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« D’égal à égales », C. Mélis et C. Cordier

Comment faire entendre sa voix lorsqu’on est une femme, au travail mais aussi dans la lutte syndicale ? Le film de Corinne Mélis et Christophe Cordier présente quatre parcours de travailleuses syndiquées qui, malgré la triple discrimination qu’elles subissent – sexiste, raciste et sociale –, se battent pour leur émancipation et bien plus : celle de tous·tes les exploité·es.

Les réalisateur·ices ont suivi Kheira, Nourra, Dorothée et Annissa, immigrées ou fille d’immigré·es. Dans leur travail comme dans leur engagement syndical, elles doivent combattre bien des préjugés. En croisant leurs témoignages avec ceux des ouvrières de l’usine Lip dans les années 1970 (1), les réalisateur·ices montrent comment la place des femmes dans la lutte syndicale a évolué. Iels donnent aussi la parole à Annick Coupé, une des premières initiatrices des inter-syndicales femmes, et déléguée générale de l’Union Syndicale Solidaires de 2001 à 2014.

Kheira est d’origine algérienne et est arrivée en France à l’âge de 4 ans avec ses parents. Elle a travaillé pendant 27 ans dans une usine textile à Toulouse avant de devenir permanente syndicale de la fédération CGT Textile, habillement et cuir.

Professeure en Algérie, Nourra est arrivée en France adulte mais n’a pas trouvé de travail. Devenue assistante maternelle, elle a rapidement ressenti le « mépris » que cette profession subissait, en termes de statut, de salaires, de protection sociale, de retraite… Durant quinze ans, elle s’est battue pour faire reconnaître les droits des assistantes maternelles, en tant que permanente à l’UNSa.

Camerounaise, Dorothée vit en France depuis vingt ans. Employée d’une entreprise sous-traitante pour les hôtels d’Eurodisney, elle a mené une grève contre des conditions de travail indignes, connue sous le slogan « Ni bonnes ni connes ». Harcelée, abandonnée par son syndicat, elle a tenu pendant huit ans avant de changer d’employeur.

Annissa est née en France de parents comoriens. Entrée à la SCNF à l’âge de 21 ans, elle milite au sein du syndicat Solidaires, notamment contre la privatisation du rail et la multiplication des contrats précaires.

Toutes racontent à quel point s’affirmer dans un monde du travail dominé par les hommes a été difficile. Mais aussi, comment ce combat leur a permis d’apprendre d’elles-mêmes, de s’ouvrir aux autres, d’oser s’exprimer, de devenir solidaires, de se renforcer. Toutes racontent également les obstacles qu’elles ont rencontrés à l’intérieur même de leurs organisations syndicales, où règnent encore trop souvent machisme et sexisme. Comme l’explique Annick Coupé, le mot d’ordre des syndicats a longtemps été de ne pas se diviser ; encore aujourd’hui, certains sont réticents à reconnaître les spécificités des luttes (féministes, par exemple) qui pourraient apparaître comme des divisions.
Pour autant, Kheira, Nourra, Dorothée et Annissa ont trouvé dans le syndicalisme un outil d’émancipation et de résistance au système qui exploite. Leur histoire est inspirante pour tous·tes celleux qui veulent s’engager.

Tourné en 2011 et sorti en 2015, d’une durée de 52 minutes, le documentaire « D’égal à égales » est visible gratuitement sur la plateforme Viméo : https://vimeo.com/159768481

(1) L’usine de production horlogère de Besançon, Lip, a connu un mouvement social très important pendant plusieurs années. En 1973, un collectif de femmes ouvrières y a été créé.