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« Le Gang de la Clef à Molette », Edward Abbey

Véritable guide de sabotage pour les un·es, satire de la société américaine pour les autres, l’ouvrage d’Edward Abbey n’est, en tout cas, pas passé inaperçu : sorti en 1975 sous le nom « The Monkey Wrench Gang », il s’est vendu à deux millions d’exemplaires. Son style détonne autant que son propos !

Edward Abbey (1927-1989) était un poète, romancier et essayiste mais aussi un fervent militant écologiste. A l’occasion de ses expéditions dans l’Ouest américain lorsqu’il était jeune ou au cours des nombreuses années durant lesquelles il travailla dans les parcs naturels (1), il fut témoin de la bétonisation croissante des grands espaces au profit des multinationales industrielles, des sociétés routières et des promoteurs de loisirs. A travers ses romans, il dénonce les décisions politiques qui permettent la destruction de ces espaces. Il pointe également du doigt la colonisation des esprits par le marketing qui réduit les êtres humains à un rôle de consommateurs et leur ôte toute capacité de lecture critique du monde.

Dans une tribune intitulée « Pitié pour Edward Abbey » (2), Olivier Gallmeister, l’éditeur qui traduit et promeut ses ouvrages en France, rappelle qu’Edward Abbey n’a jamais été activiste comme certains le prétendent. Il « est avant tout un écrivain au style et à la langue inimitables animé par une profonde révérence envers la nature et par une profonde irrévérence envers toute forme d’autorité et de pensée convenue, doté d’un sens de l’humour corrosif, lui qui mettait en exergue de son ultime roman, « Le Retour du Gang de la Clef à Molette », la phrase suivante : « Quiconque prendra ce livre au sérieux sera immédiatement abattu. Quiconque ne le prendra pas au sérieux sera enterré vivant par un bulldozer Mitsubishi. » » L’éditeur réfute également le qualificatif d’ouvrage de référence en matière d’écoterrorisme : « Quant à cette « bible » de l’écoterrorisme que serait « Le Gang de la Clef à Molette », s’il est vrai qu’il est rapidement devenu un livre culte de la contre-culture américaine, on aurait tort de voir dans ce roman foutraque et hilarant un appel à la violence. Rappelons que Le Gang conte les aventures de quatre personnages qui décident de lutter contre les ravages de l’industrialisation excessive sabotant ces splendides réalisations humaines que sont les pelleteuses, les bulldozers, les barrages… Rappelons également que ces « terroristes » mettent un point d’honneur à ne blesser personne lors de leurs incursions. »

Ces quatre personnages sont : Doc Sarvis, chirurgien poète ; Bonnie Abbzug, sa compagne déjantée et droguée ; George W. Hayduke, vétéran de la guerre du Vietnam ; et Seldom Seen Smith, mormon polygame. A l’occasion d’une descente du fleuve Colorado, iels se rencontrent et décident de former une équipe pour démonter et faire sauter tout ce qui pollue ou détruit leur environnement. Bien sûr, les « autorités » ne les laissent pas faire et une traque dans le désert commence bientôt…

L’originalité du roman tient notamment au style d’écriture d’Edward Abbey : souvent descriptif dans les moindres détails, il parvient toutefois à être également très poétique. La réalité sur laquelle il s’appuie est complexe, et son propos ne tombe jamais dans une opposition simpliste entre le « bon » et le « mauvais ». Il ravira les amateur·ices d’humour grinçant et absurde, de satire politique mais aussi de paysages à couper le souffle et d’aventures !

« Le Gang de la Clef à Molette » a une suite : « Le Retour du Gang de la Clef à Molette » (paru en anglais en 1989 sous le titre « Haydukes Lives ! »).
Plus d’informations sur https://gallmeister.fr/

F.L.

(1) Son ouvrage « Désert solitaire », paru en 1968, raconte notamment son travail au National Parks Service.
(2) https://www.lemonde.fr/livres/article/2007/02/08/pitie-pour-edward-abbey_864898_3260.html