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Ecrire ensemble, cette page de notre histoire...

Suite des contributions partagées dans le cadre de l'appel à Ecrire ensemble lancé par (Re)bonds le mardi 17 mars 2020.

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Nous les vieux

Bernard C. - Bué (Cher) _________________________________

 

Mercredi 18 mars 2020

C’est nous les vieux qu’on meurt le plus à cause du corona. C’est drôle parce que sans le corona, c'étaient nous les vieux qu’on mourait aussi le plus ! Ben oui, quand on arrive au bout, il y a toujours quelque chose qui fait rendre l’âme aux vieilles machines que nous sommes : l’hiver, une grippe, une canicule, une indigestion, un truc qui lâche … un virus ! Dans tous les cas, ce sera « un arrêt cardiaque ». Si tu y échappes un coup, ce sera le coup suivant, ou un autre, mais ça se rapprochera toujours, c’est normal et nous ne sommes pas débiles, nous le savons. Ce sera avec un virus ou à coup sûr avec autre chose que nous vous tirerons notre révérence. Mais vous êtes gentils de vous préoccuper ainsi de nous et nous apprécions. Dans des temps lointains, on ne nous mettait pas dans des EHPAD (1) mais sous les arbres à palabres !  
On veut même faire croire que c’est pour nous protéger, nous les « à risque », si les écoles ferment (heureusement qu’à l’autre bout des âges, les mômes intelligents sont contents d’être un temps libérés !), si les matches de foot ne vont plus faire brailler les foules, s’il n’y a plus moyen d’aller boire une bière au bistrot…
Alors pourquoi cette panique orchestrée ? C’est vrai que corona ne cible pas que les vieux, que les pauvres, mais tout aussi bien les riches, les dirigeants. On peut comprendre l’affolement de ces derniers ! Ce n’est pas comme la faim, la malbouffe, le chômage, le manque de logements ou leur insalubrité… qui tuent quotidiennement et à coup sûr bien plus de monde, mais qui ne les concernent pas.
« Donnez-leur un quignon de pain (Jules César aurait dit, lui, « du pain » !), des jeux et fabriquez-leur un ennemi, et vous en ferez ce que vous voudrez. » Les émigrés commençaient à devenir moins opérants comme ennemis, même pour arrêter les Gilets Jaunes, ça n’avait pas marché. Le virus est bien tombé, voilà un ennemi qui a déjà permis à un président en perdition d’apparaître comme un général en chef qui allait sauver ses troupes et le peuple par ses décisions héroïques (pensez-donc, oser fermer les écoles et les bistrots !) et ses déclarations enflammées. Les guerres, donc aussi la guerre au virus, font par magie sortir des milliards qui n’existaient, paraît-il, pas pour améliorer notre sort. Dans notre cas, ce n’est pas pour le « bizness » des armes, c’est pour sauver le CAC 40, les marchés financiers !
Donc, notre virus, danger réel ou danger supposé, déclaré ennemi public n°1, a redonné momentanément tout le pouvoir aux États mondialisés. Nous (et pas que les vieux !) n’aurions plus à les emmerder avec des revendications débiles puisqu’ils s’occupent si bien de nous.
Oui, mais ! Voilà-t-y pas qu’à moins d’être aveugle, on voit tous que c’est de cette mondialisation dont cette bestiole se régale !
Voilà-t-y pas que privatisations, délocalisations, destructions des services publics ou délabrement de leurs moyens, au nom d’un libéralisme et d’un capitalisme sans lesquel nous ne pourrions soi-disant survivre, tout ça fait que collectivement nous n’avons plus les moyens de nous défendre contre un microbe qui n’est même pas aussi costaud et dévastateur que celui de la peste. Sympa ce microbe, il a dû se dire « il va falloir qu’ils comprennent ! ».

Alors nos gouvernants ne peuvent rien faire d’autre que décréter le confinement… et démerdez-vous ! Ce sont eux qui viennent de décréter la grève générale illimitée que nous avons été incapables de croire possible.
Un vrai cadeau. Nous allons tous pouvoir respirer (bon, d’accord quelques-uns d’entre nous risquent de s’arrêter de respirer, mais c’est la vie, virus ou pas virus). S’occuper et même découvrir nos mômes. Découvrir l’entraide, le système D. Découvrir tout ce qu’on peut faire quand enfin on peut rester chez soi. Découvrir le temps enfin redonné… Peut-être le virus va-t-il nous redonner la santé !!!
Et puis le temps de s’informer, d’échanger (les réseaux sociaux ne sont plus infâmes !), de réfléchir, de conscientiser… le temps de nous réapproprier. Ce n’est plus du temps de loisir, c’est du temps de vie. Ce temps dont on nous privait, et pour cause : c’est lui qui est dangereux pour tous les systèmes et pouvoirs en place.
Cette grève virale qui tombe du ciel microbien fait déjà trembler les macrosystèmes que nous avions été impuissants à déstabiliser. Elle est encore plus puissante que les pires catastrophes, les « manifs » les plus massives.
Alors peut-on imaginer que lorsque corona (ou la psychose corona) se sera barré, nous retournions comme des moutons dans les systèmes qui l’ont provoqué et qu’il nous a flanqué à la figure ? Si oui, ni corona ni personne d’autre ne pourra plus rien pour vous.
Bordel de Dieu (depuis qu’on l’a inventé çui-là, c’est sûr qu’il a foutu un sacré bordel !), vive la vie ! J’vais m’enfiler un petit rosé pas dégueu, écouter les derniers poèmes de mon fiston en fumant une clope (si ça se trouve le p’tit corona, il n’aime pas la nicotine !)... et pt’être à demain… si corona le veut bien !

PS : L’histoire de la grippe dite espagnole ou celle de la destruction des peuples autochtones canadiens qui, avant leur colonisation, vivaient normalement sans épidémies, auraient dû nous éclairer depuis longtemps. Toutes les grandes pandémies, y compris la peste, ont à peu près la même histoire, les mêmes causes : entassements, concentrations, extension forcenée des macrosystèmes politiques, économiques, sociaux, industriels, commerciaux, financiers, agricoles… marche vers la mondialisation entreprise depuis longtemps, autrement dit fragilisation croissante de toute notre société.

(1) Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes.

 

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Une terrible beauté est née

Journal de Muriel B. (photos : Muriel B.) - Côtes-d'Armor _________________________________

 

Jeudi 12 mars

Il y a d’abord ce jeudi 12 mars à 20 heures, l’annonce du président Macron de la fermeture des établissements scolaires et mon cri de joie que je revois, entends, ressens encore dans mon corps, à cet endroit précis du sternum où il se niche… j’ai 16 ans comme mes élèves, qui à cet instant peut-être réagissent de la même manière, ou bien s’étonnent, n’y croient pas, jettent leurs cours par terre ou se demandent déjà ce qu’ils vont faire, ont peur peut-être…

Je reconnais cette joie, si rare et précieuse ; l’éprouver là, maintenant, à cet instant m’amuse comme une gamine qui aurait fait une bêtise, qui ne le dira à personne, qui le sait, c’est tout.

C’est cette joie de l’enfance, du rock'n'roll avec ma fille, de la musique à fond dans la voiture, des soirs de fête quand la famille est réunie, de la fin de l’école : c’est une grande porte qui s’ouvre.

La joie du Printemps,
de l’odeur de l’herbe coupée,
des balades en vélo avec mon frère quand nous étions jeunes et que nos énergies conjuguées remplissaient, sans le savoir, ce sentiment d’être vivant,

la joie de retrouver l’autre, de prendre un train à la dérobée, de regarder par la fenêtre la vitesse avaler l’espace, de sentir son corps se déposer dans le siège à l’abri,

la joie du mouvement quand il se déploie dans l’espace, dans un grand studio de danse …

Regarder les élèves avoir des ailes et sentir combien le sens est là, tout simplement dans cet élan, ces marches et courses rythmées, ces visages qui s’éclairent de l’énergie qui circule,

la joie du rire et de sa libertine liberté.

Lundi 16 mars – Temps ensoleillé

Le Mirabellier est en fleur et la nature me remplit de joie. Elle va enfin respirer un peu, loin de la folie des hommes.mirabellier

Mardi 17 mars – Début du confinement à 12 h.

Mercredi 18 mars – Temps froid ce matin

La beauté du jardin est immense.beauté du jardin

Jeudi 19 mars – Temps ensoleillé et doux

« Monsieur le président, je vous fais cette lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps...

    C’est une année de galère, de grève, de fatigue et découragement, de réformes autistes au lycée… qu’avez-vous fait de toutes ces alertes ?
    C’est une année de papiers gras qui jonchent le chemin pour entrer dans l’école, que je ramasse sans entrain, découragée de voir mes élèves marcher le nez baissé ; je propose une journée par mois de ramassage, de nettoyage scolaire de nos endroits de vie… Tous au lave pont...
    C’est une année d’errance dans ces manifestations dont je ne sais plus le sens, dans lesquelles je ne me reconnais plus ; que faire ? Comment faire ? Il y a trop de raisons de marcher dans la rue...
    C’est une année de projets reportés, de mouvements suspendus, de fatigues accumulées...
    C’est un printemps qui s’offusque, qui revendique enfin le droit de respirer, de trouver des solutions radicales puisque nous foncions droit dans le mur...

Je vous souhaite, Monsieur Le Président, bien du courage, pour faire de cet événement la force de demain. »

Vendredi 20 mars – Printemps : temps gris et un peu froid


bouteille
Samedi 21 mars  Temps gris

Je lis, je lis, je lis.

« La Porte des enfers » de Laurent Gaudé, que je dévore de bout en bout, sous la couette en savourant ce temps.
« Le Pays des autres » de Leila Slimani, qui me renvoie avec émotion des souvenirs olfactifs du Maroc… je ne connais pas Meknès.

Dimanche 22 mars – Temps gris

Envie de ne rien faire.

Lundi 23 mars – Temps beau et givré

givre

Mardi 24 mars – Temps froid et ensoleillé

Mon fils est venu nous rendre visite, bravant l’espace qui nous sépare aujourd’hui, quelques kilomètres seulement, muni de son autorisation 24 h / 24 h. Son travail de livreur, sans masque ni protection, le lui permet, fragile privilège.
Marcher ensemble sur le chemin de halage, comme seuls au monde, sans inquiétude de ce nouveau temps, fut une grande joie.

Mercredi 25 mars – Temps beau et froid

L’envie d’écrire un livre, d’apprendre l’espagnol, de rejouer du piano, de repeindre les volets en vert, de vivre chaque instant plus intensément, de davantage aimer les gens que j’aime… parfois je n’y arrive pas.

Jeudi 26 mars – Temps beau et froid

Je m’occupe du jardin.

Vendredi 27 mars – Temps beau et froid

livre

Philippe Filliot, « Être vivant, méditer, créer ».

Samedi 28 mars – Temps gris et froid

Je suis trop occupée souvent.

Dimanche 29 mars – Temps gris et froid

pieds dans leau

J’ai toujours aimé cette photo.
Et je revois un duo créé par Mathéo et Joséphine à partir de cette image, il y a quelques années, très délicat et sensible.

Lundi 30 mars – Temps froid et venteux

Nous avons décidé de nettoyer le petit bois à côté de la maison et de redonner vie au chemin qui existe sous le lierre et les ronces ; nous n’avons pas pris nos autorisations de sortie.

Mardi 31 mars – Temps froid, ciel clair

« Moi et les Autres » était cette année le sujet des Tribuns de la République auquel j’avais inscrit un de mes élèves. Son texte sensible et engagé traitait particulièrement de la bipolarité, envisagé comme un syndrome de notre société.

Nous avions commencé à travailler un solo de danse qui devait accompagner ce texte.

Mercredi 1er avril – Temps ensoleillé et froid

Peut on rire de tout ?
De mes voisins confinés que je croise à peine, alors que cela fait trois semaines maintenant et que nous ne sommes pas malades...

Du vide intérieur qui m’habite parfois alors que je suis ici dans des conditions privilégiées.

De l’école, qui n’apprend pas grand chose de ce temps de confinement à lire les mails de mes élèves submergés par le boulot des profs.

De la vacuité de nos vies.

Jeudi 2 avril – Temps ensoleillé et froid

Pas d’énergie aujourd’hui.

Je commence le livre de Tesson, « Dans les forêts de Sibérie », c’est un bon choix.

Vendredi 3 avril – Soleil et douceur

C’est l’anniversaire de mon fils – 23 ans.
Me revient ce texte écrit suite à la disparition du frère de François, en 2012.

« Une terrible beauté est née, une terrible nouvelle ».
Un texto, quelques mots qui résonnent dans la poche de son jean ; il ne sait pas encore et se joue à attendre. L’attente est douce et fluide comme cet air de Bach qu’il écoute en boucle ; « le clavier tempéré » joue à l’image de cet instant de septembre, le ciel à peine strié des traces des avions, l’air soudain si léger qu’on le devine porteur de messages bienveillants.

Pierre appartient à cette communauté d’hommes, poètes et piétons dont les pas constituent un ravissement, dont le regard s’éclaire devant l’inconnu ; la confiance se construit dans chaque espace libre, nourrie de toutes ces forces, eau, air, terre, sons, voix, gestes des gens aimés.

Pierre a dix huit ans. Son frère vient de mourir d’une crise d’épilepsie, déclenchée par une prise importante de shit, sur fond d’alcool et de corps épuisé. Il avait vingt ans.

Un texto, quelques mots qui résonnent dans la poche de son jean.

L’instant se fracture, le corps éclate, se fissure, le sens se perd, se confond, se tord, se recroqueville dans une douleur, immédiate, aiguë, qui encercle le dos, la tête, le ventre.

Les pas entrent dans une danse désarticulée où le poids se dérobe, où les mains s’accrochent dans le vide, cherchent l’appui qui s’échappe… Dérisoire tentative de rattraper l’événement, de l’effacer, de le nier alors que le bruit de la rue revient, que l’air respire dans les poumons, que joue « le clavier tempéré » ...

Croire l’impossible...

Une terrible beauté est née dans ce jardin où tes cendres voyagent depuis cinq ans, tour à tour errent ou s’enracinent ; la mer est montée si haut, cette dernière marée, anormalement poussée par le vent d’ouest qu’elle a franchi le muret, encerclé le potager, ruiné les derniers légumes de cette fin d’été. C’était à quelques jours près l’anniversaire de ta mort mais personne n’a rien dit.

Qu’a t-elle laissé sur la terre du jardin, comme limon, ou semences célestes ?

Le rosier blanc qui végétait, près du puits, qui renonçait déjà à l’automne de demain, ton rosier blanc a donné tant de fleurs, que les branches semblent plier de joie et que le jardin éclaire comme une toile de neige.

Croire l’impossible…

Samedi 4 avril – Temps ensoleillé

pissenlits

Dimanche 5 avril – Temps ensoleillé et vent chaud

feuille
Lundi 6 avril – Temps variable et doux

Mardi 7 avril – Temps ensoleillé et doux

Je n’ai reçu aucune réponse d’un mail envoyé à mes collègues auxquels je proposais des expérimentations à envisager pour la rentrée scolaire, relatives entre autres à des idées d’organisation du temps de travail de nos élèves, à une réflexion plus approfondie sur l’apprentissage, sur la place du corps… Rien de radical.

Mercredi 8 avril – Temps ensoleillé et doux

Je renvoie aujourd’hui ces traces à Fanny, gamine d’un autre temps, boule d’énergie sautillante et joyeuse, musicienne et virevoltante dans les projets chorégraphiques audacieux que nous avions pu mettre en place. Merci à elle.

 

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Un coup de frein

Françoise P. - Bourges (Cher) ___________________

 

J’aime bien voyager en vélo ; on prend son temps, on voit du paysage, on rencontre des gens.
Après quelques jours, on est vaillant, et peu à peu, on se laisse aller au plaisir de pédaler facilement, même dans les côtes. Je parle d’un temps où le vélo avec assistance électrique n’existait que dans les rêves. Et d’un temps où, pour moi, l’effort physique était facile !
Il y a longtemps, fin des années 80, nous étions deux et traversions la France, par le Massif Central ; peu à peu, nous avons été gagnés par cette euphorie d’avaler les kilomètres sans peine. Grimper le Mont Lozère sans trop souffrir, sans presque poser le pied à terre ; et se laisser aller à glisser, lestés de nos sacoches bien chargées, jusqu’à la petite ville du Pont-de-Montvert.
Plusieurs décennies me séparent de ce moment, mais je me rappelle comme si c’était hier cette forme de panique qui m’a envahie peu à peu : j’étais, dans cette longue descente, emportée par la vitesse, mes mains devenaient douloureuses à force de donner des coups de frein. Au début, c’était grisant, surtout après cette belle montée, et cette halte sur le Mont Lozère, nous avions un sentiment de toute puissance. Et peu à peu, cette vitesse m’a fait peur, je ne voyais plus rien, que la route défilant sous mes yeux ; toute mon attention et mon énergie mobilisées pour ne pas tomber.
Alors, en arrivant sur la place du Pont-de-Montvert, nous nous sommes arrêtés, au soleil, longtemps. Et nous avons choisi de poursuivre notre périple au rythme de nos réelles envies, sans nous presser, revenant à ce qui nous avait poussés sur les routes : prendre le temps, et oublier les performances. Nous ne sommes repartis que quelques jours plus tard, balayant ainsi notre programme.
Et de ce modeste voyage, me reste ces souvenirs : les premiers jours - qui sont durs ! - cette descente, et l’après Pont-de-Monvert. Prendre le temps, vraiment.

Ces dernières années, malgré l’énergie et les projets qui m’animent, le sentiment d’un emballement me gagnait, comme beaucoup d’entre nous. Mi-mars, c’est le coup de frein, brutal, qui bouleverse nos habitudes, mais aussi projets, objectifs, besoins.
Je crois que je n’arriverai plus jamais à rouler vite, et pourtant, j’ai maintenant un vélo à assistance électrique !
Je projette de repartir cet été en Bretagne, trois semaines à vélo ; je me demande si, finalement, je ne vais pas reprendre mon vieux, vieux vélo, histoire d’aller moins vite !

 

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Quand on pourra de nouveau...

Journal d'Alice F. (Photos : Alice F.)  - Cher _________________

 

Vendredi 20 mars 2020

Printemps. Toute chose renaît.photo alice 6
Cloîtrés à domicile depuis quatre jours, nous attendons, mais quoi ?
Pour ma part, le rythme quotidien ne diffère pas tellement des deux derniers mois. En congé maternité avec une bébé de deux mois et une grande de deux ans, mes journées s'articulent autour des besoins de mes enfants. Une fois changées, habillées, nourries, je peux étendre une lessive, préparer à manger, passer le balai. Et profiter des moments de complicité que cette vie à la maison nous offre. Depuis quatre jours, mon amoureux est là toute la journée lui aussi. C'est doux.
Ça aide dans les moments de pression. Ou pas. Parce que d'habitude, on n'est pas tout le temps ensemble. On a nos moments à nous, au travail, chez nounou, pendant les siestes de bébé... Et là, je me demande comment ça se passe dans les familles où ça se passe déjà mal d'habitude ? Et j'ai mal pour elles, pour eux. Comment souffler sans échappatoire ? Quand on vit dans un appartement au 5e avec tout juste un balcon ? Quand on est nombreux dans un petit espace ? Quand on vit avec son bourreau ? Comment vivre confiné dans la rue ? Quand on est réfugié ?
À côté de ça, certain·e·s commandent des chaussures, des livres et je ne sais quoi encore sur Internet ; d'autres conseillent d'en profiter pour faire preuve de créativité, s'instruire ; d'autres essayent de transformer ce moment en expérience initiatique.
D'autres achètent des flingues, mais ceux-là, ce sont des Américains. Et ils font peur. Pendant ce temps-là, certains souffrent puis meurent du coronavirus Covid-19. Ou des bombes. De la guerre. Du viol. Sous la torture. Dans la Méditerranée, noyé·e·s par l'indifférence, le mépris et la haine des plus puissants qu'eux.
Et pendant ce temps-là, des forêts brûlent, des océans sont asphyxiés de plastique. Des girafes blanches sont tuées par des braconniers, des vaches et des veaux silencieux sont parqués dans des hangars et des niches, hors sol. Des voisins sur des tracteurs tondent la pelouse.
Et pendant ce temps-là, des gens plantent des graines, respirent avec leur ventre, font du yoga.
Des fleurs s'ouvrent, muscari, pâquerettes, monnaie-du-pape, pulmonaire, prunus, butinées par des abeilles qui décidément n'en ont rien à foutre du Covid-19, des élections, de la réforme des retraites. Elles butinent, point. Comme chaque année. Quoi qu'il arrive.
C'est le printemps. La vie renaît.

Dimanche 22 mars 2020

Trouver le temps d'écrire. C'est déjà plus facile avec un cahier et un stylo. Pas besoin d'allumer l'ordinateur, d'attendre qu'il démarre. Il faut juste les garder à proximité. Dans le canapé ou dans le lit pendant que la grande dort et que la petite tète ou dort aussi (les deux en même temps c'est rare – en général je dors aussi). J'ai testé l'autre jour la dictée vocale à mon téléphone : ça marche bien, bonne surprise. Ça ouvre de nouvelles perspectives.

J'ai découvert tout à l'heure un texte que mon amoureux a écrit ce matin en buvant son café, à 6 heures, quand nous dormions toutes encore. Un très beau texte qui évoquait les concerts qu'il avait organisés pour ce week-end et qui ont dû être annulés. Un texte un peu triste mais pas défaitiste. Un texte à la fois intime et qui a touché plein de gens. Pour preuve le nombre de réponses de soutien et d'amour qu'il a reçues en retour (ledit texte avait été publié sur un réseau social sur Internet).
Au fil de ma lecture, mes larmes ont coulé, parce que je ne savais pas que mon amoureux pouvait être poète, parce que j'ai été émue par les messages de ces personnes que je ne connais pas forcément, parce que je l'aime et que je sais combien cette situation affecte son travail qu'il fait avec passion, avec cœur, et qui lui prend beaucoup de temps et d'énergie. Des mois d'organisation réduits à néant par un virus. Une chose insignifiante, de quelques nanomillimètres qui provoque des réactions en chaîne dont on ne peut encore mesurer toutes les conséquences.
Et pourtant, au quotidien, rien ou presque ne perce de la situation délétère de son entreprise qu'il porte presque tout seul. Est-ce parce qu'il a les épaules larges ? Qu'il sait garder la tête froide ? Parce qu'il a bon dos ou la rage au ventre ? Ou peut-être parce qu'il a les pieds sur terre et la main sur le cœur, les yeux en face des trous.
Peut-être aussi parce qu'on est là, les trois meufs de sa vie, la petite, la grande et l'amoureuse.
Je n'en sais rien et je ne lui poserai sans doute pas la question. Ce n'est pas la peine. C'est suffisant pour moi de savoir qu'il a écrit ça et que d'autres l'ont lu, se sont ému·e·s et lui ont répondu.
Parmi ces réponses, il y avait un message de sa sœur, grande amatrice de bals, qui disait magnifiquement, et je me permets de la citer pour conclure : « et nos jambes enfin déliées voleront sur les parquets ».

Mardi 24 mars 2020

Je ne sais pas si c’est le confinement ou si nous sommes atteints mais qu’est-ce qu’on dort ! J’ai appelé une amie tout à l’heure et elle me disait que c’était probablement la maladie. En tout cas, pour l’instant l’absence de contraintes horaires nous fait du bien. Le temps s’étire. Dans quelque temps sans doute, je recommencerai à m’inquiéter et à stresser pour savoir comment financer tout ça, comment payer le loyer, comment payer à manger, comment payer la nounou, comment rembourser le prêt ?photo alice 2
Mais pour l’instant, tout est tranquille, une vraie pause dans le rythme effréné du quotidien. J’avais déjà appris, avec deux enfants en bas âge, à ne pas me fixer trop d’objectifs pour ma journée. Mais là, c’est comme si j’avais toute légitimité à le faire. Par contre, je crois que je commence à devenir accro aux réseaux sociaux : c’est un peu la seule fenêtre sur l’extérieur, sur ce qui se passe ailleurs. Mais comme tant d’autres, je crois que là, je commence à être en overdose.
Hier, nous avons bricolé et jardiné toute la journée, quelque part où on ne captait pas. À vrai dire, j’étais bien trop occupée pour ne serait-ce que penser à consulter mon téléphone. Et depuis, je peine à retourner sur Facebook. Il est grand temps je pense, que je puise mes sources d’informations ailleurs. Si je ne le faisais pas jusqu’à présent, c’était par pure fainéantise, je n’avais pas envie d’aller chercher, fouiller, vérifier d’où venait l’information. Mais comme dans toute situation de crise, l’ampleur des fake news, des chaînes et des fausses bonnes idées commencent à me fatiguer et aussi à augmenter mon stress, ma peur, mon anxiété. Ce qui, comme on le sait, n’est pas bon pour la santé.

Samedi 28 mars 2020

Nous avons réussi. Nous avons réussi à nous approvisionner en nourriture et en produits de première nécessité sans aller au supermarché. Il m’aurait été difficile de changer mon mode de vie, mon alimentation, qui sont pour moi la base de notre santé. Avec un peu d’organisation, c’est possible.
Dans les actualités et sur les réseaux, c’est d’ailleurs un des sujets chauds : retour à la vente directe auprès des producteurs locaux. J’étais en colère quand est tombée la décision de supprimer le marché en plein-air. Même si je comprends les raisons d’une telle décision : il est plus facile d’organiser la sécurité sanitaire d’un seul endroit où se trouvent toutes les denrées. C’était une fois de plus la victoire de la grande distribution sur les petits commerçants, sur les producteurs locaux, sur le bon et le bien fait.

Malgré tout, on voit comme l’amorce, les prémices, d’un changement. Peut-être un retour à l’essentiel, à l’essence des choses, de la vie, à la simplicité. La sobriété heureuse va peut-être se répandre elle aussi comme un virus.
Même si c’est pas encore gagné : pour exemple et sans jugement de ma part, une personne qui d’un côté m’invite sur un groupe Facebook intitulé « comment faire de son confinement une expérience initiatique » et que je vois ensuite lors d’un appel vidéo, de retour du supermarché manger à pleine bouche son chocolat blanc industriel, m'a doucement fait sourire. Bon en fait si, c’est sûrement un jugement, mais je trouve ça drôle, quand de mon côté je viens justement d’ouvrir une des trois tablettes de chocolat noir bio et équitable que je prends d’habitude à la Biocoop en ville, en me disant qu’il va falloir le rationner parce que ce n’est peut-être pas le plus nécessaire en ce moment et que je pourrais aussi trouver autre chose pour me faire plaisir en attendant d’y retourner après le confinement... Peut-être que de mon côté, il y a un peu trop de prise de tête ? Mais en même temps, je n’imagine pas vivre autrement et mon amoureux étant dans le même état d’esprit, autant dire que notre famille est comme ça et que d’autres familles fonctionnent autrement.

Dimanche 29 mars 2020

Quand on pourra de nouveau se voirphoto alice
se toucher, s'étreindre et s'embrasser
quand on pourra de nouveau joindre nos mains
et tourbillonner, tout envoyer valser
quand on pourra de nouveau voir de la musique en vrai
se baigner dans les ondes et les vibrations des instruments
quand on pourra de nouveau s'émouvoir au son d'un texte
sentir la transpiration des comédiens
quand on pourra de nouveau goûter du bout des pieds
la fraîcheur de l'eau, les cailloux sous la peau
quand on pourra de nouveau se réunir pour réfléchir
se rassembler pour lutter
ce sera fête, ce sera joie. Ce sera l'été déjà ?
Quand on pourra de nouveau y croire
le pourra-t-on vraiment ? Ne sera-t-il pas trop tard ?

Déjà quinze jours de confinement et ça devient dur de ne pas voir en vrai ses amis et de savoir que ça va durer. Besoin de fête, de danse, de musique, de foule, alors que j'apprends que certains festivals de cet été commencent à tomber, à être annulés. S'il m'était permis de choisir, je ne voudrais garder de l'avant que le meilleur.
Mais j'ai comme l'impression qu'on va se faire entuber : les bonnes choses risquent de mettre du temps à revenir, les rassemblements de personnes, les spectacles, les manifestations, les moyens aux hôpitaux, aux écoles, aux prisons, l'interdiction des pesticides, l'arrêt du nucléaire, l'accès aux semences, le remboursement des médecines douces, que sais-je encore.
Et le pire restera.
Eh oui j'ai peur. Pas du virus mais de notre état corrompu, gangrené, vidé de toute substance politique au profit d'enjeux lobbyistes, économiques, au profit du profit.
Nous ne sommes plus une nation, nous sommes une entreprise.
Avec des dominés et des dominants. Des seigneurs, des saigneurs.
Élus non pas pour se mettre au service des citoyens, du public mais bien pour servir les intérêts des déjà trop riches.
Et je ne sais pas quoi faire pour que ce soit autrement.
Heureusement, mon bébé se rappelle à moi, ouvre grand ses yeux et se met presque à rigoler en me reconnaissant. Et de me ramener à l'instant présent, je lui en suis reconnaissante.

Mercredi 1er avril 2020

Le printemps comme toute naissance est un moment d’une beauté rare, à la fois fragile et puissant. Aux premières fleurs et leurs couleurs fraîches, jonquilles et coucous jaunes, muscaris bleus et violettes, aubépines blanches, ont succédé les feuilles nouvelles et leur vert tendre. En une journée à peine, les bourgeons timides se sont émancipés et se déploient désormais devant l’infinité du bleu du ciel. J’ai eu la très précieuse chance de voir aujourd’hui de toutes jeunes feuilles de chêne à peine sorties. C’était émouvant, poignant et très beau. Comme une naissance vous disais-je. Est-ce parce que le confinement dilate le temps et l’espace ? Est-ce un effet de la météo radieuse de ces derniers jours ? J’ai la sensation cette année de profiter à plein de cette période printanière.photo alice 7
Il faut dire que les dernières années ont été bien remplies, si bien remplies que le temps défilait à toute vitesse et que j’avais à chaque fois la sensation d’avoir loupé le printemps. Peut-être aussi est-ce dû à cette phase particulière de ma vie, mère de deux jeunes enfants, deux pousses, deux humaines en pleine croissance qui poussent sans cesse, tous les jours, et avec qui j’ai envie de redécouvrir et de goûter ces moments privilégiés. À ce projet de lieu en devenir, ce bout de territoire, de terroir où nous voulons choyer la biodiversité, la vie qui l’anime en nous y installant en toute harmonie, pour résonner, raisonner, mais sans réseaux...

Vendredi 3 avril 2020

Aujourd'hui il fait gris. Mais ça sent bon le poulet rôti dans la maison. À tel point que j'avais presque envie d'en manger au petit-déjeuner. À 8 h 30 du matin ! Pourquoi avons-nous du poulet au four si tôt ? C'est que nous avons un programme chargé. Mon amoureux se lève parfois très tôt, vers 5-6 heures du matin pour travailler au calme sur l'ordinateur (il a une tendance aux insomnies matinales en période de surcharge professionnelle, autant dire presque tout le temps). Il en a donc profité pour faire cuire du poulet et des patates. Parce qu'après, nous allons passer la journée sur notre futur lieu de vie pour continuer à bricoler et avancer sur nos travaux. Nous sommes conscients de faire une légère entorse au confinement, et à la règle « une fois choisi le lieu de confinement, on ne peut en changer ». Mais nous prenons cette liberté avec beaucoup de prudence et la certitude de ne croiser personne : nous montons en voiture chez nous et en descendons chez nous. Ayant peu de moyens financiers, et généralement peu de temps (avec deux professions indépendantes et deux enfants en bas âge), il est vital pour nous de pouvoir emménager au plus vite.

En cette période de restriction de nos libertés, je repense à notre devise nationale, je la questionne. Liberté, égalité, fraternité. À mon sens, elle est de nos jours vide de sens.
La fraternité déjà est un terme suranné qui, comme le souligne Noémie de Lattre, « ne prend en compte que la moitié de la population » (1). Celle-ci propose de le remplacer par solidarité. Soit. Mais même la fraternité, si on l'envisage comme un terme englobant les hommes et les femmes, est loin d'être appliquée, assurée, assumée. Demandez aux réfugiés (que je me refuse toujours à appeler migrants) refoulés à nos frontières, enfermés dans des camps de rétention ou qui se font tirer dessus en Méditerranée pour ne pas entrer en Europe. Demandez aux SDF ce qu'ils pensent de tous ces logements vides ?
Pour l'égalité, on peut aller demander aux travailleurs précaires, aux femmes (tiens, c'est souvent les mêmes) ce qu'elles en pensent. Pourquoi sont-elles moins payées qu'un cadre, qu'un dirigeant, qu'une actrice (elle-même moins payée qu'un confrère), qu'un footballeur ? Leur force de travail, leur valeur n'est-elle pas la même ?
Et donc la liberté. En ce moment elle est restreinte. Pour le bien commun nous dit-on. Bien sûr. Combien de mesures temporaires prises après les attentats sont-elles finalement passées dans la loi ? Ne doit-on pas s'attendre à ce que la même chose se produise ici ? Même en temps normal, que penser de ces interdictions de produire ses semences ou de fabriquer du purin d'orties ? Nul bien commun ici. Il s'agit bien plutôt d'intérêts privés qui sont préservés par la loi. D'industriels qui sont protégés par l'Etat. Combien de scandales allons-nous encore accepter ? Combien de temps allons-nous encore plier, courber l'échine, en nous satisfaisant de ce que nous avons déjà ? De notre petit confort pépère, de nos séries télévisées, de nos jeux sur nos smartphones, de nos vacances au mois d'août, de nos dimanches au centre commercial ?photo alice 5

À titre personnel, je ne vis pas du tout comme ça. J'essaie jour après jour de retrouver l'authenticité, la simplicité d'une vie sobre et pourtant pleine de richesse. Retrouver des gestes simples mais qui demandent des efforts, pour bien se nourrir, se soigner, se loger, se vêtir, accéder à la culture, la musique, le théâtre, la littérature, les arts de rue, les arts plastiques, accéder à la nature, se promener, rouler à vélo, sentir les odeurs de la forêt et les feuilles qui craquent sous les pieds. Je me sens privilégiée parce que j'ai accès à tout ça, dans un rayon de 30-50 kilomètres autour de moi. C'est mon choix de vie. Mais quand ça ne suffira plus ? Me revient encore et toujours la question de l'engagement. Serais-je prête à faire plus ?

Lundi 6 avril 2020

Voilà. Mon congé maternité est officiellement terminé. Je devrais normalement recommencer à travailler. Sans le confinement, nous aurions inauguré notre salon de thé associatif la semaine dernière. Demain, j'aurai dû aller fabriquer des biscuits et des gâteaux pour ouvrir mercredi matin, jour du marché. J'aurai dû m'organiser pour travailler avec ma bébé ou la faire garder. J'aurai dû terminer mes étiquettes pour pouvoir vendre mes biscuits en sachets dans des épiceries et en vrac dans les boutiques spécialisées.
Bon, je n'étais pas prête du tout. J'avoue que pour le coup, le confinement m'a permis de finir mon congé maternité jusqu'au bout, même si c'était moins reposant puisque mes deux filles étaient là. Pas trop de temps de pause et de moments pour se ressourcer. Même si je ne suis pas la seule à plaindre, loin de là. Je pense aux témoignages de mères célibataires, de parents d'enfants handicapés ou autistes, de femmes enceintes, que j'ai pu lire. Certaines parlaient de catastrophe.

Même si je me sens privilégiée, cela commence à devenir long et difficile. Pour nous comme pour ma fille de deux ans. Elle ne cesse d'égrener les noms des membres de la famille, des amis qu'elle ne peut voir, ou seulement en vidéo. Nous qui voulions minimiser l'exposition aux écrans, c'est un peu loupé, me faisait remarquer mon conjoint. Il me rappelait aussi qu'à trois mois, notre première fille, que j'emmenais alors avec moi au salon de thé, était en contact avec plein de gens. Sans l'avoir totalement voulu, nous expérimentons avec la deuxième un tout autre rapport au monde et nous demandons ce que cela induira. Pas forcément du négatif, mais nous sommes tout de même curieux de l'effet que cela aura sur sa sensibilité, sa sociabilité, son éveil.
Malgré tout, je crois que je vais quand-même aller travailler cette semaine. Au moins finir de ranger et aménager mon lieu de travail. Pour être prête quand on pourra de nouveau voir et toucher des gens. Quand ce lieu pourra redevenir un lieu social, un lieu collectif, un lieu d'échanges, de partages, de transmission de savoirs et de savoir-faire.

Mercredi 8 avril 2020

J'ai entendu aujourd'hui les prémices d'une sortie de crise. On commence à parler de déconfinement. On se demandait avec une amie comment nous sortirions de tout ça. Sans savoir quoi ni comment, il nous paraissait évident que quelque chose changera, qu'il y aura un impact sur nos vies. Cette situation nous touche tous d'une manière ou d'une autre, que ce soit au niveau physique, mental, émotionnel, psychique. On aimerait bien sûr que ce soit en mieux, sans trop y croire pourtant.photo alice 4
Et pourtant... Des conséquences non quantifiables, non mesurables encore vont se produire durablement qu'elles soient positives ou négatives, elles feront bouger les lignes, même imperceptiblement.
En tout cas, ces nouvelles m'ont donné à la fois l'espoir de pouvoir bientôt circuler librement, et revoir des gens (l'humain est bien un être social) mais aussi une petite note de déception. Alors que je ressentais hier encore de l'angoisse à imaginer une prolongation, à ne pas savoir quand ça se terminerait, je me trouvais ce midi dans la position de l'enfant à qui l'on annonce la fin prochaine des vacances.
Il va falloir retourner dans le bain, retrouver le rythme du quotidien, la roue des cycles journalier, mensuel, annuel, qui revient et se renouvelle sans cesse, sans répit, sans repos.
Ou alors... Serait-il possible, même à titre individuel de sortir de cette spirale (pas forcément infernale) ? Mettre le pied dans l'engrenage, faire le « pas de côté » ? (cf l'An01)
Peut-être finalement ai-je déjà mis en branle ce changement de vie auquel j'aspire. Peut-être chaque jour qui passe m'y amène-t-il, petit à petit ? Peut-être faut-il laisser du temps au temps ? Quand on n'est plus dans l'attente, on peut s'attendre à tout.

Une amie a tout à l'heure cité Giono, que je lis et connais peu, mais qui écrit apparemment dans la rondeur des jours : « Nous avons oublié que notre seul but c'est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu'à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons ».
Cette phrase résonne en moi avec un enseignement issu d'une réflexion interne et d'autres messages parvenus jusqu'à moi par d'autres biais : peut-être ai-je tout simplement à être, à exister, à mener ma vie en toute quiétude, à communiquer la joie à ceux que je croise, à transmettre à mes enfants le respect de la vie, à prendre la responsabilité de mes actes, à me chérir et m'accepter telle que je suis, parfaitement imparfaite, comme tout humain sur le chemin.

(1) https://www.youtube.com/watch?v=zkmxLn2KKlw