# 42 Alimenter ce qui nous tient à coeur (décembre 2020) (Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale. http://www.rebonds.net/42alimentercequinoustientacoeur 2023-05-11T19:04:17+02:00 (Re)bonds.net Joomla! - Open Source Content Management « Alimenter ce qui nous tient à cœur » 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/42alimentercequinoustientacoeur/660-alimentercequinoustientacoeur Super User <p><strong>Partout en France, plus ou moins formellement, des cuisines et des cantines autogérées fleurissent. Elles sont parfois éphémères, quelques fois mobiles puis sédentaires, ou s'ancrent durablement sur un territoire. Elles naissent d'un besoin d'alimenter… des ventres, mais surtout des liens, des luttes, des expériences…</strong></p> <p>Dans l'histoire des mouvements populaires en France, les Marmites d'Eugène Varlin ont marqué les esprits. Sous le blocus de Paris par les Prussiens en 1870 puis sous la Commune l'année suivante, elles assurèrent la distribution alimentaire auprès des organisations ouvrières et sur les barricades (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).<br />Elles ont ainsi préfiguré ce que sont aujourd'hui les cuisines et cantines populaires autogérées&nbsp;: des outils d'organisation collective et de soutien à ceux et celles qui luttent, mais aussi une manière de se réapproprier la rue, et de créer un espace d'affirmation et de positionnement politique.<br />La plupart refusent d'être vues comme des collectifs caritatifs ou humanitaires&nbsp;: elles s'adressent à tou·tes, sans conditions.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Placer sa résistance dans les champs, les marmites et les assiettes</span><span style="font-size: 12pt;"><br /></span></strong></span></p> <p>Mais qu'est-ce qui fait naître une cuisine ou une cantine autogérée&nbsp;? Qu'est-ce qui motive un petit groupe de personnes à récupérer des denrées sur un marché, faire les poubelles ou acheter des légumes, pour préparer un repas et le distribuer à qui veut&nbsp;? Et tout ceci, bénévolement&nbsp;?<br />Cuisiner, c'est donner du temps aux autres&nbsp;: à ceux·lles qui ne savent pas, ne peuvent pas, n'en ont pas les moyens. C'est un partage entre celui ou celle qui offre et celui ou celle qui reçoit. Dans les luttes, c'est nourrir ceux·lles qui passent du temps à organiser et animer les occupations, les grèves, les manifestations. C'est placer sa résistance dans les champs, les marmites et les assiettes, dans une tranche de pain ou un curry de légumes.</p> <p>Installés dans la région nantaise, les Lombrics Utopiques <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> possèdent une cantine mobile qui peut ravitailler entre 200 à 400 personnes lors de blocages ou de manifestations.</p> <p>Créée par des zadistes et des paysan·nes de Notre-Dame-des-Landes, la Cagette des Terres distribue et anime des repas notamment sur des piquets de grève, lors d'actions étudiantes et ouvrières, des manifestations devant les tribunaux, des assemblées de Gilets jaunes, pour soutenir l'occupation de logements pour des migrant·es ou protester contre la réintoxication du monde… <span style="font-size: 8pt;">(2)</span></p> <p>A Rennes, une cantine autogérée faisait battre le cœur de la Maison de la Grève. En 2011, un premier bâtiment était squatté pour l'installer&nbsp;: <em>«&nbsp;Les cantines de grève étaient quasiment quotidiennes, parfois le midi et le soir, et brassaient alors beaucoup de monde, des jeunes et des vieux, des cheminots, des postiers, etc.&nbsp;»</em>, racontent quelques-un·es de ses membres dans l'ouvrage «&nbsp;Cantines&nbsp;» <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. En 2012, après l'expulsion, un second bâtiment est trouvé&nbsp;: <em>«&nbsp;La cantine s'est constituée dès le début comme le squelette de la Maison de la Grève, imposant un rythme, la distribution des espaces ou la priorité dans les travaux (…). De manière globale, les cantines sont restées notre principal mode d'organisation, quotidiennement comme dans la durée. On cale nos réunions après les repas, on s'y rancarde pour discuter autour d'un café ou pour diverses activités. C'est aussi un moment pour inviter des gens intéressés par ce qui se passe autour de la Maison de la Grève, des amis, de la famille, des personnes qu'on croise par hasard dans la rue, lors d'une fête ou d'une manif. C'est aussi qu'on aime manger ensemble, à nombreux, et sortir de nos débrouilles personnelles.&nbsp;»</em></p> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Produire des légumes pour fournir les cantines</span><br /></strong></span></p> <p>Pour fournir ces cantines, plusieurs possibilités&nbsp;: le glanage sur les marchés, des arrangements avec des producteurs ou l'autoproduction.</p> <p>C'est ainsi que Mika, sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, produit des légumes pour les luttes.<em> «&nbsp;Ça a commencé parce qu'on avait envie de le faire et surtout, la possibilité. La possibilité incroyable d'avoir des terres, avec une installation prise en charge, du soutien… Dans un cadre normal, c'est compliqué. Mais là, sur la ZAD, c'est devenu possible de cultiver des légumes, ou autre chose, sans installation officielle, sans payer des charges. Et pour nous, c'était normal, comme on était dans un cadre de lutte, et dans un cadre où on était soutenus, de soutenir à notre tour et fournir des cantines qui sont dans la lutte.&nbsp;»&nbsp;</em><span style="font-size: 8pt;">(3)</span> Il s'agit alors d' <em>«&nbsp;alimenter ce qui nous tient à cœur »</em>. Un hectare de légumes et quinze hectares de céréales y sont consacrés à l'époque de l'écriture du livre.</p> <p>Aux Lentillères, le quartier autogéré de Dijon, un terrain est occupé dans le but de produire collectivement des légumes et de nourrir différents projets. Plusieurs objectifs sont affichés&nbsp;: s'auto-alimenter&nbsp;; nourrir un cercle d'ami·es large qui sont dans les luttes&nbsp;; ouvrir les portes aux habitant·es du quartier notamment lors d'un marché à prix libre.</p> <p>Des liens avec des producteur·ices locaux·les sont aussi noués. Les équipes doivent saisir le cycle des saisons (anticiper à l'automne pour la programmation l'année suivante), réserver les produits à l'avance ou accepter de faire uniquement avec les surplus.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/arton6700.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/arton6700.jpg" alt="arton6700" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Se réapproprier l'espace public<br /></strong></span></p> <p>Plus largement, le projet des Lentillères s'est construit autour de la question de la réappropriation de l'espace public. Il s'agit de lutter contre la bétonisation, selon la méthode du «&nbsp;guerrilla gardening&nbsp;», un mouvement dans lequel des activistes occupent des endroits abandonnés, publics ou privés, et y mettent en place des récoltes, afin d'interpeller les pouvoirs publics sur leur utilisation. Ce situationnisme écologiste crée une biodiversité de proximité dans les villes, des espaces communautaires conviviaux et bouscule les limites de la propriété privée.</p> <p>A Paris, une fois par semaine, le collectif «&nbsp;Les mardis, c'est gratuit&nbsp;» installait des salles à manger en pleine rue ou sur des places, et organisait des dîners gratuits pour 60 à 80 personnes. <em>«&nbsp;La rue est à nous. Dès que nous pouvons, nous l'habitons&nbsp;»</em>, scandaient-il·les<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Dans le prolongement des tables et des chaises, une friperie et une bouquinerie étaient également installées.</p> <p>A Marseille en 2006, face aux militants fascistes qui distribuaient des soupes au porc, une poignée d'habitant·es ont organisé des contre-soupes végétaliennes.<em> «&nbsp;C'est lors d'un rendez-vous pour aller en découdre avec les fafs qui organisaient cette fameuse soupe qu'on s'est dit qu'à tous points de vue, c'était pas notre truc, la baston. Par contre, on ferait bien une soupe aux légumes qu'on servirait au centre-ville de Marseille, en réponse à la bêtise ambiante.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (3)</span></p> <p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Une affirmation politique</span></strong></p> <p>L'espace public devient alors un espace d'affirmation politique et la cuisine qui y est proposée une affirmation politique elle-même. Souvent, les cantines de luttes sont végétaliennes, notamment pour des questions pratiques (filière d'approvisionnement, modes de cuisson, de conservation) et économiques (les légumes et légumineuses sont moins chers que les produits d'origine animale).</p> <p>Mais il peut aussi s'agir de l'expression d'une véritable résistance à tous les systèmes de domination et d'exploitation quels qu'ils soient. La célèbre cantine des Schmurts (Marie et Pascal) entendait ainsi <em>«&nbsp;promouvoir le végétalisme&nbsp;»</em>. Sur le stand, des repas, mais aussi des livres sur la question, disponibles à prix libre. <em>«&nbsp;On avait une table d'infos sur les différentes luttes pour la cause animale, les antispécistes, des recettes, etc. (…).&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> Il·les pouvaient assurer jusqu'à 300 repas, distribués largement au-delà du cercle restreint des végétalien·nes donc. Et progressivement, grâce à des grossistes en légumes bios, leur cuisine est devenue 100&nbsp;% biologique.</p> <p>En Allemagne, ce sont aussi des pratiques plus écologiques que la cantine Retroduktion revendique. <em>«&nbsp;Le nom est une compilation de trois différents termes&nbsp;: rétro, reproduction et réduction. «&nbsp;Rétro&nbsp;» parce que nous aimons la nostalgie, nous utilisons du matériel ancien et nous appréhendons du savoir traditionnel, voulant le préserver ou le faire vivre à nouveau. «&nbsp;Reproduction&nbsp;» désigne aussi la réutilisation et le recyclage des matériaux anciens, mais aussi le fait de reproduire un repas délicieux à partir d'aliments prétendument périmés ou à jeter, et enfin la question centrale de la (re)production de structures et de circonstances qui se développent comme alternatives aux structures capitalistes et étatiques avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord. «&nbsp;Réduction&nbsp;» veut dire moins d'émissions, de déchets et plus de modération. Pas d'énergie fossile et moins de conséquences négatives pour la nature en général. Ne pas produire des surplus de nourriture mais utiliser déjà les surplus existants. Cuisine vegan parce que la nourriture animale consomme plus d'énergie et de ressources.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (3)</span></p> <p>A Dijon, le collectif Food Not Bombs récupérait de la nourriture jetée par les supermarchés pour la cuisiner et la distribuer gratuitement dans l'espace public.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>La question du financement</strong></span></p> <p>La question du prix est, elle aussi, éminemment politique. Pas facile toutefois de faire fonctionner une cuisine et une cantine gratuitement. Malgré les dons et la récupération de matériels et des denrées, malgré les squats de bâtiments ou l'occupation de terres, malgré le bénévolat, il faut tout de même acheter des aliments complémentaires, épices et condiments, payer le gaz ou l'électricité pour les cuissons, le carburant pour les distributions…<br />C'est la pratique du prix libre qui est la plus largement répandue sur les rassemblements en lien avec des luttes. Certain·es cantines font également le choix de prix fixes sur quelques rendez-vous festifs dans l'année (comme des festivals de musique, par exemple), afin de financer quelques achats ou de permettre la gratuité sur des événements plus militants.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Des outils de formation et de transmission des savoirs</span></strong></span></p> <p>Mais comment sont organisées ces cuisines et cantines&nbsp;? Elles sont de formidables expérimentations en matière d'auto-gestion. L'esprit et les valeurs sont définis collectivement. Dans la pratique, pas de chef·fe, mais des coordinateur·ices ou des référent·es pour chaque étape&nbsp;: la constitution des menus, l'approvisionnement, la préparation des repas, la distribution, le lien avec les organisateur·ices des manifestations… Parfois, un noyau dur est constitué auquel viennent s'ajouter des volontaires. Les équipes sont souvent à géométrie variable.</p> <p>Pour que ces expériences perdurent et essaiment, il est essentiel que des outils de formation et de transmission des savoirs soient créés. C'est ainsi que les Tabliers Volants, une association de cuisine militante et participative, ont créé «&nbsp;La commode des tabliers volants&nbsp;»&nbsp;: une rubrique de leur site Internet compile un ensemble de techniques. <em>«&nbsp;Elle est conçue pour que tout un chacun puisse s'approprier notre démarche. On y énumère aussi toutes les questions à se poser avant un événement&nbsp;: s'il y a des points d'eau, des évacuations, quelle est la capacité du réseau électrique, si une autorisation préfectorale est nécessaire pour le gaz, est-ce que l'évènement se déroule en extérieur, dans la rue&nbsp;? Bref, toutes les questions que nous, on se pose quand on commence à faire nos réunions en amont. On y trouve aussi des fiches de cuisine pour 500 personnes, qui précisent les quantités de légumineuses, de céréales, de pain, pour un repas (…). On enrichit la banque de données en fonction de nos recettes, de nos idées propres, et aussi grâce aux suggestions des gens avec qui on cuisine.&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span></p> <p>La création de fédérations est un autre moyen d'échanger sur ses pratiques et de se renforcer. A Rennes, le Cartel des Cantines regroupe des organisations qui se retrouvent autour des questions de nourriture dans les luttes&nbsp;; ensemble, elles ont constitué une <em>«&nbsp;batterie de campagne&nbsp;»</em>, stock de matériel mutualisé. Elles produisent des légumes collectivement lors de chantiers et les transforment dans leur atelier partagé.</p> <p>Dans le Finistère, un collectif s'est constitué autour de la cantine «&nbsp;Pas d'avenir sans Avenir&nbsp;» pour produire de la farine de blé noir.<br />Des boulangers ont monté l'Internationale Boulangère Mobile (IBM) qui échange notamment des plans pour fabriquer des fours à pain et à bois transportables partout.</p> <p>Toutes ces expériences prouvent que la création de cuisines et de cantines n'est pas l'affaire de professionnel·les. Elles sont des outils de liens et de luttes indispensables pour penser et vivre de manière plus autonome, et se réapproprier des questions aussi fondamentales que celles de l'alimentation en période de crise.<br />Chacun·e, dans son village, son quartier, sa rue, peut envisager de créer un groupe et de s'organiser pour faire vivre cette pratique.</p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.lombrics-utopiques.fr/decouvrir/">https://www.lombrics-utopiques.fr/decouvrir/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Les activités de la Cagette des Terres depuis septembre 2017&nbsp;: <a href="https://lacagettedesterres.wordpress.com/la-cagette/">https://lacagettedesterres.wordpress.com/la-cagette/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) «&nbsp;Cantines – précis d'organisation de cuisine collective&nbsp;» (autoédition – <a href="mailto:ail@riseup.net">ail@riseup.net</a>)</span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">A lire aussi</h3> </div> <ul> <li>L'article sur le site Internet «&nbsp;La Mule du Pape&nbsp;» intitulé «&nbsp;Les cantines populaires, atout indispensable au sein des luttes&nbsp;»&nbsp;: <a href="https://www.lamuledupape.com/2020/09/01/les-cantines-populaires-atout-indispensable-au-sein-des-luttes/">https://www.lamuledupape.com/2020/09/01/les-cantines-populaires-atout-indispensable-au-sein-des-luttes/</a></li> <li>L'article « A Marseille, un McDo devient un restaurant solidaire » : <a href="http://cqfd-journal.org/A-Marseille-un-McDo-devient">http://cqfd-journal.org/A-Marseille-un-McDo-devient</a></li> </ul> </div> <p><strong>Partout en France, plus ou moins formellement, des cuisines et des cantines autogérées fleurissent. Elles sont parfois éphémères, quelques fois mobiles puis sédentaires, ou s'ancrent durablement sur un territoire. Elles naissent d'un besoin d'alimenter… des ventres, mais surtout des liens, des luttes, des expériences…</strong></p> <p>Dans l'histoire des mouvements populaires en France, les Marmites d'Eugène Varlin ont marqué les esprits. Sous le blocus de Paris par les Prussiens en 1870 puis sous la Commune l'année suivante, elles assurèrent la distribution alimentaire auprès des organisations ouvrières et sur les barricades (<em>lire aussi la rubrique (Re)découvrir</em>).<br />Elles ont ainsi préfiguré ce que sont aujourd'hui les cuisines et cantines populaires autogérées&nbsp;: des outils d'organisation collective et de soutien à ceux et celles qui luttent, mais aussi une manière de se réapproprier la rue, et de créer un espace d'affirmation et de positionnement politique.<br />La plupart refusent d'être vues comme des collectifs caritatifs ou humanitaires&nbsp;: elles s'adressent à tou·tes, sans conditions.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Placer sa résistance dans les champs, les marmites et les assiettes</span><span style="font-size: 12pt;"><br /></span></strong></span></p> <p>Mais qu'est-ce qui fait naître une cuisine ou une cantine autogérée&nbsp;? Qu'est-ce qui motive un petit groupe de personnes à récupérer des denrées sur un marché, faire les poubelles ou acheter des légumes, pour préparer un repas et le distribuer à qui veut&nbsp;? Et tout ceci, bénévolement&nbsp;?<br />Cuisiner, c'est donner du temps aux autres&nbsp;: à ceux·lles qui ne savent pas, ne peuvent pas, n'en ont pas les moyens. C'est un partage entre celui ou celle qui offre et celui ou celle qui reçoit. Dans les luttes, c'est nourrir ceux·lles qui passent du temps à organiser et animer les occupations, les grèves, les manifestations. C'est placer sa résistance dans les champs, les marmites et les assiettes, dans une tranche de pain ou un curry de légumes.</p> <p>Installés dans la région nantaise, les Lombrics Utopiques <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> possèdent une cantine mobile qui peut ravitailler entre 200 à 400 personnes lors de blocages ou de manifestations.</p> <p>Créée par des zadistes et des paysan·nes de Notre-Dame-des-Landes, la Cagette des Terres distribue et anime des repas notamment sur des piquets de grève, lors d'actions étudiantes et ouvrières, des manifestations devant les tribunaux, des assemblées de Gilets jaunes, pour soutenir l'occupation de logements pour des migrant·es ou protester contre la réintoxication du monde… <span style="font-size: 8pt;">(2)</span></p> <p>A Rennes, une cantine autogérée faisait battre le cœur de la Maison de la Grève. En 2011, un premier bâtiment était squatté pour l'installer&nbsp;: <em>«&nbsp;Les cantines de grève étaient quasiment quotidiennes, parfois le midi et le soir, et brassaient alors beaucoup de monde, des jeunes et des vieux, des cheminots, des postiers, etc.&nbsp;»</em>, racontent quelques-un·es de ses membres dans l'ouvrage «&nbsp;Cantines&nbsp;» <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. En 2012, après l'expulsion, un second bâtiment est trouvé&nbsp;: <em>«&nbsp;La cantine s'est constituée dès le début comme le squelette de la Maison de la Grève, imposant un rythme, la distribution des espaces ou la priorité dans les travaux (…). De manière globale, les cantines sont restées notre principal mode d'organisation, quotidiennement comme dans la durée. On cale nos réunions après les repas, on s'y rancarde pour discuter autour d'un café ou pour diverses activités. C'est aussi un moment pour inviter des gens intéressés par ce qui se passe autour de la Maison de la Grève, des amis, de la famille, des personnes qu'on croise par hasard dans la rue, lors d'une fête ou d'une manif. C'est aussi qu'on aime manger ensemble, à nombreux, et sortir de nos débrouilles personnelles.&nbsp;»</em></p> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Produire des légumes pour fournir les cantines</span><br /></strong></span></p> <p>Pour fournir ces cantines, plusieurs possibilités&nbsp;: le glanage sur les marchés, des arrangements avec des producteurs ou l'autoproduction.</p> <p>C'est ainsi que Mika, sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, produit des légumes pour les luttes.<em> «&nbsp;Ça a commencé parce qu'on avait envie de le faire et surtout, la possibilité. La possibilité incroyable d'avoir des terres, avec une installation prise en charge, du soutien… Dans un cadre normal, c'est compliqué. Mais là, sur la ZAD, c'est devenu possible de cultiver des légumes, ou autre chose, sans installation officielle, sans payer des charges. Et pour nous, c'était normal, comme on était dans un cadre de lutte, et dans un cadre où on était soutenus, de soutenir à notre tour et fournir des cantines qui sont dans la lutte.&nbsp;»&nbsp;</em><span style="font-size: 8pt;">(3)</span> Il s'agit alors d' <em>«&nbsp;alimenter ce qui nous tient à cœur »</em>. Un hectare de légumes et quinze hectares de céréales y sont consacrés à l'époque de l'écriture du livre.</p> <p>Aux Lentillères, le quartier autogéré de Dijon, un terrain est occupé dans le but de produire collectivement des légumes et de nourrir différents projets. Plusieurs objectifs sont affichés&nbsp;: s'auto-alimenter&nbsp;; nourrir un cercle d'ami·es large qui sont dans les luttes&nbsp;; ouvrir les portes aux habitant·es du quartier notamment lors d'un marché à prix libre.</p> <p>Des liens avec des producteur·ices locaux·les sont aussi noués. Les équipes doivent saisir le cycle des saisons (anticiper à l'automne pour la programmation l'année suivante), réserver les produits à l'avance ou accepter de faire uniquement avec les surplus.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/arton6700.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1"><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/arton6700.jpg" alt="arton6700" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Se réapproprier l'espace public<br /></strong></span></p> <p>Plus largement, le projet des Lentillères s'est construit autour de la question de la réappropriation de l'espace public. Il s'agit de lutter contre la bétonisation, selon la méthode du «&nbsp;guerrilla gardening&nbsp;», un mouvement dans lequel des activistes occupent des endroits abandonnés, publics ou privés, et y mettent en place des récoltes, afin d'interpeller les pouvoirs publics sur leur utilisation. Ce situationnisme écologiste crée une biodiversité de proximité dans les villes, des espaces communautaires conviviaux et bouscule les limites de la propriété privée.</p> <p>A Paris, une fois par semaine, le collectif «&nbsp;Les mardis, c'est gratuit&nbsp;» installait des salles à manger en pleine rue ou sur des places, et organisait des dîners gratuits pour 60 à 80 personnes. <em>«&nbsp;La rue est à nous. Dès que nous pouvons, nous l'habitons&nbsp;»</em>, scandaient-il·les<span style="font-size: 8pt;"> (3)</span>. Dans le prolongement des tables et des chaises, une friperie et une bouquinerie étaient également installées.</p> <p>A Marseille en 2006, face aux militants fascistes qui distribuaient des soupes au porc, une poignée d'habitant·es ont organisé des contre-soupes végétaliennes.<em> «&nbsp;C'est lors d'un rendez-vous pour aller en découdre avec les fafs qui organisaient cette fameuse soupe qu'on s'est dit qu'à tous points de vue, c'était pas notre truc, la baston. Par contre, on ferait bien une soupe aux légumes qu'on servirait au centre-ville de Marseille, en réponse à la bêtise ambiante.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (3)</span></p> <p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">Une affirmation politique</span></strong></p> <p>L'espace public devient alors un espace d'affirmation politique et la cuisine qui y est proposée une affirmation politique elle-même. Souvent, les cantines de luttes sont végétaliennes, notamment pour des questions pratiques (filière d'approvisionnement, modes de cuisson, de conservation) et économiques (les légumes et légumineuses sont moins chers que les produits d'origine animale).</p> <p>Mais il peut aussi s'agir de l'expression d'une véritable résistance à tous les systèmes de domination et d'exploitation quels qu'ils soient. La célèbre cantine des Schmurts (Marie et Pascal) entendait ainsi <em>«&nbsp;promouvoir le végétalisme&nbsp;»</em>. Sur le stand, des repas, mais aussi des livres sur la question, disponibles à prix libre. <em>«&nbsp;On avait une table d'infos sur les différentes luttes pour la cause animale, les antispécistes, des recettes, etc. (…).&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span> Il·les pouvaient assurer jusqu'à 300 repas, distribués largement au-delà du cercle restreint des végétalien·nes donc. Et progressivement, grâce à des grossistes en légumes bios, leur cuisine est devenue 100&nbsp;% biologique.</p> <p>En Allemagne, ce sont aussi des pratiques plus écologiques que la cantine Retroduktion revendique. <em>«&nbsp;Le nom est une compilation de trois différents termes&nbsp;: rétro, reproduction et réduction. «&nbsp;Rétro&nbsp;» parce que nous aimons la nostalgie, nous utilisons du matériel ancien et nous appréhendons du savoir traditionnel, voulant le préserver ou le faire vivre à nouveau. «&nbsp;Reproduction&nbsp;» désigne aussi la réutilisation et le recyclage des matériaux anciens, mais aussi le fait de reproduire un repas délicieux à partir d'aliments prétendument périmés ou à jeter, et enfin la question centrale de la (re)production de structures et de circonstances qui se développent comme alternatives aux structures capitalistes et étatiques avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord. «&nbsp;Réduction&nbsp;» veut dire moins d'émissions, de déchets et plus de modération. Pas d'énergie fossile et moins de conséquences négatives pour la nature en général. Ne pas produire des surplus de nourriture mais utiliser déjà les surplus existants. Cuisine vegan parce que la nourriture animale consomme plus d'énergie et de ressources.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (3)</span></p> <p>A Dijon, le collectif Food Not Bombs récupérait de la nourriture jetée par les supermarchés pour la cuisiner et la distribuer gratuitement dans l'espace public.<br /><br /><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;"><strong>La question du financement</strong></span></p> <p>La question du prix est, elle aussi, éminemment politique. Pas facile toutefois de faire fonctionner une cuisine et une cantine gratuitement. Malgré les dons et la récupération de matériels et des denrées, malgré les squats de bâtiments ou l'occupation de terres, malgré le bénévolat, il faut tout de même acheter des aliments complémentaires, épices et condiments, payer le gaz ou l'électricité pour les cuissons, le carburant pour les distributions…<br />C'est la pratique du prix libre qui est la plus largement répandue sur les rassemblements en lien avec des luttes. Certain·es cantines font également le choix de prix fixes sur quelques rendez-vous festifs dans l'année (comme des festivals de musique, par exemple), afin de financer quelques achats ou de permettre la gratuité sur des événements plus militants.</p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Des outils de formation et de transmission des savoirs</span></strong></span></p> <p>Mais comment sont organisées ces cuisines et cantines&nbsp;? Elles sont de formidables expérimentations en matière d'auto-gestion. L'esprit et les valeurs sont définis collectivement. Dans la pratique, pas de chef·fe, mais des coordinateur·ices ou des référent·es pour chaque étape&nbsp;: la constitution des menus, l'approvisionnement, la préparation des repas, la distribution, le lien avec les organisateur·ices des manifestations… Parfois, un noyau dur est constitué auquel viennent s'ajouter des volontaires. Les équipes sont souvent à géométrie variable.</p> <p>Pour que ces expériences perdurent et essaiment, il est essentiel que des outils de formation et de transmission des savoirs soient créés. C'est ainsi que les Tabliers Volants, une association de cuisine militante et participative, ont créé «&nbsp;La commode des tabliers volants&nbsp;»&nbsp;: une rubrique de leur site Internet compile un ensemble de techniques. <em>«&nbsp;Elle est conçue pour que tout un chacun puisse s'approprier notre démarche. On y énumère aussi toutes les questions à se poser avant un événement&nbsp;: s'il y a des points d'eau, des évacuations, quelle est la capacité du réseau électrique, si une autorisation préfectorale est nécessaire pour le gaz, est-ce que l'évènement se déroule en extérieur, dans la rue&nbsp;? Bref, toutes les questions que nous, on se pose quand on commence à faire nos réunions en amont. On y trouve aussi des fiches de cuisine pour 500 personnes, qui précisent les quantités de légumineuses, de céréales, de pain, pour un repas (…). On enrichit la banque de données en fonction de nos recettes, de nos idées propres, et aussi grâce aux suggestions des gens avec qui on cuisine.&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span></p> <p>La création de fédérations est un autre moyen d'échanger sur ses pratiques et de se renforcer. A Rennes, le Cartel des Cantines regroupe des organisations qui se retrouvent autour des questions de nourriture dans les luttes&nbsp;; ensemble, elles ont constitué une <em>«&nbsp;batterie de campagne&nbsp;»</em>, stock de matériel mutualisé. Elles produisent des légumes collectivement lors de chantiers et les transforment dans leur atelier partagé.</p> <p>Dans le Finistère, un collectif s'est constitué autour de la cantine «&nbsp;Pas d'avenir sans Avenir&nbsp;» pour produire de la farine de blé noir.<br />Des boulangers ont monté l'Internationale Boulangère Mobile (IBM) qui échange notamment des plans pour fabriquer des fours à pain et à bois transportables partout.</p> <p>Toutes ces expériences prouvent que la création de cuisines et de cantines n'est pas l'affaire de professionnel·les. Elles sont des outils de liens et de luttes indispensables pour penser et vivre de manière plus autonome, et se réapproprier des questions aussi fondamentales que celles de l'alimentation en période de crise.<br />Chacun·e, dans son village, son quartier, sa rue, peut envisager de créer un groupe et de s'organiser pour faire vivre cette pratique.</p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.lombrics-utopiques.fr/decouvrir/">https://www.lombrics-utopiques.fr/decouvrir/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Les activités de la Cagette des Terres depuis septembre 2017&nbsp;: <a href="https://lacagettedesterres.wordpress.com/la-cagette/">https://lacagettedesterres.wordpress.com/la-cagette/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) «&nbsp;Cantines – précis d'organisation de cuisine collective&nbsp;» (autoédition – <a href="mailto:ail@riseup.net">ail@riseup.net</a>)</span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">A lire aussi</h3> </div> <ul> <li>L'article sur le site Internet «&nbsp;La Mule du Pape&nbsp;» intitulé «&nbsp;Les cantines populaires, atout indispensable au sein des luttes&nbsp;»&nbsp;: <a href="https://www.lamuledupape.com/2020/09/01/les-cantines-populaires-atout-indispensable-au-sein-des-luttes/">https://www.lamuledupape.com/2020/09/01/les-cantines-populaires-atout-indispensable-au-sein-des-luttes/</a></li> <li>L'article « A Marseille, un McDo devient un restaurant solidaire » : <a href="http://cqfd-journal.org/A-Marseille-un-McDo-devient">http://cqfd-journal.org/A-Marseille-un-McDo-devient</a></li> </ul> </div> La Marmite, une société civile d'alimentation 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/42alimentercequinoustientacoeur/662-lamarmiteunesocieteciviledalimentation Super User <p><strong><strong>Elles inspirent aujourd'hui nombre de cuisines et de cantines autogérées (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>)&nbsp;: les Marmites d'Eugène Varlin connurent un franc succès à la fin du XIXe siècle. L'association des Amies et Amis de la Commune de Paris-1871 a accepté que nous partagions ici un article sur cette expérience.</strong></strong></p> <p>La Marmite, restaurant coopératif illustre,&nbsp;fondé avant la Commune, est d’abord l'œuvre&nbsp;d’Eugène Varlin.</p> <p>Eugène Varlin naît en 1839 dans une famille d'ouvriers agricoles. Chez les Varlin, tant du côté paternel que maternel, on est de tradition républicaine.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/varlin2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Eugène Varlin (source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/varlin.jpg" alt="varlin" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>Le jeune Varlin quitte l'école à 13 ans et arrive à Paris en 1852 pour y faire son apprentissage dans la reliure. C'est en 1857 qu’il fait ses premières armes de militant. Nul n’aurait pu deviner que ce jeune homme calme allait s’affirmer comme un dirigeant ouvrier. Un policier avait d’ailleurs averti ses supérieurs en parlant de lui : <em>« Monsieur le Commissaire, je vous le signale particulièrement, c’est l’un des plus dangereux »</em>.</p> <p>Le vote de la loi du 25 mai 1864, sur les coalitions, est une brèche dans laquelle les ouvriers relieurs s’engouffrent. Ils demandent la journée de 10 heures (payée 11) au lieu de 12, une augmentation de 25 % pour les heures supplémentaires, l’abolition du travail de nuit. Des grèves sont organisées et les patrons accordent tout ou partie des demandes des grévistes. Mais, par la suite, ils vont dénoncer un à un les avantages concédés.</p> <p>Le 1er mai 1866, à l’initiative de Varlin, naît la « Société civile d’épargne et de crédit mutuel des ouvriers relieurs de Paris », complétée par un système d’assurance contre le chômage. Pour lui, <em>« outre le soutien aux grévistes et la dénonciation de la politique réactionnaire de l’Empire, il faut continuer à mettre en place d’autres moyens susceptibles de resserrer les liens quotidiens entre les travailleurs, d’élever leur niveau de conscience et de les préparer à prendre en main tous les aspects de la vie après la Révolution sociale <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> »</em>.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/Lemel.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Nathalie Le Mel (source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/Lemel.jpg" alt="Lemel" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">La fondation de La Marmite</span></strong></p> <p>Fin 1866, Eugène Varlin crée en quelques semaines une première société civile d’alimentation, La Ménagère. Pour lui, les coopératives ne constituent pas en soi un instrument suffisant d’émancipation des ouvriers, mais elles sont indispensables, car elles procurent une sérieuse économie au travailleur.</p> <p>En 1868, il lance l’idée d’un restaurant ouvrier, La Marmite. Entouré d’amis sûrs, les relieurs Léon Gouet, Juste Boullet, Alphonse Delacour, de la relieuse Nathalie Le Mel et des internationalistes Bourdon, Lagneau et son frère Louis, Eugène Varlin lance un appel pour l’assemblée générale de création, le 15 janvier 1868 :</p> <p><em>«&nbsp;AUX OUVRIERS ! AUX OUVRIÈRES !</em><br /><em>AUX CONSOMMATEURS !</em><br /><em>APPEL POUR LA FORMATION D’UNE CUISINE COOPÉRATIVE</em><br /><em>Depuis quelques années, les ouvriers ont fait de grands efforts pour obtenir l’augmentation de leurs salaires, espérant ainsi améliorer leur sort. Les spéculateurs prennent leur revanche et font payer cher les aspirations des travailleurs en produisant une hausse excessive sur tous les objets de première nécessité et particulièrement sur l’alimentation.</em><br /><em>Travailleurs, consommateurs, (…) l’association libre, en multipliant nos forces, nous permet de nous affranchir de ces parasites dont nous voyons chaque jour les fortunes s’élever aux dépens de notre bourse et souvent de notre santé… <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> »</em><br /><br />Les statuts précisent notamment :<br /><em>« TITRE I – Composition et but</em><br /><em>Art. 3 – La société a pour but de fournir au prix de revient, à tous les sociétaires, une nourriture saine et abondante à consommer sur place ou à emporter.</em><br /><em>TITRE II – Apport social et mode de versement</em><br /><em>Art. 8 – L’apport social de chaque sociétaire est fixé à la somme de cinquante francs.</em><br /><em>Art. 9 – L’apport social peut être versé immédiatement ou par fractions qui ne pourront être inférieures à cinquante centimes par semaine.</em><br /><em>TITRE VII – Admissions</em><br /><em>Art. 30 – Le conseil admet provisoirement toute personne s’engageant à remplir les conditions exigées par les statuts.</em><br /><em>Art. 31 – L’Assemblée générale se prononce définitivement sur l’admission un mois au moins après l’inscription. En cas de non-admission, les versements de l’adhérent lui sont remboursés intégralement, y compris le franc d’inscription.</em><br /><em>Quelques cotisations nous permettront facilement l’achat d’ustensiles de cuisine et la location d’un logement où quelques employés, travailleurs comme nous et nos associés nous prépareront une nourriture saine et abondante que nous pourrons, à notre gré, consommer dans notre établissement ou emporter chez nous <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>&nbsp;»</em>.</p> <p>Eugène Varlin crée, pour les associés de La Marmite, une Société de Crédit Mutuel ayant pour double objectif d’ouvrir à ses adhérents des crédits auprès des sociétés alimentaires et de garantir celles-ci contre les risques que leur feraient courir des débiteurs insolvables <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.</p> <p>C’est à Nathalie Le Mel que Varlin propose la direction de La Marmite, leurs deux signatures figurent côte à côte au bas du document de sa fondation. Nathalie tient la caisse et les comptes.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/APPEL_AUX_OUVRIERS_grand.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/APPEL_AUX_OUVRIERS_grand.jpg" alt="APPEL AUX OUVRIERS grand" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le succès de La Marmite</span></strong></span></p> <p>Installée à l’origine 34 rue Mazarine (6e), puis 8 rue Larrey (6e), La Marmite rencontre un grand succès et il faut rapidement ouvrir trois succursales autonomes : 40 rue des Blancs-Manteaux (4e), 42 rue du Château (14e), 20 rue Berzélius (17e).</p> <p>Dans les six premiers mois de l’année 1870, chacun des quatre établissements de La Marmite sert environ 200 convives par jour et réalise une recette de 200 francs en moyenne. Les frais généraux sont étroitement contrôlés et ne représentent pas plus de 10 %, tandis que les bénéfices nets dégagés sont de l’ordre de 12 %. Une douzaine de succursales avaient été envisagées entre la création du restaurant de la rue Berzélius et la déclaration de guerre. Il n’y aura pas de suite, compte tenu des événements.</p> <p>Toutefois, bien que la crise des subsistances liée au premier siège de Paris ait compliqué la tâche des administrateurs, La Ménagère et les quatre groupes de La Marmite continueront de fonctionner jusqu’à la chute de la Commune. Sans luxe, les Marmites étaient proprement tenues : des tables nettes, des chaises confortables, une saine odeur de bonne cuisine, des plats abondants et des additions modestes attiraient et retenaient la clientèle. Par ailleurs, moyennant une cotisation de 20 centimes par semaine, il était possible de lire six quotidiens et plusieurs hebdomadaires.</p> <p>Le succès des différents groupes de La Marmite est dû à la qualité des prestations offertes. C’est également un lieu d’échange et de débats, où règne une ambiance de convivialité, comme en témoigne Charles Keller :<br /><em>« On y prenait des repas modestes, mais bien accommodés, et la gaîté régnait autour des tables. Les convives étaient nombreux. Chacun allait chercher lui-même ses plats à la cuisine, et en inscrivait le prix sur la feuille de contrôle qu’il remettait avec son argent au camarade chargé de le recevoir.</em></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/carte_consommation_la_marmite.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/carte_consommation_la_marmite.jpg" alt="carte consommation la marmite" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br /><em>Généralement on ne s’attardait pas, et pour laisser la place à d’autres, on s’en allait après avoir satisfait son appétit.</em><br /><em>Parfois cependant, quelques camarades plus intimes prolongeaient la séance et l’on causait. On chantait aussi. Le beau baryton Alphonse Delacour nous disait du Pierre Dupont, le Chant des ouvriers, etc. La citoyenne Nathalie Le Mel ne chantait pas ; elle philosophait et résolvait les grands problèmes avec une simplicité et une facilité extraordinaires. Nous l’aimions tous… » </em><span style="font-size: 8pt;">(5)</span></p> <p>Le bon fonctionnement des Marmites repose sur des dévouements bénévoles. Voici un témoignage recueilli par Lucien Descaves au début du 20e siècle. :<br /><em>« Le personnel, le plus souvent des brocheuses, sans travail, ne recevait aucune rétribution, ce qui ne l’empêchait pas d’être le matin à la première heure aux Halles, pour acheter les provisions de la journée.</em><br /><em>Dans ce milieu régnait du reste un véritable esprit phalanstérien, on ne le raisonnait pas, mais on le pratiquait d’instinct » </em><span style="font-size: 8pt;">(6)</span><em>.</em></p> <p>Après la Commune, les proscrits n’avaient pas oublié les cuisines de Varlin. Ils songèrent à pallier leurs misères en ouvrant des Marmites.<br />Ainsi, à Londres, les exilés Elie May, La Cécilia et Constant Martin créent une Marmite Sociale dans un immeuble situé Ruppert Street. Les plus favorisés ayant trouvé une activité lucrative payaient pour ceux qui étaient sans travail. Avec quelques matelas, un dortoir avait été constitué au premier étage. L’accueil de cette Marmite était si fraternel que la maison, puis le quartier, devinrent en peu de temps l’asile de tous les réfugiés politiques à Londres <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>.</p> <p><strong>Françoise Bazire et Eric Lebouteiller</strong><br />&nbsp;<br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Eugène Varlin, «&nbsp;Pratique militante &amp; écrits d’un ouvrier communard&nbsp;», présenté par Paule Lejeune, Maspero, 1977, p. 34.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Ibid.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) «&nbsp;Les Révolutions du XIXe siècle&nbsp;», 4e série : 1852-1872, EDHIS, vol. 5, 1988.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Maurice Foulon, «&nbsp;Eugène Varlin&nbsp;», éd. Mont-Louis, 1934, p. 64.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Michel Cordillot, «&nbsp;Eugène Varlin, internationaliste et communard&nbsp;», Spartacus, 2016, p. 44.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(6) Ibid., p. 45.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(7) M. Foulon, op. cit., p. 65.</span></p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>Michel Pinglaut est un membre berrichon de l'association des Amies et Amis de la Commune de Paris-1871. Il apporte ici quelques compléments d'informations sur Eugène Varlin :</li> <li><strong>Eugène Varlin exemplaire.</strong> L'an dernier, dans le monde de l'édition, Eugène Varlin fut très présent.<br />Le n° 10 des Lettres&nbsp; françaises, d'octobre, en fait sa une. Prenons une citation de Jules Vallès, dans ce numéro : <em>« Varlin fut la personnalité la plus marquante de la Commune. Cela paraîtra étonnant à beaucoup qui n'ont guère entendu parler de lui. <em>»</em></em> Les Lettres Françaises présentaient, à cette occasion, le livre de Jacques Rougerie, spécialiste de la Commune, qui a fait don de son fonds d'archives et d'études aux Amies et Amis de la Commune-1871. Le titre :&nbsp;« Eugène Varlin. Aux origines du mouvement ouvrier » (250 pages, aux éditions Détour).<br />Le 5 novembre 2019, l'association Café repaire invitait, salle du Beffroi à Vierzon, Michèle Audin qui venait de sortir un ouvrage « Eugène Varlin, 1839-1871 », écrits recueillis par M. Audin, aux éditions Libertalia, qui font beaucoup pour sortir de l'oubli, communeuses et communeux. Excellente conférence.<br />Auparavant, sur le calendrier illustré des Amies et Amis de la Commune-1871, il faisait partie des 12 personnalités choisies. Son portrait, réalisé en céramique, par Morèje, illustrait le mois de septembre 2018.<br />Dans son Dictionnaire de la Commune, Bernard Noël, le poète, parmi les 800 articles, cite La Marmite, Nathalie Le Mel et Eugène Varlin, bien sûr.</li> <li><strong>Eugène Varlin, son idéal social et international.</strong> Bernard Noël énumère plusieurs engagements exemplaires.<br />Dès 1857, il avait participé à la fondation de secours mutuels des relieurs.<br />En 1864 et 65, il anima la grève des relieurs. En guise de reconnaissance, il reçut de ses&nbsp; camarades une montre en argent. Ce salaud de lieutenant Sicre qui l'arrêta, pendant la Semaine Sanglante, lui vola cette montre. <br />Fondation de la Société d'épargne et de crédit mutuel des ouvriers relieurs dont il fut élu président. Défenseur de l'égalité des sexes, il fit entrer Nathalie Le Mel au Conseil d'Administration.<br />Adhésion à l'A.I.T.(Association Internationale des Travailleurs). Au congrès de Genève (septembre 1866), il plaide pour le travail des femmes contre la majorité, qui voulait la femme au foyer.<br />Fondation de La Marmite. <br />Création de la Caisse du Sou en 1868 pour aider tous les grévistes.<br />Il est célèbre auprès des ouvriers pour sa bonté et sa générosité, son intelligence et sa scrupuleuse honnêteté.<br />Il s'occupa de pourvoir à l'alimentation des nécessiteux pendant l'hiver 1870.<br />Le 26 mars, il est élu dans les VIe, XIIe et XVIIIe arrondissements. Il choisira le VIe au Conseil de la Commune.<br />Nommé à la Commission des Finances, puis des subsistances.<br />Pendant la Semaine Sanglante, il dirigea la défense dans le VIe, puis dans le XIe. Il essaya vainement de s'opposer aux massacres des otages, rue Haxo.<br />Il fut courageux sur les dernières barricades.<br />Lissagaray racontera son calvaire et sa fin à Montmartre le 28 mai : <em>« Toute la vie de Varlin est un exemple. »</em></li> <li><strong>Blogs à consulter :</strong> commune1871.org (Amies et Amis de la Commune de Paris-1871)<br />Vaillantitude (Amies et Amis du Berry de la Commune de Paris-1871)<br />Gilblog (J.P. Gilbert, auteur du livre « Les communards du Cher »)<br />macommunedeparis.com (Michèle Audin, qui réussit brillamment à nous donner une chronique par jour). Fameux !</li> </ul> </div> <p></p> <p><strong><strong>Elles inspirent aujourd'hui nombre de cuisines et de cantines autogérées (<em>lire aussi la rubrique (Re)visiter</em>)&nbsp;: les Marmites d'Eugène Varlin connurent un franc succès à la fin du XIXe siècle. L'association des Amies et Amis de la Commune de Paris-1871 a accepté que nous partagions ici un article sur cette expérience.</strong></strong></p> <p>La Marmite, restaurant coopératif illustre,&nbsp;fondé avant la Commune, est d’abord l'œuvre&nbsp;d’Eugène Varlin.</p> <p>Eugène Varlin naît en 1839 dans une famille d'ouvriers agricoles. Chez les Varlin, tant du côté paternel que maternel, on est de tradition républicaine.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/varlin2.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Eugène Varlin (source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/varlin.jpg" alt="varlin" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p>Le jeune Varlin quitte l'école à 13 ans et arrive à Paris en 1852 pour y faire son apprentissage dans la reliure. C'est en 1857 qu’il fait ses premières armes de militant. Nul n’aurait pu deviner que ce jeune homme calme allait s’affirmer comme un dirigeant ouvrier. Un policier avait d’ailleurs averti ses supérieurs en parlant de lui : <em>« Monsieur le Commissaire, je vous le signale particulièrement, c’est l’un des plus dangereux »</em>.</p> <p>Le vote de la loi du 25 mai 1864, sur les coalitions, est une brèche dans laquelle les ouvriers relieurs s’engouffrent. Ils demandent la journée de 10 heures (payée 11) au lieu de 12, une augmentation de 25 % pour les heures supplémentaires, l’abolition du travail de nuit. Des grèves sont organisées et les patrons accordent tout ou partie des demandes des grévistes. Mais, par la suite, ils vont dénoncer un à un les avantages concédés.</p> <p>Le 1er mai 1866, à l’initiative de Varlin, naît la « Société civile d’épargne et de crédit mutuel des ouvriers relieurs de Paris », complétée par un système d’assurance contre le chômage. Pour lui, <em>« outre le soutien aux grévistes et la dénonciation de la politique réactionnaire de l’Empire, il faut continuer à mettre en place d’autres moyens susceptibles de resserrer les liens quotidiens entre les travailleurs, d’élever leur niveau de conscience et de les préparer à prendre en main tous les aspects de la vie après la Révolution sociale <span style="font-size: 8pt;">(1)</span> »</em>.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/Lemel.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Nathalie Le Mel (source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/Lemel.jpg" alt="Lemel" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><strong><span style="font-size: 14pt; color: #ff615d;">La fondation de La Marmite</span></strong></p> <p>Fin 1866, Eugène Varlin crée en quelques semaines une première société civile d’alimentation, La Ménagère. Pour lui, les coopératives ne constituent pas en soi un instrument suffisant d’émancipation des ouvriers, mais elles sont indispensables, car elles procurent une sérieuse économie au travailleur.</p> <p>En 1868, il lance l’idée d’un restaurant ouvrier, La Marmite. Entouré d’amis sûrs, les relieurs Léon Gouet, Juste Boullet, Alphonse Delacour, de la relieuse Nathalie Le Mel et des internationalistes Bourdon, Lagneau et son frère Louis, Eugène Varlin lance un appel pour l’assemblée générale de création, le 15 janvier 1868 :</p> <p><em>«&nbsp;AUX OUVRIERS ! AUX OUVRIÈRES !</em><br /><em>AUX CONSOMMATEURS !</em><br /><em>APPEL POUR LA FORMATION D’UNE CUISINE COOPÉRATIVE</em><br /><em>Depuis quelques années, les ouvriers ont fait de grands efforts pour obtenir l’augmentation de leurs salaires, espérant ainsi améliorer leur sort. Les spéculateurs prennent leur revanche et font payer cher les aspirations des travailleurs en produisant une hausse excessive sur tous les objets de première nécessité et particulièrement sur l’alimentation.</em><br /><em>Travailleurs, consommateurs, (…) l’association libre, en multipliant nos forces, nous permet de nous affranchir de ces parasites dont nous voyons chaque jour les fortunes s’élever aux dépens de notre bourse et souvent de notre santé… <span style="font-size: 8pt;">(2)</span> »</em><br /><br />Les statuts précisent notamment :<br /><em>« TITRE I – Composition et but</em><br /><em>Art. 3 – La société a pour but de fournir au prix de revient, à tous les sociétaires, une nourriture saine et abondante à consommer sur place ou à emporter.</em><br /><em>TITRE II – Apport social et mode de versement</em><br /><em>Art. 8 – L’apport social de chaque sociétaire est fixé à la somme de cinquante francs.</em><br /><em>Art. 9 – L’apport social peut être versé immédiatement ou par fractions qui ne pourront être inférieures à cinquante centimes par semaine.</em><br /><em>TITRE VII – Admissions</em><br /><em>Art. 30 – Le conseil admet provisoirement toute personne s’engageant à remplir les conditions exigées par les statuts.</em><br /><em>Art. 31 – L’Assemblée générale se prononce définitivement sur l’admission un mois au moins après l’inscription. En cas de non-admission, les versements de l’adhérent lui sont remboursés intégralement, y compris le franc d’inscription.</em><br /><em>Quelques cotisations nous permettront facilement l’achat d’ustensiles de cuisine et la location d’un logement où quelques employés, travailleurs comme nous et nos associés nous prépareront une nourriture saine et abondante que nous pourrons, à notre gré, consommer dans notre établissement ou emporter chez nous <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>&nbsp;»</em>.</p> <p>Eugène Varlin crée, pour les associés de La Marmite, une Société de Crédit Mutuel ayant pour double objectif d’ouvrir à ses adhérents des crédits auprès des sociétés alimentaires et de garantir celles-ci contre les risques que leur feraient courir des débiteurs insolvables <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>.</p> <p>C’est à Nathalie Le Mel que Varlin propose la direction de La Marmite, leurs deux signatures figurent côte à côte au bas du document de sa fondation. Nathalie tient la caisse et les comptes.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/APPEL_AUX_OUVRIERS_grand.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/APPEL_AUX_OUVRIERS_grand.jpg" alt="APPEL AUX OUVRIERS grand" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></p> <p><span style="color: #ff615d;"><strong><span style="font-size: 14pt;">Le succès de La Marmite</span></strong></span></p> <p>Installée à l’origine 34 rue Mazarine (6e), puis 8 rue Larrey (6e), La Marmite rencontre un grand succès et il faut rapidement ouvrir trois succursales autonomes : 40 rue des Blancs-Manteaux (4e), 42 rue du Château (14e), 20 rue Berzélius (17e).</p> <p>Dans les six premiers mois de l’année 1870, chacun des quatre établissements de La Marmite sert environ 200 convives par jour et réalise une recette de 200 francs en moyenne. Les frais généraux sont étroitement contrôlés et ne représentent pas plus de 10 %, tandis que les bénéfices nets dégagés sont de l’ordre de 12 %. Une douzaine de succursales avaient été envisagées entre la création du restaurant de la rue Berzélius et la déclaration de guerre. Il n’y aura pas de suite, compte tenu des événements.</p> <p>Toutefois, bien que la crise des subsistances liée au premier siège de Paris ait compliqué la tâche des administrateurs, La Ménagère et les quatre groupes de La Marmite continueront de fonctionner jusqu’à la chute de la Commune. Sans luxe, les Marmites étaient proprement tenues : des tables nettes, des chaises confortables, une saine odeur de bonne cuisine, des plats abondants et des additions modestes attiraient et retenaient la clientèle. Par ailleurs, moyennant une cotisation de 20 centimes par semaine, il était possible de lire six quotidiens et plusieurs hebdomadaires.</p> <p>Le succès des différents groupes de La Marmite est dû à la qualité des prestations offertes. C’est également un lieu d’échange et de débats, où règne une ambiance de convivialité, comme en témoigne Charles Keller :<br /><em>« On y prenait des repas modestes, mais bien accommodés, et la gaîté régnait autour des tables. Les convives étaient nombreux. Chacun allait chercher lui-même ses plats à la cuisine, et en inscrivait le prix sur la feuille de contrôle qu’il remettait avec son argent au camarade chargé de le recevoir.</em></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/carte_consommation_la_marmite.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Source : les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/carte_consommation_la_marmite.jpg" alt="carte consommation la marmite" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><br /><em>Généralement on ne s’attardait pas, et pour laisser la place à d’autres, on s’en allait après avoir satisfait son appétit.</em><br /><em>Parfois cependant, quelques camarades plus intimes prolongeaient la séance et l’on causait. On chantait aussi. Le beau baryton Alphonse Delacour nous disait du Pierre Dupont, le Chant des ouvriers, etc. La citoyenne Nathalie Le Mel ne chantait pas ; elle philosophait et résolvait les grands problèmes avec une simplicité et une facilité extraordinaires. Nous l’aimions tous… » </em><span style="font-size: 8pt;">(5)</span></p> <p>Le bon fonctionnement des Marmites repose sur des dévouements bénévoles. Voici un témoignage recueilli par Lucien Descaves au début du 20e siècle. :<br /><em>« Le personnel, le plus souvent des brocheuses, sans travail, ne recevait aucune rétribution, ce qui ne l’empêchait pas d’être le matin à la première heure aux Halles, pour acheter les provisions de la journée.</em><br /><em>Dans ce milieu régnait du reste un véritable esprit phalanstérien, on ne le raisonnait pas, mais on le pratiquait d’instinct » </em><span style="font-size: 8pt;">(6)</span><em>.</em></p> <p>Après la Commune, les proscrits n’avaient pas oublié les cuisines de Varlin. Ils songèrent à pallier leurs misères en ouvrant des Marmites.<br />Ainsi, à Londres, les exilés Elie May, La Cécilia et Constant Martin créent une Marmite Sociale dans un immeuble situé Ruppert Street. Les plus favorisés ayant trouvé une activité lucrative payaient pour ceux qui étaient sans travail. Avec quelques matelas, un dortoir avait été constitué au premier étage. L’accueil de cette Marmite était si fraternel que la maison, puis le quartier, devinrent en peu de temps l’asile de tous les réfugiés politiques à Londres <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>.</p> <p><strong>Françoise Bazire et Eric Lebouteiller</strong><br />&nbsp;<br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Eugène Varlin, «&nbsp;Pratique militante &amp; écrits d’un ouvrier communard&nbsp;», présenté par Paule Lejeune, Maspero, 1977, p. 34.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) Ibid.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) «&nbsp;Les Révolutions du XIXe siècle&nbsp;», 4e série : 1852-1872, EDHIS, vol. 5, 1988.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) Maurice Foulon, «&nbsp;Eugène Varlin&nbsp;», éd. Mont-Louis, 1934, p. 64.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) Michel Cordillot, «&nbsp;Eugène Varlin, internationaliste et communard&nbsp;», Spartacus, 2016, p. 44.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(6) Ibid., p. 45.</span><br /><span style="font-size: 8pt;">(7) M. Foulon, op. cit., p. 65.</span></p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>Michel Pinglaut est un membre berrichon de l'association des Amies et Amis de la Commune de Paris-1871. Il apporte ici quelques compléments d'informations sur Eugène Varlin :</li> <li><strong>Eugène Varlin exemplaire.</strong> L'an dernier, dans le monde de l'édition, Eugène Varlin fut très présent.<br />Le n° 10 des Lettres&nbsp; françaises, d'octobre, en fait sa une. Prenons une citation de Jules Vallès, dans ce numéro : <em>« Varlin fut la personnalité la plus marquante de la Commune. Cela paraîtra étonnant à beaucoup qui n'ont guère entendu parler de lui. <em>»</em></em> Les Lettres Françaises présentaient, à cette occasion, le livre de Jacques Rougerie, spécialiste de la Commune, qui a fait don de son fonds d'archives et d'études aux Amies et Amis de la Commune-1871. Le titre :&nbsp;« Eugène Varlin. Aux origines du mouvement ouvrier » (250 pages, aux éditions Détour).<br />Le 5 novembre 2019, l'association Café repaire invitait, salle du Beffroi à Vierzon, Michèle Audin qui venait de sortir un ouvrage « Eugène Varlin, 1839-1871 », écrits recueillis par M. Audin, aux éditions Libertalia, qui font beaucoup pour sortir de l'oubli, communeuses et communeux. Excellente conférence.<br />Auparavant, sur le calendrier illustré des Amies et Amis de la Commune-1871, il faisait partie des 12 personnalités choisies. Son portrait, réalisé en céramique, par Morèje, illustrait le mois de septembre 2018.<br />Dans son Dictionnaire de la Commune, Bernard Noël, le poète, parmi les 800 articles, cite La Marmite, Nathalie Le Mel et Eugène Varlin, bien sûr.</li> <li><strong>Eugène Varlin, son idéal social et international.</strong> Bernard Noël énumère plusieurs engagements exemplaires.<br />Dès 1857, il avait participé à la fondation de secours mutuels des relieurs.<br />En 1864 et 65, il anima la grève des relieurs. En guise de reconnaissance, il reçut de ses&nbsp; camarades une montre en argent. Ce salaud de lieutenant Sicre qui l'arrêta, pendant la Semaine Sanglante, lui vola cette montre. <br />Fondation de la Société d'épargne et de crédit mutuel des ouvriers relieurs dont il fut élu président. Défenseur de l'égalité des sexes, il fit entrer Nathalie Le Mel au Conseil d'Administration.<br />Adhésion à l'A.I.T.(Association Internationale des Travailleurs). Au congrès de Genève (septembre 1866), il plaide pour le travail des femmes contre la majorité, qui voulait la femme au foyer.<br />Fondation de La Marmite. <br />Création de la Caisse du Sou en 1868 pour aider tous les grévistes.<br />Il est célèbre auprès des ouvriers pour sa bonté et sa générosité, son intelligence et sa scrupuleuse honnêteté.<br />Il s'occupa de pourvoir à l'alimentation des nécessiteux pendant l'hiver 1870.<br />Le 26 mars, il est élu dans les VIe, XIIe et XVIIIe arrondissements. Il choisira le VIe au Conseil de la Commune.<br />Nommé à la Commission des Finances, puis des subsistances.<br />Pendant la Semaine Sanglante, il dirigea la défense dans le VIe, puis dans le XIe. Il essaya vainement de s'opposer aux massacres des otages, rue Haxo.<br />Il fut courageux sur les dernières barricades.<br />Lissagaray racontera son calvaire et sa fin à Montmartre le 28 mai : <em>« Toute la vie de Varlin est un exemple. »</em></li> <li><strong>Blogs à consulter :</strong> commune1871.org (Amies et Amis de la Commune de Paris-1871)<br />Vaillantitude (Amies et Amis du Berry de la Commune de Paris-1871)<br />Gilblog (J.P. Gilbert, auteur du livre « Les communards du Cher »)<br />macommunedeparis.com (Michèle Audin, qui réussit brillamment à nous donner une chronique par jour). Fameux !</li> </ul> </div> <p></p> Epicerie Générale ! 2017-03-21T12:54:42+01:00 2017-03-21T12:54:42+01:00 http://www.rebonds.net/42alimentercequinoustientacoeur/661-epiceriegenerale Super User <p style="text-align: right;"><em><strong>«&nbsp;Quand tu ne peux rien faire, que peux-tu faire&nbsp;?&nbsp;» Kôan zen.<br /></strong></em></p> <p><span style="font-size: 8pt;"><em>Article modifié le mardi 12 janvier 2021.</em></span></p> <p><span style="font-size: 18pt;">C</span>'est amusant. Lorsqu'on regarde le mot «&nbsp;solidarité&nbsp;» dans le dictionnaire <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, on lit d'abord&nbsp;: <em>«&nbsp;Dépendance mutuelle entre les hommes&nbsp;»</em> et tout de suite après, pour illustrer cette définition, un exemple&nbsp;: <em>«&nbsp;Solidarité ministérielle&nbsp;: principe voulant que chacun des ministres soit responsable devant le Parlement des décisions prises collégialement par le gouvernement dont il fait partie.&nbsp;»</em><br />Diantre&nbsp;! (comme dirait sûrement le Président Macron, au vocabulaire proche de Pierre Perret) Mais qu'est-ce qui a pris au rédacteur de cet article de choisir un tel exemple&nbsp;?!</p> <p>Je saisis souvent mon dictionnaire avant d'écrire. Il me surprend parfois, me fait sourire régulièrement, m'agace souvent <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Si je l'ai consulté aujourd'hui, c'est parce que les propos de Lucie, l'une des témoins de notre sujet, m'ont interpellée. Comment aurais-je pu deviner que mon dictionnaire serait si taquin&nbsp;?</p> <p>Dès le premier confinement, Lucie a contribué au réseau Covid-Entraide <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, dont l'un des objectifs était de rendre visibles des actions de solidarité organisées de manière auto-gérée à travers toute la France. Elle précise&nbsp;: <em>«&nbsp;L'idée de solidarité en contre-imaginaire politique par rapport au message de Macron. Tu sais, le «&nbsp;Soyez solidaires, restez chez vous&nbsp;!&nbsp;» Dans sa bouche, il y a quelque chose comme&nbsp;: «&nbsp;c'est parce qu'on est gentil qu'on va aider les autres&nbsp;». Alors que nous, on cherche à instituer la solidarité.&nbsp;»</em></p> <p><em>«&nbsp;Instituer&nbsp;: établir quelque chose de nouveau&nbsp;; fonder, instaurer&nbsp;»</em>, proclame mon dictionnaire.<br />Etablir de nouvelles formes de solidarité, qui dépassent les simples coups de main censés pallier les défaillances de nos vieilles institutions. Créer de nouveaux outils qui soient de vraies réponses à de vrais besoins. Faire en sorte qu'ils soient durables, rejoignables, appropriables par tou·tes.<br />C'est le défi que l'équipe de la Maison des Vies Locales de Morogues a décidé de relever depuis le premier confinement. Son arme&nbsp;: l'Epicerie Générale&nbsp;!</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Une volonté d'auto-gestion collective</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_____________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>La Maison des Vies Locales (MDVL) est une association créée en 2017, dans le village de Morogues, à trente kilomètres au nord-est de Bourges. Elle y gère «&nbsp;Au Grès des Ouches&nbsp;», un restaurant repris et transformé en tiers-lieu <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Mon dictionnaire, qui date de 2007, ignore ce terme. Il préfère «&nbsp;tiers provisionnel&nbsp;», «&nbsp;tiers payant&nbsp;», «&nbsp;tiers état&nbsp;», «&nbsp;tiers-monde&nbsp;»…<br />Le tiers-lieu est un concept formalisé à la fin des années 1980, qui désigne un espace où les frontières habituelles entre certains environnements sociaux tendent à disparaître. Quelle que soit leur «&nbsp;position&nbsp;» (bénévoles, salarié·es), les usagè·res d'un tiers-lieu partagent ressources, compétences et savoirs dans une volonté d'auto-gestion collective des activités et des espaces.<br />Il s'agit bien d'aller au-delà d'une association classique où un bureau décide et où des adhérent·es «&nbsp;bénéficient&nbsp;», au mieux «&nbsp;participent&nbsp;». Il s'agit de rendre chacun·e pleinement contributeur·ice. Le mode de gouvernance et la manière d'animer le lieu questionnent la valeur de l'engagement et du travail, les rapports sociaux, la transmission des connaissances et des savoir-faire...<br />Au Grès des Ouches, le bar, le restaurant, l'espace de co-working, l'espace public numérique ou encore le programme d'animations ont été imaginés dans cet esprit.</p> <p>La création de l'Epicerie Générale, dernier service en date, ne déroge pas à la règle. Au contraire. Après deux ans de fonctionnement, Au Grès des Ouches a trouvé là une nouvelle manière de réaffirmer des valeurs qui lui sont chères et de les faire vivre concrètement.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________</span></strong></p> <h3>Un appel aux volontaires</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p><em>«&nbsp;Le nom est une référence au magasin général, ce commerce de proximité qui existait autrefois dans tous les villages <span style="font-size: 8pt;">(5)</span></em>, explique Loul, coordinatrice du Grès des Ouches. <em>C'est aussi pour faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une épicerie d'appoint. Nous avons plus de 200 références.&nbsp;»</em><br />S'il existait déjà quelques produits de dépannage près du bar, c'est bien durant le premier confinement que le service d'épicerie a réellement vu le jour grâce aux adhérent·es, accompagné·es par deux salarié·es, Loul et Bastien.<em> «&nbsp;Le projet était dans les cartons mais il était prévu pour décembre 2020. Finalement, on l'a monté en mars et en quinze jours&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'Epicerie Générale est le seul commerce alentour à fournir autant de produits en vrac (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_1.JPG" alt="épicerie générale 1" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></em></p> <p>Pourquoi accélérer ainsi&nbsp;? <em>«&nbsp;Pour répondre aux besoins. Le maire de Morogues, notamment, a demandé que l'épicerie reste ouverte.&nbsp;»</em> Le lundi précédant le confinement, le conseil d'administration se réunit et accepte&nbsp;: l'épicerie sera non seulement maintenue mais aussi développée. Un appel est lancé aux adhérent·es et un communiqué de presse est diffusé pour attirer des volontaires. <em>«&nbsp;Nous avons reçu beaucoup de réponses, ça m'a supris et vraiment touché&nbsp;»</em>, se souvient Loul.<br />Au total, une vingtaine de personnes se mobilisent pour créer des outils d'organisation, coordonner les différents groupes, prendre les commandes des client·es, les passer auprès des fournisseurs, réceptionner les livraisons, préparer les paniers, assurer la distribution…<span style="font-size: 8pt;"> <br /></span></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p> <h3>Une quarantaine de foyers fournis</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________</strong></span></p> <p>Abel était installé dans la région depuis cinq mois seulement lorsqu'il a intégré cette équipe. Habitant à Aubinges, il avait déjà assisté à quelques réunions sur le tiers-lieu mais n'y participait pas encore activement.<br />Il a mis ses compétences en informatique au profit de l'Epicerie Générale&nbsp;: lancement d'une page web pour recenser les volontaires et d'un portail numérique pour que chaque participant·e ait une vision globale du projet&nbsp;: qui faisait quoi&nbsp;? Selon quel calendrier&nbsp;? Une messagerie instantanée a permis à toute l'équipe de communiquer à distance.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/distribution.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La distribution des paniers durant le premier confinement (Photo : Pablo)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/distribution.jpeg" alt="distribution" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em><br />Pour le public, un site Internet avec les horaires d'ouverture de la permanence téléphonique, un catalogue des produits et un appel à dons a été créé, ainsi qu'un bulletin d'informations «&nbsp;papier&nbsp;».<br />A partir du mardi 17 mars, toutes les réunions ont dû se faire par visio-conférence. La prise des commandes était assurée par téléphone.</p> <p>En revanche, l'équipe avait une autorisation pour réceptionner les colis, préparer les paniers et les distribuer au Grès des Ouches. <em>«&nbsp;L'accès était limité à deux ou trois adhérent·es, avec les masques et les gants</em>, précise Loul.<em> Les client·es n'entraient pas. La distribution avait lieu dans la cour.&nbsp;»</em> Des livraisons étaient organisées pour ceux·lles qui ne pouvaient se déplacer.<br />Une quarantaine de foyers ont ainsi profité de l'Epicerie Générale durant près de deux mois. <em>«&nbsp;Il s'agissait surtout de gens de Morogues, Henrichemont, Parassy, Le Noyer...&nbsp;»</em> Progressivement, après le déconfinement, les commandes ont cessé, les client·es revenant alors physiquement.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></strong></p> <h3>«&nbsp;Un gros coup de boost&nbsp;»</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________</strong></span></p> <p>Qu'est-ce que cette expérience a apporté au projet&nbsp;? <em>«&nbsp;Un lien s'est créé entre les adhérent·es qui se disaient&nbsp;: on est dans la même galère, on se solutionne ensemble,</em> répond Loul. <em>Entre les client·es aussi&nbsp;: lorsqu'il·les attendaient en file indienne, il·les se parlaient&nbsp;: certaines mamans n'en pouvaient plus d'être à la maison avec leurs enfants&nbsp;; on a commencé à prêter des jeux, des livres...&nbsp;»</em> Et du côté de la trésorerie, un impact positif&nbsp;? <em>«&nbsp;Non, pas vraiment. Le bar et le restaurant sont restés fermés et notre marge sur l'épicerie est tellement faible...&nbsp;En revanche, ça nous a permis de communiquer différemment sur le lieu et de prouver que justement, nous n'étions pas un simple bar-restaurant.&nbsp;»</em></p> <p>Pour Abel, la participation à l'Epicerie Générale a été un <em>«&nbsp;gros coup de boost sur [s]a manière de [s']investir et de [se] percevoir dans le projet du Grès des Ouches&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Après le confinement, j'ai eu un sentiment d'appropriation du lieu. Faire des choses concrètes avec les gens permet tout simplement de mieux se connaître.&nbsp;»</em> Il a rejoint le conseil d'administration en tant que membre adhérent et, durant tout l'été, a assuré des créneaux au bar et au ménage. Avant le deuxième confinement, il s'occupait de l'accueil des nouveaux adhérent·es.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Des outils de formalisation indispensables</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________________</strong></span></p> <p>Pablo et Lucie sont aussi membres adhérent·es au conseil d'administration et ont aussi participé à la création de l'Epicerie Générale. Pablo a animé des réunions de coordination des groupes&nbsp;; Lucie a assuré des permanences téléphoniques et établi des fiches de postes pour chaque participant·e.</p> <p>Pour elle, la question de la formalisation est centrale&nbsp;:<em> «&nbsp;Comment faire en sorte de ne pas faire pour les gens mais surtout avec&nbsp;? Il faut rendre le projet rejoignable. Cela suppose un vrai apprentissage de formalisation.&nbsp;»</em> Dans sa définition de la solidarité, la formalisation est essentielle&nbsp;: c'est elle qui permet de dépasser le simple cercle affinitaire, d'un petit groupe de personnes qui s'organiseraient pour «&nbsp;venir en aide&nbsp;» à ceux·lles qui en ont besoin. Elle assure que tout·e à chacun·e peut s'approprier les outils nouvellement créés, dans le but d'instituer une véritable solidarité.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/permanence_tel.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Permanence téléphonique pour Lucie lors du premier confinement (Photo : Pablo)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/permanence_tel.jpeg" alt="permanence tel" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p> <p>Plus personnellement, elle a vécu sa participation comme <em>«&nbsp;l'occasion de porter le projet de la Maison des Vies Locales&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;C'est dans les moments les plus complexes qu'il ne faut pas rater le coche. C'est un moyen de prendre acte de la situation et de placer la Maison des Vies Locales comme un outil mobilisable en période de crise.&nbsp;»</em><br />Pour Pablo, l'expérience a permis <em>«&nbsp;de travailler davantage en collectif et de manière plus intense&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Nous sommes parvenus à une organisation horizontale avec des sous-groupes et une coordination&nbsp;; ça a bien fonctionné. Une personne référente devait former au moins une autre personne pour travailler en binôme. Ce passage de relais est un bon outil d'auto-gestion.&nbsp;»</em></p> <p>Est-ce que tout ce qui a été expérimenté a pu être conservé&nbsp;? <em>«&nbsp;Il y a peut-être eu un tabula rasa pendant les deux confinements,</em> avance Lucie. <em>Je le comprends&nbsp;: les adhérent·es avaient du temps, ce n'était sans doute pas viable de se mobiliser autant sur la durée. Mais&nbsp;l'épicerie fonctionne désormais de manière permanente en tant que service. C'est positif du point de vue de l'auto-formation et de la diffusion des idées.&nbsp;»</em> <em>«&nbsp;Et on a pu reprendre les outils de formalisation dans le processus d'accueil des nouveaux adhérent·es&nbsp;»</em>, complète Pablo.</p> <p>Thésard·es, investi·es dans d'autres projets collectifs, il·les n'ont pas souhaité reprendre du service dans l'épicerie. Mais, à l'heure du deuxième confinement, une dizaine de personnes ont répondu à nouveau à l'appel.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Ecarter les grands groupes de distribution</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________________</strong></span></p> <p><em>«&nbsp;Cette fois, l'organisation est plus légère, plus souple&nbsp;»</em>, reconnaît Loul. En effet, l'épicerie peut accueillir les client·es sur place : plus de commandes mais des achats directs, donc. La salle de restauration a été réaménagée pour l'occasion avec une nouvelle entrée.<br /><em>«&nbsp;L'Epicerie Générale est ouverte les lundis et jeudis de 9 heures à 14 heures, et le vendredi de 9 heures à 14 heures et de 18 heures à 19 h 45. Et ce, sans doute jusqu'au 1er mars, au moment où nous passerons aux horaires de printemps.&nbsp;»</em><br />Loul constate que de nouveaux·lles client·es sont apparu·es. <em>«&nbsp;Certain·es sont des habitant·es du village qui imaginaient que le lieu était toujours un resto. Il·les poussent la porte de l'épicerie, il·les voient que le lieu est inhabituel, alors il·les posent des questions sur le projet et comprennent mieux ce que nous faisons.&nbsp;»</em></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_8.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Un soir de vente pendant le deuxième confinement (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_8.JPG" alt="épicerie générale 8" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p> <p>Dans l'équipe du deuxième confinement, Catherine, qui habite La Borne et Régine, qui habite Aubinges. Habituellement, Catherine vient souvent dépanner lorsqu'il manque des adhérent·es aux différents postes&nbsp;; Régine aide au bar et au nettoyage de la cuisine.<br />A l'Epicerie Générale, elles s'occupent du service au public et de l'encaissement. Qu'est-ce qui leur plaît dans ce projet&nbsp;? <em>«&nbsp;L'ambiance et les rencontres&nbsp;»</em>, pour Régine ; <em>« la convivialité&nbsp;»</em>, pour Catherine. Parmi les difficultés qu'elles pointent, un manque de coordination et de communication pour l'organisation des tâches. Néanmoins, leur participation est un véritable engagement&nbsp;: ainsi, pour Régine, il s'agit <em>«&nbsp;d'écarter le plus possible les grands groupes de distribution et dynamiser les petits villages&nbsp;».</em></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________________</span></strong></p> <h3>«&nbsp;Qu'elle soit accessible au plus grand nombre&nbsp;»</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________________________</strong></span></p> <p>Sur les tables, des légumes et des fruits&nbsp;; sur les étagères, des conserves, des produits salés ou sucrés, des boissons, des produits d'hygiène&nbsp;et d'entretien ; un rayon «&nbsp;vrac&nbsp;» pour le sec comme le riz, les pâtes, les légumineuses&nbsp;; une armoire réfrigérée pour les produits laitiers… Tout sauf de la viande et du poisson.</p> <p>Mais où se fournit l'Epicerie Générale&nbsp;? Auprès de producteur·ices locaux·les, mais aussi de grossistes tels que Biocoop et Métro.<br />Deux gammes de produits co-existent&nbsp;: «&nbsp;éco&nbsp;» et «&nbsp;top&nbsp;». <em>«&nbsp;Les «&nbsp;top&nbsp;» sont des produits pour lesquels il y a un bon rapport entre l'éthique (bio, local, écolabel) et le prix,</em> explique Chiara, adhérente et membre de la commission approvisionnement. <em>Il y a encore beaucoup de produits en «&nbsp;éco&nbsp;» quand on ne trouve pas d'alternative&nbsp;; on n'arrive pas toujours à trouver des fournisseurs qui répondent à tous les critères. Et puis, on ne veut pas que le public se sente jugé. On a plutôt envie de travailler avec des personnes qui vivent sur notre territoire et toutes n'achètent pas bio.&nbsp;»</em></p> <p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_4.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Environ 200 références sont disponibles aujourd'hui (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_4.JPG" alt="épicerie générale 4" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></em></p> <p>Pour elle, l'essentiel est surtout de se questionner. <em>«&nbsp;J'ai rejoint la commission parce que j'ai envie que les produits soient une réelle réponse à des besoins. Qu'ils soient au maximum des produits locaux et en vrac. Je partage l'idée de base de l'épicerie&nbsp;: qu'elle soit accessible au plus grand nombre. Mais il faut aussi se soucier de ce qu'on mange et du lieu où les produits sont fabriqués. Il s'agit de transmettre petit à petit une certaine culture.&nbsp;»</em></p> <p>Actuellement, elle se forme aux outils mis en place avant son arrivée, notamment le logiciel pour maîtriser le processus des commandes, les livraisons et les ventes. Elle devra ensuite former les autres adhérent·es.<br />Pour connaître les besoins des client·es, elle a mis en place un tableau sur lequel chacun·e peut inscrire des idées de produits. Au bout de cinq demandes identiques, la commission s'engage à les fournir.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________</span></strong></p> <h3>Gagner en pouvoir de non-achat&nbsp;!</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________________</strong></span></p> <p>Autre travail de la commission&nbsp;: établir les prix. A l'Epicerie Générale comme dans n'importe quel commerce, on cherche à atteindre au moins un équilibre. Mais ici, les bénéfices ne servent pas un intérêt particulier. Le but est d'auto-financer des projets collectifs.<br />Pour cela, deux tarifs co-existent&nbsp;: un tarif client·e (qui couvre le prix d'achat, le prix de revient, les salaires et la TVA) et un tarif adhérent·e (qui couvre le prix d'achat, le prix de revient et une cotisation&nbsp;«&nbsp;autonomie&nbsp;») réservé à ceux·lles qui font vivre le projet. La cotisation «&nbsp;autonomie&nbsp;» de 10&nbsp;% prélevée sur le tarif adhérent·e a pour but de financer des projets collectifs. Dans un livret destiné à expliquer ce choix éminemment politique, l'équipe de la Maison des Vies Locales explique&nbsp;: <em>«&nbsp;Notre objectif n'est pas de gagner du pouvoir d'achat en supprimant des intermédiaires, mais d'accroître nos possibilités d'approvisionnement par d'autres moyens que le commerce. Les sommes que nous cotisons alimentent une caisse gérée par une commission aidant à la création de moyens de production communs. La cotisation autonomie, c'est pour gagner collectivement en pouvoir de non-achat&nbsp;! Une partie de la cotisation autonomie est consacrée à financer des structures de production.&nbsp;»</em></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_10.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Chiara Scordato."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_10.jpg" alt="épicerie générale 10" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p> <p>Une position pas toujours facile à faire comprendre, aux client·es de passage comme à certain·es adhérent·es. <em>«&nbsp;L'Epicerie Générale est un croisement entre différentes approches qui viennent se «&nbsp;frictionner&nbsp;»</em>, sourit Abel. <em>La question du choix du prix cristallise des postures. Pour certain·es adhérent·es, l'épicerie est un outil transitoire pour faire de l'argent collectivement et financer ce dont on a besoin pour être plus autonomes. Pour d'autres, c'est juste un lieu de consommation «&nbsp;alternatif&nbsp;». Tout le monde n'est pas là pour les mêmes raisons, ce qui est très intéressant, je trouve. C'est parce qu'on n'est pas dans l'entre-soi que ces questions se posent. C'est une preuve de pertinence plus qu'un sujet de dispute.&nbsp;»</em></p> <p>L'Epicerie Générale n'est donc pas une épicerie comme les autres. Certes, elle est un véritable commerce de proximité, qui nourrit les habitant·es et les liens qu'il·les font naître entre eux·lles. Mais elle voit plus loin. Elle contribue à un projet d'autonomisation, véritable réponse à l'appel de la solidarité..</p> <p style="text-align: left;"><strong>Fanny Lancelin</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Le Petit Larousse Illustré, édition 2007.<br />(2) Lire aussi le numéro 39 de (Re)bonds, «&nbsp;A la ville comme à la campagne&nbsp;?&nbsp;»&nbsp;: <a href="http://www.rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges">http://rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges</a><br />(3) <a href="https://covid-entraide.fr/">https://covid-entraide.fr/</a><br />(4) Lire aussi le numéro 16 de (Re)bonds, «&nbsp;Des cafés et des restaurants à la sauce associative&nbsp;»&nbsp;: <a href="http://www.rebonds.net/descafesetrestaurantsalasauceassociative/440-augresdesouches">http://rebonds.net/descafesetrestaurantsalasauceassociative/440-augresdesouches</a><br />(5) Lire aussi la rubrique (Ré)créations.</span></p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>L'Epicerie Générale n'est pas le seul service de la Maison des Vies Locales qui reste accessible durant le confinement.</li> <li><strong>L'Espace Public Numérique (EPN)&nbsp;:</strong> c'est un lieu équipé qui permet d'accéder à Internet et à des outils multimédias en bénéficiant d'un accompagnement. Une permanence d'entraide avec un animateur est assurée tous les jeudis de 9 h à 12 h.</li> <li><strong>L'espace de co-working&nbsp;:</strong> le télétravail est encouragé mais les équipements à domicile ne sont pas toujours adaptés. Au Grès des Ouches, un espace de travail partagé est équipé de bureaux, d'un accès Internet et d'imprimantes. Chacun·e est invité·e à venir avec son ordinateur. Un accueil est assuré le jeudi matin de 9 h à 12 h et sur rendez-vous.</li> <li><strong>A emporter :</strong> les jeudis midis, possibilité de retirer son burger sur place à condition d'avoir commandé par téléphone au préalable.</li> <li>Contact&nbsp;: 02.48.64.04.75.</li> </ul> </div> <p style="text-align: right;"><em><strong>«&nbsp;Quand tu ne peux rien faire, que peux-tu faire&nbsp;?&nbsp;» Kôan zen.<br /></strong></em></p> <p><span style="font-size: 8pt;"><em>Article modifié le mardi 12 janvier 2021.</em></span></p> <p><span style="font-size: 18pt;">C</span>'est amusant. Lorsqu'on regarde le mot «&nbsp;solidarité&nbsp;» dans le dictionnaire <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>, on lit d'abord&nbsp;: <em>«&nbsp;Dépendance mutuelle entre les hommes&nbsp;»</em> et tout de suite après, pour illustrer cette définition, un exemple&nbsp;: <em>«&nbsp;Solidarité ministérielle&nbsp;: principe voulant que chacun des ministres soit responsable devant le Parlement des décisions prises collégialement par le gouvernement dont il fait partie.&nbsp;»</em><br />Diantre&nbsp;! (comme dirait sûrement le Président Macron, au vocabulaire proche de Pierre Perret) Mais qu'est-ce qui a pris au rédacteur de cet article de choisir un tel exemple&nbsp;?!</p> <p>Je saisis souvent mon dictionnaire avant d'écrire. Il me surprend parfois, me fait sourire régulièrement, m'agace souvent <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Si je l'ai consulté aujourd'hui, c'est parce que les propos de Lucie, l'une des témoins de notre sujet, m'ont interpellée. Comment aurais-je pu deviner que mon dictionnaire serait si taquin&nbsp;?</p> <p>Dès le premier confinement, Lucie a contribué au réseau Covid-Entraide <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>, dont l'un des objectifs était de rendre visibles des actions de solidarité organisées de manière auto-gérée à travers toute la France. Elle précise&nbsp;: <em>«&nbsp;L'idée de solidarité en contre-imaginaire politique par rapport au message de Macron. Tu sais, le «&nbsp;Soyez solidaires, restez chez vous&nbsp;!&nbsp;» Dans sa bouche, il y a quelque chose comme&nbsp;: «&nbsp;c'est parce qu'on est gentil qu'on va aider les autres&nbsp;». Alors que nous, on cherche à instituer la solidarité.&nbsp;»</em></p> <p><em>«&nbsp;Instituer&nbsp;: établir quelque chose de nouveau&nbsp;; fonder, instaurer&nbsp;»</em>, proclame mon dictionnaire.<br />Etablir de nouvelles formes de solidarité, qui dépassent les simples coups de main censés pallier les défaillances de nos vieilles institutions. Créer de nouveaux outils qui soient de vraies réponses à de vrais besoins. Faire en sorte qu'ils soient durables, rejoignables, appropriables par tou·tes.<br />C'est le défi que l'équipe de la Maison des Vies Locales de Morogues a décidé de relever depuis le premier confinement. Son arme&nbsp;: l'Epicerie Générale&nbsp;!</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Une volonté d'auto-gestion collective</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_____________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>La Maison des Vies Locales (MDVL) est une association créée en 2017, dans le village de Morogues, à trente kilomètres au nord-est de Bourges. Elle y gère «&nbsp;Au Grès des Ouches&nbsp;», un restaurant repris et transformé en tiers-lieu <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Mon dictionnaire, qui date de 2007, ignore ce terme. Il préfère «&nbsp;tiers provisionnel&nbsp;», «&nbsp;tiers payant&nbsp;», «&nbsp;tiers état&nbsp;», «&nbsp;tiers-monde&nbsp;»…<br />Le tiers-lieu est un concept formalisé à la fin des années 1980, qui désigne un espace où les frontières habituelles entre certains environnements sociaux tendent à disparaître. Quelle que soit leur «&nbsp;position&nbsp;» (bénévoles, salarié·es), les usagè·res d'un tiers-lieu partagent ressources, compétences et savoirs dans une volonté d'auto-gestion collective des activités et des espaces.<br />Il s'agit bien d'aller au-delà d'une association classique où un bureau décide et où des adhérent·es «&nbsp;bénéficient&nbsp;», au mieux «&nbsp;participent&nbsp;». Il s'agit de rendre chacun·e pleinement contributeur·ice. Le mode de gouvernance et la manière d'animer le lieu questionnent la valeur de l'engagement et du travail, les rapports sociaux, la transmission des connaissances et des savoir-faire...<br />Au Grès des Ouches, le bar, le restaurant, l'espace de co-working, l'espace public numérique ou encore le programme d'animations ont été imaginés dans cet esprit.</p> <p>La création de l'Epicerie Générale, dernier service en date, ne déroge pas à la règle. Au contraire. Après deux ans de fonctionnement, Au Grès des Ouches a trouvé là une nouvelle manière de réaffirmer des valeurs qui lui sont chères et de les faire vivre concrètement.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________</span></strong></p> <h3>Un appel aux volontaires</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p><em>«&nbsp;Le nom est une référence au magasin général, ce commerce de proximité qui existait autrefois dans tous les villages <span style="font-size: 8pt;">(5)</span></em>, explique Loul, coordinatrice du Grès des Ouches. <em>C'est aussi pour faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une épicerie d'appoint. Nous avons plus de 200 références.&nbsp;»</em><br />S'il existait déjà quelques produits de dépannage près du bar, c'est bien durant le premier confinement que le service d'épicerie a réellement vu le jour grâce aux adhérent·es, accompagné·es par deux salarié·es, Loul et Bastien.<em> «&nbsp;Le projet était dans les cartons mais il était prévu pour décembre 2020. Finalement, on l'a monté en mars et en quinze jours&nbsp;!&nbsp;»</em></p> <p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_1.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="L'Epicerie Générale est le seul commerce alentour à fournir autant de produits en vrac (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_1.JPG" alt="épicerie générale 1" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a></em></p> <p>Pourquoi accélérer ainsi&nbsp;? <em>«&nbsp;Pour répondre aux besoins. Le maire de Morogues, notamment, a demandé que l'épicerie reste ouverte.&nbsp;»</em> Le lundi précédant le confinement, le conseil d'administration se réunit et accepte&nbsp;: l'épicerie sera non seulement maintenue mais aussi développée. Un appel est lancé aux adhérent·es et un communiqué de presse est diffusé pour attirer des volontaires. <em>«&nbsp;Nous avons reçu beaucoup de réponses, ça m'a supris et vraiment touché&nbsp;»</em>, se souvient Loul.<br />Au total, une vingtaine de personnes se mobilisent pour créer des outils d'organisation, coordonner les différents groupes, prendre les commandes des client·es, les passer auprès des fournisseurs, réceptionner les livraisons, préparer les paniers, assurer la distribution…<span style="font-size: 8pt;"> <br /></span></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_____________________________________________________</span></strong></p> <h3>Une quarantaine de foyers fournis</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________</strong></span></p> <p>Abel était installé dans la région depuis cinq mois seulement lorsqu'il a intégré cette équipe. Habitant à Aubinges, il avait déjà assisté à quelques réunions sur le tiers-lieu mais n'y participait pas encore activement.<br />Il a mis ses compétences en informatique au profit de l'Epicerie Générale&nbsp;: lancement d'une page web pour recenser les volontaires et d'un portail numérique pour que chaque participant·e ait une vision globale du projet&nbsp;: qui faisait quoi&nbsp;? Selon quel calendrier&nbsp;? Une messagerie instantanée a permis à toute l'équipe de communiquer à distance.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/distribution.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="La distribution des paniers durant le premier confinement (Photo : Pablo)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/distribution.jpeg" alt="distribution" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em><br />Pour le public, un site Internet avec les horaires d'ouverture de la permanence téléphonique, un catalogue des produits et un appel à dons a été créé, ainsi qu'un bulletin d'informations «&nbsp;papier&nbsp;».<br />A partir du mardi 17 mars, toutes les réunions ont dû se faire par visio-conférence. La prise des commandes était assurée par téléphone.</p> <p>En revanche, l'équipe avait une autorisation pour réceptionner les colis, préparer les paniers et les distribuer au Grès des Ouches. <em>«&nbsp;L'accès était limité à deux ou trois adhérent·es, avec les masques et les gants</em>, précise Loul.<em> Les client·es n'entraient pas. La distribution avait lieu dans la cour.&nbsp;»</em> Des livraisons étaient organisées pour ceux·lles qui ne pouvaient se déplacer.<br />Une quarantaine de foyers ont ainsi profité de l'Epicerie Générale durant près de deux mois. <em>«&nbsp;Il s'agissait surtout de gens de Morogues, Henrichemont, Parassy, Le Noyer...&nbsp;»</em> Progressivement, après le déconfinement, les commandes ont cessé, les client·es revenant alors physiquement.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________</span></strong></p> <h3>«&nbsp;Un gros coup de boost&nbsp;»</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_______________________________</strong></span></p> <p>Qu'est-ce que cette expérience a apporté au projet&nbsp;? <em>«&nbsp;Un lien s'est créé entre les adhérent·es qui se disaient&nbsp;: on est dans la même galère, on se solutionne ensemble,</em> répond Loul. <em>Entre les client·es aussi&nbsp;: lorsqu'il·les attendaient en file indienne, il·les se parlaient&nbsp;: certaines mamans n'en pouvaient plus d'être à la maison avec leurs enfants&nbsp;; on a commencé à prêter des jeux, des livres...&nbsp;»</em> Et du côté de la trésorerie, un impact positif&nbsp;? <em>«&nbsp;Non, pas vraiment. Le bar et le restaurant sont restés fermés et notre marge sur l'épicerie est tellement faible...&nbsp;En revanche, ça nous a permis de communiquer différemment sur le lieu et de prouver que justement, nous n'étions pas un simple bar-restaurant.&nbsp;»</em></p> <p>Pour Abel, la participation à l'Epicerie Générale a été un <em>«&nbsp;gros coup de boost sur [s]a manière de [s']investir et de [se] percevoir dans le projet du Grès des Ouches&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Après le confinement, j'ai eu un sentiment d'appropriation du lieu. Faire des choses concrètes avec les gens permet tout simplement de mieux se connaître.&nbsp;»</em> Il a rejoint le conseil d'administration en tant que membre adhérent et, durant tout l'été, a assuré des créneaux au bar et au ménage. Avant le deuxième confinement, il s'occupait de l'accueil des nouveaux adhérent·es.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Des outils de formalisation indispensables</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________________</strong></span></p> <p>Pablo et Lucie sont aussi membres adhérent·es au conseil d'administration et ont aussi participé à la création de l'Epicerie Générale. Pablo a animé des réunions de coordination des groupes&nbsp;; Lucie a assuré des permanences téléphoniques et établi des fiches de postes pour chaque participant·e.</p> <p>Pour elle, la question de la formalisation est centrale&nbsp;:<em> «&nbsp;Comment faire en sorte de ne pas faire pour les gens mais surtout avec&nbsp;? Il faut rendre le projet rejoignable. Cela suppose un vrai apprentissage de formalisation.&nbsp;»</em> Dans sa définition de la solidarité, la formalisation est essentielle&nbsp;: c'est elle qui permet de dépasser le simple cercle affinitaire, d'un petit groupe de personnes qui s'organiseraient pour «&nbsp;venir en aide&nbsp;» à ceux·lles qui en ont besoin. Elle assure que tout·e à chacun·e peut s'approprier les outils nouvellement créés, dans le but d'instituer une véritable solidarité.</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/permanence_tel.jpeg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Permanence téléphonique pour Lucie lors du premier confinement (Photo : Pablo)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/permanence_tel.jpeg" alt="permanence tel" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p> <p>Plus personnellement, elle a vécu sa participation comme <em>«&nbsp;l'occasion de porter le projet de la Maison des Vies Locales&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;C'est dans les moments les plus complexes qu'il ne faut pas rater le coche. C'est un moyen de prendre acte de la situation et de placer la Maison des Vies Locales comme un outil mobilisable en période de crise.&nbsp;»</em><br />Pour Pablo, l'expérience a permis <em>«&nbsp;de travailler davantage en collectif et de manière plus intense&nbsp;»</em>. <em>«&nbsp;Nous sommes parvenus à une organisation horizontale avec des sous-groupes et une coordination&nbsp;; ça a bien fonctionné. Une personne référente devait former au moins une autre personne pour travailler en binôme. Ce passage de relais est un bon outil d'auto-gestion.&nbsp;»</em></p> <p>Est-ce que tout ce qui a été expérimenté a pu être conservé&nbsp;? <em>«&nbsp;Il y a peut-être eu un tabula rasa pendant les deux confinements,</em> avance Lucie. <em>Je le comprends&nbsp;: les adhérent·es avaient du temps, ce n'était sans doute pas viable de se mobiliser autant sur la durée. Mais&nbsp;l'épicerie fonctionne désormais de manière permanente en tant que service. C'est positif du point de vue de l'auto-formation et de la diffusion des idées.&nbsp;»</em> <em>«&nbsp;Et on a pu reprendre les outils de formalisation dans le processus d'accueil des nouveaux adhérent·es&nbsp;»</em>, complète Pablo.</p> <p>Thésard·es, investi·es dans d'autres projets collectifs, il·les n'ont pas souhaité reprendre du service dans l'épicerie. Mais, à l'heure du deuxième confinement, une dizaine de personnes ont répondu à nouveau à l'appel.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_______________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Ecarter les grands groupes de distribution</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________________</strong></span></p> <p><em>«&nbsp;Cette fois, l'organisation est plus légère, plus souple&nbsp;»</em>, reconnaît Loul. En effet, l'épicerie peut accueillir les client·es sur place : plus de commandes mais des achats directs, donc. La salle de restauration a été réaménagée pour l'occasion avec une nouvelle entrée.<br /><em>«&nbsp;L'Epicerie Générale est ouverte les lundis et jeudis de 9 heures à 14 heures, et le vendredi de 9 heures à 14 heures et de 18 heures à 19 h 45. Et ce, sans doute jusqu'au 1er mars, au moment où nous passerons aux horaires de printemps.&nbsp;»</em><br />Loul constate que de nouveaux·lles client·es sont apparu·es. <em>«&nbsp;Certain·es sont des habitant·es du village qui imaginaient que le lieu était toujours un resto. Il·les poussent la porte de l'épicerie, il·les voient que le lieu est inhabituel, alors il·les posent des questions sur le projet et comprennent mieux ce que nous faisons.&nbsp;»</em></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_8.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Un soir de vente pendant le deuxième confinement (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_8.JPG" alt="épicerie générale 8" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p> <p>Dans l'équipe du deuxième confinement, Catherine, qui habite La Borne et Régine, qui habite Aubinges. Habituellement, Catherine vient souvent dépanner lorsqu'il manque des adhérent·es aux différents postes&nbsp;; Régine aide au bar et au nettoyage de la cuisine.<br />A l'Epicerie Générale, elles s'occupent du service au public et de l'encaissement. Qu'est-ce qui leur plaît dans ce projet&nbsp;? <em>«&nbsp;L'ambiance et les rencontres&nbsp;»</em>, pour Régine ; <em>« la convivialité&nbsp;»</em>, pour Catherine. Parmi les difficultés qu'elles pointent, un manque de coordination et de communication pour l'organisation des tâches. Néanmoins, leur participation est un véritable engagement&nbsp;: ainsi, pour Régine, il s'agit <em>«&nbsp;d'écarter le plus possible les grands groupes de distribution et dynamiser les petits villages&nbsp;».</em></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________________________________________</span></strong></p> <h3>«&nbsp;Qu'elle soit accessible au plus grand nombre&nbsp;»</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>_________________________________________________________</strong></span></p> <p>Sur les tables, des légumes et des fruits&nbsp;; sur les étagères, des conserves, des produits salés ou sucrés, des boissons, des produits d'hygiène&nbsp;et d'entretien ; un rayon «&nbsp;vrac&nbsp;» pour le sec comme le riz, les pâtes, les légumineuses&nbsp;; une armoire réfrigérée pour les produits laitiers… Tout sauf de la viande et du poisson.</p> <p>Mais où se fournit l'Epicerie Générale&nbsp;? Auprès de producteur·ices locaux·les, mais aussi de grossistes tels que Biocoop et Métro.<br />Deux gammes de produits co-existent&nbsp;: «&nbsp;éco&nbsp;» et «&nbsp;top&nbsp;». <em>«&nbsp;Les «&nbsp;top&nbsp;» sont des produits pour lesquels il y a un bon rapport entre l'éthique (bio, local, écolabel) et le prix,</em> explique Chiara, adhérente et membre de la commission approvisionnement. <em>Il y a encore beaucoup de produits en «&nbsp;éco&nbsp;» quand on ne trouve pas d'alternative&nbsp;; on n'arrive pas toujours à trouver des fournisseurs qui répondent à tous les critères. Et puis, on ne veut pas que le public se sente jugé. On a plutôt envie de travailler avec des personnes qui vivent sur notre territoire et toutes n'achètent pas bio.&nbsp;»</em></p> <p><em><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_4.JPG" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Environ 200 références sont disponibles aujourd'hui (Photo : F. Lancelin)."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_4.JPG" alt="épicerie générale 4" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></em></p> <p>Pour elle, l'essentiel est surtout de se questionner. <em>«&nbsp;J'ai rejoint la commission parce que j'ai envie que les produits soient une réelle réponse à des besoins. Qu'ils soient au maximum des produits locaux et en vrac. Je partage l'idée de base de l'épicerie&nbsp;: qu'elle soit accessible au plus grand nombre. Mais il faut aussi se soucier de ce qu'on mange et du lieu où les produits sont fabriqués. Il s'agit de transmettre petit à petit une certaine culture.&nbsp;»</em></p> <p>Actuellement, elle se forme aux outils mis en place avant son arrivée, notamment le logiciel pour maîtriser le processus des commandes, les livraisons et les ventes. Elle devra ensuite former les autres adhérent·es.<br />Pour connaître les besoins des client·es, elle a mis en place un tableau sur lequel chacun·e peut inscrire des idées de produits. Au bout de cinq demandes identiques, la commission s'engage à les fournir.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________</span></strong></p> <h3>Gagner en pouvoir de non-achat&nbsp;!</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><strong>________________________________________</strong></span></p> <p>Autre travail de la commission&nbsp;: établir les prix. A l'Epicerie Générale comme dans n'importe quel commerce, on cherche à atteindre au moins un équilibre. Mais ici, les bénéfices ne servent pas un intérêt particulier. Le but est d'auto-financer des projets collectifs.<br />Pour cela, deux tarifs co-existent&nbsp;: un tarif client·e (qui couvre le prix d'achat, le prix de revient, les salaires et la TVA) et un tarif adhérent·e (qui couvre le prix d'achat, le prix de revient et une cotisation&nbsp;«&nbsp;autonomie&nbsp;») réservé à ceux·lles qui font vivre le projet. La cotisation «&nbsp;autonomie&nbsp;» de 10&nbsp;% prélevée sur le tarif adhérent·e a pour but de financer des projets collectifs. Dans un livret destiné à expliquer ce choix éminemment politique, l'équipe de la Maison des Vies Locales explique&nbsp;: <em>«&nbsp;Notre objectif n'est pas de gagner du pouvoir d'achat en supprimant des intermédiaires, mais d'accroître nos possibilités d'approvisionnement par d'autres moyens que le commerce. Les sommes que nous cotisons alimentent une caisse gérée par une commission aidant à la création de moyens de production communs. La cotisation autonomie, c'est pour gagner collectivement en pouvoir de non-achat&nbsp;! Une partie de la cotisation autonomie est consacrée à financer des structures de production.&nbsp;»</em></p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_10.jpg" class="jcepopup" data-mediabox="1" data-mediabox-title="Illustration : Chiara Scordato."><img src="http://www.rebonds.net/images/EPICERIE/épicerie_générale_10.jpg" alt="épicerie générale 10" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></a><em></em></p> <p>Une position pas toujours facile à faire comprendre, aux client·es de passage comme à certain·es adhérent·es. <em>«&nbsp;L'Epicerie Générale est un croisement entre différentes approches qui viennent se «&nbsp;frictionner&nbsp;»</em>, sourit Abel. <em>La question du choix du prix cristallise des postures. Pour certain·es adhérent·es, l'épicerie est un outil transitoire pour faire de l'argent collectivement et financer ce dont on a besoin pour être plus autonomes. Pour d'autres, c'est juste un lieu de consommation «&nbsp;alternatif&nbsp;». Tout le monde n'est pas là pour les mêmes raisons, ce qui est très intéressant, je trouve. C'est parce qu'on n'est pas dans l'entre-soi que ces questions se posent. C'est une preuve de pertinence plus qu'un sujet de dispute.&nbsp;»</em></p> <p>L'Epicerie Générale n'est donc pas une épicerie comme les autres. Certes, elle est un véritable commerce de proximité, qui nourrit les habitant·es et les liens qu'il·les font naître entre eux·lles. Mais elle voit plus loin. Elle contribue à un projet d'autonomisation, véritable réponse à l'appel de la solidarité..</p> <p style="text-align: left;"><strong>Fanny Lancelin</strong><br /><br /><span style="font-size: 8pt;">(1) Le Petit Larousse Illustré, édition 2007.<br />(2) Lire aussi le numéro 39 de (Re)bonds, «&nbsp;A la ville comme à la campagne&nbsp;?&nbsp;»&nbsp;: <a href="http://www.rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges">http://rebonds.net/39alavillecommealacampagne/635-beauxregardsunefermeenpleincoeurdebourges</a><br />(3) <a href="https://covid-entraide.fr/">https://covid-entraide.fr/</a><br />(4) Lire aussi le numéro 16 de (Re)bonds, «&nbsp;Des cafés et des restaurants à la sauce associative&nbsp;»&nbsp;: <a href="http://www.rebonds.net/descafesetrestaurantsalasauceassociative/440-augresdesouches">http://rebonds.net/descafesetrestaurantsalasauceassociative/440-augresdesouches</a><br />(5) Lire aussi la rubrique (Ré)créations.</span></p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> </div> <ul> <li>L'Epicerie Générale n'est pas le seul service de la Maison des Vies Locales qui reste accessible durant le confinement.</li> <li><strong>L'Espace Public Numérique (EPN)&nbsp;:</strong> c'est un lieu équipé qui permet d'accéder à Internet et à des outils multimédias en bénéficiant d'un accompagnement. Une permanence d'entraide avec un animateur est assurée tous les jeudis de 9 h à 12 h.</li> <li><strong>L'espace de co-working&nbsp;:</strong> le télétravail est encouragé mais les équipements à domicile ne sont pas toujours adaptés. Au Grès des Ouches, un espace de travail partagé est équipé de bureaux, d'un accès Internet et d'imprimantes. Chacun·e est invité·e à venir avec son ordinateur. Un accueil est assuré le jeudi matin de 9 h à 12 h et sur rendez-vous.</li> <li><strong>A emporter :</strong> les jeudis midis, possibilité de retirer son burger sur place à condition d'avoir commandé par téléphone au préalable.</li> <li>Contact&nbsp;: 02.48.64.04.75.</li> </ul> </div>