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« Le temps des ouvriers », Stan Neumann

C'est une série documentaire en quatre volets, accessible, riche et passionnante, que la chaîne Arte diffuse en replay, sur Internet et gratuitement, jusqu'au 26 juin. « Le temps des ouvriers » raconte l'histoire de cette classe sociale en Europe, entre exploitations et luttes.

« La classe ouvrière a-t-elle disparu ou simplement changé de forme, de nom, de rêve ? » C'est le fil conducteur du réalisateur, Stan Neumann (1) pour dépeindre trois cents ans d’histoire. Avec justesse et équilibre, il parvient à croiser de manière dynamique images d'archives, séquences d’animation inventives (parfois drôles), témoignages contemporains et commentaires dits par la voix du chanteur Bernard Lavilliers (issu de la classe ouvrière de Saint-Etienne).

Le premier épisode, intitulé « Le temps de l'usine » (1700-1820), revient sur la fondation de l'économie industrielle qui se développe d'abord dans le secteur du textile. Pour survivre, paysan·ne·s et tisserands indépendants doivent désormais travailler dans les « fabriques ». Le rapport au travail et au temps est bouleversé. La « révolution industrielle » débute en Angleterre. Les révoltes aussi…

Le deuxième épisode, c'est « Le temps des barricades » (1820-1890). La Belgique suit l'exemple de l'Angleterre et devient bientôt « le paradis des capitalistes » et l'enfer des travailleur·se·s. La France la suit à pas lents, la dimension artisanale du travail domine encore. Pourtant, c'est là que les utopies socialistes vont naître. Les insurrections se multiplient, notamment à Paris, mais, à l'image de la Commune, échouent à faire tomber le « système »… L'Allemagne et l'Italie sont désormais touchées.

Entre 1880 et 1935, c'est « Le temps à la chaîne » : tout est mis en place pour rationaliser le travail, rendre l'ouvrier·e toujours plus rapide, plus efficace, plus productif·ve. Le management scientifique et le taylorisme se généralisent, malgré une profonde résistance du monde ouvrier. Problème : l'opposition n'est pas unie et, avec l'arrivée du fascisme et du nazisme, elle doit lutter sur de multiples fronts. Si ces régimes proclament la fin de la lutte des classes, c'est pour mieux encore exploiter les travailleur·se·s.

Le dernier épisode, « Le temps de la destruction », court sur la période de 1936 à nos jours. Avec le Front Populaire en France, la classe ouvrière semblait plus forte que jamais. Pourtant, pendant la guerre, le travail devient synonyme d'horreur : effort de guerre ; service du travail obligatoire ; extermination par le travail des Juif·ve·s, des Tziganes, des prisonnier·e·s…

La victoire des Alliés signe la victoire des capitalistes qui étouffent la classe ouvrière dans une amélioration des conditions de vie et de travail. Mai 68, puis les années 1970, redonne de l'espoir. Mais la désindustrialisation arrive. Les ouvrier·e·s sauront-il·les se réinventer ?

Pour voir la série documentaire, rendez-vous sur https://arte-magazine.arte.tv/collection/12722

(1) Egalement réalisateur de « Austerlitz », « Lenine », « Gorki – La révolution à contre temps »

Photo : Arte.