# 26 Passeurs de livres (juin 2019) http://www.rebonds.net/26passeursdelivres Thu, 11 May 2023 18:58:21 +0200 Joomla! - Open Source Content Management fr-fr Le secteur du livre : du papier au MP3 http://www.rebonds.net/26passeursdelivres/512-lesecteurdulivredupapieraump3 http://www.rebonds.net/26passeursdelivres/512-lesecteurdulivredupapieraump3 Chaque année en mars, le ministère de la Culture publie les chiffres-clés du secteur du livre. Ils permettent de savoir combien de livres ont été vendus, quels sont les titres plébiscités ou quelles sont les pratiques d'achat, par exemple. Mais ils montrent aussi l'évolution des « différents » livres : neufs ou d'occasion ; imprimés, numériques ou audio.

Les sources

L'Observatoire de l'économie du livre, service du livre et de la lecture de la Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles (DGMIC) compulse les données provenant de la Bibliothèque Nationale de France, du Syndicat National de l'Edition, du Centre National du Livre, d'agences spécialisées dans les panels de distributeurs et de consommateurs ou encore de sociétés telles que la Société des Gens De Lettres.

La synthèse est publiée sur le site Internet du ministère de la Culture (1), à la veille du salon « Livre Paris », cette année le jeudi 14 mars 2019. Elle concerne les chiffres-clés 2016-2017-2018 (2019 pour les pratiques de lecture).

La production

Le nombre de titres de livres imprimés ne cesse d'augmenter : ainsi, en 2017, 81.263 titres de livres imprimés ont été produits (+ 4,2 % par rapport à 2016) et, en 2018, 82.313 titres (+ 1,3 % par rapport à 2017).

En 2018, le nombre de titres disponibles sur le marché était de 783.260 pour les livres imprimés (+ 1 % par rapport à 2017) et de 281.550 pour les livres numériques (+ 13 % par rapport à 2017).librairie

Les ventes

En 2017, 739.900 références étaient vendues au moins une fois dans l'année (+ 2 % par rapport à 2016) ; en 2018, elles étaient plus nombreuses, 748.800 (+ 1 % par rapport à 2017).

Si le chiffre d'affaires des éditeurs a globalement diminué en ventes de livres ( - 1,9 % entre 2016 et 2017), les cessions de droits ont augmenté (+ 4,4 % entre 2016 et 2017), à tel point qu'elles constituent aujourd'hui un « relais de croissance » selon le Syndicat National de l'Edition (2).
En 2017, le chiffre d'affaires des éditeurs français (livres imprimés, numériques et audio) s'élevait à 2.792 millions d'euros hors taxes (- 1,6 % par rapport à 2016).

La part des livres numériques et audio dans ce chiffre d'affaires a augmenté : elle représentait 7,6 % en 2017 contre 6,8 % en 2016.

Le nombre d'exemplaires de livres vendus en 2017 (livres imprimés, numériques et audio) était en diminution : 430 millions d'exemplaires (- 1 % par rapport à 2016).

Les exportations de livres ont légèrement progressé de + 0,2 % et représentaient 667,1 millions d'euros en 2018.

Les lieux d'achat

Premier lieu d'achat du livre neuf en 2017 comme en 2018 : les grandes surfaces culturelles spécialisées (25,5 % des livres achetés, en valeur) ; suivent les librairies qui résistent (22 %), les ventes par Internet qui progressent légèrement (20 % en 2017, 21 % en 2018), les grandes surfaces non spécialisées (19 %), la vente par correspondance et clubs (8,5 % en 2018 contre 9,5 % en 2017). Les autres lieux tels que les soldeurs, écoles, marchés, salons, etc. globalisent 4 % des ventes (chiffre stable).

Les pratiquesliseuse

En 2018, 51 % des Français ont acheté au moins un livre (ils étaient 52 % en 2017) ; 50 % ont acheté au moins un livre imprimé (51 % en 2017), 12 % au moins un livre imprimé d'occasion (11,5 % en 2017) et 4,4 % au moins un livre numérique (chiffre stable).
Parmi ceux qui ont acheté au moins un livre en 2018, 23 % en ont acheté en fait de un à quatre, 14 % de cinq à onze, et 12 % en ont acheté douze et plus. Des proportions stables par rapport à 2017.

Les prix

Toutes catégories confondues, le prix des livres a augmenté de 0,5 % en 2018 par rapport à 2017. C'est en littérature générale (y compris les livres jeunesse) qu'il a augmenté le plus (+ 1,1%).
A noter toutefois : la baisse de 4,9 % du prix des services d'édition et des livres numériques.

Les principaux secteurs

En 2017, le poids des principaux secteurs dans les ventes des éditeurs, livres numériques compris, se répartissait ainsi :
- les romans (25 %)
- les livres jeunesse (19 %)
- les ouvrages de loisirs, vie pratique, tourisme (12 %)
- les livres scolaires (8 %)
- les parascolaires, livres de pédagogie et de formation des enseignants (6 %)
- les mangas et comics (5,7 %)
- les ouvrages de sciences humaines et sociales (5 %)
- les documents, livres d'actualité, essais, humour (3 %)
- les cartes géogaphiques et atlas (2 %)
- les livres sur les arts et les Beaux Livres (1,5 %)
- les dictionnaires et encyclopédies (1,2 %)
- les ouvrages de sciences et techniques, médecine, gestion (1 %)
- les livres sur la religion (0,9 %) et l'ésotérisme (0,6 %)
- le théâtre et la poésie (0,5 %)
- les contes, légendes, romans régionaux et nouvelles (0,4 %).

Le top 30

Dans la liste des trente livres les plus vendus en 2018, on retrouve à plusieurs reprises des romans de :
- Guillaume Musso (« Un appartement à Paris » à la 1ère place, « La jeune fille et la nuit » à la 3e),
- Marc Levy (« La dernière des Stanfield » à la 7e place, « Une fille comme elle » à la 20e),
- Elena Ferrante (quatre tomes de « L'amie prodigieuse » aux 9e,,13e, 19e et 28e places),
- Pierre Lemaître (« Couleurs de l'incendie » à la 10e place et « Au revoir là-haut » à la 30e),
- Aurélie Valognes (« Mémé dans les orties », « Minute, papillon » et « En voiture Simone ! » aux 17e,18e et 29e places).

Certains ne sont pas des nouveautés puisque « Au revoir là-haut » était sorti en 2015 ou encore « Les quatre accords toltèques » de Miguel Ruiz (à la 27e place) en 2016.

En haut du classement, « Un appartement à Paris » de Guillaume Musso a été vendu à 590.000 exemplaires en 2018 ; en bas du classement, « Au revoir là-haut » de Pierre Lemaître à 184.700 exemplaires en 2018.

Souligons également la présence de bandes dessinées comme « Lucky Luke 8 : un cow boy à Paris » de Jul et Achdé à la 8e place, « Blake et Mortimer, tome 25 : la Vallée des Immortels » par Yves Sente, Teun Berserik et Peter Van Dongen à la 12e place ou encore « L'arabe du futur 4 : 1987-1992 » par Riad Sattouf à la 23e place.bibliothèque

Enfin, le « poche » est particulièrement bien présent, puisqu'il occupe 13 places sur 30.
En 2017, les livres de poche représentaient 27,1 % des exemplaires de livres vendus.

La lecture

Les chiffres-clés nous informent également sur les pratiques de lecture.
Ainsi, en 2019, 91 % des Français âgés de15 ans et plus ont lu au moins un livre imprimé au cours des 12 derniers mois ; ils étaient 89 % en 2017 et en 2015.

40 % d'entre eux ont lu de cinq à 19 livres ; 26 % de un à quatre livres et 25 % ont lu vingt livres et plus.

22 % des Français ont déjà lu un livre numérique (contre 20 % en 2018) et 14 % ont déjà écouté un livre audio (contre 12 % en 2018).

Le prêt dans les bibliothèques

Lorsque les lecteurs n'achètent pas, ils empruntent : les bibliothèques municipales et intercommunales ont enregistré 279,5 millions de prêts, tous supports confondus, en 2016 dont 208,7 millions de prêts de livres imprimés ; les bibliothèques universitaires, quant à elles, ont enregistré 9,8 millions de prêts en 2017.


(1) Site du ministère de la Culture : http://www.culture.gouv.fr ; synthèse disponible sur : http://www.lettresnumeriques.be/2019/02/15/le-livre-audio-sinstalle-en-france/
(2) Lire l'article sur le site du SNE : https://www.sne.fr/economie/les-cessions-de-droit-a-linternational/

 


Une offre en plein développement

  • En quelques années, le livre audio a connu une véritable croissance en France.livre audio Pourquoi ? Le développement des technologies d'écoute y serait pour beaucoup, notamment celles qui permettent l'écoute « nomade ». De plus, la commission Livre Audio du Syndicat National d'Edition (SNE) a fait un important travail de communication auprès des libraires, afin qu'ils connaissent les spécificités de ce produit et qu'ils le conseillent mieux à leurs clients.
    Des clients qui ne sont plus seulement des personnes empêchées de lire, mais tous types de lecteurs. Une étude menée par IPSOS en 2017 a montré qu'il s'agissait généralement de grands amateurs de littérature, souvent des femmes. Les jeunes sont également séduits : sur 21 % de Français se disant intéressés par les livres audio, 93 % en ayant déjà utilisés sont des jeunes âgés de 7 à 19 ans.
    Le livre audio est connu des tout-petits et de ceux qui leur font la lecture. Les éditeurs insistent sur leur intérêt. Une étude américaine aurait ainsi montré que l’écoute de livres audio multiplierait par deux l’appétence pour l’apprentissage de la lecture, par trois l’acquisition du vocabulaire, par cinq la maîtrise de la langue et par huit la compréhension du texte.
    Les éditeurs ont conscience que ce qui était jusqu'ici une « niche » est en train de devenir un « marché-levier ». Désormais, ils tentent de faire coïncider la sortie du livre papier et sa version audio.
    Le premier salon consacré à ces livres audio a ouvert ses portes le mardi 11 juin et les refermera le dimanche 16 juin à Montreuil (1).

    Source : article paru sur le site des Lettres Numériques le 15 février 2019 et signé Elisabeth Mol : http://www.lettresnumeriques.be/2019/02/15/le-livre-audio-sinstalle-en-france/

    (1) Vox, salon du livre audio à Montreuil : https://www.salon-livre-audio.fr/
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# 26 Passeurs de livres Tue, 21 Mar 2017 13:37:42 +0100
Ecouter un livre grâce aux Donneurs de Voix http://www.rebonds.net/26passeursdelivres/513-ecouterunlivregraceauxdonneursdevoix http://www.rebonds.net/26passeursdelivres/513-ecouterunlivregraceauxdonneursdevoix Les livres ne sont plus seulement des recueils de papier. Au-delà des pages, ils se transforment en sons. Lorsqu'on les lit à haute voix, pour un enfant ou dans un cercle de lecture bien sûr, mais aussi pour les enregistrer sur un disque. C'est ce que font les Donneurs de Voix pour les personnes malvoyantes. Leurs enregistrements sont conservés dans des bibliothèques sonores. Poussons la porte de celle de Bourges...

En entrant à la bibliothèque sonore de Bourges, on sent, comme dans n'importe quelle autre bibliothèque, que tout ce qui est conservé là est précieux. On devine que derrière les vitres des étagères et dans les nombreux tiroirs de bois, se cachent des objets qui ont été réalisés avec du temps et de la passion, et qu'ils ont été classés avec soin pour, un jour, être partagés.biblio sonore 2
Mais pas besoin de marcher à pas feutrés ni de parler à voix basse : aucun usager n'est venu pour faire des recherches ou pour travailler sur un sujet en particulier ; aucun lecteur n'est confortablement installé dans un fauteuil pour découvrir une nouvelle, une revue ou une bande dessinée. Les bénévoles qui se retrouvent ici peuvent discuter librement : les usagers sont ailleurs…
La bibliothèque sonore répond pourtant parfaitement au nom de « bibliothèque » : il s'agit d'un lieu où une collection de livres est conservée et peut être empruntée. Mais des livres d'un caractère particulier, puisqu'ils sont enregistrés. Les étagères et tiroirs regorgent donc de K7 et de CD – plus de 30.000 – représentant 4.500 livres, lus, joués, déclamés par des Donneurs de Voix.

« L'association des Donneurs de Voix est née en 1972, raconte Guy Kolvinter, président de l'association à Bourges. A Lille, un membre du Lions Club (1) s'est demandé comment il pourrait aider les personnes malvoyantes issues de la guerre de 1914 et celle de 1940. Lors de la Première Guerre mondiale, notamment, nombre de soldats ont été gazés et sont devenus aveugles. Il s'est rendu compte que des personnes qui avaient aimé les livres ne pouvaient plus lire. C'est ainsi qu'est née la première bibliothèque sonore. » Progressivement, partout en France, le réseau des Lions Clubs (2) a fait son œuvre et il existe aujourd'hui au moins une bibliothèque sonore dans chaque département, 114 au total. Celle du Cher a vu le jour en 1977, sous la présidence de Georges Carnat.
Si elle reste attachée au Lions Club, l'association des Donneurs de Voix et ses bibliothèques sont autonomes.

« Aimer lire et lire ce que l'on aime »

« Donneurs de Voix »… On dit généralement d'un comédien qu'il prête sa voix à un personnage. Mais ici, il s'agit d'un don. Un acte généreux envers des personnes malvoyantes et / ou souffrant d'un autre handicap (par exemple, neurologique) qui ne leur permet plus de lire. Aucune formation n'est nécessaire ; chacun.e peut donner ainsi de sa voix, à condition d'avoir une diction claire et un peu de temps.
Lorsqu'une personne se porte volontaire, le président lui demande d'enregistrer une démonstration de dix minutes, qui sera écoutée avec les autres membres de l'association. « Dans 90 % des cas, on rectifie la vitesse, les gens lisent trop rapidement », explique Guy Kolvinter. Il faut laisser le temps aux audiolecteurs  de se former des images dans leurs têtes. Pour le reste, « il faut aimer lire et lire ce que l'on aime pour le communiquer ». « Ce n'est pas compliqué mais cela demande une attention particulière. »guy kolvinter
C'est pourquoi, l'équipe de la bibliothèque sonore n'impose jamais à un Donneur de Voix un livre. « Il faut qu'il l'ait lu et qu'il ait envie de le transmettre. Il fait une proposition et nous vérifions que le livre n'a pas déjà été enregistré. S'il y a une version par un homme, nous pouvons en faire une deuxième avec une voix de femme. Car certains audiolecteurs ont leur préférence. »

Le Donneur de Voix doit avoir son propre matériel : un micro relié à un ordinateur équipé d'un logiciel tel que Auda City. « Je remets un dictaticiel pour l'utiliser, mais il est très simple, assure Guy Kolvinter. Libre et gratuit, il permet d'enregistrer, de couper des parties qui ne conviendraient pas, de ré-enregistrer par dessus... » Le livre est ensuite transformé en format MP3 et transmis à la bibliothèque sur une clé USB. Guy Kolvinter le « nettoiera » d'éventuels bruits parasites, avant de le copier sur un CD pour l'envoyer aux audiolecteurs.
Quels types de livres sont proposés ? « Tous types, mais les tendances sont surtout aux romans et aux nouvelles. Parmi les romans, des polars et des histoires, disons, un peu à l'eau de rose… La bibliothèque possède les grands classiques, mais ça se perd un peu, les gens veulent plutôt du moderne. » Comment la bibliothèque sonore obtient-elle les autorisations des éditeurs ? « Autrefois, il fallait que chacune fasse une demande, individuellement, pour obtenir les droits de chaque livre qu'elle voulait enregistrer. Mais il y a six ans, l'association des Donneurs de Voix a négocié avec l’État pour avoir une autorisation globale, auprès de tous les éditeurs. Cela ne concerne pas les éditions étrangères, sauf si elles ont été traduites en français, bien sûr. »

Le nombre de déficients visuels en augmentation

Lorsque Guy Kolvinter est arrivé dans l'association, en 1996, une vingtaine de personnes donnaient leurs voix dans le Cher. Aujourd'hui, il n'en reste plus qu'une. Pourquoi ? « Je crois que c'est l'évolution générale de la vie. Il y a quelques années, les gens étaient plus volontiers sensibles au sort des personnes handicapées et se mobilisaient pour elles. »

Pourtant, la population vieillit et est encouragée à se « maintenir » à domicile. Selon l'INSEE (3), il y aurait en France 65.000 aveugles complets, et 1.200.000 malvoyants. Des chiffres qui augmentent, dans notre pays comme dans le monde : une autre étude, publiée en 2017, estime que le nombre de personnes atteintes de cécité et de déficiences visuelles devrait tripler d'ici à 2050, notamment du fait du vieillissement de la population (4).
La bibliothèque sonore ne s'adresse pas seulement à eux, mais bien, aussi, à toutes les personnes malades, handicapées, qui ne peuvent tenir ou déchiffrer un livre. « Pour bénéficier de notre service, il faut faire remplir, par son médecin traitant ou spécialiste, un certificat qui assure que vous n'êtes plus en mesure de lire. C'est tout. Vous nous envoyez le certificat et, une semaine après, vous pouvez emprunter des livres. Vous ne payez rien du tout : ce sont les Donneurs de Voix et les bénévoles qui paient une cotisation à l'association. Pour les bénéficiaires, c'est gratuit. »

Le développement des livres audio

On leur confie également un Victor. Un Victor ? « Ce sont des Canadiens qui ont inventé cet appareil. Il est équipé d'un système Daisy : même si vous l'éteignez et retirez le CD, lorsque vous le remettez en route, il redémarre exactement à l'endroit où vous l'avez arrêté. Cela évite les manipulations difficiles pour des malvoyants. » Chaque appareil coûte environ 350 euros. Dans le Cher, une vingtaine sont en circulation, prioritairement pour les usagers qui n'auraient pas les moyens de l'acheter eux-mêmes. En échange ? « On les encourage à faire un don à l'association, parce que c'est défiscalisé, mais on n'oblige pas. »victor
Aujourd'hui, une cinquantaine d'audiolecteurs reçoivent, chaque mois, quatre à cinq livres enregistrés de la bibliothèque sonore. En 1996, ils étaient trois fois plus. L'offre élargie dans les magasins et les médiathèques explique sans doute ce phénomène. Car le secteur du livre audio est en plein essor (lire aussi ci-dessous et la rubrique (Re)visiter).

Des actions pour se faire connaître

« Nous sommes un peu méconnus, reconnaît Guy Kolvinter, c'est surtout le bouche-à-oreille qui fonctionne. » Il craint qu'à terme les bibliothèques sonores disparaissent. « Pour pallier le manque de Donneurs de Voix, l'association nationale a créé un serveur pour que les bibliothèques téléchargent les livres. Formidable. Alors les jeunes ont dit : il faut donner l'accès directement aux audiolecteurs ! Mais c'est se tirer une balle dans le pied ! Dans ce cas, autant fermer tout de suite. » Dans le Cher, seuls les bénévoles y ont accès pour l'instant.

En attendant, pour mieux se faire connaître, Serge Tronel, le secrétaire de l'association, anime actuellement des réunions dans les maisons de retraite et les foyers-logements de Bourges (5). Celle de Saint-Satur, qui accueille plus particulièrement des malvoyants, est déjà équipée de Victor. Le président a aussi tenté de mener quelques actions : participer au forum des associations à Bourges ou écrire une lettre à tous les maires du département. « J'ai écrit à chaque maire en particulier, à leur nom… 291 communes… je précisais bien que je ne demandais pas d'argent et que le service est gratuit. Vous savez combien m'ont répondu ? Un. Un seul sur 291… »
Il ne baisse pas les bras et continue à aller là où on lui demande de présenter l'association : « Chaque année, je participe à la journée de la différence à l'école Saint-Dominique. J'interviens auprès de quatre classes de 6e et je le vois bien : les enfants, eux, pensent aux grands-pères et aux grands-mères... »

Fanny Lancelin

Pour contacter l'association des Donneurs de Voix à Bourges : 02.48.68.96.34. et www.bibson18.bourges.net

(1) Charles-Paul Wannebroucq, médecin ophtalmologiste.
(2) Lions Clubs : association internationale imaginée par l'entrepreneur américain Melvin Jones. Le but : regrouper d'autres entrepreneurs pour organiser des actions qui dépassent le cadre professionnel, mais améliorent la vie de leur communauté. La première réunion eut lieu en 1917. En 1925, lors de la convention internationale de l'association dans l'Ohio, l'auteure, conférencière et militante politique Helen Keller, sourde et aveugle, mit les membres des Lions Clubs au défi de s'engager activement dans l'aide aux aveugles et malvoyants. Cette cause a longtemps été la cause prioritaire des Lions Clubs, qui ont aujourd'hui diversifié leur aide. Plus de renseignements : http://lions-de-france.org/
(3) L'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) a réalisé une enquête HID (Handicap – Incapacités – Dépendance) en 1988, 1999-2000 et l'a actualisée en 2008.
(4) Etude révélée par l'Agence France Presse en 2017 : https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(17)30293-0/fulltext
(5) Prochaine réunion d'informations des Donneurs de Voix sur la bibliothèque sonore, mercredi 26 juin à 11 h 15 à Raynal à Bourges.

 


Des livres audio pour tous à la médiathèque

  • La médiathèque de Bourges possède un très beau fonds de livres audio, appelés ici « livres lus » : 1.300 références pour tous publics et 300 pour les personnes « empêchées de lire des livres papier » (250 pour les adultes et 50 pour les enfants).

    L'ensemble du public peut ainsi écouter sur place et / ou emprunter un choix diversifié de livres lus. « Romans policiers, contemporains, sentimentaux, livres de terroir, documentaires, recueils de poésie, textes de théâtre, souvenirs et témoignages, biographies, contes… énumère Muriel Margotin, bibliothécaire de la section adultes. En fait, nous retrouvons la plupart des catégories du livre papier. »
    Beaucoup sont enregistrés avec la voix de comédiens. Ils sont achetés auprès de différents éditeurs, certains n'hésitant plus à sortir la version audio en même temps que la version papier, tant le secteur est en plein développement.

    Autre partie du fonds : les livres lus au format Daisy, pouvant être écoutés sur un lecteur MP3 ou un Victor (lire l'article ci-dessus sur la bibliothèque sonore). Ils sont accessibles aux personnes handicapées à 80 % ou plus, aux non-voyants et malvoyants et aux « dys » comme les personnes dyslexiques par exemple. Il suffit de présenter un justificatif (carte d'invalidité ou certificat médical).astérix audiolu
    D'où provient le fonds ? « De l'association Valentin Haüy (1), avec qui nous signons une convention. En échange des livres lus, nous nous engageons à ne les prêter qu'aux personnes concernées. » La médiathèque travaille-t-elle avec les Donneurs de Voix ? « Je pense que nous sommes complémentaires. Si une personne veut un livre en particulier, elle peut demander aux Donneurs de Voix de l'enregistrer ; nous, nous avons un fonds, nous n'enregistrons pas. »
    Des DVD en audiodescription sont également disponibles à la médiathèque, ainsi que des livres imprimés en gros caractères.

    Les conditions d'emprunt d'un livre lu sont les mêmes que celles d'un livre papier : 15 documents pour ceux qui bénéficient de la gratuité (les enfants et les demandeurs d'emploi, par exemple) et 30 documents pour ceux qui paient un abonnement. « Ceux qui bénéficient de l'Allocation aux Adultes Handicapés ne paient pas », précise Muriel Margotin.
    Comme n'importe quel ouvrage du catalogue, les livres lus peuvent être réservés, sur place ou sur le site Internet de la médiathèque.

    Des nouveautés arrivent pour l'été. Muriel Margotin dévoile quelques coups de cœur, parmi lesquels, une bande dessinée lue ! « C'est la première fois que nous en avons une. Il s'agit d' « Astérix le Gaulois et la Serpe d'Or ». C'était une suggestion d'une lectrice. Il y a plusieurs voix et du bruitage, comme au cinéma. C'est très réussi. »
    Autres découvertes :
    - « Cupidon a des ailes en carton », un roman de Raphaëlle Giordano ;
    - « Le lambeau » de Philippe Lançon, rescapé de l'attentat de Charlie Hebdo ;
    - « Un bruit de balançoire », textes partagés de méditation de Christian Bobin ;
    - une biographie de François 1er, conférences enregistrées dans la série « Les figures de l'histoire » ;
    - « L'éducation sentimentale » de Gustave Flaubert, ouvrage de littérature classique ;
    - « Bitna, sous le ciel de Séoul », de Jean-Marie Gustave Le Clézio, un roman contemporain ;
    - « Au cœur des émotions de l'enfant », un ouvrage documentaire d'Isabelle Filliozat ;
    - « Deux sœurs », polar de Bernard Minier.

    La médiathèque est ouverte le mardi et vendredi de 12 h 30 à 18 h 30, le mercredi de 10 h à 18 h 30, le jeudi de 12 h 30 à 20 h et le samedi de 10 h à 17 h. Attention, horaires d'été du 9 juillet au 31 août : du mardi au vendredi de 12 h 30 à 18 h 30 et le samedi de 9 h à 12 h.
    Renseignements sur le site : https://mediatheque.ville-bourges.fr/
    Pour voir le catalogue des livres lus, tapez « disques parlés » dans la barre de recherche.

    (1) Comité Valentin Haüy du Cher : http://bourges.avh.asso.fr/
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# 26 Passeurs de livres Tue, 21 Mar 2017 13:37:42 +0100
Passeurs de livres http://www.rebonds.net/26passeursdelivres/511-passeursdelivres http://www.rebonds.net/26passeursdelivres/511-passeursdelivres « Il me semble que rien ne prépare mieux à tenir tête (à la meute, à la peur, à l'autorité, à l'existence même) que l'expérience solitaire de la liberté et, franchement, quel meilleur champ d'exercice, plus vaste, plus divers, plus sauvage, plus scandaleusement personnel, que la lecture ? » Marie Desplechin

Ma sœur Natacha fut mon premier passeur, le premier dont je me souvienne. Elle m'apprit à lire les notes avant que je sache vraiment déchiffrer les mots. Elle répétait son solfège dans un petit livre bleu-vert, en me montrant du doigt les rondes sur la portée. J'aimais me serrer près d'elle, entendre sa voix douce, suivre ses gestes grâcieux… Je n'avais pas cinq ans, elle avait six ans de plus que moi. Elle portait des boucles blondes et la sagesse des aînées de famille. Je la trouvais pleine de mystère. Forcément, pensai-je, les livres qu'elle lisait devaient révéler un univers merveilleux.ENFANT DD
Elle me laissa me servir librement dans sa petite bibliothèque. Je me souviens des aventures de « Fantômette » (1), d'un illustré de « Peer Gynt », des « Chroniques du XXe siècle » mais, plus que tout, je me souviens de « L'Enfant du Dimanche » (2), le livre qui ouvrit mon appétit pour tous les autres et qui fit de moi une dévoreuse de tout ce qui contient des mots. Avec « L'Enfant du Dimanche », je découvris qu'on pouvait se prendre pour un personnage, qu'on pouvait rire et pleurer fort avec lui, qu'on pouvait être dans le livre. Dès lors, lorsque je commençai une histoire, le temps s'arrêtait, plus aucun son extérieur ne me parvenait, la maison pouvait bien brûler comme disait ma mère…
Le second passeur fut mon parrain, Patrick. A l'âge de dix ans, on m'envoya en vacances chez lui, avec ma grand-mère. Il n'y avait aucun enfant de mon âge. Je me serais ennuyée ferme s'il n'y avait eu un véritable trésor dans le salon de la maison de Nevers : une bibliothèque entièrement remplie – du moins, c'est mon souvenir – de bandes dessinées. Je devins une fan de Cubitus, de Michel Vaillant et de Thorgal.

Mes parents nourrissaient mon insatiable appétit. Toute la famille était inscrite à la bibliothèque du village où je me rendais chaque samedi avant mon cours de musique... Je recevais régulièrement des livres en cadeaux à Noël et pour mes anniversaires.
Mais je ne me suis jamais constituée de véritable bibliothèque. Etudiante, il fallait économiser pour sortir. A Rennes, les bibliothèques publiques étaient légion et la Communauté d'Emmaüs avait déjà des rayons de livres d'occasion. Au gré des déménagements, j'ai toujours fini par les donner. Pour m'alléger, mais aussi pour partager les histoires, pour qu'elles aient de multiples vies, devenant ainsi à mon tour, un passeur. Un seul livre ne m'a pas quitté : « L'Enfant du Dimanche »... retrouvé – ma sœur avait offert son exemplaire à une amie – grâce à une formidable libraire dans le Morbihan. Depuis, je fréquente les bouquineries et j'emprunte toujours beaucoup, dans plusieurs bibliothèques.

A Morogues, le centre social auto-géré auquel je participe, La Brèche, possède quelques dizaines d'ouvrages spécialisés en histoire, économie, politique, écologie, psychologie… Un jour que je rangeai les rayons, une femme entra. Elle observa la bibliothèque et me demanda d'où venaient les livres. « De dons ou ils sont mis à disposition par des adhérents de l'association. » Elle voulut savoir ce que nous faisions des livres qui n'entraient pas dans notre sélection. « Pour l'instant, ils sont stockés dans des cartons. Nous pouvons les proposer aux adhérents ou bien les donner à d'autres associations. » Elle afficha un large sourire : « Est-ce que vous connaissez Le Tourne-Livres à Bourges ? »

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De la bibliothèque de rue à la bouquinerie

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Lundi 3 juin 2019 – 16 heures – Bourges

En ce milieu d'après-midi, le quartier du Moulon est calme. Le soleil frappe chaleureusement ses petites tours d'immeubles. Au niveau de la rue Adelaïde-Hautval, elles forment un carré, une « esplanade » sur laquelle ont été plantés des arbres, des bancs et des jeux pour les enfants. Tout autour, vivent des familles modestes, certaines venues de l'étranger.tourne livres 9
Face à l'esplanade, le local du Tourne-Livres. « Avant, c'était une petite mercerie », m'explique en m'ouvrant la porte Marie-Louise Démoulin, surnommée Maryse, la présidente de l'association. Le lieu a conservé les vitrines d'origine où devaient s'étaler autrefois boutons, pelotes de laine et patrons de couture. Ils ont laissé place à des présentoirs de livres.
A l'intérieur, une pièce d'une trentaine de mètres carrés, lumineuse : les murs sont couverts d'étagères blanches chargées d'ouvrages ; au milieu, des bacs, eux aussi remplis de livres. Quelques marches et l'on accède à une petite cuisine, d'autres rayons, une salle pour les livres d'enfants et d'adolescents, et enfin, un espace réservé au travail de l'équipe.
Sur le même trottoir, la porte à côté est celle de « l'Annexe », où se déroulent les animations proposées par le Tourne-Livres.

« L'association est issue d'une bibliothèque de rue qui était rattachée à la FOL, la Fédération des Oeuvres Laïques, raconte Maryse Démoulin, alors « simple » bénévole. Nous venions lire des histoires aux enfants des quartiers périphériques de Bourges. Nous nous installions aux pieds des immeubles. Au départ, nous avons commencé avec un landeau, puis la FOL a acheté un camion. Nous faisions cela deux fois par semaine, le mercredi et le samedi. Ça a duré vingt ans. » Pour elle, il s'agissait d'offrir « un complément de l'école et un tremplin vers la bibliothèque », donner le goût d'entendre des histoires, l'envie d'en connaître plus et donc, de lire.
Progressivement, les bénévoles reçoivent des livres en dons. « Qu'en faire ? En particulier ceux qui n'étaient pas adaptés aux enfants ? Nous avons pensé à les vendre pour faire fonctionner l'association. C'est ainsi qu'est née la bouquinerie. »

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L'implantation dans les quartiers nord

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Le Tourne-Livres est officiellement créé en 2010. tourne livres 8Une cave accueille les dons dans le quartier des Gibjoncs. A l'époque, la vente est organisée une fois par mois à l'Agence d'Exploration Urbaine, dans un local prêté par Emmetrop (3). « Le nombre de livres donnés a rapidement augmenté, se souvient Maryse Démoulin. Il fallait avoir notre propre local. Nous nous sommes installés ici, rue Adelaïde-Hautval, en 2014. » Le choix d'un des quartiers nord de Bourges, populaire, n'est pas le fruit du hasard : « C'était important pour nous d'être ici, où il n'y a ni librairie ni bibliothèque. »
Maintenus les mercredis et samedis, les créneaux ont été progressivement élargis. Aujourd'hui, la bouquinerie est ouverte les après-midis du mardi au vendredi, et le samedi toute la journée (4).

Mais le Tourne-Livres ne se contente pas de vendre des livres d'occasion à petits prix. « Son objectif n'est pas de gagner de l'argent, mais de permettre au plus grand nombre l'accès à la culture et en particulier aux livres », est-il écrit dans la Charte du Bénévole. Etre, donc, un véritable passeur du goût de lire, d'apprendre, de rêver, de créer. Les actions de l'association s'adressent notamment aux plus jeunes.

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L'accompagnement à la lecture

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Lundi 3 juin 2019 – 16 h 30 – école du Grand-Meaulnes à Bourges

Françoise et Evelyne nous rejointes.tourne livres 2 Ensemble, nous nous rendons à l'école toute proche : celle du Grand-Meaulnes. Un nom de livre… (5) Trois fois par semaine, des bénévoles du Tourne-Livres viennent chercher des enfants de CE1 et de CE2, pour les emmener à l'Annexe et leur proposer un accompagnement à la lecture.
« Depuis deux ans, nous avons un agrément de l'Education Nationale pour cela, précise la présidente. Les enseignants nous recommandent des enfants qui ont besoin de cet accompagnement. A chaque trimestre, ils changent. Au total cette année, nous en aurons donc accompagné 27. »
Ce jour-là, Héléna, Jihad et Linéys, âgés de 7 ans. Nous discutons pendant le goûter. J'apprends qu'ils aiment les contes et les histoires fantastiques. Ce supplément de lecture, qu'on leur demande après l'école, ne semble pas vécu comme une corvée.

D'abord, des binômes se forment : un enfant avec un adulte. Ensuite, les jeunes lecteurs choisissent un ouvrage parmi la sélection préparée par les bénévoles. Chaque binôme s'installe dans un coin de la salle, pour ne pas déranger les autres. Car ici, la lecture se fait à voix haute. L'ambiance est détendue. Jihad suit les mots avec son doigt. Héléna pose des questions sur ce qu'elle ne comprend pas. Linéys rit.
Puis, chaque enfant raconte aux autres membres du groupe l'histoire tout juste lue. Celle d'une petite fille qui enferme une coccinelle dans une boîte mais qui la libère après avoir vu les animaux si tristes dans un zoo… des enfants qui remontent le temps à la recherche de samouraïs… deux paresseux qui ne vont nulle part mais ont décidé d'y aller ensemble…
Enfin, les enfants peuvent jouer ou dessiner. Ils décident de sortir le petit théâtre de marionnettes et de me jouer « Le Corbeau et le Renard », de Jean de La Fontaine. Le corbeau est violet, l'interprétation très libre mais réussie. J'applaudis. Les enfants sont joyeux. Ils aimeraient poursuivre mais déjà, les parents sont là.

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Environ 2.000 livres donnés par an

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Le Tourne-Livres se déplace aussi directement dans les écoles : un camion, sorte de bibliothèque itinérante, se rend dans les collèges et les lycées, où sont organisés des jeux avec, à la clé, des livres à gagner.
Il se stationne également pour des ventes, sur les marchés (Tivoli à Bourges et à Baugy), près de la bibliothèque du Val d'Auron, sur le parking de la Biocoop ou encore lors de brocantes.tourne livres 4
L'association organise aussi des animations ouvertes à tous, petits et grands : un mercredi par mois, pour les enfants ; des « causeries » à thème et des soirées de jeux de société pour toute la famille. Elle participe aux fêtes de quartier. Enfin, elle anime des ateliers d'apprentissage du français pour des adultes.
Tout cela est possible grâce à une salariée et une équipe d'une trentaine de bénévoles, tous et toutes passionné.es par les livres.

Jeudi 6 juin 2019 – 15 heures – Bourges

A la bouquinerie, dans la petite pièce réservée à l'équipe, Cathy, salariée, et Anne, bénévole, s'affairent. Aujourd'hui, le stock à traiter est « raisonnable ». Leur tâche : trier les livres, juger ceux qui peuvent être conservés, nettoyés, mis en rayon. Elles accueillent également les visiteurs, les conseillent, assurent la vente, enregistrent les éventuelles adhésions (mais pour acheter, il n'est pas nécessaire d'adhérer).
« Les livres sont donnés par des particuliers ou des bibliothèques, explique Cathy. Nous demandons qu'ils soient en bon état et propres. Nous ne prenons pas les encyclopédies. Et nous ne sommes pas une filière de recyclage : tout ce qu'on prend, c'est pour mettre dans les rayons, à la vente. Ce qui n'est pas conservé est donné à d'autres associations ou à des boîtes à livres (voir aussi la rubrique (Re)vue). »
Les livres qui seront donnés durant les animations sont mis de côté : environ 2.000 cette année ! Et ce nombre augmentera sans doute encore puisque l'association est de plus en plus sollicitée pour des interventions. Pour les alimenter, les livres pour les enfants et adolescents sont toujours les bienvenus, y compris les bandes dessinées, peu nombreuses. « Les lecteurs de bandes dessinées aiment les collectionner, donc les conserver. »

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A la bouquinerie, une clientèle variée

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Je parcours les rayons des yeux : poésie, théâtre, psychologie, sociologie, religion, livres jeunesse, romans et manuels pour adolescents, quelques dictionnaires, littérature et auteurs classiques, romans policiers, érotiques, ouvrages sur le cinéma, la musique, la cuisine, la santé, un petit bac sur la politique et l'économie… Tout y est.
Sur une table, quelques livres choisis, coups de cœur des bénévoles. « Ce qui nous motive, c'est la passion du livre », sourit Anne. Elle aime particulièrement les biographies et l'histoire. Elle a connu Le Tourne-Livres au forum des associations de Bourges et y est entrée il y a quelques mois.
Entourée ainsi, n'est-elle pas tentée de lire toute la journée ? « Non, mais je repars souvent avec un ou deux livres ! A 50 centimes (6), ça vaut le coup. »tourne livres 5

La clientèle de la bouquinerie est variée. « Elle est vraiment mixte, assure Cathy. Il y a des hommes, des femmes et de tous âges. Il y a moins de jeunes, c'est vrai. Les lycéens viennent par exemple pour trouver les œuvres étudiées au bac ; les collégiens avec leurs grands-parents pendant les vacances ; les enfants de l'aide à la lecture, parfois. » Viennent-ils principalement du quartier ? « Je dirais… un tiers de Bourges Nord, un tiers du reste de la ville et un tiers des environs. »
Depuis l'ouverture, la fréquentation de la bouquinerie est stable, avec un creux en 2018 notamment durant les fortes chaleurs. « Mais depuis le début de l'année, il y a une bonne reprise. »
Les recettes tournent autour de 1.000 euros par mois. Elles permettent de financer le mi-temps de Cathy, de payer les charges du local (prêté par un office HLM) et les frais inhérents au fonctionnement de l'association.

Sur la table de Cathy, un cahier des livres recherchés. « Parfois, un adhérent cherche un livre précis, de son enfance par exemple… C'est un réel plaisir de le trouver en triant ! Ça me tient vraiment à cœur de faire plaisir quand je trouve. Ça, j'aime beaucoup ! »
Est-ce qu'il y a des tendances dans les demandes ? « Quand la cathédrale Notre-Dame a brûlé, on nous a beaucoup demandé « Notre-Dame de Paris » de Victor Hugo, répond Anne. Et des ouvrages sur l'Egypte lorsqu'on a entendu parler de l'exposition sur Toutânkhamon. Les livres de terroir sont aussi appréciés. »

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Lire : rêver, critiquer, résister

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Une caisse retient mon attention : elle ne contient que des « inclassables ». Un petit livre écru me semble très à propos : « Lire est le propre de l'homme » publié en 2011 par l'Ecole des Loisirs. Je l'emporte.

Dimanche 9 juin 2019 – 11 heures – Forêt du Noyer

Je lis à voix haute en marchant, le petit ouvrage dans une main.

« Plus je les côtoyais, plus j'avais envie de découvrir leurs semblables. Les livres étaient une forêt magique où chaque arbre invitait à une aventure. Je n'étais plus seule, je n'avais plus peur, ou plutôt j'étais seule, mais cela n'avait rien d'angoissant. » (Valérie Zenatti)

Au-dessus de ma tête, le vent souffle dans les arbres. « Lire est le propre de l'homme » est une sorte de manifeste pour le droit à la lecture et pour le devoir de le donner aux enfants. Il regroupe cinquante textes et dessins d'auteurs, de courtes histoires rassemblant témoignages et réflexions.

Certains racontent comment, plus jeunes, ils ont découvert le plaisir de lire et le pouvoir des livres :

« Je découvrais une autre voix que la mienne, une autre pensée. Lire me stimulait, reliait toute mon énergie positive, réconciliait ma raison et mes instincts. J'aimais ou je n'aimais pas, je réagissais, je réfléchissais. Mes premières lectures ressemblaient à de premières amours, j'attendais avec impatience et ardeur l'heure des retrouvailles. » (Stephanie Blake)

« [Les livres] m'ont appris le courage, le goût de la justice, l'audace, la rêverie. Je les considère comme des membres très proches de ma famille, qui m'auraient transmis leur expérience de vie et auraient façonné ma conscience, enrichi ma sensibilité. » (Valérie Zenatti).lire est le propre de lhomme

Tous évoquent le sentiment de solitude qui disparaît lorsque s'ouvre un livre ; de la manière dont le lecteur se met à la fois en retrait du monde et accueille tous les personnages, les images, les histoires qui font ce monde ; du savoir et des rêves qui se transmettent à travers les lignes et les pages...

Certain.es rappellent à quel point la lecture est une forme de résistance à la société dans laquelle nous vivons :

« Les enfants et les adolescents vivent aujourd'hui dans un monde bouleversé, envahi d'images et de sons, d'informations aussi vite commentées qu'oubliées, d'injonctions publicitaires, de violences et de crises, un monde régi par l'instant, l'argent et la vitesse. […] La lecture, par le silence, la lenteur et la solitude qu'elle impose, vertus exactement inverses à celles du bruit, de la vitesse et des sept cent soixante-six amis sur Facebook, donne les conditions nécessaires à l'élaboration d'une pensée critique, émancipée de toutes les pressions que les individus subissent. » (Brigitte Smadja)

« […] il est nécessaire de poursuivre la lutte, pour préserver et développer le goût de la lecture dans un monde où la violence se déploie de façon inquiétante, parce que la lecture constitue un contre-pouvoir, un refuge. » (Agnès Desarthe)

D'autres encore interpellent les responsables de la politique de la lecture publique :

« La lecture est le premier instrument de la liberté et elle est la première chose à défendre. Et défendre la lecture, c'est d'abord défendre la liberté de la lecture. Et, donc, pour commencer, les moyens d'y accéder. » (Christian Oster)

« La lecture n'est pas un loisir qu'on puisse comparer au cinéma ou au jeu vidéo, c'est une nécessité de chaque jour, c'est le passeport pour l'insertion dans notre société et c'est ce qui donne accès à la liberté, liberté de parler, de penser, de circuler. » (Marie-Aude Murail)

Dans ce petit ouvrage, tant de passeurs de livres : les auteurs et illustrateurs bien sûr, mais aussi les parents, les enseignants, les amis, les bibliothécaires, les libraires… Je repense aux bénévoles de l'association Le Tourne-Livres. Par leurs actions, ils offrent un monde merveilleux aux enfants, stimulant leur imagination et par là même, leur esprit critique. Ils donnent la possibilité à tous, jeunes et moins jeunes, d'entrer sans complexes dans une boutique où l'on ne se contente pas de vendre mais où le livre est aussi invitation à la rencontre.
Avec le développement d'Internet, des livres numériques et des liseuses, certains prédisent la disparition du livre. Mais, comme le rappelle Marie-Aude Murail, « une enquête sur les « pratiques culturelles des Français à l'ère numérique » a démontré que plus on utilise Internet, plus on va au cinéma, au théâtre, au musée, et plus on lit des livres. » Nul doute que les bouquineries telles que Le Tourne-Livres aient encore de beaux jours devant elles.

Fanny Lancelin

(1) Fantômette : série de cinquante-deux romans pour la jeunesse créée par Georges Chaulet et publiée en France de 1961 à 2011 aux éditions Hachette, dans la collection Bibliothèque rose.
(2) « L'Enfant du Dimanche » de Gudrun Mebs, traduit par Rémi Laureillard et illustré par Rotraut Suzanne Berner, Gallimard Jeunesse, 1986.
(3) Emmetrop : association culturelle basée dans une ancienne friche industrielle, à Bourges. http://www.emmetrop.fr/a-propos/presentation/
(4) Horaires d'ouverture de la bouquinerie, 10 rue Adélaïde-Hautval à Bourges : du mardi au vendredi de 15 h à 19 h, le samedi de 9 h à 12 h 30 et de 14 h à 17 h.Plus de renseignements : http://www.letournelivres.fr
(5) « Le Grand Meaulnes » d'Alain-Fournier, éditions Emile-Paul Frères, 1913. Alain-Fournier (pseudonyme d'Henri Alban-Fournier) est un auteur originaire du Cher, né à La Chapelle-d'Angillon.
(6) Les livres sont vendus généralement 50 centimes ou 1 euro. Les « Beaux livres » ou livres rares peuvent être vendus jusqu'à quelques euros de plus.

 

A qui la faute ?

  • Le dernier texte de l'ouvrage « Lire est le propre de l'homme » publié par l'Ecole des Loisirs (lire ci-dessus) est un poème de Victor Hugo, tiré de L'Année Terrible (1872).

    « Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?

    - Oui.
    J'ai mis le feu là.

    - Mais c'est un crime inouï !
    Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
    Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
    C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
    Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
    C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
    Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
    Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
    Une bibliothèque est un acte de foi
    Des générations ténébreuses encore
    Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
    Quoi ! dans ce vénérable amas des vérités,
    Dans ces chefs-dœuvre pleins de foudre et de clartés,
    Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
    Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
    Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
    Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
    Dans les poètes ! quoi, dans ce gouffre des bibles,
    Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
    Des Homères, des Jobs, debout sur l'horizon,
    Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
    Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
    De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
    As-tu donc oublié que ton libérateur,
    C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur ;
    Il luit ; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
    Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
    Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
    Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
    Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
    L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
    Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
    Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
    Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
    Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
    À mesure qu'il plonge en ton cœur plus avant,
    Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
    Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
    Tu te reconnais bon, puis meilleur ; tu sens fondre,
    Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
    Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
    Car la science en l'homme arrive la première.
    Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
    C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
    Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
    Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
    Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
    Car toute conscience est un nœud gordien.
    Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
    Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
    Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
    Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
    Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
    Le progrès, la raison dissipant tout délire.
    Et tu détruis cela, toi !

    - Je ne sais pas lire. »
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# 26 Passeurs de livres Tue, 21 Mar 2017 12:54:42 +0100