# 10 Mobilité : associations et citoyens se bougent (février 2018) http://www.rebonds.net/mobiliteassociationsetcitoyenssebougent Thu, 11 May 2023 18:54:38 +0200 Joomla! - Open Source Content Management fr-fr APAT' : partageons nos véhicules ! http://www.rebonds.net/mobiliteassociationsetcitoyenssebougent/400-apat http://www.rebonds.net/mobiliteassociationsetcitoyenssebougent/400-apat APAT' est une association de véhicules partagés née il y a quatre ans, dans le nord du Cher, à Morogues. Comment fonctionne-t-elle ? Qui peut en faire partie ? Eléments de réponses avec Loul Mengual, membre de l'association APAT'.

 

Que signifie l'acronyme APAT' ? Adhésion au Partage Associatif des Transports. C'est aussi un jeu de mots avec l'expression « j'y vais à pattes » !

Quand est née APAT' ? APAT' a démarré officiellement en association le 19 décembre 2013.

Pourquoi, à partir de quel constat, de quels besoins ? Suite à plusieurs expérimentations de prêt de véhicules entre amies de manière informelle. Les constats étaient que l'achat d'un véhicule correct et en bon état nécessitait une somme d'argent conséquente pour certain.es, que d'autres avaient un véhicule personnel sous-utilisé. L'entretien d'un véhicule individuel mis en commun revenait toujours à la ou au propriétaire du véhicule, c'est-à-dire qu'il.elle assumait seul.e les réparations lors de pannes ou d’entretien.
Également, du côté de l'assurance, qui en général couvre un.e conductrice.teur supplémentaire pendant 24 heures sous réserve d'une déclaration. Ainsi, le bonus/malus se capitalise pour la personne déclarée sur le contrat d'assurance et non la personne au volant.
Nous étions plusieurs personnes à vivre dans le même hameau en milieu rural et avons regroupé nos besoins pour mutualiser un véhicule.
Nous sommes aussi parties du constat que le coût moyen d'un véhicule à l'année est de 3.000 euros environ. Ainsi, nous sommes dépendant.es de tout un tas de services marchands nous obligeant à consommer.

Dans son ouvrage intitulé « Energie et Équité », publié en 1975, Ivan Illich a défini le concept de vitesse généralisée : le rapport de la distance parcourue au temps que l’on met à la parcourir. Cette définition n’a rien de révolutionnaire, sauf que dans le « temps que l’on met à la parcourir », il y a le temps effectif du déplacement et le temps que l’on passe à se donner les moyens du déplacement. Ainsi, nous serions plus rapides en vélo !
L'usage individuel de la voiture est donc aussi questionné d'un point de vue écologique.

Avez-vous pris modèle sur des associations, collectifs existant.e.s ? Si oui, lesquel.le.s ? Oui, au départ, nous avons étudié le fonctionnement de Ouicar et de tous les sites basé sur l’économie collaborative. Nous n’étions pas du tout satisfait.es du fonctionnement ni même en accord avec ce genre de pratiques précarisantes et excluantes. Ces plate-formes permettent de mettre en relation des personnes propriétaires d'un véhicule et des personnes qui n'en ont pas. Ainsi, une personne ayant les moyens de posséder une voiture dernier cri se la fait payer par une personne qui n'a pas les moyens de se l'acheter car n'a pas le capital au départ et reste dépendante d'une location.
Le texte d'André Gorz « L'idéologie sociale de la bagnole » nous a beaucoup inspirées (*).
Egalement la brochure « Ta caisse fuit », « L’atelier mécanique en papier (km 0, km 1 et km 2) » (**).
Et puis, découvert récemment, un collectif de Lyon qui est venu nous rendre visite : « Auto-école buissonnière, apprendre à conduire entre potes, passer le permis librement » (***).

logoApatQuel est le principe de fonctionnement d'APAT' ? Au sein de l'association APAT', nous pouvons partager des voitures, des vélos, des mobylettes. En somme, tout type de moyens de transport.
Nous pouvons aussi créer des réseaux de co-voiturage réguliers ou spontanés. Pourquoi pas, mutualiser des chevaux, fabriquer nous-mêmes des vélos électriques ? Nous souhaitons créer un espace de rencontres pour permettre à des collectifs d'usagers de se former autour de besoins et d'objectifs partagés.
Les adhérent.es de l'association achètent « une part » dans un véhicule, le prix de la part est indexé sur l'argus. Ensuite, selon le véhicule, il y a un taux kilométrique à payer mensuellement en fonction des kilomètres parcourus avec le véhicule. Cette somme est provisionnée sur le compte pour payer les réparations, l'entretien, l'assurance et l’essence.
Dans APAT', il y a aussi des personnes qui n'ont pas le permis. Elle sont donc adhérentes en tant que passager.es.

À qui s'adresse-t-elle ? L’association s'adresse à toute personne désirant mutualiser ses moyens de transports.
L'association (sous forme collégiale) a pour but de réunir des adhérents et des adhérentes souhaitant s'offrir à eux.elles-mêmes, de manière autogérée, les moyens de rationaliser leurs déplacements en vue de constituer et instituer une véritable alternative à l'acquisition et l'usage individuel de moyens de transport.
Les membres se rejoignent autour de l'acquisition, l'usage, l'entretien, ainsi que la production et la gestion des ressources nécessaires à la poursuite des buts de l'association ; ainsi que de tous les moments conviviaux (rencontre, participation ou organisation d'événements) qui peuvent faire connaître ou permettre d'améliorer ou d'étendre les actions de l'association sur le thème de la mobilité.

Combien de personnes en font partie aujourd'hui ? Une quinzaine.

Combien et quels types de véhicules sont disponibles ? Pour le moment, il y a deux véhicules et trois vélos. Nous sommes en train d'acheter un véhicule neuf places.

Avez-vous des projets ? Nous sommes en train de racheter un vélo cargo électrique. Egalement, nous avons en projet de participer à la création d'un garage associatif pour que la réparation des véhicules d'APAT' soit plus facile et surtout, dans le but de nous autonomiser un maximum sur la mécanique.

Je souhaite devenir adhérent.e d'APAT' ; comment dois-je procéder ?
Par mail : apat@berry-libre.net L'adresse postale : 6 Grande Rue - 18220 Morogues.

(*) https://infokiosques.net/spip.php?article346
(**) https://infokiosques.net/lire.php?id_article=866
(***) https://infokiosques.net/spip.php?article1347

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# 10 Mobilité Tue, 21 Mar 2017 14:47:31 +0100
Un garage associatif doublement solidaire http://www.rebonds.net/mobiliteassociationsetcitoyenssebougent/399-garageassociatifsolidaire http://www.rebonds.net/mobiliteassociationsetcitoyenssebougent/399-garageassociatifsolidaire Il y a quinze ans, à Baugy, ouvrait un garage pas comme les autres : non seulement les foyers à revenus modestes peuvent y faire réparer leur véhicule à moindre coût, mais en plus, les assistants mécaniciens qui y travaillent intègrent un atelier-chantier d'insertion. Son nom ? GAS 18. Bientôt, un autre service très attendu verra le jour : le déplacement à la demande...

La création du GAS 18

Le Garage Associatif Solidaire du Cher (GAS 18) est né en 2002.
L'origine ? « La volonté de deux personnes de Pôle emploi d'aller à la rencontre de ceux et celles qui percevaient les minima sociaux, dans l'est et le sud du département, raconte Nadine Royere, directrice du GAS 18. Elles organisaient des permanences dans les chefs-lieux de canton et jusque dans les communes. » Ces permanences ont révélé un problème crucial : celui de la mobilité dans le Cher, comme dans la plupart des départements ruraux. D'un côté, les modes de transport public existants ne répondent pas correctement aux besoins spécifiques des habitants ; d'un autre côté, se doter d'une voiture coûte cher et représente une difficulté supplémentaire pour les publics en précarité économique.

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La création d'un garage associatif, permettant de réparer son véhicule à moindre coût, est apparue comme une des solutions. « En parallèle, un autre constat était établi : sur ce même territoire, l'offre d'insertion par le travail était insuffisante, souligne Nadine Royere. Alors, on s'est dit : et si on se servait du besoin lié au garage pour créer un chantier d'insertion ? »

Ainsi, depuis son ouverture en 2007, le rôle du garage est double : être un atelier-chantier d'insertion, en accueillant dix salariés pour leur remettre le pied à l'étrier vers l'emploi et / ou la formation ; proposer la réparation, l'acquisition et la location de véhicules aux personnes à petits budgets.

Un nouveau métier : assistant mécanicien

Le garage se situe à Baugy, sur un terrain de 400 m². Le bâtiment, qui n'était au départ qu'un hangar, a bénéficié de travaux pour abriter quatre à cinq postes de travail, selon les équipes.
Ce type d'atelier-chantier d'insertion, industriel, est assez rare : « On voit plutôt du maraîchage… reconnaît Nadine Royere. On juge souvent que les personnes ne sauront pas faire parce qu'il s'agit d'une activité « d'expert ». Mais toute activité s'apprend ! »

En partenariat avec l'État, l'Afpa (Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes), Respire (un garage associatif du Loiret) et un garage « classique » local, GAS 18 a créé un nouveau métier et son référenciel : assistant mécanicien. « Quel que soit leur niveau au départ, les salariés apprennent en fonction d'un certain nombre d'attendus. À la fin, ce n'est pas un diplôme ni un titre qui leur est remis, mais un document officiel qui atteste de leurs compétences. »

Des salariés pas tout à fait comme les autres

Les salariés ont des profils et des parcours variés. Pour être éligibles à l'atelier-chantier, leur situation doit répondre à certains critères, notamment ne pas avoir eu d'emploi stable pendant une période conséquente.

Etienne, 57 ans, habitant de Crézancy-en-Sancerre, a été guidé vers le garage par Pôle emploi. « J'étais chauffeur poids-lourds et mécanicien. Avant, on conduisait et on faisait les réparations toi-même ! Mais j'ai des problèmes de dos, c'est ce qui a causé les problèmes d'emploi... Quand ils ont vu mon CV ici, ils m'ont pris. » Au GAS 18, les salariés travaillent vingt heures par semaine, soit deux jours et demi. Un rythme plus supportable que dans un garage classique, comme le confirme Frédéric, 51 ans, de Neuilly-en-Sancerre, « incapable de tenir une semaine complète tellement les jambes et le dos sont abîmés ». Lui a connu le garage par une assistante sociale.

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Dans l'équipe d'Etienne et de Frédéric, deux jeunes : Stevie et David. À 26 ans, Stevie, de Neuvy-deux-Clochers, a cumulé les stages et les contrats courts comme agent communal d'entretien, ouvrier viticole, serveur, magasinier… « J'ai un CAP menuiserie mais ça m'a jamais plu. J'ai toujours aimé démonter des moteurs, de mobylettes, de tracteurs-tondeuses… J'avais déjà bidouillé ma voiture. » C'est un ami bénéficiaire du garage qui lui en a parlé. Depuis, il semble avoir trouvé sa voie : « C'est ma passion, ça me tient à coeur. Mon projet, ce serait de repartir en formation, un CAP, pour travailler dans un garage. »
David aussi est motivé. « Je ne regrette pas, je me plais ici. » À 25 ans, il vient de Bourges pour approfondir ses connaissances de la mécanique. « J'ai déjà suivi un pré-apprentissage. Après, j'ai travaillé en sécurité incendie. » Il aime particulièrement le travail en équipe. « Quand il y a une bonne ambiance, ça donne envie de venir. »

Tous ont signé le même type de contrat : un CDDI, Contrat à Durée Déterminée d'Insertion d'une durée de six mois, renouvelable puisque le parcours dure deux ans maximum.
Tous ont les mêmes droits que les salariés de droit privé, mais une obligation supplémentaire : accepter un accompagnement socio-professionnel, qui leur permet d'envisager le futur. « L'objectif n'est pas forcément de devenir mécanicien, précise Nadine Royere. Ce qui est important, c'est de progresser, de grandir personnellement. »
Enfin, les salariés peuvent participer au dispositif CléA, pour approfondir les savoirs de base en français, en calcul et raisonnement mathématique, en communication numérique, au niveau du travail en équipe et en autonomie, en capacité d'apprentissage, et en maîtrise des gestes et postures pour l'hygiène, la sécurité… À la clé ? Un certificat, véritable encouragement, pour donner simplement confiance ou bien l'envie de poursuivre une nouvelle formation.

Quels résultats ?

Au garage, les salariés sont accompagnés par Patrick Dussac, encadrant technique depuis 2013. « Mon but, c'est de remettre les personnes en route ! Respecter les consignes, les horaires, le travail en équipe... » Autrefois, il était employé dans un garage « classique ». « Aujourd'hui, je sais pourquoi je me lève le matin : avant, je travaillais pour un patron ; maintenant, je travaille pour des gens. » En plus de l'apprentissage de la mécanique, il gère les devis, les commandes des pièces, veille au bon déroulement des prestations.

Quels sont les résultats ? Variables, forcément, d'une année sur l'autre, d'une équipe à l'autre. « En 2016, nous avons enregistré 100 % de réussite, avec six personnes qui ont quitté le parcours pour une formation ou un emploi, se félicite Nadine Royere. Mais en 2017, nous avons eu trois personnes en arrêt maladie... »
L'association a également connu des difficultés internes, à tel point qu'en 2013, « le garage a failli disparaître ». Mais après une nouvelle organisation, le GAS 18 s'est remis en route.

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Des clients-adhérents

Pour équilibrer son budget, il s'est lancé dans la vente de véhicules, toujours à destination des publics en difficulté. « Ce sont des dons, de particuliers et de concessions, précise Nadine Royere. En contrepartie, puisque nous sommes une association d'utilité publique, nous délivrons un reçu fiscal. »
En septembre 2017, nouvelle innovation : la location, exclusivement réservée à des personnes qui en ont besoin pour un emploi ou une formation. Trois véhicules sont disponibles et loués 150 euros par mois.

Combien de clients compte le garage ? « Trois cents cinquante, répond Nadine Royere. Ils sont prescrits par les travailleurs sociaux et deviennent adhérents de l'association. » À raison de quinze euros par an, ils peuvent accéder aux différents services. Les frais dont ils s'acquittent sont forcément moins importants que dans un garage « classique », le prix de la main d'oeuvre et les marges étant plus faibles.

Nouveau : un service de déplacement à la demande

Bientôt, l'offre s'étoffera encore : à partir du mois d'avril en effet, le GAS 18 proposera un service de Déplacement À la Demande (DAD). Des postes d'agents de conduite seront créés. « Ils conduiront des personnes ayant besoin de se déplacer pour une formation ou un emploi », explique Nadine Royere.

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Au départ, les trajets proposés seront basés sur une circulation à contre sens des lignes régulières existantes (de Bourges vers les territoires est et sud), une circulation vers les bassins de Bourges et de Nevers à des horaires différents des transports publics, une circulation transversale à tous ces territoires. Les propositions seront ensuite ajustées aux besoins réels.
« Il y aura des pics le matin et le soir, reconnaît la directrice. Le reste de la journée, nous pourrions rendre ce service à une autre population, par exemple les seniors. »

Un véritable conseil en mobilité

Autre projet pour 2018 : la création d'un conseil en mobilité. L'objectif ? Informer les publics touchés par les problèmes de mobilité des solutions existantes sur le territoire. Celles mises en place par le GAS 18 mais aussi les associations Accueil et Promotion (lire (Ré)acteurs), Mon Cher Vélo, l'Entraide Berruyère ou encore la Région Centre, le Département, etc.
Des points de permanences mensuelles vont être organisées, toujours dans l'est et le sud du département : à Baugy, Avord, Levet, Sancergues, Dun-sur-Auron, Nérondes, La Guerche-sur-l'Aubois, Sancoins, Charenton-sur-Cher, Châteauneuf-sur-Cher et Saint-Amand-Montrond.

Dans tous les cas, c'est l'expérience qui parlera. Si elle est concluante, pourquoi ne pas l'étendre à tout le département ?

Fanny Lancelin

 

Plus

 

APPEL AUX DONS. Vous possédez un véhicule mais ne vous en servez plus ? Contactez l'association, toujours à la recherche de dons. Ceux-ci sont déductibles des impôts. Renseignements au 06.98.78.10.52.

CONTACTS. GAS 18 – atelier chantier d'insertion : zone artisanale – Chemin de Montifault – 18800 Baugy. Tél : 02.48.26.36.68. Courriel : gasbpconseil@gmail.com

D'AUTRES FORMES DE GARAGES ASSOCIATIFS. Il existe des garages associatifs qui ne sont pas des ateliers-chantiers d'insertion : des associations qui apprennent à leurs adhérents à réparer eux-mêmes leurs véhicules (exemple : la Ferme de la Harpe à Rennes), des professionnels qui proposent aussi ce type de service (exemple : Mécanéco à Paron dans l'Yonne) ou des selfs-garages (exemple : Locaservice63 à Clermont-Ferrand). Renseignements : https://www.selfgarage.org/

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# 10 Mobilité Tue, 21 Mar 2017 13:37:42 +0100
Permis d'avancer avec l'auto-école d'Accueil et Promotion http://www.rebonds.net/mobiliteassociationsetcitoyenssebougent/398-autoecoleassociative http://www.rebonds.net/mobiliteassociationsetcitoyenssebougent/398-autoecoleassociative « On est face à une France à deux vitesses où les sujets de mobilité sont souvent vécus comme une injustice entre les citoyens et entre les territoires. » (*) Elisabeth Borne, ministre française des Transports.

Celui ou celle qui a vécu en milieu rural et en milieu urbain le sait : l’égalité républicaine face aux transports n’est qu’une utopie. Et encore. Pour qu’il y ait utopie, il faudrait qu’il y ait désir. Or, dans certains départements ou certaines régions, les élus manquent sérieusement de volonté lorsqu’il s’agit de faciliter la mobilité des habitants.

« Trop chers » ou « quand ils existent, les transports en commun ne sont pas assez fréquentés » ou « les gens préfèrent leur voiture », se justifient-ils (bien trop) souvent.
Je suis née en Mayenne et y ai vécu jusqu’à mes 17 ans. J’ai habité dans le fin fond du Morbihan, de la Sarthe, de l’Ardèche mais aussi à Rennes, Strasbourg, Paris. J’ai observé de nombreuses disparités et pas toujours là où on les attend : certains territoires ruraux disposent de très bons réseaux, pourvu qu’ils aient les très bons responsables...
Je suis aujourd’hui installée dans le Cher et me déplace beaucoup. Je suis attentive à mon empreinte carbone et rien ne me fais plus plaisir que de laisser ma voiture dans son garage. Mais, de chez moi, me rendre à Bourges sans elle relève – selon les points de vue – de l’aventure ou du concept de slow life. Voyager d’un bout à l’autre du département ? Un autre concept… D’un département à un autre ? Un rêve ! Aucune ligne de bus adaptée, peu de propositions de covoiturage. Alors, bien sûr, on s’arrange entre voisins, collègues, amis ; on peut grimper sur un vélo ou devenir un auto-stoppeur aguerri. Mais, force est de constater que ne pas avoir le permis ou ne pas avoir de véhicule (quel qu’il soit, même partagé) se révèle être un véritable handicap, un véritable frein à l’autonomie. D’autant plus lorsqu’on a des difficultés financières et / ou d’apprentissage.

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Une entrée par la difficulté d'apprentissage

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C’est le constat que l’association Accueil et Promotion a fait dès les années 1990.auto école 1

Créée en 1965 à Bourges, son rôle était alors de venir en aide aux migrants s’installant dans le Cher, notamment par l’apprentissage linguistique. Vingt-cinq ans plus tard, son public s’est élargi aux Français, adultes, en situation d’analphabétisme. « Nous avons toujours été sensibles aux besoins des personnes accueillies. Les problèmes de permis et de code revenaient souvent, raconte Sophie Noc, directrice de l’association. Nous avons monté des actions avec les Missions locales, des partenariats avec des auto-écoles, des cours de soutien... »
Progressivement, un autre projet est élaboré : une auto-école associative, qui voit le jour en 2015. « Il en existe quasiment dans tous les départements, mais la forme spécifique de celle du Cher, c’est l’entrée par la difficulté de l’apprentissage. » L’objectif de la structure est donc bien « d’améliorer la mobilité pour les personnes en situation précaire ET en difficulté d’apprentissage ». Le passage du permis doit aussi être lié à un projet professionnel ou de formation.

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La clé de la réussite ? Le temps...

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Les candidats peuvent être prescrits par Pôle emploi, la Mission locale, des assistants sociaux, une entreprise d’insertion… « On commence par un diagnostic d’environ deux heures, sur simulateur et avec des tests cognitifs, explique Thierry Bonin, coordinateur de l’auto-école associative. Une commission se réunit et en fonction des résultats, le candidat est refusé, ou bien accepté avec une pédagogie qui sera adaptée, ou encore redirigé vers une auto-école classique. » Depuis 2015, environ 50 % des candidats sont entrés dans l’auto-école associative. « Pour les personnes étrangères, il faut un minimum de vocabulaire pour communiquer avec moi, mais il n’est pas nécessaire de savoir parfaitement écrire ou lire, assure Thierry Bonin. Avec une bonne mémoire auditive, c’est possible. »

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Première étape pour ceux et celles qui ont de grandes difficultés d’apprentissage : une pré-formation pour acquérir les savoirs dits « de base ». Viennent ensuite les cours de code (80 heures en salle, par petits groupes) et de conduite (50 heures minimum, en individuel). « En moyenne, il faut compter un an pour passer code et conduite chez nous », souligne Thierry Bonin. Car ici, la clé du succès est le temps : prendre le temps pour apprendre, mais aussi pour porter une attention sincère, pour encourager.
Accueil et Promotion n’a pas la pression financière d’une entreprise d’auto-école classique : ses financeurs sont majoritairement publics (Etat, Département, Ville). L’enveloppe permet la formation de 80 personnes par an. Le prix de la prestation s’élève à 530 euros ; au-delà du volume défini pour la conduite, le candidat paie 10 euros par heure supplémentaire.
En plus du coordinateur, l’équipe est constituée de trois enseignantes de la conduite (monitrices diplômées) et d’une personne en service civique pour les cours de code. Sept bénévoles apportent également leur soutien, dans le cadre d’un module de conduite supervisée (lire plus loin).
Les outils pédagogiques ont été créés par l’association elle-même. « Cela permet de faire évoluer les contenus, de les adapter », précise Thierry Bonin. Exemple concret, un matin neigeux…

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Une pédagogie très active

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Bourges – mercredi 7 février 2018, 8 h 30

Les locaux de l’auto-école associative se situent au rez-de-chaussée d’un édifice religieux, la chapelle Saint-Paul, dans le quartier des Gibjoncs à Bourges. Le cours de code va bientôt commencer ; les participants arrivent les uns après les autres : Ilhem, Myriam, Thérèse, Pascaline, Andrea, Patricia, Vladislav, Imad, Marie et Aissatou. « Etrangers et français sont mélangés, reconnaît Thierry Bonin. Les difficultés du groupe permettent de le renforcer, de le motiver. Ici, le taux d’absentéisme est quasiment nul. » Tous ont débuté la formation le 8 janvier et viennent durant trois heures, deux fois par semaine, apprendre le code.

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Ce matin-là, c’est le comportement du conducteur qui est évoqué et, plus particulièrement, les conséquences de la consommation d’alcool sur sa conduite. Ici, la pédagogie est active : le cours mêle jeux de questions-réponses, schémas au tableau, à des exercices de simulation avec film d’animation à choix multiples… L’ambiance est détendue mais attentive.
Les participants apprécient : « C’est complètement différent d’une auto-école normale, explique Pascaline. Là-bas, on te balance un CD, on te fait passer des tests et débrouille-toi ! On est livré à nous-mêmes ! Ici, Thierry nous explique bien, on est bien entouré. »
Ce qui les motive à passer le permis ? Le travail et le désir d’autonomie. « Je suis assistante maternelle, livre Ilhem. J’ai perdu deux contrats parce que je n’avais pas le permis, cela posait problème aux parents. J’habite à Asnières, c’est mal desservi par les bus. » Marie se souvient s’être levée à 4 heures du matin pour se rendre à pied à un stage, à l’autre bout de la ville. « Pour le travail, on nous demande le permis tout le temps ! » insiste Aissatou. La plupart des participants ont été découragés par le système classique ou n’avaient pas assez de moyens financiers.
Aujourd’hui, ils semblent tous déterminés, même si l’apprentissage du code est difficile. « Je vais au boulot, je m’occupe de la famille et après, il faut encore avoir l’énergie de réviser ! Ce n’est pas évident... » soupire Thérèse.

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« Rendre autonomes et responsables »

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Bourges – mercredi 7 février, 11 heures

Je laisse le groupe pour rejoindre Patricia et Aurore dans la voiture auto-école d’Accueil et Promotion. La veille, il a beaucoup neigé mais aujourd’hui, les routes sont dégagées. La fin de la formation approche pour Patricia, qui se présentera bientôt à l’examen de conduite. « Il y a quelques heures encore, elle manquait de confiance, mais aujourd’hui, c’est beaucoup mieux ! » encourage Aurore, sa monitrice. Après une douzaine d’années d’expérience en entreprise, elle a intégré l’équipe de l’association il y a un an. « La différence essentielle ? Le temps... et aussi le fait que le projet soit lié à l’emploi. Nous créons une spirale positive : avoir le permis, ça donne envie d’avancer ! » Aurore prend soin de s’adapter à chacun des candidats : « Mon but est de les rendre autonomes et responsables, et de leur apprendre à gérer leur stress pour l’examen. Il faut savoir dire les choses de manière douce, être à l’écoute, parfois booster ! »

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Les parcours se concentrent sur le centre-ville de Bourges et les routes environnantes. Depuis 2017, un cours a également été ouvert à Vierzon. Au total, environ 500 kilomètres sont cumulés durant la formation.
Ce jour-là, Patricia reste dans les quartiers voisins des Gibjoncs. Si le freinage est encore un peu sec, elle semble relativement à l’aise. « J’avais surtout des problèmes de mémoire. A l’auto-école normale, je peinais, je nageais complètement ! Ici, ils prennent le temps et pour le code, on s’entraide en groupe. » Elle a connu l’auto-école associative par une amie, puis en a parlé à son assistante sociale. « Elle ne voulait pas ! Mais j’ai persisté : je lui ai cassé les pieds pendant un mois. Au final, elle a accepté... » Aurore plaisante : « La persistance, c’est important pour le permis ! »

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Une conduite supervisée avec des bénévoles

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Certains élèves ont plus de difficultés que Patricia : ils ne parviennent pas à gérer le stress de l'examen ; ou bien, ils ont le permis mais n'ont pas conduit depuis longtemps ; ou encore, ils sont étrangers et n'ont jamais conduit en France.

L'association Accueil et Promotion a créé un module spécialement pour eux : la conduite supervisée. Cette formation commence par une remise à niveau par les enseignantes de la conduite, se poursuit par un rendez-vous avec l’accompagnant tuteur pour établir un bilan et préciser les axes de progrès sur lesquels travailler ; elle se termine par les phases de conduite supervisée.
Les accompagnants sont des bénévoles qui ont tous reçu une formation d’une journée. Ils offrent leur temps en fonction de leurs disponibilités, un planning mensuel étant établi avec Accueil et Promotion.

C'est le cas de Marie-Thérèse Petit, habitante de Plaimpied. Agée de 66 ans, elle est aujourd'hui en retraite après avoir travaillé notamment à la médiathèque de Bourges, dans les annexes des Gibjoncs et du Val d'Auron. Comment a-t-elle connu l'auto-école associative ? « Par un ami faisant partie du Conseil d'administration. » Elle a souhaité ainsi « aider les personnes à accéder à cette sorte de liberté qu'est de pouvoir conduire. » « C'est la même démarche que la lecture, assure-t-elle. Se repérer, s'entraîner, être autonome et s'envoler ! »

Elle consacre une heure et demi par semaine à l'association, sans compter ses temps de trajet. Selon elle, le rôle de l'accompagnant est de donner confiance, relativiser la conduite tout en restant vigilant et permettre à l'élève, au final, d'avoir une conduite souple et aisée. Mais Marie-Thérèse insiste sur un autre point : la relation humaine. Lorsqu'on lui demande quelles qualités il faut avoir pour être accompagnant, elle répond ainsi : « ne pas (être) stressée, parler de tout , un peu d'humour, se raconter des blagues, être un peu battante, se donner des défis comme réussir un créneau ou contrôler la vitesse dans les ronds-points. Si la personne cale plusieurs fois, par exemple, la pénalité correspondra à un carré de chocolat ou un chewing-gum et ensuite on partage... ce fut une surprise quand Najate est arrivée avec sa tablette de chocolat !! On s'est bien amusées !! Tout ça en toute simplicité. »

Najate est la deuxième personne qu'elle accompagne. Elle a déjà son permis mais n'a pas conduit depuis longtemps et doit donc retrouver ses réflexes. La première, Hakima, a obtenu son diplôme. Marie-Thérèse raconte : « J'avais attendue Hakima à la fin de son épreuve-permis et nous avions bu un pot de confiance car nous étions certaines qu'elle l'aurait ! Hakima m'a envoyé un texto de réussite et a offert un repas au sein de l'association ! C'était un régal ! Voici ce qu'elle m'a dit quand on s'est revues au mois de septembre : "Marie encore merci ! Dans la vie, on rencontre des gens super sympas qui donnent des coups de mains !!" Hakima avait sa petite voiture, j'ai retrouvé  son sourire rayonnant !! C'est la vie, c'est sympa cette reconnaissance, c'est extrêmement enrichissant ! L'aspect humain (liberté, grandir, évoluer) est la clef de voûte de cette association. »

Accueil et Promotion a-t-elle des projets ? D'autres modules sont-ils dans les cartons ? Pas de nouveauté pour l’auto-école cette année : la structure a grandi rapidement et doit se stabiliser. « Tous les financements ne sont pas pérennes, prévient Sophie Noc, la directrice. En 2018, nous recherchons des mécénats et d’autres soutiens. » L'appel est lancé...

Fanny Lancelin

Contacts : Accueil et Promotion - 5 rue Samson à Bourges – 02.48.70.04.94. Site Internet : www.accueil-promotion.net

 

Un projet de loi sur les mobilités

 

De septembre à décembre 2017, le ministère des Transports a organisé les Assises de la mobilité. Le but : entendre les besoins des acteurs du secteur, des élus des territoires et des citoyens. Pour cela, une soixantaine de réunions publiques ont eu lieu à travers toute la France, le site Internet du ministère s'est ouvert aux contributions (25.000 déposées) et une consultation de groupes d'experts a été organisée.
Résultat ? « Un diagnostic implacable de la situation du transport en France », selon Elisabeth Borne, ministre en charge de ces questions (*). « On est face à une France à deux vitesses où les sujets de mobilité sont souvent vécus comme une injustice entre les citoyens et entre les territoires (…) reconnaît-elle. Il y a une véritable urgence à répondre à ces réalités en ayant en tête que la mobilité physique est la condition nécessaire à la mobilité professionnelle et la mobilité sociale. »
Les Assises doivent donc nourrir le projet de loi d'orientation des mobilités qui sera annoncé dans les prochains jours mais dont les grandes lignes sont déjà connues :
- un plan sur dix ans pour une remise à niveau du réseau de routes nationales ;
- la couverture de l'ensemble du territoire français par une autorité organisatrice des transports (actuellement, seules les grandes métropoles en bénéficient). Pour organiser quoi ? Par exemple, le covoiturage ou le transport à la demande (lire aussi (Re)visiter) ;
- une mise à niveau du ferroviaire pour gommer les points noirs ;
- un plan vélo.
Il semble que les grands projets d'infrastructures soient suspendus et que le principe soit désormais de renforcer l'existant. Les solutions innovantes et utilisant des modes de transport « alternatifs », avec un impact moins important sur l'environnement, devraient être privilégiées.
Pas d'annonce pour le moment concernant le financement de ces « priorités ». C'est le Parlement qui devra décider.

(*) Extrait de l'entretien publié dans le journal La Croix le 12 décembre 2017 : https://www.la-croix.com/Economie/France/Elisabeth-Borne-plan-dix-ans-achever-desenclavement-France-2017-12-12-1200898967

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# 10 Mobilité Tue, 21 Mar 2017 12:54:42 +0100