Sur un trépied : c'est ainsi que fonctionne la communauté Emmaüs du Cher qui s'appuie sur des compagnes et compagnons, sur des bénévoles appelés « amis », et sur des responsables salariés. Il y a quelques jours, tous étaient invités à se réunir en assemblée générale. L'occasion de faire le point sur les activités et les projets à venir.
La composition de la communauté aujourd'hui :
- 58 compagnes et compagnons ;
- 80 « amis » bénévoles ;
- une équipe de salariés composée de six équivalents temps plein (un responsable, un adjoint, une encadrante technique, une assistante comptable, deux secrétaires standardistes, deux agents d'accueil à la décheterie les Danjons à Bourges).
Ces effectifs sont répartis sur trois sites : La Chapelle Saint-Ursin, Vierzon et Saint-Amand-Montrond.
L'activité :
Elle est liée au ramassage d'objets chez les particuliers et les entreprises, au dépôt directement sur les sites, au tri et à la revente.
Outre les ventes organisées chaque semaine sur les trois sites, des événements ont lieu :
- chaque premier samedi du mois, des ventes à thème à La Chapelle Saint-Ursin ;
- chaque deuxième samedi du mois, une vente rétro à La Chapelle Saint-Ursin ;
- une vente anniversaire en septembre à Vierzon ;
- un printemps solidaire en avril à Sancerre.
La solidarité reçue et fournie :
La communauté reçoit et donne.
Ainsi, en 2016, la communauté a reçu :
- 905 euros en dons, de particuliers et de partenaires ;
- 2 500 euros en don d'un compagnon ;
- 5000 euros d'aide d'une banque pour la formation des compagnons.
En nature : - les frais de kilomètres abandonnés par les bénévoles représentent 19 197,64 euros ;
- les abandons de produits par des entreprises représentent 333 558,01 euros.
A l'inverse, en 2016, la communauté a versé :
- 19 339,95 euros au titre de la solidarité financière (à d'autres groupes et d'autres associations) ;
- l'équivalent de 25 478,89 euros au titre de la solidarité en nature, par exemple pour l'aide apportée aux migrants : dans le Cher, 140 migrants sont arrivés en 2016, pour l'essentiel de Calais. Les collectivités et associations locales ont cherché des solutions d'hébergement ; Emmaüs a assuré leur équipement.
Les finances :
Le résultat de l'exercice 2016 s'élève à + 63 949 euros contre + 34 009 euros en 2015. L'endettement s'élève à 84 056 euros. Les disponibilités de trésorerie à fin 2016 s'élèvent à 245 735 euros.
L'activité et le chiffre d'affaires ont augmenté de 10 % en 2016 par rapport à 2015. « C'est considérable et c'est la sixième fois consécutivement », écrit Jean Gaucher, le responsable, dans son rapport d'activité.
Le pécule :
C'est ainsi que compagnes et compagnons nomment leur salaire. En 2016, un grand changement est intervenu : l’État a supprimé la prime pour l'emploi et mis en place la prime d'activité.
Deux conséquences pour les compagnons : une perte d'environ 550 euros ; la perte d'équité, essentielle dans la communauté. En effet, « qu'on ait été à l'école, qu'on soit fille ou garçon, fort ou frêle, sur un poste à haute valeur ajoutée ou assigné au ménage, tous les compagnons ont, et c'est fondamental, les mêmes droits et devoirs et surtout, le même pécule », rappelle Jean Gaucher. Mais la prime d'activité est réservée à ceux qui sont en situation administrative régulière. « Comment accepter qu'un Gérard ou une Patricia perçoivent une prime d'activité en plus de leur pécule, quand une Luljeta ou un Israël en seraient écartés ? »
Après un débat au sein de la communauté, un système de péréquation a été adopté : les compagnons éligibles font valoir leurs droits à la prime d'activité et la communauté verse une somme équivalente à ceux qui en sont écartés. Au final, cette idée généreuse a permis d'augmenter le reste à vivre, passé de 341 euros mensuels à 450 euros mensuels !
Les entrées et sorties :
Quinze arrivées ont été comptabilisées pendant l'année 2016.
A l'inverse, neuf sorties sur les 37 compagnes et compagnons présents à La Chapelle Saint-Ursin et à Vierzon au 1er janvier :
- un pour projet professionnel ;
- quatre vers d'autres communautés ;
- un retour au pays ;
- un pour projet familial ;
- un départ ;
- un renvoi.
Plus de la moitié des effectifs de La Chapelle Saint-Ursin et Vierzon (Saint-Amand n'a été rattaché qu'au 1er janvier) sont présents depuis plus de deux ans.
A souligner également : trois régularisations de leur situation administrative pour des compagnes et compagnons étrangers.
La formation :
En 2016, plus de la moitié des compagnes et compagnons sont entrés dans un processus d'apprentissage (école, certificat d'aptitude à la conduite en sécurité, CAP…).
Un programme de travaux :
Le cadre des actions est fixé par le projet de communauté 2016-2020 adopté par le Conseil d'administration, et approuvé par les « amis » et compagnons.
La priorité cette année : l'amélioration de l'habitat. « Nous devons réhabiliter les logements à Saint-Amand en lien avec Emmaüs France, mettre aux normes les logements à La Chapelle Saint-Ursin et probablement construire des logements à Vierzon », a écrit Philippe Salvetti, le président, dans son rapport moral.
Pour les enfants...
Autre projet : « Cent pour un ». En 2016, un bébé est né dans la communauté. Une première depuis sa création dans les années 1980, qui a déclenché une réflexion autour de l'accueil des familles. « Si nous avons toujours porté avec fierté notre pratique de l'accueil inconditionnel, nous ne croyons pas pour autant qu'une communauté soit un lieu d'éducation souhaitable pour un enfant », déclare Jean Gaucher. Un appartement a été loué en ville, où la famille s'est installée. La maman a quitté les effectifs tout en restant bénévole ; le papa est resté compagnon et vient travailler chaque jour.
Pour financer d'autres structures de ce type, la communauté du Cher a emprunté à celle de Touraine une idée : « Cent pour un ». Le but est d'encourager des donateurs à verser 5 euros par mois pendant deux ans ; 100 adhérents au dispositif seront nécessaires pour loger une famille avec enfants sans abri. L'association pourra ainsi procurer le logement, assurer le paiement du loyer et des charges, le temps pour les familles de retrouver leur autonomie (plus d'infos sur www.100pour1-du-cher.fr)
… et les anciens
Quand l'heure de la retraite a sonné pour les compagnes et compagnons, que faire ? Comment continuer à accompagner ceux qui ne veulent pas retourner « dehors » ? Le bureau de la communauté du Cher a entamé une réflexion pour acquérir ou construire « un espace dédié, en périphérie de la communauté ».
Repères
- Première communauté Emmaüs : créée par l'abbé Pierre en 1949 à Neuilly-Plaisance, dans la banlieue est de Paris. Il s'agit d'offrir un toit et de nourrir les pauvres. Les compagnons-bâtisseurs apparaissent.
Le premier compagnon est Georges Legay, ancien bagnard, à qui l'abbé propose : « Donne-moi ton aide pour aider les autres ». - La chine : les dépenses de l'abbé augmentent proportionnellement au nombre de familles accueillies. C'est ainsi que les compagnons commencent la « chine » (le ramassage d'objets chez des particuliers) et la « biffe » sur les champs d'épandage d'ordures. Le fruit de leur travail est d'abord vendu à des semi-grossistes, avant qu'ouvre le premier magasin à Neuilly-Plaisance.
- « Mes amis, au secours » : l'abbé Pierre lance son célèbre appel sur Radio-Luxembourg, lors de l'hiver 1954, après la mort de froid d'une femme et d'un nourrisson. C'est « l'insurrection de la bonté » : en une semaine, l'équivalent de huit millions d'euros sont collectés ; l'Assemblée nationale vote des crédits exceptionnels pour la construction de logements ; l'abbé Pierre devient populaire. Il n'aura de cesse, tout au long de sa vie, de faire entendre « la voix des sans-voix ».
- De la France au monde : l'abbé Pierre a structuré Emmaüs d'abord en Mouvement national, puis international. Si les communautés sont autonomes notamment vis-à-vis de l'entité nationale, elles partagent les quatre piliers que sont : la solidarité, l'accueil inconditionnel, l'autonomie par l'activité et le développement durable.
Le Mouvement Emmaüs compte aujourd'hui 117 communautés, à la fois lieux de vie et d'activités. - Esteville : c'est là, près de Rouen, qu'est enterré l'abbé Pierre, mort le 22 janvier 2007 à l'hôpital du Val de Grâce à Paris. C'est aussi là qu'est inauguré, en 2012, le Centre Abbé Pierre-Emmaüs, lieu de mémoire dédié à l'abbé Pierre. Des compagnons et bénévoles de la communauté du Cher s'y rendront en juin.
Plus d'infos : www.fondation-abbe-pierre.fr et www.centre-abbe-pierre-emmaus.org