchin rédige en 2003 S.O.S. Environnements singuliers. Programme International de Sauvegarde des Environnements d’Art Populaire, un projet culturel 
pour le 
Fonds International pour la Promotion de la Culture - Unesco, et Eva di Stefano <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> signale l’urgence d’une Charte européenne pour leur protection. Certains passionnés ont également fait un travail de recensement extraordinaire, partagé dans des archives en ligne<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span>. Mais ces expériences sont poétiques en raison de leur nature éphémère et évolutive et il n’existe aucun autre moyen d’appréhender leur âme que de les visiter avant qu’elles ne disparaissent. Ce dont on a besoin est alors, avant tout, d’éduquer nos yeux à distinguer dans la marge les témoignages précieux d’une mémoire collective. <br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Les fils rouges de l'indiscipline</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Avec mes amis du PIF (Patrimoines irréguliers de France), j’ai traversé les territoires à la recherche de lieux hors normes, de rencontres insolites, de situations inattendues. Nos pérégrinations se sont inspirées des excursions urbaines de Dada, des errances des premiers surréalistes ou des dérives urbaines des situationnistes. Aux yeux de ces artistes, l’urbanisme moderne est une sorte de dictature, dominée par la surveillance policière&nbsp;et imprégnée par une morale chrétienne. Ce totalitarisme urbain a fait de l'habitation la prison modèle et ambitionne de supprimer la rue, le lieu par excellence du dépaysement, afin de pouvoir surveiller avec plus d’efficacité la vie des gens, renfermés comme ils le sont dans leurs îlots. <br />En s’affranchissant de l’idée de l’œuvre comme matérialité, les dadaïstes, les situationnistes, puis les artistes du Land Art, ont choisi la marche comme medium artistique dont la valeur esthétique réside uniquement dans sa capacité à savoir interpréter, donc qualifier, le territoire.</p> <p style="text-align: left;">C’est grâce à cet héritage « cinéplastique » que nous avons choisi de nous mettre en route. En entrelaçant des cartographies réelles et imaginaires, nous avons traversé les frontières entre des mondes souvent présentés comme hermétiques&nbsp;: le monde de l’art et celui du non-art&nbsp;; le monde de la lutte intime et celui de la lutte sociale et politique. A travers l’errance, nous avons découvert une grande œuvre collective en devenir. Nous avons constaté que les fils rouges qui lient les «&nbsp;radicaux&nbsp;» et les «&nbsp;marginaux&nbsp;» sont nombreux et que le travail des habitants-paysagistes n’est pas du tout solitaire. Il est au contraire étroitement lié à d’autres formes et pratiques indisciplinées&nbsp;: des cabanes bricolées sur les ZAD et les ronds-points, des espaces provisoires pour célébrer des fêtes et des rituels communautaires, des écovillages et des utopies sociales qui réinterprètent l’histoire profonde du territoire où elles naissent, ou encore des laboratoires improvisés, des installations et des jardins urbains clandestins où l’on cultive la sociabilité, la réciprocité et l’expression créative. Hommages au «&nbsp;do it yourself&nbsp;», toutes ces utopies concrètes sont des lieux à la fois identitaires et relationnels, se nourrissant de la relation avec l’environnement et avec les matériaux&nbsp;; des matériaux que notre société a abandonnés dans une décharge ou oubliés sur les rives d’un fleuve et qu’ils recueillent et ramènent à la vie, dans des élaborations prodigieusement poétiques. <br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Faire rêver</strong></span></p> <p style="text-align: left;">En défiant les règles de la société globalisée et spectaculaire, ces pratiques indisciplinées semblent satisfaire toutes un même désir, qu’on pourrait qualifier de surréaliste-révolutionnaire. Au sens du devoir de la vie courante et au rêve d’immobilité dont se nourrit l’utopie monumentale, elles opposent le provisoire, l’éphémère, le changeant, invitant l’architecture et le jeu à se retrouver. Elles lancent une critique au style caserne propre au fonctionnalisme et donnent une réponse à l’un des problèmes plus grands de la société contemporaine&nbsp;: l’organisation des loisirs. Ce qui n’est rien d’autre qu’une manière d’organiser, donc d’imbriquer et de réprimer,&nbsp;la liberté des individus et des foules. L’architecture retrouve alors, grâce à leurs actions, tout son sens, puisqu’elle redevient un moyen individuel et collectif d’articuler le temps et l’espace, de s’approprier la réalité, de faire rêver.<br /><br /><strong>Roberta Trapani</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Ex-professeur d’Histoire de l’art contemporain à l’Université de Palerme, elle dirige, depuis 2008, l’Osservatorio Outsider Art ainsi que sa revue scientifique en ligne&nbsp;: voir <a href="http://www.outsiderartsicilia.it">www.outsiderartsicilia.it</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Parmi les archives en ligne consacrées aux environnements singuliers, le plus connu est celui de SPACES [Saving and Preserving Arts and Cultural Environments], organisation fondé par Seymour Rosen et dirigée par Jo Farb Hernández&nbsp;(<a href="http://spacesarchives.org">http://spacesarchives.org</a>). Pour l’Europe, on peut faire référence au blog de Henk Van Es (<a href="https://outsider-environments.blogspot.com">https://outsider-environments.blogspot.com</a>)&nbsp;; pour l’Italie, au site de Costruttori di Babele, conçu par l’anthropologue Gabriele Mina (<a href="http://www.costruttoridibabele.net">http://www.costruttoridibabele.net</a>)&nbsp;; pour la France, au site promu par le LaM Lille Métropole Musée (habitants-paysagistes.musee-lam.fr) et au blog historique de Bruno Montpied (<a href="http://lepoignardsubtil.hautetfort.com">http://lepoignardsubtil.hautetfort.com</a>)&nbsp;qui a publié également le premier inventaire général des environnements réalisés en France par «&nbsp;des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement&nbsp; inventifs&nbsp;», où sont répertoriés et décrits 305 sites disparus ou existants. Voir B. Montpied, Le Gazouillis des éléphants, Editions du Sandre, 2017.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) PiF (Patrimoines irréguliers de France) est une association que j’ai cofondée en 2012, ayant pour objectif la protection et la mise en valeur d’univers inventés par des irréguliers de l’art.</span></p> <p><strong>Roberta Trapani est docteure en histoire de l'art et curatrice indépendante. Avec Chiara Scordato et Danilo Proietti (entre autres), elle a fondé l'association Patrimoines Irréguliers de France <em>(lire aussi les rubriques (Ré)acteurs et (Re)découvrir</em>). Elle nous livre ici quelques réflexions issues de ses travaux de recherche.</strong></p> <p style="text-align: right;"><span style="font-size: 10pt;"><em>«&nbsp;Les constructeurs en sont perdus, mais d’inquiétantes pyramides résistent aux banalisations des agences de voyage.
 Le facteur Cheval a bâti dans son jardin d’Hauterives, en travaillant toutes les nuits de sa vie, son injustifiable «&nbsp;Palais Idéal&nbsp;» qui est la première manifestation d’une architecture de dépaysement. Ce Palais baroque qui détourne les formes de divers monuments exotiques, et d’une végétation de pierre, ne sert qu’à se perdre. Son influence sera bientôt immense.&nbsp;» </em></span><br /><span style="font-size: 10pt;"><em>Guy Debord, «&nbsp;Prochaine Planète&nbsp;», Potlatch, n° 4, 4-13 juillet 1954.</em></span></p> <p style="text-align: left;">Insoutenable. Comment définir autrement la forme d’habitat qui déferle actuellement dans notre société ? Écologiquement non-durable, éthiquement injustifiable, esthétiquement inacceptable, notre habitat est schizophrène. D’une part, on voit chatoyer les mégalomanies architecturales et urbaines des archistars&nbsp;: des constructions spectaculaires et autoréférentielles, parfois intéressantes, mais le plus souvent incapables de répondre aux besoins réels de la population et du territoire dans lequel elles surgissent. D’autre part, on voit se multiplier des stéréotypes de typologies architecturales «&nbsp;locales&nbsp;» qui ne renvoient ni à des endroits précis ni à une époque particulière, mais qui créent une ambiance familière et rassurante : une sorte de grotesque parade du vide. Sous le choc de la globalisation, le paysage contemporain change, talonné par la consommation, pendant qu’il augmente inexorablement la distance entre l’espace habité et celui qui l’habite, entre l’identité d’un individu ou d’une communauté, et les lieux.<br />Entre les mailles de ce tissu bâti, épais et dépersonnalisant, il existe cependant des lieux de résistance où l’on expérimente de nouvelles formes de convivialité et de créativité. Ce sont des espaces interstitiels où l’individu n’est plus le sujet passif de relations de pouvoir et de mécanismes de marché, mais un acteur capable d’habiter la terre d’une manière responsable et poétique. Aux quatre coins du monde, des individus extravagants, des collectifs indisciplinés ou des communautés entières produisent des actions ou construisent des univers relationnels qui constituent des antidotes puissants contre le sentiment d’anonymat et de solitude qu’on a dans tous ces espaces de consommation et de passage frénétique avec lesquels on nous oblige à cohabiter. C’est grâce à ces pratiques que le temps de la consommation passive se change en temps ludique-constructif et que l’habitat insoutenable se transforme en un théâtre de liberté créatrice.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Habitants-paysagistes</span></strong></span><br /><br />Le transcendant Satrape du Collège de Pataphysique Camille Renault (1866-1954), pâtissier et animateur de fêtes, reconstruit deux fois sa maison à l’architecture ingénieuse, ainsi que son «&nbsp;Jardin des Surprises&nbsp;» où, autrefois, une nature artificielle hébergeait une communauté ludique en ciment habillé. Il y met en scène sa mythologie quotidienne, un carnaval de personnages pittoresques et familiers, transformant son habitat en un espace d’expérimentation et de représentation. Tout comme Josué Virgili (1901-1994) et Jean Grard (1928-2004), inventeurs de jardins animés, Renault donne libre expression à ses tendances instinctives, magnifiant un acte consubstantiel à la culture : le jeu. Pour sa part, Danielle Jacqui (1934) fait éclater la structure modeste de son habitation de Roquevaire au rythme de sa créativité. A l’intérieur comme à l’extérieur, des inscriptions y prolifèrent, à côté de grandes peintures murales, bas-reliefs, assemblages et mosaïques aux couleurs chatoyantes, réalisés à partir de matériaux de récupération. En Beauce (Québec), dans un terrain avoisinant une forêt, le contestataire Richard Greaves (1950) raille quant à lui les règles de la construction. Démembrant de vieilles bâtisses, il crée une citadelle symbolique de cabanes éclatées.</p> <p style="text-align: left;">Camille Renault, Josué Virgili, Jean Grard, Danielle Jacqui, Richard Greaves font partie de la grande famille des habitants-paysagistes (Lassus, 1975)&nbsp;: des femmes et des hommes prêts à défier la fureur délocalisante des multinationales économiques et la pauvreté sémantique du paysage urbain contemporain en construisant leur propre utopie. Ils appartiennent majoritairement aux classes populaires et à la frange inférieure des classes moyennes et procèdent en utilisant des rebuts récoltés dans leur environnement immédiat, qu’ils réemploient, assemblent, détournent. Ils interprètent instinctivement des besoins et des facultés humaines fondamentales devenus imperceptibles, car occultés par les faux désirs produits par le spectacle de la société de consommation&nbsp;: le besoin de jouer, la faculté de fabriquer. Autodidactes, ils jouent avec les matériaux glanés, en expérimentant diverses techniques et en exploitant un outillage rudimentaire. Ils donnent forme ainsi à des ensembles structurés, colorés, « kitsch » et en même temps inventifs : des façades historiées, des clôtures ouvragées, des constructions ingénieuses, des bestiaires de ciment, des assemblages ou des archisculptures monumentaux. C’est un travail quotidien, à la fois manuel et intellectuel, expérimental et évolutif, qui change en suivant le rythme de vie des auteurs et déborde parfois, jusqu’à envahir l’espace public.<br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"></span></p> <p style="text-align: left;"><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Potlach</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Ces créations sont offertes métaphoriquement à la collectivité. Elles embellissent une habitation à l’architecture souvent banale, mais elles sont aussi les théâtres d’une action, d’un rituel quotidien ayant ses spectateurs&nbsp;: les habitants du lieu, les promeneurs. Ceux-ci sont appelés à observer l’auteur à l’œuvre pendant qu’il collecte ses matériaux ou réalise ses productions, ils sont invités à découvrir, à parcourir une œuvre-lieux qui modifie non seulement un espace de vie personnel, mais aussi l’habitat collectif. <em>«&nbsp;Bonjour aux promeneurs !&nbsp;»</em>, lit-on à l’entrée du jardin de Fernand Châtelain (1899-1988) à Fyé, près d’Alençon (France), en bordure de la nationale 138 ; <em>« Ralenti regarde moi »</em>, <em>« Stop visites à l’œil »</em>&nbsp;; <em>« Visites interdites depuis la route DANGER On visite à l’intérieur »</em>, écrit Joseph Donadello (1927) dans des panneaux placés juste en dehors de son jardin de statues humoristiques en ciment coloré s’étendant en bordure d’une route champêtre à Saiguède (Haute-Garonne). Dans ces espaces, a lieu une rencontre, un échange, entre l’individu et la collectivité.<br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Fragilité</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Ces environnements hors normes existent sur tous les continents et font l’objet d’une attention particulière en France et aux Etats-Unis (souvent dans les domaines de l’art brut et de l’outsider art). Cependant, leur connaissance demeure réservée à un cercle restreint d’amateurs. Sauf quelques cas éclatants, ils restent méconnus. Parfois, ils sont appréciés comme des curiosités locales. Ils sont de ce fait difficiles à découvrir, leur documentation est fragmentaire. De nombreuses informations demeurent dans la mémoire des gens ou dans des archives privées, sous forme de photos et de vidéo amateurs. Réalisés avec des techniques improvisées et des matériaux inappropriés, ils se révèlent enfin éphémères. Les habitants-paysagistes se préoccupent rarement de la conservation de leurs productions et, après leur décès, celles-ci risquent de disparaître. Nécessitant un entretien constant et étant parfois dénoncées comme des constructions illégales, elles suscitent des réactions contrastées chez les héritiers. Le risque de disparition est souvent aggravé par l’indifférence ou l’hostilité des populations locales, incapables de convertir leur regard pour reconnaître la valeur et le potentiel énorme de ces sites pour le territoire dans lequel ils surgissent. <a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Roberta_à_la_zad.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Roberta Trapani lors d'un exposé sur les environnements singuliers à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Roberta_à_la_zad.JPG" alt="Roberta à la zad" width="638" height="601" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Invitation au voyage</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Comment faire face alors au sort de ces héritages ? Ce sont des entrelacements dynamiques d’objets fortement ancrés à leur territoire d’origine. Pour qu’ils ne s’étiolent pas, on devrait évidemment éviter de les morceler et/ou de les déplacer dans des collections publiques ou privées, comme cela arrive souvent. Toute tentative de muséification paraît paradoxale car, malgré les bonnes intentions, elle engendrerait inévitablement une sorte de momification.<br />Certains intellectuels se sont penchés sur le problème de la postérité de ces «&nbsp;environnements singuliers&nbsp;». Laurent Danchin rédige en 2003 S.O.S. Environnements singuliers. Programme International de Sauvegarde des Environnements d’Art Populaire, un projet culturel 
pour le 
Fonds International pour la Promotion de la Culture - Unesco, et Eva di Stefano <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> signale l’urgence d’une Charte européenne pour leur protection. Certains passionnés ont également fait un travail de recensement extraordinaire, partagé dans des archives en ligne<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span>. Mais ces expériences sont poétiques en raison de leur nature éphémère et évolutive et il n’existe aucun autre moyen d’appréhender leur âme que de les visiter avant qu’elles ne disparaissent. Ce dont on a besoin est alors, avant tout, d’éduquer nos yeux à distinguer dans la marge les témoignages précieux d’une mémoire collective. <br /><br /><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Les fils rouges de l'indiscipline</span></strong></p> <p style="text-align: left;">Avec mes amis du PIF (Patrimoines irréguliers de France), j’ai traversé les territoires à la recherche de lieux hors normes, de rencontres insolites, de situations inattendues. Nos pérégrinations se sont inspirées des excursions urbaines de Dada, des errances des premiers surréalistes ou des dérives urbaines des situationnistes. Aux yeux de ces artistes, l’urbanisme moderne est une sorte de dictature, dominée par la surveillance policière&nbsp;et imprégnée par une morale chrétienne. Ce totalitarisme urbain a fait de l'habitation la prison modèle et ambitionne de supprimer la rue, le lieu par excellence du dépaysement, afin de pouvoir surveiller avec plus d’efficacité la vie des gens, renfermés comme ils le sont dans leurs îlots. <br />En s’affranchissant de l’idée de l’œuvre comme matérialité, les dadaïstes, les situationnistes, puis les artistes du Land Art, ont choisi la marche comme medium artistique dont la valeur esthétique réside uniquement dans sa capacité à savoir interpréter, donc qualifier, le territoire.</p> <p style="text-align: left;">C’est grâce à cet héritage « cinéplastique » que nous avons choisi de nous mettre en route. En entrelaçant des cartographies réelles et imaginaires, nous avons traversé les frontières entre des mondes souvent présentés comme hermétiques&nbsp;: le monde de l’art et celui du non-art&nbsp;; le monde de la lutte intime et celui de la lutte sociale et politique. A travers l’errance, nous avons découvert une grande œuvre collective en devenir. Nous avons constaté que les fils rouges qui lient les «&nbsp;radicaux&nbsp;» et les «&nbsp;marginaux&nbsp;» sont nombreux et que le travail des habitants-paysagistes n’est pas du tout solitaire. Il est au contraire étroitement lié à d’autres formes et pratiques indisciplinées&nbsp;: des cabanes bricolées sur les ZAD et les ronds-points, des espaces provisoires pour célébrer des fêtes et des rituels communautaires, des écovillages et des utopies sociales qui réinterprètent l’histoire profonde du territoire où elles naissent, ou encore des laboratoires improvisés, des installations et des jardins urbains clandestins où l’on cultive la sociabilité, la réciprocité et l’expression créative. Hommages au «&nbsp;do it yourself&nbsp;», toutes ces utopies concrètes sont des lieux à la fois identitaires et relationnels, se nourrissant de la relation avec l’environnement et avec les matériaux&nbsp;; des matériaux que notre société a abandonnés dans une décharge ou oubliés sur les rives d’un fleuve et qu’ils recueillent et ramènent à la vie, dans des élaborations prodigieusement poétiques. <br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Faire rêver</strong></span></p> <p style="text-align: left;">En défiant les règles de la société globalisée et spectaculaire, ces pratiques indisciplinées semblent satisfaire toutes un même désir, qu’on pourrait qualifier de surréaliste-révolutionnaire. Au sens du devoir de la vie courante et au rêve d’immobilité dont se nourrit l’utopie monumentale, elles opposent le provisoire, l’éphémère, le changeant, invitant l’architecture et le jeu à se retrouver. Elles lancent une critique au style caserne propre au fonctionnalisme et donnent une réponse à l’un des problèmes plus grands de la société contemporaine&nbsp;: l’organisation des loisirs. Ce qui n’est rien d’autre qu’une manière d’organiser, donc d’imbriquer et de réprimer,&nbsp;la liberté des individus et des foules. L’architecture retrouve alors, grâce à leurs actions, tout son sens, puisqu’elle redevient un moyen individuel et collectif d’articuler le temps et l’espace, de s’approprier la réalité, de faire rêver.<br /><br /><strong>Roberta Trapani</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Ex-professeur d’Histoire de l’art contemporain à l’Université de Palerme, elle dirige, depuis 2008, l’Osservatorio Outsider Art ainsi que sa revue scientifique en ligne&nbsp;: voir <a href="http://www.outsiderartsicilia.it">www.outsiderartsicilia.it</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Parmi les archives en ligne consacrées aux environnements singuliers, le plus connu est celui de SPACES [Saving and Preserving Arts and Cultural Environments], organisation fondé par Seymour Rosen et dirigée par Jo Farb Hernández&nbsp;(<a href="http://spacesarchives.org">http://spacesarchives.org</a>). Pour l’Europe, on peut faire référence au blog de Henk Van Es (<a href="https://outsider-environments.blogspot.com">https://outsider-environments.blogspot.com</a>)&nbsp;; pour l’Italie, au site de Costruttori di Babele, conçu par l’anthropologue Gabriele Mina (<a href="http://www.costruttoridibabele.net">http://www.costruttoridibabele.net</a>)&nbsp;; pour la France, au site promu par le LaM Lille Métropole Musée (habitants-paysagistes.musee-lam.fr) et au blog historique de Bruno Montpied (<a href="http://lepoignardsubtil.hautetfort.com">http://lepoignardsubtil.hautetfort.com</a>)&nbsp;qui a publié également le premier inventaire général des environnements réalisés en France par «&nbsp;des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement&nbsp; inventifs&nbsp;», où sont répertoriés et décrits 305 sites disparus ou existants. Voir B. Montpied, Le Gazouillis des éléphants, Editions du Sandre, 2017.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) PiF (Patrimoines irréguliers de France) est une association que j’ai cofondée en 2012, ayant pour objectif la protection et la mise en valeur d’univers inventés par des irréguliers de l’art.</span></p> Cathédrale de Jean Linard : de l'homme singulier au bien commun 2017-03-21T12:54:42+01:00 2017-03-21T12:54:42+01:00 http://www.rebonds.net/cathedraledejeanlinardbiencommun/510-cathedraledejeanlinarddelhommesingulieraubiencommun Super User <p style="text-align: right;"><em><strong>« Nous sommes tous des cathédrales !... Rien n'est jamais fini. »</strong></em></p> <p style="text-align: right;"><strong>Jean Linard</strong></p> <p><span style="font-size: 18pt;">À</span><em>tous&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;À tout le monde&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;Pour tous&nbsp;»</em>.<br />Les mots sont écrits sur de petits papiers de couleurs et, collés sur un panneau, forment une mosaïque. Un tout composé d'éléments aux formes, contenus et teintes variés.</p> <p><br /><em>«&nbsp;Unis&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;Ensemble&nbsp;»</em>.<br />Ces mots sont ceux des élèves de 4e du collège de Sancoins. Les premiers à leur avoir traversé l'esprit lorsque je leur ai dit&nbsp;: <em>«&nbsp;commun&nbsp;»</em>.<br /><em>«&nbsp;Partager&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;Partage&nbsp;»</em>.<br />Ils viennent de visiter la Cathédrale de Jean Linard, sur la commune de Neuvy-deux-Clochers dans le Cher, et d'échanger sur l'idée de transformer le lieu, pour l'instant privé, en bien commun. Ils sont là dans le cadre d'un atelier d'écriture sonore que j'anime. Nous y parlons «&nbsp;œuvres hors-les-normes&nbsp;» et «&nbsp;patrimoines irréguliers&nbsp;». Tout au long de la journée, je les invite à cueillir des sons, à écrire des textes, à créer des paysages sonores. Et surtout, à laisser libre cours à leur imagination.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_den_haut.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La Cathédrale de Jean Linard vue de la forêt qui l'entoure (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_den_haut.JPG" alt="Cathédrale den haut" width="620" height="466" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Comme Jean Linard laissa libre cours à la sienne. Pendant près de cinquante ans, cet homme, céramiste, bâtit sa maison puis un ensemble monumental baptisé Cathédrale, sans d'autre plan que son inspiration. Autodidacte, utilisant des matériaux de récupération, il composa un environnement singulier, unique, à la fois expression de sa personnalité et de l'universalité de la création.</p> <p>Décédé en 2010, Jean Linard a légué son trésor à sa dernière femme et ses enfants. L'Indivision a décidé de le mettre en vente, tandis qu'une association de passionnés voyait le jour pour sauvegarder et valoriser le site.<br />Neuf ans plus tard, faute de moyens, la Cathédrale se dégrade, l'œuvre est en danger. L'association ne peut plus continuer à entretenir un bien privé sans garantie de pouvoir, un jour, développer l'activité telle qu'elle le souhaiterait. Les pouvoirs publics (Etat, Région, Département, Communauté de communes, Commune) refusent de racheter le site et de prendre la lourde responsabilité de la gestion.<br />Que faire&nbsp;? Les membres de l'association ont réfléchi, cherché… et trouvé. Une idée, peut-être un peu folle, mais ayant fait ses preuves sur d'autres projets qui paraissaient utopiques&nbsp;: et si les habitants du territoire se réunissaient pour fonder une société coopérative, collecter des fonds, acheter le site et y lancer des activités&nbsp;?</p> <p>La Cathédrale deviendrait ainsi un bien commun.<br /><em>«&nbsp;À tous&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;À tout le monde&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;Pour tous&nbsp;»</em>.<br />Un lieu ouvert où chacun.e pourrait faire vivre l'œuvre de Jean Linard, dans ce qu'elle avait d'audacieuse, de libre, de poétique, de politique, de spirituel. Un lieu dont chacun prendrait soin.<br /><em>«&nbsp;Partager&nbsp;»</em>.<br />Un lieu qui regrouperait des personnes d'horizons différents mais mues par un même rêve.<br /><em>«&nbsp;Ensemble&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;Unis&nbsp;»</em>. <br />Une nouvelle mosaïque d'êtres, pour la Cathédrale.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></p> <h3>Un projet de Société Coopérative d'Intérêt Collectif</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></p> <p><strong>Jeudi 13 décembre 2018 – 18 heures – salle polyvalente de Neuvy-deux-Clochers</strong></p> <p>Tous les éléments de la mosaïque sont potentiellement là. Assise dans le fond de la salle, je les observe. Je reconnais des membres de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard, d'autres associations locales comme les Amis de la Tour de Vesvre, des élus de la commune et de la Communauté de communes, des habitants du territoire alentour, la benjamine de Jean Linard… oh, une céramiste&nbsp;de La Borne&nbsp;! <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> Peut-être qu'enfin, les artistes et potiers «&nbsp;voisins&nbsp;» de la Cathédrale veulent participer à son devenir&nbsp;?<br />Car en ce soir d'hiver, tous ceux et toutes celles qui se sont déplacé.es malgré le froid mordant qui règne dehors, sont venu.es découvrir le projet proposé par Chiara Scordato et Danilo Proietti, les deux salariés de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard, pour sortir le site de sa situation.</p> <p>Ils proposent de créer une SCIC, une Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Une «&nbsp;société&nbsp;», parce qu'elle prend juridiquement une forme commerciale&nbsp;; «&nbsp;coopérative&nbsp;», parce que, quel que soit l'apport des participants au capital ou leur statut, le principe «&nbsp;une personne égale une voix&nbsp;» prévaut&nbsp;; «&nbsp;d'intérêt collectif&nbsp;» parce que les coopérateurs se réunissent autour d'un but commun. Ils peuvent être salariés, bénévoles, associations, collectivités, entreprises, bénéficiaires… <br />En France, les SCIC ont été créées par une loi en 2001<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span>. L'inspiration du législateur est venue d'Italie, où existent depuis longtemps déjà les coopératives sociales.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <h3>Des exemples culturels et ruraux</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <p>En France, on connaît davantage les SCOP, les Sociétés Coopératives et Participatives. Elles sont souvent médiatisées lorsqu'un groupe d'ouvriers décident de reprendre leur entreprise pour la sauver de la faillite. Mais actuellement, il existe déjà 692 SCIC en activité.<br />Dans le milieu culturel, l'exemple le plus proche de Neuvy-deux-Clochers est «&nbsp;Ohé du bateau&nbsp;», à Tours. Le collectif a été fondé suite à la fermeture de la salle de spectacle «&nbsp;Le Bateau Ivre&nbsp;» en 2010. Six ans plus tard, 6.000 parts sociales étaient mises en vente, permettant de récolter 270.000 euros et une promesse d'achat de 100.000 euros de la Région Centre. L'offre a été acceptée par le propriétaire et le collectif s'est transformé en SCIC. Depuis, elle fonctionne en laboratoires (vie de la coopérative, administration, travaux, communication...) dans lesquels chaque coopérateur peut s'investir. Après la remise aux normes, la réouverture de la salle est prévue début 2020. En attendant, la SCIC ne cesse de grandir&nbsp;: elle compte aujourd'hui 1.768 sociétaires, 180 structures et personnes morales. <span style="font-size: 8pt;">(3)<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/schéma_SCIC.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le schéma présenté lors de la réunion à Neuvy-deux-Clochers."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/schéma_SCIC.jpg" alt="schéma SCIC" width="761" height="388" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></span></p> <p>Autre exemple, à la campagne cette fois&nbsp;: la Renouée et la SCIC L'Arban sur le Plateau des Millevaches. Cette SCIC a vu le jour en 2010, dans le but de revaloriser les logements vacants dans les villages, tout en luttant contre l'habitat précaire. En 2013, elle s'est associée à un groupe d'habitants pour acquérir une maison de quatre étages située dans le cœur du bourg de Gentioux. Le montage financier était mixte&nbsp;: 100.000 euros de parts sociales et de dons&nbsp;; 100.000 euros d'emprunt. La commune n'a pas souhaité contribuer mais d'autres collectivités alentour participent via la SCIC.<br />Aujourd'hui, les activités accueillies sont nombreuses&nbsp;: laverie, brasserie, cuisine / cantine, espace de travail partagé, cabinet de naturopathie, plantes médicinales, dépôt-vente de produits locaux, marché…<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span></p> <p><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________</span></p> <h3>Une mosaïque pour la Cathédrale</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <p>Dans la salle polyvalente de Neuvy-deux-Clochers, on s'interroge sur la participation des habitants&nbsp;: joueront-ils le jeu&nbsp;? La part sociale est fixée à 20 euros, pour permettre à un maximum de personnes de participer, même symboliquement.</p> <p>Certains élus semblent quelque peu déroutés. En substance, ils résument&nbsp;: même si les collectivités mettent gros, elles n'auront pas plus de pouvoir de décision que le «&nbsp;simple&nbsp;» citoyen&nbsp;? C'est ça. Ah. 'M'enfin, il faudrait quand même que le projet leur corresponde, pour qu'elles acceptent de participer, non&nbsp;? Ne pourrait-on pas leur soumettre le projet, notamment de statuts, pour s'assurer qu'il leur convienne, qu'il entre dans les cases&nbsp;?<br />Je souris. Et lève la main pour prendre la parole. Je rappelle qu'avant d'être des élus, ils sont des habitants du territoire. Qu'il nous est ici offert de construire ensemble un projet inédit. Non pas d'attendre qu'on nous le conçoive et de simplement le valider, comme on nous a trop souvent habitué à le faire (pour peu qu'on nous demande notre avis), mais de l'imaginer et le concrétiser comme nous le souhaitons vraiment. Si les élus veulent participer, qu'on crée un groupe de travail au sein duquel ils viendraient partager leurs connaissances, au même titre que tous les autres habitants intéressés&nbsp;!</p> <p>C'est ainsi que depuis le mois de janvier, un groupe d'une douzaine personnes (dont je fais partie) s'est relayé régulièrement pour travailler au projet de statuts de la SCIC et au montage financier. Jean-François Menigon y représente la commune de Neuvy-deux-Clochers. Dernièrement, la SCIC a même reçu un nom&nbsp;: «&nbsp;Une mosaïque pour la Cathédrale&nbsp;»&nbsp;!</p> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <h3>Tout ce qu'on pourrait faire ici...</h3> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <p><em></em>Une véritable bouffée d'oxygène pour ceux et celles qui travaillent depuis de nombreuses années à préserver le site, parmi lesquels Chiara Scordato et Danilo Proietti.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_visite_guidée.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Chiara Scordato lors d'une visite guidée de la Cathédrale (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_visite_guidée.JPG" alt="Cathédrale visite guidée" width="424" height="656" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><em></em></p> <p><strong>Jeudi 25 avril 2019 – 18 heures – La Chapelotte</strong></p> <p>Lorsque Chiara se remémore sa première visite à la Cathédrale, sa voix et ses yeux se gorgent d'émotions&nbsp;: <em>«&nbsp;C'était extraordinaire, impressionnant&nbsp;! J'ai ressenti une émotion très forte. Il faisait froid, c'était l'hiver et pourtant, je me sentais bien. Cette sensation que quelqu'un peut faire ça dans sa vie, c'est beau&nbsp;! Ça me remet un peu en harmonie avec ce monde...&nbsp;»</em> Danilo se souvient avoir eu <em>«&nbsp;la tête qui tournait&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;J'avais un sentiment de liberté et je me disais&nbsp;: tout ce qu'on pourrait faire ici… ce serait formidable&nbsp;!&nbsp;»</em><br />A l'époque, en 2011, ils vivent à Paris. Formée aux métiers de la production théâtrale, Chiara enchaîne les stages. Danilo est informaticien. La capitale les lasse. Mais depuis quelques années, ils explorent des univers hors normes, qui les fascinent&nbsp;: les environnements singuliers (<em>lire la rubrique (Re)visiter</em>). Il s'agit du sujet de thèse de Roberta Trapani, la cousine de Chiara. Avec elle, pendant cinq ans, ils ont visité des lieux extraordinaires – au sens premier du terme – et rencontré des artistes et habitants-paysagistes ou leurs proches. Ensemble, ils ont créé l'association Patrimoines Irréguliers de France <em>(lire la rubrique (Re)découvrir)</em> dans le but de réaliser un inventaire de ces lieux. <em></em>L'association est notamment à l'origine d'un fascicule qui permet aux visiteurs d'aller d'un site à l'autre, dans toute la France. On y retrouve, par exemple&nbsp;: les Rochers Sculptés de l'Abbé Fouré à Rotheneuf, le Poète Ferrailleur Robert Coudray à Lizio, le Cyclop de Jean Tinguely à Milly-la-Forêt, le Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives ou encore le Musée des Arts Buissonniers à Saint-Sever-du-Moustier. Et, bien sûr, la Cathédrale de Jean Linard à Neuvy-deux-Clochers.</p> <p>Comment Chiara et Danilo sont arrivés jusqu'à elle&nbsp;? Après la disparition de Jean Linard, un article est paru dans le journal Le Monde&nbsp;: sa femme, Anne-Marie, y lançait un appel pour sauvegarder le site. Un lecteur a alors alerté les Patrimoines Irréguliers de France qui sont entrés en contact avec Elodie Linard, la dernière fille de l'artiste. Une nouvelle vie commençait pour Chiara et Danilo…</p> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________</span></p> <h3>Une inscription aux Monuments Historiques</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________</span></p> <p>Très vite, avec des amis de Jean Linard notamment, l'idée d'une association est venue. Créée en avril 2012, elle s'appelle Autour de la Cathédrale de Jean Linard. Les héritiers restent propriétaires du site, mais signent une convention avec l'association pour le sauvegarder et le valoriser.<br />Il est décidé de faire un test&nbsp;: rouvrir la Cathédrale au public durant l'été, en proposant une saison culturelle. <em>«&nbsp;On a lancé une souscription pour imprimer 3.000 tracts et on a reçu 3.000 visiteurs&nbsp;»</em>, sourit Danilo. Depuis, la Cathédrale est ouverte de Pâques à la Toussaint, pendant les vacances scolaires, week-ends et jours fériés. Environ 7.000 personnes la visitent chaque année, dont 600 scolaires. Chiara et Danilo sont salariés à mi-temps&nbsp;; les fonds pour les rémunérer proviennent du dispositif Cap Asso de la Région Centre.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_spectacle.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Chaque été, des spectacles sont organisés sur le site (photo : D. Proietti)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_spectacle.JPG" alt="Cathédrale spectacle" width="605" height="403" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>De son côté, l'Indivision Linard a mis en vente le site (800.000 euros à l'époque). Le 16 janvier 2012, quarante-trois spécialistes de l'art brut, singulier et «&nbsp;outsider&nbsp;» envoient un courrier au ministre de la Culture d'alors, Frédéric Mitterand, pour qu'il intervienne <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Deux mois plus tard, il visite le site et lui permet d'être inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.<br />Des entretiens sont organisés avec les élus des collectivités. Aucune n'accepte de racheter le site, mais elles accordent des aides à l'association pour les premières années d'ouverture. <em>«&nbsp;Dès le départ, on nous a expliqué qu'il fallait trouver des mécènes privés&nbsp;»</em>, se souvient Chiara. Pour les attirer, l'association monte un dossier pour devenir «&nbsp;d'intérêt général&nbsp;»&nbsp;: cela permet notamment la défiscalisation des dons. La demande est déposée en 2013. <em>«&nbsp;Mais l’Etat a refusé. Il a estimé que ce n'était pas adapté au site...&nbsp;»</em> Privé mais appartenant à une famille ne souhaitant pas investir dans le lieu, ne pouvant percevoir de subventions conséquentes, sans mécène… L'association est sonnée. <em>«&nbsp;C'était un très gros coup dur,</em> reconnaît Danilo. <em>Beaucoup de membres de l'association se sont découragés à ce moment-là. On s'est senti un peu seuls...&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <h3>La structure se détériore</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <p><em></em>Des tensions voient aussi le jour. Avec des membres de l'association, qui ne comprennent pas toujours les choix des deux salariés&nbsp;: <em>«&nbsp;Certains veulent faire du site un musée. Nous avons toujours été respectueux, mais nous voulions aussi aller au-delà, tester, répondre à toutes les propositions possibles pour la saison culturelle. Peut-être qu'on a trop osé dès le départ. Les artistes n'étaient pas toujours connus, du coup il n'y avait pas toujours beaucoup de public aux spectacles.&nbsp;»</em><br />Mais alors qu'ils décident d'alléger la saison, deux gros succès les confirment dans l'idée de propositions de qualité&nbsp;: l'opéra Cendrillon et le chœur Mikrokosmos affichent complet. Les visiteurs, voyant l'amphithéâtre en pleine nature, ne cessent de réclamer des événements.</p> <p>Avec la famille, également, les relations sont complexes&nbsp;: <em>«&nbsp;Une fois par an, nous tenions à lui faire un compte rendu de la saison. Mais ça ne se passait pas bien. On avait l'impression qu'on ne faisait jamais assez ou jamais comme il faut. Pour les réparations, par exemple, ils nous disaient&nbsp;: mais pourquoi vous ne les faites pas vous-mêmes&nbsp;? Comme Jean Linard… mais l'association n'a pas les moyens&nbsp;! Une saison culturelle, ce n'est pas pour faire de l'argent, c'est pour faire vivre le lieu. Ce n'est pas sa vocation, d'entretenir le bien privé.&nbsp;»<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_restauration.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Régulièrement, il faut recoller la mosaïque. Mais les structures aussi se dégradent (photo : D.Proietti)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_restauration.JPG" alt="Cathédrale restauration" width="638" height="425" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Qu'on ne s'y trompe pas&nbsp;: l'association fait ce qu'elle peut pour éviter que le site s'abîme&nbsp;: chaque année, des chantiers bénévoles sont organisés&nbsp;; des membres de l'association ont été formés aux menues réparations par des restaurateurs professionnels ; des étudiants de Tours ont réalisé des travaux durant l'été 2017. Mais, inexorablement, la structure se détériore.</p> <p>Une solution doit être trouvée, rapidement. Et puisqu'elle ne viendra ni de l'Indivision, ni de l’Etat, ni des collectivités territoriales… il faudra qu'elle vienne des habitants. <em>«&nbsp;On a compris que si on ne trouvait pas de solution, l'association continuerait à entretenir un patrimoine privé avec les mêmes problématiques, peut-être pour toujours,</em> soupire Chiara. <em>Ça ne nous dérangeait pas tant qu'on pensait que c'était provisoire. Mais sept ans plus tard...&nbsp;»</em><br />L'idée de SCIC est lancée. En août 2018, les Domaines <span style="font-size: 8pt;">(6)</span> viennent estimer la valeur du lieu&nbsp;: 280.000 euros à plus ou moins 40&nbsp;%, sans les œuvres d'art&nbsp;! Inestimable, donc… En septembre, Chiara et Danilo prennent contact avec l'URSCOP, Union Régionale des Sociétés Coopératives. Florence Delacroix est désormais leur interlocutrice. <em>«&nbsp;Enfin, quelqu'un nous a dit&nbsp;: oui, ça me semble une idée pertinente&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <h3>«&nbsp;Aucune objection aux rêves&nbsp;»</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <p><strong>Lundi 29 avril 2019 – 19 heures – Humbligny</strong><br /><br />Pour Elodie Linard aussi, le projet de SCIC semble <em>«&nbsp;raisonnable&nbsp;»</em>. La dernière fille de l'artiste, cofondatrice de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard depuis 2012, se dit <em>«&nbsp;enthousiaste&nbsp;»</em>. Elle assure que sa mère, Anne-Marie, est également d'accord. <em>«&nbsp;Pour une cathédrale, rien de tel&nbsp;! Symboliquement, ça relie les gens. Et ça revient à faire un peu ce que mon père voulait au départ&nbsp;: une œuvre et un lieu collectifs.&nbsp;»</em> A la fin des années 1970 en effet, Jean Linard projetait de fédérer les artistes et habitants du territoire autour d'une maison commune construite sur le site de l'Orme-aux-Loups à Sancerre. Mais la municipalité de l'époque n'y était pas favorable et, finalement, le céramiste concrétisa son projet à deux pas de son habitation, à Neuvy-deux-Clochers.<br /><em>«&nbsp;Mon premier souvenir de la Cathédrale&nbsp;? J'ai vu le choeur se monter,</em> se remémore Elodie, aujourd'hui âgée de 42 ans. <em>Il y avait beaucoup de briques en tas partout, pas du tout de mosaïque. Avec une copine, à l'époque, on voulait se faire une cabane en bois dans le jardin. Mon père m'a dit&nbsp;: «&nbsp;Faites-la plutôt en briques&nbsp;!&nbsp;» On a passé pas mal de temps à en charrier… Il était génial pour ça&nbsp;: avec lui, il n'y avait aucune objection aux rêves.&nbsp;»</em></p> <p>La forme de l'œuvre, une cathédrale, servait à exprimer la foi de Jean Linard.<em> «&nbsp;Il était de confession catholique. Il lisait les Evangiles tous les jours dans son atelier et il nous en parlait à table, c'était un sujet de réflexion et de discussion,</em> raconte Elodie. <em>Mais il était anti-Eglise. Il trouvait l’Eglise triste, les discours du pape de l'époque lamentables, l'idée des missionnaires lui faisait horreur et la manière dont on interprétait les enterrements le révoltait. Mais il adorait le côté joyeux de la religion. Dans sa cathédrale, il a écrit le nom de gens comme Mère Thérésa ou Monseigneur Gaillot.&nbsp;»<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_élodie.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Elodie Linard lors d'un atelier avec des enfants (Photo : D. Proietti)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_élodie.JPG" alt="Cathédrale élodie" width="545" height="363" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Ecrits en mosaïque, dans des montagnes et des mers de couleurs, figurent également les noms de Mahomet, Bouddha ou encore Baha'u'llah. Jean Linard s'est intéressé à d'autres religions que la sienne, pour faire de sa cathédrale un lieu oecuménique, de rassemblement, et pour y diffuser un message de fraternité et de paix. On peut, par exemple, lire des mots de Jacques Prévert&nbsp;: <em>«&nbsp;Quelle connerie la guerre&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>Après sa mort, Elodie a dessiné <em>«&nbsp;sur une double page&nbsp;»</em> un projet fédérateur pour faire vivre le site&nbsp;: dans la partie Cathédrale, elle imaginait un <em>«&nbsp;grouillement de personnes et d'activités in situ&nbsp;»</em>, des ateliers d'art, des espaces gourmands, un jardin, un musée dans la forêt (comme son père le souhaitait)&nbsp;; dans la maison, un accueil de personnes fragiles, porteuses de handicaps par exemple, qui auraient pu participer activement à la vie du lieu. Présenté à sa famille, il n'a pas séduit. Le site a été mis en vente et de longues années ont passé.<br />La SCIC réveille ses espoirs.<em> «&nbsp;Pendant toutes ces années, plein de petites pierres ont été posées et elles vont bientôt se souder ensemble.&nbsp;»</em> Pour favoriser l'acquisition du lieu, elle s'est dite prête à laisser ses parts dans la SCIC.<em> «&nbsp;J'espère qu'on va trouver une solution pour le lieu et la famille.&nbsp;»</em><br />Elle a participé aux premières réunions du groupe de travail. Qu'a-t-elle ressenti&nbsp;? <em>«&nbsp;J'ai été surprise, contente et soulagée. C'est un groupe constructif&nbsp;: il y a des croisements d'idées, des visions différentes qui s'expriment.&nbsp;Je lâche un peu le projet en ce moment, mais j'espère m'y raccrocher et je sais que la Cathédrale deviendra un bien commun alors… la porte me restera toujours ouverte de fait&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></p> <h3>Une nouvelle forme de collectif qui intrigue</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></p> <p><em></em><strong>Vendredi 3 mai 2019 – 14 heures – Henrichemont</strong></p> <p>Marie-Ella Stellfeld et Jean Trassard font partie de ce groupe de travail <em>«&nbsp;constructif&nbsp;»</em>. Ils ont contribué à la rédaction des statuts et à la réalisation du budget prévisionnel. S'ils sont arrivés par des chemins différents, ils ont le même objectif&nbsp;: que la Cathédrale de Jean Linard perdure.<br />Mosaïste, Marie-Ella a choisi de vivre à Henrichemont, près du site qu'elle a découvert par hasard, en cherchant une maison dans la région. <em>«&nbsp;Quand tu es mosaïste, c'est vraiment magnifique, c'est un lieu fou&nbsp;! Je travaille comme lui, à partir de matériaux de récupération, donc ça m'a beaucoup parlé, ça m'a donné des idées, c'était inspirant. Je me suis dit&nbsp;: «&nbsp;C'est là qu'il faut être&nbsp;»&nbsp;!&nbsp;<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_foule.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le groupe de travail sur la SCIC imagine des activités pour rendre la Cathédrale encore plus vivante. Le potentiel est là. (Photo : D. Proietti)"><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_foule.JPG" alt="Cathédrale foule" width="687" height="386" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a>»</em><br />Retraité d'un bureau d'études dans le bâtiment, Jean Trassard vit à Neuvy-deux-Clochers et s'investit dans l'association Les Amis de la Tour de Vesvre<span style="font-size: 8pt;"> (6)</span>. <em>«&nbsp;Je suis venu convaincu,</em> assure-t-il. <em>J'ai été en quelque sorte mandaté par le Conseil d'administration pour participer au groupe de travail, parce que le lien existe déjà entre le site de la Tour de Vesvre et celui de la Cathédrale.&nbsp;»</em> Depuis plusieurs années en effet, des billets jumelés ont été mis en place, ainsi que des expositions partagées. <em>«&nbsp;Pour nous, il s'agit de pérenniser l'œuvre qui risque de se détériorer si on n'arrive pas à monter cette structure, puisque Chiara et Danilo ont annoncé qu'ils finiraient par laisser tomber alors que, jusqu'à présent, c'est quand même grâce à eux que ça fonctionne.&nbsp;»</em></p> <p>Si Marie-Ella a tout de suite eu envie de s'impliquer, Jean ne l'avait pas prévu. <em>«&nbsp;Ce qui m'a donné envie, c'est qu'à la suite de la réunion de présentation à Neuvy, j'ai eu des retours d'élus pas forcément positifs sur le côté «&nbsp;coopératif&nbsp;», voire «&nbsp;zadiste&nbsp;» du projet.&nbsp;»</em> Zadiste&nbsp;? Carrément&nbsp;! <em>«&nbsp;Donc, j'ai pensé qu'il était important de s'impliquer, pour montrer aux collectivités que c'était possible.&nbsp;»</em><br />Eux n'ont pas eu peur. <em>«&nbsp;D'un point de vue personnel, j'ai la curiosité de participer à quelque chose de nouveau, avec des plus jeunes et qui fonctionnent différemment,</em> souligne Jean. <em>J'ai connu le collectif dans le professionnel, mais il était hiérarchisé. Ici, je ressens un certain rejet de la hiérarchisation et du chef. C'est une forme de collectif mystérieuse pour moi.&nbsp;»</em><br />Pour Marie-Ella aussi, l'aventure est nouvelle. <em>«&nbsp;Je suis née en 1963, j'étais jeune dans les années 1980, en plein dans la société individualiste&nbsp;! J'observe le projet de SCIC et je vois qu'il peut y avoir de bonnes choses. Ça peut marcher&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <h3>Les héritiers sceptiques</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <p><em></em>Les dernières démarches du groupe de travail sont allées en direction des élus locaux. Une motion de soutien a été transmise au conseil municipal de Neuvy-deux-Clochers&nbsp;: elle a été votée à l'unanimité, le mercredi 10 avril 2019. Par binôme, les membres du groupe continuent à présenter le projet dans les communes alentour, avant de s'adresser aux autres collectivités territoriales. L'assemblée générale constitutive aura lieu à la salle des fêtes de Neuvy-deux-Clochers le samedi 22 juin à 11 heures.</p> <p>Parallèlement, une lettre présentant le projet et demandant le prix fixé pour la vente a également été envoyée à l'ensemble des héritiers. Elle n'a reçu, pour l'instant, aucune réponse écrite officielle.</p> <p>Mais, contactés par téléphone <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>, Thomas, Marie, Benoît et Cécile, enfants de Jean Linard, expliquent qu'ils aimeraient plutôt que ce soit la Communauté de communes Terres du Haut-Berry qui achète. <em>« Avec la SCIC, on a mis la charrue avant les boeufs,</em> estime ainsi Thomas.<em> C’est prématuré. Pour être acheteur, encore faut-il qu’il y ait vendeur… Pour cela, il faudrait l’accord de tous les héritiers, ce qui n’est pas le cas. La question n’est pas tant sur le principe de la vente, sur lequel tous les héritiers semblent d’accord, mais sur les conditions. Pour ma part, je serais prêt à céder la Cathédrale à l’euro symbolique, si l’acheteur était qualifié. Mais je sais que je ne serai pas suivi dans ce sens par tous. La SCIC a fait une proposition récemment, sur laquelle nous nous pencherons. Mais Christophe, mon frère, avait mis des conditions précises dans son testament. » </em>Marie explique : <em>«</em> <em>Christophe (aujourd'hui décécé, ndrl) avait émis le souhait que la Cathédrale ne reste aux mains ni de la famille, ni de l’association, qui l’entretient mal. Le projet de la SCIC, c’est un peu comme si c’était la famille ou une partie de la famille qui la reprenait. Pour ma part, je suis prête à la mettre dans l’agence de Patrice Besse à Paris ou à la donner à la Communauté de communes, mais ni à l’association, ni à la famille. <em>» </em></em>Benoît est plus nuancé :<em> <em>«</em> La SCIC peut être une solution. Si la Communauté de communes pouvait reprendre, ça serait peut-être plus sérieux ? Ce qui est sûr, c’est que la Cathédrale doit être vendue. <em>» </em></em>Pour Cécile, la Communauté de communes paraît<em><em> <em>«</em> la solution la plus sérieuse <em>». <em>«&nbsp;Nous n’avons rien décidé encore, </em></em></em></em>précise-t-elle<em><em><em><em>. Nous attendons une réponse de la Communauté de communes. Pour moi, la SCIC est un peu comme une bombe à retardement, et je crains que ça parte dans tous les sens. Deux cent personnes sur un projet me paraît compliqué et je ne crois pas trop à cette solution. <em>»</em></em> </em></em></em>De son côté, Lise, petite-fille de Jean Linard, assure qu'elle n'a pas d'avis particulier (A l'heure où nous écrivons ces lignes, Claire, autre petite-fille de Jean Linard membre de l'Indivision n'a pas donné suite à nos sollicitations).<em> </em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________</span></p> <h3>Faire œuvre vivante</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________</span></p> <p><em></em><strong>Mardi 7 mai 2019 – 15 heures – Cathédrale de Jean Linard<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/visite_collège_sancoins_4.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Des collégiens de Sancoins en plein atelier d'écriture sonore sur le site (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/visite_collège_sancoins_4.JPG" alt="visite collège sancoins 4" width="357" height="471" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></strong></p> <p>Des cris résonnent dans la forêt qui entoure le site de la Cathédrale et les maisons d'habitation qui accueillaient autrefois Jean Linard et sa famille. Les œuvres sonores s'activent dans le vent. Les jeunes oiseaux pépient sous le soleil encore fragile de printemps. Des enfants courent, s'interpellent, font vibrer des herbes avec leurs lèvres, jouent à cache-cache derrière les Gardiens du Temple, tirés de leur veille…<br />Je ferme les yeux et écoute. Les élèves de Sancoins qui participent à l'atelier d'écriture sonore ne sont pas en récréation. Ils cueillent des sons. Munis de leur tablette numérique, ils enregistrent ceux qui leur paraissent intéressants. Mais ils ne se contentent pas de l'existant&nbsp;; instinctivement, ils produisent eux-mêmes de la matière sonore&nbsp;: en marchant dans les feuilles, en cassant des brindilles, en tapant sur un bidon abandonné, en tournant la poulie du puits, en imitant le miaulement des chats devenus sculptures… Ils ont tout de suite interagi avec ce qui les entourait, faisant aussi, à leur façon, œuvre. Vivante.</p> <p>C'est ainsi qu'il faudrait prolonger l'œuvre de Jean Linard&nbsp;: non pas en la muséifiant ou en la conservant simplement en l'état&nbsp;; mais en imaginant de nouvelles façons de la partager, de la vivre, de la prolonger. En accueillant une mosaïque de personnes, de cultures, d'idées. En faisant de cette Cathédrale unique et singulière, un bien commun pour penser, agir... rêver ensemble.</p> <p><strong>Fanny Lancelin</strong></p> <p><em>Dernière mise à jour de l'article : dimanche 2 juin 2019</em></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size: 8pt;">(1) Le village de La Borne est situé dans le département du Cher. Depuis des siècles, il est le lieu d'une intense activité de poterie et, depuis les années 1970, de la céramique contemporaine. <a href="https://www.laborne.org/fr/">https://www.laborne.org/fr/</a><br />(2) <a href="http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/textes-loi.html">http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/textes-loi.html</a><br />(3) Ohé du Bateau : <a href="https://www.ohedubateau.com/">https://www.ohedubateau.com/</a><br />(4) La Rénouée et la SCIC L'Arban : <a href="http://renouee.millevaches.net">http://renouee.millevaches.net</a><br />(5) Lettre au ministre de la Culture : <a href="https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/accueil/sauvegarde/9-popup/41-petition">https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/accueil/sauvegarde/9-popup/41-petition</a><br />(6) Tour de Vesvre : maison forte bâtie au XIIe siècle, située sur la commune de Neuvy-deux-Clochers, classée Monument Historique depuis 1993 : <a href="http://www.latourdevesvre.fr/">http://www.latourdevesvre.fr/</a><br />(7) Propos recueillis par Nicolas Billy, journaliste, pour (Re)bonds.</span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading" style="text-align: left;"> <h3 class="panel-title">Jean Linard</h3> </div> <ul> <li style="text-align: left;">1931&nbsp;: naissance de Jean Linard à La Marche, dans la Nièvre (58).<br />Etudes de gravure à l'école Estienne à Paris.<br />Vacances chez ses grands-parents&nbsp;; transmission de l'amour du jardin et de la vigne&nbsp;; découverte de la céramique et visites au village de La Borne.</li> <li style="text-align: left;">1953&nbsp;: épouse Andrée Thumerelle.</li> <li style="text-align: left;">1957&nbsp;: location d'un jardin à Maisons-Alfort où il construit une cabane et s'entraîne au tournage et au modelage.<span style="font-size: 8pt;"></span></li> <li>1959&nbsp;: rencontre Anne Kjaesrgaard, potière danoise, qui deviendra sa femme.</li> <li>1961&nbsp;: le couple achète une ancienne carrière de silex à Neuvy-deux-Clochers et ensemble, y construisent leur maison et leurs ateliers, sans plan et avec des matériaux de récupération.</li> <li>1974&nbsp;: épouse Anne-Marie Guenin.</li> <li>1975&nbsp;: projet d'un édifice construit en commun avec tous ceux et celles qui le souhaiteraient&nbsp;; le site envisagé est l'Orme-aux-Loups sur la commune de Sancerre. Le projet avorte.</li> <li>1982&nbsp;: début de la construction de la Cathédrale près de l'ensemble d'habitations. Elle durera jusqu'à sa disparition.</li> <li>2010&nbsp;: décès de Jean Linard. Il avait sept enfants.<br />Plus d'informations sur le site de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard&nbsp;: <a href="https://cathedrale-linard.com">https://cathedrale-linard.com</a></li> </ul> </div> <p style="text-align: right;"><em><strong>« Nous sommes tous des cathédrales !... Rien n'est jamais fini. »</strong></em></p> <p style="text-align: right;"><strong>Jean Linard</strong></p> <p><span style="font-size: 18pt;">À</span><em>tous&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;À tout le monde&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;Pour tous&nbsp;»</em>.<br />Les mots sont écrits sur de petits papiers de couleurs et, collés sur un panneau, forment une mosaïque. Un tout composé d'éléments aux formes, contenus et teintes variés.</p> <p><br /><em>«&nbsp;Unis&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;Ensemble&nbsp;»</em>.<br />Ces mots sont ceux des élèves de 4e du collège de Sancoins. Les premiers à leur avoir traversé l'esprit lorsque je leur ai dit&nbsp;: <em>«&nbsp;commun&nbsp;»</em>.<br /><em>«&nbsp;Partager&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;Partage&nbsp;»</em>.<br />Ils viennent de visiter la Cathédrale de Jean Linard, sur la commune de Neuvy-deux-Clochers dans le Cher, et d'échanger sur l'idée de transformer le lieu, pour l'instant privé, en bien commun. Ils sont là dans le cadre d'un atelier d'écriture sonore que j'anime. Nous y parlons «&nbsp;œuvres hors-les-normes&nbsp;» et «&nbsp;patrimoines irréguliers&nbsp;». Tout au long de la journée, je les invite à cueillir des sons, à écrire des textes, à créer des paysages sonores. Et surtout, à laisser libre cours à leur imagination.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_den_haut.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La Cathédrale de Jean Linard vue de la forêt qui l'entoure (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_den_haut.JPG" alt="Cathédrale den haut" width="620" height="466" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Comme Jean Linard laissa libre cours à la sienne. Pendant près de cinquante ans, cet homme, céramiste, bâtit sa maison puis un ensemble monumental baptisé Cathédrale, sans d'autre plan que son inspiration. Autodidacte, utilisant des matériaux de récupération, il composa un environnement singulier, unique, à la fois expression de sa personnalité et de l'universalité de la création.</p> <p>Décédé en 2010, Jean Linard a légué son trésor à sa dernière femme et ses enfants. L'Indivision a décidé de le mettre en vente, tandis qu'une association de passionnés voyait le jour pour sauvegarder et valoriser le site.<br />Neuf ans plus tard, faute de moyens, la Cathédrale se dégrade, l'œuvre est en danger. L'association ne peut plus continuer à entretenir un bien privé sans garantie de pouvoir, un jour, développer l'activité telle qu'elle le souhaiterait. Les pouvoirs publics (Etat, Région, Département, Communauté de communes, Commune) refusent de racheter le site et de prendre la lourde responsabilité de la gestion.<br />Que faire&nbsp;? Les membres de l'association ont réfléchi, cherché… et trouvé. Une idée, peut-être un peu folle, mais ayant fait ses preuves sur d'autres projets qui paraissaient utopiques&nbsp;: et si les habitants du territoire se réunissaient pour fonder une société coopérative, collecter des fonds, acheter le site et y lancer des activités&nbsp;?</p> <p>La Cathédrale deviendrait ainsi un bien commun.<br /><em>«&nbsp;À tous&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;À tout le monde&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;Pour tous&nbsp;»</em>.<br />Un lieu ouvert où chacun.e pourrait faire vivre l'œuvre de Jean Linard, dans ce qu'elle avait d'audacieuse, de libre, de poétique, de politique, de spirituel. Un lieu dont chacun prendrait soin.<br /><em>«&nbsp;Partager&nbsp;»</em>.<br />Un lieu qui regrouperait des personnes d'horizons différents mais mues par un même rêve.<br /><em>«&nbsp;Ensemble&nbsp;»</em>,<em> «&nbsp;Unis&nbsp;»</em>. <br />Une nouvelle mosaïque d'êtres, pour la Cathédrale.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></p> <h3>Un projet de Société Coopérative d'Intérêt Collectif</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></p> <p><strong>Jeudi 13 décembre 2018 – 18 heures – salle polyvalente de Neuvy-deux-Clochers</strong></p> <p>Tous les éléments de la mosaïque sont potentiellement là. Assise dans le fond de la salle, je les observe. Je reconnais des membres de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard, d'autres associations locales comme les Amis de la Tour de Vesvre, des élus de la commune et de la Communauté de communes, des habitants du territoire alentour, la benjamine de Jean Linard… oh, une céramiste&nbsp;de La Borne&nbsp;! <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> Peut-être qu'enfin, les artistes et potiers «&nbsp;voisins&nbsp;» de la Cathédrale veulent participer à son devenir&nbsp;?<br />Car en ce soir d'hiver, tous ceux et toutes celles qui se sont déplacé.es malgré le froid mordant qui règne dehors, sont venu.es découvrir le projet proposé par Chiara Scordato et Danilo Proietti, les deux salariés de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard, pour sortir le site de sa situation.</p> <p>Ils proposent de créer une SCIC, une Société Coopérative d'Intérêt Collectif. Une «&nbsp;société&nbsp;», parce qu'elle prend juridiquement une forme commerciale&nbsp;; «&nbsp;coopérative&nbsp;», parce que, quel que soit l'apport des participants au capital ou leur statut, le principe «&nbsp;une personne égale une voix&nbsp;» prévaut&nbsp;; «&nbsp;d'intérêt collectif&nbsp;» parce que les coopérateurs se réunissent autour d'un but commun. Ils peuvent être salariés, bénévoles, associations, collectivités, entreprises, bénéficiaires… <br />En France, les SCIC ont été créées par une loi en 2001<span style="font-size: 8pt;"> (2)</span>. L'inspiration du législateur est venue d'Italie, où existent depuis longtemps déjà les coopératives sociales.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <h3>Des exemples culturels et ruraux</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <p>En France, on connaît davantage les SCOP, les Sociétés Coopératives et Participatives. Elles sont souvent médiatisées lorsqu'un groupe d'ouvriers décident de reprendre leur entreprise pour la sauver de la faillite. Mais actuellement, il existe déjà 692 SCIC en activité.<br />Dans le milieu culturel, l'exemple le plus proche de Neuvy-deux-Clochers est «&nbsp;Ohé du bateau&nbsp;», à Tours. Le collectif a été fondé suite à la fermeture de la salle de spectacle «&nbsp;Le Bateau Ivre&nbsp;» en 2010. Six ans plus tard, 6.000 parts sociales étaient mises en vente, permettant de récolter 270.000 euros et une promesse d'achat de 100.000 euros de la Région Centre. L'offre a été acceptée par le propriétaire et le collectif s'est transformé en SCIC. Depuis, elle fonctionne en laboratoires (vie de la coopérative, administration, travaux, communication...) dans lesquels chaque coopérateur peut s'investir. Après la remise aux normes, la réouverture de la salle est prévue début 2020. En attendant, la SCIC ne cesse de grandir&nbsp;: elle compte aujourd'hui 1.768 sociétaires, 180 structures et personnes morales. <span style="font-size: 8pt;">(3)<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/schéma_SCIC.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le schéma présenté lors de la réunion à Neuvy-deux-Clochers."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/schéma_SCIC.jpg" alt="schéma SCIC" width="761" height="388" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></span></p> <p>Autre exemple, à la campagne cette fois&nbsp;: la Renouée et la SCIC L'Arban sur le Plateau des Millevaches. Cette SCIC a vu le jour en 2010, dans le but de revaloriser les logements vacants dans les villages, tout en luttant contre l'habitat précaire. En 2013, elle s'est associée à un groupe d'habitants pour acquérir une maison de quatre étages située dans le cœur du bourg de Gentioux. Le montage financier était mixte&nbsp;: 100.000 euros de parts sociales et de dons&nbsp;; 100.000 euros d'emprunt. La commune n'a pas souhaité contribuer mais d'autres collectivités alentour participent via la SCIC.<br />Aujourd'hui, les activités accueillies sont nombreuses&nbsp;: laverie, brasserie, cuisine / cantine, espace de travail partagé, cabinet de naturopathie, plantes médicinales, dépôt-vente de produits locaux, marché…<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span></p> <p><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________</span></p> <h3>Une mosaïque pour la Cathédrale</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <p>Dans la salle polyvalente de Neuvy-deux-Clochers, on s'interroge sur la participation des habitants&nbsp;: joueront-ils le jeu&nbsp;? La part sociale est fixée à 20 euros, pour permettre à un maximum de personnes de participer, même symboliquement.</p> <p>Certains élus semblent quelque peu déroutés. En substance, ils résument&nbsp;: même si les collectivités mettent gros, elles n'auront pas plus de pouvoir de décision que le «&nbsp;simple&nbsp;» citoyen&nbsp;? C'est ça. Ah. 'M'enfin, il faudrait quand même que le projet leur corresponde, pour qu'elles acceptent de participer, non&nbsp;? Ne pourrait-on pas leur soumettre le projet, notamment de statuts, pour s'assurer qu'il leur convienne, qu'il entre dans les cases&nbsp;?<br />Je souris. Et lève la main pour prendre la parole. Je rappelle qu'avant d'être des élus, ils sont des habitants du territoire. Qu'il nous est ici offert de construire ensemble un projet inédit. Non pas d'attendre qu'on nous le conçoive et de simplement le valider, comme on nous a trop souvent habitué à le faire (pour peu qu'on nous demande notre avis), mais de l'imaginer et le concrétiser comme nous le souhaitons vraiment. Si les élus veulent participer, qu'on crée un groupe de travail au sein duquel ils viendraient partager leurs connaissances, au même titre que tous les autres habitants intéressés&nbsp;!</p> <p>C'est ainsi que depuis le mois de janvier, un groupe d'une douzaine personnes (dont je fais partie) s'est relayé régulièrement pour travailler au projet de statuts de la SCIC et au montage financier. Jean-François Menigon y représente la commune de Neuvy-deux-Clochers. Dernièrement, la SCIC a même reçu un nom&nbsp;: «&nbsp;Une mosaïque pour la Cathédrale&nbsp;»&nbsp;!</p> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <h3>Tout ce qu'on pourrait faire ici...</h3> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <p><em></em>Une véritable bouffée d'oxygène pour ceux et celles qui travaillent depuis de nombreuses années à préserver le site, parmi lesquels Chiara Scordato et Danilo Proietti.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_visite_guidée.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Chiara Scordato lors d'une visite guidée de la Cathédrale (photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_visite_guidée.JPG" alt="Cathédrale visite guidée" width="424" height="656" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><em></em></p> <p><strong>Jeudi 25 avril 2019 – 18 heures – La Chapelotte</strong></p> <p>Lorsque Chiara se remémore sa première visite à la Cathédrale, sa voix et ses yeux se gorgent d'émotions&nbsp;: <em>«&nbsp;C'était extraordinaire, impressionnant&nbsp;! J'ai ressenti une émotion très forte. Il faisait froid, c'était l'hiver et pourtant, je me sentais bien. Cette sensation que quelqu'un peut faire ça dans sa vie, c'est beau&nbsp;! Ça me remet un peu en harmonie avec ce monde...&nbsp;»</em> Danilo se souvient avoir eu <em>«&nbsp;la tête qui tournait&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;J'avais un sentiment de liberté et je me disais&nbsp;: tout ce qu'on pourrait faire ici… ce serait formidable&nbsp;!&nbsp;»</em><br />A l'époque, en 2011, ils vivent à Paris. Formée aux métiers de la production théâtrale, Chiara enchaîne les stages. Danilo est informaticien. La capitale les lasse. Mais depuis quelques années, ils explorent des univers hors normes, qui les fascinent&nbsp;: les environnements singuliers (<em>lire la rubrique (Re)visiter</em>). Il s'agit du sujet de thèse de Roberta Trapani, la cousine de Chiara. Avec elle, pendant cinq ans, ils ont visité des lieux extraordinaires – au sens premier du terme – et rencontré des artistes et habitants-paysagistes ou leurs proches. Ensemble, ils ont créé l'association Patrimoines Irréguliers de France <em>(lire la rubrique (Re)découvrir)</em> dans le but de réaliser un inventaire de ces lieux. <em></em>L'association est notamment à l'origine d'un fascicule qui permet aux visiteurs d'aller d'un site à l'autre, dans toute la France. On y retrouve, par exemple&nbsp;: les Rochers Sculptés de l'Abbé Fouré à Rotheneuf, le Poète Ferrailleur Robert Coudray à Lizio, le Cyclop de Jean Tinguely à Milly-la-Forêt, le Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives ou encore le Musée des Arts Buissonniers à Saint-Sever-du-Moustier. Et, bien sûr, la Cathédrale de Jean Linard à Neuvy-deux-Clochers.</p> <p>Comment Chiara et Danilo sont arrivés jusqu'à elle&nbsp;? Après la disparition de Jean Linard, un article est paru dans le journal Le Monde&nbsp;: sa femme, Anne-Marie, y lançait un appel pour sauvegarder le site. Un lecteur a alors alerté les Patrimoines Irréguliers de France qui sont entrés en contact avec Elodie Linard, la dernière fille de l'artiste. Une nouvelle vie commençait pour Chiara et Danilo…</p> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________</span></p> <h3>Une inscription aux Monuments Historiques</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________</span></p> <p>Très vite, avec des amis de Jean Linard notamment, l'idée d'une association est venue. Créée en avril 2012, elle s'appelle Autour de la Cathédrale de Jean Linard. Les héritiers restent propriétaires du site, mais signent une convention avec l'association pour le sauvegarder et le valoriser.<br />Il est décidé de faire un test&nbsp;: rouvrir la Cathédrale au public durant l'été, en proposant une saison culturelle. <em>«&nbsp;On a lancé une souscription pour imprimer 3.000 tracts et on a reçu 3.000 visiteurs&nbsp;»</em>, sourit Danilo. Depuis, la Cathédrale est ouverte de Pâques à la Toussaint, pendant les vacances scolaires, week-ends et jours fériés. Environ 7.000 personnes la visitent chaque année, dont 600 scolaires. Chiara et Danilo sont salariés à mi-temps&nbsp;; les fonds pour les rémunérer proviennent du dispositif Cap Asso de la Région Centre.<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_spectacle.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Chaque été, des spectacles sont organisés sur le site (photo : D. Proietti)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_spectacle.JPG" alt="Cathédrale spectacle" width="605" height="403" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>De son côté, l'Indivision Linard a mis en vente le site (800.000 euros à l'époque). Le 16 janvier 2012, quarante-trois spécialistes de l'art brut, singulier et «&nbsp;outsider&nbsp;» envoient un courrier au ministre de la Culture d'alors, Frédéric Mitterand, pour qu'il intervienne <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Deux mois plus tard, il visite le site et lui permet d'être inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.<br />Des entretiens sont organisés avec les élus des collectivités. Aucune n'accepte de racheter le site, mais elles accordent des aides à l'association pour les premières années d'ouverture. <em>«&nbsp;Dès le départ, on nous a expliqué qu'il fallait trouver des mécènes privés&nbsp;»</em>, se souvient Chiara. Pour les attirer, l'association monte un dossier pour devenir «&nbsp;d'intérêt général&nbsp;»&nbsp;: cela permet notamment la défiscalisation des dons. La demande est déposée en 2013. <em>«&nbsp;Mais l’Etat a refusé. Il a estimé que ce n'était pas adapté au site...&nbsp;»</em> Privé mais appartenant à une famille ne souhaitant pas investir dans le lieu, ne pouvant percevoir de subventions conséquentes, sans mécène… L'association est sonnée. <em>«&nbsp;C'était un très gros coup dur,</em> reconnaît Danilo. <em>Beaucoup de membres de l'association se sont découragés à ce moment-là. On s'est senti un peu seuls...&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <h3>La structure se détériore</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <p><em></em>Des tensions voient aussi le jour. Avec des membres de l'association, qui ne comprennent pas toujours les choix des deux salariés&nbsp;: <em>«&nbsp;Certains veulent faire du site un musée. Nous avons toujours été respectueux, mais nous voulions aussi aller au-delà, tester, répondre à toutes les propositions possibles pour la saison culturelle. Peut-être qu'on a trop osé dès le départ. Les artistes n'étaient pas toujours connus, du coup il n'y avait pas toujours beaucoup de public aux spectacles.&nbsp;»</em><br />Mais alors qu'ils décident d'alléger la saison, deux gros succès les confirment dans l'idée de propositions de qualité&nbsp;: l'opéra Cendrillon et le chœur Mikrokosmos affichent complet. Les visiteurs, voyant l'amphithéâtre en pleine nature, ne cessent de réclamer des événements.</p> <p>Avec la famille, également, les relations sont complexes&nbsp;: <em>«&nbsp;Une fois par an, nous tenions à lui faire un compte rendu de la saison. Mais ça ne se passait pas bien. On avait l'impression qu'on ne faisait jamais assez ou jamais comme il faut. Pour les réparations, par exemple, ils nous disaient&nbsp;: mais pourquoi vous ne les faites pas vous-mêmes&nbsp;? Comme Jean Linard… mais l'association n'a pas les moyens&nbsp;! Une saison culturelle, ce n'est pas pour faire de l'argent, c'est pour faire vivre le lieu. Ce n'est pas sa vocation, d'entretenir le bien privé.&nbsp;»<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_restauration.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Régulièrement, il faut recoller la mosaïque. Mais les structures aussi se dégradent (photo : D.Proietti)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_restauration.JPG" alt="Cathédrale restauration" width="638" height="425" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Qu'on ne s'y trompe pas&nbsp;: l'association fait ce qu'elle peut pour éviter que le site s'abîme&nbsp;: chaque année, des chantiers bénévoles sont organisés&nbsp;; des membres de l'association ont été formés aux menues réparations par des restaurateurs professionnels ; des étudiants de Tours ont réalisé des travaux durant l'été 2017. Mais, inexorablement, la structure se détériore.</p> <p>Une solution doit être trouvée, rapidement. Et puisqu'elle ne viendra ni de l'Indivision, ni de l’Etat, ni des collectivités territoriales… il faudra qu'elle vienne des habitants. <em>«&nbsp;On a compris que si on ne trouvait pas de solution, l'association continuerait à entretenir un patrimoine privé avec les mêmes problématiques, peut-être pour toujours,</em> soupire Chiara. <em>Ça ne nous dérangeait pas tant qu'on pensait que c'était provisoire. Mais sept ans plus tard...&nbsp;»</em><br />L'idée de SCIC est lancée. En août 2018, les Domaines <span style="font-size: 8pt;">(6)</span> viennent estimer la valeur du lieu&nbsp;: 280.000 euros à plus ou moins 40&nbsp;%, sans les œuvres d'art&nbsp;! Inestimable, donc… En septembre, Chiara et Danilo prennent contact avec l'URSCOP, Union Régionale des Sociétés Coopératives. Florence Delacroix est désormais leur interlocutrice. <em>«&nbsp;Enfin, quelqu'un nous a dit&nbsp;: oui, ça me semble une idée pertinente&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <h3>«&nbsp;Aucune objection aux rêves&nbsp;»</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <p><strong>Lundi 29 avril 2019 – 19 heures – Humbligny</strong><br /><br />Pour Elodie Linard aussi, le projet de SCIC semble <em>«&nbsp;raisonnable&nbsp;»</em>. La dernière fille de l'artiste, cofondatrice de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard depuis 2012, se dit <em>«&nbsp;enthousiaste&nbsp;»</em>. Elle assure que sa mère, Anne-Marie, est également d'accord. <em>«&nbsp;Pour une cathédrale, rien de tel&nbsp;! Symboliquement, ça relie les gens. Et ça revient à faire un peu ce que mon père voulait au départ&nbsp;: une œuvre et un lieu collectifs.&nbsp;»</em> A la fin des années 1970 en effet, Jean Linard projetait de fédérer les artistes et habitants du territoire autour d'une maison commune construite sur le site de l'Orme-aux-Loups à Sancerre. Mais la municipalité de l'époque n'y était pas favorable et, finalement, le céramiste concrétisa son projet à deux pas de son habitation, à Neuvy-deux-Clochers.<br /><em>«&nbsp;Mon premier souvenir de la Cathédrale&nbsp;? J'ai vu le choeur se monter,</em> se remémore Elodie, aujourd'hui âgée de 42 ans. <em>Il y avait beaucoup de briques en tas partout, pas du tout de mosaïque. Avec une copine, à l'époque, on voulait se faire une cabane en bois dans le jardin. Mon père m'a dit&nbsp;: «&nbsp;Faites-la plutôt en briques&nbsp;!&nbsp;» On a passé pas mal de temps à en charrier… Il était génial pour ça&nbsp;: avec lui, il n'y avait aucune objection aux rêves.&nbsp;»</em></p> <p>La forme de l'œuvre, une cathédrale, servait à exprimer la foi de Jean Linard.<em> «&nbsp;Il était de confession catholique. Il lisait les Evangiles tous les jours dans son atelier et il nous en parlait à table, c'était un sujet de réflexion et de discussion,</em> raconte Elodie. <em>Mais il était anti-Eglise. Il trouvait l’Eglise triste, les discours du pape de l'époque lamentables, l'idée des missionnaires lui faisait horreur et la manière dont on interprétait les enterrements le révoltait. Mais il adorait le côté joyeux de la religion. Dans sa cathédrale, il a écrit le nom de gens comme Mère Thérésa ou Monseigneur Gaillot.&nbsp;»<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_élodie.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Elodie Linard lors d'un atelier avec des enfants (Photo : D. Proietti)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_élodie.JPG" alt="Cathédrale élodie" width="545" height="363" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></em><br />Ecrits en mosaïque, dans des montagnes et des mers de couleurs, figurent également les noms de Mahomet, Bouddha ou encore Baha'u'llah. Jean Linard s'est intéressé à d'autres religions que la sienne, pour faire de sa cathédrale un lieu oecuménique, de rassemblement, et pour y diffuser un message de fraternité et de paix. On peut, par exemple, lire des mots de Jacques Prévert&nbsp;: <em>«&nbsp;Quelle connerie la guerre&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>Après sa mort, Elodie a dessiné <em>«&nbsp;sur une double page&nbsp;»</em> un projet fédérateur pour faire vivre le site&nbsp;: dans la partie Cathédrale, elle imaginait un <em>«&nbsp;grouillement de personnes et d'activités in situ&nbsp;»</em>, des ateliers d'art, des espaces gourmands, un jardin, un musée dans la forêt (comme son père le souhaitait)&nbsp;; dans la maison, un accueil de personnes fragiles, porteuses de handicaps par exemple, qui auraient pu participer activement à la vie du lieu. Présenté à sa famille, il n'a pas séduit. Le site a été mis en vente et de longues années ont passé.<br />La SCIC réveille ses espoirs.<em> «&nbsp;Pendant toutes ces années, plein de petites pierres ont été posées et elles vont bientôt se souder ensemble.&nbsp;»</em> Pour favoriser l'acquisition du lieu, elle s'est dite prête à laisser ses parts dans la SCIC.<em> «&nbsp;J'espère qu'on va trouver une solution pour le lieu et la famille.&nbsp;»</em><br />Elle a participé aux premières réunions du groupe de travail. Qu'a-t-elle ressenti&nbsp;? <em>«&nbsp;J'ai été surprise, contente et soulagée. C'est un groupe constructif&nbsp;: il y a des croisements d'idées, des visions différentes qui s'expriment.&nbsp;Je lâche un peu le projet en ce moment, mais j'espère m'y raccrocher et je sais que la Cathédrale deviendra un bien commun alors… la porte me restera toujours ouverte de fait&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></p> <h3>Une nouvelle forme de collectif qui intrigue</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></p> <p><em></em><strong>Vendredi 3 mai 2019 – 14 heures – Henrichemont</strong></p> <p>Marie-Ella Stellfeld et Jean Trassard font partie de ce groupe de travail <em>«&nbsp;constructif&nbsp;»</em>. Ils ont contribué à la rédaction des statuts et à la réalisation du budget prévisionnel. S'ils sont arrivés par des chemins différents, ils ont le même objectif&nbsp;: que la Cathédrale de Jean Linard perdure.<br />Mosaïste, Marie-Ella a choisi de vivre à Henrichemont, près du site qu'elle a découvert par hasard, en cherchant une maison dans la région. <em>«&nbsp;Quand tu es mosaïste, c'est vraiment magnifique, c'est un lieu fou&nbsp;! Je travaille comme lui, à partir de matériaux de récupération, donc ça m'a beaucoup parlé, ça m'a donné des idées, c'était inspirant. Je me suis dit&nbsp;: «&nbsp;C'est là qu'il faut être&nbsp;»&nbsp;!&nbsp;<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_foule.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Le groupe de travail sur la SCIC imagine des activités pour rendre la Cathédrale encore plus vivante. Le potentiel est là. (Photo : D. Proietti)"><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/Cathédrale_foule.JPG" alt="Cathédrale foule" width="687" height="386" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a>»</em><br />Retraité d'un bureau d'études dans le bâtiment, Jean Trassard vit à Neuvy-deux-Clochers et s'investit dans l'association Les Amis de la Tour de Vesvre<span style="font-size: 8pt;"> (6)</span>. <em>«&nbsp;Je suis venu convaincu,</em> assure-t-il. <em>J'ai été en quelque sorte mandaté par le Conseil d'administration pour participer au groupe de travail, parce que le lien existe déjà entre le site de la Tour de Vesvre et celui de la Cathédrale.&nbsp;»</em> Depuis plusieurs années en effet, des billets jumelés ont été mis en place, ainsi que des expositions partagées. <em>«&nbsp;Pour nous, il s'agit de pérenniser l'œuvre qui risque de se détériorer si on n'arrive pas à monter cette structure, puisque Chiara et Danilo ont annoncé qu'ils finiraient par laisser tomber alors que, jusqu'à présent, c'est quand même grâce à eux que ça fonctionne.&nbsp;»</em></p> <p>Si Marie-Ella a tout de suite eu envie de s'impliquer, Jean ne l'avait pas prévu. <em>«&nbsp;Ce qui m'a donné envie, c'est qu'à la suite de la réunion de présentation à Neuvy, j'ai eu des retours d'élus pas forcément positifs sur le côté «&nbsp;coopératif&nbsp;», voire «&nbsp;zadiste&nbsp;» du projet.&nbsp;»</em> Zadiste&nbsp;? Carrément&nbsp;! <em>«&nbsp;Donc, j'ai pensé qu'il était important de s'impliquer, pour montrer aux collectivités que c'était possible.&nbsp;»</em><br />Eux n'ont pas eu peur. <em>«&nbsp;D'un point de vue personnel, j'ai la curiosité de participer à quelque chose de nouveau, avec des plus jeunes et qui fonctionnent différemment,</em> souligne Jean. <em>J'ai connu le collectif dans le professionnel, mais il était hiérarchisé. Ici, je ressens un certain rejet de la hiérarchisation et du chef. C'est une forme de collectif mystérieuse pour moi.&nbsp;»</em><br />Pour Marie-Ella aussi, l'aventure est nouvelle. <em>«&nbsp;Je suis née en 1963, j'étais jeune dans les années 1980, en plein dans la société individualiste&nbsp;! J'observe le projet de SCIC et je vois qu'il peut y avoir de bonnes choses. Ça peut marcher&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <h3>Les héritiers sceptiques</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></p> <p><em></em>Les dernières démarches du groupe de travail sont allées en direction des élus locaux. Une motion de soutien a été transmise au conseil municipal de Neuvy-deux-Clochers&nbsp;: elle a été votée à l'unanimité, le mercredi 10 avril 2019. Par binôme, les membres du groupe continuent à présenter le projet dans les communes alentour, avant de s'adresser aux autres collectivités territoriales. L'assemblée générale constitutive aura lieu à la salle des fêtes de Neuvy-deux-Clochers le samedi 22 juin à 11 heures.</p> <p>Parallèlement, une lettre présentant le projet et demandant le prix fixé pour la vente a également été envoyée à l'ensemble des héritiers. Elle n'a reçu, pour l'instant, aucune réponse écrite officielle.</p> <p>Mais, contactés par téléphone <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>, Thomas, Marie, Benoît et Cécile, enfants de Jean Linard, expliquent qu'ils aimeraient plutôt que ce soit la Communauté de communes Terres du Haut-Berry qui achète. <em>« Avec la SCIC, on a mis la charrue avant les boeufs,</em> estime ainsi Thomas.<em> C’est prématuré. Pour être acheteur, encore faut-il qu’il y ait vendeur… Pour cela, il faudrait l’accord de tous les héritiers, ce qui n’est pas le cas. La question n’est pas tant sur le principe de la vente, sur lequel tous les héritiers semblent d’accord, mais sur les conditions. Pour ma part, je serais prêt à céder la Cathédrale à l’euro symbolique, si l’acheteur était qualifié. Mais je sais que je ne serai pas suivi dans ce sens par tous. La SCIC a fait une proposition récemment, sur laquelle nous nous pencherons. Mais Christophe, mon frère, avait mis des conditions précises dans son testament. » </em>Marie explique : <em>«</em> <em>Christophe (aujourd'hui décécé, ndrl) avait émis le souhait que la Cathédrale ne reste aux mains ni de la famille, ni de l’association, qui l’entretient mal. Le projet de la SCIC, c’est un peu comme si c’était la famille ou une partie de la famille qui la reprenait. Pour ma part, je suis prête à la mettre dans l’agence de Patrice Besse à Paris ou à la donner à la Communauté de communes, mais ni à l’association, ni à la famille. <em>» </em></em>Benoît est plus nuancé :<em> <em>«</em> La SCIC peut être une solution. Si la Communauté de communes pouvait reprendre, ça serait peut-être plus sérieux ? Ce qui est sûr, c’est que la Cathédrale doit être vendue. <em>» </em></em>Pour Cécile, la Communauté de communes paraît<em><em> <em>«</em> la solution la plus sérieuse <em>». <em>«&nbsp;Nous n’avons rien décidé encore, </em></em></em></em>précise-t-elle<em><em><em><em>. Nous attendons une réponse de la Communauté de communes. Pour moi, la SCIC est un peu comme une bombe à retardement, et je crains que ça parte dans tous les sens. Deux cent personnes sur un projet me paraît compliqué et je ne crois pas trop à cette solution. <em>»</em></em> </em></em></em>De son côté, Lise, petite-fille de Jean Linard, assure qu'elle n'a pas d'avis particulier (A l'heure où nous écrivons ces lignes, Claire, autre petite-fille de Jean Linard membre de l'Indivision n'a pas donné suite à nos sollicitations).<em> </em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________</span></p> <h3>Faire œuvre vivante</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_________________________________</span></p> <p><em></em><strong>Mardi 7 mai 2019 – 15 heures – Cathédrale de Jean Linard<a href="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/visite_collège_sancoins_4.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Des collégiens de Sancoins en plein atelier d'écriture sonore sur le site (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/CATHEDRALE/visite_collège_sancoins_4.JPG" alt="visite collège sancoins 4" width="357" height="471" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></strong></p> <p>Des cris résonnent dans la forêt qui entoure le site de la Cathédrale et les maisons d'habitation qui accueillaient autrefois Jean Linard et sa famille. Les œuvres sonores s'activent dans le vent. Les jeunes oiseaux pépient sous le soleil encore fragile de printemps. Des enfants courent, s'interpellent, font vibrer des herbes avec leurs lèvres, jouent à cache-cache derrière les Gardiens du Temple, tirés de leur veille…<br />Je ferme les yeux et écoute. Les élèves de Sancoins qui participent à l'atelier d'écriture sonore ne sont pas en récréation. Ils cueillent des sons. Munis de leur tablette numérique, ils enregistrent ceux qui leur paraissent intéressants. Mais ils ne se contentent pas de l'existant&nbsp;; instinctivement, ils produisent eux-mêmes de la matière sonore&nbsp;: en marchant dans les feuilles, en cassant des brindilles, en tapant sur un bidon abandonné, en tournant la poulie du puits, en imitant le miaulement des chats devenus sculptures… Ils ont tout de suite interagi avec ce qui les entourait, faisant aussi, à leur façon, œuvre. Vivante.</p> <p>C'est ainsi qu'il faudrait prolonger l'œuvre de Jean Linard&nbsp;: non pas en la muséifiant ou en la conservant simplement en l'état&nbsp;; mais en imaginant de nouvelles façons de la partager, de la vivre, de la prolonger. En accueillant une mosaïque de personnes, de cultures, d'idées. En faisant de cette Cathédrale unique et singulière, un bien commun pour penser, agir... rêver ensemble.</p> <p><strong>Fanny Lancelin</strong></p> <p><em>Dernière mise à jour de l'article : dimanche 2 juin 2019</em></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size: 8pt;">(1) Le village de La Borne est situé dans le département du Cher. Depuis des siècles, il est le lieu d'une intense activité de poterie et, depuis les années 1970, de la céramique contemporaine. <a href="https://www.laborne.org/fr/">https://www.laborne.org/fr/</a><br />(2) <a href="http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/textes-loi.html">http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/textes-loi.html</a><br />(3) Ohé du Bateau : <a href="https://www.ohedubateau.com/">https://www.ohedubateau.com/</a><br />(4) La Rénouée et la SCIC L'Arban : <a href="http://renouee.millevaches.net">http://renouee.millevaches.net</a><br />(5) Lettre au ministre de la Culture : <a href="https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/accueil/sauvegarde/9-popup/41-petition">https://cathedrale-linard.com/index.php/fr/accueil/sauvegarde/9-popup/41-petition</a><br />(6) Tour de Vesvre : maison forte bâtie au XIIe siècle, située sur la commune de Neuvy-deux-Clochers, classée Monument Historique depuis 1993 : <a href="http://www.latourdevesvre.fr/">http://www.latourdevesvre.fr/</a><br />(7) Propos recueillis par Nicolas Billy, journaliste, pour (Re)bonds.</span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading" style="text-align: left;"> <h3 class="panel-title">Jean Linard</h3> </div> <ul> <li style="text-align: left;">1931&nbsp;: naissance de Jean Linard à La Marche, dans la Nièvre (58).<br />Etudes de gravure à l'école Estienne à Paris.<br />Vacances chez ses grands-parents&nbsp;; transmission de l'amour du jardin et de la vigne&nbsp;; découverte de la céramique et visites au village de La Borne.</li> <li style="text-align: left;">1953&nbsp;: épouse Andrée Thumerelle.</li> <li style="text-align: left;">1957&nbsp;: location d'un jardin à Maisons-Alfort où il construit une cabane et s'entraîne au tournage et au modelage.<span style="font-size: 8pt;"></span></li> <li>1959&nbsp;: rencontre Anne Kjaesrgaard, potière danoise, qui deviendra sa femme.</li> <li>1961&nbsp;: le couple achète une ancienne carrière de silex à Neuvy-deux-Clochers et ensemble, y construisent leur maison et leurs ateliers, sans plan et avec des matériaux de récupération.</li> <li>1974&nbsp;: épouse Anne-Marie Guenin.</li> <li>1975&nbsp;: projet d'un édifice construit en commun avec tous ceux et celles qui le souhaiteraient&nbsp;; le site envisagé est l'Orme-aux-Loups sur la commune de Sancerre. Le projet avorte.</li> <li>1982&nbsp;: début de la construction de la Cathédrale près de l'ensemble d'habitations. Elle durera jusqu'à sa disparition.</li> <li>2010&nbsp;: décès de Jean Linard. Il avait sept enfants.<br />Plus d'informations sur le site de l'association Autour de la Cathédrale de Jean Linard&nbsp;: <a href="https://cathedrale-linard.com">https://cathedrale-linard.com</a></li> </ul> </div>