# 7 Quand l'autre devient l'alter ego (novembre 2017) (Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale. http://www.rebonds.net/quandlautredevientlalterego 2023-05-11T18:53:47+02:00 (Re)bonds.net Joomla! - Open Source Content Management Habitants et migrants se mobilisent ensemble 2017-03-21T14:47:31+01:00 2017-03-21T14:47:31+01:00 http://www.rebonds.net/quandlautredevientlalterego/379-codac Super User <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Lettre des migrants à la préfète&nbsp;du Cher&nbsp;: «&nbsp;Nos vies sont entre vos mains&nbsp;»</span></p> <p><strong><em>«&nbsp;Nos vies sont entre vos mains.&nbsp;»</em> L'appel au secours ne peut pas être plus clair. Pourtant, il ne semble pas avoir été entendu… Lundi 27 novembre, à 14 heures, une délégation de migrants vivant au Prahda (*) du Subdray et de membres du Codac (**) ont été reçus, à leur demande, par la préfète du Cher, Catherine Ferrier. Ils sont repartis déçus</strong>.</p> <p>Leur objectif était de sensibiliser la représentante de l’État au non-respect de leurs droits. Droit à obtenir de la considération, comme on pourrait l'exiger d'un pays qui s'est auto-proclamé des Droits de l'Homme. Droit à bénéficier d'un accompagnement juridique, comme l'exige la loi. Droit à ne pas être expulsés là où les attendent privations, tortures, exploitations en tous genres, mort… comme l'exige simplement le bon sens.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox-title="La manifestation s'est déroulée devant la préfecture lundi 27 novembre." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_1.JPG" alt="Manif 1" width="500" height="310" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p>Quelques jours auparavant, les migrants à l'initiative de cette démarche, accompagnés par le Codac, avaient invité les habitants de Bourges à les soutenir, via Internet. Ils leur proposaient de les rejoindre lundi matin, sur le parking du Prahda, et de parcourir avec eux, à pied, les huit kilomètres qui les séparent du centre-ville. Au total, une soixantaine de personnes ont participé à cette marche avant de prendre place devant les grilles de la préfecture, déroulant des banderoles et scandant des slogans tels que «&nbsp;No Dublin&nbsp;» (***).</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt;">Le problème principal : la procédure Dublin<br /></span></strong></p> <p>Car le problème principal, pour ces demandeurs d'asile, c'est la procédure dite «&nbsp;Dublin&nbsp;», du nom d'un règlement européen. Il stipule qu'un seul pays de l'Union européenne peut être responsable de la demande d'asile d'un migrant. Problème&nbsp;: les migrants qui débarquent ne connaissent pas les procédures. Lorsqu'en Italie, on leur intime de donner leurs empreintes, ils croient à une précaution de sécurité. De nombreux récits attestent d'ailleurs que la police italienne leur ment à ce sujet. Les conséquences sont dramatiques&nbsp;: une fois arrivés en France, on leur signifie qu'ils sont «&nbsp;dublinés&nbsp;», en clair, qu'ils seront expulsés vers l'Italie ou l'Allemagne, parce que c'est là-bas qu'ils ont déposé leurs empreintes et donc là-bas, qu'ils doivent trouver asile. Il existe des recours, mais, sans accompagnement juridique, ils sont très difficiles à faire valoir correctement.<br />Or, l'Italie, débordée, ne s'occupe pas de tous les migrants qui finissent par dormir dans la rue, n'ont pas de quoi manger ou se vêtir, et tombent parfois aux mains de réseaux mafieux. Alors, ils reviennent en France… Souvent à pied, souvent en passant par la montagne, dans un froid épouvantable auquel ils n'ont jamais été préparés… Un cauchemar. Une torture. Pour rien.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_2.JPG" class="jcepopup" data-mediabox-title="Les demandeurs d'asile avaient préparé lettre pour la préfète, slogans et banderoles." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_2.JPG" alt="Manif 2" width="348" height="464" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p><strong><span style="font-size: 12pt;">Pas de réponse satisfaisante de la préfète<br /></span></strong></p> <p>Lundi 27 novembre, comme une annonce, un vent froid, mordant, s'est abattu sur le groupe de manifestants. Durant une heure, ils ont attendu que la préfète reçoivent la délégation. Dans la sono apportée par les membres du Codac, les slogans n'ont pas faibli. Les migrants ont pris la parole à tour de rôle, en français, anglais, arabe, pour exprimer leurs craintes, leurs exaspérations, leurs espoirs aussi… Ils ont également échangé avec les habitants présents, profitant de ce rare contact pour simplement discuter ou pour tenter de faire le point sur leur situation personnelle. Enfin, ils ont pu être interviewés par des journalistes de France Bleu Berry et France 3.</p> <p>Après une heure d'entretien, la délégation est ressortie déçue. Un membre du Codac résume&nbsp;: <em>«&nbsp;La préfète nous a écouté. Mais elle se contente de répéter qu'elle ne fait qu'appliquer la loi et qu'elle n'a pas le pouvoir de repasser les «&nbsp;Dublinés&nbsp;» en procédure normale.&nbsp;»</em> Il semble pourtant que d'autres préfectures adoptent des comportements différents, comme à Nantes, par exemple.</p> <p>Prochaine étape&nbsp;? Le Codac et les demandeurs d'asile qui ont souhaité le rejoindre ne veulent pas baisser les bras. Ils continuent de se réunir pour améliorer l'information et l'accompagnement juridique des migrants dans le département, ainsi que pour préparer de nouvelles actions notamment auprès du public.</p> <p><span style="font-size: 8pt;"><em>(*) Prahda&nbsp;: Programme d'aide et d'hérbergement aux demandeurs d'asile. Anciens hôtels transformés en centres d'hébergement, regroupant des demandeurs d'asile <span style="font-size: 8pt;"><em>pour la plupart, «&nbsp;dublinés&nbsp;»</em></span>. Pour le Cher, il est situé au Subdray.</em></span><br /><span style="font-size: 8pt;"><em>(**) Collectif On Dort Au Chaud, collectif d'habitants de Bourges et du Cher venant en aide aux migrants.</em></span><br /><span style="font-size: 8pt;"><em>(***) Pas de procédure Dublin.</em></span></p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Lettre à la préfète</h3> </div> <ul> <li> <p>Madame la Préfète,</p> <p>les migrations sont un phénomène que toutes les sociétés humaines ont expérimenté à un moment de leur histoire. Nous sommes poussés à émigrer à cause d'injustices, de conflits armés, d'arrestations arbitraires et de meurtres commis par des dictateurs dans nos pays d'origine.<br />Vous avez également pu vous rendre compte des séquestrations, de la torture et de l'esclavage subis par les réfugiés en Libye. Nous avons tous vu et vécu ces violences qui nous marquent encore.<br />Ce sont ces violences qui nous ont poussés à embarquer dans «&nbsp;les bateaux de la mort&nbsp;» dans l'espoir d'atteindre l'Europe par l'Italie. Arrivés là-bas, on nous a forcé à donner nos empreintes, sans jamais nous expliquer les conséquences liées à la procédure Dublin.<br />Ce fut un soulagement d'arriver en France, car c'est le pays des droits de l'homme ainsi qu'une terre d'acuueil.<br />Mais nous sommes choqués de constater le traitement qui nous est réservé, particulièrement au Prahda du Subdray. Nous avons le sentiment que nous ne sommes toujours pas reconnus comme réfugiés. On nous isole du reste de la société, comme des criminels qu'on voudrait punir.<br />Il semble que la région Centre soit un lieu de passage pour beaucoup de réfugiés, mais aussi l'un des endroits où le plus de demandeurs d'asile sont expulsés.</p> <p>A cause de la situation au Prahda, nous souffrons de troubles psychologiques. Nous ne sommes pas non plus en mesure de nous faire soigner convenablement, alors que beaucoup portent des séquelles de tortures en Libye et ailleurs. Nous avons de grandes difficultés à nous nourrir. Nous sommes également privés d'informations primordiales, et nous ne bénéficions d'aucun accompagnement juridique, pourtant nécessaire pour nous défendre. Enfin, nous sommes privés de la possibilité d'apprendre le français, même pour ceux d'entre nous en procédure normale.</p> <p>Jour après jour, des camarades sont assignés à résidence. Ils doivent alors aller pointer au commissariat de Bourges chaque matin, parfois jusqu'à 90 jours. Puis un jour, ils sont menottés et mis dans un avion contre leur gré. Ces avions les conduisent, pour la plupart, en Italie. Mais ce pays n'a rien à offrir aux réfugiés.<br />Les demandeurs d'asile y sont en effet abandonnés, se retrouvent sans logement ni moyen de se nourrir. Des articles de presse relatent comment des migrants africains y sont exploités dans les champs par des réseaux mafieux.</p> <p>C'est également l'Italie qui verse de l'argent aux forces libyennes, selon les accords italo-libyens. Cet argent sert à empêcher les migrants de tenter de rejoindre l'Europe. Mais les camps de rétention libyens où se pratiquent l'esclavage, la torture et le meurtre ne sont pas sans rapport avec cette politique européenne.</p> <p>La procédure Dublin est une loi injuste. Elle nous déshumanise et provoque de graves vioences dans nos vies, à un moment où nous espérions trouver la paix. En tant que préfète, la possibilité vous est offerte de ne pas l'appliquer. Nous désirons tous pouvoir exercer notre demande d'asile en France selon la procédure «&nbsp;normale&nbsp;». Nous souhaitons également que cessent dès à présent les assignations à résidence.</p> <p>Nos vies sont entre vos mains.</p> <p>Je vous prie de croire, Madame la Préfère, en l'assurance de nos respectueuses sallutations.</p> <p>Les migrants dublinés du Prahda et de Bourges</p> </li> </ul> </div> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Le Codac invite habitants et migrants à former des tandems</span></p> <p><strong>Le Codac (Collectif On Dort Au Chaud) est né à Bourges il y a un an, avec l'arrivée de migrants expulsés de la jungle de Calais. Constitué d'abord, en majorité, d'habitants de Bourges, il élargit progressivement son cercle et ses actions. Aujourd'hui, il ne veille plus seulement à ce que les migrants ne dorment pas dans la rue, mais il organise une lutte pérenne, avec la participation des migrants eux-mêmes.</strong></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/index.php?option=com_jce&amp;view=popup&amp;tmpl=component" class="jcepopup" data-mediabox-title="Quatorze migrants ont participé à la réunion, jeudi." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/réunion_Codac.JPG" alt="réunion Codac" width="370" height="432" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p>Une première réunion publique avait eu lieu à la Maison des associations de Bourges, le mardi 19 septembre. Des demandeurs d'asile hébergés au Prahda du Subdray - un ancien hôtel transformé en lieu d'attente avant expulsion - étaient venus témoigner des conditions indignes dans lesquelles on les maintient (<em>Lire le numéro 6 de (Re)bonds dans Archives, onglet en haut à droite du menu</em>). Si la soirée avait été riche en informations et en émotions, elle n'avait toutefois pas permis aux habitants présents d'envisager comment aider les migrants. C'est pourquoi, une nouvelle réunion était organisée il y a quelques jours, le jeudi 16 novembre, dans un local jouxtant la nouvelle Biocoop, 121 boulevard de l'Avenir à Bourges.</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt;">Faire partie intégrante du collectif</span></strong></p> <p>Une quarantaine de personnes étaient présentes, parmi lesquelles quatorze demandeurs d'asile en majorité vivant au Prahda. Ce second rendez-vous était mieux préparé que le premier : après une brève présentation du contexte international, national et local par un membre du Codac, quelques demandeurs d'asile, parfois notes à la main, se sont exprimés sur leurs problèmes actuels : leur statut de Dublinés (*), leur isolement par rapport à la population locale, les problèmes de santé et de malnutrition au Prahda, les difficultés de communication avec les travailleurs sociaux...</p> <p>Ils ont décidé de saisir la main que leur tendent les membres du Codac.<em>« Faire partie d'un collectif permet d'être moins isolé »</em>, assure l'un d'eux. Car il s'agit précisément de cela : faire partie intégrante du collectif. L'organisation présentée après les témoignages est claire : les migrants qui le souhaitent participeront à des groupes de travail avec les habitants. L'objectif : <em>« ne pas faire à leur place mais avec eux »</em>, souligne un membre du Codac, afin de créer une relation juste. Les migrants pourront ainsi alerter sur leurs urgences, tout en participant à la mise en place des solutions les plus adaptées.</p> <p><span style="font-size: 12pt;"><strong>Des commissions pour réfléchir et agir</strong></span></p> <p>Jeudi, des commissions, ouvertes à tous et à toutes, ont été présentées : organisation de tandems, création de rendez-vous hebdomadaires ou d'événements ponctuels pour sensibiliser la population, documentation, réseautage, aide matérielle, trésorerie, pôle juridique... L'une des idées les plus intéressantes est la constitution de tandems. L'objectif ? Instaurer une relation privilégiée entre un membre du collectif et un migrant, vivant au Prahda ou non. Les échanges sont facilités, les problèmes pris en compte plus efficacement. Exemples d'actions possibles : scanner des documents et les envoyer aux associations compétentes pour faire avancer les demandes d'asile ou les recours ; faire visiter des lieux de Bourges utiles (comme la médiathèque pour l'accès à des ordinateurs, les migrants n'ayant pas tous Internet, pourtant essentiel à leurs démarches) ; accueillir chez soi ponctuellement ; accompagner chez le médecin ou à l'hôpital (les travailleurs sociaux n'assurant pas ce rôle) ; etc...</p> <p>Bémol à cette belle idée : la majorité des migrants vivant au Prahda sont arabophones. Comment communiquer ? Le Codac est d'ores et déjà allé à la rencontre d'habitants de Bourges issus des précédentes vagues d'immigration pour les inviter à s'engager.</p> <p>Les personnes présentes à la réunion ont pu s'inscrire dans les différentes commissions. Rendez-vous dans un mois pour partager les premiers fruits de leur travail.</p> <p><em>Contact : <a href="mailto:codac18@netcourrier.com">codac18@netcourrier.com</a></em></p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Lettre des migrants à la préfète&nbsp;du Cher&nbsp;: «&nbsp;Nos vies sont entre vos mains&nbsp;»</span></p> <p><strong><em>«&nbsp;Nos vies sont entre vos mains.&nbsp;»</em> L'appel au secours ne peut pas être plus clair. Pourtant, il ne semble pas avoir été entendu… Lundi 27 novembre, à 14 heures, une délégation de migrants vivant au Prahda (*) du Subdray et de membres du Codac (**) ont été reçus, à leur demande, par la préfète du Cher, Catherine Ferrier. Ils sont repartis déçus</strong>.</p> <p>Leur objectif était de sensibiliser la représentante de l’État au non-respect de leurs droits. Droit à obtenir de la considération, comme on pourrait l'exiger d'un pays qui s'est auto-proclamé des Droits de l'Homme. Droit à bénéficier d'un accompagnement juridique, comme l'exige la loi. Droit à ne pas être expulsés là où les attendent privations, tortures, exploitations en tous genres, mort… comme l'exige simplement le bon sens.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox-title="La manifestation s'est déroulée devant la préfecture lundi 27 novembre." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_1.JPG" alt="Manif 1" width="500" height="310" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p>Quelques jours auparavant, les migrants à l'initiative de cette démarche, accompagnés par le Codac, avaient invité les habitants de Bourges à les soutenir, via Internet. Ils leur proposaient de les rejoindre lundi matin, sur le parking du Prahda, et de parcourir avec eux, à pied, les huit kilomètres qui les séparent du centre-ville. Au total, une soixantaine de personnes ont participé à cette marche avant de prendre place devant les grilles de la préfecture, déroulant des banderoles et scandant des slogans tels que «&nbsp;No Dublin&nbsp;» (***).</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt;">Le problème principal : la procédure Dublin<br /></span></strong></p> <p>Car le problème principal, pour ces demandeurs d'asile, c'est la procédure dite «&nbsp;Dublin&nbsp;», du nom d'un règlement européen. Il stipule qu'un seul pays de l'Union européenne peut être responsable de la demande d'asile d'un migrant. Problème&nbsp;: les migrants qui débarquent ne connaissent pas les procédures. Lorsqu'en Italie, on leur intime de donner leurs empreintes, ils croient à une précaution de sécurité. De nombreux récits attestent d'ailleurs que la police italienne leur ment à ce sujet. Les conséquences sont dramatiques&nbsp;: une fois arrivés en France, on leur signifie qu'ils sont «&nbsp;dublinés&nbsp;», en clair, qu'ils seront expulsés vers l'Italie ou l'Allemagne, parce que c'est là-bas qu'ils ont déposé leurs empreintes et donc là-bas, qu'ils doivent trouver asile. Il existe des recours, mais, sans accompagnement juridique, ils sont très difficiles à faire valoir correctement.<br />Or, l'Italie, débordée, ne s'occupe pas de tous les migrants qui finissent par dormir dans la rue, n'ont pas de quoi manger ou se vêtir, et tombent parfois aux mains de réseaux mafieux. Alors, ils reviennent en France… Souvent à pied, souvent en passant par la montagne, dans un froid épouvantable auquel ils n'ont jamais été préparés… Un cauchemar. Une torture. Pour rien.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_2.JPG" class="jcepopup" data-mediabox-title="Les demandeurs d'asile avaient préparé lettre pour la préfète, slogans et banderoles." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Manif_2.JPG" alt="Manif 2" width="348" height="464" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p><strong><span style="font-size: 12pt;">Pas de réponse satisfaisante de la préfète<br /></span></strong></p> <p>Lundi 27 novembre, comme une annonce, un vent froid, mordant, s'est abattu sur le groupe de manifestants. Durant une heure, ils ont attendu que la préfète reçoivent la délégation. Dans la sono apportée par les membres du Codac, les slogans n'ont pas faibli. Les migrants ont pris la parole à tour de rôle, en français, anglais, arabe, pour exprimer leurs craintes, leurs exaspérations, leurs espoirs aussi… Ils ont également échangé avec les habitants présents, profitant de ce rare contact pour simplement discuter ou pour tenter de faire le point sur leur situation personnelle. Enfin, ils ont pu être interviewés par des journalistes de France Bleu Berry et France 3.</p> <p>Après une heure d'entretien, la délégation est ressortie déçue. Un membre du Codac résume&nbsp;: <em>«&nbsp;La préfète nous a écouté. Mais elle se contente de répéter qu'elle ne fait qu'appliquer la loi et qu'elle n'a pas le pouvoir de repasser les «&nbsp;Dublinés&nbsp;» en procédure normale.&nbsp;»</em> Il semble pourtant que d'autres préfectures adoptent des comportements différents, comme à Nantes, par exemple.</p> <p>Prochaine étape&nbsp;? Le Codac et les demandeurs d'asile qui ont souhaité le rejoindre ne veulent pas baisser les bras. Ils continuent de se réunir pour améliorer l'information et l'accompagnement juridique des migrants dans le département, ainsi que pour préparer de nouvelles actions notamment auprès du public.</p> <p><span style="font-size: 8pt;"><em>(*) Prahda&nbsp;: Programme d'aide et d'hérbergement aux demandeurs d'asile. Anciens hôtels transformés en centres d'hébergement, regroupant des demandeurs d'asile <span style="font-size: 8pt;"><em>pour la plupart, «&nbsp;dublinés&nbsp;»</em></span>. Pour le Cher, il est situé au Subdray.</em></span><br /><span style="font-size: 8pt;"><em>(**) Collectif On Dort Au Chaud, collectif d'habitants de Bourges et du Cher venant en aide aux migrants.</em></span><br /><span style="font-size: 8pt;"><em>(***) Pas de procédure Dublin.</em></span></p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Lettre à la préfète</h3> </div> <ul> <li> <p>Madame la Préfète,</p> <p>les migrations sont un phénomène que toutes les sociétés humaines ont expérimenté à un moment de leur histoire. Nous sommes poussés à émigrer à cause d'injustices, de conflits armés, d'arrestations arbitraires et de meurtres commis par des dictateurs dans nos pays d'origine.<br />Vous avez également pu vous rendre compte des séquestrations, de la torture et de l'esclavage subis par les réfugiés en Libye. Nous avons tous vu et vécu ces violences qui nous marquent encore.<br />Ce sont ces violences qui nous ont poussés à embarquer dans «&nbsp;les bateaux de la mort&nbsp;» dans l'espoir d'atteindre l'Europe par l'Italie. Arrivés là-bas, on nous a forcé à donner nos empreintes, sans jamais nous expliquer les conséquences liées à la procédure Dublin.<br />Ce fut un soulagement d'arriver en France, car c'est le pays des droits de l'homme ainsi qu'une terre d'acuueil.<br />Mais nous sommes choqués de constater le traitement qui nous est réservé, particulièrement au Prahda du Subdray. Nous avons le sentiment que nous ne sommes toujours pas reconnus comme réfugiés. On nous isole du reste de la société, comme des criminels qu'on voudrait punir.<br />Il semble que la région Centre soit un lieu de passage pour beaucoup de réfugiés, mais aussi l'un des endroits où le plus de demandeurs d'asile sont expulsés.</p> <p>A cause de la situation au Prahda, nous souffrons de troubles psychologiques. Nous ne sommes pas non plus en mesure de nous faire soigner convenablement, alors que beaucoup portent des séquelles de tortures en Libye et ailleurs. Nous avons de grandes difficultés à nous nourrir. Nous sommes également privés d'informations primordiales, et nous ne bénéficions d'aucun accompagnement juridique, pourtant nécessaire pour nous défendre. Enfin, nous sommes privés de la possibilité d'apprendre le français, même pour ceux d'entre nous en procédure normale.</p> <p>Jour après jour, des camarades sont assignés à résidence. Ils doivent alors aller pointer au commissariat de Bourges chaque matin, parfois jusqu'à 90 jours. Puis un jour, ils sont menottés et mis dans un avion contre leur gré. Ces avions les conduisent, pour la plupart, en Italie. Mais ce pays n'a rien à offrir aux réfugiés.<br />Les demandeurs d'asile y sont en effet abandonnés, se retrouvent sans logement ni moyen de se nourrir. Des articles de presse relatent comment des migrants africains y sont exploités dans les champs par des réseaux mafieux.</p> <p>C'est également l'Italie qui verse de l'argent aux forces libyennes, selon les accords italo-libyens. Cet argent sert à empêcher les migrants de tenter de rejoindre l'Europe. Mais les camps de rétention libyens où se pratiquent l'esclavage, la torture et le meurtre ne sont pas sans rapport avec cette politique européenne.</p> <p>La procédure Dublin est une loi injuste. Elle nous déshumanise et provoque de graves vioences dans nos vies, à un moment où nous espérions trouver la paix. En tant que préfète, la possibilité vous est offerte de ne pas l'appliquer. Nous désirons tous pouvoir exercer notre demande d'asile en France selon la procédure «&nbsp;normale&nbsp;». Nous souhaitons également que cessent dès à présent les assignations à résidence.</p> <p>Nos vies sont entre vos mains.</p> <p>Je vous prie de croire, Madame la Préfère, en l'assurance de nos respectueuses sallutations.</p> <p>Les migrants dublinés du Prahda et de Bourges</p> </li> </ul> </div> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Le Codac invite habitants et migrants à former des tandems</span></p> <p><strong>Le Codac (Collectif On Dort Au Chaud) est né à Bourges il y a un an, avec l'arrivée de migrants expulsés de la jungle de Calais. Constitué d'abord, en majorité, d'habitants de Bourges, il élargit progressivement son cercle et ses actions. Aujourd'hui, il ne veille plus seulement à ce que les migrants ne dorment pas dans la rue, mais il organise une lutte pérenne, avec la participation des migrants eux-mêmes.</strong></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/index.php?option=com_jce&amp;view=popup&amp;tmpl=component" class="jcepopup" data-mediabox-title="Quatorze migrants ont participé à la réunion, jeudi." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/réunion_Codac.JPG" alt="réunion Codac" width="370" height="432" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p>Une première réunion publique avait eu lieu à la Maison des associations de Bourges, le mardi 19 septembre. Des demandeurs d'asile hébergés au Prahda du Subdray - un ancien hôtel transformé en lieu d'attente avant expulsion - étaient venus témoigner des conditions indignes dans lesquelles on les maintient (<em>Lire le numéro 6 de (Re)bonds dans Archives, onglet en haut à droite du menu</em>). Si la soirée avait été riche en informations et en émotions, elle n'avait toutefois pas permis aux habitants présents d'envisager comment aider les migrants. C'est pourquoi, une nouvelle réunion était organisée il y a quelques jours, le jeudi 16 novembre, dans un local jouxtant la nouvelle Biocoop, 121 boulevard de l'Avenir à Bourges.</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt;">Faire partie intégrante du collectif</span></strong></p> <p>Une quarantaine de personnes étaient présentes, parmi lesquelles quatorze demandeurs d'asile en majorité vivant au Prahda. Ce second rendez-vous était mieux préparé que le premier : après une brève présentation du contexte international, national et local par un membre du Codac, quelques demandeurs d'asile, parfois notes à la main, se sont exprimés sur leurs problèmes actuels : leur statut de Dublinés (*), leur isolement par rapport à la population locale, les problèmes de santé et de malnutrition au Prahda, les difficultés de communication avec les travailleurs sociaux...</p> <p>Ils ont décidé de saisir la main que leur tendent les membres du Codac.<em>« Faire partie d'un collectif permet d'être moins isolé »</em>, assure l'un d'eux. Car il s'agit précisément de cela : faire partie intégrante du collectif. L'organisation présentée après les témoignages est claire : les migrants qui le souhaitent participeront à des groupes de travail avec les habitants. L'objectif : <em>« ne pas faire à leur place mais avec eux »</em>, souligne un membre du Codac, afin de créer une relation juste. Les migrants pourront ainsi alerter sur leurs urgences, tout en participant à la mise en place des solutions les plus adaptées.</p> <p><span style="font-size: 12pt;"><strong>Des commissions pour réfléchir et agir</strong></span></p> <p>Jeudi, des commissions, ouvertes à tous et à toutes, ont été présentées : organisation de tandems, création de rendez-vous hebdomadaires ou d'événements ponctuels pour sensibiliser la population, documentation, réseautage, aide matérielle, trésorerie, pôle juridique... L'une des idées les plus intéressantes est la constitution de tandems. L'objectif ? Instaurer une relation privilégiée entre un membre du collectif et un migrant, vivant au Prahda ou non. Les échanges sont facilités, les problèmes pris en compte plus efficacement. Exemples d'actions possibles : scanner des documents et les envoyer aux associations compétentes pour faire avancer les demandes d'asile ou les recours ; faire visiter des lieux de Bourges utiles (comme la médiathèque pour l'accès à des ordinateurs, les migrants n'ayant pas tous Internet, pourtant essentiel à leurs démarches) ; accueillir chez soi ponctuellement ; accompagner chez le médecin ou à l'hôpital (les travailleurs sociaux n'assurant pas ce rôle) ; etc...</p> <p>Bémol à cette belle idée : la majorité des migrants vivant au Prahda sont arabophones. Comment communiquer ? Le Codac est d'ores et déjà allé à la rencontre d'habitants de Bourges issus des précédentes vagues d'immigration pour les inviter à s'engager.</p> <p>Les personnes présentes à la réunion ont pu s'inscrire dans les différentes commissions. Rendez-vous dans un mois pour partager les premiers fruits de leur travail.</p> <p><em>Contact : <a href="mailto:codac18@netcourrier.com">codac18@netcourrier.com</a></em></p> Des nouvelles du front 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/quandlautredevientlalterego/378-desnouvellesdufront Super User <p><strong>L'immigration est un sujet de plus en plus sensible. Face aux journalistes, aux associations humanitaires ou aux citoyens qui s'intéressent aux réfugiés, l'Etat français durcit le ton. Exemples ces derniers jours...<br /></strong></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d; background-color: #ffffff;"><strong>Reportage sur les migrants près de Briançon : une journaliste interpellée</strong></span></p> <p>Samedi 11 novembre, Caroline Christinaz, envoyée spéciale du très renommé journal suisse <em>Le Temps</em>, a été arrêtée par la gendarmerie à Val-des-Prés, un village de la région de Briançon (Hautes-Alpes).</p> <p>Elle réalisait un reportage sur le passage clandestin de migrants à la frontière avec l'Italie, au col de l'Echelle (1.762 mètres d'altitude). Elle avait pris place dans le véhicule d'un habitant qui avait recueilli le long de la route de jeunes migrants transis de froid. Devant eux, un autre véhicule avec à son bord un journaliste de France Culture, Raphaël Krafft, arrêté également.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/le_temps.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/le_temps.jpg" alt="le temps" width="483" height="190" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a><br />Laissée libre mais convoquée le lendemain à la gendarmerie, Caroline Christinaz a été interrogée pendant deux heures, photographiée et ses empreintes digitales relevées. Elle raconte&nbsp;: <em>«&nbsp;Après une heure de questions sur les faits de la veille, les gendarmes m’ont interrogée sur ma vie privée, puis sur mon loyer, mon salaire, mes numéros et soldes bancaires, ma situation fiscale et patrimoniale. Ils m’ont dit vouloir connaître mes capacités financières pour établir le montant de l’amende.&nbsp;»</em> (*) Sous la pression, elle a donné aux gendarmes son téléphone portable et le code d'accès. Elle serait<em> «&nbsp;mise en cause dans une procédure pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’étrangers sur le territoire français ».</em><br />Son confrère n'a été entendu qu'en qualité de témoin. Son reportage a été diffusé sur France Culture le vendredi 17 novembre. Il met notamment l'accent sur les jeunes mineurs isolés livrés à eux-mêmes dans la montagne, par des températures négatives (**).</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Caroline Christinaz a publié son histoire dans les colonnes du Temps daté du lundi 13 novembre&nbsp;: <a href="https://www.letemps.ch/monde/2017/11/13/une-journaliste-temps-interrogee-police-briancon?utm_source=facebook&amp;utm_medium=share&amp;utm_campaign=article">https://www.letemps.ch/monde/2017/11/13/une-journaliste-temps-interrogee-police-briancon?utm_source=facebook&amp;utm_medium=share&amp;utm_campaign=article</a></span></em></p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(**) Quand les mineurs africains sont abandonnés dans la montagne : <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-magazine-de-la-redaction/quand-les-mineurs-africains-sont-abandonnes-dans-la-montagne">https://www.franceculture.fr/emissions/le-magazine-de-la-redaction/quand-les-mineurs-africains-sont-abandonnes-dans-la-montagne</a></span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;">Un triste anniversaire</span><br /></strong></p> <p>Il y a un an, le 10 novembre 2016, était inauguré le centre de premier accueil de Paris. Ceux qui le défendent l'appellent «&nbsp;centre humanitaire&nbsp;»&nbsp;; ceux qui le dénoncent «&nbsp;camp Hidalgo&nbsp;».<br />Les objectifs affichés&nbsp;: accueillir les migrants de manière inconditionnelle, pour leur permettre de prendre du repos, éventuellement d'être soignés, avant d'être orientés vers d'autres structures, notamment en région. A l'époque, il s'agissait surtout pour la mairie de Paris de nettoyer le quartier de La Chapelle, où des campements sauvages s'étaient improvisés faute de places dans les centres gérés par l’État.</p> <p>Mais un an plus tard, le problème n'est visiblement toujours pas réglé. Accompagnée de Timothy Perkins, militant pour la cause des migrants (*), je me suis rendue Porte de La Chapelle le lundi 16 octobre dernier. Tout autour du «&nbsp;camp Hidalgo&nbsp;», se sont reformés des embryons de campements sauvages. Les persécutions systématiques de la police les poussent vers le périphérique ou, au contraire, plus près de villes comme Saint-Ouen. Partout, des traces d'abris de fortune à peine dissimulés derrière des poubelles, des barraquements de chantier ou des fourrés. <em>«&nbsp;Ils arrivent le soir vers 20 heures et ils s'en vont vers 8 heures le lendemain matin&nbsp;»</em>, explique Timothy Perkins.</p> <p>Pourquoi ne sont-ils pas hébergés dans le «&nbsp;camp Hidalgo&nbsp;»&nbsp;? Aménagé dans un ancien bâtiment de la SNCF (10.000 m² sur deux niveaux), celui-ci a été prévu pour 400 personnes mais s'est retrouvé rapidement saturé. En août, 2.700 migrants ont été expulsés de campements sauvages alentour, ce qui en dit long sur l'ampleur des besoins&nbsp;!</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/camp_hidalgo.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/camp_hidalgo.jpg" alt="camp hidalgo" width="500" height="294" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a><br />Selon la mairie de Paris, il s'agit d'un problème de «&nbsp;fluidité&nbsp;»&nbsp;: les places dans le camp ne peuvent pas être libérées assez rapidement, faute de places dans les structures devant prendre le relais. C'est pourquoi, elle a demandé l'ouverture d'autres centres similaires <em>(lire l'article ci-dessous&nbsp;: «&nbsp;Immigration&nbsp;: les «&nbsp;plans&nbsp;» vraiment pas bons d'Emmanuel Macron&nbsp;»)</em>.</p> <p>Mais il existe d'autres problèmes&nbsp;: début septembre, Médecins Sans Frontières annonçait son retrait du camp, suivi par l'association Utopia 56. Dans un communiqué, ses représentants ont dénoncé l'<em>«&nbsp;ingérence négative de l'Etat&nbsp;»</em>, des <em>«&nbsp;migrants piégés&nbsp;»</em>, la <em>«&nbsp;traque des réfugiés organisée depuis peu par la police aux abords des bâtiments&nbsp;»</em>. Selon eux, <em>«&nbsp;le traitement administratif des arrivants n'a rien d'humanitaire&nbsp;»</em>.<br />L'ACAT, Organisation Non Gouvernementale chrétienne contre la torture et la peine de mort, avait effectué une mission d'observation aux abords du camp en juin dernier. Ses conclusions sont tout aussi accablantes…(**)</p> <p>Depuis le début, la gestion du camp est assurée par Emmaüs Solidarité qui fournit 117 salariés aidés par des bénévoles. Mais dans ses rangs aussi, des objections commencent à se faire entendre…</p> <p>Dans tous les cas, l'avenir du centre devra être bientôt rediscuté, le site devant être rendu à la fin du mois de mars 2018 pour la construction du campus Condorcet.</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Lire le numéro 6 de (Re)bonds (onglet Archives en haut à droite du menu&nbsp;; rubrique (Ré)acteurs).</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) Lire le rapport sur le site de l'ACAT : <a href="http://www.acatfrance.fr/actualite/resultats-de-lobservation-du-centre-de-premier-accueil-de-porte-de-la-chapelle">http://www.acatfrance.fr/actualite/resultats-de-lobservation-du-centre-de-premier-accueil-de-porte-de-la-chapelle</a></span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;">Le Défenseur des droits saisi pour un centre d'accueil dans l'Yonne</span><br /></strong></p> <p>Le numéro 6 de (Re)bonds mettait un coup de projecteur sur le PRAHDA du Subdray, près de Bourges. Mais nos voisins bourguignons ont un centre de rétention qui vaut aussi l'indignation…</p> <p>Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a été saisi par un militant et des migrants au sujet de la situation du Centre d'Accueil et d'Orientation (CAO) situé à Jaulges dans l'Yonne (Bourgogne). Dans un courrier daté du jeudi 5 octobre 2017, ils dénoncent <em>«&nbsp;des conditions de vie souvent trop contraires à la charte de fonctionnement des centres d'accueil et d'orientation - CAO&nbsp;»</em> et <em>«&nbsp;un isolement qui est extrêmement similaire à de l'incarcération&nbsp;»</em>.<br />Ouvert à la fin de l'année 2016 dans un ancien site militaire, le CAO de Jaulges regroupe des migrants qui débarquent du centre de premier accueil situé Porte de la Chapelle à Paris. La plupart sont dits «&nbsp;dublinés&nbsp;» c'est-à-dire susceptibles d'être rapidement expulsés vers l'Italie ou l'Allemagne. Aucun commerce à moins de douze kilomètres à la ronde, pas de transport public, une connexion Internet insuffisante…<br />Les signataires du courrier dénoncent également l'absence d'information et d'accompagnement juridique, ainsi que le refus de la direction de laisser entrer des associations pour les aider.<em> «&nbsp;Seuls quelques bénévoles individuels bien <em> «</em> surveillés <em>»</em> viennent donner des cours de français deux fois par semaine&nbsp;»</em>, écrivent-ils. Ils parlent de problèmes de santé et de sécurité graves. Photographies à l'appui, ils affirment que les installations sont totalement inadaptées à l'accueil de 133 personnes.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/CAOJaulgesimages1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox-title="L'entrée du CAO de Jaulges." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/CAOJaulgesimages1.jpg" alt="CAOJaulgesimages1" width="326" height="196" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p>Que deviennent-elles ensuite&nbsp;? <em>«&nbsp;Un grand nombre de résidents « dublinés » de ce CAO arrivent désormais au PRAHDA (*) d'Appoigny, dans l'Yonne, ouvert au mois de juillet 2017. Alors que Jaulges est maintenu dans un isolement voulu par le CAO, le PRAHDA d'Appoigny donne accès aux agents de la préfecture et de la gendarmerie. Lorsqu'ils arrivent, leurs convocations de la préfecture sont déjà prêtes. Ils reçoivent souvent avec leurs arrêtés de transfert, leurs laissez-passer et billets d'avion et ils sont assignés à résidence. Tout cela dans une période d'à peine deux à quatre semaines. On comprend que le CAO de Jaulges fonctionne comme une antichambre du PRAHDA d'Appoigny, qui lui-même est une sorte de centre de rétention administrative en attente d'une reconduite vers le pays européen de réadmission où les conditions de vie sont particulièrement précaires et où ils craignent, au mieux d'être laissés sans assistance, au pire d'être purement et simplement déportés dans leur pays d'origine malgré les menaces de mort ou autres dangers qui les ont fait fuir.&nbsp;»</em><br />Leur demande est claire&nbsp;: que le Défenseur des droits mette fin à la situation du CAO de Jaulges. Pour l'instant, il a accusé réception de la lettre...</p> <p>Un article sur la situation du camp vient de paraître sur le site BuzzFeed : <a href="https://www.buzzfeed.com/theoenglebert/isolement-surveillance-tuberculose-la-gestion-douteuse-dun?utm_term=.ang8kV5bj#.lmVyNLDX9">https://www.buzzfeed.com/theoenglebert/isolement-surveillance-tuberculose-la-gestion-douteuse-dun?utm_term=.ang8kV5bj#.lmVyNLDX9</a></p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Lire le numéro 6 de (Re)bonds (onglet Archives en haut à droite du menu).</span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;">Immigration : les « plans » vraiment pas bons d'Emmanuel Macron</span><br /></strong></p> <p><em>«&nbsp;D'ici à la fin de l'année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois (…). La première bataille&nbsp;: loger tout le monde dignement. Je veux partout des hébergements d'urgence. Je ne veux plus de femmes et d'hommes dans les rues.&nbsp;»</em> Lorsqu'on arpente celles de la capitale, les zones d'activités autour de Calais ou encore la campagne environnante de Nice, on se demande bien comment le président français Emmanuel Macron compte s'y prendre pour faire de ses désirs – «&nbsp;je ne veux plus&nbsp;», «&nbsp;je veux&nbsp;» – des réalités. Surtout d'ici à la fin de 2017, c'est-à-dire dans un mois et demi…<br />Déjà, en l'entendant prononcer ces mots, le jeudi 27 juillet lors d'un déplacement à Orléans, journalistes et responsables d'associations humanitaires étaient pour le moins perplexes&nbsp;: pour réaliser ses objectifs, le président n'annonçait aucun moyen supplémentaire par rapport au plan immigration présenté quinze jours auparavant, alors que les structures d'accueil et d'orientation (notamment des migrants mais des sans abris en général) sont totalement saturées (*).</p> <p><strong>Le durcissement de la politique d'expulsion</strong></p> <p>Pour faire place nette dans les rues, rien de tel que d'accélérer les «&nbsp;mesures d'éloignement&nbsp;» en jargon administratif, les expulsions du territoire en vrai français, les déportations en langage engagé. <em>«&nbsp;Il y a fort à craindre que le gouvernement associe l’hébergement des personnes au durcissement de la politique d’expulsion, assumant le dévoiement du droit à l’hébergement à des fins d’éloignement&nbsp;»</em>, s’inquiètait ainsi Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade (**).<br />Le mercredi 12 juillet, lors de l'annonce du nouveau plan immigration, le premier ministre Edouard Philippe avait bien prévenu que les migrants relevant de la procédure Dublin (***) devaient <em>«&nbsp;faire l'objet d'une attention particulière&nbsp;»</em>... &nbsp;Ils sont ainsi renvoyés beaucoup plus rapidement en Italie et en Allemagne. Problème&nbsp;: ils reviennent, les deux voisins européens ne sachant plus qu'en faire…&nbsp;! Ils dorment à nouveau sur le trottoir, grossissent les camps sauvages à Paris et vivent dans des conditions indignes de notre humanité.</p> <p><strong>Construire de nouveaux centres d'accueil&nbsp;: pour quoi faire&nbsp;?</strong></p> <p>Solution évoquée par l'entourage du président&nbsp;: construire de nouveaux centres d'accueil en région (comme l'avait suggéré la maire de Paris, Anne Hidalgo, pour prendre le relais de celui qu'elle a installé Porte de la Chapelle). Ce qui revient à en construire ou aménager treize en métropole d'ici à la fin décembre. Où&nbsp;? Avec quels fonds&nbsp;? Quelle gestion&nbsp;? Et surtout, au final, dans quel but&nbsp;? Mystère...<br />Un exemple&nbsp;: le jeudi 13 octobre dernier, le Centre d'Accueil et d'Examen des Situations (CAES) d'Ile-de-France a ouvert ses portes dans une ancienne patinoire de la ville de Cergy. Il peut accueillir 200 hommes célibataires. L'opérateur du site est Espérer 95. Lors de son inauguration, le chauffage n'avait pas encore été installé...</p> <p><strong>Un tri directement en Afrique et au Moyen-Orient</strong></p> <p>Troisième piste évoquée clairement par Emmanuel Macron, cette fois le lundi 9 octobre&nbsp;: une coopération plus étroite avec les pays d'où viennent les migrants. Sur les deux prochaines années, la France s'engage ainsi à ouvrir 10.000 places pour des réfugiés se trouvant au Tchad, en Turquie, au Liban et en Jordanie (****).<br />Mais attention&nbsp;: cela ne concerne pas les Tchadiens, les Turques, les Libanais ou les Jordaniens. L'administration française est plus subtile&nbsp;: il s'agit de migrants installés dans ces pays (par exemple, un Palestinien en Jordanie) et déjà protégés par le Haut-Commissariat aux réfugiés. Ils pourraient voir leur demande d'asile instruite avant leur arrivée en France. Ils seraient alors certains de venir légalement.<br />Avantage pour la France&nbsp;? Plus besoin de payer pour expulser les migrants de chez nous&nbsp;: on les trie au départ, c'est moins fastidieux et moins coûteux… Et on exerce ainsi sans le dire, à l'abri des regards, une politique d'immigration sur la base de quotas et non plus sur l'inconditionnalité de l'accueil… On prend ce dont on a besoin ou envie (des métiers en particularité, des couleurs, des religions…), sans tenir compte de la véritable urgence humanitaire.<br />Pour les migrants&nbsp;? Le gouvernement français assure qu'ainsi, ils ne risqueront plus leur vie sur la Méditerranée. C'est vraiment mal connaître la détresse de ceux et celles qui seront débouté.e.s et qui, une fois leurs dossiers rejetés, tenteront quand même la traversée…</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Le mercredi 12 juillet, le premier ministre Edouard Philippe annonçait le plan immigration du gouvernement Macron comprenant, notamment, la création de 4.000 nouvelles places d'hébergement en 2018 et 3.500 en 2019.</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) La Cimade est une association de soutien aux migrants&nbsp;: <a href="http://www.lacimade.org">www.lacimade.org</a></span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(***) Le règlement Dublin est un règlement européen&nbsp;; il s'applique aux 28 pays membres ainsi qu'à la Suisse, le Lichtenstein, l'Islande et la Norvège. Le principe clé est qu'un seul pays européen est responsable de la demande d'asile d'une personne ressortissante d'un pays tiers (c'est-à-dire hors Union européenne). Plus de renseignements sur&nbsp;: <a href="http://www.stopdublin.fr/">http://www.stopdublin.fr/</a></span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(****) Au départ, la Lybie était également annoncée mais l'Elysée a finalement décidé qu'étant donné la situation sur place, ce n'était pas une bonne idée…</span></em></p> <p><strong>L'immigration est un sujet de plus en plus sensible. Face aux journalistes, aux associations humanitaires ou aux citoyens qui s'intéressent aux réfugiés, l'Etat français durcit le ton. Exemples ces derniers jours...<br /></strong></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d; background-color: #ffffff;"><strong>Reportage sur les migrants près de Briançon : une journaliste interpellée</strong></span></p> <p>Samedi 11 novembre, Caroline Christinaz, envoyée spéciale du très renommé journal suisse <em>Le Temps</em>, a été arrêtée par la gendarmerie à Val-des-Prés, un village de la région de Briançon (Hautes-Alpes).</p> <p>Elle réalisait un reportage sur le passage clandestin de migrants à la frontière avec l'Italie, au col de l'Echelle (1.762 mètres d'altitude). Elle avait pris place dans le véhicule d'un habitant qui avait recueilli le long de la route de jeunes migrants transis de froid. Devant eux, un autre véhicule avec à son bord un journaliste de France Culture, Raphaël Krafft, arrêté également.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/le_temps.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/le_temps.jpg" alt="le temps" width="483" height="190" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a><br />Laissée libre mais convoquée le lendemain à la gendarmerie, Caroline Christinaz a été interrogée pendant deux heures, photographiée et ses empreintes digitales relevées. Elle raconte&nbsp;: <em>«&nbsp;Après une heure de questions sur les faits de la veille, les gendarmes m’ont interrogée sur ma vie privée, puis sur mon loyer, mon salaire, mes numéros et soldes bancaires, ma situation fiscale et patrimoniale. Ils m’ont dit vouloir connaître mes capacités financières pour établir le montant de l’amende.&nbsp;»</em> (*) Sous la pression, elle a donné aux gendarmes son téléphone portable et le code d'accès. Elle serait<em> «&nbsp;mise en cause dans une procédure pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’étrangers sur le territoire français ».</em><br />Son confrère n'a été entendu qu'en qualité de témoin. Son reportage a été diffusé sur France Culture le vendredi 17 novembre. Il met notamment l'accent sur les jeunes mineurs isolés livrés à eux-mêmes dans la montagne, par des températures négatives (**).</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Caroline Christinaz a publié son histoire dans les colonnes du Temps daté du lundi 13 novembre&nbsp;: <a href="https://www.letemps.ch/monde/2017/11/13/une-journaliste-temps-interrogee-police-briancon?utm_source=facebook&amp;utm_medium=share&amp;utm_campaign=article">https://www.letemps.ch/monde/2017/11/13/une-journaliste-temps-interrogee-police-briancon?utm_source=facebook&amp;utm_medium=share&amp;utm_campaign=article</a></span></em></p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(**) Quand les mineurs africains sont abandonnés dans la montagne : <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-magazine-de-la-redaction/quand-les-mineurs-africains-sont-abandonnes-dans-la-montagne">https://www.franceculture.fr/emissions/le-magazine-de-la-redaction/quand-les-mineurs-africains-sont-abandonnes-dans-la-montagne</a></span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;">Un triste anniversaire</span><br /></strong></p> <p>Il y a un an, le 10 novembre 2016, était inauguré le centre de premier accueil de Paris. Ceux qui le défendent l'appellent «&nbsp;centre humanitaire&nbsp;»&nbsp;; ceux qui le dénoncent «&nbsp;camp Hidalgo&nbsp;».<br />Les objectifs affichés&nbsp;: accueillir les migrants de manière inconditionnelle, pour leur permettre de prendre du repos, éventuellement d'être soignés, avant d'être orientés vers d'autres structures, notamment en région. A l'époque, il s'agissait surtout pour la mairie de Paris de nettoyer le quartier de La Chapelle, où des campements sauvages s'étaient improvisés faute de places dans les centres gérés par l’État.</p> <p>Mais un an plus tard, le problème n'est visiblement toujours pas réglé. Accompagnée de Timothy Perkins, militant pour la cause des migrants (*), je me suis rendue Porte de La Chapelle le lundi 16 octobre dernier. Tout autour du «&nbsp;camp Hidalgo&nbsp;», se sont reformés des embryons de campements sauvages. Les persécutions systématiques de la police les poussent vers le périphérique ou, au contraire, plus près de villes comme Saint-Ouen. Partout, des traces d'abris de fortune à peine dissimulés derrière des poubelles, des barraquements de chantier ou des fourrés. <em>«&nbsp;Ils arrivent le soir vers 20 heures et ils s'en vont vers 8 heures le lendemain matin&nbsp;»</em>, explique Timothy Perkins.</p> <p>Pourquoi ne sont-ils pas hébergés dans le «&nbsp;camp Hidalgo&nbsp;»&nbsp;? Aménagé dans un ancien bâtiment de la SNCF (10.000 m² sur deux niveaux), celui-ci a été prévu pour 400 personnes mais s'est retrouvé rapidement saturé. En août, 2.700 migrants ont été expulsés de campements sauvages alentour, ce qui en dit long sur l'ampleur des besoins&nbsp;!</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/camp_hidalgo.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/camp_hidalgo.jpg" alt="camp hidalgo" width="500" height="294" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a><br />Selon la mairie de Paris, il s'agit d'un problème de «&nbsp;fluidité&nbsp;»&nbsp;: les places dans le camp ne peuvent pas être libérées assez rapidement, faute de places dans les structures devant prendre le relais. C'est pourquoi, elle a demandé l'ouverture d'autres centres similaires <em>(lire l'article ci-dessous&nbsp;: «&nbsp;Immigration&nbsp;: les «&nbsp;plans&nbsp;» vraiment pas bons d'Emmanuel Macron&nbsp;»)</em>.</p> <p>Mais il existe d'autres problèmes&nbsp;: début septembre, Médecins Sans Frontières annonçait son retrait du camp, suivi par l'association Utopia 56. Dans un communiqué, ses représentants ont dénoncé l'<em>«&nbsp;ingérence négative de l'Etat&nbsp;»</em>, des <em>«&nbsp;migrants piégés&nbsp;»</em>, la <em>«&nbsp;traque des réfugiés organisée depuis peu par la police aux abords des bâtiments&nbsp;»</em>. Selon eux, <em>«&nbsp;le traitement administratif des arrivants n'a rien d'humanitaire&nbsp;»</em>.<br />L'ACAT, Organisation Non Gouvernementale chrétienne contre la torture et la peine de mort, avait effectué une mission d'observation aux abords du camp en juin dernier. Ses conclusions sont tout aussi accablantes…(**)</p> <p>Depuis le début, la gestion du camp est assurée par Emmaüs Solidarité qui fournit 117 salariés aidés par des bénévoles. Mais dans ses rangs aussi, des objections commencent à se faire entendre…</p> <p>Dans tous les cas, l'avenir du centre devra être bientôt rediscuté, le site devant être rendu à la fin du mois de mars 2018 pour la construction du campus Condorcet.</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Lire le numéro 6 de (Re)bonds (onglet Archives en haut à droite du menu&nbsp;; rubrique (Ré)acteurs).</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) Lire le rapport sur le site de l'ACAT : <a href="http://www.acatfrance.fr/actualite/resultats-de-lobservation-du-centre-de-premier-accueil-de-porte-de-la-chapelle">http://www.acatfrance.fr/actualite/resultats-de-lobservation-du-centre-de-premier-accueil-de-porte-de-la-chapelle</a></span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;">Le Défenseur des droits saisi pour un centre d'accueil dans l'Yonne</span><br /></strong></p> <p>Le numéro 6 de (Re)bonds mettait un coup de projecteur sur le PRAHDA du Subdray, près de Bourges. Mais nos voisins bourguignons ont un centre de rétention qui vaut aussi l'indignation…</p> <p>Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a été saisi par un militant et des migrants au sujet de la situation du Centre d'Accueil et d'Orientation (CAO) situé à Jaulges dans l'Yonne (Bourgogne). Dans un courrier daté du jeudi 5 octobre 2017, ils dénoncent <em>«&nbsp;des conditions de vie souvent trop contraires à la charte de fonctionnement des centres d'accueil et d'orientation - CAO&nbsp;»</em> et <em>«&nbsp;un isolement qui est extrêmement similaire à de l'incarcération&nbsp;»</em>.<br />Ouvert à la fin de l'année 2016 dans un ancien site militaire, le CAO de Jaulges regroupe des migrants qui débarquent du centre de premier accueil situé Porte de la Chapelle à Paris. La plupart sont dits «&nbsp;dublinés&nbsp;» c'est-à-dire susceptibles d'être rapidement expulsés vers l'Italie ou l'Allemagne. Aucun commerce à moins de douze kilomètres à la ronde, pas de transport public, une connexion Internet insuffisante…<br />Les signataires du courrier dénoncent également l'absence d'information et d'accompagnement juridique, ainsi que le refus de la direction de laisser entrer des associations pour les aider.<em> «&nbsp;Seuls quelques bénévoles individuels bien <em> «</em> surveillés <em>»</em> viennent donner des cours de français deux fois par semaine&nbsp;»</em>, écrivent-ils. Ils parlent de problèmes de santé et de sécurité graves. Photographies à l'appui, ils affirment que les installations sont totalement inadaptées à l'accueil de 133 personnes.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/CAOJaulgesimages1.jpg" class="jcepopup" data-mediabox-title="L'entrée du CAO de Jaulges." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/CAOJaulgesimages1.jpg" alt="CAOJaulgesimages1" width="326" height="196" style="margin-left: 15px; float: right;" /></a></p> <p>Que deviennent-elles ensuite&nbsp;? <em>«&nbsp;Un grand nombre de résidents « dublinés » de ce CAO arrivent désormais au PRAHDA (*) d'Appoigny, dans l'Yonne, ouvert au mois de juillet 2017. Alors que Jaulges est maintenu dans un isolement voulu par le CAO, le PRAHDA d'Appoigny donne accès aux agents de la préfecture et de la gendarmerie. Lorsqu'ils arrivent, leurs convocations de la préfecture sont déjà prêtes. Ils reçoivent souvent avec leurs arrêtés de transfert, leurs laissez-passer et billets d'avion et ils sont assignés à résidence. Tout cela dans une période d'à peine deux à quatre semaines. On comprend que le CAO de Jaulges fonctionne comme une antichambre du PRAHDA d'Appoigny, qui lui-même est une sorte de centre de rétention administrative en attente d'une reconduite vers le pays européen de réadmission où les conditions de vie sont particulièrement précaires et où ils craignent, au mieux d'être laissés sans assistance, au pire d'être purement et simplement déportés dans leur pays d'origine malgré les menaces de mort ou autres dangers qui les ont fait fuir.&nbsp;»</em><br />Leur demande est claire&nbsp;: que le Défenseur des droits mette fin à la situation du CAO de Jaulges. Pour l'instant, il a accusé réception de la lettre...</p> <p>Un article sur la situation du camp vient de paraître sur le site BuzzFeed : <a href="https://www.buzzfeed.com/theoenglebert/isolement-surveillance-tuberculose-la-gestion-douteuse-dun?utm_term=.ang8kV5bj#.lmVyNLDX9">https://www.buzzfeed.com/theoenglebert/isolement-surveillance-tuberculose-la-gestion-douteuse-dun?utm_term=.ang8kV5bj#.lmVyNLDX9</a></p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Lire le numéro 6 de (Re)bonds (onglet Archives en haut à droite du menu).</span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><span style="color: #ff615d; font-size: 12pt;">Immigration : les « plans » vraiment pas bons d'Emmanuel Macron</span><br /></strong></p> <p><em>«&nbsp;D'ici à la fin de l'année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois (…). La première bataille&nbsp;: loger tout le monde dignement. Je veux partout des hébergements d'urgence. Je ne veux plus de femmes et d'hommes dans les rues.&nbsp;»</em> Lorsqu'on arpente celles de la capitale, les zones d'activités autour de Calais ou encore la campagne environnante de Nice, on se demande bien comment le président français Emmanuel Macron compte s'y prendre pour faire de ses désirs – «&nbsp;je ne veux plus&nbsp;», «&nbsp;je veux&nbsp;» – des réalités. Surtout d'ici à la fin de 2017, c'est-à-dire dans un mois et demi…<br />Déjà, en l'entendant prononcer ces mots, le jeudi 27 juillet lors d'un déplacement à Orléans, journalistes et responsables d'associations humanitaires étaient pour le moins perplexes&nbsp;: pour réaliser ses objectifs, le président n'annonçait aucun moyen supplémentaire par rapport au plan immigration présenté quinze jours auparavant, alors que les structures d'accueil et d'orientation (notamment des migrants mais des sans abris en général) sont totalement saturées (*).</p> <p><strong>Le durcissement de la politique d'expulsion</strong></p> <p>Pour faire place nette dans les rues, rien de tel que d'accélérer les «&nbsp;mesures d'éloignement&nbsp;» en jargon administratif, les expulsions du territoire en vrai français, les déportations en langage engagé. <em>«&nbsp;Il y a fort à craindre que le gouvernement associe l’hébergement des personnes au durcissement de la politique d’expulsion, assumant le dévoiement du droit à l’hébergement à des fins d’éloignement&nbsp;»</em>, s’inquiètait ainsi Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade (**).<br />Le mercredi 12 juillet, lors de l'annonce du nouveau plan immigration, le premier ministre Edouard Philippe avait bien prévenu que les migrants relevant de la procédure Dublin (***) devaient <em>«&nbsp;faire l'objet d'une attention particulière&nbsp;»</em>... &nbsp;Ils sont ainsi renvoyés beaucoup plus rapidement en Italie et en Allemagne. Problème&nbsp;: ils reviennent, les deux voisins européens ne sachant plus qu'en faire…&nbsp;! Ils dorment à nouveau sur le trottoir, grossissent les camps sauvages à Paris et vivent dans des conditions indignes de notre humanité.</p> <p><strong>Construire de nouveaux centres d'accueil&nbsp;: pour quoi faire&nbsp;?</strong></p> <p>Solution évoquée par l'entourage du président&nbsp;: construire de nouveaux centres d'accueil en région (comme l'avait suggéré la maire de Paris, Anne Hidalgo, pour prendre le relais de celui qu'elle a installé Porte de la Chapelle). Ce qui revient à en construire ou aménager treize en métropole d'ici à la fin décembre. Où&nbsp;? Avec quels fonds&nbsp;? Quelle gestion&nbsp;? Et surtout, au final, dans quel but&nbsp;? Mystère...<br />Un exemple&nbsp;: le jeudi 13 octobre dernier, le Centre d'Accueil et d'Examen des Situations (CAES) d'Ile-de-France a ouvert ses portes dans une ancienne patinoire de la ville de Cergy. Il peut accueillir 200 hommes célibataires. L'opérateur du site est Espérer 95. Lors de son inauguration, le chauffage n'avait pas encore été installé...</p> <p><strong>Un tri directement en Afrique et au Moyen-Orient</strong></p> <p>Troisième piste évoquée clairement par Emmanuel Macron, cette fois le lundi 9 octobre&nbsp;: une coopération plus étroite avec les pays d'où viennent les migrants. Sur les deux prochaines années, la France s'engage ainsi à ouvrir 10.000 places pour des réfugiés se trouvant au Tchad, en Turquie, au Liban et en Jordanie (****).<br />Mais attention&nbsp;: cela ne concerne pas les Tchadiens, les Turques, les Libanais ou les Jordaniens. L'administration française est plus subtile&nbsp;: il s'agit de migrants installés dans ces pays (par exemple, un Palestinien en Jordanie) et déjà protégés par le Haut-Commissariat aux réfugiés. Ils pourraient voir leur demande d'asile instruite avant leur arrivée en France. Ils seraient alors certains de venir légalement.<br />Avantage pour la France&nbsp;? Plus besoin de payer pour expulser les migrants de chez nous&nbsp;: on les trie au départ, c'est moins fastidieux et moins coûteux… Et on exerce ainsi sans le dire, à l'abri des regards, une politique d'immigration sur la base de quotas et non plus sur l'inconditionnalité de l'accueil… On prend ce dont on a besoin ou envie (des métiers en particularité, des couleurs, des religions…), sans tenir compte de la véritable urgence humanitaire.<br />Pour les migrants&nbsp;? Le gouvernement français assure qu'ainsi, ils ne risqueront plus leur vie sur la Méditerranée. C'est vraiment mal connaître la détresse de ceux et celles qui seront débouté.e.s et qui, une fois leurs dossiers rejetés, tenteront quand même la traversée…</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) Le mercredi 12 juillet, le premier ministre Edouard Philippe annonçait le plan immigration du gouvernement Macron comprenant, notamment, la création de 4.000 nouvelles places d'hébergement en 2018 et 3.500 en 2019.</span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(**) La Cimade est une association de soutien aux migrants&nbsp;: <a href="http://www.lacimade.org">www.lacimade.org</a></span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(***) Le règlement Dublin est un règlement européen&nbsp;; il s'applique aux 28 pays membres ainsi qu'à la Suisse, le Lichtenstein, l'Islande et la Norvège. Le principe clé est qu'un seul pays européen est responsable de la demande d'asile d'une personne ressortissante d'un pays tiers (c'est-à-dire hors Union européenne). Plus de renseignements sur&nbsp;: <a href="http://www.stopdublin.fr/">http://www.stopdublin.fr/</a></span></em><br /><em><span style="font-size: 8pt;">(****) Au départ, la Lybie était également annoncée mais l'Elysée a finalement décidé qu'étant donné la situation sur place, ce n'était pas une bonne idée…</span></em></p> Migrants-habitants du Cher : quand on accepte d'aider l'Autre... 2017-03-21T12:54:42+01:00 2017-03-21T12:54:42+01:00 http://www.rebonds.net/quandlautredevientlalterego/377-migrantshabitantsducher Super User <p><strong><span style="font-size: 12pt;">L</span>e mois dernier, (Re)bonds partageait avec ses lecteurs et lectrices l'existence du PRAHDA du Subdray (<em>Lire dans Archives, onglet en haut à <span style="font-size: 10pt;">droite</span> du menu</em>). Les conditions dans lesquelles les migrants y vivent n'ont pas changé.</strong><br /><strong>Mais, à Bourges et dans les villages alentour, des habitants viennent en aide aux laissés pour compte de la politique d'immigration française. Ils n'attendent pas après l’État, ils agissent. Selon leur foi ou leur conscience politique. Témoignages.</strong></p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Famille_Hadaya.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Les membres des familles Hadaya et Poupard lors d'une visite à la cathédrale de Jean Linard, à Neuvy-deux-Clochers (photo : N. Poupard)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Famille_Hadaya.jpg" alt="Famille Hadaya" width="500" height="354" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><em></em></p> <p><strong>Morogues, lundi 9 octobre 2017, 14 heures.</strong></p> <p>Je suis attendue&nbsp;: la petite porte de bois s'ouvre avant même que je frappe. Amer et son sourire teinté de mélancolie m'accueillent, avant qu'arrive sa sœur cadette, Alaa. J'entre dans la maison ancienne, restaurée, que la famille Hadaya loue depuis quelques mois dans le bourg de Morogues. Alaa m'invite à m'asseoir dans le salon&nbsp;: une grande table familiale&nbsp;; des canapés moelleux&nbsp;; un écran de télévision géant, sur lequel défilent des clips musicaux en arabe, accroché au dessus de la cheminée qui fume… Face à moi, au mur, une icône. Mon regard avait déjà croisé, sur le seuil de la maison, la croix du Christ.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></p> <h3>Persécutés par Daech</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></p> <p>Si la famille Hadaya a quitté l'Irak en 2014, c'est précisément en raison de sa foi. Lorsque Daech est entré dans la ville de Bakhdida, au nord du pays, il ne faisait pas bon être Chrétiens. <em>«&nbsp;Il y avait des pillages, nous étions persécutés, nous avions peur alors nous avons tout laissé pour partir&nbsp;»</em>, se souvient Alaa. Nous&nbsp;? La grand-mère de 54 ans, Shama, en deuil de son mari&nbsp;; Amer, son fils de 31 ans&nbsp;; Alaa, sa fille de 28 ans, son mari Rony et leur petit garçon de 2 ans, Rawan&nbsp;; Randy, 14 ans, dernier fils de Shama. <br />Ils fuient vers le Kurdistan irakien, en Turquie, où ils vivent pendant un an.<em> «&nbsp;On voulait aller aux Etats-Unis ou en Europe. C'est la France qui a dit oui en premier.&nbsp;»</em></p> <p>C'est que, dans l'Hexagone, un réseau s'active. <em>«&nbsp;J'ai été sollicitée par un ami qui a monté une association d'accueil de Chrétiens d'Irak dans le Nord de la France,</em> explique Nathalie Poupard, une habitante de Morogues. <em>Cet ami était en lien avec un prêtre irakien qui est là-bas et qui prenait des risques énormes pour faire sortir des personnes en grand danger. Je lui ai proposé de trouver des amis dans le Berry qui pourraient recevoir et suivre dans leurs démarches des familles de réfugiés. Bref, de lancer un réseau d'entraide dans la région. En tout, nous avons été trois à recevoir par ce biais des membres de la famille Hadaya, entre Henrichemont, Menetou-Salon et Morogues.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <h3>Un casse-tête administratif</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <p>La première rencontre entre la famille Poupard et la famille Hadaya se déroule le 5 août 2015. <em>«&nbsp;On était très contents d'être là, rassurés. Mais après, je me suis dit&nbsp;: on va voir&nbsp;»</em>, se souvient Alaa, consciente des difficultés qui les attendent. Nathalie se rappelle d'eux <em>«&nbsp;prêts à tout, ne parlant pas un mot de français, ni d'anglais... En bonne santé mais épuisés et complètement «&nbsp;parachutés&nbsp;». Ils n'avaient jamais vu autant d'arbres de leur vie. Leur seule force venait du fait qu'ils restaient ensemble...&nbsp;»</em><br />Pendant un an et trois mois, les six Irakiens vivent dans une partie de la demeure des Poupard. Arrivés avec un visa touriste, ils ont ensuite demandé l'asile politique. Un véritable casse-tête, comme le décrit Nathalie&nbsp;: <em>«&nbsp;Un travail à tiers temps car la région n'était pas du tout prête à ce genre de démarches et l'administration complètement perdue&nbsp;!!! </em><br /><em>J'ai découvert tout un monde passionnant, où l'humain ne demande qu'à être réintroduit et où la bêtise formelle et la lourdeur y sont très à l'aise...&nbsp;» </em>Elle évoque<em> «&nbsp;des moments d'attente insupportables et des courses folles entre la préfecture, le commissariat de police, l'OFPRA (*), l'OFII (**), la CAF, Pôle Emploi et autres lieux de tortures <em>»</em>.</em><br /><em><em>«</em> J'ai été choquée par le fait que l'Etat faisait tout pour nous pousser à accueillir ces réfugiés et pas grand chose pour nous faciliter la tâche. J'y ai passé un temps fou et avoue avoir eu des journées pendant lesquelles j'ai vraiment craqué... </em><em>Il était important pour moi à cette époque d'avoir des personnes en face de moi, humaines avant tout et pas trop procédurières... Je m'énervais facilement&nbsp;! </em><em>Il a été compliqué aussi de leur obtenir l'équivalence de leur permis irakien... Et de leur apprendre la conduite française&nbsp;!!!&nbsp;»</em> Indispensable pour leur autonomie, surtout en milieu rural.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________</span></p> <h3>« Le plus beau est l'amitié qui est née »</h3> <p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________</span></span></p> <p>Aujourd'hui, les enfants vont à l'école, les adultes poursuivent leur apprentissage de la langue française et cherchent du travail comme chauffeur, boulanger, trieur de pommes… <em>«&nbsp;Le plus important, c'est d'apprendre très bien le français,</em> insiste Alaa. <em>Sinon, c'est difficile de trouver un travail.&nbsp;»</em> L'avenir&nbsp;? <em>«&nbsp;On restera là, toujours, et peut-être qu'on visitera l'Irak quand ça ira mieux&nbsp;!&nbsp;»</em> imagine Amer.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Hadaya-Nathalie.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Travaux du jardin chez Nathalie Poupard à Morogues (photo : famille Poupard)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Hadaya-Nathalie.jpg" alt="Hadaya Nathalie" width="500" height="403" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Les liens tissés avec Nathalie semblent désormais indéfectibles&nbsp;: <em>«&nbsp;C'est une femme formidable&nbsp;! Elle nous a donné beaucoup d'amour. Et sa maison… avant, quand je la regardais, je voyais une vieille maison… maintenant, je vois une belle maison&nbsp;! Tu comprends ? »</em><br />Pour Nathalie, <em>«&nbsp;le plus beau est l'amitié qui est née&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Ce sont devenus de grands amis qui font un peu partie de ma famille !&nbsp;»</em> Même si l'intégration dans un village comme Morogues n'a pas toujours été facile, elle souligne <em>«&nbsp; le réseau de solidarité incroyable »</em> que leur arrivée a déclenché&nbsp;: <em>«&nbsp;Des bénévoles se sont manifestés pour leur donner des cours de français, les aider à s'installer ou à faire leurs démarches, à trouver des activités...&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></p> <h3>«<em> </em>La vocation des frontières, c'est d'être franchies »</h3> <p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></span></p> <p>Il y a quelques jours encore, elle assurait qu'elle était prête à rouvrir sa porte à condition de souffler un peu… La saturation des structures d'accueil pour les migrants à Bourges ne lui a pas laissé beaucoup de répit&nbsp;! La voilà déjà dans une nouvelle aventure, cette fois avec un jeune Albanais. Mais qu'est-ce qui, au fond d'elle, motive son action&nbsp;? <em>«&nbsp;J'ai la grande chance d'avoir une maison capable d'accueillir. Et ai eu une enfance pendant laquelle ça défilait pas mal à la maison... Je pense pouvoir dire que la vraie rencontre est l'essence même de ma vie. Humainement, il me semble impensable de ne pas accueillir quelqu'un dans le besoin si on a de quoi partager&nbsp;! De plus, j'ai une foi profonde en un Père divin, profondément attentif à chacun d'entre nous, qui nous soutient dans ce genre de situation.</em><br /><em>Je pense enfin que lorsque l'on a la chance de pouvoir aider et que l'on accepte de tenter l'aventure, on reçoit énormément&nbsp;! Et il faut le dire à ceux que l'on accueille&nbsp;!!! Ils nous font grandir, nous ouvrent des horizons&nbsp;! Merci à eux d'être capables de nous appeler au secours. La vie est une aventure à saisir. L'aventure de la rencontre, avec tout le risque qui va avec&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>S'est-elle fixée des limites ou des conditions&nbsp;? Par rapport au temps qu'elle accorde, par rapport à sa famille... <em>«&nbsp;Non&nbsp;! Je n'aime pas les limites. Elles sont comme des frontières... de notre esprit&nbsp;! La vocation des frontières, c'est d'être franchies... repoussées. Je n'ai pas envie d'être limitée. C'est vrai que l'on me reproche de ne pas en avoir et de me laisser bouffer. Ce qui est important, à mon avis, c'est d'aller jusqu'au bout de son engagement avec sa propre conscience. </em><em>Eux, ils arrivent en lâcher-prise total... On doit s'adapter autant qu'eux. Ils ne nous doivent rien. Nous sommes entièrement responsables d'eux. Du moins, moi&nbsp;!</em><br /><em>L'objectif final est qu'ils retrouvent leur dignité et donc leur autonomie. Qu'ils ne soient plus assistés, ni par leur famille d'accueil, ni par l'Etat.&nbsp;»</em><br />Si elle devait donner des conseils à ceux et celles qui voudraient apporter leur aide, elle leur dirait <em>«&nbsp;de ne pas trop se poser de questions avant, car il faut une part d'inconscience aussi pour se lancer dans une telle aventure. De se préparer un bon réseau d'aide. Et de ne jamais procrastiner&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________________________________________________________</span></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bourges – marché de la Chancellerie, mercredi 8 novembre 2017, midi.</strong></p> <p>Le froid et le crachin n'effacent pas les sourires de Sébastien et Mimo (*). Lorsqu'ils me saluent, leurs souffles forment de petits nuages devant leurs lèvres. Avec deux autres membres du Codac (Collectif On Dort Au Chaud), ils viennent de passer deux heures à distribuer des tracts, dans les allées du marché de la Chancellerie, à Bourges, invitant ainsi commerçants, habitants du quartier et passants à une réunion d'informations sur la situation des migrants.<br />Nous nous abritons dans un café pour nous réchauffer et échanger sur le tandem que forment Sébastien et Mimo depuis quelques semaines. Le premier, presqque trentenaire, enseignant, vit dans la campagne environnante de Bourges&nbsp;; le second, majeur depuis quelques mois, a parcouru des milliers de kilomètres depuis Alexandrie en Egypte, pour tenter sa chance en France. Scolarisé, il ne bénéficie toutefois pas d'un hébergement pérenne. Chaque jour, il doit appeler le 115 (**) et croiser les doigts pour dormir au chaud. Lorsque toutes les places sont déjà prises, il compose le numéro de Sébastien, qui vient alors le chercher et l'accueille chez lui.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <h3>Un dispositif d'urgence saturé</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <p>Le soir de leur rencontre, en septembre, ils ont passé beaucoup de temps à discuter et à remonter le fil de l'histoire de Mimo&nbsp;: fin 2015-début 2016, il décide de quitter l'Egypte.<a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Carte_Egypte_ds_Monde.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Mimo vient d'Egypte, de la ville d'Alexandrie." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Carte_Egypte_ds_Monde.jpg" alt="Carte Egypte ds Monde" width="500" height="250" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Arrivé en Europe par l'Italie, il est envoyé à Paris puis à Bobigny, dans un centre d'accueil pour mineurs isolés étrangers. Orienté vers Bourges, il a été hébergé dans un foyer et scolarisé dans un lycée. Problème&nbsp;: <em>«&nbsp;Depuis avril, je suis majeur. Je peux plus être au foyer&nbsp;»</em>, explique-t-il. Un ami l'a bien dépanné quelques temps, mais il a déménagé à Paris laissant Mimo à la rue. Car le jeune homme a bien dormi dehors certaines nuits, le dispositif du 115 étant régulièrement saturé à Bourges. Aujourd'hui, il alterne les nuits chez Sébastien et celles au 115. Formé en hôtellerie-restauration, il a reçu une promesse d'embauche d'un patron à Bourges. Mais il attend son autorisation de séjour.</p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________________________</span></p> <h3>«<em> </em>Il n'y a pas d'amitié sans l'échange qui te change »</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________________________</span></p> <p>Le tandem Sébastien-Mimo est intéressant. <em>«&nbsp;Tandem&nbsp;»</em>, c'est un terme utilisé volontairement par Sébastien, qui refuse le rapport aidant-aidé. Pour la première fois dans tous les témoignages que j'ai lus ou recueillis, on ne me parle pas «&nbsp;devoir&nbsp;» ou «&nbsp;solidarité&nbsp;», on me parle «&nbsp;amitié&nbsp;», «&nbsp;interdépendance&nbsp;», «&nbsp;écologie sociale&nbsp;» et «&nbsp;politique&nbsp;».<br />D'abord, instaurer une relation juste, horizontale.<em> «&nbsp;Je ne veux pas seulement l'accueillir,</em> explique Sébastien. <em>J'ai envie d'être son ami. Pas son père, pas sa mère. Il n'y a pas de rapport hiérarchique entre nous.&nbsp;»</em> Mais une interdépendance&nbsp;: <em>«&nbsp;Il n'y a pas d'amitié sans l'échange qui te change.&nbsp;»</em> Ainsi, Sébastien reconnaît les richesses, les forces de Mimo, tout comme Mimo reconnaît les siennes. <em>«&nbsp;C'est la seule manière pour que l'accueil des migrants entre dans un projet de société.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <h3>Donner des clés pour choisir</h3> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <p>Pas question de déconnecter Mimo de la réalité de la situation en France. Sébastien lui permet de découvrir des milieux où on rêve à autre chose qu'une réussite économique à tout prix et où l'écologie – environnementale, sociale et politique – est pensée de manière générale. La question des migrations en fait d'ailleurs pleinement partie. Il est important que les migrants eux-mêmes s'en saisissent. <em>«&nbsp;L'idée, c'est que Mimo ait des clés et qu'il fasse ensuite ses propres choix.&nbsp;»</em><br />Pour l'instant, lorsqu'on lui demande comment il voit son futur, il répond <em>«&nbsp;vie ici&nbsp;»</em> et <em>«&nbsp;travail&nbsp;»</em>. De son côté, Sébastien sait qu'il faudra continuer à <em>«&nbsp;faire avec&nbsp;»</em> l'arrivée de migrants. <em>«&nbsp;J'ai envie de faire avec Mimo et avec ceux qui sont là. Je fais de l'écologie, donc ça dépasse la question des migrants&nbsp;: je pars de là où je suis, et là où je suis, il y a les migrants.&nbsp;»</em> Ici et maintenant. Prendre conscience de sa réalité pour composer avec. Et avec l'autre. <em>«&nbsp;Echanger, c'est être relié et comprendre pourquoi tu es relié. Et ça, c'est déjà de la politique.&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) OFPRA&nbsp;: Office Français de Protection des Réfugiés et Aapatrides.<br />(**) OFII&nbsp;: Office Français de l'Immigration et de l'Intégration<br />(***) prénoms d'emprunt à la demande des personnes interviewées.<br />(****) Le 115 est un numéro d'urgence à composer si une personne est sans possibilité d'hébergement et risque ainsi de dormir dans la rue. Le dispositif est confié à des associations qui répondent à un appel d'offres lancé par l’État. A Bourges, il s'agit du Relais. Son rôle est celui de veille et de gestion des places d'urgence.</span></em></p> <p><strong><span style="font-size: 12pt;">L</span>e mois dernier, (Re)bonds partageait avec ses lecteurs et lectrices l'existence du PRAHDA du Subdray (<em>Lire dans Archives, onglet en haut à <span style="font-size: 10pt;">droite</span> du menu</em>). Les conditions dans lesquelles les migrants y vivent n'ont pas changé.</strong><br /><strong>Mais, à Bourges et dans les villages alentour, des habitants viennent en aide aux laissés pour compte de la politique d'immigration française. Ils n'attendent pas après l’État, ils agissent. Selon leur foi ou leur conscience politique. Témoignages.</strong></p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Famille_Hadaya.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Les membres des familles Hadaya et Poupard lors d'une visite à la cathédrale de Jean Linard, à Neuvy-deux-Clochers (photo : N. Poupard)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Famille_Hadaya.jpg" alt="Famille Hadaya" width="500" height="354" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><em></em></p> <p><strong>Morogues, lundi 9 octobre 2017, 14 heures.</strong></p> <p>Je suis attendue&nbsp;: la petite porte de bois s'ouvre avant même que je frappe. Amer et son sourire teinté de mélancolie m'accueillent, avant qu'arrive sa sœur cadette, Alaa. J'entre dans la maison ancienne, restaurée, que la famille Hadaya loue depuis quelques mois dans le bourg de Morogues. Alaa m'invite à m'asseoir dans le salon&nbsp;: une grande table familiale&nbsp;; des canapés moelleux&nbsp;; un écran de télévision géant, sur lequel défilent des clips musicaux en arabe, accroché au dessus de la cheminée qui fume… Face à moi, au mur, une icône. Mon regard avait déjà croisé, sur le seuil de la maison, la croix du Christ.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></p> <h3>Persécutés par Daech</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________</span></p> <p>Si la famille Hadaya a quitté l'Irak en 2014, c'est précisément en raison de sa foi. Lorsque Daech est entré dans la ville de Bakhdida, au nord du pays, il ne faisait pas bon être Chrétiens. <em>«&nbsp;Il y avait des pillages, nous étions persécutés, nous avions peur alors nous avons tout laissé pour partir&nbsp;»</em>, se souvient Alaa. Nous&nbsp;? La grand-mère de 54 ans, Shama, en deuil de son mari&nbsp;; Amer, son fils de 31 ans&nbsp;; Alaa, sa fille de 28 ans, son mari Rony et leur petit garçon de 2 ans, Rawan&nbsp;; Randy, 14 ans, dernier fils de Shama. <br />Ils fuient vers le Kurdistan irakien, en Turquie, où ils vivent pendant un an.<em> «&nbsp;On voulait aller aux Etats-Unis ou en Europe. C'est la France qui a dit oui en premier.&nbsp;»</em></p> <p>C'est que, dans l'Hexagone, un réseau s'active. <em>«&nbsp;J'ai été sollicitée par un ami qui a monté une association d'accueil de Chrétiens d'Irak dans le Nord de la France,</em> explique Nathalie Poupard, une habitante de Morogues. <em>Cet ami était en lien avec un prêtre irakien qui est là-bas et qui prenait des risques énormes pour faire sortir des personnes en grand danger. Je lui ai proposé de trouver des amis dans le Berry qui pourraient recevoir et suivre dans leurs démarches des familles de réfugiés. Bref, de lancer un réseau d'entraide dans la région. En tout, nous avons été trois à recevoir par ce biais des membres de la famille Hadaya, entre Henrichemont, Menetou-Salon et Morogues.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <h3>Un casse-tête administratif</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></p> <p>La première rencontre entre la famille Poupard et la famille Hadaya se déroule le 5 août 2015. <em>«&nbsp;On était très contents d'être là, rassurés. Mais après, je me suis dit&nbsp;: on va voir&nbsp;»</em>, se souvient Alaa, consciente des difficultés qui les attendent. Nathalie se rappelle d'eux <em>«&nbsp;prêts à tout, ne parlant pas un mot de français, ni d'anglais... En bonne santé mais épuisés et complètement «&nbsp;parachutés&nbsp;». Ils n'avaient jamais vu autant d'arbres de leur vie. Leur seule force venait du fait qu'ils restaient ensemble...&nbsp;»</em><br />Pendant un an et trois mois, les six Irakiens vivent dans une partie de la demeure des Poupard. Arrivés avec un visa touriste, ils ont ensuite demandé l'asile politique. Un véritable casse-tête, comme le décrit Nathalie&nbsp;: <em>«&nbsp;Un travail à tiers temps car la région n'était pas du tout prête à ce genre de démarches et l'administration complètement perdue&nbsp;!!! </em><br /><em>J'ai découvert tout un monde passionnant, où l'humain ne demande qu'à être réintroduit et où la bêtise formelle et la lourdeur y sont très à l'aise...&nbsp;» </em>Elle évoque<em> «&nbsp;des moments d'attente insupportables et des courses folles entre la préfecture, le commissariat de police, l'OFPRA (*), l'OFII (**), la CAF, Pôle Emploi et autres lieux de tortures <em>»</em>.</em><br /><em><em>«</em> J'ai été choquée par le fait que l'Etat faisait tout pour nous pousser à accueillir ces réfugiés et pas grand chose pour nous faciliter la tâche. J'y ai passé un temps fou et avoue avoir eu des journées pendant lesquelles j'ai vraiment craqué... </em><em>Il était important pour moi à cette époque d'avoir des personnes en face de moi, humaines avant tout et pas trop procédurières... Je m'énervais facilement&nbsp;! </em><em>Il a été compliqué aussi de leur obtenir l'équivalence de leur permis irakien... Et de leur apprendre la conduite française&nbsp;!!!&nbsp;»</em> Indispensable pour leur autonomie, surtout en milieu rural.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________</span></p> <h3>« Le plus beau est l'amitié qui est née »</h3> <p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________</span></span></p> <p>Aujourd'hui, les enfants vont à l'école, les adultes poursuivent leur apprentissage de la langue française et cherchent du travail comme chauffeur, boulanger, trieur de pommes… <em>«&nbsp;Le plus important, c'est d'apprendre très bien le français,</em> insiste Alaa. <em>Sinon, c'est difficile de trouver un travail.&nbsp;»</em> L'avenir&nbsp;? <em>«&nbsp;On restera là, toujours, et peut-être qu'on visitera l'Irak quand ça ira mieux&nbsp;!&nbsp;»</em> imagine Amer.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Hadaya-Nathalie.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Travaux du jardin chez Nathalie Poupard à Morogues (photo : famille Poupard)." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Hadaya-Nathalie.jpg" alt="Hadaya Nathalie" width="500" height="403" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a><br />Les liens tissés avec Nathalie semblent désormais indéfectibles&nbsp;: <em>«&nbsp;C'est une femme formidable&nbsp;! Elle nous a donné beaucoup d'amour. Et sa maison… avant, quand je la regardais, je voyais une vieille maison… maintenant, je vois une belle maison&nbsp;! Tu comprends ? »</em><br />Pour Nathalie, <em>«&nbsp;le plus beau est l'amitié qui est née&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Ce sont devenus de grands amis qui font un peu partie de ma famille !&nbsp;»</em> Même si l'intégration dans un village comme Morogues n'a pas toujours été facile, elle souligne <em>«&nbsp; le réseau de solidarité incroyable »</em> que leur arrivée a déclenché&nbsp;: <em>«&nbsp;Des bénévoles se sont manifestés pour leur donner des cours de français, les aider à s'installer ou à faire leurs démarches, à trouver des activités...&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></p> <h3>«<em> </em>La vocation des frontières, c'est d'être franchies »</h3> <p><span style="color: #fc615d;"><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________</span></span></p> <p>Il y a quelques jours encore, elle assurait qu'elle était prête à rouvrir sa porte à condition de souffler un peu… La saturation des structures d'accueil pour les migrants à Bourges ne lui a pas laissé beaucoup de répit&nbsp;! La voilà déjà dans une nouvelle aventure, cette fois avec un jeune Albanais. Mais qu'est-ce qui, au fond d'elle, motive son action&nbsp;? <em>«&nbsp;J'ai la grande chance d'avoir une maison capable d'accueillir. Et ai eu une enfance pendant laquelle ça défilait pas mal à la maison... Je pense pouvoir dire que la vraie rencontre est l'essence même de ma vie. Humainement, il me semble impensable de ne pas accueillir quelqu'un dans le besoin si on a de quoi partager&nbsp;! De plus, j'ai une foi profonde en un Père divin, profondément attentif à chacun d'entre nous, qui nous soutient dans ce genre de situation.</em><br /><em>Je pense enfin que lorsque l'on a la chance de pouvoir aider et que l'on accepte de tenter l'aventure, on reçoit énormément&nbsp;! Et il faut le dire à ceux que l'on accueille&nbsp;!!! Ils nous font grandir, nous ouvrent des horizons&nbsp;! Merci à eux d'être capables de nous appeler au secours. La vie est une aventure à saisir. L'aventure de la rencontre, avec tout le risque qui va avec&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>S'est-elle fixée des limites ou des conditions&nbsp;? Par rapport au temps qu'elle accorde, par rapport à sa famille... <em>«&nbsp;Non&nbsp;! Je n'aime pas les limites. Elles sont comme des frontières... de notre esprit&nbsp;! La vocation des frontières, c'est d'être franchies... repoussées. Je n'ai pas envie d'être limitée. C'est vrai que l'on me reproche de ne pas en avoir et de me laisser bouffer. Ce qui est important, à mon avis, c'est d'aller jusqu'au bout de son engagement avec sa propre conscience. </em><em>Eux, ils arrivent en lâcher-prise total... On doit s'adapter autant qu'eux. Ils ne nous doivent rien. Nous sommes entièrement responsables d'eux. Du moins, moi&nbsp;!</em><br /><em>L'objectif final est qu'ils retrouvent leur dignité et donc leur autonomie. Qu'ils ne soient plus assistés, ni par leur famille d'accueil, ni par l'Etat.&nbsp;»</em><br />Si elle devait donner des conseils à ceux et celles qui voudraient apporter leur aide, elle leur dirait <em>«&nbsp;de ne pas trop se poser de questions avant, car il faut une part d'inconscience aussi pour se lancer dans une telle aventure. De se préparer un bon réseau d'aide. Et de ne jamais procrastiner&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________________________________________________________________________________</span></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bourges – marché de la Chancellerie, mercredi 8 novembre 2017, midi.</strong></p> <p>Le froid et le crachin n'effacent pas les sourires de Sébastien et Mimo (*). Lorsqu'ils me saluent, leurs souffles forment de petits nuages devant leurs lèvres. Avec deux autres membres du Codac (Collectif On Dort Au Chaud), ils viennent de passer deux heures à distribuer des tracts, dans les allées du marché de la Chancellerie, à Bourges, invitant ainsi commerçants, habitants du quartier et passants à une réunion d'informations sur la situation des migrants.<br />Nous nous abritons dans un café pour nous réchauffer et échanger sur le tandem que forment Sébastien et Mimo depuis quelques semaines. Le premier, presqque trentenaire, enseignant, vit dans la campagne environnante de Bourges&nbsp;; le second, majeur depuis quelques mois, a parcouru des milliers de kilomètres depuis Alexandrie en Egypte, pour tenter sa chance en France. Scolarisé, il ne bénéficie toutefois pas d'un hébergement pérenne. Chaque jour, il doit appeler le 115 (**) et croiser les doigts pour dormir au chaud. Lorsque toutes les places sont déjà prises, il compose le numéro de Sébastien, qui vient alors le chercher et l'accueille chez lui.</p> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <h3>Un dispositif d'urgence saturé</h3> <p><span style="color: #fc615d;">____________________________________________________</span></p> <p>Le soir de leur rencontre, en septembre, ils ont passé beaucoup de temps à discuter et à remonter le fil de l'histoire de Mimo&nbsp;: fin 2015-début 2016, il décide de quitter l'Egypte.<a href="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Carte_Egypte_ds_Monde.jpg" type="image/jpeg" class="jcepopup" data-mediabox-title="Mimo vient d'Egypte, de la ville d'Alexandrie." data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/SUITE_MIGRANTS/Carte_Egypte_ds_Monde.jpg" alt="Carte Egypte ds Monde" width="500" height="250" style="margin-left: 15px; border: 2px double #e2e2e2; float: right;" /></a></p> <p>Arrivé en Europe par l'Italie, il est envoyé à Paris puis à Bobigny, dans un centre d'accueil pour mineurs isolés étrangers. Orienté vers Bourges, il a été hébergé dans un foyer et scolarisé dans un lycée. Problème&nbsp;: <em>«&nbsp;Depuis avril, je suis majeur. Je peux plus être au foyer&nbsp;»</em>, explique-t-il. Un ami l'a bien dépanné quelques temps, mais il a déménagé à Paris laissant Mimo à la rue. Car le jeune homme a bien dormi dehors certaines nuits, le dispositif du 115 étant régulièrement saturé à Bourges. Aujourd'hui, il alterne les nuits chez Sébastien et celles au 115. Formé en hôtellerie-restauration, il a reçu une promesse d'embauche d'un patron à Bourges. Mais il attend son autorisation de séjour.</p> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________________________</span></p> <h3>«<em> </em>Il n'y a pas d'amitié sans l'échange qui te change »</h3> <p><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________________________________</span></p> <p>Le tandem Sébastien-Mimo est intéressant. <em>«&nbsp;Tandem&nbsp;»</em>, c'est un terme utilisé volontairement par Sébastien, qui refuse le rapport aidant-aidé. Pour la première fois dans tous les témoignages que j'ai lus ou recueillis, on ne me parle pas «&nbsp;devoir&nbsp;» ou «&nbsp;solidarité&nbsp;», on me parle «&nbsp;amitié&nbsp;», «&nbsp;interdépendance&nbsp;», «&nbsp;écologie sociale&nbsp;» et «&nbsp;politique&nbsp;».<br />D'abord, instaurer une relation juste, horizontale.<em> «&nbsp;Je ne veux pas seulement l'accueillir,</em> explique Sébastien. <em>J'ai envie d'être son ami. Pas son père, pas sa mère. Il n'y a pas de rapport hiérarchique entre nous.&nbsp;»</em> Mais une interdépendance&nbsp;: <em>«&nbsp;Il n'y a pas d'amitié sans l'échange qui te change.&nbsp;»</em> Ainsi, Sébastien reconnaît les richesses, les forces de Mimo, tout comme Mimo reconnaît les siennes. <em>«&nbsp;C'est la seule manière pour que l'accueil des migrants entre dans un projet de société.&nbsp;»</em></p> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <h3>Donner des clés pour choisir</h3> <p><span style="color: #fc615d;">________________________________________________</span></p> <p>Pas question de déconnecter Mimo de la réalité de la situation en France. Sébastien lui permet de découvrir des milieux où on rêve à autre chose qu'une réussite économique à tout prix et où l'écologie – environnementale, sociale et politique – est pensée de manière générale. La question des migrations en fait d'ailleurs pleinement partie. Il est important que les migrants eux-mêmes s'en saisissent. <em>«&nbsp;L'idée, c'est que Mimo ait des clés et qu'il fasse ensuite ses propres choix.&nbsp;»</em><br />Pour l'instant, lorsqu'on lui demande comment il voit son futur, il répond <em>«&nbsp;vie ici&nbsp;»</em> et <em>«&nbsp;travail&nbsp;»</em>. De son côté, Sébastien sait qu'il faudra continuer à <em>«&nbsp;faire avec&nbsp;»</em> l'arrivée de migrants. <em>«&nbsp;J'ai envie de faire avec Mimo et avec ceux qui sont là. Je fais de l'écologie, donc ça dépasse la question des migrants&nbsp;: je pars de là où je suis, et là où je suis, il y a les migrants.&nbsp;»</em> Ici et maintenant. Prendre conscience de sa réalité pour composer avec. Et avec l'autre. <em>«&nbsp;Echanger, c'est être relié et comprendre pourquoi tu es relié. Et ça, c'est déjà de la politique.&nbsp;»</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><em><span style="font-size: 8pt;">(*) OFPRA&nbsp;: Office Français de Protection des Réfugiés et Aapatrides.<br />(**) OFII&nbsp;: Office Français de l'Immigration et de l'Intégration<br />(***) prénoms d'emprunt à la demande des personnes interviewées.<br />(****) Le 115 est un numéro d'urgence à composer si une personne est sans possibilité d'hébergement et risque ainsi de dormir dans la rue. Le dispositif est confié à des associations qui répondent à un appel d'offres lancé par l’État. A Bourges, il s'agit du Relais. Son rôle est celui de veille et de gestion des places d'urgence.</span></em></p>