# 13 La ZAD partout (mai 2018) http://www.rebonds.net/lazadpartout Thu, 11 May 2023 19:17:36 +0200 Joomla! - Open Source Content Management fr-fr Défendons d'autres manières d'habiter http://www.rebonds.net/lazadpartout/418-defendonsdautresmanieresdhabiter http://www.rebonds.net/lazadpartout/418-defendonsdautresmanieresdhabiter Le 6 avril 2018, un collectif d'architectes, d'urbanistes et de citoyen.nes publiaient une tribune, doublée d'une pétition, intitulée "Comme à la Zad de Notre-Dame-des-Landes, défendons d'autres manières d'habiter". 

Dans le Cher, la Coopération intégrale du Berry (CIB) et l'association Patrimoines irréguliers de France (PIF) - dont fait partie la Cathédrale de Jean Linard - ont décidé de se saisir de la question.

Quelles sont ces "autres manières d'habiter" ? En quoi préfigurent-elles des manières engagées de vivre, de penser, d'être au monde ? Un projet d'expositions et d'animations est en cours. En voici la note d'intention.

Préambule

Insoutenable. Comment définir autrement la forme d’habitat qui déferle actuellement dans notre société ? Écologiquement non-durable, éthiquement injustifiable, esthétiquement inacceptable, notre habitat est schizophrène. Cette science militaire qu’est l’aménagement du territoire s’y impose, en le forçant à se convertir en un complexe gérable, mesuré, calculé. Les lieux anonymes, les « non-lieux  », prolifèrent : autoroutes, gares, aéroports, centres commerciaux, parkings, chaînes hôtelières... Les mégalomanies architecturales et urbaines des archistars (architectes-stars), constructions spectaculaires et autoréférentielles, sont souvent incapables de répondre aux besoins réels de la population et du territoire dans lequel elles surgissent. Des projets titanesques d’équipement territorial considérés comme «  indispensables au développement économique  » des territoires transforment les milieux naturels en infrastructures. Sous le choc de la globalisation du capitalisme, le paysage contemporain change, talonné par la consommation et la planification systémique, pendant qu’il augmente inexorablement la distance entre l’espace habité et celui qui l’habite, entre l’identité d’un individu ou d’une communauté, et les lieux.

cathedrale jean linard princ.jpgEntre les mailles de ce tissu bâti, épais et dépersonnalisant, il existe cependant des lieux de résistance où l’on expérimente de nouvelles formes de convivialité et de créativité. Ce sont des espaces interstitiels où l’individu n’est plus le sujet passif de relations de pouvoir et de mécanismes de marché, mais un acteur capable d’habiter la terre d’une manière responsable et poétique. Aux quatre coins du monde, des individus audacieux, inventifs et créatifs, ainsi que des collectifs aux organisations encore expérimentales produisent des actions ou construisent des univers relationnels qui constituent des antidotes puissants contre le sentiment d’anonymat et de solitude qu’on a dans tous ces espaces d’exploitation économique avec lesquels on nous oblige à cohabiter. C’est grâce à ces pratiques que le temps de la consommation passive se change en temps ludique-constructif et que l’habitat insoutenable se transforme en un théâtre de liberté créatrice.

Qui sommes-nous ?

PIF (Patrimoines Irréguliers de France) et la CIB (Coopération Intégrale du Berry) ont décidé de s'associer, afin de lancer une réflexion et des actions autour d'un thème qui leur est cher : « Habiter et bâtir autrement ».

Patrimoines Irréguliers de France est une association fondée en avril 2012. Son but  : la protection et la mise en valeur des architectures et des paysages dits «  irréguliers  » car non conformes aux règles établies en matière de construction. Élaborés sans plan strictement défini, à partir de matériaux naturels ou de réemploi, ils sont aussi originaux que fragiles. Réunissant des personnes issues d’horizons divers, l’association PIF vise à mettre en place une stratégie de sauvegarde de ce patrimoine, en attirant l’attention des particuliers, des médias, des pouvoirs publics et des institutions.
La France compte parmi les pays européens qui recèlent le plus de patrimoines irréguliers. Un exemple dans le Cher  ? La Cathédrale de Jean Linard à Neuvy-deux-Clochers !

ggLa Coopération Intégrale du Berry est un collectif né à Humbligny et ses alentours en 2016. L'objectif : organiser collectivement le quotidien, autour de la notion de convivialité et d'entraide, plutôt que d'économie et de profit. Ses membres choisissent de « se solutionner ensemble ». Comment  ? En créant des structures auto-gérées pour les questions d'alimentation, de travail, d'éducation, de construction...

Par exemple, la Provision Commune  : le lundi, chacun.e est invité.e à participer aux activités telles que la culture de légumes, la boulangerie, la brasserie, l'école, la fabrication d'un atelier... et a accès à un « panier » de produits et de services. Une Centrale d'Approvisionnement et d'Autoproduction Solidaire (CABAS) permet des commandes groupées. Une Mutuelle de travail, association d'entreprises, a vu le jour il y a quelques mois. Des Minga, chantiers collectifs pour le bien commun, sont régulièrement organisées. D'autres associations sont aussi rattachées à la CIB, notamment pour le transport partagé (APAT), l'informatique (Siberry) ou encore le centre social autogéré La Brèche.
Récemment, ce collectif a pris en gestion l'ex-restaurant Au Grès des Ouches à Morogues dans le but d'en faire un tiers lieu sous la forme de : cantine populaire, épicerie solidaire, espace de co-working, etc.

Par leur existence même et leurs actions, l'association PIF et le collectif CIB touchent directement à la question : « Que signifie habiter ? » Pas uniquement se loger ou occuper habituellement un lieu, mais bien construire, dans un espace donné, un monde avec lequel on peut s'identifier, un univers qu’on s’approprie et qu’on transforme selon ses propres désirs (*). De nouvelles formes d'habitats, mais aussi de nouvelles formes d'organisation, d'activités, de relations, de vie.

(*) référence à Martin Heidegger, « L’homme habite en poète... », in Id. , Essais et conférences, (1954), Paris : Gallimard, 1980, p. 225-245

Le point de départ du projet
    
Les expériences menées sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ne pouvaient qu'entrer en résonance avec celles de l'association PIF et du collectif de la CIB.
Le vendredi 6 avril 2018, à la veille de la destruction annoncée des habitats de la ZAD, un collectif d'architectes, d'urbanistes et de citoyens lançaient une pétition intitulée « Comme à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, défendons d'autres manières d'habiter » (**). Leur tribune est un véritable plaidoyer en faveur des « modes de construction autres », qui sont à la fois formes « atypiques », « école de l'habiter et du bâtir », « formes de vies diverses aspirant à une meilleure harmonie avec le territoire qu'elles occupent », réponses « aux enjeux écologiques et énergétiques », « résistance par l'occupation pérenne »... « Ce qui s'y joue, c'est aussi la défense d'un patrimoine vivant issu d'une lutte solidaire qui ouvre nos imaginaires. »
Tout comme à la Cathédrale de Jean Linard avec l'esprit qui l'anime, et à la CIB avec les formes de vies qu'elle crée...

(**) Le texte complet : https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/060418/comme-la-zad-de-notre-dame-des-landes-defendons-dautres-manieres-d-habiter

Ce que nous proposons
    
Pour sensibiliser le public à ces questions, PIF et la CIB souhaitent organiser une exposition et une série d'animations dans le Cher. Pour l'instant, deux lieux sont identifiés pour accueillir l'exposition : la Cathédrale de Jean Linard à Neuvy-deux-Clochers et le tiers lieu Au Grès des Ouches à Morogues. Suite aux premières rencontres des personnes intéressées par le projet, quatre manières d'habiter autrement pouvant être présentées ont été identifées : les ZAD, le guerilla gardening, les squats et les anarchitectures. Le propos de l'exposition est de faire ressortir les liens entre ces différentes formes d'appropriation de l'espace, qui montrent, chacune à sa façon, la volonté de vivre autrement.

ZAD
Les ZAD (zones à défendre) sont des lieux occupés par des personnes contestant des grands projets d'aménagement local et, plus généralement, l’aménagement du territoire, le productivisme et le capitalisme. Loin de se contenter d’actions purement défensives, les occupants des ZAD expérimentent des modes de vie et d’organisation sociale alternatifs, fondés, entre autres, sur l’habitat participatif, la permaculture et la démocratie directe.

zadL'acronyme est un détournement de « zone d'aménagement différé » : un secteur créé par l’État sur proposition des collectivités locales à l’intérieur duquel s’applique un droit de préemption, permettant à une collectivité d’acquérir prioritairement les biens immobiliers en cours d’aliénation. Une très grande zone d'aménagement différé a été décrétée en 1974 et renouvelée deux fois sur le site du projet d'aéroport de Notre-Dame-des- Landes, devenue la première « zone à défendre » à apparaître en France. Au moins une dizaine de ZAD, fonctionnant en réseau, ont été créées dans l'Hexagone depuis l’automne 2012.

Squats
Le squat désigne l'occupation d'un lieu dans une perspective d'habitation sans l'accord du titulaire légal de ce lieu. Par extension, le squat désigne le lieu ainsi occupé. Le squat participe à la construction d'un modèle d'économie alternative. Ses habitant.e.s cherchent à expérimenter, dans un espace spécifique, des formes d'organisation sociale basées sur des valeurs d'usage pour le bien commun, plutôt que sur le droit de la propriété privée et à promouvoir des alternatives culturelles et politiques par le biais de l'autogestion.

Anarchitectures
Les anarchitectures sont des lieux de vie embellis par leurs propres habitant.e.s avec des techniques improvisées et des matériaux récupérés. Les anarchitectes bâtissent des structures et / ou donnent forme à des artefacts (assemblages, sculptures, peintures) qu’ils exposent dans leur habitat, débordant parfois jusqu’à envahir l’espace public. Les anarchitectures sont parfois dénoncées comme des constructions illégales. Elles modifient un espace de vie personnel, mais aussi l’habitat collectif. Nées à l’intérieur d’un paysage et d’une culture, elles réinventent la matière, la mémoire et l’identité d’un territoire. Ici, le créateur réactive sa carte mentale - ce tissu de critères symboliques, métaphoriques et émotifs dans lequel l’identité d’un individu se tresse à celle de son environnement. Il la rend visible, invitant l’autre à la découvrir, à la parcourir. Dans ces espaces, ont lieu une rencontre, un échange, entre l’individu et la collectivité.

metropolizExemples : Cathédrale de Jean Linard, Village d'art préludien de Chomo, la Grotte de Jean Michel Chesné à Malakoff, Gorodka à Sarlat, la maison de Giovanni Cammarata à Messine, etc..

Guerrilla gardening
Le guerrilla gardening ou guérilla jardinière est un mouvement d'activisme politique, utilisant le jardinage comme moyen d'action environnementaliste, pour défendre le droit à la terre, la réforme agraire, la permaculture. Les activistes occupent des endroits abandonnés, publics ou privés, et y mettent en place des récoltes, afin d'interpeller les pouvoirs publics sur leur utilisation. Les buts multiples de ce situationnisme écologiste sont de créer une biodiversité de proximité dans les villes, des espaces communautaires conviviaux et de bousculer les limites de la propriété privée.

Les prochaines étapes
    
Actuellement, nous récoltons la matière qui servira à l'exposition prévue à la Cathédrale de Jean Linard et Au Grès des Ouches : photographies, textes, cartes, vidéos... L'exposition à la Cathédrale de Jean Linard devrait débuter en juillet / août et rester en place durant toute la saison, jusqu'à la fermeture du site à l'automne. Des animations annexes pourront également être organisées. Le programme au tiers lieu Au Grès des Ouches reste à déterminer.

D'autres lieux pourraient prendre le relais et ainsi, la réflexion, les actions, les expériences autour de ces questions pourraient se prolonger fin 2018 et, pourquoi pas, en 2019. Nous lançons donc un appel à toutes les associations, structures culturelles, tous les collectifs, habitant.e.s intéressé.e.s par ces questions à nous rejoindre. Soit par la réflexion, soit pour organiser une exposition et / ou une animation sur ce thème.

Nous contacter

Par mail : patrimoines.irreguliers.fr@gmail.com

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# 13 La ZAD partout Tue, 21 Mar 2017 14:47:31 +0100
Comment est née la Zad de Notre-Dame-des-Landes ? http://www.rebonds.net/lazadpartout/419-commentestneelazaddenotredamedeslandes http://www.rebonds.net/lazadpartout/419-commentestneelazaddenotredamedeslandes La commune de Notre-Dame-des-Landes n'avait rien de particulier pour devenir ainsi célèbre, mais désormais, son nom est associé à celui de la Zad, la première Zone à défendre apparue en France. Comment est-elle née ? Pourquoi ? Quels événements ont marqué ces dernières années ? Voici quelques repères historiques.

1966 : première étude pour un nouvel aéroport par la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nantes.

1970 : projet de création d'un aérodrome dans le cadre de la métropole Nantes / Saint-Nazaire. Notre-Dame-des-Landes est citée.

1972 : projet annoncé aux élus locaux par le préfet. Le manque de concertation est déjà dénoncée notamment dans le livre « Dégage… on aménage ! » de Jean de Legge et R. Leguen paru en 1976.

dégage on aménageLa même année, création de l'Adeca (Association de défense des exploitants concernés par l'aéroport) composée de paysans et d'ouvriers réticents au projet. L'Adeca organise des réunions, publie des articles, va à la rencontre des élus locaux.

Les conseils municipaux des villages concernés par le projet votent la création de la Zad, Zone d'aménagement différé. Cette appellation administrative sera détournée par les opposants pour devenir Zone à défendre.

11 janvier 1974 : l'arrêté préfectoral définissant la Zad est publié. Elle s'étend alors sur 1.200 hectares et comprend une dizaine d'exploitations agricoles.

1979 : deuxième choc pétrolier. Les grands projets comme celui de l'aéroport sont suspendus. Mais à chaque fois qu'un propriétaire quitte la Zad ou décède, le Conseil général de Loire-Atlantique préempte le terrain.

26 octobre 2000 : communiqué du ministère des Transports et du Logement qui relance le projet.

En réaction, création de l'Acipa, Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Elle exige un débat public.

Janvier 2002 : création, par arrêté préfectoral, du syndicat mixte d'études de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes réunissant les collectivités locales.

Décembre 2002 - mai 2003 : organisation d'un débat public avec une quinzaine de réunions dans les villes et villages aux alentours de la zone. Participation active, débats souvent vifs.

Septembre 2003 : lancement des études de réalisation de l'aéroport.

2005 : l'Acipa radicalise son discours, naissance du slogan « Ni ici, ni ailleurs ! ».

Les « autorités » tentent de faire réaliser des sondages géotechniques sur la zone. Les paysans s'y opposent.

Juin 2006 : réunion de plusieurs milliers de personnes aux Fosses Noires pour une fresque humaine ; photo aérienne devenue célèbre, les corps formant le slogan « Aéroport non ! ».

Fresque humaine contre l aeroport juin 2006 moulinsFin 2006 : résultats de l'enquête publique avec 67 % de voix exprimées défavorablement au projet.

Avril 2007 : les commissaires enquêteurs ne suivent pas l'avis du public et des associations ; ils rendent un avis favorable.

Printemps 2007 : José Bové, en campagne pour l'élection présidentielle, se rend sur la zone ; réunion dans la grange du couple Thebault, paysans de l'Adeca, au Liminbout.

Août 2007 : installation de jeunes appelés par les associations, au Rosier, ferme abandonnée. Premier squat, première réoccupation.

Décembre 2007 : aménagement de la Vache-Rit, une grange appartenant à des paysans toujours sur place, qui acceptent de la voir transformer en centre de lutte de l'Adeca.

9 février 2008 : parution du décret d'utilité publique de la Zad, pour dix ans. Elle s'étend désormais sur 1.650 hectares.

1er mai 2008 : lancement d'un appel d'habitants à « établir des campement d'occupation ».
Lutte de plus en plus active avec des manifestations, des pique-nique, des entartages d'élus, des blocages de forages exploratoires, des sabotages de matériel notamment sur les chantiers de Vinci…

Parallèlement aux recours administratifs et judiciaires, les opposants n'auront de cesse d'organiser des mobilisations populaires pour faire connaître leur lutte.

Juin 2009 : création du CéDpa, Collectif des élus doutant de la pertinence de l'aéroport.

Du 1er au 9 août 2009 : semaine de la résistance sur la zone, organisée par les associations « historiques ».
Dans un champ annexe, Camp Action Climat installé par des « nouveaux venus », de plus jeunes militants qui reproduisent les Camps Action Climat déjà tenus en Europe : organisation en plusieurs villages, expérimentation de la démocratie directe au consensus, absence de leaders, répartition et rotation des responsabilités… Discussions et animations organisées autour de la résistance aux crimes climatiques, au développement d'aternatives concrètes pour un mode de vie soutenable ici et maintenant, l'éducation...

A partir du 1er août 2009 : installation de ceux et celles qu'on nommera les « zadistes » ; ils sont une soixantaine au départ. Squat de la Gaité et des Planchettes, édification de cabanes.vraies rouges02
Parallèlement, la plupart des agriculteurs de la zone cèdent progressivement sous la pression des institutions, et vendent leurs terres et maisons.

8 août 2009 : occupation clownesque de l'aéroport de Nantes par le Camp Action Climat pendant deux heures.

31 décembre 2010 : signature du décret de concession de l'aéroport avec Vinci. L’Etat lui confie la construction et la gestion du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais aussi les clés des aéroports de Nantes et de Saint-Nazaire.
Une première : habituellement, les concessions sont accordées aux Chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Février 2011 : recours juridique contre le décret de concession déposé par plusieurs associations sous l’égide de l’Acipa, la communauté de communes d’Erdre et Gesvres, et Europe Écologie - Les Verts.

7 mai 2011 : un millier de personnes participent au défrichage des champs de la ferme du Sabot, occupée, avec l'aide des paysans de la zone.

Poursuite des actions, notamment pour empêcher les forages. Pour la première fois, les policiers arrivent sur zone avec gaz lacrymogène.

A partir du 9 juillet 2011 : organisation d'un campement auto-géré en réaction à la tenue en France du G8 et du G20, avec appel à convergence des luttes anti-capitalistes. Trois semaines de débats, de constructions de cabanes, d'échanges autour des pratiques alternatives.

A la suite de cet événement, installation d'une trentaine de nouveaux « zadistes ».

Création du Copain 44, Collectif des organisations professionnelles agricoles indignées par le projet d'aéroport.

Novembre 2011 : tracto-vélo, randonnée de tracteurs et de vélo, de Notre-Dame-des-Landes à Paris, qui scelle l'alliance entre les paysans et les zadistes écologistes. campnddl a9e18

Février 2012 : naissance de Radio Klaxon, à la Sécherie, qui pirate la fréquence autoroutière de Vinci ; diffusion également sur le site Internet de la Zad créé quelques mois auparavant : zad.nadir.org.

9 février 2012 : ordonnance d'expropriation de tous les habitants de la Zad qui ont jusqu'au mois de décembre pour la quitter.

24 mars 2012 : grande manifestation de soutien à la Zad à Nantes.

11 avril 2012 : début de la grève de la faim d'un groupe d'habitants de la Zad, à Nantes.
Négociations avec le candidat à l'élection présidentielle, François Hollande, qui promet qu'aucune explusion n'interviendra avant la fin de tous les recours juridiques.

16 octobre 2012 : début de l'opération « César 44 ».
Contrairement à sa promesse, François Hollande élu président de la République et son gouvernement dirigé par Jean-Marc Ayrault (ancien député-maire de Nantes) lance une opération d'expulsion sur la Zad. Entre 500 et 2.200 gendarmes sont mobilisés, deux hélicoptères, deux blindés, des équipes cynophiles et de déminage, des grimpeurs, les renseignements généraux…

Cinq jours auparavant, une fuite avait informé les zadistes. Jeunes et moins jeunes, paysans, membres des associations tentent de freiner les gendarmes, puis forts du soutien extérieur, résistent. Des comités locaux se créent un peu partout en France.

Les affrontements sont violents. Des lieux de vie sont murés, détruits. Les gendarmes resteront sur zone pendant des mois, notamment aux carrefours, pour maintenir la pression sur les habitants.opération césar

16 novembre 2012 : réouverture d'une maison murée par 23 parlementaires EELV dont José Bové.

17 novembre 2012 : manifestation de réoccupation, 40.000 personnes sont présentes. Le sujet de la Zad est désormais relayé médiatiquement au niveau national.

23 novembre 2012 : reprise des opérations policière, affrontements violents. Une centaine de blessés. « Les gendarmes sont confrontés à une foule composite où les lanceurs de pierre se mêlent aux pacifistes sans crainte, à des citoyens « respectables », à des musiciens chantant », écrit Hervé Kempf, alors journaliste pour Le Monde.

Copain 44 bloque le pont de Cheviré à Nantes, le pont de Saint-Nazaire et deux bacs avec des tracteurs. D'autres tracteurs encerclent le Rosier pour le protéger.

24 novembre 2012 : le Premier ministre annonce la création de commissions de discussion, auxquelles acceptent de participer certaines associations comme la CéDpa ; d'autres, comme l'Acipa, refusent tant que les gendarmes ne quittent pas la Zad.

Janvier 2013 : ferme de Bellevue occupée par Copain 44.

Mars 2013 : les commissions rendent leurs rapports et demandent un certain nombre d’études complémentaires préalables à la poursuite des travaux.

13 avril 2013 : la manifestation Sème Ta ZAD marque le début d’une douzaine de projets agricoles sur les terres occupées (maraîchage, céréales et légumineuses, poules, vignes…).

Affiche semetaZAD02 A4c 565eeFévrier 2014 : une grande manifestation « Ni travaux, ni expulsions » à Nantes réunit entre 50 et 60.000 personnes venues de toute la France et au-delà. Des affrontements violents ont lieu avec la police qui procèdera, les jours, suivants, à des interpellations. Certains prévenus écoperont de prison ferme.
Toute la lutte contre le projet d'aéroport est émaillée de procès de militants, généralement pour dégradations et / ou violences, mais aussi « vol de terre », c'est-à-dire d'échantillons des forages !

Fin de l’été 2015 : relance des procédures d'expulsions des locataires et agriculteurs restés sur la Zad. Le 22 septembre, des barricades se déploient de nouveau à toutes les entrées de la zone le temps d’une journée pour empêcher la venue du juge des expropriations accompagné par la police.

De son côté, la Préfecture lance un appel d’offres aux entreprises qui souhaiteraient assurer le démarrage des chantiers de la route d’accès au futur aéroport.

9 janvier 2016 : occupation du pont de Cheviré, à Nantes, par 20.000 personnes, des centaines de cyclistes et 400 tracteurs. À l’initiative de Copain 44, 60 tracteurs restent au pied du pont à l’issue de la manifestation pour obtenir l’abandon des procès. Un camp s’établit au milieu de la quatre-voies avec des barnums, de la paille pour dormir, un four à pizzas et une radio mobile. Il est encerclé, puis attaqué pendant la nuit par la police. Suivent plusieurs jours de blocages en tracteurs et d’opérations escargot sur les routes de la région. Des dizaines de manifestations, actions et sabotages ont de nouveau lieu partout en France.

25 janvier 2016 : une décision de justice rend à nouveau expulsables onze familles et quatre paysans.
Quelques jours plus tard, un millier de personnes répondent à l’« appel d’offres » lancé par le « Comité de pilotage pour un avenir sans aéroport ». De multiples chantiers ont lieu simultanément pour renforcer les structures collectives de la Zad.

27 février 2016 : occupation par 60.000 personnes des quatre-voies proches de la Zad. Construction d’une tour de guet en acier de dix mètres de haut, à l’endroit même où sont censés commencer les premiers travaux.

26 juin 2016 : l’Etat organise une consultation auprès des citoyens de Loire-Atlantique.
Les participants doivent répondre à la question « Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? »
Le Oui l'emporte à 55,17 %, avec un taux de participation de plus de 50 %.

panneaux1 d6b6a8 octobre 2016 : événement « Enracinons la Zad », 60.000 manifestants viennent planter des bâtons à la ferme de Bellevue et se faire une promesse : venir les déterrer en cas de nouvelles expulsions.

1er juin 2017 : Edouard Philippe, le Premier ministre, annonce la nomination de trois experts, conformément aux promesses de campagne d'Emmanuel Macron devenu président de la République en mai.

8 et 9 juillet 2017 : rassemblement organisé par la coordination, qui réunit comme chaque année des milliers de personnes pour des concerts, débats, chantiers...
Parallèlement, les zadistes poursuivent le développement de leurs projets, l'installation de lieux de vie et se forment en vue de nouvelles interventions policières.
Ils seraient désormais environ 250.

13 décembre 2017 : les experts rendent leur rapport. Il ne présente pas de scénario miracle mais conclut sur le fait que l'agrandissement de l'aéroport de Nantes serait deux fois moins honéreux que la construction d'un nouvel équipement à Notre-Dame-des-Landes.

17 janvier 2018 : annonce par le Premier ministre, Edouard Philippe, de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et de la modernisation de l'aéroport de Nantes-Atlantique. En même temps, il appelle les « squatteurs » dans la « zone de non-droit » de la Zad à quitter les lieux et leur donne « jusqu’au printemps » pour partir « d’eux-mêmes ».

9 avril - 26 avril 2018 : première vague d'expulsions et de destructions sur la Zad. Elles concernent les lieux dont les occupants n'ont pas déposé de projets individuels à la Préfecture de Loire-Atlantique.

expulsions 2e vagueEnviron 2.500 gendarmes mobiles sont sur zone. Ils sont chargés de détruire les lieux de vie considérés illégaux. Des blessés sont comptabilisés dans les deux camps.

Une quarantaine de projets nominatifs dont 28 projets agricoles ont été déposés à la Préfecture. Un comité de pilotage analysera les demandes.

A partir du 26 avril 2018 : la trêve annoncée par le gouvernement et les médias n'a pas vraiment lieu. Environ 1.600 gendarmes sont restés sur zone, les provocations et affrontements sont quotidiens.

17 mai 2018 : la deuxième vague d'expulsions a commencé…

Sources : « Notre-Dames-des-Landes », Hervé Kempf (éditions du Seuil, 2014) ; site Internet de la Zad (https://zad.nadir.org/spip.php?article86&lang=fr), ReporTerre (https://reporterre.net/).

 

Où en est-on en juin 2018 ?

  • Quelques occupants de la Zad viennent de produire un texte intitulé : Lettre aux comités locaux et à toutes celles et ceux qui aimeraient comprendre où on en est sur la Zad. Nous la publions dans son intégralité.
  • « Mai 2018. Il paraît que c’est très difficile de suivre de loin ce qui se passe, et du coup on voulait raconter les derniers mois à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. On présente dans ce texte ce qu’on comprend de ce qui se passe. C’est pas trop nos analyses ou nos sentiments par rapport à la situation : on essaye de présenter une diversité d’opinions même si on n’est pas d’accord – on n’est même pas d’accord entre écrivain.e.s ! Les écri­vain.e.s, d’ailleurs, sont quelques personnes qui habitent sur la zone et ont l’habitude de s’organiser ensemble, dans le même groupe politique.
  • Victoire et peurs. L’annonce de l’abandon du projet d’aéroport le 17 janvier 2018, c’était pour une bonne partie du mouvement la victoire d’un long combat qui donne force et motivation aux autres luttes. Pour une fois une lutte a gagné contre un projet de l’état porté par des grosses entreprises. Mais pour d’autres, la phase d’après semblait difficile et donnait plein d’inquiétudes. Le gouvernement annonçait en même temps que l’abandon le « retour à l’Etat de droit », alors que tout ce qui se fait sur la zone est décidé par nous qui y vivons et nous y impliquons. Comment va-t-on pouvoir continuer avec tout ce qui s’est construit humainement ou matériellement sur cette zone ? Beaucoup d’entre nous n’étaient pas là que contre un aéroport. Comment va-t-on continuer à lutter contre « son monde », en particulier dans le contexte actuel de la politique de Macron et du développement mondial du libéralisme ?

  • Tout est allé très vite : D281 et compagnie. À partir de là, le rythme, à la fois dicté par le gouvernement et repris par beaucoup d’entre nous, était très rapide et il n’y avait souvent pas assez de temps pour discuter des choses ensemble avant de prendre des décisions politiques complexes ou difficiles parce qu’il s’agissait souvent de faire des compromis avec nos idéaux. Une de ces décisions très conflictuelles était le dégagement de la « route des chicanes » ou D281 qui était ouverte au ralenti depuis 2013. À partir du lendemain de l’abandon, on discute de lâcher la route dans de très longues assemblées. Les avis sont très divergents : pour les un.e.s, c’est nécessaire de la lâcher pour ne pas prendre le risque que les flics reviennent tout de suite pour la dégager et ainsi en profiter pour expulser des lieux ; pour beaucoup c’était nécessaire comme signe aux voisin.e.s que c’est plus facile de passer maintenant qu’il n’y a plus d’aéroport. Mais pour beaucoup cet acte représente l’abandon d’un des lieux les plus forts de la ZAD en en faisant cadeau à l’État pour préparer le terrain pour les expulsions qui étaient aussi clairement évoquées à partir du 31 mars dans l’annonce de l’abandon du projet. Parmi celleux qui accepteraient le dégagement de la route, certain.e.s considèrent que ce n’était pas le bon moment, qu’on aurait dû la garder comme un levier dans les négociations, ou attendre d’avoir des garanties sur les expulsions. Suite à des grosses pressions et à un rapport de force d’une partie du mouvement, la D281 a été dégagée pendant des moments collectifs très tendus, des cabanes qui se trouvaient sur la route ont été démontées ou bougées dans la haie. La plus centrale, Lama Fâche, a été reconstruite sur le champ voisin dans les deux mois suivants et rebaptisée La Massacré, ou Lama Sacré. Ce moment a contribué à creuser la méfiance entre nous.

    Ce qui a suivi, ce sont des travaux sur cette route, que des personnes ont tenté de ralentir ou de bloquer. Les travaux ont ensuite été accompagnés d’une forte présence de gendarmes mobiles, ce qu’on avait pas vu sur la zone depuis avril 2013. Pour certain.e.s, c’est les tentatives de résistance qui ont attiré les gendarmes alors que pour d’autres, illes avaient prévu de les envoyer dès le début, n’attendant qu’un prétexte. Ces semaines d’installation des flics sur la zone se sont finalement passées largement dans le silence et ont mobilisé très peu de personnes issues d’autres composantes pour qui c’était normal de ré-ouvrir la route ou qui étaient mécontent.e.s des tentatives de blocage par exemple.

    Les craintes vis-à-vis du dégagement de la route et des travaux se sont en bonne partie confirmées dans la suite : la préparation des expulsions, vu que les flics n’ont jamais quitté la zone depuis et ont pu en profiter pour faire des repérages et habituer des gens à leur présence ; et la coupure de la zone par la route pendant les expulsions et donc un isolement de la partie est.

    Un rassemblement sur la ZAD pour fêter l’abandon du projet d’aéroport, « enraciner l’avenir » et soutenir d’autres luttes a eu lieu le 10 février. Deux cor­tèges ont rassemblé quelques dizaines de milliers de personnes pour conve­rger vers Bellevue où des effigies de projets sur lesquels il y a des luttes ont été brûlées. Il y a aussi eu des discussions à Lama Fâché et une soirée à Bellevue.

  • Négociations. Avant l’abandon de l’aéroport, le mouvement contre l’aéroport et notamment les assemblées des usages avaient déjà décidé de former une « délégation inter-composantes » pour négocier avec l’État sur le devenir de la ZAD sans aéroport en portant les décisions de l’assemblée des usages (voir la dernière lettre aux comités). Après des débats difficiles, les assemblées des occupant.e.s ont décidé que des occupant.e.s participeraient à cette délégation. On en attendait pas forcément grand chose, mais certain.e.s d’entre nous trouvaient important de participer à cette délégation avec les autres composantes pour continuer ensemble, faire un pas vers elleux ; d’autres ne voulaient pas laisser les autres y aller sans nous ; d’autres, enfin, sont vraiment contre discuter avec l’État.

    Une fois la décision prise, on a discuté de comment trouver des gens pour participer à la délégation. Après quelques discussions sur les enjeux, un groupe a proposé un processus de désignation, où des petits groupes mixtes propo­saient une liste de personnes qu’illes trouvaient complémentaires pour repré­senter notre diversité et à qui illes feraient confiance. Faire une forme d’« élections » était un gros effort pour beaucoup d’entre nous, et le moment n’a pas été évident. Mais une diversité de la ZAD a joué le jeu, deux groupes affinitaires ont un peu triché en proposant des listes entre elleux ou en influ­ençant la modération. Finalement les personnes qui sont le plus ressorties, qui n’avaient pas eu de véto et acceptaient sont devenues un groupe de 11 person­nes qui suit la délégation et désigne délégué.e.s et suppléant.e.s pour les diffé­rents rendez-vous. Le résultat, c’est que les personnes qui y vont ont un mandat collectif, de l’assemblée des usages d’abord et des occupant.e.s, mais ne sont pas toutes très convaincu.e.s par la démarche : illes n’étaient pas candidat‑e‑s mais ont quand même fait de leur mieux pour respecter leur mandat.

    Ce choix de participer à la délégation et de rencontrer la pref’ a d’abord été fait assez largement, mais des occupant.e.s y étaient opposé.e.s depuis le début. La place prise par les discussions sur la délégation et ce qu’on y porte dans les assemblées d’occupant.e.s et la rapidité avec laquelle avançaient les décisions ont contribué à accroître les doutes sur la pertinence de ce choix.

    La délégation inter-composantes a d’abord porté 3 grandes revendications : le refus des expulsions et les pistes pour une régularisation de tous les habitats ; le gel de l’attribution des terres pour donner le temps au mouvement de construire une entité qui les gérerait à long terme et l’amnistie pour les personnes qui ont subi la répression durant les années de luttes. Les assemblées des usages ont pris position comme si le mouvement pouvait obtenir une réelle négociation avec l’État. La délégation a été reçue à deux reprises les 28 février et 20 mars à la préfecture, mais contrairement à ce qu’on demandait, il n’y a eu que des échanges de positions. La préfecture a bloqué sur tous les points (sauf le gel du foncier) et en particulier sur la gestion collective.

  • Conflits internes. Avec l’abandon du projet d’aéroport, la raison la plus évidente qui liait les personnes dans chaque groupe de la lutte comme les divers groupes entre eux n’existe plus. Les désaccords se révèlent et les conflits internes fleurissent. Par exemple sur la ZAD, certain.e.s sont prêt.e.s à accepter la légalisation pour rester à long terme ; d’autres acceptent de faire certains compromis qui pourraient être compatibles avec le collectif, tandis que d’autres tiennent avant tout à rester cohérentes et à ne pas se plier à un système qu’on combat, quitte à prendre le risque de se faire expulser dignement en restant pirates.

    Dans les associations, certain.e.s veulent se battre pour l’avenir de la ZAD et que tout le monde puisse rester comme on l’avait travaillé ensemble avec les « 6 points pour l’avenir de la ZAD » tandis que d’autres rêveraient que main­tenant qu’il n’y a plus de projet d’aéroport on s’arrête et que tout redevienne comme avant, avec quelques installations paysannes en plus. Le devenir même de certaines associations, créées pour lutter contre le projet d’aéroport est incertain. Certain.e.s s’engueulent en privé, mais d’autres se fâchent avec leurs camara­des de luttes en donnant des interviews se désolidarisant du reste du mou­vement dans la presse ou en balançant leurs camarades sur Indymedia. Parmi celleux qui veulent construire un avenir commun sur la ZAD, il y a aussi des conflits, sur la question du rapport au barricadage des routes par exemple. Le niveau de tension est tel que c’est difficile d’avancer ensemble – les AGs semblent bloquées et chacun rejette la faute sur l’autre.

  • Première vague d’expulsions. La première phase d’expulsions de 2018 a commencé le 9 avril, et le soir du jeudi 12 avril la préfecture a annoncé la fin de l’opération menée par les gendarmes. Entre les deux, plus de deux cents personnes blessées par les forces de l’ordre, à peu près soixante personnes arrêtées, et environ un tiers de la ZAD rasé.

    Le matin du 9, il y avait déjà du soutien de l’extérieur sur place, surtout aux lieux d’accueil des Vieux Fourneaux (en face des Fosses Noires), de Lama Fâché, de la Wardine et de Bellevue. Presque toutes les cabanes à l’est de l’ancienne route des chicanes (D281) et au sud de la route des Fosses Noires ont été détruites pendant cette première semaine. Il n’y a pas eu beaucoup de présence à l’est de la D281, qui a été prise dès 3h du matin par les fics, rendant le passage difficile. Au centre de la zone il y avait beaucoup d’af­fron­tements et de résistance physique.

    L’expulsion et la destruction des Cent Noms ont attiré beaucoup d’attention et ont motivé plus des gens à se prononcer contre les expulsions, voire à venir sur place. Pour certaines personnes c’était plus choquant de voir les Cent Noms détruits parce que c’était inattendu et qu’illes avaient un projet d’élevage de moutons. Pour d’autres, c’était blessant de voir à quel point il y avait plus de réaction pour les Cent Noms, comme si les autres lieux de vie et jardins n’avaient pas autant d’importance. Pendant cette semaine il y a eu des rassemblements et des actions de soutien partout en France et en Belgique, des rassemblements devant l’ambassade de France à Lisbonne, Tunis, Vienne, et Londres, ainsi que des actions au Chiapas, en Palestine, en Inde, au Québec, en Grèce, aux États-Unis et ailleurs.

  • Occupation militaire, répression et résistances. L’occupation militaire a commencé dès que la route était « ouverte », mais après la première vague d’expulsions et la déclaration de « trêve » par la préfète le soir du jeudi 12, c’est passé à un autre niveau de pression. Ils ont continué de détruire des cabanes – à la Mandragore, à l’Isolette, à la Noue et au Pimki notamment. L’intention semble être de mener une guerre psychologique, qui donne des images moins violentes, par une occupation quotidienne qui montre la force de l’État – un défilé de blindés, de fourgons, etc, plus l’hélicoptère et la présence constante des drones. Les raisons données sont d’« assurer la libre circulation des routes », le « déblaiement » qui prendra des semaines, ou même de soi disant protéger ceux qui ont des projets des autres. Entre temps, ils surveillent, continuent d’arrêter et de blesser des gens, bloquent les axes et carrefours principaux ainsi que les chemins plus petits, ce qui rend nos vies quotidiennes et mise en cultures difficiles. Il y avait d’innombrables scènes insensées, où des tracteurs avec des remorques de fumier se retrouvent à faire 4 demi-tours parce que tous les accès sont bloqués ou encore des gendarmes qui coupent les clôtures des paysans historiques.

    Il y avait pourtant des actes de résistance à cette occupation. Des barricades de tout et de rien, et des tranchées dans la route, tous les jours, dès que les gendarmes partaient. Des jeux, comme le défi de toucher un blindé à main nue, ou de se prendre en selfie devant. Des personnes ont réussi à continuer à vivre dans la zone à l’est de la D281 pendant des semaines, avant d’être découvertes et expulsées. La battucada qui allait jouer à côté du dispositif tous les jours. Il y avait aussi des petits groupes qui sont allés les embêter dans la forêt ou sur la route, et régulièrement des confrontations.

    Pour ne pas laisser les personnes arrêtées ou condamnées lors des expulsions et après isolées, il y a eu plusieurs visites à la maison d’arrêt de Carquefou, notamment une appelée largement au niveau du mouvement. Même si c’était pas très divers au niveau des composantes ni même des groupes de la ZAD, il y avait une centaine de personnes pour mettre l’ambiance, avec des échanges, de la musique, un concert de rap improvisé et des feux d’artifices. Il n’y a pas eu d’arrestations ni de blessés et c’était un moment joyeux et motivant.

  • Fiches. Les fameuses « fiches » dont tout le monde parle sont des déclarations d’intention de projet agricole qui permettraient d’obtenir des Conventions d’Occupation Précaires (COP). Ce sont des contrats gratuits qui donnent très peu de droits et que l’État peut résilier en quelques jours. Il n’y avait aucune garantie de la part de l’État que les déclarations d’intention aboutissent à une COP.

    Juste avant la première phase d’expulsions, l’assemblée des usages a envoyé une demande de convention d’occupation précaire (COP) collective qui aurait couvert toutes les terres et habitats de la ZAD au nom de l’ « association pour un avenir commun dans le bocage » créée pour porter les décisions de l’assemblée. Après la première vague d’expulsions, la délégation a eu un rendez-vous le 18 avril où la préfète a refusé toute convention collective.

    Le lendemain, l’AG des occupant.e.s a décidé de remplir les fiches en essayant de couvrir toute la ZAD. La condition pour le faire, c’était de signer tou.te.s ensemble ou pas du tout, que tous les projets soient liés entre eux, et que ça soit fait en parallèle aux résistances sur le terrain et aux mobilisations. Les fiches incluent des projets « agricoles, culturels ou artisanaux » y compris les habitats, mais seuls les projets agricoles ont été étudiés.

    Le montage des fiches a été fait dans l’urgence, et les personnes qui n’étaient pas présentes à l’assemblée ont été appelées individuellement avec un très court délai pour décider. Une petite dizaine de lieux ou de collectifs ont choisi de ne pas déposer de fiches, pour des raisons qu’illes détaillent dans le texte « sans fiches ». Finalement, les démarches administratives ont pris pas mal de temps et d’énergie, alors qu’on a pas réussi à beaucoup s’organiser collectivement pour des actions.

  • Actions sur le terrain. À la fin de la première semaine d’expulsions, on a organisé une manifestation de réoccupation le dimanche 15 avril. Il y avait 5 à 10 000 personnes qui ont réussi à passer ou à éviter les contrôles de flics pour venir. L’idée était de reconstruire à Gourbi, mais il semblait impossible même d’y aller à cause d’une grosse présence policière : des gens ont été arrêtés et blessés autour de la forêt de Rohanne. Dans l’après-midi il y a eu un mouvement plus organisé pour passer avec une partie de la structure par les champs. On est pas arrivés jusqu’au Gourbi, mais le fait de pousser ensemble faisait un sentiment de succès et une force collective non-négligeable. Le soir, beaucoup de gens ont amené la charpente à pied jusqu’à Gourbi. C’était un moment incroyable, même si on se doutait qu’elle serait détruite dès le lendemain.

    Des personnes restent assez déçues par cette journée de réoccupation spectaculaire. Il y a eu beaucoup d’autres initiatives de reconstruction : à la Chèvrerie par exemple, des gens ont reconstruit et essayé de garder leur lieu. Illes ont d’ailleurs écrit un texte à ce sujet.

    Il y a eu d’autres moments pour reprendre ensemble l’espace, comme les deux dimanches de jeu grandeur nature, « Passe à l’Est », et « Cuill’Est ». « Passe à l’Est » était une journée de défis et de découvertes pour revenir dans l’est et réoccuper l’espace alors que les gendarmes mobiles étaient présents tout le long de la route et dans le quartier. « Cuill’Est », quelques semaines plus tard, avait pour but de sensibiliser des personnes à cette partie de la zone, pendant qu’illes faisaient des cueillettes de plantes médicinales et comestibles pour des stocks collectifs de la ZAD.

    Les journées « repotager », tous les dimanches, recréent des jardins détruits autour de l’ancienne route de chicanes et à l’est, pour continuer de faire vive ces endroits et ne pas abandonner cette partie de la ZAD, même si les cabanes se font détruire. Pour le moment il y a eu des remises en culture aux Planchettes, aux Planchouettes, et au Sabot, avec même une planche en forme de doigt d’honneur, dédicace spéciale à l’hélico qui volait très bas au dessus des jardiniers.

  • Deuxième vague d’expulsions. Après la première vague d’expulsions, le gouvernement a fixé un ultimatum après son « comité de pilotage » du 14 mai pour celleux qui ne se sont pas « intégrés dans le cadre que l’État a proposé » (Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, 24 avril). Le 17 mai au petit matin, des centaines de gendarmes passent les barricades à pied et encerclent la forêt de Rohanne. Ils expulsent et détruisent quatre lieux de vie proches de la forêt : la Châteigne, Puiplu, la Vosgerie et la Datcha. Le lendemain, illes attaquent simultanément le Domaine et le Phoenix dans le centre, Ker Terre et la Gare dans l’est, la Freuzière et la Tarte dans le grand ouest. La Pré Failly, visible­ment oubliée sur les cartes des objectifs de la journée que le général qui com­mande l’opération communique chaque matin, est vraisemblablement incen­diée par les gendarmes qui avaient bouclé le quartier. Entre une attaque éclair par 2000 gendarmes qui encerclent très rapidement leurs cibles et une faible mobilisation de notre côté, le bilan de ces deux jours d’opération policière est amer : tous les lieux qui n’étaient pas couverts par les fiches de « déclaration d’intention de projets » sont expulsés. Les maisons en dur, murées par les gendarmes sont démurées dans la foulée, puis réexpulsées. Illes ont même promis de revenir les détruire en prétendant qu’on les y oblige en réoccupant ! Le dimanche suivant, plusieurs centaines de personnes sont venues sur la ZAD pour divers chantiers, de la récup’ de matos pour les reconstructions sur les lieux détruits au semis de sarrasin en passant par l’installation de dômes légers au Gourbi et toutes les autres activités qui se trouvent spontanément.

  • Et maintenant ? On ne sait pas trop où on en est maintenant. Il y a beaucoup d’épuisement et de conflits après des semaines d’expulsions et de présence policière. Mais il reste aussi pas mal de monde qui habitait déjà sur la ZAD ou qui est venu ce printemps et qui est déterminé à rester, à continuer à lutter et à construire quelque chose ici. Il y a encore des envies de garder un genre d’ensemble qui tient dans tout ça. Pour nombre d’entre nous, on veut continuer à défendre une zone où il y a de la place pour une diversité de positions sociales, de situations et d’opinions, un endroit où on est liés à d’autres luttes. Ces derniers temps, on a souvent l’impression de devoir choisir entre la peste et le choléra, mais on a encore des choses à essayer, avec tou.te.s celleux qui on envie. »

  • Article à retrouver sur https://zad.nadir.org/spip.php?article5932
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# 13 La ZAD partout Tue, 21 Mar 2017 13:37:42 +0100
Dans les pas de Berrichons sur la Zad http://www.rebonds.net/lazadpartout/417-danslespasdeberrichonssurlazad http://www.rebonds.net/lazadpartout/417-danslespasdeberrichonssurlazad « L'ouverture d'esprit n'est pas une fracture au crâne. » Lu sur un mur de la zad.

J'entends les pas. Des autres avant moi. De ceux qui viendront. Des dizaines, des centaines, des milliers. Déterminés.
Et vient le chant des oiseaux. Il emplit le ciel. Et viennent le croassement des grenouilles, le clapotis de l'eau dans un fossé, le bruissement des feuilles soulevées par le vent…

NDDL 2Les pas frappent le sol. Ils dansent une mazurka. Et vient le son de l'accordéon. Il emplit le ciel. Les pas sautillent comme pour ne pas blesser la terre, comme pour ne pas trop marquer de leurs empreintes celle qu'ils sont venus défendre.
C'est ma terre. Je suis faite d'elle. Je suis née ici. Je la reconnaîtrais entre mille. Son odeur, sa couleur, son grain, sa voix. Il suffit que je la foule pour l'entendre me parler.

J'entends mes pas. Ils se joignent aux autres avant moi. A ceux qui viendront. Des dizaines, des centaines, des milliers. Déterminés.

Dimanche 15 avril – à l'aube – quelque part près de Notre-Dame-des-Landes

Arthur (*) court. Ses pas sont lourds de fatigue. Il n'y voit rien, la nuit est noire. Il comprend bien qu'il est en train de s'égarer. Mais il n'a pas vraiment peur, il se sent protégé par le bois qui l'entoure. Il aimerait juste atteindre son but, transmettre au poste radio les informations qu'on lui a confiées : les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce (**) – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce…
Il a enclenché son enregistreur. « Jour 1... » Il sent le jour poindre. Il se laisse tomber contre un arbre, il doit reprendre son souffle. Il ferme les yeux, se concentre sur le pépiement des oiseaux, comme chez lui, dans le Berry. Sauf qu'ici, en contre chant, des détonations. Au loin, comme dans un songe… Comment tout ceci pourrait être réel ? Il n'a pas 30 ans, vit en République française au XXIe siècle. Comment tout ceci peut-il être réel ?
Il se remet sur pied, reprend sa course – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce…

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Pour les gendarmes, une Zone À Détruire

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Arthur est arrivé la veille, en voiture, par le sud-est de la Zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes prise d'assaut depuis le lundi par 2.500 gendarmes mobiles, sur ordre du gouvernement. Le déroulement des opérations revient à Nicole Klein, préfète de la Loire-Atlantique, département où se trouve la Zad de Notre-Dame-des-Landes. L'objectif : expulser les occupants qui n'ont pas encore déposé de projets individuels auprès de la Préfecture, en vue de pouvoir rester. Quatre-vingt dix-sept lieux sont visés (une trentaine sont détruits alors que nous publions, vendredi 18 mai).

route de nuitArthur n'est pas venu seul. Une dizaine d'habitants du Cher ont fait le déplacement. Des dizaines d'autres convergent chaque jour de tous les coins de l'Hexagone, mais aussi d'Europe. Il se murmure que les fameux « black-blocs » (***) allemands et anglais sont du voyage…
Les Berrichons ont d'abord esquivé la présence policière et sont parvenus jusqu'au Maquis (**) où ils ont planté leurs tentes sur un terrain prêté par un habitant. « On a croisé des zadistes heureux de nous voir arriver, se souvient Arthur. L'ambiance était assez conviviale, ça a un peu changé ensuite... »
Avec deux amis, il décide de rejoindre une barricade. « Les occupants nous ont accueillis et expliqué patiemment comment procéder alors que, visiblement, ils étaient très fatigués, ils n'avaient pas dormi depuis plusieurs jours. »
Il faut tenir la barricade. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Quand on n'a pas fait son service militaire, qu'on n'est pas militant « professionnel », qu'on n'est pas préparé ? « Tu as un talkie-walkie, tu veilles. Quand les gendarmes arrivent, tu mets le feu à la barricade. » Une lumière transperce l'air frais de la nuit : une colonne de phares annoncent l'arrivée de ceux que les zadistes appellent désormais « les vilains ». Arthur perd son briquet, le retrouve, s'y reprend à plusieurs fois, met le feu comme il peut et court, court, court…
Jusqu'où ? « On va prévenir les autres ? » Il faut réveiller les ami.e.s resté.e.s sous la tente. Et prévenir le poste de radio – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce – les gendarmes enfoncent la barricade de la Saulce… Arthur court, court, court… Jusqu'à quand ?

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Une stratégie de défense : reconstruire

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Sous la tente, Juju (*) ne dormait qu'à moitié, forcément. Lorsqu'il est arrivé avec les autres Berrichons la veille, le « front » semblait assez loin. Le voilà qui se rapproche. Le réveil est un « choc », une « prise de conscience » d'où il est, un rappel de ce qu'il est venu y faire. « C'était impressionnant. Des grenades étaient envoyées par les gendarmes par salves, ça pétaradait. La stratégie face à eux ? La défense. Faire de la masse pour ralentir leur avancée. »
Le « front » n'est pas franc. Les gendarmes ne sont pas formés pour la guérilla de campagne, au milieu des champs. La disproportion des moyens utilisés en est la preuve. A une stratégie subtile, qui ciblerait réellement lieux et personnes, ils préfèrent une violence démesurée, tirent des flash-ball dans le tas, gazent tout ce qui passe. Habitant.e.s, militant.e.s, faune, flore… Rien ne peut leur échapper. La Zone à défendre est devenue pour eux Zone à détruire.

BLINDÉSL'après-midi, L'appel des bâtons a été entendu : en 2016, une grande manifestation populaire pour s'opposer au projet d'aéroport s'était tenue sur la Zad et des milliers de bâtons avaient été plantés à Bellevue. Les manifestants s'étaient fait une promesse : en cas d'expulsions, revenir déterrer leurs bâtons pour défendre la zone. Ils sont là, hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, de l'Ouest et d'ailleurs… L'ambiance change, le dispositif policier aussi. La tension reste palpable mais cette relève offre un instant de répit aux zadistes.
La reconstruction est une autre stratégie de défense. Vite, rebâtir. Vite, réoccuper le terrain. « On a trimballé une charpente à travers le bocage pour reconstruire le Gourbi (**) qui se trouve sur la route des barricades, explique Juju. Le Gourbi, c'est un lieu très symbolique, détruit à chaque fois, reconstruit à chaque fois ! »

Les jours se suivent et se ressemblent : « Le matin, soit t'es sur une barricade, soit t'es réveillé par les grenades. Comment se reposer quand t'entends des grenades exploser à quelques mètres ? » En milieu d'après-midi, les expulsions sont suspendues et un calme relatif revient sur la Zad. Jusqu'à la tombée de la nuit, où les affrontements dans les champs laissent place à une lutte pour les barricades.
La pluie s'invite au combat. La boue freine l'avancée des uns comme des autres. Les pas sont plus lourds.

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Toute tentative de vivre autrement finira comme ça ?

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Arthur court quand même. Il sait pourquoi il est là. Attaquer ici, la Zad, c'est attaquer ce qu'il essaie d'expérimenter depuis des années : des formes de vie plus solidaires, collectives, basées sur l'auto-organisation. Sa résistance au monde capitaliste, il la place là. « Notre génération voit bien que mettre des bulletins dans des urnes, ça ne sert pas à grand-chose. Alors, quoi ? Il ne reste plus qu'à jeter des pierres sur la gueule des CRS quand ils nous empêchent de construire ce qu'on veut vivre ? »
Ces quelques jours sur la zone l'ont marqué durablement. « C'est à la fois inspirant et démoralisant : est-ce que toute tentative de vivre autrement finira comme ça ? Ça enterrerait définitivement le mythe de la république démocratique. » Des forces de l'ordre armées contre une partie de sa population ? Le début du fascisme ?

De retour dans le Berry, Juju comme Arthur n'ont eu qu'une envie : repartir. « Mais mieux préparés. » Leurs pas les mèneront forcément de nouveau vers la Zad.

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« On est attaché à ce bout de bocage »

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Paul (*) entend leurs pas. Tout autour de lui. On pourrait croire qu’avec tout cet harnachement – casques, boucliers, armes – les CRS ne courent pas vite. C’est vrai. Ils ne sont pas là pour ça : ils occupent le terrain, accompagnent les blindés qui défoncent les barricades, veillent sur les pelleteuses qui détruisent cabanes, maisons, serres, champs cultivés, chèvrerie…
Paul entend leurs pas. Ceux des autres avant eux. Ceux de 2012, de l’opération César. Déjà, l’Etat avait tenté de faire tomber la Zad. Malgré la surprise et le manque d’entraînement des occupants, les forces de l’ordre avait dû faire marche arrière.

récupC’est à cette époque que Paul entend parler pour la première fois de cette Zone à défendre. « Je n’avais pas forcément d’avis, même si je commençais à être sensible à l’Etat, au marché… Progressivement, je me suis investi politiquement. A Paris, je cotoyais des militants qui n’avaient que la Zad à la bouche ! Au-delà des arguments anti-aéroport, ça m’apparaissait comme une cause qui fédère à gauche du Parti socialiste. Ça donnait du sens et de la légitimité au fait d’y aller. »

Il découvre Notre-Dame-des-Landes fin 2015, lors d’une manifestation contre le projet d’aéroport. Il y repasse régulièrement jusqu’au printemps 2017 où il reste quelques mois. Il assiste aux réunions et donne des coups de main sur les chantiers. Parallèlement, il fréquente les squats à Lyon et les mouvements sociaux à Paris. « Deux amis vivaient sur la Zad à l’année. J’ai envisagé m’installer avec eux mais nous n’avions pas les mêmes façons de voir les choses, pas les mêmes raisons d’être là. Ils voulaient simplement rester et poursuivre leurs activités. Moi, je voulais construire un projet relié à l’extérieur. »

Finalement, c’est dans la campagne berrichonne qu’il se pose mais continue à séjourner régulièrement sur la Zad. « Plus on y passe de temps, plus on est attaché à ce bout de bocage et à tout ce qui s’y passe. Ce n’est plus seulement une cause idéologique qu’on rejoint mais aussi des habitants. »

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On aime la Zad, on ne l'idéalise pas

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Paul jette un regard alentour. Il est à La Noue (**). Il pense aux amis qui y ont vécu. « Je n’ai pas tout de suite compris que j’y étais, parce que j’étais arrivé en plein affrontement. C’est en me reposant derrière un arbre que j’ai réalisé que les barricades étaient faites de débris de La Noue... » Idem au carrefour de la Saulce (**) « devenu un tapis de cendres tout noir on où ne reconnaît même plus la route ». Ou encore au Gourbi (**), « où on s’est réuni parfois à 200 personnes et là, il n’y a plus rien ». Les CRS et leurs engins sont passés par là, détruisant avec une déconcertante facilité des habitats légers, souvent atypiques, que les zadistes s’étaient appliqués à construire, par nécessité, mais aussi pour créer, inventer, expérimenter (lire aussi (Re)découvrir).

Paul se souvient quand il vivait sur la Zad, les conditions difficiles, par exemple lorsqu’il dormait à la Datcha (**), non étanche… « Jusqu’au printemps, c’est compliqué ici. Quand on arrive juste avec sa bonne volonté, ça peut être dur, en total décalage avec un certain confort. » Il se rappelle avoir ressenti « le vertige du tout-est-toujours-à-faire ».
S’il aime cette Zad, il ne l’idéalise pas. « Il faut se méfier du revers de la médaille qui présente la zone comme le paradis des anarchistes ! » Sa plus grande désillusion ? « Le mille feuilles de disputes qui n’ont jamais été réglées. Ça casse l’idée que les zadistes sont tous unis et tous d’accord avec les prises de décision. » Quid de la convergence des luttes si souvent mise en avant ? « Il y a différents groupes avec différentes sensibilités. Il y a quelques points sur lesquels ils s’accordent mais sortis de ces points, les divergences sont importantes. »

la châteigneSur le front qu’il a rejoint le 11 avril pour contrer les expulsions (la première vague a débuté le lundi 9 avril 2018), il a retrouvé cette dichotomie : la journée, les coudes sont serrés pour faire face aux CRS ; le soir, dans les assemblées générales, « des débat très tendus ». A quels sujets ? Principalement la déclaration des projets à la Préfecture de la Loire-Atlantique, certains zadistes restant fermement opposés à la déposer individuellement, d’autres la voyant comme la seule porte de sortie au conflit possible.
L’usage de la route départementale 281 (**) fait aussi toujours débat. Après l’annonce du retrait du projet d’aéroport, l’Etat avait fait pression sur les zadistes pour qu’ils libèrent la route dite « des barricades », un axe stratégique et symbolique. Pour l’expulsion, le gros des forces de gendarmerie et des machines est arrivé par là. Les gendarmes l’occupent. Les habitants autour « ont l’impression d’avoir été sacrifiés ».

Ces mots me rappellent un court reportage visionné sur Internet. Une habitante de La Grée (**) a pu rejoindre la Wardine (**), s’y étonnait de la différence des ambiances : constatant un nombre important de combattants d’un côté de la Zad, se sentant isolée de l’autre… Sur Radio Klaxon – la radio de la Zad qui pirate la fréquence d’Autoroute FM par Vinci – les messages se succèdent pourtant pour guider au mieux les troupes. Un autre « revers » de la médaille d’une organisation sans tête, parfois sans coordination même. L’action se transforme en réaction, la reconstruction est la seule réponse efficace aux destructions. Une stratégie d’usure, en quelque sorte.

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« On ne peut pas faire table rase »

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Paul ne s’attendait pas à participer à une guerre. « Ce n’est pas une guerre parce que, de chaque côté, tout le monde a peur qu’il y ait un mort. » Le fantôme de Rémi Fraisse – un jeune manifestant contre le barrage de Sivens tué en 2014 d’une grenade dans le dos – plane toujours. « C’est une bataille de la présence et de la communication. Il faut défaire la communication du gouvernement qui dit qu’il y a des bons et des mauvais zadistes. Il faut que les gens se rappellent que s’il n’y a pas d’aéroport, c’est parce qu’une minorité s’est entêtée à dire « non, non, non ! » pendant dix ans. Pourquoi insister maintenant que le projet est à l’abandon ? Parce que durant ces dix ans, des choses se sont passées et construites. On ne peut pas faire table rase. »

expulsionsLe jeune homme ne doute pas que « le gouvernement va finir le travail » mais il croit en l’efficacité d’actions décentralisées. « On peut se demander ce qu’une banderole peut changer, mais ça a de l’effet sur le moral des zadistes, ils se sentent soutenus. » L’envoi de matériel pour tenir sur le front est également essentiel, notamment pour reconstruire.
Après une semaine et demie, Paul a quitté la Zad pour retrouver le Berry, la date limite du 14 mai bien en tête. Bien sûr, il faudra encore y mener ses pas.

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Les « vilains » sont de retour

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Jeudi 17 mai – 6 heures – dans la campagne berrichonne

A la radio d'Etat, le flash info n'en parle même pas… Mais ils sont de retour sur la Zad, les « vilains ». Ils ne l'ont jamais quittée, d'ailleurs. Et la trêve dont se vantaient gouvernement et médias, n'a jamais eu lieu. Durant plus d'un mois, les 1.600 gendarmes restés sur zone se sont employés à harceler les zadistes, et vice-versa ; des affrontements ont éclaté régulièrement ; les contrôles et fouilles n'ont jamais cessé.

Le gouvernement aura finalement attendu quelques jours de plus pour faire entrer à nouveau blindés, CRS, PSIG et autres « vilains ». Il fait beau, c’est le printemps, mais les oiseaux devront encore se taire et fuir les gaz lacrymogènes. Cette si belle zone qu’il fallait défendre, cette faune et cette flore qu’il fallait préserver, seront sans doute les plus grandes victimes de cette opération qui n’a d’autre raison que celle du pouvoir autoritaire. Après l'opération César en 2012, certains champs n'ont pu être cultivés pendant plusieurs années, les sillons creusés par les engins ayant tué la terre. « Make the planet green again ! » Mon cul. Elle serait plutôt bleu marine, la planète de Macron…

Au lendemain de la deuxième vague d'expulsion, débutée le jeudi 17 mai, surprise : les expulsions se font sans résistance. Certain.e.s habitant.e.s sont même parti.e.s avant l'arrivée des huissiers. Les autorités sourient face caméra et parlent d'opération de « désescalade » de la violence réussie. Elles ne comprendront décidemment jamais rien...

Les zadistes ont appelé à manifester le samedi 19 mai à Nantes. Et à reconstruire le dimanche 20 mai. Le week-end suivant a été baptisé « week-end de défense de nos manières d'habiter ».

Et j'entends déjà leurs pas. Des autres avant eux. De ceux qui viendront. Des dizaines, des centaines, des milliers. Déterminés.

Fanny Lancelin

(*) Prénom d'emprunt.

(**) voir la carte dans la rubrique (Re)visiter.

(***) Black-blocs : groupes nés dans les années 1980 en Allemagne à l'époque du mouvement autonome, pour défendre des squats et des lieux de vie auto-gérés. Ils se forment de manière ponctuelle et éphémère. Ils fonctionnent sans hiérarchie. Ils s'attaquent généralement aux biens symboliques du monde capitaliste (par exemple, les banques) mais n'hésitent pas affronter les forces de l'ordre.

 

Plus

radio klaxonSite Internet. Pour suivre en direct les événements sur la Zad, lire des témoignages, voir des vidéos, suivre l'agenda, envoyer du matériel, savoir comment s'y rendre : https://zad.nadir.org

Radio. La radio de la Zad, Radio Klaxon, émet sur la bande FM mais aussi sur Internet. « Une radio pirate par des pirates qui n'ont jamais fait de radio ! » Donc, du bon son et des informations du terrain tout près : https://zad.nadir.org/spip.php?rubrique71&lang=fr

Comité local. Des comités locaux de soutien à Notre-Dame-des-Landes existent partout en France, pour informer la population, lancer des collectes, se rendre sur la Zad… Celui du Cher a organisé une manifestation, samedi 7 avril 2018, îlot Victor-Hugo à Bourges, pour dire « non » à la première vague d'expulsions.
Contact : nddlcomite18@laposte.net

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# 13 La ZAD partout Tue, 21 Mar 2017 12:54:42 +0100