# 64 Ecoterroristes ? (déc. 2022) (Re)bonds est un magazine mensuel créé par Fanny Lancelin, journaliste installée dans le Cher. Son but : à travers, des portraits d'habitant.es du Berry, raconter des parcours alternatifs, des modes de vie où le respect des êtres vivants et de leur environnement tient une place centrale. http://www.rebonds.net/64ecoterroristes 2023-05-11T19:11:43+02:00 (Re)bonds.net Joomla! - Open Source Content Management Malgré la pression, les militant·es anti-bassines restent mobilisé·es 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/64ecoterroristes/824-malgrelapressionlesmilitantsantibassinesrestentmobilisees Super User <p style="text-align: right;"><em>Article actualisé le 25 décembre</em></p> <p><strong>Après la grande manifestation de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, malgré les violences policières et les condamnations de la justice, les militant·es qui protestent contre les méga-bassines sont toujours debout. Pour preuve : environ 200 personnes se sont à nouveau réunies jeudi 15 décembre, devant un lieu emblématique, le siège de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne à Orléans, pour proclamer haut et fort : "Pas un centime de plus pour les méga-bassines !"</strong></p> <p><strong>&nbsp;</strong></p> <p>Disons-le tout net : cet article est écrit par une militante. Je suis co-fondatrice du collectif Bassines Non Merci Berry et je fais partie de la délégation qui a rencontré les représentant·es du Conseil d'administration de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne le jeudi 15 décembre. Pas question de vous convaincre ici que les méga-bassines sont des impensées écologiques et sociales, mais de vous raconter les événements qui ont rythmé le mouvement des dernières semaines, bien loin du quotidien d'écoterroristes...</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-21.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 21" width="556" height="370" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>Petit rappel pour celleux qui auraient manqué un épisode : le 29 octobre dernier, entre 6.000 et 9.000 personnes (selon les sources) ont convergé vers Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, pour protester contre un nouveau chantier de méga-bassines. Il s'agit de retenues d'eau pour l'irrigation de l'agro-industrie, qui s'étendent sur une dizaine d'hectares en moyenne (l'équivalent de 300 piscines olympiques), étanchéifiées avec du plastique, qui pompent directement dans la nappe phréatique. Elles servent principalement à la culture du maïs, laquelle sert principalement à nourrir des bêtes et / ou à l'export. Présentées comme des dispositifs de substitution aux prélèvements estivaux censés soulager les milieux en période de sécheresse, elles représentent en réalité un volume d'eau supplémentaire accordé à une poignée d'agriculteur·ices. Elles ne constituent donc pas seulement un problème du point de vue écologique et sanitaire (diminution de la quantité d'eau disponible pour tous·tes, disparition de la biodiversité dans les cours d'eau à sec...), mais aussi du point de vue social puisqu'elles creusent les écarts entre agriculteur·ices, entre celleux qui possèdent des méga-bassines et les autres. Enfin, lorsqu'elles sont présentées comme unique solution, elles occultent toutes les autres et elles empêchent le débat sur un autre modèle agricole pourtant largement souhaité par la population, agriculteur·ices compris <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>L'état des masses d'eau dégradé</strong><br /></span></p> <p>Le gouvernement, soutenu (ou encouragé) par le syndicat agricole majoritaire la FNSEA, a lancé un grand plan de "bassinage" à l'échelle nationale notamment via la mission du délégué interministériel en charge du suivi du Varenne de l'eau, Frédéric Veau <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Un millier de bassines seraient dans les cartons. Il en existe déjà 27 en Vendée, 16 sont programmées dans les Deux-Sèvres et 30 dans la Vienne. Dans le Berry, quatre de taille plus modeste sont déjà en service, mais un projet de méga-bassine serait en réflexion. Difficile de connaître leur impact réel, positif ou négatif, tant les données sur le sujet sont difficiles à obtenir. Mais sur le terrain, les observations sont formelles : l'état des masses d'eau sur le bassin Loire-Bretagne est dégradé, certains cours d'eau proches des bassines sont à sec en plein mois de décembre et il semble impensable que les irrigant·es puissent encore pomper des millions de m3 d'eau pour arroser des cultures qui ne servent pas l'alimentation humaine.</p> <p>Depuis quelques années, des collectifs Bassines Non Merci (BNM) voient le jour : dans les Deux-Sèvres et la Vienne, mais aussi la Haute-Vienne, Aume-Couture, Berry et tout récemment, le Finistère et le Limousin. D'autres sont en projet un peu partout en France. Ils sont composés d'habitant·es des territoires concernés, citoyen·nes, militant·es environnementaux, naturalistes, paysan·nes, élu·es... Si leur fonctionnement peut différer, leurs buts sont les mêmes : informer la population qui ignore bien souvent l'existence de ces ouvrages ; participer activement aux réflexions territoriales sur la gestion de l'eau ; assurer une veille administrative sur les projets de bassines ; déposer des recours juridiques pour les empêcher ; organiser des événements pour médiatiser la lutte et faire pression sur les pouvoirs publics...</p> <p>&nbsp;<img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-17.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 17" width="259" height="389" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Des financements publics au profit d'intérêts privés</strong><br /></span></p> <p>Le 29 octobre à Sainte-Soline faisait suite à une longue série de mobilisations mais elle a été la plus spectaculaire. Du point de vue du nombre de participant·es (des milliers), mais aussi du nombre de gendarmes mobiles déployés (1.700) par la préfecture qui avait interdit la manifestation. Des heurts ont éclaté faisant des blessé·es dans les deux camps. Le plus grave, un manifestant, a été touché par un tir de LBD. Tout ça pour protéger... un cratère dans un champ ! Loin de remettre en question la gestion calamiteuse de la journée, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, n'a pas hésité à qualifier certain·es manifestant·es d'écoterroristes (<em>lire la rubrique (Ré)acteur·ices et écouter (Re)visiter</em>).</p> <p>Le rassemblement du 15 décembre n'avait pas pour objectif d'empêcher un chantier ou de démanteler une bassine <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. Il s'agissait pour les BNM de répondre à l'ouverture de dialogue proposé par le comité de bassin Loire-Bretagne après la manifestation de Sainte-Soline. Une délégation composée de Benoît Biteau (député européen), Daniel Salmon (sénateur), Sylvain Robin (collaborateur parlementaire de la députée Lisa Belluco), Nicolas Fortin (Confédération paysanne), Julien Leguet, Marion Bigot et moi-même (BNM) a été reçue par des représentant·es du Conseil d'administration de l'Agence de l'eau présidée par Régine Engström, préfète coordinatrice, par ailleurs préfète de la région Centre-Val de Loire et du Loiret. Dehors, 200 personnes nous soutenaient.</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-6.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 6" width="465" height="309" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>Pourquoi l'Agence de l'eau ? Parce que c'est elle qui finance les grandes infrastructures liées à l'eau. A ce titre, elle est sollicitée par les irrigant·es pour subventionner une partie des méga-bassines. Par exemple, la facture des 16 bassines des Deux-Sèvres s'élève, à ce jour, à plus de 74 millions d'euros. L'aide de l'Agence représenterait 50 % du montant. Or, l'argent débloqué provient des redevances payées par les foyers. Il s'agit donc bien de financements publics, au profit d'intérêts privés ne bénéficiant qu'à une poignée d'agriculteur·ices, pour des projets sur lesquels la population n'est pas concertée...</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Avons-nous été entendu·es ?</strong><br /></span></p> <p>L'Agence a pour mission de soutenir des investissements et des programmes d’actions nécessaires à la restauration des masses d'eau et assurer le juste partage de cette ressource vitale du bassin Loire-Bretagne. Pas à subventionner des projets bénéficiant seulement au développement économique de quelques sociétés. C'est ce que notre délégation est venue rappeler à ses représentant·es. Durant une heure, nous avons pu exposer nos arguments à la fois politiques, écologiques et économiques. Benoît Biteau et Daniel Salmon sont revenus sur les nombreux contentieux en cours contre les projets ; ceux-ci n'étant malheureusement pas suspensifs, les chantiers peuvent tout de même démarrer, alors même que les jugements n'ont pas été prononcés ; jusqu'ici, la majorité a été en faveur de la lutte. Marion Bigot et Nicolas Fortin ont évoqué les incohérences des "protocoles", des démarches mis en place à la hâte par les défenseur·ses des bassines pour solliciter les subventions ; mais légalement, ce sont bien de véritables Projets de Territoires pour la Gestion de l'Eau (PTGE) qui doivent être élaborés avant le moindre coup de tractopelle ! Julien Leguet a évoqué les impacts écologiques des retenues d'eau, avant que je n'évoque l'ampleur grandissante de notre lutte malgré les difficultés pour les militant·es, sur le terrain, d'être accepté·es par les autorités comme de véritables acteur·ices du débat et malgré le manque de transparence sur les projets.</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-25.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 25" width="528" height="351" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>Nous avons aussi déposé nos revendications : que l'Agence de l'eau renonce au financement des bassines ; qu'un moratoire soit décrété ; et que le chantier de Sainte-Soline soit suspendu. Ce sont à ces conditions que nous accepterons de revenir à la table des négociations. Dans un souci de transparence, nous avons aussi demandé à l'Agence un inventaire précis des bassines existantes, de leur financement et de nous transmettre des données fiables sur les bilans de ces ouvrages. Nous souhaitons par ailleurs que toutes les réunions et assemblées concernant la gestion de l'eau soient publiques et que les comptes rendus soient publiés (au même titre que les conseils municipaux ou communautaires, par exemple), afin que l'ensemble de la population puisse y avoir accès. Enfin, nous rappelons que toutes les étapes des projets de territoires doivent être respectées, avant la construction de la moindre nouvelle bassine.</p> <p>Avons-nous été entendu·es ? Nous avons, en tout cas, été écouté·es. Mais dès le lendemain, la présidente préfète-coordinatrice diffusait un communiqué de presse déclarant, en substance "Circulez, il n'y a rien à voir..."<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span> Dès lors, comment croire que le compte rendu de notre rencontre envoyé aux administrateur·ices par les représentant·es de l'Agence serait exhaustif ? Nous avons décidé de nous adresser directement à elleux, en leur envoyant un courrier avec notre argumentaire détaillé et nos revendications. Il été envoyé du Parlement européen par Benoît Biteau. Les médias l'ont également reçu.</p> <p>Dans les prochains mois, les élu.es du conseil d'administration devront se positionner sur une demande d'allongement budgétaire pour les méga-bassines des Deux-Sèvres et sur le financement de celles de la Vienne. D'ici là, nous voulons être entendu·es par l'ensemble des administrateur·ices et pas seulement une poignée de représentant·es.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Des mobilisations à venir</strong><br /></span></p> <p>Mais nous n'attendrons pas silencieusement la réponse. Déjà, de nouveaux rassemblements sont prévus, notamment les 5 et 6 janvier à La Rochelle et Niort pour les procès de militant·es. A cette occasion, Christian Amblard, hydrogéologue qui témoignera au tribunal, donnera une conférence publique <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Le 13 janvier, nous dirons "au revoir" au commissaire-enquêteur chargé de l'enquête publique en cours pour quatre bassines sur le secteur du Clain dans la Vienne. De nombreuses réunions publiques se tiendront dans tous les territoires des BNM avant des retrouvailles gigantesques le 25 mars, pour un nouveau printemps maraîchin d'envergure européenne !</p> <p><strong>Texte : Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><strong>Photos : BNM</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.greenpeace.fr/mega-bassines-pourquoi-opposer/">https://www.greenpeace.fr/mega-bassines-pourquoi-opposer/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045697445">https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045697445</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) <a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/environnement/reserves-d-eau/la-bassine-detruite-a-cram-chaban-etait-elle-oui-ou-non-illegale">https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/environnement/reserves-d-eau/la-bassine-detruite-a-cram-chaban-etait-elle-oui-ou-non-illegale</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) <a href="https://agence.eau-loire-bretagne.fr/home/espace-presse/contenu1/espace-presse/retenues-de-substitution-dans-le-bassin-loire-bretagne--la-presi.html">https://agence.eau-loire-bretagne.fr/home/espace-presse/contenu1/espace-presse/retenues-de-substitution-dans-le-bassin-loire-bretagne--la-presi.html</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/appel-a-mobilisation-pour-les-proces-de-la-resistance-contre-les-bassines">https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/appel-a-mobilisation-pour-les-proces-de-la-resistance-contre-les-bassines</a></span></p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: right;"><em>Article actualisé le 25 décembre</em></p> <p><strong>Après la grande manifestation de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, malgré les violences policières et les condamnations de la justice, les militant·es qui protestent contre les méga-bassines sont toujours debout. Pour preuve : environ 200 personnes se sont à nouveau réunies jeudi 15 décembre, devant un lieu emblématique, le siège de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne à Orléans, pour proclamer haut et fort : "Pas un centime de plus pour les méga-bassines !"</strong></p> <p><strong>&nbsp;</strong></p> <p>Disons-le tout net : cet article est écrit par une militante. Je suis co-fondatrice du collectif Bassines Non Merci Berry et je fais partie de la délégation qui a rencontré les représentant·es du Conseil d'administration de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne le jeudi 15 décembre. Pas question de vous convaincre ici que les méga-bassines sont des impensées écologiques et sociales, mais de vous raconter les événements qui ont rythmé le mouvement des dernières semaines, bien loin du quotidien d'écoterroristes...</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-21.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 21" width="556" height="370" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>Petit rappel pour celleux qui auraient manqué un épisode : le 29 octobre dernier, entre 6.000 et 9.000 personnes (selon les sources) ont convergé vers Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, pour protester contre un nouveau chantier de méga-bassines. Il s'agit de retenues d'eau pour l'irrigation de l'agro-industrie, qui s'étendent sur une dizaine d'hectares en moyenne (l'équivalent de 300 piscines olympiques), étanchéifiées avec du plastique, qui pompent directement dans la nappe phréatique. Elles servent principalement à la culture du maïs, laquelle sert principalement à nourrir des bêtes et / ou à l'export. Présentées comme des dispositifs de substitution aux prélèvements estivaux censés soulager les milieux en période de sécheresse, elles représentent en réalité un volume d'eau supplémentaire accordé à une poignée d'agriculteur·ices. Elles ne constituent donc pas seulement un problème du point de vue écologique et sanitaire (diminution de la quantité d'eau disponible pour tous·tes, disparition de la biodiversité dans les cours d'eau à sec...), mais aussi du point de vue social puisqu'elles creusent les écarts entre agriculteur·ices, entre celleux qui possèdent des méga-bassines et les autres. Enfin, lorsqu'elles sont présentées comme unique solution, elles occultent toutes les autres et elles empêchent le débat sur un autre modèle agricole pourtant largement souhaité par la population, agriculteur·ices compris <span style="font-size: 8pt;">(1)</span>.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>L'état des masses d'eau dégradé</strong><br /></span></p> <p>Le gouvernement, soutenu (ou encouragé) par le syndicat agricole majoritaire la FNSEA, a lancé un grand plan de "bassinage" à l'échelle nationale notamment via la mission du délégué interministériel en charge du suivi du Varenne de l'eau, Frédéric Veau <span style="font-size: 8pt;">(2)</span>. Un millier de bassines seraient dans les cartons. Il en existe déjà 27 en Vendée, 16 sont programmées dans les Deux-Sèvres et 30 dans la Vienne. Dans le Berry, quatre de taille plus modeste sont déjà en service, mais un projet de méga-bassine serait en réflexion. Difficile de connaître leur impact réel, positif ou négatif, tant les données sur le sujet sont difficiles à obtenir. Mais sur le terrain, les observations sont formelles : l'état des masses d'eau sur le bassin Loire-Bretagne est dégradé, certains cours d'eau proches des bassines sont à sec en plein mois de décembre et il semble impensable que les irrigant·es puissent encore pomper des millions de m3 d'eau pour arroser des cultures qui ne servent pas l'alimentation humaine.</p> <p>Depuis quelques années, des collectifs Bassines Non Merci (BNM) voient le jour : dans les Deux-Sèvres et la Vienne, mais aussi la Haute-Vienne, Aume-Couture, Berry et tout récemment, le Finistère et le Limousin. D'autres sont en projet un peu partout en France. Ils sont composés d'habitant·es des territoires concernés, citoyen·nes, militant·es environnementaux, naturalistes, paysan·nes, élu·es... Si leur fonctionnement peut différer, leurs buts sont les mêmes : informer la population qui ignore bien souvent l'existence de ces ouvrages ; participer activement aux réflexions territoriales sur la gestion de l'eau ; assurer une veille administrative sur les projets de bassines ; déposer des recours juridiques pour les empêcher ; organiser des événements pour médiatiser la lutte et faire pression sur les pouvoirs publics...</p> <p>&nbsp;<img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-17.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 17" width="259" height="389" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Des financements publics au profit d'intérêts privés</strong><br /></span></p> <p>Le 29 octobre à Sainte-Soline faisait suite à une longue série de mobilisations mais elle a été la plus spectaculaire. Du point de vue du nombre de participant·es (des milliers), mais aussi du nombre de gendarmes mobiles déployés (1.700) par la préfecture qui avait interdit la manifestation. Des heurts ont éclaté faisant des blessé·es dans les deux camps. Le plus grave, un manifestant, a été touché par un tir de LBD. Tout ça pour protéger... un cratère dans un champ ! Loin de remettre en question la gestion calamiteuse de la journée, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, n'a pas hésité à qualifier certain·es manifestant·es d'écoterroristes (<em>lire la rubrique (Ré)acteur·ices et écouter (Re)visiter</em>).</p> <p>Le rassemblement du 15 décembre n'avait pas pour objectif d'empêcher un chantier ou de démanteler une bassine <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. Il s'agissait pour les BNM de répondre à l'ouverture de dialogue proposé par le comité de bassin Loire-Bretagne après la manifestation de Sainte-Soline. Une délégation composée de Benoît Biteau (député européen), Daniel Salmon (sénateur), Sylvain Robin (collaborateur parlementaire de la députée Lisa Belluco), Nicolas Fortin (Confédération paysanne), Julien Leguet, Marion Bigot et moi-même (BNM) a été reçue par des représentant·es du Conseil d'administration de l'Agence de l'eau présidée par Régine Engström, préfète coordinatrice, par ailleurs préfète de la région Centre-Val de Loire et du Loiret. Dehors, 200 personnes nous soutenaient.</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-6.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 6" width="465" height="309" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>Pourquoi l'Agence de l'eau ? Parce que c'est elle qui finance les grandes infrastructures liées à l'eau. A ce titre, elle est sollicitée par les irrigant·es pour subventionner une partie des méga-bassines. Par exemple, la facture des 16 bassines des Deux-Sèvres s'élève, à ce jour, à plus de 74 millions d'euros. L'aide de l'Agence représenterait 50 % du montant. Or, l'argent débloqué provient des redevances payées par les foyers. Il s'agit donc bien de financements publics, au profit d'intérêts privés ne bénéficiant qu'à une poignée d'agriculteur·ices, pour des projets sur lesquels la population n'est pas concertée...</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Avons-nous été entendu·es ?</strong><br /></span></p> <p>L'Agence a pour mission de soutenir des investissements et des programmes d’actions nécessaires à la restauration des masses d'eau et assurer le juste partage de cette ressource vitale du bassin Loire-Bretagne. Pas à subventionner des projets bénéficiant seulement au développement économique de quelques sociétés. C'est ce que notre délégation est venue rappeler à ses représentant·es. Durant une heure, nous avons pu exposer nos arguments à la fois politiques, écologiques et économiques. Benoît Biteau et Daniel Salmon sont revenus sur les nombreux contentieux en cours contre les projets ; ceux-ci n'étant malheureusement pas suspensifs, les chantiers peuvent tout de même démarrer, alors même que les jugements n'ont pas été prononcés ; jusqu'ici, la majorité a été en faveur de la lutte. Marion Bigot et Nicolas Fortin ont évoqué les incohérences des "protocoles", des démarches mis en place à la hâte par les défenseur·ses des bassines pour solliciter les subventions ; mais légalement, ce sont bien de véritables Projets de Territoires pour la Gestion de l'Eau (PTGE) qui doivent être élaborés avant le moindre coup de tractopelle ! Julien Leguet a évoqué les impacts écologiques des retenues d'eau, avant que je n'évoque l'ampleur grandissante de notre lutte malgré les difficultés pour les militant·es, sur le terrain, d'être accepté·es par les autorités comme de véritables acteur·ices du débat et malgré le manque de transparence sur les projets.</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/22_12_15_BNM_Agence_de_l_eau_Orléans-25.jpg" alt="22 12 15 BNM Agence de l eau Orléans 25" width="528" height="351" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>Nous avons aussi déposé nos revendications : que l'Agence de l'eau renonce au financement des bassines ; qu'un moratoire soit décrété ; et que le chantier de Sainte-Soline soit suspendu. Ce sont à ces conditions que nous accepterons de revenir à la table des négociations. Dans un souci de transparence, nous avons aussi demandé à l'Agence un inventaire précis des bassines existantes, de leur financement et de nous transmettre des données fiables sur les bilans de ces ouvrages. Nous souhaitons par ailleurs que toutes les réunions et assemblées concernant la gestion de l'eau soient publiques et que les comptes rendus soient publiés (au même titre que les conseils municipaux ou communautaires, par exemple), afin que l'ensemble de la population puisse y avoir accès. Enfin, nous rappelons que toutes les étapes des projets de territoires doivent être respectées, avant la construction de la moindre nouvelle bassine.</p> <p>Avons-nous été entendu·es ? Nous avons, en tout cas, été écouté·es. Mais dès le lendemain, la présidente préfète-coordinatrice diffusait un communiqué de presse déclarant, en substance "Circulez, il n'y a rien à voir..."<span style="font-size: 8pt;"> (4)</span> Dès lors, comment croire que le compte rendu de notre rencontre envoyé aux administrateur·ices par les représentant·es de l'Agence serait exhaustif ? Nous avons décidé de nous adresser directement à elleux, en leur envoyant un courrier avec notre argumentaire détaillé et nos revendications. Il été envoyé du Parlement européen par Benoît Biteau. Les médias l'ont également reçu.</p> <p>Dans les prochains mois, les élu.es du conseil d'administration devront se positionner sur une demande d'allongement budgétaire pour les méga-bassines des Deux-Sèvres et sur le financement de celles de la Vienne. D'ici là, nous voulons être entendu·es par l'ensemble des administrateur·ices et pas seulement une poignée de représentant·es.</p> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color: #ff615d; font-size: 14pt;"><strong>Des mobilisations à venir</strong><br /></span></p> <p>Mais nous n'attendrons pas silencieusement la réponse. Déjà, de nouveaux rassemblements sont prévus, notamment les 5 et 6 janvier à La Rochelle et Niort pour les procès de militant·es. A cette occasion, Christian Amblard, hydrogéologue qui témoignera au tribunal, donnera une conférence publique <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>. Le 13 janvier, nous dirons "au revoir" au commissaire-enquêteur chargé de l'enquête publique en cours pour quatre bassines sur le secteur du Clain dans la Vienne. De nombreuses réunions publiques se tiendront dans tous les territoires des BNM avant des retrouvailles gigantesques le 25 mars, pour un nouveau printemps maraîchin d'envergure européenne !</p> <p><strong>Texte : Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><strong>Photos : BNM</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) <a href="https://www.greenpeace.fr/mega-bassines-pourquoi-opposer/">https://www.greenpeace.fr/mega-bassines-pourquoi-opposer/</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(2) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045697445">https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045697445</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(3) <a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/environnement/reserves-d-eau/la-bassine-detruite-a-cram-chaban-etait-elle-oui-ou-non-illegale">https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/environnement/reserves-d-eau/la-bassine-detruite-a-cram-chaban-etait-elle-oui-ou-non-illegale</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(4) <a href="https://agence.eau-loire-bretagne.fr/home/espace-presse/contenu1/espace-presse/retenues-de-substitution-dans-le-bassin-loire-bretagne--la-presi.html">https://agence.eau-loire-bretagne.fr/home/espace-presse/contenu1/espace-presse/retenues-de-substitution-dans-le-bassin-loire-bretagne--la-presi.html</a></span><br /><span style="font-size: 8pt;">(5) <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/appel-a-mobilisation-pour-les-proces-de-la-resistance-contre-les-bassines">https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/appel-a-mobilisation-pour-les-proces-de-la-resistance-contre-les-bassines</a></span></p> <p>&nbsp;</p> Nous ne sommes pas des écoterroristes ! Le podcast 2017-03-21T13:37:42+01:00 2017-03-21T13:37:42+01:00 http://www.rebonds.net/64ecoterroristes/825-nousnesommespasdesecoterroristeslepodcast Super User <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/logo_Rebonds_pod_casque.png" alt="logo Rebonds pod casque" width="450" height="114" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p><strong>C'est parti pour une série de podcasts intitulée "Nous ne sommes pas des écoterroristes !" Durant quinze minutes, la parole est donnée à des militant·es qui réfutent le terme employé par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et qui racontent la réalité de leurs luttes bien loin de la caricature martelée par le gouvernement pour les décrédibiliser !</strong></p> <p style="text-align: center;"><strong>Premier épisode avec Boris Radici, membre de Bassines Non Merci Berry, qui était présent à Sainte-Soline.</strong></p> <p style="text-align: center;"><iframe src="https://video.ploud.fr/videos/embed/77765eb3-0758-49c8-b214-b1dd0cac3acd" width="560" height="315" title="Nous ne sommes pas des écoterroristes - épisode 1" sandbox="allow-same-origin allow-scripts allow-popups" allowfullscreen="" frameborder="0"></iframe></p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: left;">Micro-trottoirs et interview : Fanny Lancelin</p> <p>Extrait de la déclaration de Gérald Darmanin : Le HuffPost : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Wx5u8v4kbM8">https://www.youtube.com/watch?v=Wx5u8v4kbM8</a></p> <p>Prise de son à Sainte-Soline : Mélissa Gringeau<em><br /></em></p> <p>Voix de lancement : Gilles Ovieve</p> <p>Musique : Typographic - "Percussion"</p> <p>Montage : Fanny Lancelin</p> <p>Mixage : André Fèvre</p> <p>Logo : Benoît Laurière</p> <p>Ce podcast a été réalisé dans le cadre d'une formation dispensée à l'Institut de Journalisme de Bordeaux par Olivier Uguen</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/logo_Rebonds_pod_casque.png" alt="logo Rebonds pod casque" width="450" height="114" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p><strong>C'est parti pour une série de podcasts intitulée "Nous ne sommes pas des écoterroristes !" Durant quinze minutes, la parole est donnée à des militant·es qui réfutent le terme employé par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et qui racontent la réalité de leurs luttes bien loin de la caricature martelée par le gouvernement pour les décrédibiliser !</strong></p> <p style="text-align: center;"><strong>Premier épisode avec Boris Radici, membre de Bassines Non Merci Berry, qui était présent à Sainte-Soline.</strong></p> <p style="text-align: center;"><iframe src="https://video.ploud.fr/videos/embed/77765eb3-0758-49c8-b214-b1dd0cac3acd" width="560" height="315" title="Nous ne sommes pas des écoterroristes - épisode 1" sandbox="allow-same-origin allow-scripts allow-popups" allowfullscreen="" frameborder="0"></iframe></p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: left;">Micro-trottoirs et interview : Fanny Lancelin</p> <p>Extrait de la déclaration de Gérald Darmanin : Le HuffPost : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Wx5u8v4kbM8">https://www.youtube.com/watch?v=Wx5u8v4kbM8</a></p> <p>Prise de son à Sainte-Soline : Mélissa Gringeau<em><br /></em></p> <p>Voix de lancement : Gilles Ovieve</p> <p>Musique : Typographic - "Percussion"</p> <p>Montage : Fanny Lancelin</p> <p>Mixage : André Fèvre</p> <p>Logo : Benoît Laurière</p> <p>Ce podcast a été réalisé dans le cadre d'une formation dispensée à l'Institut de Journalisme de Bordeaux par Olivier Uguen</p> Ecoterroristes ? 2017-03-21T12:54:42+01:00 2017-03-21T12:54:42+01:00 http://www.rebonds.net/64ecoterroristes/819-ecoterroristes Super User <p style="text-align: right;"><em><strong>«&nbsp;Si nous acceptons d’être appelés écoterroristes, </strong></em><em><strong>alors nous nous exposons à toutes les mesures autoritaires des gouvernements </strong></em><em><strong>qui pourront le faire au nom de la lutte antiterroriste.&nbsp;» Un militant écologiste <span style="font-size: 8pt;">(1)</span></strong></em></p> <p><span style="font-size: 18pt;">J</span><em>e n’ai rien d’un écoterroriste. Je suis simplement un habitant qui défend son territoire. Je suis un militant, je fais de l’activisme d’accord, mais certainement pas du terrorisme&nbsp;!&nbsp;»</em> Boris Radici est co-fondateur du collectif Bassines Non Merci Berry, dans le Cher. Samedi 29 octobre, il a participé à la manifestation organisée à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, pour protester contre la construction d’une méga-bassine&nbsp;: un ouvrage servant à l’irrigation agro-industrielle, qui pompe directement dans la nappe phréatique et menace la ressource en eau (<em>lire la rubrique (Re)découvrir</em>).</p> <p>Au milieu des 6.000 participant·es venu·es de toute la France, face à 1.700 gendarmes mobiles et sous le regard de sept hélicoptères, Boris a manifesté pacifiquement. Il se souvient de la tension extrême, des gaz lacrymogènes, des camarades matraqué·es sans raison apparente… A son retour, il a bien entendu le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qualifier certain·es manifestant·es d’écoterroristes. <em>«&nbsp;Je trouve ce terme très déplacé et empreint du plus grand mépris,</em> s’insurge Boris.<em> Un terroriste, son but, c’est quoi&nbsp;? C’est de déstabiliser l’Etat, de le bouleverser par les armes. Je ne porte pas d’arme, je ne porte atteinte à la vie de personne, j’aimerais bien que les changements se fassent en douceur et ne soient pas brutaux.&nbsp;»</em></p> <p>Certes, des affrontements ont bien eu lieu avec les forces de l’ordre. Des dizaines de blessé·es ont été comptabilisé·es de chaque côté, dont un gravement touché par un tir de LBD. Cinq manifestants ont été inculpés, accusés de «&nbsp;participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences&nbsp;». Pas de faits avérés, donc. Pourtant, le lundi 28 novembre, le tribunal de Niort les a condamnés à deux et trois mois de prison avec sursis. Ils vont faire appel.</p> <p>Ainsi, alors que les militant·es organisent de plus en plus d’actions spectaculaires et médiatiques pour réveiller les consciences face à l’urgence écologique et sociale, le ton du gouvernement et la répression se durcissent. Surveillances et écoutes, perquisitions, gardes à vue, interdictions de manifester, arrestations et condamnations se multiplient. Pourtant, aucun acte pouvant être qualifié juridiquement d’écoterrorisme n’a été commis sur le sol français. Alors, de quel côté est la terreur&nbsp;? En quoi l’emploi de ce terme fait partie intégrante d’une stratégie de dénigrement politique&nbsp;? Les actions de désobéissance civile peuvent-ils vraiment être considérés comme du terrorisme&nbsp;?</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_graff.JPG"> </a></p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/boris_manif.jpg" alt="écopole graff" width="544" height="306" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Que reste-t-il sinon l'action de terrain ?</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>______________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>Dimanche 11 décembre, plusieurs dizaines de militant·es écologistes ont envahi une cimenterie appartenant à l’entreprise Lafarge près de Marseille, pour dénoncer la pollution générée par ce type de site (le secteur du bâtiment est l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre). Dans leur texte de revendication, iels ont également rappelé les liens entretenus par la firme française avec des groupes terroristes en Syrie, dont l’organisation Etat islamique... Iels ont saboté du matériel avant de repartir sans qu’aucun heurt n’éclate.</p> <p>Depuis quelques années, les actions de la sorte se multiplient en France. Si les cibles et le répertoire varient, les objectifs sont les mêmes&nbsp;: alerter l’opinion publique ; faire pression sur les décideur·ses politiques&nbsp;; expérimenter d’autres modèles de société.<br />S’iels agissent au sein de mouvements distincts (qui parfois s’unissent), les militant·es ont en commun de ne pas se sentir suffisamment entendu·es. Dès lors, organiser des manifestations «&nbsp;classiques&nbsp;» ne suffit plus. D’autant que celles-ci sont régulièrement interdites, au prétexte d’un risque de trouble à l’ordre public…<br /><em>«&nbsp;Que reste-t-il si l’écologie politique ne sert à rien et si le dialogue ne fonctionne plus, sinon l’action de terrain, éventuellement violente, en résistance aux décisions d’un Etat qui ne tiendrait pas ses engagements&nbsp;?&nbsp;»</em> interrogent Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, dans leur ouvrage intitulé «&nbsp;Ecoterrorisme&nbsp;»<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span>.</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_5.jpg" alt="ste soline 5" width="634" height="420" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>La question n’est pas nouvelle et l’action directe non plus. L’Institut de recherches sur la Résolution Non violente des Conflits (IRNC) la définit ainsi&nbsp;: <em>«&nbsp;L’action directe consiste à intervenir directement dans la vie de la société sans passer par l’intermédiaire des institutions sociales ou politiques. Ainsi, misera-t-on, pour changer la société, davantage sur l’action de rue que sur le bulletin de vote. La théorie de l’action directe se fonde sur une critique du fonctionnement de la démocratie formelle qui permet rarement au citoyen de faire vraiment entendre sa voix et d’avoir prise sur la réalité.&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(2)</span></p> <p>L’action directe peut prendre différentes formes&nbsp;: la protestation (par exemple, sous forme de manifestations)&nbsp;; la non collaboration sociale (grève, désobéissance civile)&nbsp;; la non collaboration politique (boycott d’organes législatifs ou d’élections ou de services, non collaboration avec les forces de l’ordre ou les institutions militaires)&nbsp;; l’intervention non violente (grève de la faim, sit-in, occupations de lieux). L’écosabotage, qui consiste à démanteler du matériel ou un site de production pour paralyser un chantier ou une activité, fait aussi partie de l’action directe.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________________________</span></strong></p> <h3>La désobéissance civile pour faire évoluer les lois</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>De tels actes jalonnent l’histoire contemporaine française. Durant les années 1980, des écologistes attaquèrent régulièrement les chantiers de centrales nucléaires comme celle de Golfech, en Tarn-et-Garonne. A la même période, le CLODO (Comité de Liquidation Ou de Détournement des Ordinateurs) organisait des actions de type colis piégés et incendies dans le Sud-Ouest, en visant des entreprises d’informatique.<br />Dans les années 1990, le collectif «&nbsp;Bleaucombat&nbsp;» endommagea du matériel de l’Office National de Forêts (ONF) pour protester contre la gestion désastreuse des massifs de Fontainebleau. Les premiers fauchages d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) débutèrent dans les champs, à l’initiative de la Confédération paysanne (<em>lire aussi en (Ré)créations</em>) et en 1999, le mouvement altermondialiste démonta le chantier du MacDonald’s de Millau.</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_1.jpg" alt="ste soline 1" width="554" height="472" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>Depuis les années 2000, les défenseur·ses de la cause animale comme L214 sont régulièrement sur le devant de la scène médiatique, notamment grâce à leurs incursions filmées dans les abattoirs et les laboratoires de vivisection.<br />Récemment, ce sont les organisations Extinction Rebellion, Dernière Rénovation ou encore les Soulèvements de la Terre qui ont fait la Une des médias. Elles privilégient les actions de blocages (d’entreprises comme Lafarge, de chantiers comme à Sainte-Soline, de rues comme celle de Rivoli à Paris) et de réoccupations des espaces (installation de maraîcher·es à la place d’un éco-quartier à Besançon, Zone à Papates à Pertuis contre l’extension d’une zone d’activités, plantation sur le tracé de la RN 21 en Haute-Loire ou sur les futurs parkings du Stade Rennais en Bretagne…).</p> <p>Dans leur ouvrage «&nbsp;Pour la désobéissance civile&nbsp;» paru en 2004, José Bové et Gilles Luneau précise le concept&nbsp;: <em>«&nbsp;une forme d’action collective non violente par laquelle les citoyens, ouvertement et délibérément, transgressent de manière concertée une ou plusieurs lois en vigueur (décrets, règlements, ordre émanant d’une autorité locale), dans le but d’exercer soit directement, soit indirectement (par appel à l’opinion publique) une pression sur le législateur ou sur le pouvoir politique. Pression visant soit la modification de la loi transgressée, soit la modification d’une décision politique, soit même, très exceptionnellement, le renversement du pouvoir&nbsp;»</em>.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Un discours indécent pour les victimes de terrorisme</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>____________________________________________________________<br /></strong></span></p> <p>En réaction, les hommes et femmes politiques ou les responsables des multinationales subissant ces actes tentent de décrédibiliser les militant·es en soulignant le caractère violent de leurs actions. C’est ainsi que le dimanche 30 octobre, à l’occasion d’une conférence de presse, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, accusait certain·es manifestant·es de Sainte-Soline d’<em>«&nbsp;écoterrorisme&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. Quelques jours plus tard, dans une tribune du JDD, Sonia Bakès, secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté, affirmait que la désobéissance civile est <em>«&nbsp;l’anti-chambre sournoise du séparatisme&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Toujours dans le JDD, des élu·es macronistes allaient encore plus loin en parlant d’<em>«&nbsp;écototalitarisme&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p> <p>La déclaration de Gérald Darmanin a suscité beaucoup d’émotions et de réactions dans les médias. Comme le souligne le journaliste Gaspard d’Allens dans Reporterre&nbsp;: <em>«&nbsp;le ministre de l’Intérieur a franchi un nouveau cap dans l’indécence. Il insulte le mouvement écologiste tout en bafouant la mémoire des victimes récentes du djihadisme.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (6)</span><br />Eric Dénécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, (CF2R) n'est <em>«&nbsp;pas sûr que Gérald Darmanin sache de quoi il parle&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>.</p> <p>Car enfin, quelle est la définition du terrorisme&nbsp;? Selon l’ONU, <em>«&nbsp;tout acte qui vise à tuer ou à blesser grièvement des civils ou des non-combattants, et qui, du fait de sa nature ou du contexte dans lequel il est commis, doit avoir pour effet d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à agir ou à renoncer à agir d’une façon quelconque&nbsp;»</em>. Blesser ou tuer grièvement des civils ou des non-combattants&nbsp;? Il n’en a jamais été question pour aucune organisation écologiste en France.<br />Le Code Pénal, quant à lui, nous dit&nbsp;: <em>«&nbsp;Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur&nbsp;»</em>, les infractions de type atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, enlèvement et séquestration, détournement de moyens de transport, vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations en matière informatique, infractions en matière d'armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires, blanchiment et délits d’initiés… <span style="font-size: 8pt;">(8)</span> Non, décidément, aucun rapport avec Bassines Non Merci&nbsp;!</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_2.jpg" alt="ste soline 2" width="620" height="412" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>Soulignons que le Parquet National Antiterroriste (PNAT) n’a jamais requis l’ouverture d’une information judiciaire contre des militant·es écologistes. Les infractions relevées ont toujours été traitées par des juridictions ordinaires.<br />Et comme le souligne le politologue Clément Viktorovitch cité par Gaspard d’Allens, <em>«&nbsp;la destruction de biens n’est pas de la violence. Mettre un coup de pioche à un bassin en construction ou sur une canalisation ne peut relever du terrorisme. Des concepts juridiques ont été détournés de leur sens pour décrédibiliser une mobilisation. Que des ministres de la République manipulent à ce point le langage en toute impunité… Cela devrait peut-être nous inquiéter&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></strong></p> <h3>Un terme qui vient d’outre Atlantique</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>__________________________________________</strong></span></p> <p><em></em>Pour autant, le terme utilisé par Gérald Darmanin ne sort pas de nulle part&nbsp;: aux Etats-Unis, la division antiterroriste du FBI définit l’écoterrorisme comme <em>«&nbsp;l’usage ou la menace d’utiliser la violence de manière criminelle, contre des victimes innocentes ou des biens, par un groupe d’orientation écologique, pour des raisons politiques liées à l’environnement&nbsp;»</em>. Des actes de sabotage peuvent donc être qualifiés de terroristes. Depuis 2006, l’arsenal législatif a été durci dans ce sens.</p> <p>Deux groupes sont considérés comme écoterroristes outre Atlantique&nbsp;: l’ALF (Animal Liberation Front) et l’ELF (Earth Liberation Front).</p> <p>L’ALF puise ses origines dans les années 1960 avec la Hunt Saboteurs Association (HSA) qui s’oppose à la chasse en Angleterre. En 1973, estimant les actions de la HSA trop douces, Ronnie Lee et Claig Goodman créent Band of Mercy et durcissent les actions&nbsp;: sabotage sur des véhicules, vandalisme de magasins de fourrure, incendie d’un laboratoire de vivisection et de bateaux utilisés pour la chasse aux phoques… Arrêtés, ils sont condamnés à trois ans de prison. A sa sortie en 1976, Ronnie Lee crée l’ALF. Elle est aujourd’hui active aux Etats-Unis et dans une trentaine de pays en Europe avec des actions telles que des séquestrations, des attaques contre des laboratoires, des incendies, des explosifs placés sous les véhicules de scientifiques...</p> <p>Créé en 1972, l’ELF est considéré par le FBI comme <em>«&nbsp;un mouvement terroriste parmi les plus extrémistes des Etats-Unis&nbsp;»</em>. Elle est née d’une scission entre les membres de Earth First&nbsp;!, des écologistes considéré·es déjà comme «&nbsp;radicaux&nbsp;» parce que plaçant les intérêts de la planète Terre au-dessus de toute espèce vivante, y compris l’espèce humaine... Parmi ses actions les plus célèbres, la destruction de plusieurs bâtiments et de remonte-pentes d’une station de ski dans le Colorado, en octobre 2008. Résultat&nbsp;:12 millions de dollars de dégâts, soit le sabotage environnemental le plus coûteux de l’histoire américaine.<br />Le FBI a dénombré plus de 2.000 actes d’écoterrorisme entre 1979 et 2017, sans qu’ils aient toutefois causé de décès.</p> <p>&nbsp;<strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________</span></strong></p> <h3>L’Etat accentue la répression</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________</strong></span></p> <p>En France, rien n’indique que les militant·es écologistes en viendront un jour à s’attaquer aux personnes plutôt qu’aux biens. En revanche, iels sont de plus en plus victimes de surveillance, le gouvernement n’hésitant pas à employer désormais l’arsenal des lois antiterroristes pour tout et n’importe quoi. Gaspard d’Allens rappelle ainsi qu’en 2019, le gouvernement avait mobilisé les services antiterroristes contre les décrocheurs de portraits de Macron&nbsp;! En 2020, les méthodes de l’antiterrorisme ont été employées pour l’enquête judiciaire à l’encontre des militant·es antinucléaires de Bure&nbsp;: des dizaines de personnes avaient alors été placées sur écoute, 85.000&nbsp;conversations interceptées, soit seize&nbsp;ans de temps d’écoute cumulé&nbsp;! En mars dernier, dans les Deux-Sèvres, une caméra de surveillance militaire est retrouvée devant le domicile du père du porte-parole de Bassines Non Merci. Nées des lois antiterroristes de 2015, des dispositions autorisent certains services de renseignements à enregistrer des images ou des paroles tenues dans les lieux privés sans autorisation d’un procureur ou d’un juge.</p> <p>Depuis la médiatisation de la lutte anti-bassines, l’Etat accentue la pression sur les militant·es. Des perquisitions et des gardes à vue ont eu lieu en octobre. Dans une circulaire « relative au traitement judiciaire des infractions commises dans le cadre de contestations de projets d’aménagement du territoire&nbsp;» révélée par Mediapart le 9 novembre dernier <span style="font-size: 8pt;">(9)</span>, les procureurs sont invités à ouvrir des dossiers pour provocation à un attroupement armé, association de malfaiteurs en vue de commettre des violences ou des dégradations, organisation de manifestations illicites… C’est la Section de Recherches (SR) de Poitiers qui est chargée de toutes les enquêtes relatives aux bassines. D’après les informations recueillies par le journal Libération, <em>«&nbsp;un groupe dédié, auprès duquel ont été détachés des militaires de la région, a été constitué dans ce service&nbsp;»</em>. <span style="font-size: 8pt;">(10)</span></p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_8_bis.jpg" alt="ste soline 8 bis" width="648" height="260" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>En 2019, le ministère de l’Intérieur, via la Gendarmerie nationale, a créé une cellule baptisée Déméter pour lutter contre <em>«&nbsp;les atteintes au monde agricole&nbsp;»</em>. Sur son site Internet, il annonce clairement la couleur&nbsp;: sont visés les actes tels que les vols ou la détérioration de biens, mais aussi «&nbsp;l’agribashing&nbsp;», autrement dit la simple expression d’une opposition au modèle agricole dominant… En janvier, saisi par des militant·es écologistes, le tribunal administratif de Paris a demandé au ministère de l’Intérieur <em>«&nbsp;de faire cesser les activités&nbsp;»</em> de prévention des <em>«&nbsp;actions de nature idéologique&nbsp;»</em> de la cellule Déméter sans pour autant la dissoudre. Le ministère a simplement déclaré prendre acte… Récemment, un membre de Bassines Non Merci Berry a reçu la visite de trois gendarmes l’interrogeant sur les intentions du collectif.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></strong></p> <h3>Une très grande détermination</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>_____________________________________</strong></span></p> <p>Les peines de prison prononcées à l’encontre des «&nbsp;inculpés de Sainte-Soline&nbsp;» visent également à décourager les militant·es d’organiser de nouvelles manifestations et occupations. <em>«&nbsp;Je reprends les mots du ministère public tenu lors de la comparution immédiate&nbsp;: il souhaitait faire de ce procès un exemple pour montrer qu’on ne manifeste pas impunément&nbsp;»</em>, a souligné l’avocat des prévenus, Alexis Baudelin à la sortie du procès.<br />Pour Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, l’État se trompe de stratégie&nbsp;: <em>«&nbsp;Les autorités ne semblent pas comprendre le mouvement qu’elles affrontent&nbsp;: elles s’obstinent à le traiter sur le mode exclusivement de sécurité publique alors qu’il est le symbole d’une nouvelle forme de lutte prenant argument de la crise économique pour brandir les valeurs de défense de la nature et de la remise en cause globale du système.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> Selon eux, plusieurs facteurs seraient en faveur d’un durcissement des luttes environnementales&nbsp;dont le sentiment de ne pas être écoutés (à la suite du Grenelle de l’environnement, de la COP 21, de la convention citoyenne pour le climat…) et les errements des partis écologistes traditionnels comme Europe Ecologie-Les Verts, dont se détournent de plus en plus les citoyen·nes.</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/procès_ste_soline.jpg" alt="procès ste soline" width="589" height="392" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_7_bis.jpg" alt="ste soline 7 bis" width="756" height="346" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p><em>«&nbsp;Ce que j’ai l’impression d’observer, c’est un rapport de force qui s’endurcit,</em> reconnaît Boris Radici, membre de Bassines Non Merci Berry. <em>On était habité d’une très grande détermination, ce 29 octobre à Sainte-Soline. On l’a vu aussi à travers le mouvement des Gilets Jaunes, cette très forte détermination, avec une partie de la population qui se révolte.&nbsp;»</em> Il ajoute&nbsp;: <em>«&nbsp;Malheureusement, face à nous, il n’y a aucune volonté de dialogue. On constate un déni de ce qui se passe, un mépris de notre action, des questions qui sont posées et des interpellations qui sont les nôtres… On pourrait donc craindre de devoir durcir notre action si en face de nous, il n’y a pas d’ouverture.&nbsp;»</em><br />Pour lui, le dialogue doit rester ouvert&nbsp;: <em>«&nbsp;C’est en ça que nous ne sommes pas des écoterroristes&nbsp;: on est pour des solutions pour changer l’agriculture. Pas pour tout raser, non&nbsp;! Simplement faire en sorte que les pratiques agricoles se modifient et soient plus en cohérence avec des événements qui nous dépassent, qui sont les événements climatiques. A partir du moment où je suis prêt au dialogue et prêt à discuter, je ne suis pas un terroriste.&nbsp;»</em></p> <p><strong> Texte : Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><strong>Crédit photos : Les Soulèvements de la Terre</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Cité dans «&nbsp;Ecoterrorisme&nbsp;» d’Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, éditions Tallandier, 2017.<br />(2) IRNC&nbsp;: <a href="https://www.irnc.org/">https://www.irnc.org/</a><br />(3) <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/gerald-darmanin/gerald-darmanin-provoque-un-tolle-en-denoncant-l-ecoterrorisme-des-manifestations-anti-bassines-d2c27f4a-5903-11ed-a722-27cc128a3cb2">https://www.ouest-france.fr/politique/gerald-darmanin/gerald-darmanin-provoque-un-tolle-en-denoncant-l-ecoterrorisme-des-manifestations-anti-bassines-d2c27f4a-5903-11ed-a722-27cc128a3cb2</a><br />(4) <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-sonia-backes-la-desobeissance-civile-ou-lantichambre-sournoise-dun-authentique-separatisme-4145478">https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-sonia-backes-la-desobeissance-civile-ou-lantichambre-sournoise-dun-authentique-separatisme-4145478</a><br />(5) <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/castaner-retailleau-muselier-sur-la-corrida-nos-traditions-doivent-resister-a-lecototalitarisme-4148752">https://www.lejdd.fr/Politique/castaner-retailleau-muselier-sur-la-corrida-nos-traditions-doivent-resister-a-lecototalitarisme-4148752</a><br />(6) <a href="https://reporterre.net/Ecoterrorisme-un-mot-pretexte-contre-la-lutte-ecologique">https://reporterre.net/Ecoterrorisme-un-mot-pretexte-contre-la-lutte-ecologique</a><br />(7) <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/environnement-existe-t-il-vraiment-des-ecoterroristes-en-france-comme-le-laisse-entendre-gerald-darmanin_5450221.html">https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/environnement-existe-t-il-vraiment-des-ecoterroristes-en-france-comme-le-laisse-entendre-gerald-darmanin_5450221.html</a><br />(8) Article 421-1 du Code Pénal français&nbsp;: <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006149845/">https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006149845/</a><br />(9) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45181">https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45181</a><br />(10) <a href="https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/mouvements-antibassines-la-repression-met-la-pression-20221128_YZSNVQWXABG5DLVBN2G537PZDU/">https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/mouvements-antibassines-la-repression-met-la-pression-20221128_YZSNVQWXABG5DLVBN2G537PZDU/</a></span></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> <p>• Il est ici fait référence à l’ouvrage d’Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, «&nbsp;Ecoterrorisme&nbsp;». S’il semble pertinent du point de vue historique et sociologique, il développe parfois des thèses bien éloignées de nos convictions et il semblait important de vous le signifier, cher·es lecteur·ices. Certains passages sur les liens supposés entre animalistes et islamophobie, par exemple, sont en parfaite opposition avec la ligne de (Re)bonds.net. Cette source, l’une des seules francophones sur le sujet, a paru toutefois indispensable pour comprendre les mécanismes de ce que certain·es appellent l’écoterrorisme.</p> </div> </div> <p style="text-align: right;"><em><strong>«&nbsp;Si nous acceptons d’être appelés écoterroristes, </strong></em><em><strong>alors nous nous exposons à toutes les mesures autoritaires des gouvernements </strong></em><em><strong>qui pourront le faire au nom de la lutte antiterroriste.&nbsp;» Un militant écologiste <span style="font-size: 8pt;">(1)</span></strong></em></p> <p><span style="font-size: 18pt;">J</span><em>e n’ai rien d’un écoterroriste. Je suis simplement un habitant qui défend son territoire. Je suis un militant, je fais de l’activisme d’accord, mais certainement pas du terrorisme&nbsp;!&nbsp;»</em> Boris Radici est co-fondateur du collectif Bassines Non Merci Berry, dans le Cher. Samedi 29 octobre, il a participé à la manifestation organisée à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, pour protester contre la construction d’une méga-bassine&nbsp;: un ouvrage servant à l’irrigation agro-industrielle, qui pompe directement dans la nappe phréatique et menace la ressource en eau (<em>lire la rubrique (Re)découvrir</em>).</p> <p>Au milieu des 6.000 participant·es venu·es de toute la France, face à 1.700 gendarmes mobiles et sous le regard de sept hélicoptères, Boris a manifesté pacifiquement. Il se souvient de la tension extrême, des gaz lacrymogènes, des camarades matraqué·es sans raison apparente… A son retour, il a bien entendu le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qualifier certain·es manifestant·es d’écoterroristes. <em>«&nbsp;Je trouve ce terme très déplacé et empreint du plus grand mépris,</em> s’insurge Boris.<em> Un terroriste, son but, c’est quoi&nbsp;? C’est de déstabiliser l’Etat, de le bouleverser par les armes. Je ne porte pas d’arme, je ne porte atteinte à la vie de personne, j’aimerais bien que les changements se fassent en douceur et ne soient pas brutaux.&nbsp;»</em></p> <p>Certes, des affrontements ont bien eu lieu avec les forces de l’ordre. Des dizaines de blessé·es ont été comptabilisé·es de chaque côté, dont un gravement touché par un tir de LBD. Cinq manifestants ont été inculpés, accusés de «&nbsp;participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences&nbsp;». Pas de faits avérés, donc. Pourtant, le lundi 28 novembre, le tribunal de Niort les a condamnés à deux et trois mois de prison avec sursis. Ils vont faire appel.</p> <p>Ainsi, alors que les militant·es organisent de plus en plus d’actions spectaculaires et médiatiques pour réveiller les consciences face à l’urgence écologique et sociale, le ton du gouvernement et la répression se durcissent. Surveillances et écoutes, perquisitions, gardes à vue, interdictions de manifester, arrestations et condamnations se multiplient. Pourtant, aucun acte pouvant être qualifié juridiquement d’écoterrorisme n’a été commis sur le sol français. Alors, de quel côté est la terreur&nbsp;? En quoi l’emploi de ce terme fait partie intégrante d’une stratégie de dénigrement politique&nbsp;? Les actions de désobéissance civile peuvent-ils vraiment être considérés comme du terrorisme&nbsp;?</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="http://www.rebonds.net/images/JUSTICEALIMENTAIRE/écopole_graff.JPG"> </a></p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/boris_manif.jpg" alt="écopole graff" width="544" height="306" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Que reste-t-il sinon l'action de terrain ?</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">__</span><strong>______________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>Dimanche 11 décembre, plusieurs dizaines de militant·es écologistes ont envahi une cimenterie appartenant à l’entreprise Lafarge près de Marseille, pour dénoncer la pollution générée par ce type de site (le secteur du bâtiment est l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre). Dans leur texte de revendication, iels ont également rappelé les liens entretenus par la firme française avec des groupes terroristes en Syrie, dont l’organisation Etat islamique... Iels ont saboté du matériel avant de repartir sans qu’aucun heurt n’éclate.</p> <p>Depuis quelques années, les actions de la sorte se multiplient en France. Si les cibles et le répertoire varient, les objectifs sont les mêmes&nbsp;: alerter l’opinion publique ; faire pression sur les décideur·ses politiques&nbsp;; expérimenter d’autres modèles de société.<br />S’iels agissent au sein de mouvements distincts (qui parfois s’unissent), les militant·es ont en commun de ne pas se sentir suffisamment entendu·es. Dès lors, organiser des manifestations «&nbsp;classiques&nbsp;» ne suffit plus. D’autant que celles-ci sont régulièrement interdites, au prétexte d’un risque de trouble à l’ordre public…<br /><em>«&nbsp;Que reste-t-il si l’écologie politique ne sert à rien et si le dialogue ne fonctionne plus, sinon l’action de terrain, éventuellement violente, en résistance aux décisions d’un Etat qui ne tiendrait pas ses engagements&nbsp;?&nbsp;»</em> interrogent Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, dans leur ouvrage intitulé «&nbsp;Ecoterrorisme&nbsp;»<span style="font-size: 8pt;"> (1)</span>.</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_5.jpg" alt="ste soline 5" width="634" height="420" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>La question n’est pas nouvelle et l’action directe non plus. L’Institut de recherches sur la Résolution Non violente des Conflits (IRNC) la définit ainsi&nbsp;: <em>«&nbsp;L’action directe consiste à intervenir directement dans la vie de la société sans passer par l’intermédiaire des institutions sociales ou politiques. Ainsi, misera-t-on, pour changer la société, davantage sur l’action de rue que sur le bulletin de vote. La théorie de l’action directe se fonde sur une critique du fonctionnement de la démocratie formelle qui permet rarement au citoyen de faire vraiment entendre sa voix et d’avoir prise sur la réalité.&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(2)</span></p> <p>L’action directe peut prendre différentes formes&nbsp;: la protestation (par exemple, sous forme de manifestations)&nbsp;; la non collaboration sociale (grève, désobéissance civile)&nbsp;; la non collaboration politique (boycott d’organes législatifs ou d’élections ou de services, non collaboration avec les forces de l’ordre ou les institutions militaires)&nbsp;; l’intervention non violente (grève de la faim, sit-in, occupations de lieux). L’écosabotage, qui consiste à démanteler du matériel ou un site de production pour paralyser un chantier ou une activité, fait aussi partie de l’action directe.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">________________________________________________________________________</span></strong></p> <h3>La désobéissance civile pour faire évoluer les lois</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________________________________</strong></span><span style="font-family: georgia, palatino;"><span style="color: #fc615d;"><br /></span></span></p> <p>De tels actes jalonnent l’histoire contemporaine française. Durant les années 1980, des écologistes attaquèrent régulièrement les chantiers de centrales nucléaires comme celle de Golfech, en Tarn-et-Garonne. A la même période, le CLODO (Comité de Liquidation Ou de Détournement des Ordinateurs) organisait des actions de type colis piégés et incendies dans le Sud-Ouest, en visant des entreprises d’informatique.<br />Dans les années 1990, le collectif «&nbsp;Bleaucombat&nbsp;» endommagea du matériel de l’Office National de Forêts (ONF) pour protester contre la gestion désastreuse des massifs de Fontainebleau. Les premiers fauchages d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) débutèrent dans les champs, à l’initiative de la Confédération paysanne (<em>lire aussi en (Ré)créations</em>) et en 1999, le mouvement altermondialiste démonta le chantier du MacDonald’s de Millau.</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_1.jpg" alt="ste soline 1" width="554" height="472" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>Depuis les années 2000, les défenseur·ses de la cause animale comme L214 sont régulièrement sur le devant de la scène médiatique, notamment grâce à leurs incursions filmées dans les abattoirs et les laboratoires de vivisection.<br />Récemment, ce sont les organisations Extinction Rebellion, Dernière Rénovation ou encore les Soulèvements de la Terre qui ont fait la Une des médias. Elles privilégient les actions de blocages (d’entreprises comme Lafarge, de chantiers comme à Sainte-Soline, de rues comme celle de Rivoli à Paris) et de réoccupations des espaces (installation de maraîcher·es à la place d’un éco-quartier à Besançon, Zone à Papates à Pertuis contre l’extension d’une zone d’activités, plantation sur le tracé de la RN 21 en Haute-Loire ou sur les futurs parkings du Stade Rennais en Bretagne…).</p> <p>Dans leur ouvrage «&nbsp;Pour la désobéissance civile&nbsp;» paru en 2004, José Bové et Gilles Luneau précise le concept&nbsp;: <em>«&nbsp;une forme d’action collective non violente par laquelle les citoyens, ouvertement et délibérément, transgressent de manière concertée une ou plusieurs lois en vigueur (décrets, règlements, ordre émanant d’une autorité locale), dans le but d’exercer soit directement, soit indirectement (par appel à l’opinion publique) une pression sur le législateur ou sur le pouvoir politique. Pression visant soit la modification de la loi transgressée, soit la modification d’une décision politique, soit même, très exceptionnellement, le renversement du pouvoir&nbsp;»</em>.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">___________________________________________________________________________</span></strong></p> <h3>Un discours indécent pour les victimes de terrorisme</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;">_</span><strong>____________________________________________________________<br /></strong></span></p> <p>En réaction, les hommes et femmes politiques ou les responsables des multinationales subissant ces actes tentent de décrédibiliser les militant·es en soulignant le caractère violent de leurs actions. C’est ainsi que le dimanche 30 octobre, à l’occasion d’une conférence de presse, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, accusait certain·es manifestant·es de Sainte-Soline d’<em>«&nbsp;écoterrorisme&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(3)</span>. Quelques jours plus tard, dans une tribune du JDD, Sonia Bakès, secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté, affirmait que la désobéissance civile est <em>«&nbsp;l’anti-chambre sournoise du séparatisme&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(4)</span>. Toujours dans le JDD, des élu·es macronistes allaient encore plus loin en parlant d’<em>«&nbsp;écototalitarisme&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p> <p>La déclaration de Gérald Darmanin a suscité beaucoup d’émotions et de réactions dans les médias. Comme le souligne le journaliste Gaspard d’Allens dans Reporterre&nbsp;: <em>«&nbsp;le ministre de l’Intérieur a franchi un nouveau cap dans l’indécence. Il insulte le mouvement écologiste tout en bafouant la mémoire des victimes récentes du djihadisme.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (6)</span><br />Eric Dénécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, (CF2R) n'est <em>«&nbsp;pas sûr que Gérald Darmanin sache de quoi il parle&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(7)</span>.</p> <p>Car enfin, quelle est la définition du terrorisme&nbsp;? Selon l’ONU, <em>«&nbsp;tout acte qui vise à tuer ou à blesser grièvement des civils ou des non-combattants, et qui, du fait de sa nature ou du contexte dans lequel il est commis, doit avoir pour effet d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à agir ou à renoncer à agir d’une façon quelconque&nbsp;»</em>. Blesser ou tuer grièvement des civils ou des non-combattants&nbsp;? Il n’en a jamais été question pour aucune organisation écologiste en France.<br />Le Code Pénal, quant à lui, nous dit&nbsp;: <em>«&nbsp;Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur&nbsp;»</em>, les infractions de type atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, enlèvement et séquestration, détournement de moyens de transport, vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations en matière informatique, infractions en matière d'armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires, blanchiment et délits d’initiés… <span style="font-size: 8pt;">(8)</span> Non, décidément, aucun rapport avec Bassines Non Merci&nbsp;!</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_2.jpg" alt="ste soline 2" width="620" height="412" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>Soulignons que le Parquet National Antiterroriste (PNAT) n’a jamais requis l’ouverture d’une information judiciaire contre des militant·es écologistes. Les infractions relevées ont toujours été traitées par des juridictions ordinaires.<br />Et comme le souligne le politologue Clément Viktorovitch cité par Gaspard d’Allens, <em>«&nbsp;la destruction de biens n’est pas de la violence. Mettre un coup de pioche à un bassin en construction ou sur une canalisation ne peut relever du terrorisme. Des concepts juridiques ont été détournés de leur sens pour décrédibiliser une mobilisation. Que des ministres de la République manipulent à ce point le langage en toute impunité… Cela devrait peut-être nous inquiéter&nbsp;»</em> <span style="font-size: 8pt;">(5)</span>.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________________</span></strong></p> <h3>Un terme qui vient d’outre Atlantique</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong><span style="font-size: 10pt;">_</span>__________________________________________</strong></span></p> <p><em></em>Pour autant, le terme utilisé par Gérald Darmanin ne sort pas de nulle part&nbsp;: aux Etats-Unis, la division antiterroriste du FBI définit l’écoterrorisme comme <em>«&nbsp;l’usage ou la menace d’utiliser la violence de manière criminelle, contre des victimes innocentes ou des biens, par un groupe d’orientation écologique, pour des raisons politiques liées à l’environnement&nbsp;»</em>. Des actes de sabotage peuvent donc être qualifiés de terroristes. Depuis 2006, l’arsenal législatif a été durci dans ce sens.</p> <p>Deux groupes sont considérés comme écoterroristes outre Atlantique&nbsp;: l’ALF (Animal Liberation Front) et l’ELF (Earth Liberation Front).</p> <p>L’ALF puise ses origines dans les années 1960 avec la Hunt Saboteurs Association (HSA) qui s’oppose à la chasse en Angleterre. En 1973, estimant les actions de la HSA trop douces, Ronnie Lee et Claig Goodman créent Band of Mercy et durcissent les actions&nbsp;: sabotage sur des véhicules, vandalisme de magasins de fourrure, incendie d’un laboratoire de vivisection et de bateaux utilisés pour la chasse aux phoques… Arrêtés, ils sont condamnés à trois ans de prison. A sa sortie en 1976, Ronnie Lee crée l’ALF. Elle est aujourd’hui active aux Etats-Unis et dans une trentaine de pays en Europe avec des actions telles que des séquestrations, des attaques contre des laboratoires, des incendies, des explosifs placés sous les véhicules de scientifiques...</p> <p>Créé en 1972, l’ELF est considéré par le FBI comme <em>«&nbsp;un mouvement terroriste parmi les plus extrémistes des Etats-Unis&nbsp;»</em>. Elle est née d’une scission entre les membres de Earth First&nbsp;!, des écologistes considéré·es déjà comme «&nbsp;radicaux&nbsp;» parce que plaçant les intérêts de la planète Terre au-dessus de toute espèce vivante, y compris l’espèce humaine... Parmi ses actions les plus célèbres, la destruction de plusieurs bâtiments et de remonte-pentes d’une station de ski dans le Colorado, en octobre 2008. Résultat&nbsp;:12 millions de dollars de dégâts, soit le sabotage environnemental le plus coûteux de l’histoire américaine.<br />Le FBI a dénombré plus de 2.000 actes d’écoterrorisme entre 1979 et 2017, sans qu’ils aient toutefois causé de décès.</p> <p>&nbsp;<strong><span style="color: #fc615d;">_________________________________________</span></strong></p> <h3>L’Etat accentue la répression</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>__________________________________</strong></span></p> <p>En France, rien n’indique que les militant·es écologistes en viendront un jour à s’attaquer aux personnes plutôt qu’aux biens. En revanche, iels sont de plus en plus victimes de surveillance, le gouvernement n’hésitant pas à employer désormais l’arsenal des lois antiterroristes pour tout et n’importe quoi. Gaspard d’Allens rappelle ainsi qu’en 2019, le gouvernement avait mobilisé les services antiterroristes contre les décrocheurs de portraits de Macron&nbsp;! En 2020, les méthodes de l’antiterrorisme ont été employées pour l’enquête judiciaire à l’encontre des militant·es antinucléaires de Bure&nbsp;: des dizaines de personnes avaient alors été placées sur écoute, 85.000&nbsp;conversations interceptées, soit seize&nbsp;ans de temps d’écoute cumulé&nbsp;! En mars dernier, dans les Deux-Sèvres, une caméra de surveillance militaire est retrouvée devant le domicile du père du porte-parole de Bassines Non Merci. Nées des lois antiterroristes de 2015, des dispositions autorisent certains services de renseignements à enregistrer des images ou des paroles tenues dans les lieux privés sans autorisation d’un procureur ou d’un juge.</p> <p>Depuis la médiatisation de la lutte anti-bassines, l’Etat accentue la pression sur les militant·es. Des perquisitions et des gardes à vue ont eu lieu en octobre. Dans une circulaire « relative au traitement judiciaire des infractions commises dans le cadre de contestations de projets d’aménagement du territoire&nbsp;» révélée par Mediapart le 9 novembre dernier <span style="font-size: 8pt;">(9)</span>, les procureurs sont invités à ouvrir des dossiers pour provocation à un attroupement armé, association de malfaiteurs en vue de commettre des violences ou des dégradations, organisation de manifestations illicites… C’est la Section de Recherches (SR) de Poitiers qui est chargée de toutes les enquêtes relatives aux bassines. D’après les informations recueillies par le journal Libération, <em>«&nbsp;un groupe dédié, auprès duquel ont été détachés des militaires de la région, a été constitué dans ce service&nbsp;»</em>. <span style="font-size: 8pt;">(10)</span></p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_8_bis.jpg" alt="ste soline 8 bis" width="648" height="260" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>En 2019, le ministère de l’Intérieur, via la Gendarmerie nationale, a créé une cellule baptisée Déméter pour lutter contre <em>«&nbsp;les atteintes au monde agricole&nbsp;»</em>. Sur son site Internet, il annonce clairement la couleur&nbsp;: sont visés les actes tels que les vols ou la détérioration de biens, mais aussi «&nbsp;l’agribashing&nbsp;», autrement dit la simple expression d’une opposition au modèle agricole dominant… En janvier, saisi par des militant·es écologistes, le tribunal administratif de Paris a demandé au ministère de l’Intérieur <em>«&nbsp;de faire cesser les activités&nbsp;»</em> de prévention des <em>«&nbsp;actions de nature idéologique&nbsp;»</em> de la cellule Déméter sans pour autant la dissoudre. Le ministère a simplement déclaré prendre acte… Récemment, un membre de Bassines Non Merci Berry a reçu la visite de trois gendarmes l’interrogeant sur les intentions du collectif.</p> <p><strong><span style="color: #fc615d;">______________________________________________</span></strong></p> <h3>Une très grande détermination</h3> <p><span style="font-size: 12pt; color: #ff615d;"><span style="font-size: 10pt;"></span><strong>_____________________________________</strong></span></p> <p>Les peines de prison prononcées à l’encontre des «&nbsp;inculpés de Sainte-Soline&nbsp;» visent également à décourager les militant·es d’organiser de nouvelles manifestations et occupations. <em>«&nbsp;Je reprends les mots du ministère public tenu lors de la comparution immédiate&nbsp;: il souhaitait faire de ce procès un exemple pour montrer qu’on ne manifeste pas impunément&nbsp;»</em>, a souligné l’avocat des prévenus, Alexis Baudelin à la sortie du procès.<br />Pour Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, l’État se trompe de stratégie&nbsp;: <em>«&nbsp;Les autorités ne semblent pas comprendre le mouvement qu’elles affrontent&nbsp;: elles s’obstinent à le traiter sur le mode exclusivement de sécurité publique alors qu’il est le symbole d’une nouvelle forme de lutte prenant argument de la crise économique pour brandir les valeurs de défense de la nature et de la remise en cause globale du système.&nbsp;»</em><span style="font-size: 8pt;"> (1)</span> Selon eux, plusieurs facteurs seraient en faveur d’un durcissement des luttes environnementales&nbsp;dont le sentiment de ne pas être écoutés (à la suite du Grenelle de l’environnement, de la COP 21, de la convention citoyenne pour le climat…) et les errements des partis écologistes traditionnels comme Europe Ecologie-Les Verts, dont se détournent de plus en plus les citoyen·nes.</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/procès_ste_soline.jpg" alt="procès ste soline" width="589" height="392" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="http://www.rebonds.net/images/ECOTERRORISME/ste_soline_7_bis.jpg" alt="ste soline 7 bis" width="756" height="346" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p><em>«&nbsp;Ce que j’ai l’impression d’observer, c’est un rapport de force qui s’endurcit,</em> reconnaît Boris Radici, membre de Bassines Non Merci Berry. <em>On était habité d’une très grande détermination, ce 29 octobre à Sainte-Soline. On l’a vu aussi à travers le mouvement des Gilets Jaunes, cette très forte détermination, avec une partie de la population qui se révolte.&nbsp;»</em> Il ajoute&nbsp;: <em>«&nbsp;Malheureusement, face à nous, il n’y a aucune volonté de dialogue. On constate un déni de ce qui se passe, un mépris de notre action, des questions qui sont posées et des interpellations qui sont les nôtres… On pourrait donc craindre de devoir durcir notre action si en face de nous, il n’y a pas d’ouverture.&nbsp;»</em><br />Pour lui, le dialogue doit rester ouvert&nbsp;: <em>«&nbsp;C’est en ça que nous ne sommes pas des écoterroristes&nbsp;: on est pour des solutions pour changer l’agriculture. Pas pour tout raser, non&nbsp;! Simplement faire en sorte que les pratiques agricoles se modifient et soient plus en cohérence avec des événements qui nous dépassent, qui sont les événements climatiques. A partir du moment où je suis prêt au dialogue et prêt à discuter, je ne suis pas un terroriste.&nbsp;»</em></p> <p><strong> Texte : Fanny Lancelin<br /></strong></p> <p><strong>Crédit photos : Les Soulèvements de la Terre</strong></p> <p><span style="font-size: 8pt;">(1) Cité dans «&nbsp;Ecoterrorisme&nbsp;» d’Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, éditions Tallandier, 2017.<br />(2) IRNC&nbsp;: <a href="https://www.irnc.org/">https://www.irnc.org/</a><br />(3) <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/gerald-darmanin/gerald-darmanin-provoque-un-tolle-en-denoncant-l-ecoterrorisme-des-manifestations-anti-bassines-d2c27f4a-5903-11ed-a722-27cc128a3cb2">https://www.ouest-france.fr/politique/gerald-darmanin/gerald-darmanin-provoque-un-tolle-en-denoncant-l-ecoterrorisme-des-manifestations-anti-bassines-d2c27f4a-5903-11ed-a722-27cc128a3cb2</a><br />(4) <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-sonia-backes-la-desobeissance-civile-ou-lantichambre-sournoise-dun-authentique-separatisme-4145478">https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-sonia-backes-la-desobeissance-civile-ou-lantichambre-sournoise-dun-authentique-separatisme-4145478</a><br />(5) <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/castaner-retailleau-muselier-sur-la-corrida-nos-traditions-doivent-resister-a-lecototalitarisme-4148752">https://www.lejdd.fr/Politique/castaner-retailleau-muselier-sur-la-corrida-nos-traditions-doivent-resister-a-lecototalitarisme-4148752</a><br />(6) <a href="https://reporterre.net/Ecoterrorisme-un-mot-pretexte-contre-la-lutte-ecologique">https://reporterre.net/Ecoterrorisme-un-mot-pretexte-contre-la-lutte-ecologique</a><br />(7) <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/environnement-existe-t-il-vraiment-des-ecoterroristes-en-france-comme-le-laisse-entendre-gerald-darmanin_5450221.html">https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/environnement-existe-t-il-vraiment-des-ecoterroristes-en-france-comme-le-laisse-entendre-gerald-darmanin_5450221.html</a><br />(8) Article 421-1 du Code Pénal français&nbsp;: <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006149845/">https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006149845/</a><br />(9) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45181">https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45181</a><br />(10) <a href="https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/mouvements-antibassines-la-repression-met-la-pression-20221128_YZSNVQWXABG5DLVBN2G537PZDU/">https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/mouvements-antibassines-la-repression-met-la-pression-20221128_YZSNVQWXABG5DLVBN2G537PZDU/</a></span></p> <p><span style="font-size: 8pt;"></span></p> <p>&nbsp;</p> <div class="panel panel-primary"> <div class="panel-heading"> <h3 class="panel-title">Plus</h3> <p>• Il est ici fait référence à l’ouvrage d’Eric Dénécé et Jamil Abou Assi, «&nbsp;Ecoterrorisme&nbsp;». S’il semble pertinent du point de vue historique et sociologique, il développe parfois des thèses bien éloignées de nos convictions et il semblait important de vous le signifier, cher·es lecteur·ices. Certains passages sur les liens supposés entre animalistes et islamophobie, par exemple, sont en parfaite opposition avec la ligne de (Re)bonds.net. Cette source, l’une des seules francophones sur le sujet, a paru toutefois indispensable pour comprendre les mécanismes de ce que certain·es appellent l’écoterrorisme.</p> </div> </div>