# 14 L'écriture comme acte d'existence (juin 2018) (Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale. http://www.rebonds.net/lecritureactedexistence 2023-05-11T18:55:30+02:00 (Re)bonds.net Joomla! - Open Source Content Management « Je vais vous parler de Jawed » 2017-03-21T14:47:31+01:00 2017-03-21T14:47:31+01:00 http://www.rebonds.net/lecritureactedexistence/425-jevaisvousparlerdejawed Super User <p><strong>C. vit à Bourges. Son chemin a croisé celui des migrants il y a plus d'un an, après le démantèlement de la jungle de Calais, puis l'ouverture du Prahda (*). Elle tente de venir en aide à ceux qui la sollicitent. Comme Jawed, jeune Afghan qui s'est résigné à retourner dans son pays au risque d'y mourir, parce que l'Europe n'a pas voulu le laisser vivre ici.</strong><br /><strong>Pour qu'il ne disparaisse pas tout à fait, C. écrit. Chaque jour, un bout de son histoire, de leur histoire. Elle nous la confie ici.</strong></p> <p>«&nbsp;Il a donc eu ce triste droit, celui de retourner volontairement dans son pays à feu et à sang :&nbsp;l'Afghanistan.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/jawed.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Jawed."><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/jawed.jpg" alt="jawed" width="215" height="302" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Son départ n'est maintenant plus qu'une question de jours, le plus tôt sera le mieux pour lui qui survit péniblement et sans un sou dans ce non-endroit qu'est le Prahda.<br />Il n'est de jour sans que les bombes ne frappent&nbsp;: il y a quelques&nbsp;jours, 60 victimes toutes chiites, toutes jeunes ou très jeunes&nbsp;; une peu avant, «&nbsp;seulement&nbsp;» 30 morts, mais tout le monde le sait car des journalistes y figurent. Un autre lieu, au sud, pleure le jour même 11 enfants.<br />Le drôle de compte à rebours est pourtant enclenché&nbsp;: bientôt son avion se posera au milieu des ruines de son pays, il tournera le dos à quatre ans de vie occidentale et ira vers quoi&nbsp;? Vers qui&nbsp;? Les siens, la fuite, la&nbsp;mort ?<br /><br />Alors, pour tenter de&nbsp;donner une épine&nbsp;dorsale à ce fatras d'absurdités, je vais vous parler de Jawed, de ce que je sais qu’il a vécu, de ce qu'il vit, de ce que je ne saurais plus mais&nbsp;qu'il vivra bientôt.<br />Pour que lui, dont on n'a voulu nulle part en Europe, imprime malgré tout la trace de son passage.</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un message...</strong></span><br /><br />Jawed part le 9 mai, Jawed part le 9 mai. Refrain obsédant.<br />Il est content : <em>«&nbsp;Good news !&nbsp;». </em>Moi non, je suis assez épouvantée d'avoir pu rendre cela possible, cette victoire contre l'arbitraire a un sale goût.<br />Et si Jawed meurt, à Kaboul ? Je resterai celle qui lui a permis d'accéder au retour volontaire qu'on lui refusait. <br />C'est le plus occidental des Afghans qui va s'envoler vers son pays et vers&nbsp;les siens, vers la guerre aussi. Difficile d'imaginer sa silhouette de dandy dans ce décor&nbsp;hostile.</p> <p>Octobre 2017 : un message sur Whatsapp : <em>«&nbsp;Yeah Miss !&nbsp;»</em> accompagné de la photo d'une convocation à la Préfecture <em>«&nbsp;en vue d'une notification de transfert et de détermination de l'Etat gnagnagna gnagnagna...&nbsp;»</em><br />C'étaient deux Hazâras et un Pachtou qui cherchaient un salut qu'ils n'auraient pas...</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>La rue ou l'avion</strong></span><br /><br />En septembre, j'avais assisté, au tribunal administratif d'Orléans, à&nbsp;l'audience du recours formé par&nbsp;un autre jeune Afghan hazâra, R., converti au catholicisme et résidant au Prahda. Tout cela sentait un peu l'improvisation&nbsp;: l'avocat consultait à la hâte le dossier que le gars trimbalait partout et l'audience fut expédiée, de même que les suivantes. L'interprète put néanmoins faire entendre la voix du jeune homme qui&nbsp;exprimait&nbsp;ses craintes quant au retour vers l'Afghanistan&nbsp;que lui imposerait à coup sûr la Finlande.&nbsp;<em>«&nbsp;C'est l'affaire de la Finlande, pas la nôtre&nbsp;»</em>,&nbsp;statua&nbsp;classiquement le juge&nbsp;quelques jours après. Un beau matin, R. plia donc bagages et disparut du Prahda et&nbsp;des écrans radars.&nbsp;Comme des milliers de ses compatriotes, il fait le long chemin de croix solitaire et misérable qui le conduira peut-être, s'il ne se fait pas arrêter, s'il ne devient pas fou ou définitivement clochard, à la demande d'asile en France. La rue ou l'avion.<br /><br />En octobre, suite au message sur Whatsapp, on part rencontrer un nommé Jawed, et on tombe sur deux autres compères, H., Afghan hazâra débouté du Danemark, et A., pachtou débouté d'Allemagne. Le reflux des déboutés des pays d'Europe du Nord, qui ont beaucoup accueilli vers 2015&nbsp;mais aussi énormément refusé l'asile,&nbsp;vient de commencer : ils&nbsp;sont&nbsp;des dizaines de milliers à fuir la déportation vers l'Afghanistan et à&nbsp;tenter&nbsp;leur chance en France, en Belgique, en Italie… Tous seront&nbsp;placés en procédure Dublin et la France n'aura de cesse&nbsp;de les renvoyer d'où ils viennent.<br />Les convocations s'enchaînent : 16, 21 et 28 novembre, même motif, même punition.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Kaboul déclarée ville sûre</span></strong></span><br /><br />Il y a eu du nouveau : en octobre, la Cimade et Amnesty International, forts d'un rapport alarmant sur les risques des retours forcés vers l'Afghanistan, somment&nbsp;la France de suspendre les transferts vers les pays d'Europe qui déportent&nbsp;vers l'Afghanistan.&nbsp;Toubon, le Défenseur des Droits, fait de même et demande un moratoire. L'été à Kaboul fut plus meurtrier que jamais. La représentation nationale de Kaboul est&nbsp;fermée. <br />Les avocats tentent leur chance un peu partout en France.<br /><br />On trouve une avocate correcte, qui a obtenu des annulations d'arrêtés et on se lance, on va essayer.<br />Hélas, «&nbsp;On&nbsp;» n'y arrivera pas, nulle part en France «&nbsp;on&nbsp;» n'y arrivera. <br /><br />L'Europe a déversé des sommes conséquentes&nbsp;vers l'Afghanistan - un hypocrite soutien au développement - et donc, l'Afghanistan ne s'opposera pas au retour des 80.000 déboutés. Kaboul, envers et contre toute logique, reste une région déclarée sûre. L'ambassade de France a mis la clé sous la porte depuis les sanglants attentats de l'été, mais qu'importe&nbsp;! Un rapport surréaliste estime même que la mortalité globale due aux attentats, rapportée au nombre d'habitants, peut être comparable à celle due aux accidents de la circulation&nbsp;! On renvoie donc vers Kaboul&nbsp;; qu’importe si les expulsés sont originaires d'un coin rendu inaccessible car en proie aux Talibans, qu'importe si on en retrouve morts de mort violente quelques heures après leur descente de l'avion.<br />«&nbsp;On&nbsp;» ne se doute de rien, «&nbsp;on&nbsp;» fait les dossiers chez moi, bien complets, bien documentés,&nbsp;bien à l'avance pour le jour où tombera l'arrêté.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>«&nbsp;La clandestinitié, ce n'est pas ce qu'il voulait&nbsp;»</strong></span><br /><br />Le Pachtou est tout petit, il a les yeux les plus tristes du monde. Il ne parle ni français ni anglais. Ses compatriotes rechignent à lui traduire : ils sont hazâras et un lourd contentieux séparent ces deux groupes, les premiers ayant massacré plus de 60 % des seconds il y a un siècle, ce qui a jeté un froid durable semble-t-il.<br />Bref, je galère en me rendant chez d'autres Pachtous avec lui pour qu’ils lui traduisent les tenants et les aboutissants. Rien que se faire expliquer où est l'appartement est une sacré paire de manches. Je m'occupe de lui en priorité, il me fait vraiment de la peine. <br /><br />Le jour de l'audience, l'avocate a délégué son collaborateur : il gère des dossiers de la CNDA (***).&nbsp;<em>«&nbsp;En France, pour un tel cas, vu l'aggravation des conditions sur place, j'aurais obtenu un réexamen et la protection subsidiaire&nbsp;»</em>,&nbsp;tente-t-il auprès du juge. Ben oui, mais il&nbsp;<em>«&nbsp;était en Allemagne, rendons-le à l’Allemagne »</em>. Il faudra attendre six mois pour qu'un juge tienne enfin compte de l'effet «&nbsp;ricochet&nbsp;» et ne s'en lave pas les mains.<br />Pour l'instant ce n'est pas encore le cas, et on sort de l'audience sachant que c'est plié.<br /><br />L'interprète est un vieux monsieur très digne, Afghan, ancien géologue, parti de chez lui à l'âge de 20 ans. Nous allons boire un chocolat au café du Palais. A. tient à nous l'offrir. L'interprète lui explique avec ménagement qu'il ne faut rien attendre de l'audience, discute très longtemps avec lui, s'informe de la situation dramatique de ses jeunes compatriotes exilés, s'étonne et se scandalise de l'absurde règlement Dublin. Il semble sincèrement ému par ce qu'il découvre. Ce procès servira peut-être au moins&nbsp;à ça : faire un peu&nbsp;sortir de l'ombre le sort des Dublin.<br /><br />Sans surprise, un résultat négatif parvient à A. quelques jours après. Je le retrouve chez ses amis, nous discutons longuement des possibilités qui s'offrent maintenant&nbsp;à lui : refuser son vol s'il est arrêté puis&nbsp;tenter sa chance dans un autre pays (un ou deux ne mettent pas encore les déboutés systématiquement en procédure Dublin), ou essayer de&nbsp;rester dix-huit mois, en situation irrégulière, pour ensuite demander l'asile en France. Beaucoup le font&nbsp;: ce seront les rues de Paris et son camp Porte de la Chapelle, et parfois l'hospitalité de proches&nbsp;lorsqu’ils ont lié connaissances en France. <br />Mais A. est las d'errer de pays en pays depuis des années. La clandestinité, ce n'est pas ce qu'il voulait. Sa famille lui manque, le prix à payer est trop élevé. Dans quelques jours, ses amis me téléphoneront pour me dire qu'il accepte son transfert vers l'Allemagne, qu'il me&nbsp;remercie pour l'aide que j'ai tenté de lui apporter.<br /><br />A. sera arrêté le 20 décembre, à l'occasion de sa signature quotidienne au commissariat, en même temps qu'Adama, jeune Guinéen extrêmement bègue à qui la préfète du Cher a refusé toute clémence. Contrairement à beaucoup de ses compatriotes, A. ne refusera pas de monter dans l'avion qui le conduira en Allemagne.&nbsp;Je pourrais tenter de le joindre pour avoir de ses nouvelles, mais&nbsp;à quoi bon ? Nous n'avons aucune langue commune.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Les pays du Nord</strong></span><br /><br />J'ai appris hier que A. est toujours en Allemagne, dans sa «&nbsp;no life&nbsp;», certainement à l'abri et nourri, mais sans aucune perspective. Voici cinq mois qu'il attend, qu'il attend quoi ? Rien. Il n'est pas sous les bombes, il attend. Je sais les gars paumés, vidés, après leurs années d'errance et de sévices, puis d'espoirs décus. L’Allemagne a repris son sinistre ballet vers Kaboul, il n’est même plus en sécurité.<br /><br />De manière impressionniste, les jeunes Afghans me brossent le tableau de ces pays du Nord (Suède, Danemark, Finlande) qui les accueillirent dignement, entendez par là qu'ils sont logés et nourris correctement à leur arrivée, que la langue leur est enseignée de manière intensive pendant que par ailleurs, leur demande d'asile est instruite, et qu’ils reçoivent une formation professionnelle. Plusieurs avaient une petite amie, s'étaient fait des potes, avaient une promesse d'embauche. Bref, on les traitait correctement, infiniment mieux que la poignée de demandeurs d'asile qui échouent chez nous. <br /><br />Mais, on y refuse beaucoup l'asile aussi, aux Afghans particulièrement. Ces tout jeunes garçons ne peuvent en rien prouver les menaces personnelles&nbsp;qui pèsent sur eux, et&nbsp;la protection subsidiaire qui les protège chez nous semble inconnue là-bas, si&nbsp;bien qu'au bout de deux ou trois ans, le couperet tombe : refus d'asile, vous êtes priés de quitter notre territoire.<br /><br />Et ils partent. <br />Leur nouveau monde, apprivoisé courageusement, s'écroule. C'est simple, ça se voit sur leurs&nbsp; photos.<br />2015 : un gosse à peine sorti de l'enfance et&nbsp;qui fait un selfie triste dans un coin terrible de la Bulgarie.<br />2015 -2016 : le voila qui pose fièrement dans un pays du Nord puis gaiement devant les monuments, la mer, les parterres&nbsp;fleuris, avec&nbsp;ses amis, sa&nbsp;copine, ses&nbsp;profs.<br />2017 : selfie dans un train, seul au monde&nbsp;à nouveau, arraché à la rassurante routine, aux proches,&nbsp;une fois de plus,&nbsp;puis devant la tour Eiffel - tout le monde pose devant la tour Eiffel, jamais vu UN demandeur d'asile ne pas poser au pied de la tour Eiffel. Le regard est devenu&nbsp;grave, inquiet, tendu. Tous&nbsp;ont perdu leurs illusions, leurs rêves, leurs amis, leur enfance, et définitivement&nbsp;leur entrain.<br /><br />Et les voici sur le quai d'une gare parisienne.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>«&nbsp;Un Hazâra vient de repérer un autre Hazâra&nbsp;»</strong></span><br /><br />Voici H., arraché au Danemark.<br />H. est perdu, il ne sait ni que faire, ni où se rendre,&nbsp;il a le moral à moins mille. <br />Il a 20 ans et a dû abandonner&nbsp;sa deuxième vie il y a quelques jours.<br />Il aperçoit Jawed, silhouette élégante qui détonne au milieu des refugiés encapuchonnés, ses yeux légèrement bridés : un Hazâra vient de repérer un autre Hazâra dans la cohue parisienne, désormais ils ne se quitteront plus : camp immonde&nbsp;Porte de la Chapelle, puis en province, une ville minuscule mais où ils reprennent espoir et deux mois après, transfert, toujours ensemble, comme par miracle, vers le Prahda de Bourges. <br />Ils ignorent que leur destin&nbsp;est désormais scellé&nbsp;: l'un doit repartir en Suède, l'autre au Danemark, les deux retourneront à Kaboul.<br /><br />Ironie du sort, ils furent arrêtés ensemble, le même jour de décembre. Menottés comme il se doit,&nbsp;mais H. s'agitait trop, il&nbsp;sera menotté les mains derrière le dos, pendant quatre heures, quatre heures de trajet.<br />Il n'a rien fait, c'est un gamin de 21 ans qui tente de fuir son sort.<br />H. est une vraie pipelette, Jawed est secret et réservé. <br /><br />Les Hazâras sont des afghans qui ne ressemblent pas aux afghans, plutôt à des asiatiques, «&nbsp;les nez plats&nbsp;» disent les Pachtous, et Jawed est un Hazâra qui ne ressemble pas à un Hazâra, encore moins à un Pachtou. C'est le plus européen des Afghans que je connaisse et c'est pourtant&nbsp;lui qui va partir. <br />Les Hazâras ont été à la fois privilégiés et très réprimés, ils sont actuellement fort discriminés par le pouvoir et cibles de l'EI et de Daesh réunis, en gros, en très gros. Leur islam chiite semble un peu moins borné&nbsp;que celui des Sunnites, vu de loin, de très loin&nbsp;; leurs femmes un peu moins empaquetées et cloitrées, j'ai même vu des photos d'une classe mixte avec des bouts de chevelure féminine, c'est dire.&nbsp;Ils ont beau me dépeindre la situation géopolitique inlassablement, plus ça va, moins je comprends.<br /><br />De H. je saurai presque tout, de Jawed presque rien. Il promène son spleen, lorsqu'il n'est pas trop mal pour sortir. Son allure tranche avec celle de ses colocataires : où a-t-il déniché cette veste cintrée en cuir&nbsp;noir, et cette bague plate ouvragée ? Le massacre capillaire auquel il se livre régulièrement, comme ses compatriotes (les Afghans et leurs cheveux, c'est toute&nbsp;une histoire) n'arrive pas à l'enlaidir. Nous partons en week-end et nous laissons les clés aux trois mousquetaires,&nbsp;histoire de les changer du Prahda. Ils nous envoient des photos&nbsp;du plat qu'ils ont préparé&nbsp;; tiens, Jawed a une coquetterie dans l'œil (il louche un peu), la médecine là-bas, ce n’est pas trop ça, enfin c'était ça avant qu'on leur détruise tout, c'est plus ça, va-t-on dire.<br />S. est le troisième larron, tout jeune&nbsp;. Sera bientôt l’heureux possesseur des précieux «&nbsp;papiers&nbsp;»&nbsp; et hélas, pour l’instant, d’une acné pour laquelle il espère un rendez-vous médical.<br /><br />On a eu le rendez-vous, et&nbsp;comme ils s'emmerdent à cent à l'heure, là où va l'un vont les autres : nous voici donc tous partis&nbsp;en délégation chez le dermatologue. On convient que si celui-ci&nbsp;ne parle pas anglais, j'irais dans le bureau pour traduire, mais que non, on n'y entrera&nbsp;pas tous les&nbsp;quatre. <br /><br />Bingo&nbsp;: le docteur appartient à la&nbsp;génération <em>«&nbsp;Non je parle pas du tout&nbsp;anglais, pourquoi ?&nbsp;»</em><br />On entre dans un&nbsp;grand bureau de vrai docteur, qui pose plein de vraies questions que je traduis vaille que vaille avec un piètre anglais. S. répond, c'est inaudible, il est intimidé. J'explique en long en large et surtout&nbsp;de&nbsp;travers comment se tartiner tous les soirs la crème magique mais qui pique, qui doit piquer un peu mais pas trop, que si ça pèle trop 'faut en mettre moins, mais 'faut que ça pèle un peu&nbsp;quand même. Bref, on remonte dans la voiture, et&nbsp;la visite est abondamment expliquée et commentée je suppose. S. a soudain retrouvé sa langue : <em>«&nbsp;Comment se passe une consultation chez un très&nbsp;digne spécialiste de ville...&nbsp;»</em><br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La musculation</span></strong></span><br /><br />Mon cher et tendre avait énergiquement refusé de prescrire le moindre traitement à ce sujet : <em>«&nbsp;Pff, l'acné, oui ça se soigne. Non, je ne fais pas ça.... Comment ? Ho ! Ça a dû bien changer.&nbsp;»</em><br /><br />Par contre, il ne peut échapper aux consultations pour <em>«&nbsp;mal de dos, de jambes, de bras...&nbsp;»</em>. Il râle :<br /><br /><em>«&nbsp;Je ne peux pas, j'ai pas le&nbsp;matériel et on n'est pas bien installé !</em><br /><em>&nbsp;- Mais c’est juste pour voir ce qu'il a au dos, il a super mal.&nbsp;»</em><br /><br />C'est fou ce que des gamins aussi jeunes peuvent se plaindre du dos : mauvais couchages des mois&nbsp;durant ? Psycho-somatisation ? On a vite eu l’explication : le loisir principal, outre les expériences capillaires hasardeuses, c’est la musculation. C'est très sérieux, 'faut pas se moquer, mais ce n'est jamais la cause de leurs maux...<br /><br /><em>«&nbsp;Tu fais de la muscu ?</em> s'assure mon cher et tendre devant des tablettes de chocolat impeccables (des fois que ce soit génétique)<br /><em>&nbsp;- Oui, je un peu.</em><br /><em>- T'as pas un peu&nbsp;forcé des fois ?</em><br /><em>- Ha non !&nbsp;Pas du tout, ça rien à voir !&nbsp;»</em><br />Il examine,&nbsp;prescrit des antalgiques, de la kiné, du repos, et… plus de muscu !<br /><em>«&nbsp;Pendant au moins dix jours, hein&nbsp;?</em><br /><em>- Oui pas problème, je arrêter sport.&nbsp;»</em><br /><br />Trois jours après :<br /><em>«&nbsp;Ça va mieux ton&nbsp;dos ?</em><br /><em>- Oui, très bien, je guéris.</em><br /><em>- T'es pas encore retourné à la muscu, au moins ?</em><br /><em>- Si je retourné, mais moi très bien, je plus mal du tout.</em><br /><em>&nbsp;- Il avait pas dit 10 jours ?</em><br /><em>- Mais, je plus rien, je te dis.&nbsp;»</em><br />Grand sourire.<br /><br />Voila, c’est ça les préoccupations des gars qui ont eu leurs papiers, et ça ne devrait être que&nbsp;ça pour tout le monde, à cet âge là. Et bien non. Pas pour&nbsp;H. et Jawed, la vie va s'acharner sur eux encore un paquet de temps.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Derniers jours au Prahda</span></strong></span><br /><br />Jawed quitte l'atmosphère étouffante du Prahda et vient dormir à la maison en compagnie de son ami qu'il ne reverra bientôt plus. H. s’est déjà volatilisé, recours perdus pour tout le monde, il ne veut pas retourner en Afghanistan, certains errent ainsi des années de pays en pays, Dublin partout ou presque.<br /><br />Je vais le chercher, les yeux pleins de larmes, à cause du chien qui est mort cette nuit. C'est dérisoire, la mort d'un chien, quand ailleurs les gens tombent comme des mouches sous les balles, sous les bombes ; ça ne m'empêche pas de pleurer, un peu sur le chien, un peu sur Jawed, impossible de démêler les causes.<br />Avant son départ, on enchaine les lessives. Le billet de train ne va pas, il y a grève après-demain et même sans la grève, c'est trop juste pour rejoindre Roissy à temps. C'est vraiment démerde-toi jusqu'au bout.<br /><br />On cherche un autre train, un hébergement pour la nuit, un accompagnement jusqu'à Roissy. On se rabat sur un bus la veille, un bénévole parisien l'hébergera, ira avec lui jusqu'à l'aéroport, sera rejoint par une fille qui y bosse. La veille, il passera voir ses potes «&nbsp;parisiens&nbsp;», fera une dernière fois un tour dans le beau Paris qu'il aimait tant.<br />Avec deux de ses potes, plus chanceux, on part se procurer une valise, on file dans un magasin cheep d'un centre commercial, les valises sont moches, direction Tati où les trois mousquetaires trouvent THE valise, solide,&nbsp;chic et pas chère. A les voir, on croirait trois ados préparant un départ en vacances. Non, ça aurait pu, ça a failli, mais non.<br /><br />Jawed semble heureux, il va retrouver son pays, ses proches.<br />Je leur parle de Tati, Avenue de Clichy à Paris, véritable caverne d'Ali Baba. Jawed n'en connaitra jamais rien, les deux autres&nbsp;iront un jour à Paris, reviendront chargés de tee-shirts, de casquettes, de jeans fashions.<br /><br />La veille, plus d'une douzaine&nbsp;se sont retrouvés dans un appartement du Prado,&nbsp;car l'un d'entre eux venait d'apprendre la mort de sa mère. <br />Ça fait quoi d'apprendre la mort de sa mère à des milliers de kilomètres de distance, tous ces sacrifices, ces arrachements pour cette vie encore si incertaine, si misérable ? Les femmes ne sont pas à la fête là-bas mais tous chérissent leur mère. Le 8 mars, fleurissent sur les profils les fleurs, les larmes et les messages : «&nbsp;Miss you Mom&nbsp;».<br /><br />Jawed est pudique et je ne cherche pas à recueillir ses confidences, pourtant, lorsqu'il a fallu évoquer son futur entretien à l'OFII (****), nous avons abordé les raisons de son départ, qu'il faudra bien exposer pour obtenir l’accord de l'OFII. <br />De sa voix très douce et presque inaudible, il m'a parlé pour la première et la dernière fois de sa mère, de ses sœurs, de leur situation intenable dans une région dangereuse et troublée, de la nécessité impérieuse qu'il retourne auprès d'elles pour leur venir en aide.<br />Je l'ai cru, je n'ai aucune raison de ne pas le croire, je n'ai pas questionné sur ce que je n'avais pas compris, lui ai dit de parler à la personne de l'OFII comme il m'avait parlé. <br />Je ne suis pas sûre qu'il ait réussi à l'émouvoir. Emouvoir, quel drôle de mot par les temps qui courent.<br /><br />Il passe sa dernière nuit au Pradha. Nous passerons le chercher pour le conduire à la sinistre gare routière tout près du Prado, repère de demandeurs d'asile, et son Centre Leclerc, où il est impossible de faire ses courses sans tomber sur des groupes d'Afghans faisant leurs emplettes. Si le Centre Leclerc ferme comme il en est question, c'est un petit bout d'Afghanistan qu'on va perdre à Bourges.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>L'heure des adieux</strong></span><br /><br />Jawed est malade en voiture, ça en est impressionnant. Il a des médicaments contre ça, mais tout de même.&nbsp;Comme lors des voyages scolaires des mioches, on se dit qu'il sera mieux à l'avant du car. Le bus arrive, je questionne le gros connard qui vérifie les titres de voyage :<br /><em>«&nbsp;Il est malade en car, le jeune homme, ce serait possible qu'il soit à l'avant ?&nbsp;»</em><br /><em>«&nbsp;NON&nbsp;!&nbsp;»</em>&nbsp;m'aboie l'autre pitbull qui est mûr pour bosser à la pref', à l'OFII, au Prahda, bref dans tous ces endroits où on fait preuve de tant de sollicitude pour des gens souffrant de syndromes post-traumatiques, d'angoisses, de désorientation, etc.&nbsp;!<br /><br />L'heure des adieux, on ne voit plus Jawed au travers des vitres fumées. On remonte dans la voiture, on se dit que tout ira bien pour lui.<br /><br />Le lendemain matin, quatre bombes explosent dans Kaboul, faisant de nombreuses victimes. Et un tremblement de terre secoue le nord du pays.<br /><br />Les réseaux sociaux s'affolent une fois de plus, «&nbsp;Priez pour mon pays&nbsp;». Rien dans la presse, ou si peu.<br />Les avions décollent.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Le CRA&nbsp;: une prison avec des enfants, des bébés</strong></span><br /><br />Je me souviens parfaitement du jour où Jawed a décidé de repartir en Afghanistan&nbsp;: c’était un mois après son arrestation. Arrêté avec son ami, menotté, dans le dos pour H. qui s’agitait un peu trop. Tout le trajet menant vers le CRA (*****). L’avion au petit matin.<br />Qui m’a prévenu&nbsp;? Je ne m’en souviens plus. J’ignorais dans quel centre de rétention ils pouvaient être, j’ai ameuté tout le monde, des gens m’ont passé des numéros, Rennes, Vincennes, Mesnil-Amelot… Bingo&nbsp;! C’était là, CRA 3, car c’est immense le centre de rétention, au pied des pistes, comme on dit dans les pubs pour Méribel. J’ai pu avoir brièvement l’un des deux au téléphone. Ils ne voulaient pas partir, ni pour la Suède, ni pour le Danemark. <em>«&nbsp;Vous serez en fuite, après, ce sera fini, 18 mois, plus de sous, plus de toit...&nbsp;»</em> Je débite une dernière fois mon laïus. <em>«&nbsp;No, we want to stay&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;OK, refuse the plane, I call Maitre Machin&nbsp;»</em> et scrouic, plus de ligne.<br /><br />J’appelle l’avocate, mais Mesnil-Amelot, ce n’est pas la porte à côté. Il est d’usage de confier la rédaction du recours à la Cimade et de s’en remettre à l’avocat de permanence. Tous les Dublin sont libérés au bout du compte.<br />Prévenons donc que c’est comme ça que ça se passe.<br />Oui, mais voilà, ils ne répondent plus. Les cabines publiques du CRA non plus, ça sonne dans le vide. Horreur&nbsp;! Mes pauvres petits gars pensent que leur avocate s’occupe de tout et plus moyen de leur dire qu’il faut aller au bureau de la Cimade, et tout ça par ma faute&nbsp;!<br />J’envoie leurs dossiers à la Cimade, passe une nuit éprouvante. Le lendemain, la Cimade a répondu&nbsp;: ils sont passés, le recours est fait, ils rencontrent le Juge des Libertés cet après-midi. Une fois dehors, c’est la galère pour revenir sur Paris&nbsp;: l’arrêt de bus est loin, ils n’ont ni fric ni téléphone. Un pote de Paris se propose de les loger, ils se perdent alors qu’ils sont devant chez lui. Bref&nbsp;: le lendemain, les voila à la gare de Bourges.<br />Je suis plus émue que prévu de les revoir, et eux aussi. Ça secoue, le CRA, même une nuit, les gars reviennent tous en vrac&nbsp;: c’est une prison, une vraie, crade, bruyante, angoissante, violente. <br /><br /><em>«&nbsp;Il y avait une famille&nbsp;»</em>, confie H. bouleversé. Car le CRA, c’est une prison, mais une prison un peu spéciale&nbsp;: une prison avec des enfants, des bébés.<br />Il continue&nbsp;: <em>« Il y avait trois enfants&nbsp;»</em>. Il n’est pas sûr de la nationalité mais a retenu les âges, le plus jeune était bien jeune.<br /><em>«&nbsp;Je leur ai dit qu’ils pouvaient refuser, ils n’avaient pas l’air de savoir.&nbsp;»</em> Hélas, H., parfois on ne peut plus refuser&nbsp;: on est scotché, ligoté, bâillonné, masqué, drogué pour le vol.<br /><br />Dernier espoir alors : la BAD, Brigade Anti Déportation. J’ai rencontré plusieurs de leurs membres. Pour les destinations les plus dangereuses&nbsp;: Soudan, Afghanistan… Ils filent à l’aéroport, tentent de convaincre équipage et passagers de refuser la présence de l’exilé, se font arrêter, éloigner, inculper. Les préfectures rusent, affrètent des charters qui décollent depuis Le Bourget, débarquent les passagers rétifs. Mais les vols sont quotidiens et la BAD se concentre sur les situations les plus dramatiques.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Le retour volontaire</strong></span><br /><br />Que vont-ils faire&nbsp;? Fini les pointages quotidiens au commissariat. Jawed réfléchit, H. me dit qu’il ne dort pas, qu’il est en plein dilemme&nbsp;: sa mère est malade, sa famille en danger. Peu à peu, s’éloigne ce projet de construire sa vie en Europe, les siens lui manquent. On a parlé du retour volontaire. Un jour, il vient me voir&nbsp;: <em>« Je veux repartir en Afghanistan, j’ai bien réfléchi.&nbsp;»</em><br />Et… les ennuis vont «&nbsp;commencer&nbsp;»… <br /><br />D’abord, le retour volontaire, c’est pas pour les Dublin ; eux relèvent d’un autre pays, c’est pour les déboutés. Oui, mais voilà, 'faut virer du monde, le plus de monde possible, surtout les Afghans, on a des accords, on a versé plein de pognon pour qu’ils reprennent leurs mioches qui ne voulaient pas finir morts, soldats (c'est un peu pareil) ou Talibans. Alors, c’est devenu possible, grâce à une circulaire miracle. Oui, mais notre ami est en fuite (******) : <em>«&nbsp;ça reste possible, du moment qu’il n’est pas en rétention,</em> m’assure t-on, <em>on a eu deux gars dans sa situation, ils se sont présenté à l’OFII, et tout s’est très bien passé&nbsp;»</em>, me dit une association. <em>«&nbsp;Parles-en à ta travailleuse sociale.&nbsp;»</em><br />Il en parle.<br />Il attend.<br />Rien.<br /><br />Presque un mois après, on lui colle un mail sous le nez&nbsp;:<em> «&nbsp;C’est plus possible, t’es en fuite, c’est trop tard, tu pars sans délai en Suède, sinon…&nbsp;»</em>. Le mail le dit, il dit aussi qu’on lui a raconté n’importe quoi.<br />Meuhhh non, me dit Irena, d’une asso amie, 'faut qu’il aille à l’OFII.<br /><br />On avait envoyé un mail à l’OFII, où il demandait un rendez-vous, sans réponse. On file à l’OFII, on explique. La responsable confirme&nbsp;: <em>«&nbsp;C’est pas possible, il est en fuite&nbsp;»</em>. Jawed est un peu anglophone, c’est moi qui cause&nbsp;: <em>« Je ne peux pas traiter avec vous, car monsieur appartient au Prahda, je suis en liaison avec eux, il ira en Suède ».</em><br />J’ai traduit <em>«&nbsp;Monsieur appartient au Prahda&nbsp;»</em> à Jawed, en vérifiant sur le dictionnaire, à employer le verbe exact. J’aurais pas dû&nbsp;: il blêmit sous la phrase.<br />Irena s’entretient avec le Prahda, confirme que c’est possible. On lui redit d’attendre.<br />Il attend. Régulièrement, je l’interroge&nbsp;: <em>« T’as pas changé d’avis&nbsp;?&nbsp;»</em>. Non, il est soulagé d’avoir pris la décision&nbsp;; il aurait pu, comme bien des compatriotes, terrorisés à l’idée d’un retour, passer un purgatoire de 18 mois, caché chez des potes ou sur les trottoirs de Paris. Ils sont des centaines, sans un sou, sans abri, clochardisés, tremblants de peur à l’idée d’être arrêtés, qui s’accrochent, les rues de Paris plutôt que les rues de Kaboul, tout, tout, plutôt que Kaboul.<br />Mais Jawed est las, trop sensible, il ne peut plus rester loin des siens. Ambassade, OFII&nbsp;: il doit exposer les raisons de son départ, il aura un hypocrite projet, il n’est pas dupe, c’est juste qu’on ne veut pas de lui ici. Mais il faut que les apparences soient sauves : projet, insertion... sur place on sait qu’il n’y aura pas grand chose, portes closes.<br /><br />Dernier passage&nbsp; à l’OFII, convocation un jour de grève des trains. Jawed téléphone, éploré, depuis la gare, finit par demander <em>«&nbsp;Vous ne pouvez pas m’amener&nbsp;?&nbsp;»</em>. On y file avec un de ses amis, on le laissera seul affronter la dame de l’OFII, on part visiter la cathédrale Sainte Croix, je tente d’expliquer ce qu’est un confessionnal, un chemin de croix, deux impies qui arpentent ces lieux saints le nez en l’air.<br /><br />Jawed a quitté l’OFII, cette fois-ci, c’est sa casquette qui a été source de problème. Il n’a pas compris quand on lui a dit de l’enlever, la sécurité a été appelée. On l’écoute, incrédules. J’ai un peu honte, à vrai dire. Pas que pour la casquette.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Si mes enfants prennent le chemin de l'exil</strong></span><br /><br /><em>Hello how are you&nbsp;?</em><br /><em>I&nbsp; am find</em><br /><em>I am in Kaboul now</em><br /><br />Par ses amis, de loin en loin, j’ai quelques nouvelles. Pas terribles, les nouvelles. Mais franchement, à quoi s’attendre d’autre&nbsp;? La galère semble-t-il. Un destin qui s’éloigne, un destin difficile. Les affres, les difficultés que vivent tous ceux qui ont eu le malheur de naître dans ces contrées en guerre. Une parenthèse de quatre ans. Pas de quoi être fiers de nous. Je n’ose guère prendre l’initiative d’appeler. Nous sommes peut-être déjà des souvenirs lointains, désagréables.<br /><br />Seul rescapé de ce cauchemar, il y a&nbsp; S., 19 ans. Dans un foyer, nourri, logé, mais zéro ressource. Il commence les leçons de français, ne se plaint pas&nbsp;: <em>« J’ai un toit sur ma tête&nbsp;»</em>. On a du mal à l’imaginer, mais il va réussir à bâtir sa vie avec un courage infini, comme l’ont fait ses compatriotes arrivés l’année dernière de Calais. <em>«&nbsp;J’ai eu ma mère au téléphone, hier, elle vous salue et vous remercie.&nbsp;»</em> J’espère qu’on traitera mieux mes enfants, si par malheur ils doivent un jour prendre le chemin de l’exil.&nbsp;»<br /><br /><span style="font-size: 8pt;"><em>(*) Prahda&nbsp;: ancien hôtel Formule 1, situé en bordure d'autoroute, reconverti par l’État et la société Adoma en centre d'hébergement pour demandeurs d'asile. Environ 90 hommes peuvent y être accueillis à Bourges, dans l'attente de la décision de l'administration française sur leur sort (lire le numéro 6 de (Re)bonds, onglet Archives en haut à droite).<br />(**) Dublin&nbsp;: du nom du règlement européen qui stipule que la demande d'asile doit être examiné par un seul pays, celui par lequel est arrivé le demandeur et où on lui a pris ses empreintes.<br />(***) CNDA&nbsp;: Cour Nationale du Droit d'Asile, où sont jugés les recours.<br />(****) OFII&nbsp;: Office Français de l'Immigration et de l'Intégration.<br />(*****) CRA&nbsp;: Centre de Rétention Administrative.<br />(******) Les demandeurs d'asile sont déclarés en fuite s'ils refusent leur premier vol, même s'ils vivent toujours au Prahda.</em></span></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>C. vit à Bourges. Son chemin a croisé celui des migrants il y a plus d'un an, après le démantèlement de la jungle de Calais, puis l'ouverture du Prahda (*). Elle tente de venir en aide à ceux qui la sollicitent. Comme Jawed, jeune Afghan qui s'est résigné à retourner dans son pays au risque d'y mourir, parce que l'Europe n'a pas voulu le laisser vivre ici.</strong><br /><strong>Pour qu'il ne disparaisse pas tout à fait, C. écrit. Chaque jour, un bout de son histoire, de leur histoire. Elle nous la confie ici.</strong></p> <p>«&nbsp;Il a donc eu ce triste droit, celui de retourner volontairement dans son pays à feu et à sang :&nbsp;l'Afghanistan.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/jawed.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Jawed."><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/jawed.jpg" alt="jawed" width="215" height="302" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Son départ n'est maintenant plus qu'une question de jours, le plus tôt sera le mieux pour lui qui survit péniblement et sans un sou dans ce non-endroit qu'est le Prahda.<br />Il n'est de jour sans que les bombes ne frappent&nbsp;: il y a quelques&nbsp;jours, 60 victimes toutes chiites, toutes jeunes ou très jeunes&nbsp;; une peu avant, «&nbsp;seulement&nbsp;» 30 morts, mais tout le monde le sait car des journalistes y figurent. Un autre lieu, au sud, pleure le jour même 11 enfants.<br />Le drôle de compte à rebours est pourtant enclenché&nbsp;: bientôt son avion se posera au milieu des ruines de son pays, il tournera le dos à quatre ans de vie occidentale et ira vers quoi&nbsp;? Vers qui&nbsp;? Les siens, la fuite, la&nbsp;mort ?<br /><br />Alors, pour tenter de&nbsp;donner une épine&nbsp;dorsale à ce fatras d'absurdités, je vais vous parler de Jawed, de ce que je sais qu’il a vécu, de ce qu'il vit, de ce que je ne saurais plus mais&nbsp;qu'il vivra bientôt.<br />Pour que lui, dont on n'a voulu nulle part en Europe, imprime malgré tout la trace de son passage.</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Un message...</strong></span><br /><br />Jawed part le 9 mai, Jawed part le 9 mai. Refrain obsédant.<br />Il est content : <em>«&nbsp;Good news !&nbsp;». </em>Moi non, je suis assez épouvantée d'avoir pu rendre cela possible, cette victoire contre l'arbitraire a un sale goût.<br />Et si Jawed meurt, à Kaboul ? Je resterai celle qui lui a permis d'accéder au retour volontaire qu'on lui refusait. <br />C'est le plus occidental des Afghans qui va s'envoler vers son pays et vers&nbsp;les siens, vers la guerre aussi. Difficile d'imaginer sa silhouette de dandy dans ce décor&nbsp;hostile.</p> <p>Octobre 2017 : un message sur Whatsapp : <em>«&nbsp;Yeah Miss !&nbsp;»</em> accompagné de la photo d'une convocation à la Préfecture <em>«&nbsp;en vue d'une notification de transfert et de détermination de l'Etat gnagnagna gnagnagna...&nbsp;»</em><br />C'étaient deux Hazâras et un Pachtou qui cherchaient un salut qu'ils n'auraient pas...</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>La rue ou l'avion</strong></span><br /><br />En septembre, j'avais assisté, au tribunal administratif d'Orléans, à&nbsp;l'audience du recours formé par&nbsp;un autre jeune Afghan hazâra, R., converti au catholicisme et résidant au Prahda. Tout cela sentait un peu l'improvisation&nbsp;: l'avocat consultait à la hâte le dossier que le gars trimbalait partout et l'audience fut expédiée, de même que les suivantes. L'interprète put néanmoins faire entendre la voix du jeune homme qui&nbsp;exprimait&nbsp;ses craintes quant au retour vers l'Afghanistan&nbsp;que lui imposerait à coup sûr la Finlande.&nbsp;<em>«&nbsp;C'est l'affaire de la Finlande, pas la nôtre&nbsp;»</em>,&nbsp;statua&nbsp;classiquement le juge&nbsp;quelques jours après. Un beau matin, R. plia donc bagages et disparut du Prahda et&nbsp;des écrans radars.&nbsp;Comme des milliers de ses compatriotes, il fait le long chemin de croix solitaire et misérable qui le conduira peut-être, s'il ne se fait pas arrêter, s'il ne devient pas fou ou définitivement clochard, à la demande d'asile en France. La rue ou l'avion.<br /><br />En octobre, suite au message sur Whatsapp, on part rencontrer un nommé Jawed, et on tombe sur deux autres compères, H., Afghan hazâra débouté du Danemark, et A., pachtou débouté d'Allemagne. Le reflux des déboutés des pays d'Europe du Nord, qui ont beaucoup accueilli vers 2015&nbsp;mais aussi énormément refusé l'asile,&nbsp;vient de commencer : ils&nbsp;sont&nbsp;des dizaines de milliers à fuir la déportation vers l'Afghanistan et à&nbsp;tenter&nbsp;leur chance en France, en Belgique, en Italie… Tous seront&nbsp;placés en procédure Dublin et la France n'aura de cesse&nbsp;de les renvoyer d'où ils viennent.<br />Les convocations s'enchaînent : 16, 21 et 28 novembre, même motif, même punition.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Kaboul déclarée ville sûre</span></strong></span><br /><br />Il y a eu du nouveau : en octobre, la Cimade et Amnesty International, forts d'un rapport alarmant sur les risques des retours forcés vers l'Afghanistan, somment&nbsp;la France de suspendre les transferts vers les pays d'Europe qui déportent&nbsp;vers l'Afghanistan.&nbsp;Toubon, le Défenseur des Droits, fait de même et demande un moratoire. L'été à Kaboul fut plus meurtrier que jamais. La représentation nationale de Kaboul est&nbsp;fermée. <br />Les avocats tentent leur chance un peu partout en France.<br /><br />On trouve une avocate correcte, qui a obtenu des annulations d'arrêtés et on se lance, on va essayer.<br />Hélas, «&nbsp;On&nbsp;» n'y arrivera pas, nulle part en France «&nbsp;on&nbsp;» n'y arrivera. <br /><br />L'Europe a déversé des sommes conséquentes&nbsp;vers l'Afghanistan - un hypocrite soutien au développement - et donc, l'Afghanistan ne s'opposera pas au retour des 80.000 déboutés. Kaboul, envers et contre toute logique, reste une région déclarée sûre. L'ambassade de France a mis la clé sous la porte depuis les sanglants attentats de l'été, mais qu'importe&nbsp;! Un rapport surréaliste estime même que la mortalité globale due aux attentats, rapportée au nombre d'habitants, peut être comparable à celle due aux accidents de la circulation&nbsp;! On renvoie donc vers Kaboul&nbsp;; qu’importe si les expulsés sont originaires d'un coin rendu inaccessible car en proie aux Talibans, qu'importe si on en retrouve morts de mort violente quelques heures après leur descente de l'avion.<br />«&nbsp;On&nbsp;» ne se doute de rien, «&nbsp;on&nbsp;» fait les dossiers chez moi, bien complets, bien documentés,&nbsp;bien à l'avance pour le jour où tombera l'arrêté.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>«&nbsp;La clandestinitié, ce n'est pas ce qu'il voulait&nbsp;»</strong></span><br /><br />Le Pachtou est tout petit, il a les yeux les plus tristes du monde. Il ne parle ni français ni anglais. Ses compatriotes rechignent à lui traduire : ils sont hazâras et un lourd contentieux séparent ces deux groupes, les premiers ayant massacré plus de 60 % des seconds il y a un siècle, ce qui a jeté un froid durable semble-t-il.<br />Bref, je galère en me rendant chez d'autres Pachtous avec lui pour qu’ils lui traduisent les tenants et les aboutissants. Rien que se faire expliquer où est l'appartement est une sacré paire de manches. Je m'occupe de lui en priorité, il me fait vraiment de la peine. <br /><br />Le jour de l'audience, l'avocate a délégué son collaborateur : il gère des dossiers de la CNDA (***).&nbsp;<em>«&nbsp;En France, pour un tel cas, vu l'aggravation des conditions sur place, j'aurais obtenu un réexamen et la protection subsidiaire&nbsp;»</em>,&nbsp;tente-t-il auprès du juge. Ben oui, mais il&nbsp;<em>«&nbsp;était en Allemagne, rendons-le à l’Allemagne »</em>. Il faudra attendre six mois pour qu'un juge tienne enfin compte de l'effet «&nbsp;ricochet&nbsp;» et ne s'en lave pas les mains.<br />Pour l'instant ce n'est pas encore le cas, et on sort de l'audience sachant que c'est plié.<br /><br />L'interprète est un vieux monsieur très digne, Afghan, ancien géologue, parti de chez lui à l'âge de 20 ans. Nous allons boire un chocolat au café du Palais. A. tient à nous l'offrir. L'interprète lui explique avec ménagement qu'il ne faut rien attendre de l'audience, discute très longtemps avec lui, s'informe de la situation dramatique de ses jeunes compatriotes exilés, s'étonne et se scandalise de l'absurde règlement Dublin. Il semble sincèrement ému par ce qu'il découvre. Ce procès servira peut-être au moins&nbsp;à ça : faire un peu&nbsp;sortir de l'ombre le sort des Dublin.<br /><br />Sans surprise, un résultat négatif parvient à A. quelques jours après. Je le retrouve chez ses amis, nous discutons longuement des possibilités qui s'offrent maintenant&nbsp;à lui : refuser son vol s'il est arrêté puis&nbsp;tenter sa chance dans un autre pays (un ou deux ne mettent pas encore les déboutés systématiquement en procédure Dublin), ou essayer de&nbsp;rester dix-huit mois, en situation irrégulière, pour ensuite demander l'asile en France. Beaucoup le font&nbsp;: ce seront les rues de Paris et son camp Porte de la Chapelle, et parfois l'hospitalité de proches&nbsp;lorsqu’ils ont lié connaissances en France. <br />Mais A. est las d'errer de pays en pays depuis des années. La clandestinité, ce n'est pas ce qu'il voulait. Sa famille lui manque, le prix à payer est trop élevé. Dans quelques jours, ses amis me téléphoneront pour me dire qu'il accepte son transfert vers l'Allemagne, qu'il me&nbsp;remercie pour l'aide que j'ai tenté de lui apporter.<br /><br />A. sera arrêté le 20 décembre, à l'occasion de sa signature quotidienne au commissariat, en même temps qu'Adama, jeune Guinéen extrêmement bègue à qui la préfète du Cher a refusé toute clémence. Contrairement à beaucoup de ses compatriotes, A. ne refusera pas de monter dans l'avion qui le conduira en Allemagne.&nbsp;Je pourrais tenter de le joindre pour avoir de ses nouvelles, mais&nbsp;à quoi bon ? Nous n'avons aucune langue commune.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Les pays du Nord</strong></span><br /><br />J'ai appris hier que A. est toujours en Allemagne, dans sa «&nbsp;no life&nbsp;», certainement à l'abri et nourri, mais sans aucune perspective. Voici cinq mois qu'il attend, qu'il attend quoi ? Rien. Il n'est pas sous les bombes, il attend. Je sais les gars paumés, vidés, après leurs années d'errance et de sévices, puis d'espoirs décus. L’Allemagne a repris son sinistre ballet vers Kaboul, il n’est même plus en sécurité.<br /><br />De manière impressionniste, les jeunes Afghans me brossent le tableau de ces pays du Nord (Suède, Danemark, Finlande) qui les accueillirent dignement, entendez par là qu'ils sont logés et nourris correctement à leur arrivée, que la langue leur est enseignée de manière intensive pendant que par ailleurs, leur demande d'asile est instruite, et qu’ils reçoivent une formation professionnelle. Plusieurs avaient une petite amie, s'étaient fait des potes, avaient une promesse d'embauche. Bref, on les traitait correctement, infiniment mieux que la poignée de demandeurs d'asile qui échouent chez nous. <br /><br />Mais, on y refuse beaucoup l'asile aussi, aux Afghans particulièrement. Ces tout jeunes garçons ne peuvent en rien prouver les menaces personnelles&nbsp;qui pèsent sur eux, et&nbsp;la protection subsidiaire qui les protège chez nous semble inconnue là-bas, si&nbsp;bien qu'au bout de deux ou trois ans, le couperet tombe : refus d'asile, vous êtes priés de quitter notre territoire.<br /><br />Et ils partent. <br />Leur nouveau monde, apprivoisé courageusement, s'écroule. C'est simple, ça se voit sur leurs&nbsp; photos.<br />2015 : un gosse à peine sorti de l'enfance et&nbsp;qui fait un selfie triste dans un coin terrible de la Bulgarie.<br />2015 -2016 : le voila qui pose fièrement dans un pays du Nord puis gaiement devant les monuments, la mer, les parterres&nbsp;fleuris, avec&nbsp;ses amis, sa&nbsp;copine, ses&nbsp;profs.<br />2017 : selfie dans un train, seul au monde&nbsp;à nouveau, arraché à la rassurante routine, aux proches,&nbsp;une fois de plus,&nbsp;puis devant la tour Eiffel - tout le monde pose devant la tour Eiffel, jamais vu UN demandeur d'asile ne pas poser au pied de la tour Eiffel. Le regard est devenu&nbsp;grave, inquiet, tendu. Tous&nbsp;ont perdu leurs illusions, leurs rêves, leurs amis, leur enfance, et définitivement&nbsp;leur entrain.<br /><br />Et les voici sur le quai d'une gare parisienne.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>«&nbsp;Un Hazâra vient de repérer un autre Hazâra&nbsp;»</strong></span><br /><br />Voici H., arraché au Danemark.<br />H. est perdu, il ne sait ni que faire, ni où se rendre,&nbsp;il a le moral à moins mille. <br />Il a 20 ans et a dû abandonner&nbsp;sa deuxième vie il y a quelques jours.<br />Il aperçoit Jawed, silhouette élégante qui détonne au milieu des refugiés encapuchonnés, ses yeux légèrement bridés : un Hazâra vient de repérer un autre Hazâra dans la cohue parisienne, désormais ils ne se quitteront plus : camp immonde&nbsp;Porte de la Chapelle, puis en province, une ville minuscule mais où ils reprennent espoir et deux mois après, transfert, toujours ensemble, comme par miracle, vers le Prahda de Bourges. <br />Ils ignorent que leur destin&nbsp;est désormais scellé&nbsp;: l'un doit repartir en Suède, l'autre au Danemark, les deux retourneront à Kaboul.<br /><br />Ironie du sort, ils furent arrêtés ensemble, le même jour de décembre. Menottés comme il se doit,&nbsp;mais H. s'agitait trop, il&nbsp;sera menotté les mains derrière le dos, pendant quatre heures, quatre heures de trajet.<br />Il n'a rien fait, c'est un gamin de 21 ans qui tente de fuir son sort.<br />H. est une vraie pipelette, Jawed est secret et réservé. <br /><br />Les Hazâras sont des afghans qui ne ressemblent pas aux afghans, plutôt à des asiatiques, «&nbsp;les nez plats&nbsp;» disent les Pachtous, et Jawed est un Hazâra qui ne ressemble pas à un Hazâra, encore moins à un Pachtou. C'est le plus européen des Afghans que je connaisse et c'est pourtant&nbsp;lui qui va partir. <br />Les Hazâras ont été à la fois privilégiés et très réprimés, ils sont actuellement fort discriminés par le pouvoir et cibles de l'EI et de Daesh réunis, en gros, en très gros. Leur islam chiite semble un peu moins borné&nbsp;que celui des Sunnites, vu de loin, de très loin&nbsp;; leurs femmes un peu moins empaquetées et cloitrées, j'ai même vu des photos d'une classe mixte avec des bouts de chevelure féminine, c'est dire.&nbsp;Ils ont beau me dépeindre la situation géopolitique inlassablement, plus ça va, moins je comprends.<br /><br />De H. je saurai presque tout, de Jawed presque rien. Il promène son spleen, lorsqu'il n'est pas trop mal pour sortir. Son allure tranche avec celle de ses colocataires : où a-t-il déniché cette veste cintrée en cuir&nbsp;noir, et cette bague plate ouvragée ? Le massacre capillaire auquel il se livre régulièrement, comme ses compatriotes (les Afghans et leurs cheveux, c'est toute&nbsp;une histoire) n'arrive pas à l'enlaidir. Nous partons en week-end et nous laissons les clés aux trois mousquetaires,&nbsp;histoire de les changer du Prahda. Ils nous envoient des photos&nbsp;du plat qu'ils ont préparé&nbsp;; tiens, Jawed a une coquetterie dans l'œil (il louche un peu), la médecine là-bas, ce n’est pas trop ça, enfin c'était ça avant qu'on leur détruise tout, c'est plus ça, va-t-on dire.<br />S. est le troisième larron, tout jeune&nbsp;. Sera bientôt l’heureux possesseur des précieux «&nbsp;papiers&nbsp;»&nbsp; et hélas, pour l’instant, d’une acné pour laquelle il espère un rendez-vous médical.<br /><br />On a eu le rendez-vous, et&nbsp;comme ils s'emmerdent à cent à l'heure, là où va l'un vont les autres : nous voici donc tous partis&nbsp;en délégation chez le dermatologue. On convient que si celui-ci&nbsp;ne parle pas anglais, j'irais dans le bureau pour traduire, mais que non, on n'y entrera&nbsp;pas tous les&nbsp;quatre. <br /><br />Bingo&nbsp;: le docteur appartient à la&nbsp;génération <em>«&nbsp;Non je parle pas du tout&nbsp;anglais, pourquoi ?&nbsp;»</em><br />On entre dans un&nbsp;grand bureau de vrai docteur, qui pose plein de vraies questions que je traduis vaille que vaille avec un piètre anglais. S. répond, c'est inaudible, il est intimidé. J'explique en long en large et surtout&nbsp;de&nbsp;travers comment se tartiner tous les soirs la crème magique mais qui pique, qui doit piquer un peu mais pas trop, que si ça pèle trop 'faut en mettre moins, mais 'faut que ça pèle un peu&nbsp;quand même. Bref, on remonte dans la voiture, et&nbsp;la visite est abondamment expliquée et commentée je suppose. S. a soudain retrouvé sa langue : <em>«&nbsp;Comment se passe une consultation chez un très&nbsp;digne spécialiste de ville...&nbsp;»</em><br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">La musculation</span></strong></span><br /><br />Mon cher et tendre avait énergiquement refusé de prescrire le moindre traitement à ce sujet : <em>«&nbsp;Pff, l'acné, oui ça se soigne. Non, je ne fais pas ça.... Comment ? Ho ! Ça a dû bien changer.&nbsp;»</em><br /><br />Par contre, il ne peut échapper aux consultations pour <em>«&nbsp;mal de dos, de jambes, de bras...&nbsp;»</em>. Il râle :<br /><br /><em>«&nbsp;Je ne peux pas, j'ai pas le&nbsp;matériel et on n'est pas bien installé !</em><br /><em>&nbsp;- Mais c’est juste pour voir ce qu'il a au dos, il a super mal.&nbsp;»</em><br /><br />C'est fou ce que des gamins aussi jeunes peuvent se plaindre du dos : mauvais couchages des mois&nbsp;durant ? Psycho-somatisation ? On a vite eu l’explication : le loisir principal, outre les expériences capillaires hasardeuses, c’est la musculation. C'est très sérieux, 'faut pas se moquer, mais ce n'est jamais la cause de leurs maux...<br /><br /><em>«&nbsp;Tu fais de la muscu ?</em> s'assure mon cher et tendre devant des tablettes de chocolat impeccables (des fois que ce soit génétique)<br /><em>&nbsp;- Oui, je un peu.</em><br /><em>- T'as pas un peu&nbsp;forcé des fois ?</em><br /><em>- Ha non !&nbsp;Pas du tout, ça rien à voir !&nbsp;»</em><br />Il examine,&nbsp;prescrit des antalgiques, de la kiné, du repos, et… plus de muscu !<br /><em>«&nbsp;Pendant au moins dix jours, hein&nbsp;?</em><br /><em>- Oui pas problème, je arrêter sport.&nbsp;»</em><br /><br />Trois jours après :<br /><em>«&nbsp;Ça va mieux ton&nbsp;dos ?</em><br /><em>- Oui, très bien, je guéris.</em><br /><em>- T'es pas encore retourné à la muscu, au moins ?</em><br /><em>- Si je retourné, mais moi très bien, je plus mal du tout.</em><br /><em>&nbsp;- Il avait pas dit 10 jours ?</em><br /><em>- Mais, je plus rien, je te dis.&nbsp;»</em><br />Grand sourire.<br /><br />Voila, c’est ça les préoccupations des gars qui ont eu leurs papiers, et ça ne devrait être que&nbsp;ça pour tout le monde, à cet âge là. Et bien non. Pas pour&nbsp;H. et Jawed, la vie va s'acharner sur eux encore un paquet de temps.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Derniers jours au Prahda</span></strong></span><br /><br />Jawed quitte l'atmosphère étouffante du Prahda et vient dormir à la maison en compagnie de son ami qu'il ne reverra bientôt plus. H. s’est déjà volatilisé, recours perdus pour tout le monde, il ne veut pas retourner en Afghanistan, certains errent ainsi des années de pays en pays, Dublin partout ou presque.<br /><br />Je vais le chercher, les yeux pleins de larmes, à cause du chien qui est mort cette nuit. C'est dérisoire, la mort d'un chien, quand ailleurs les gens tombent comme des mouches sous les balles, sous les bombes ; ça ne m'empêche pas de pleurer, un peu sur le chien, un peu sur Jawed, impossible de démêler les causes.<br />Avant son départ, on enchaine les lessives. Le billet de train ne va pas, il y a grève après-demain et même sans la grève, c'est trop juste pour rejoindre Roissy à temps. C'est vraiment démerde-toi jusqu'au bout.<br /><br />On cherche un autre train, un hébergement pour la nuit, un accompagnement jusqu'à Roissy. On se rabat sur un bus la veille, un bénévole parisien l'hébergera, ira avec lui jusqu'à l'aéroport, sera rejoint par une fille qui y bosse. La veille, il passera voir ses potes «&nbsp;parisiens&nbsp;», fera une dernière fois un tour dans le beau Paris qu'il aimait tant.<br />Avec deux de ses potes, plus chanceux, on part se procurer une valise, on file dans un magasin cheep d'un centre commercial, les valises sont moches, direction Tati où les trois mousquetaires trouvent THE valise, solide,&nbsp;chic et pas chère. A les voir, on croirait trois ados préparant un départ en vacances. Non, ça aurait pu, ça a failli, mais non.<br /><br />Jawed semble heureux, il va retrouver son pays, ses proches.<br />Je leur parle de Tati, Avenue de Clichy à Paris, véritable caverne d'Ali Baba. Jawed n'en connaitra jamais rien, les deux autres&nbsp;iront un jour à Paris, reviendront chargés de tee-shirts, de casquettes, de jeans fashions.<br /><br />La veille, plus d'une douzaine&nbsp;se sont retrouvés dans un appartement du Prado,&nbsp;car l'un d'entre eux venait d'apprendre la mort de sa mère. <br />Ça fait quoi d'apprendre la mort de sa mère à des milliers de kilomètres de distance, tous ces sacrifices, ces arrachements pour cette vie encore si incertaine, si misérable ? Les femmes ne sont pas à la fête là-bas mais tous chérissent leur mère. Le 8 mars, fleurissent sur les profils les fleurs, les larmes et les messages : «&nbsp;Miss you Mom&nbsp;».<br /><br />Jawed est pudique et je ne cherche pas à recueillir ses confidences, pourtant, lorsqu'il a fallu évoquer son futur entretien à l'OFII (****), nous avons abordé les raisons de son départ, qu'il faudra bien exposer pour obtenir l’accord de l'OFII. <br />De sa voix très douce et presque inaudible, il m'a parlé pour la première et la dernière fois de sa mère, de ses sœurs, de leur situation intenable dans une région dangereuse et troublée, de la nécessité impérieuse qu'il retourne auprès d'elles pour leur venir en aide.<br />Je l'ai cru, je n'ai aucune raison de ne pas le croire, je n'ai pas questionné sur ce que je n'avais pas compris, lui ai dit de parler à la personne de l'OFII comme il m'avait parlé. <br />Je ne suis pas sûre qu'il ait réussi à l'émouvoir. Emouvoir, quel drôle de mot par les temps qui courent.<br /><br />Il passe sa dernière nuit au Pradha. Nous passerons le chercher pour le conduire à la sinistre gare routière tout près du Prado, repère de demandeurs d'asile, et son Centre Leclerc, où il est impossible de faire ses courses sans tomber sur des groupes d'Afghans faisant leurs emplettes. Si le Centre Leclerc ferme comme il en est question, c'est un petit bout d'Afghanistan qu'on va perdre à Bourges.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>L'heure des adieux</strong></span><br /><br />Jawed est malade en voiture, ça en est impressionnant. Il a des médicaments contre ça, mais tout de même.&nbsp;Comme lors des voyages scolaires des mioches, on se dit qu'il sera mieux à l'avant du car. Le bus arrive, je questionne le gros connard qui vérifie les titres de voyage :<br /><em>«&nbsp;Il est malade en car, le jeune homme, ce serait possible qu'il soit à l'avant ?&nbsp;»</em><br /><em>«&nbsp;NON&nbsp;!&nbsp;»</em>&nbsp;m'aboie l'autre pitbull qui est mûr pour bosser à la pref', à l'OFII, au Prahda, bref dans tous ces endroits où on fait preuve de tant de sollicitude pour des gens souffrant de syndromes post-traumatiques, d'angoisses, de désorientation, etc.&nbsp;!<br /><br />L'heure des adieux, on ne voit plus Jawed au travers des vitres fumées. On remonte dans la voiture, on se dit que tout ira bien pour lui.<br /><br />Le lendemain matin, quatre bombes explosent dans Kaboul, faisant de nombreuses victimes. Et un tremblement de terre secoue le nord du pays.<br /><br />Les réseaux sociaux s'affolent une fois de plus, «&nbsp;Priez pour mon pays&nbsp;». Rien dans la presse, ou si peu.<br />Les avions décollent.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Le CRA&nbsp;: une prison avec des enfants, des bébés</strong></span><br /><br />Je me souviens parfaitement du jour où Jawed a décidé de repartir en Afghanistan&nbsp;: c’était un mois après son arrestation. Arrêté avec son ami, menotté, dans le dos pour H. qui s’agitait un peu trop. Tout le trajet menant vers le CRA (*****). L’avion au petit matin.<br />Qui m’a prévenu&nbsp;? Je ne m’en souviens plus. J’ignorais dans quel centre de rétention ils pouvaient être, j’ai ameuté tout le monde, des gens m’ont passé des numéros, Rennes, Vincennes, Mesnil-Amelot… Bingo&nbsp;! C’était là, CRA 3, car c’est immense le centre de rétention, au pied des pistes, comme on dit dans les pubs pour Méribel. J’ai pu avoir brièvement l’un des deux au téléphone. Ils ne voulaient pas partir, ni pour la Suède, ni pour le Danemark. <em>«&nbsp;Vous serez en fuite, après, ce sera fini, 18 mois, plus de sous, plus de toit...&nbsp;»</em> Je débite une dernière fois mon laïus. <em>«&nbsp;No, we want to stay&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;OK, refuse the plane, I call Maitre Machin&nbsp;»</em> et scrouic, plus de ligne.<br /><br />J’appelle l’avocate, mais Mesnil-Amelot, ce n’est pas la porte à côté. Il est d’usage de confier la rédaction du recours à la Cimade et de s’en remettre à l’avocat de permanence. Tous les Dublin sont libérés au bout du compte.<br />Prévenons donc que c’est comme ça que ça se passe.<br />Oui, mais voilà, ils ne répondent plus. Les cabines publiques du CRA non plus, ça sonne dans le vide. Horreur&nbsp;! Mes pauvres petits gars pensent que leur avocate s’occupe de tout et plus moyen de leur dire qu’il faut aller au bureau de la Cimade, et tout ça par ma faute&nbsp;!<br />J’envoie leurs dossiers à la Cimade, passe une nuit éprouvante. Le lendemain, la Cimade a répondu&nbsp;: ils sont passés, le recours est fait, ils rencontrent le Juge des Libertés cet après-midi. Une fois dehors, c’est la galère pour revenir sur Paris&nbsp;: l’arrêt de bus est loin, ils n’ont ni fric ni téléphone. Un pote de Paris se propose de les loger, ils se perdent alors qu’ils sont devant chez lui. Bref&nbsp;: le lendemain, les voila à la gare de Bourges.<br />Je suis plus émue que prévu de les revoir, et eux aussi. Ça secoue, le CRA, même une nuit, les gars reviennent tous en vrac&nbsp;: c’est une prison, une vraie, crade, bruyante, angoissante, violente. <br /><br /><em>«&nbsp;Il y avait une famille&nbsp;»</em>, confie H. bouleversé. Car le CRA, c’est une prison, mais une prison un peu spéciale&nbsp;: une prison avec des enfants, des bébés.<br />Il continue&nbsp;: <em>« Il y avait trois enfants&nbsp;»</em>. Il n’est pas sûr de la nationalité mais a retenu les âges, le plus jeune était bien jeune.<br /><em>«&nbsp;Je leur ai dit qu’ils pouvaient refuser, ils n’avaient pas l’air de savoir.&nbsp;»</em> Hélas, H., parfois on ne peut plus refuser&nbsp;: on est scotché, ligoté, bâillonné, masqué, drogué pour le vol.<br /><br />Dernier espoir alors : la BAD, Brigade Anti Déportation. J’ai rencontré plusieurs de leurs membres. Pour les destinations les plus dangereuses&nbsp;: Soudan, Afghanistan… Ils filent à l’aéroport, tentent de convaincre équipage et passagers de refuser la présence de l’exilé, se font arrêter, éloigner, inculper. Les préfectures rusent, affrètent des charters qui décollent depuis Le Bourget, débarquent les passagers rétifs. Mais les vols sont quotidiens et la BAD se concentre sur les situations les plus dramatiques.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Le retour volontaire</strong></span><br /><br />Que vont-ils faire&nbsp;? Fini les pointages quotidiens au commissariat. Jawed réfléchit, H. me dit qu’il ne dort pas, qu’il est en plein dilemme&nbsp;: sa mère est malade, sa famille en danger. Peu à peu, s’éloigne ce projet de construire sa vie en Europe, les siens lui manquent. On a parlé du retour volontaire. Un jour, il vient me voir&nbsp;: <em>« Je veux repartir en Afghanistan, j’ai bien réfléchi.&nbsp;»</em><br />Et… les ennuis vont «&nbsp;commencer&nbsp;»… <br /><br />D’abord, le retour volontaire, c’est pas pour les Dublin ; eux relèvent d’un autre pays, c’est pour les déboutés. Oui, mais voilà, 'faut virer du monde, le plus de monde possible, surtout les Afghans, on a des accords, on a versé plein de pognon pour qu’ils reprennent leurs mioches qui ne voulaient pas finir morts, soldats (c'est un peu pareil) ou Talibans. Alors, c’est devenu possible, grâce à une circulaire miracle. Oui, mais notre ami est en fuite (******) : <em>«&nbsp;ça reste possible, du moment qu’il n’est pas en rétention,</em> m’assure t-on, <em>on a eu deux gars dans sa situation, ils se sont présenté à l’OFII, et tout s’est très bien passé&nbsp;»</em>, me dit une association. <em>«&nbsp;Parles-en à ta travailleuse sociale.&nbsp;»</em><br />Il en parle.<br />Il attend.<br />Rien.<br /><br />Presque un mois après, on lui colle un mail sous le nez&nbsp;:<em> «&nbsp;C’est plus possible, t’es en fuite, c’est trop tard, tu pars sans délai en Suède, sinon…&nbsp;»</em>. Le mail le dit, il dit aussi qu’on lui a raconté n’importe quoi.<br />Meuhhh non, me dit Irena, d’une asso amie, 'faut qu’il aille à l’OFII.<br /><br />On avait envoyé un mail à l’OFII, où il demandait un rendez-vous, sans réponse. On file à l’OFII, on explique. La responsable confirme&nbsp;: <em>«&nbsp;C’est pas possible, il est en fuite&nbsp;»</em>. Jawed est un peu anglophone, c’est moi qui cause&nbsp;: <em>« Je ne peux pas traiter avec vous, car monsieur appartient au Prahda, je suis en liaison avec eux, il ira en Suède ».</em><br />J’ai traduit <em>«&nbsp;Monsieur appartient au Prahda&nbsp;»</em> à Jawed, en vérifiant sur le dictionnaire, à employer le verbe exact. J’aurais pas dû&nbsp;: il blêmit sous la phrase.<br />Irena s’entretient avec le Prahda, confirme que c’est possible. On lui redit d’attendre.<br />Il attend. Régulièrement, je l’interroge&nbsp;: <em>« T’as pas changé d’avis&nbsp;?&nbsp;»</em>. Non, il est soulagé d’avoir pris la décision&nbsp;; il aurait pu, comme bien des compatriotes, terrorisés à l’idée d’un retour, passer un purgatoire de 18 mois, caché chez des potes ou sur les trottoirs de Paris. Ils sont des centaines, sans un sou, sans abri, clochardisés, tremblants de peur à l’idée d’être arrêtés, qui s’accrochent, les rues de Paris plutôt que les rues de Kaboul, tout, tout, plutôt que Kaboul.<br />Mais Jawed est las, trop sensible, il ne peut plus rester loin des siens. Ambassade, OFII&nbsp;: il doit exposer les raisons de son départ, il aura un hypocrite projet, il n’est pas dupe, c’est juste qu’on ne veut pas de lui ici. Mais il faut que les apparences soient sauves : projet, insertion... sur place on sait qu’il n’y aura pas grand chose, portes closes.<br /><br />Dernier passage&nbsp; à l’OFII, convocation un jour de grève des trains. Jawed téléphone, éploré, depuis la gare, finit par demander <em>«&nbsp;Vous ne pouvez pas m’amener&nbsp;?&nbsp;»</em>. On y file avec un de ses amis, on le laissera seul affronter la dame de l’OFII, on part visiter la cathédrale Sainte Croix, je tente d’expliquer ce qu’est un confessionnal, un chemin de croix, deux impies qui arpentent ces lieux saints le nez en l’air.<br /><br />Jawed a quitté l’OFII, cette fois-ci, c’est sa casquette qui a été source de problème. Il n’a pas compris quand on lui a dit de l’enlever, la sécurité a été appelée. On l’écoute, incrédules. J’ai un peu honte, à vrai dire. Pas que pour la casquette.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Si mes enfants prennent le chemin de l'exil</strong></span><br /><br /><em>Hello how are you&nbsp;?</em><br /><em>I&nbsp; am find</em><br /><em>I am in Kaboul now</em><br /><br />Par ses amis, de loin en loin, j’ai quelques nouvelles. Pas terribles, les nouvelles. Mais franchement, à quoi s’attendre d’autre&nbsp;? La galère semble-t-il. Un destin qui s’éloigne, un destin difficile. Les affres, les difficultés que vivent tous ceux qui ont eu le malheur de naître dans ces contrées en guerre. Une parenthèse de quatre ans. Pas de quoi être fiers de nous. Je n’ose guère prendre l’initiative d’appeler. Nous sommes peut-être déjà des souvenirs lointains, désagréables.<br /><br />Seul rescapé de ce cauchemar, il y a&nbsp; S., 19 ans. Dans un foyer, nourri, logé, mais zéro ressource. Il commence les leçons de français, ne se plaint pas&nbsp;: <em>« J’ai un toit sur ma tête&nbsp;»</em>. On a du mal à l’imaginer, mais il va réussir à bâtir sa vie avec un courage infini, comme l’ont fait ses compatriotes arrivés l’année dernière de Calais. <em>«&nbsp;J’ai eu ma mère au téléphone, hier, elle vous salue et vous remercie.&nbsp;»</em> J’espère qu’on traitera mieux mes enfants, si par malheur ils doivent un jour prendre le chemin de l’exil.&nbsp;»<br /><br /><span style="font-size: 8pt;"><em>(*) Prahda&nbsp;: ancien hôtel Formule 1, situé en bordure d'autoroute, reconverti par l’État et la société Adoma en centre d'hébergement pour demandeurs d'asile. Environ 90 hommes peuvent y être accueillis à Bourges, dans l'attente de la décision de l'administration française sur leur sort (lire le numéro 6 de (Re)bonds, onglet Archives en haut à droite).<br />(**) Dublin&nbsp;: du nom du règlement européen qui stipule que la demande d'asile doit être examiné par un seul pays, celui par lequel est arrivé le demandeur et où on lui a pris ses empreintes.<br />(***) CNDA&nbsp;: Cour Nationale du Droit d'Asile, où sont jugés les recours.<br />(****) OFII&nbsp;: Office Français de l'Immigration et de l'Intégration.<br />(*****) CRA&nbsp;: Centre de Rétention Administrative.<br />(******) Les demandeurs d'asile sont déclarés en fuite s'ils refusent leur premier vol, même s'ils vivent toujours au Prahda.</em></span></p> <p>&nbsp;</p> Loi immigration : un long chemin avant l'accord 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/lecritureactedexistence/424-leprojetdeloiasileetimmigration Super User <p><strong>La loi «&nbsp;pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie&nbsp;» a été définitivement adoptée le mercredi 1er août. Le gouvernement avait souhaité une procédure accélérée ; il aura finalement fallu deux lectures dans chaque chambre. La commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs) n'avait pas trouvé d'accord. Pourquoi le texte a-t-il suscité autant de débats ? Que changera-t-il vraiment au sort des demandeurs d'asile&nbsp;? (<em>dernière mise à jour de cet article le dimanche 5 août 2018)</em><br /></strong></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Les objectifs de la loi</span></strong></span></p> <p>Le projet est lancé le mercredi 12 juillet 2017 en Conseil des ministres. Objectifs principaux affichés&nbsp;: réduire le délai de traitement des demandes d'asile&nbsp;; faciliter les expulsions de ceux qui sont déboutés&nbsp;; améliorer l'accueil de ceux qui restent.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/politique-migrato.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Source : Etats Généraux des Migrations." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/politique-migrato.jpg" alt="politique migrato" width="368" height="264" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />La durée de traitement des dossiers passerait ainsi de onze à six mois. Bonne nouvelle&nbsp;? Pas vraiment… Le délai pour déposer la demande serait réduit à 90 jours (contre 120 aujourd'hui). Plus grave&nbsp;: les délais de recours, à déposer auprès de la Cour Nationale Du Droit d'Asile (CNDA), seraient également réduits, passant d'un mois à quinze jours. Dans certains cas, le recours ne serait même plus suspensif&nbsp;: le demandeur pourrait être expulsé sans être passé devant la Cour&nbsp;!<br /><br />Pour augmenter le nombre d'expulsions – que la loi nomme pudiquement «&nbsp;éloignement&nbsp;» – la durée maximale du séjour en centre de rétention passerait de 45 à 90 jours. Les déboutés ayant le droit de refuser leur vol une première fois et d'être relâchés (à certaines conditions), le gouvernement craint les mises en fuite et les passages à la clandestinité.<br /><br />Enfin, parmi les mesures qui amélioreraient la situation de ceux qui obtiennent la protection subsidiaire et les apatrides&nbsp;: un titre de séjour de quatre ans, au lieu d'un an actuellement.<br />Les enfants qui obtiennent l'asile pourraient demander la «&nbsp;réunification familiale&nbsp;» non plus seulement pour leurs parents, mais aussi pour leurs frères et sœurs.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Désaccords et grèves</strong></span><br /><br />Au début de l'année 2018, le gouvernement organise une «&nbsp;concertation&nbsp;» auprès d'associations nationales qui viennent en aide aux demandeurs d'asile. Mais 260 d'entre elles, jugeant que leurs voix ne sont en réalité pas entendues, lancent leur propre concertation citoyenne sur l'accueil et les droits des personnes migrantes en France. Une démarche qui aboutit aux Etats Généraux des Migrations (*).<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/chute_de_droits.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Source : la Cimade." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/chute_de_droits.jpg" alt="chute de droits" width="303" height="401" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />Le 30 janvier 2018, un avant-projet est présenté par le gouvernement. Quelques jours plus tard, une grève éclate à la CNDA. Ses membres dénoncent des conditions de travail qui ne permettent pas de faire respecter le droit. Fait exceptionnel&nbsp;: ce mouvement dure 28 jours&nbsp;!<br /><br />Même constat, autre grève : celle de 200 agents de l'OFPRA,&nbsp; l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une procédure accélérée ?</strong></span><br /><br />Pour autant, pas question pour le gouvernement de faire une pause&nbsp;: le projet de loi est enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2018 pour être discuté en commissions&nbsp;: la commission des Lois est saisie&nbsp;; celles des Affaires sociales et des Affaires étrangères s'auto-saisissent pour avis, tout&nbsp;comme la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes. <br />Et signe que le gouvernement veut aller vite, il engage une procédure dite accélérée, comme le lui permet l'article 45 de la Constitution&nbsp;: une lecture par Chambre. Les désaccords entre députés et sénateurs en décideront autrement... (<em>lire ci-dessous : "Une promulgation à l'automne"</em>)<br /><br />Dans les commissions, les députés adoptent plusieurs amendements.<br />Ils souhaitent, par exemple, que la protection pour les mineurs victimes de mutilations sexuelles s'étendent aux garçons (jusqu'ici, elle était accordée aux filles).<br />Ils excluent des pays dits «&nbsp;sûrs&nbsp;» ceux où l'homosexualité est réprimée.<br />Ils inscrivent la prise en compte de l'état de «&nbsp;vulnérabilité&nbsp;» des migrants avant leur placement en centre de rétention administrative.<br /><br />D'autres réflexions concernent le «&nbsp;délit de solidarité&nbsp;» (**) ou encore la possibilité pour les demandeurs d'asile n'ayant reçu aucune réponse de l'OFPRA de pouvoir travailler au bout de six mois.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Quel résultat&nbsp;?</span></strong></span><br /><br />Le texte arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le lundi 16 juin 2018. Après 61 heures de discussions et de débats, l'examen d'un millier d'amendements, il est adopté à 228 voix pour (La République en Marche, le Modem, le groupe UDI-Agir-Indépendants) et 139 contre (Les Républicains, les Socialistes, les Communistes, la France Insoumise, le Front national).<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/hemicycle-panoramique_modif.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Photo : Assemblée nationale." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/hemicycle-panoramique_modif.jpg" alt="hemicycle panoramique modif" width="453" height="261" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />Grossièrement&nbsp;: la Gauche juge le texte dangereux pour le droit d'asile, la Droite ne le trouve pas assez dur.<br /><br />Quelques députés macronistes ont exprimé leur réserve&nbsp;: 14 se sont abstenus, un a voté contre, Jean-Michel Clément (il a quitté le groupe de La République en Marche).<br />Idem pour la députée Modem Nadia Essayan&nbsp;; huit membres de son groupe se sont par ailleurs abstenus.<br /><br />Le résultat&nbsp;? Les mesures phares du gouvernement sont restées.<br /><br />Emmaüs a obtenu un amendement de taille, contre l'avis du gouvernement&nbsp;: ses membres bénéficieraient du séjour temporaire pour motif exceptionnel, attribué à des personnes rendant service à la société ou étant actif dans une association. L’amendement prévoit que, pour bénéficier d’un titre de séjour, les Compagnons demandeurs d'asile devraient obtenir un certificat délivré par Emmaüs, qui attesterait de leur parcours d’intégration et de leur présence dans une Communauté depuis au moins trois ans.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Le Sénat a durci le texte</strong></span><br /><br />Le débat parlementaire a repris au Sénat du mardi 19 au jeudi 21 juin, avec un vote le 26. Pour préparer les discussions, les commissions des Lois, de la Culture, de l'Education et de la Communication avaient été saisies.<br /><br />La Droite étant majoritaire au Sénat, le projet de loi avait été remanié, pour durcir encore un peu plus le ton. L'objectif&nbsp;: accueillir moins et renvoyer plus.<br /><br />Les sénateurs souhaitaient, par exemple, allonger la durée du séjour du demandeur d'asile sollicitant un rapprochement familial, de 18 mois à 24 mois. Deux ans sans ses parents pour un mineur, donc. Elargissement aux frères et sœurs supprimé.<br /><br />En cas de rejet définitif de la demande d'asile, aucune possibilité d'une demande pour un autre type de séjour accordée.<br /><br />Les sénateurs ont rouvert le débat sur l'aide médicale d’État, pour la restreindre aux soins d'urgence.<br /><br />En revanche, ils refusaient la réduction du délai de recours auprès de la CNDA.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/RETENUS.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Au centre de rétention administratif de Rennes, qui accueille des familles (Photo : Fanny Lancelin)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/RETENUS.jpg" alt="RETENUS" width="431" height="326" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />Pour les mineurs&nbsp;: la rétention des mineurs isolés – en principe non pratiquée, mais en principe seulement – serait interdite clairement. Mais pour eux, un nouveau fichier biométrique, histoire d'éviter qu'ils changent de département lorsqu'ils sont déclarés majeurs dans l'un d'entre eux (souvent à tort).<br /><br />Pour tous, l'obligation d'élever le niveau de français pour la délivrance du titre de séjour comme la demande de nationalité.<br /><br />Ces propositions semblaient avoir peu de chance d'aboutir à en juger les forces politiques en présence&nbsp;: majorité à Droite au Sénat, mais La République en Marche à l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot.</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une promulgation à l'automne ?</strong></span><br /><br />Le projet de loi a été rediscuté en commission mixte paritaire (Assemblée nationale et Sénat) le mercredi 4 juillet. Les quatorze députés et sénateurs qui la composent n'ont pas trouvé d'accord, c'est pourquoi le texte est à nouveau passé en séance publique à l'Assemblée nationale le mercredi 25 juillet, puis au Sénat le mardi 31 juillet pour finalement être adopté par les députés le mercredi 1er août (100 voix pour et 25 contre, beaucoup de parlementaires étant déjà en vacances...). La loi devrait être promulguée à l'automne mais une saisine du Conseil constitutionnel reste possible.</p> <p>Au final, la réduction du délai de recours à trente jours a bien été abandonnée. Selon la situation, l'allongement de la durée de séjour en centre de rétention pourrait s'allonger jusqu'à quatre-vingt dix jours.</p> <p>Statut quo pour les mineurs en centre de rétention : il n'y aura pas d'interdiction, mais un texte sur les mineurs vulnérables sera proposé à la rentrée.</p> <p>Le droit du sol sera durci à Mayotte : seuls les enfants dont au moins un des deux parents séjournait de manière régulière sur l’île depuis plus de trois mois avant la naissance pourront dorénavant demander la nationalité française.</p> <p>Pas de suppression de l'aide médicale pour les demandeurs d'asile. En outre, ils pourront désormais travailler six mois après le dépôt de leur demande (contre neuf auparavant).</p> <p>Enfin, parmi les points majeurs, l'exlusion de la liste des pays dits sûrs (notamment pour les expulsions), ceux qui sont connus pour maltraiter les homosexuels et les transgenres.<br /><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Etats Généraux des Migrations&nbsp;: <a href="https://eg-migrations.org/">https://eg-migrations.org/</a></span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) «&nbsp;Non&nbsp;! Monsieur Collomb n'a pas assoupli le délit de solidarité&nbsp;!&nbsp;» tribune du collectif Délinquants solidaires, datée du 23 avril 2018&nbsp;: <a href="https://www.gisti.org/spip.php?article5900">https://www.gisti.org/spip.php?article5900</a></span></em></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title"><span style="font-size: 24pt; background-color: #ff615d;">GISTI</span></h3> </div> <p>Le GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.es) fait un travail formidable, notamment de documentation. Pour en savoir plus sur la loi Asile et Immigration, rendez-vous sur le site de l'association&nbsp;: <a href="https://www.gisti.org/">https://www.gisti.org/</a><br />On y trouve, notamment, les différents projets de lois, les textes, les vidéos des débats, des revues de presse très complètes, mais aussi les réactions des associations, de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, du Défenseur des droits ou encore de la présidente de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme…<br />Le GISTI milite pour <em>«&nbsp;l’égal accès aux droits et à la citoyenneté sans considération de nationalité et pour la liberté de circulation&nbsp;»</em>. L’association relie les spécialistes du droit et les militant.es. Elle se revendique <em>«&nbsp;expert militant&nbsp;»</em>, ses membres étant à la fois juristes, praticien.nes, universitaires, hommes et femmes de terrain.<br />Son activité est variée&nbsp;: conseil juridique, formation, publications, actions en justice, travail au sein de collectifs ou réseaux interassociatifs.<br />Elle est une vraie mine d'or pour de nombreux.ses militant.es&nbsp;; les informations sur le sujet, dispersées et complexes, étant souvent la clé pour aider les demandeurs d'asile et lutter contre des lois inhumaines.</p> <p><strong>La loi «&nbsp;pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie&nbsp;» a été définitivement adoptée le mercredi 1er août. Le gouvernement avait souhaité une procédure accélérée ; il aura finalement fallu deux lectures dans chaque chambre. La commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs) n'avait pas trouvé d'accord. Pourquoi le texte a-t-il suscité autant de débats ? Que changera-t-il vraiment au sort des demandeurs d'asile&nbsp;? (<em>dernière mise à jour de cet article le dimanche 5 août 2018)</em><br /></strong></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Les objectifs de la loi</span></strong></span></p> <p>Le projet est lancé le mercredi 12 juillet 2017 en Conseil des ministres. Objectifs principaux affichés&nbsp;: réduire le délai de traitement des demandes d'asile&nbsp;; faciliter les expulsions de ceux qui sont déboutés&nbsp;; améliorer l'accueil de ceux qui restent.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/politique-migrato.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Source : Etats Généraux des Migrations." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/politique-migrato.jpg" alt="politique migrato" width="368" height="264" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />La durée de traitement des dossiers passerait ainsi de onze à six mois. Bonne nouvelle&nbsp;? Pas vraiment… Le délai pour déposer la demande serait réduit à 90 jours (contre 120 aujourd'hui). Plus grave&nbsp;: les délais de recours, à déposer auprès de la Cour Nationale Du Droit d'Asile (CNDA), seraient également réduits, passant d'un mois à quinze jours. Dans certains cas, le recours ne serait même plus suspensif&nbsp;: le demandeur pourrait être expulsé sans être passé devant la Cour&nbsp;!<br /><br />Pour augmenter le nombre d'expulsions – que la loi nomme pudiquement «&nbsp;éloignement&nbsp;» – la durée maximale du séjour en centre de rétention passerait de 45 à 90 jours. Les déboutés ayant le droit de refuser leur vol une première fois et d'être relâchés (à certaines conditions), le gouvernement craint les mises en fuite et les passages à la clandestinité.<br /><br />Enfin, parmi les mesures qui amélioreraient la situation de ceux qui obtiennent la protection subsidiaire et les apatrides&nbsp;: un titre de séjour de quatre ans, au lieu d'un an actuellement.<br />Les enfants qui obtiennent l'asile pourraient demander la «&nbsp;réunification familiale&nbsp;» non plus seulement pour leurs parents, mais aussi pour leurs frères et sœurs.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Désaccords et grèves</strong></span><br /><br />Au début de l'année 2018, le gouvernement organise une «&nbsp;concertation&nbsp;» auprès d'associations nationales qui viennent en aide aux demandeurs d'asile. Mais 260 d'entre elles, jugeant que leurs voix ne sont en réalité pas entendues, lancent leur propre concertation citoyenne sur l'accueil et les droits des personnes migrantes en France. Une démarche qui aboutit aux Etats Généraux des Migrations (*).<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/chute_de_droits.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Source : la Cimade." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/chute_de_droits.jpg" alt="chute de droits" width="303" height="401" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />Le 30 janvier 2018, un avant-projet est présenté par le gouvernement. Quelques jours plus tard, une grève éclate à la CNDA. Ses membres dénoncent des conditions de travail qui ne permettent pas de faire respecter le droit. Fait exceptionnel&nbsp;: ce mouvement dure 28 jours&nbsp;!<br /><br />Même constat, autre grève : celle de 200 agents de l'OFPRA,&nbsp; l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une procédure accélérée ?</strong></span><br /><br />Pour autant, pas question pour le gouvernement de faire une pause&nbsp;: le projet de loi est enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2018 pour être discuté en commissions&nbsp;: la commission des Lois est saisie&nbsp;; celles des Affaires sociales et des Affaires étrangères s'auto-saisissent pour avis, tout&nbsp;comme la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes. <br />Et signe que le gouvernement veut aller vite, il engage une procédure dite accélérée, comme le lui permet l'article 45 de la Constitution&nbsp;: une lecture par Chambre. Les désaccords entre députés et sénateurs en décideront autrement... (<em>lire ci-dessous : "Une promulgation à l'automne"</em>)<br /><br />Dans les commissions, les députés adoptent plusieurs amendements.<br />Ils souhaitent, par exemple, que la protection pour les mineurs victimes de mutilations sexuelles s'étendent aux garçons (jusqu'ici, elle était accordée aux filles).<br />Ils excluent des pays dits «&nbsp;sûrs&nbsp;» ceux où l'homosexualité est réprimée.<br />Ils inscrivent la prise en compte de l'état de «&nbsp;vulnérabilité&nbsp;» des migrants avant leur placement en centre de rétention administrative.<br /><br />D'autres réflexions concernent le «&nbsp;délit de solidarité&nbsp;» (**) ou encore la possibilité pour les demandeurs d'asile n'ayant reçu aucune réponse de l'OFPRA de pouvoir travailler au bout de six mois.<br /><br /><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Quel résultat&nbsp;?</span></strong></span><br /><br />Le texte arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le lundi 16 juin 2018. Après 61 heures de discussions et de débats, l'examen d'un millier d'amendements, il est adopté à 228 voix pour (La République en Marche, le Modem, le groupe UDI-Agir-Indépendants) et 139 contre (Les Républicains, les Socialistes, les Communistes, la France Insoumise, le Front national).<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/hemicycle-panoramique_modif.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Photo : Assemblée nationale." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/hemicycle-panoramique_modif.jpg" alt="hemicycle panoramique modif" width="453" height="261" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />Grossièrement&nbsp;: la Gauche juge le texte dangereux pour le droit d'asile, la Droite ne le trouve pas assez dur.<br /><br />Quelques députés macronistes ont exprimé leur réserve&nbsp;: 14 se sont abstenus, un a voté contre, Jean-Michel Clément (il a quitté le groupe de La République en Marche).<br />Idem pour la députée Modem Nadia Essayan&nbsp;; huit membres de son groupe se sont par ailleurs abstenus.<br /><br />Le résultat&nbsp;? Les mesures phares du gouvernement sont restées.<br /><br />Emmaüs a obtenu un amendement de taille, contre l'avis du gouvernement&nbsp;: ses membres bénéficieraient du séjour temporaire pour motif exceptionnel, attribué à des personnes rendant service à la société ou étant actif dans une association. L’amendement prévoit que, pour bénéficier d’un titre de séjour, les Compagnons demandeurs d'asile devraient obtenir un certificat délivré par Emmaüs, qui attesterait de leur parcours d’intégration et de leur présence dans une Communauté depuis au moins trois ans.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Le Sénat a durci le texte</strong></span><br /><br />Le débat parlementaire a repris au Sénat du mardi 19 au jeudi 21 juin, avec un vote le 26. Pour préparer les discussions, les commissions des Lois, de la Culture, de l'Education et de la Communication avaient été saisies.<br /><br />La Droite étant majoritaire au Sénat, le projet de loi avait été remanié, pour durcir encore un peu plus le ton. L'objectif&nbsp;: accueillir moins et renvoyer plus.<br /><br />Les sénateurs souhaitaient, par exemple, allonger la durée du séjour du demandeur d'asile sollicitant un rapprochement familial, de 18 mois à 24 mois. Deux ans sans ses parents pour un mineur, donc. Elargissement aux frères et sœurs supprimé.<br /><br />En cas de rejet définitif de la demande d'asile, aucune possibilité d'une demande pour un autre type de séjour accordée.<br /><br />Les sénateurs ont rouvert le débat sur l'aide médicale d’État, pour la restreindre aux soins d'urgence.<br /><br />En revanche, ils refusaient la réduction du délai de recours auprès de la CNDA.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/RETENUS.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Au centre de rétention administratif de Rennes, qui accueille des familles (Photo : Fanny Lancelin)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/RETENUS.jpg" alt="RETENUS" width="431" height="326" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><br />Pour les mineurs&nbsp;: la rétention des mineurs isolés – en principe non pratiquée, mais en principe seulement – serait interdite clairement. Mais pour eux, un nouveau fichier biométrique, histoire d'éviter qu'ils changent de département lorsqu'ils sont déclarés majeurs dans l'un d'entre eux (souvent à tort).<br /><br />Pour tous, l'obligation d'élever le niveau de français pour la délivrance du titre de séjour comme la demande de nationalité.<br /><br />Ces propositions semblaient avoir peu de chance d'aboutir à en juger les forces politiques en présence&nbsp;: majorité à Droite au Sénat, mais La République en Marche à l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot.</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>Une promulgation à l'automne ?</strong></span><br /><br />Le projet de loi a été rediscuté en commission mixte paritaire (Assemblée nationale et Sénat) le mercredi 4 juillet. Les quatorze députés et sénateurs qui la composent n'ont pas trouvé d'accord, c'est pourquoi le texte est à nouveau passé en séance publique à l'Assemblée nationale le mercredi 25 juillet, puis au Sénat le mardi 31 juillet pour finalement être adopté par les députés le mercredi 1er août (100 voix pour et 25 contre, beaucoup de parlementaires étant déjà en vacances...). La loi devrait être promulguée à l'automne mais une saisine du Conseil constitutionnel reste possible.</p> <p>Au final, la réduction du délai de recours à trente jours a bien été abandonnée. Selon la situation, l'allongement de la durée de séjour en centre de rétention pourrait s'allonger jusqu'à quatre-vingt dix jours.</p> <p>Statut quo pour les mineurs en centre de rétention : il n'y aura pas d'interdiction, mais un texte sur les mineurs vulnérables sera proposé à la rentrée.</p> <p>Le droit du sol sera durci à Mayotte : seuls les enfants dont au moins un des deux parents séjournait de manière régulière sur l’île depuis plus de trois mois avant la naissance pourront dorénavant demander la nationalité française.</p> <p>Pas de suppression de l'aide médicale pour les demandeurs d'asile. En outre, ils pourront désormais travailler six mois après le dépôt de leur demande (contre neuf auparavant).</p> <p>Enfin, parmi les points majeurs, l'exlusion de la liste des pays dits sûrs (notamment pour les expulsions), ceux qui sont connus pour maltraiter les homosexuels et les transgenres.<br /><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Etats Généraux des Migrations&nbsp;: <a href="https://eg-migrations.org/">https://eg-migrations.org/</a></span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) «&nbsp;Non&nbsp;! Monsieur Collomb n'a pas assoupli le délit de solidarité&nbsp;!&nbsp;» tribune du collectif Délinquants solidaires, datée du 23 avril 2018&nbsp;: <a href="https://www.gisti.org/spip.php?article5900">https://www.gisti.org/spip.php?article5900</a></span></em></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title"><span style="font-size: 24pt; background-color: #ff615d;">GISTI</span></h3> </div> <p>Le GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.es) fait un travail formidable, notamment de documentation. Pour en savoir plus sur la loi Asile et Immigration, rendez-vous sur le site de l'association&nbsp;: <a href="https://www.gisti.org/">https://www.gisti.org/</a><br />On y trouve, notamment, les différents projets de lois, les textes, les vidéos des débats, des revues de presse très complètes, mais aussi les réactions des associations, de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, du Défenseur des droits ou encore de la présidente de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme…<br />Le GISTI milite pour <em>«&nbsp;l’égal accès aux droits et à la citoyenneté sans considération de nationalité et pour la liberté de circulation&nbsp;»</em>. L’association relie les spécialistes du droit et les militant.es. Elle se revendique <em>«&nbsp;expert militant&nbsp;»</em>, ses membres étant à la fois juristes, praticien.nes, universitaires, hommes et femmes de terrain.<br />Son activité est variée&nbsp;: conseil juridique, formation, publications, actions en justice, travail au sein de collectifs ou réseaux interassociatifs.<br />Elle est une vraie mine d'or pour de nombreux.ses militant.es&nbsp;; les informations sur le sujet, dispersées et complexes, étant souvent la clé pour aider les demandeurs d'asile et lutter contre des lois inhumaines.</p> L'écriture comme trait d'union 2017-03-21T12:54:42+01:00 2017-03-21T12:54:42+01:00 http://www.rebonds.net/lecritureactedexistence/423-lecriturecommetraitdunion Super User <p style="text-align: right;">Texte&nbsp;: Fanny Lancelin<br />Photos&nbsp;: Ludovic Bourgeois</p> <p><em><strong>«&nbsp;Il est vain de s'asseoir pour écrire quand on ne s'est jamais levé pour vivre.&nbsp;» Henri-David Thoreau<br /><br />«&nbsp;Ecrire, c'est hurler sans bruit.&nbsp;» Marguerite Duras</strong></em></p> <p><span style="font-size: 18pt;">C</span>es mots ne sont pas seulement gravés à l'encre violette dans un petit cahier de citations, que je tiens depuis vingt-cinq ans. Ils sont gravés dans mon esprit. Et pourtant, ce n'est qu'aujourd'hui, à la lecture de ces textes écrits par des hommes qui ont tant souffert et qui souffrent toujours tant, que j'en saisis vraiment le sens&nbsp;: <em>«&nbsp;Ecrire, c'est hurler sans bruit.&nbsp;»</em></p> <p><br />Marguerite Duras disait aussi&nbsp;: <em>«&nbsp;Il faut être plus fort que soi pour aborder l'écriture, il faut être plus fort que ce qu'on écrit.&nbsp;»</em> <a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_3.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Un jeudi matin d'atelier d'écriture (Photo : Ludovic Bourgeois)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_3.jpg" alt="Atelier 3" width="330" height="220" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a>Nul doute que ces êtres-là soient forts, pour avoir survécu malgré… malgré tout. L'oppression, la faim, la guerre, la séparation, les marches, l'épuisement, les coups, les tortures, l'attente, la mer, les camps, l'humiliation, le froid, la montagne, la rue, le béton, la police, le Prahda (*)… La peur. Et, peut-être pire, les désillusions.</p> <p>Ils étaient las de courber l'échine. Ils se sont levés pour vivre. Ils sont devenus des «&nbsp;migrants&nbsp;», puis des «&nbsp;demandeurs d'asile&nbsp;», «&nbsp;Dublinés&nbsp;» (**) pour certains, «&nbsp;réfugiés&nbsp;» (***) pour d'autres.<br />Ce matin-là, ils s'asseoient pour écrire, comme chaque jeudi depuis quelques semaines, dans un local prêté par une association culturelle de Bourges. Au milieu d'eux&nbsp;: des étudiants et artistes qui leur proposent un atelier d'expression. Une bulle.</p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <h3>Un écho à une démarche artistique</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <p>Alexandra, Benjamin, Elsa, Mateo, Michelle et Nicolas sont amis. Tous issus de la même école&nbsp;: les Beaux-Arts de Bourges. Un jour d'hiver, ils ont vu débarquer un jeune homme engagé dans un collectif d'habitants venant en aide aux demandeurs d'asile. Son idée&nbsp;? Créer un lien entre ce collectif, les demandeurs d'asile vivant au Prahda et les Beaux-Arts.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_5.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Les participants écrivent, dessinent, créent des collages... (Photo : Ludovic Bourgeois)" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_5.jpg" alt="Atelier 5" width="380" height="254" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><em>«&nbsp;Avant même de le rencontrer, nous étions déjà tous intéressés par la politique et touchés par l'actualité,</em> raconte Alexandra. <em>Sa proposition faisait écho à notre travail ou nos préoccupations personnelles.&nbsp;»</em> Certains, comme Elsa, ont déjà animé des ateliers d'écriture, notamment à l'étranger. Tous ont à coeur <em>«&nbsp;la rencontre&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;le commun&nbsp;»</em>.<br /><br />En novembre 2017, après une réunion avec des habitants de Bourges et des environs, ainsi que des demandeurs d'asile, ils décident de lancer un atelier d'écriture. Quelques semaines de réflexion et de conception sont nécessaires pour que la première séance s'organise, en mars. <em>«&nbsp;Au départ, on voulait travailler sur les récits pour l'OFPRA (****), défricher les histoires, approfondir les descriptions,</em> explique Benjamin. <em>Mais on s'est rendu compte que ça demandait un bagage juridique important et qu'il y avait des risques pour les demandeurs d'asile si on ne le faisait pas correctement.&nbsp;»</em> Vient alors l'idée de récits qui permettraient de communiquer sur la situation des demandeurs d'asile. <em>«&nbsp;Mais on retombait dans l'administratif et ils se faisaient mal à raconter tout ça.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________</span></p> <h3>Un atelier poétique qui ouvre l'imaginaire</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________</span><br /><br />Les artistes les emmènent alors «&nbsp;ailleurs&nbsp;». En les invitant à créer une forme parallèle d'écriture, plus poétique, qui ouvre leur imaginaire. La réalité se lit souvent entre les lignes, mais elle se transforme en images, en métaphores. Elle devient conte, fable, rêve, poème, manifeste. Parfois même dessins ou collages. La langue n'est alors plus une barrière.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_4.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="L'atelier débute par une lecture (Photo : Ludovic Bourgeois)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_4.jpg" alt="Atelier 4" width="412" height="276" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p><em>«&nbsp;L'atelier est aussi un endroit pour se voir régulièrement&nbsp;»</em>, souligne Nicolas. Un rendez-vous, un «&nbsp;je-serai-là&nbsp;» essentiel pour des demandeurs d'asile qui passent souvent des journées à simplement attendre que l'administration leur fasse signe… <em>«&nbsp;Ils changent de lieu, d'air, d'idées...&nbsp;»</em><br />Les participants ont lié amitié et certains se voient même en dehors des jeudis, pour des pique-nique par exemple. <em>«&nbsp;Ces moments nous permettent de mieux nous connaître,</em> sourit Alexandra.<em> Ils se sentent en confiance, libres de s'exprimer.&nbsp;»</em><br /><br />Comment se passe un atelier type&nbsp;? <em>«&nbsp;On commence par une lecture collective, puis on explique ce qu'on propose pour la séance. Il y a une phase de création, de production. Et enfin, une mise en commun où chacun lit son texte et montre ses collages.&nbsp;»</em><br />Est aussi pris en compte ce qu'aiment les participants. <em>«&nbsp;Pour certains, les exercices de français&nbsp;; d'autres l'oral&nbsp;; d'autres encore le dessin...&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <h3>Des sujets souvent politiques</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <p>Les outils ont été créés progressivement, au fil des ateliers, mais aussi à l'occasion d'une semaine de «&nbsp;workshop&nbsp;» aux Beaux-Arts avant les vacances d'avril. L'atelier d'écriture collaboratif, baptisé «&nbsp;La Palabre&nbsp;», s'est tenu à l'école, à Emmetrop et dans la rue. Une quinzaine de personnes y ont pris part – sans compter le public dans la rue – étudiants, artistes et demandeurs d'asile.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_6.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Un jeu de cartes permet de créer des récits (Photo : Ludovic Bourgeois)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_6.jpg" alt="Atelier 6" width="452" height="307" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Un jeu de cartes, élaboré par les participants eux-mêmes, jète les bases du récit. <em>«&nbsp;C'est collaboratif parce qu'on doit se mettre d'accord sur le sens à donner aux images pour écrire&nbsp;»</em>, explique Benjamin. <em>«&nbsp;Le jeu a donné lieu à des moments festifs et pourtant, à la fin, les sujets qui revenaient étaient souvent politiques&nbsp;»</em>, constate Nicolas.<br />Les textes écrits sous forme de contes et de dessins sont réunis dans un livret.<br /><br />Mais pour Benjamin, qui n'est plus étudiant, l'enjeu du «&nbsp;workshop&nbsp;» était aussi <em>«&nbsp;de voir comment les Beaux-Arts pouvaient s'emparer du sujet&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Le rapport politique des Beaux-Arts est paradoxal. C'est une institution. Cela varie selon les années, les enseignants, les directions...&nbsp;»</em> Résultat&nbsp;? <em>«&nbsp;Des enseignants ont soutenu le workshop et certains étudiants sont intéressés pour prendre le relais de l'atelier l'année prochaine.&nbsp;»</em> Elsa a même bon espoir qu'un jour, un enseignant l'organise à l'école.<br /><br />En attendant, il poursuit sa route, trace des lignes dans les têtes et les coeurs, et sur le papier pour laisser une trace, un témoignage… Car certains demandeurs d'asile seront bientôt déboutés, expulsés dans le pays d'Europe par où ils sont arrivés et où ils ne veulent pas vivre&nbsp;; d'autres contraints de retourner dans le pays qu'ils ont fui, où ils sont condamnés à la misère ou la mort (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).<br />Que restera-t-il de leur passage&nbsp;? Des sourires qui éclairent leurs visages lorsqu'ils quittent l'atelier&nbsp;et se lèvent pour retourner vivre ? Ces mots et ces dessins. Ces mots publiés ci-dessous, tels quels pour ne pas les trahir. Ces mots. Les seuls qui vaillent.<span><em></em></span><span></span></p> <p>&nbsp;</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Prahda&nbsp;: ancien hôtel Formule 1, situé en bordure d'autoroute, reconverti par l’État et la société Adoma en centre d'hébergement pour demandeurs d'asile. Environ 90 hommes peuvent y être accueillis à Bourges, dans l'attente de la décision de l'administration française sur leur sort (lire le numéro 6 de (Re)bonds, onglet Archives en haut à droite).</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) Dublinés&nbsp;: se dit des demandeurs d'asile sous le coup du règlement européen dit «&nbsp;Dublin&nbsp;», c'est-à-dire ceux qui ont été contraints de laisser leurs empreintes dans le pays par où ils sont entrés en Europe (souvent l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Suèd et qui risquent d'y être expulsés.</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(***) Réfugiés&nbsp;: statut accordé à certains demandeurs d'asile qui bénéficient alors d'une carte de résident.</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(****) OFPRA&nbsp;: Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. Les demandeurs d'asile passent un entretien devant un agent de l'OFPRA qui statue sur la validité de leur démarche.</span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/mouctar_modif.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/mouctar_modif.jpeg" alt="mouctar modif" width="454" height="248" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser.jpeg" alt="Numériser" width="351" height="250" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire.jpeg" alt="sylvaire" width="369" height="510" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire_2.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire_2.jpeg" alt="sylvaire 2" width="335" height="462" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_6.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_6.jpeg" alt="Numériser copie 6" width="454" height="284" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_7.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_7.jpeg" alt="Numériser copie 7" width="252" height="287" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_2.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_2.jpeg" alt="Numériser copie 2" width="361" height="504" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_5.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_5.jpeg" alt="Numériser copie 5" width="365" height="508" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: right;">Texte&nbsp;: Fanny Lancelin<br />Photos&nbsp;: Ludovic Bourgeois</p> <p><em><strong>«&nbsp;Il est vain de s'asseoir pour écrire quand on ne s'est jamais levé pour vivre.&nbsp;» Henri-David Thoreau<br /><br />«&nbsp;Ecrire, c'est hurler sans bruit.&nbsp;» Marguerite Duras</strong></em></p> <p><span style="font-size: 18pt;">C</span>es mots ne sont pas seulement gravés à l'encre violette dans un petit cahier de citations, que je tiens depuis vingt-cinq ans. Ils sont gravés dans mon esprit. Et pourtant, ce n'est qu'aujourd'hui, à la lecture de ces textes écrits par des hommes qui ont tant souffert et qui souffrent toujours tant, que j'en saisis vraiment le sens&nbsp;: <em>«&nbsp;Ecrire, c'est hurler sans bruit.&nbsp;»</em></p> <p><br />Marguerite Duras disait aussi&nbsp;: <em>«&nbsp;Il faut être plus fort que soi pour aborder l'écriture, il faut être plus fort que ce qu'on écrit.&nbsp;»</em> <a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_3.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Un jeudi matin d'atelier d'écriture (Photo : Ludovic Bourgeois)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_3.jpg" alt="Atelier 3" width="330" height="220" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a>Nul doute que ces êtres-là soient forts, pour avoir survécu malgré… malgré tout. L'oppression, la faim, la guerre, la séparation, les marches, l'épuisement, les coups, les tortures, l'attente, la mer, les camps, l'humiliation, le froid, la montagne, la rue, le béton, la police, le Prahda (*)… La peur. Et, peut-être pire, les désillusions.</p> <p>Ils étaient las de courber l'échine. Ils se sont levés pour vivre. Ils sont devenus des «&nbsp;migrants&nbsp;», puis des «&nbsp;demandeurs d'asile&nbsp;», «&nbsp;Dublinés&nbsp;» (**) pour certains, «&nbsp;réfugiés&nbsp;» (***) pour d'autres.<br />Ce matin-là, ils s'asseoient pour écrire, comme chaque jeudi depuis quelques semaines, dans un local prêté par une association culturelle de Bourges. Au milieu d'eux&nbsp;: des étudiants et artistes qui leur proposent un atelier d'expression. Une bulle.</p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <h3>Un écho à une démarche artistique</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <p>Alexandra, Benjamin, Elsa, Mateo, Michelle et Nicolas sont amis. Tous issus de la même école&nbsp;: les Beaux-Arts de Bourges. Un jour d'hiver, ils ont vu débarquer un jeune homme engagé dans un collectif d'habitants venant en aide aux demandeurs d'asile. Son idée&nbsp;? Créer un lien entre ce collectif, les demandeurs d'asile vivant au Prahda et les Beaux-Arts.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_5.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Les participants écrivent, dessinent, créent des collages... (Photo : Ludovic Bourgeois)" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_5.jpg" alt="Atelier 5" width="380" height="254" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br /><em>«&nbsp;Avant même de le rencontrer, nous étions déjà tous intéressés par la politique et touchés par l'actualité,</em> raconte Alexandra. <em>Sa proposition faisait écho à notre travail ou nos préoccupations personnelles.&nbsp;»</em> Certains, comme Elsa, ont déjà animé des ateliers d'écriture, notamment à l'étranger. Tous ont à coeur <em>«&nbsp;la rencontre&nbsp;»</em>, <em>«&nbsp;le commun&nbsp;»</em>.<br /><br />En novembre 2017, après une réunion avec des habitants de Bourges et des environs, ainsi que des demandeurs d'asile, ils décident de lancer un atelier d'écriture. Quelques semaines de réflexion et de conception sont nécessaires pour que la première séance s'organise, en mars. <em>«&nbsp;Au départ, on voulait travailler sur les récits pour l'OFPRA (****), défricher les histoires, approfondir les descriptions,</em> explique Benjamin. <em>Mais on s'est rendu compte que ça demandait un bagage juridique important et qu'il y avait des risques pour les demandeurs d'asile si on ne le faisait pas correctement.&nbsp;»</em> Vient alors l'idée de récits qui permettraient de communiquer sur la situation des demandeurs d'asile. <em>«&nbsp;Mais on retombait dans l'administratif et ils se faisaient mal à raconter tout ça.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________</span></p> <h3>Un atelier poétique qui ouvre l'imaginaire</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________</span><br /><br />Les artistes les emmènent alors «&nbsp;ailleurs&nbsp;». En les invitant à créer une forme parallèle d'écriture, plus poétique, qui ouvre leur imaginaire. La réalité se lit souvent entre les lignes, mais elle se transforme en images, en métaphores. Elle devient conte, fable, rêve, poème, manifeste. Parfois même dessins ou collages. La langue n'est alors plus une barrière.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_4.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="L'atelier débute par une lecture (Photo : Ludovic Bourgeois)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_4.jpg" alt="Atelier 4" width="412" height="276" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p><em>«&nbsp;L'atelier est aussi un endroit pour se voir régulièrement&nbsp;»</em>, souligne Nicolas. Un rendez-vous, un «&nbsp;je-serai-là&nbsp;» essentiel pour des demandeurs d'asile qui passent souvent des journées à simplement attendre que l'administration leur fasse signe… <em>«&nbsp;Ils changent de lieu, d'air, d'idées...&nbsp;»</em><br />Les participants ont lié amitié et certains se voient même en dehors des jeudis, pour des pique-nique par exemple. <em>«&nbsp;Ces moments nous permettent de mieux nous connaître,</em> sourit Alexandra.<em> Ils se sentent en confiance, libres de s'exprimer.&nbsp;»</em><br /><br />Comment se passe un atelier type&nbsp;? <em>«&nbsp;On commence par une lecture collective, puis on explique ce qu'on propose pour la séance. Il y a une phase de création, de production. Et enfin, une mise en commun où chacun lit son texte et montre ses collages.&nbsp;»</em><br />Est aussi pris en compte ce qu'aiment les participants. <em>«&nbsp;Pour certains, les exercices de français&nbsp;; d'autres l'oral&nbsp;; d'autres encore le dessin...&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <h3>Des sujets souvent politiques</h3> <p><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________</span></p> <p>Les outils ont été créés progressivement, au fil des ateliers, mais aussi à l'occasion d'une semaine de «&nbsp;workshop&nbsp;» aux Beaux-Arts avant les vacances d'avril. L'atelier d'écriture collaboratif, baptisé «&nbsp;La Palabre&nbsp;», s'est tenu à l'école, à Emmetrop et dans la rue. Une quinzaine de personnes y ont pris part – sans compter le public dans la rue – étudiants, artistes et demandeurs d'asile.<a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_6.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Un jeu de cartes permet de créer des récits (Photo : Ludovic Bourgeois)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Atelier_6.jpg" alt="Atelier 6" width="452" height="307" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Un jeu de cartes, élaboré par les participants eux-mêmes, jète les bases du récit. <em>«&nbsp;C'est collaboratif parce qu'on doit se mettre d'accord sur le sens à donner aux images pour écrire&nbsp;»</em>, explique Benjamin. <em>«&nbsp;Le jeu a donné lieu à des moments festifs et pourtant, à la fin, les sujets qui revenaient étaient souvent politiques&nbsp;»</em>, constate Nicolas.<br />Les textes écrits sous forme de contes et de dessins sont réunis dans un livret.<br /><br />Mais pour Benjamin, qui n'est plus étudiant, l'enjeu du «&nbsp;workshop&nbsp;» était aussi <em>«&nbsp;de voir comment les Beaux-Arts pouvaient s'emparer du sujet&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Le rapport politique des Beaux-Arts est paradoxal. C'est une institution. Cela varie selon les années, les enseignants, les directions...&nbsp;»</em> Résultat&nbsp;? <em>«&nbsp;Des enseignants ont soutenu le workshop et certains étudiants sont intéressés pour prendre le relais de l'atelier l'année prochaine.&nbsp;»</em> Elsa a même bon espoir qu'un jour, un enseignant l'organise à l'école.<br /><br />En attendant, il poursuit sa route, trace des lignes dans les têtes et les coeurs, et sur le papier pour laisser une trace, un témoignage… Car certains demandeurs d'asile seront bientôt déboutés, expulsés dans le pays d'Europe par où ils sont arrivés et où ils ne veulent pas vivre&nbsp;; d'autres contraints de retourner dans le pays qu'ils ont fui, où ils sont condamnés à la misère ou la mort (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).<br />Que restera-t-il de leur passage&nbsp;? Des sourires qui éclairent leurs visages lorsqu'ils quittent l'atelier&nbsp;et se lèvent pour retourner vivre ? Ces mots et ces dessins. Ces mots publiés ci-dessous, tels quels pour ne pas les trahir. Ces mots. Les seuls qui vaillent.<span><em></em></span><span></span></p> <p>&nbsp;</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Prahda&nbsp;: ancien hôtel Formule 1, situé en bordure d'autoroute, reconverti par l’État et la société Adoma en centre d'hébergement pour demandeurs d'asile. Environ 90 hommes peuvent y être accueillis à Bourges, dans l'attente de la décision de l'administration française sur leur sort (lire le numéro 6 de (Re)bonds, onglet Archives en haut à droite).</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) Dublinés&nbsp;: se dit des demandeurs d'asile sous le coup du règlement européen dit «&nbsp;Dublin&nbsp;», c'est-à-dire ceux qui ont été contraints de laisser leurs empreintes dans le pays par où ils sont entrés en Europe (souvent l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Suèd et qui risquent d'y être expulsés.</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(***) Réfugiés&nbsp;: statut accordé à certains demandeurs d'asile qui bénéficient alors d'une carte de résident.</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(****) OFPRA&nbsp;: Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. Les demandeurs d'asile passent un entretien devant un agent de l'OFPRA qui statue sur la validité de leur démarche.</span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/mouctar_modif.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/mouctar_modif.jpeg" alt="mouctar modif" width="454" height="248" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser.jpeg" alt="Numériser" width="351" height="250" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire.jpeg" alt="sylvaire" width="369" height="510" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire_2.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/sylvaire_2.jpeg" alt="sylvaire 2" width="335" height="462" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_6.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_6.jpeg" alt="Numériser copie 6" width="454" height="284" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_7.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_7.jpeg" alt="Numériser copie 7" width="252" height="287" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_2.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_2.jpeg" alt="Numériser copie 2" width="361" height="504" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a><a href="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_5.jpeg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/ÉCRITURE/Numériser_copie_5.jpeg" alt="Numériser copie 5" width="365" height="508" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: left;" /></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p>