Au détour de mes recherches, je découvre régulièrement des pépites. Celle-ci en est une. De contenus, de formes, d'idées, de liens… Prenez le temps de parcourir « Zinzin Zine », un blog participatif engagé dans la lutte antispychiatrique et la psychophobie.
La coordinatrice a tenu à exposer son « point de vie » : dire clairement d'où elle parle : « anarchiste féministe, femme cis (1), adulte, blanche, non-hétérosexuelle, psychiatrisée et psychoatypique, aux revenus personnels faibles (AAH), née en banlieue française de parents immigré·es et prolétaires qui se sont graduellement enrichis (transfuges de classe) et par lesquels elle bénéficie maintenant de privilèges bourgeois et donc du filet de sécurité matérielle qui va avec (logement pérenne et aide financière occasionnelle) ».
Le blog qu'elle a créé est nourri et traversé par les expériences qu'elle a vécues. Mais son ouverture offre une grande diversité, autant dans la forme des contributions (textes, images, sons, vidéos…), que dans le fond (articles historiques, sociologiques, médicaux, sensibles…) ou encore dans les signatures (collectifs, associations, universitaires, anonymes…). Le fil conducteur : la perspective révolutionnaire.
D'abord, en développant une analyse critique des discours psychiatriques : « La psychiatrie est un pouvoir déguisé en savoir, une institution de coercition et de contrôle social médicalisé, écrit ainsi la coordinatrice du blog. Si nous pensons qu'il ne sert à rien de se leurrer sur le fait qu'une telle institution puisse être remplacée par une autre à cette fonction de coercition et de contrôle social (…), étant donné la place centrale qu'elle occupe de nos jours, il nous paraît primordial de développer les outils d’analyses nécessaires à comprendre et à combattre son pouvoir. Depuis sa création, la psychiatrie a notamment été utilisée comme un moyen de légitimer / invisibiliser les systèmes d'oppressions en pathologisant certaines réactions de défense des opprimé·es et en prônant l'adaptation aux divers systèmes d'oppressions comme norme de santé mentale. Elle est une institution répressive médicalisée visant non pas à résoudre les problèmes d'individus, mais à résoudre les problèmes que des individus posent à l'organisation sociale. »
Aux solutions médicales présentées comme objectives et neutres (donc au-dessus de toute critique possible), elle oppose d'autres voies qui ne soient pas une psychiatrie alternative : il n'est pas question ici d'améliorer le système existant, mais bien de l'abolir. Les alternatives à la psychiatrie ne seraient qu'une étape.
La lutte antipsychatrique s'inscrit dans une lutte plus large, celle d'une « libération totale de tout système d'oppression quel qu'il soit ». Les atypicités et souffrances psychiques considérées comme anormales et / ou pathologiques, émergent dans un environnement social particulier et ne peuvent donc pas être considérées en dehors des systèmes capitaliste, patriarcal, raciste, validistes (2), âgiste, hétérosexiste, cisexiste… Le blog vise à présenter « des points de vue sur les souffrances psychiques qui prennent en compte ces systèmes ainsi que les conséquences psychologiques des violences systémiques qui en résultent ». Il s'agit de « dépsychiatriser les fous / folles, en montrant que [leurs] souffrances sont principalement causées par des violences sociales et environnementales et non par des défauts individuels. (…) ».
Pas question ici de présenter les contributions comme des « guides à suivre au pied de la lettre ». Mais bien comme des outils dont chacun.e peut se saisir pour comprendre, réfléchir, discuter, débattre… Certain.es y trouveront des connaissances insoupçonnées, d'autres des réponses à leurs questions, d'autres des manières de se relier et de combattre ensemble, d'autres encore d'aider des personnes en souffrance...
Si la perspective est bien révolutionnaire, ce n'est pas forcément le cas de toutes les contributions. La coordinatrice accepte des contributions avec lesquelles elle ne partage pas nécessairement toutes les considérations. Celles des professionnel.les de la santé mentale sont, par exemple, acceptées « lorsqu'iels tentent de produire des autocritiques ou qu'iels partagent des savoirs utiles ». Les contradictions sont possibles et assumées.
C'est l'une des formidables richesses et intelligences de ce blog, à découvrir sur http://www.zinzinzine.net
(1) Personne dont l'identité de genre est conforme au genre qui lui a été attribué à la naissance.
(2) Validiste / validisme : ou capacitisme, est une forme de discrimination influencée par le système médical à l'égard de personnes souffrant d'un handicap, en décidant que les personnes « capables », donc sans handicap, représentent la norme sociale à laquelle se conformer. « Dans ce système de valeurs et de pouvoir, le handicap est ainsi perçu comme une erreur, un manque ou un échec et non comme une conséquence des événements de la vie ou de la diversité au sein de l'humanité. » (Source : wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Capacitisme)