Imaginez que les dirigeant·e·s des pays occidentaux se convertissent à l'animisme des Indiens d'Amazonie. Et, à l'inverse, qu'un anthropologue jivaro étudie en France les restes de notre monde. C'est ce qu'Alessandro Pignocchi met en scène, avec beaucoup d'humour, dans la bande dessinée intitulée « Petit traité d'écologie sauvage » (éditions Steinkis), qu'il vient de rendre accessible gratuitement en ligne.
Alessandro Pignocchi est un antropologue français qui partage le fruit de ses recherches et de ses expériences à travers des bandes dessinées.
Après avoir suivi des études scientifiques – biologie et sciences cognitives – puis de philosophie de l'art, il a croisé le chemin de Philippe Descola, à travers « Les lances du crépuscule : relations Jivaros. Haute Amazonie » (éditions Plon). Il y a découvert que chez les Achuar (des Indiens appartenant à l'ensemble des Jivaros), il n'existe pas de concept de « nature », ni même de mot pour le définir, mais des humains et des non-humains considérés sur le même plan, comme des « partenaires sociaux ».
Alessandro Pignocchi s'était déjà rendu à plusieurs reprises en Amazonie, mais n'avait pas saisi ce rapport au monde. Il décide alors d'y retourner, avec une réelle démarche d'anthropologue. Le récit de ses séjours paraît sous forme d'une bande dessinée : « Anent » (éditions Steinkis), terme qui désigne les incantations que les Indiens chantent pour entrer en contact avec leurs voisins non-humains.
En effet, les Achuar considèrent les humains et les non-humains semblables par leur intériorité : tous ont une âme et une capacité réflexive. Mais chaque espèce se distingue par sa physicalité : chacune vit dans une « niche écologique » qui lui est propre. Une espèce est définie par son habitat, son alimentation mais aussi ses costumes, sa langue… Chaque tribu peut donc être considérée comme une espèce.
A l'inverse, les Européens considèrent que les humains constituent une espèce à part, voire dominante, la seule qui soit dotée d'une « intériorité », d'une capacité réflexive ; en revanche, ils pensent avoir des points communs avec les non-humains dans leur « physicalité ». Cette manière de voir met curieusement à distance les êtres humains des milieux d'où ils viennent et dans lesquels ils vivent.
C'est cette différence fondamentale entre les deux peuples qu'Alessandro Pignocchi met en scène dans sa série « Petit traité d'écologie sauvage ». Avec beaucoup d'humour, il inverse les valeurs pour montrer qu'une autre « composition des mondes » est possible.
Retrouvez l'ensemble de son travail sur son blog « Puntish » : https://puntish.blogspot.com/ et « Le Petit traité d'écologie sauvage » : https://fr.calameo.com/read/00600804492e80ba6d005
Un autre de ses ouvrages est actuellement lisible en ligne, « La recomposition des mondes » (éditions du Seuil), qui parle de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : https://fr.calameo.com/read/005979625dad957c34e3f?fbclid=IwAR3DEddyNXdvGUWuz8rziuiZMUDn7getkSDZEKx0mXVgR1oPntiIbX_N7_E
(Re)bonds y avait consacré un article l'an passé à (re)lire en cliquant ici : http://rebonds.net/29lanaturenexistepas/539-alessandropignocchilarecompositiondesmondes