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L'homosexualité dans le Droit français

Admises, punies comme un crime, considérées comme une maladie, dépénalisées… Les relations entre personnes de même genre ont connu différents statuts dans le Droit français. Retour succinct sur cette partie souvent méconnue de notre Histoire, du bûcher au Mariage pour Tous et, bientôt peut-être, la PMA...

Durant l'Antiquité

Le monde romain reconnaît les relations entre les hommes, mais elles sont codifiées. Elles sont par exemple admises dans un cadre militaire ou pédagogique, initiatique.
Il serait anachronique de parler d'homosexualité à cette époque, les relations sexuelles n'étant pas envisagées selon des critères d'orientation ou d'identité, mais selon des critères sociaux.
L'homme est considéré comme viril s'il est actif, peu importe le genre de ses partenaires.

Certains écrits d'auteurs grecs témoigneraient d'une certaine liberté sexuelle accordée également aux hommes chez les Celtes et les Gaulois.

Les lesbiennes sont invisibilisées.plaque jean diot bruno lenoir

Au IVe siècle

L'arrivée de la religion catholique change la donne : l'Ancien Testament est hostile aux pratiques homosexuelles ; le plaisir n'est admis que s'il a pour but la procréation.
En 390, l'empereur catholique romain Théodose 1er impose la condamnation au bûcher des sodomites. Il se base sur l'épisode biblique de la destruction par le feu de Sodome et Gomorrhe.

Au XVIIIe siècle

Les Lumières prétendent combattre tous les arbitraires mais, hormis le Marquis de Sade, Denis Diderot et Jeremy Bentham, ils sont en réalité peu à renoncer à leurs préjugés vis-à-vis de l'homosexualité.

1750

Le 6 juillet, Jean Diot et Bruno Lenoir, arrêtés rue Montorgueil à Paris, sont les derniers mis à mort en France pour crime d'homosexualité (250 ans plus tard, le Conseil de Paris installera une plaque en leur hommage).

1791

Le Code pénal, adopté par l'Assemblée nationale législative, exclut le crime de sodomie et accepte, en théorie, les rapports homosexuels librement consentis. Mais dans les faits, les articles 330 à 334 permettent la répression au titre de l'attentat public à la pudeur, par exemple.
Parallèlement, l'homosexualité est pathologisée, psychiatrisée.

Monarchie de Juillet

Mise en place du « registre des pédérastes », un système de fichage écrit des homosexuels identifiés ou supposés, des prostitués homosexuels et travestis. Les contrôles des personnes et des lieux de réunion étaient assurés par une police administrative.
(Il restera légal jusqu'en 1982 (1).)conférence

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Situations très différentes selon les territoires : libre, occupé, Nord-Pas-de-Calais (dépendant de la Belgique), Alsace-Lorraine (dépendant du Reich).
En zone libre, on a recours à l'internement administratif, notamment dans des « centres de séjour surveillés », véritables prisons.
Sous le gouvernement de Vichy, le Code pénal est modifié par la loi du 6 août 1942 qui vise surtout les relations avec les mineurs. Les accusés risquent de 6 mois à 3 ans d'emprisonnement et une amende de 200 à 60.000 francs.
Dans les territoires qui dépendent de l'Allemagne, s'applique l'article 175 renforcé par les Nazis en 1935. Du délit, on passe au crime dans certaines conditions. Les peines de forteresse peuvent aller jusqu'à dix ans.

Au total, dans l'état actuel des recherches, 550 ressortissants français ont été inquiétés durant cette période, selon des formes variées, en raison de pratiques homosexuelles : 200 dans la France occupée, 350 en Alsace-Lorraine. Trente ont été déportés précisément pour ces raisons (d'autres le seront pour des raisons politiques, par exemple), vingt-sept ont trouvé la mort durant ou des suites de leur détention (2).

1960

Le député gaulliste Paul Mirguet propose un amendement à l'article 38 du Code pénal visant à classer l'homosexualité dans la liste des « fléaux sociaux » au même titre que l'alcoolisme, la tuberculose, la toxicomanie, le proxénétisme et la prostitution pour lesquels le gouvernement est autorisé à légiférer directement par ordonnance. La proposition est votée par l'Assemblée nationale.
La même année, l'ordonnance du 25 novembre prévoit un doublement des peines encourues pour outrage public à la pudeur « lorsqu'il consistera à un acte contre nature avec un individu de même sexe ».

1968

La France adopte la classification de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui juge l'homosexualité et la transexualité comme des maladies mentales.

1981

La France retire l'homosexualité de la liste des maladies mentales et stoppe « le registre des pédérastes » tenu par la Préfecture de Police.1982 Homophonie

1982

Le 4 août, suppression de toute pénalisation visant l'homosexualité, impliquant des personnes de plus de 15 ans (âge de la majorité sexuelle).

1995

Le 15 septembre, adoption par le Parlement du PACS, PActe Civil de Solidarité, pour les homosexuels mais aussi les hétérosexuels.
Le PACS légalise les couples non mariés en leur accordant des droits sociaux, fiscaux et successoraux.

2000

Les associations de lutte contre l'homophobie sont autorisées à se constituer partie civile quand les crimes sont commis « à raison de l'orientation sexuelle de la victime ».

2001

Le Tribunal de Grande Instance de Paris accepte l'adoption par une femme homosexuelle des enfants de sa compagne.

2003

Les crimes homophobes relèvent de la même peine que les crimes racistes. Selon l'article 132-77 du Code pénal, « les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise en raison de l'orientation sexuelle de la victime ».

2004

Noël Mamère, maire écologiste de Bègles, célèbre le premier mariage homosexuel (annulé par la justice en 2007).

La loi réprime les propos homophobes au même titre que les propos antisémites ou racistes.

Création de la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité.

2008

Condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, pour avoir refusé l'adoption à une femme homosexuelle alors que le droit français l'autorise aux célibataires. La Cour Européenne des Droits de l'Homme juge la décision discriminatoire.

2012

Débats autour du « Mariage pour tous » et manifestations des anti mariages gays, menées notamment par des organisations telles que Civitas ou la Manif pour tous.

2013

Le 23 avril, la loi dite du Mariage pour tous est adoptée par le Parlement. La France devient le 14e pays au monde à autoriser le mariage homosexuel. Le premier a lieu à Montpellier, le 29 mai 2013.alliances 1619392 960 720

2016

Les homosexuels peuvent à nouveau donner leur sang, ce qui leur était interdit depuis 1983 en raison du risque de transmission du sida. Mais les restrictions imposées sont décourageantes : par exemple, il faut que les donneurs s'engagent à ne pas avoir de rapports pendant un an…

Aujourd'hui

La prochaine bataille législative sera sans doute celle sur la PMA, la Procréation Médicalement Assistée. Le candidat Emmanuel Macron, devenu président en 2017, avait inscrit cette mesure dans son programme de campagne…

Ailleurs dans le monde

En 2017, 72 pays sur les 194 reconnus internationalement criminalisaient encore les rapports homosexuels, principalement en Afrique et au Moyen-Orient mais pas seulement ; 120 pays protégeaient ou donnaient une existence légale aux homosexuels et à leur famille ; 22 pays avaient légalisé le mariage.
Plusieurs d'entre eux, dont la France, ont déjà formulé des résolutions en faveur d'une dépénalisation universelle de l'homosexualité auprès des Nations Unies.

(1) Lire l'entretien avec Bruno Fuligni, directeur de l'ouvrage collectif « Les secrets de la police » (éditions L'Iconoclaste) : http://yagg.com/2008/12/23/livres-avant-edvige-quand-la-police-parisienne-fichait-les-homos-dans-le-registre-des-pederastes/
(2) Résultats présentés par Arnaud Boulligny, chercheur à la Fondation pour la Mémoire de la Déportation à Caen, le jeudi 4 juillet 2019 au Musée de la Résistance et de la Déportation du Cher à Bourges, lors d'une conférence intitulée « La répression des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale en France ».

 

Les sources

  • « Homosexualité : dix clés pour comprendre, vingt textes à découvrir » de Bruno Perreau (éditions EJL).
  • « La lente avancée des droits homosexuels en France », article de Lise Verbecke sur France Culture (mis à jour le 29 mai 2019).
  • « Les homosexuel.l.es en France : du bûcher aux camps de la mort, histoire et mémoire d'une répression » par Arnaud Boulligny (éditions Tyrésias-Michel Reynaud).
  • « Une histoire des homosexualités », quatre épisodes de la Fabrique de l'Histoire présentée par Emmanuel Laurentin sur France Culture (https://www.franceculture.fr/emissions/series/une-histoire-des-homosexualites).