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L'histoire de la presse écrite en France

De l'impression des premiers « canards » à la lecture des journaux sur tablette numérique : comment est née et s'est développée la presse écrite ? Revenons sur les grands événements qui l'ont, sans cesse, obligé à évoluer. Aujourd'hui encore, elle doit relever d'importants défis.

1438 : invention de la typographie par Johannes Gutenberg, qui continua à améliorer les techniques d'imprimerie jusqu'en 1454.

XVe siècle : développement des « occasionnels », feuilles volantes imprimées à l'occasion de grands événements.

XVIe siècle : apparition du « canard », nouvelles feuilles volantes dans lesquelles apparaissent parfois des informations présentées sous une forme satirique, et des « libelles », où s'expriment les opinions.La Gazette

1605 : lancement du premier périodique mondial, Relation, à Strasbourg (pas encore en France), par Jean Carolus.

1631 : création du premier périodique imprimé français, La Gazette, par Théophraste Renaudot. Il s'agit d'un hebdomadaire.
La Gazette tire son nom du mot « gazetta », la monnaie italienne d'alors, une pièce de gazetta équivalant au prix d'un journal.

Médecin, proche du Cardinal de Richelieu, Théophraste Renaudot (1586-1653) est aussi très proche des pauvres. A la fin des années 1620, il ouvre un « bureau d'adresses » qui lui permet d'accueillir les propositions d'emplois. En 1633, il fait éditer le premier journal d'annonces : La Feuille du Bureau d'adresses. Dans les mêmes locaux que ce journal, rue de la Calandre à Paris, il ouvre un dispensaire, payant pour les riches, gratuit pour les pauvres.
Mais l'histoire retient son nom essentiellement pour la création de La Gazette. Le contexte politique de l'époque (la guerre de Trente ans) a contribué à son succès auprès de la population.

1777 : apparition du premier quotidien d'information, Le Journal de Paris.

Août 1789 : dans le contexte de la Révolution française, rédaction de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. La libre communication des pensées et la liberté d’imprimer ses opinions sont consacrées dans l'article 11.

1791 : réglementation de la liberté de la presse par l'Assemblée Constituante. Les titres de toutes tendances se multiplient.
Sous la Terreur (1793-1794), la censure se durcit et de nombreux journaux disparaissent. Elle reste active durant le Directoire (1795-1799).

XIXe siècle : essor de la presse écrite.

1827 : lancement de l'AFP (Agence des Feuilles Politiques) par Charles Havas (qui deviendra l'Agence France Presse à la Libération).

1836 : création de La Presse par Emile de Girardin, qui marque le développement de la publicité et des feuilletons.

Mais progressivement, le style oratoire laisse place aux grandes « plumes ». Vers 1885, le modèle anglo-saxon entre dans les rédactions françaises. Les journalistes se professionnalisent. La figure du « reporter » apparaît, ainsi que la forme « interview ».

1881 : loi du 29 juillet sur la liberté de la presse (toujours en vigueur). Elle définit la liberté d'imprimerie et de librairie, encadre le secret des sources, le droit de publication et d'affichage, et détermine ce qui relève des crimes et délits commis par voie de presse.
Révisée à plusieurs reprises, elle définit aussi le statut de journaliste : « Est considéré comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public, en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public ».vieil appareil photo

1891 : arrivée de la photographie dans la presse.

1860-1914 : âge d'or de la presse. Des millions de journaux sont publiés chaque jour.
Des avancées technologiques majeures permettent une diffusion massive, par exemple les rotatives. Les grands journaux intègrent progressivement les services leur permettant de maîtriser toutes les étapes de production d'un journal : réseau de correspondants, transmission, imprimerie, portage...

1914 - 1919 : mise en place de la censure pendant la Grande Guerre.
Certains journaux sont accusés de participer à la propagande de l’État, jetant le discrédit sur la profession de journaliste.

Entre les deux guerres, les quotidiens politiques d'opinion connaissent une baisse de leur lectorat, mais les titres régionaux et locaux se maintiennent.

1921 : le 24 décembre, diffusion de la première émission de radio destinée au public en France. Le service de Radiodiffusion voit officiellement le jour en 1922.

1935 : le 26 avril, diffusion de la première émission officielle de télévision française. A l'époque, une centaine de postes sont comptabilisés dans tout le pays.

1940 : débâcle française face à l'armée allemande. La plupart des grands titres se sabordent ; les autres collaborent avec les Nazis et le régime de Vichy. Parallèlement, la presse de la Résistance, illégale, se développe avec des titres comme Combat, Libération ou Le Franc-Tireur.

A partir d'août 1944 : la presse de la Collaboration est suspendue. La liberté de la presse est rétablie.
De nouveaux journaux issus de la Résistance naissent comme, par exemple, Le Parisien, France Soir, Le Monde ou, en région, Le Berry républicain, La Nouvelle République

Parallèlement à la presse d'information, la presse spécialisée (illustrée, de loisirs, à destination de la jeunesse) se développe.CDP 10

1948 : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
L'article 19 concerne la liberté d'être informé et d'informer : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

Années 1960-1970 : avec la libération progressive des mœurs et les luttes sociales, apparition de nouveaux titres, souvent engagés (comme Le Point, L'Observateur, l'Express, Actuel), parfois subversifs (comme Hara-Kiri et Charlie Hebdo).
Les thématiques des journaux et magazines se diversifient.

Pourtant, la presse écrite vit une véritable crise et le tirage ne cesse de diminuer.

Années 1990-2000 : arrivée d'Internet.
Les journaux « traditionnels » tentent de s'installer progressivement sur la toile. Au départ, il s'agit surtout de calquer la version papier sur une version en ligne. Le succès n'est pas au rendez-vous. Les incertitudes pèsent sur le modèle économique.

Février 2002 : naissance du premier quotidien gratuit, Métro, entièrement financé par la publicité (il disparaîtra en 2006 mais son concurrent, 20 minutes, existe toujours) ; inquiétude des quotidiens payants.

Certains groupes de presse réagissent en lançant des suppléments thématiques gratuits, qui multiplient l'offre proposée aux annonceurs (Fémina) ou des magazines tentant de toucher d'autres lectorats (Le Monde 2, Le Figaro Magazine).

Fin des années 2000 : création de sites d'informations par des journalistes de presse écrite, comme Médiapart, Rue 89, Bakchich (disparu en 2016).

Parallèlement et plus récemment, lancement de nouvelles formes éditoriales basées sur des reportages et enquêtes approfondis : la revue XXI, Le Tigre ou encore Six Mois.
Radio France innove aussi avec la revue Papier qui reprend, en version écrite, des chroniques et émissions diffusées sur France Culture.

Aujourd'hui : chaque mois, ce sont 51,1 millions de lecteurs qui sont comptabilisés par l'Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM) ; mais 54 % des lectures de marques de presse se font désormais sur un support numérique (téléphone mobile, ordinateur, tablette).classement 2018

Au classement mondial de la liberté de la presse en 2018, la France n'est que 33e sur 180 (1). Si elle est considérée comme « globalement libre et plutôt bien protégée par la loi », ses problèmes viennent plutôt de son modèle économique : « le paysage médiatique français est largement dominé par de grands groupes industriels dont les intérêts se trouvent dans d'autres secteurs. Cette situation entraîne des conflits qui font peser une menace sur l'indépendance éditoriale, et même sur la situation économique des médias ». Le rapport ajoute : « La mise en cause croissante du travail des médias d’information (mediabashing) par des politiques ou des personnalités médiatiques a été particulièrement virulente pendant la dernière campagne présidentielle. Se sont également ajoutés des refus d’accréditation qui ont provoqué des levées de boucliers immédiates de la part de la profession. »
Un problème qui ne concerne pas seulement la presse écrite, mais l'ensemble des médias français.

Pour aller plus loin, le Monde Diplomatique publie et met à jour régulièrement une carte intitulée : Médias français, qui possède quoi ? (2)

Enfin, l'apparition et le développement des médias libres et militants, en version papier et / ou numérique laisse espérer un renouveau. Cette fois, c'est le magazine Reporterre qui publie une carte intitulée : La carte de la presse « pas pareille » (2) (lire aussi la rubrique (Re)découvrir).
La MUTU regroupe des sites d'informations participatifs, également libres et engagés (lire aussi la rubrique (Ré)créations).

Sources : Le Centre de la Presse, La Maison des Journalistes, Radio France, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel.

(1) https://rsf.org/fr/classement
(2) https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/PPA
(3) https://reporterre.net/Les-medias-libres-existent-voici-leur-carte