Michel Pinglaut est (entre autres engagements) fondateur du comité berrichon des amies et amis de la Commune de Paris-1871. Il a répondu à l'appel de (Re)bonds d'écrire ensemble, en déclinant chaque jour les inspirations proposées. Ses « pensements » mêlent avec malice inventaires, réflexions militantes, leçons d'histoire et de politique, souvenirs d'enfance, coups de gueule et envolées d'espoir...
Illustrations : collection Michel Pinglaut.
Le « je » du mercredi 18 mars.
Je pense à Rimbaud, l'homme aux semelles de vent, qui a propulsé sa carcasse de météore sur tant de chemins. Lui qui a vécu dans ces Ardennes du tout nouveau Grand Est, où il est âpre de vivre aujourd'hui. « Je est un autre », griffonnait-il dans la fièvre de l'air ardennais. « Je », le mot le plus employé dans son œuvre.
JE me confie à vous. En rebonds de Rimbaud. Savez-vous ce que représente ce 18 mars, pour moi ? J'aurais dû « monter » à Paris, pour une marche communarde annuelle. Le 18 mars ? C'est le début de la Commune, en 1871 (1). Nous la fêtons, en rires, coups de cœur et « pensements », des idéaux de ceux de Belleville, Montmartre, la Butte aux Cailles, des « ébénos » du faubourg Saint-Antoine, de tous les faubourgs gorgés de populo. J'ai souvent l'envie de léguer des inventaires à mes petits-fils, pour « débagouler » ce que furent mes soleils et mes cumulo-nimbus. Inventaires que je voudrais agréable à gueuler, comme les inventaires de Rabelais. Ce « pensement » me revient aujourd'hui.
Face à mon ordinateur, j'ai décidé d'ensiler un dossier « corona ». J'aligne tous les messages associatifs, familiaux – certains de Belgique et d'Italie – scientifiques, politiques, humoristiques… Encore un début d'inventaire. Je fais « pensement » de tous ceux que je ne peux plus côtoyer.
« L'horloge de ma vie s'est arrêtée tout à l'heure. JE ne suis plus au monde », c'est du Rimbaud. Voyelles : rouge. Ça y est, la Commune revient. En début de semaine, j'écrivais, par jeu verbal, que le coronadolphethiers-71 avait fait 30.000 massacrés, bien plus que le Covid-19. Rouge. La rougeole de mon enfance, qui est aussi plus contagieuse que le Covid-19.
Esprit buissonnier de maître d'école de campagne, qui emmenait les élèves aux champignons, aux sports scolaires, à la piscine, au ski, à Notre-Dame de Paris, à Sète, sur la tombe de Brassens… Inventaire. L'ordre est là. Autoritaire. Interdit de sortir. Je balance entre bons mots à inventer – j'adore l'humour et la bonne humeur – et « pensement » sérieux.
Qui protège les SDF ? Macron, détesté, devient chef de guerre, et se veut incontestable, avec miellerie pour ceux qu'il voulait amputer, mépriser, détruire, abandonner. Inventaire. Miellerie. Tiens, voilà encore la Commune. Dans ma tête, la communeuse bretonne Nathalie Le Mel. Le Mel ? Miel, en celte. Comment cette France qui vote brun peut-elle être généreuse aux humbles, douce aux faibles, respectueuse des hommes et des femmes qui veulent rester dignes ? France collective ou France individualiste ? France animale ou digne ? Je veux encore rire chaleureux, je veux encore conter malice et bonheur.
Merci au coup de pied au cul que propose « Rebonds » pour que les je soient nous.
Oui, je vais écrire, moi qui sirote l'oralité.
Un dernier pensement. « Nos » hirondelles vont revenir dans l'hirondellière à elles – et aux mâles aussi – réservée. L'an dernier, c'était le 1er avril. Sacrées farceuses.
Le « je » du 20 mars.
« Fleurir ensemble ».
Ah bravo ! Moi qui attends les hirondelles, je n'ai pas réalisé, à mon réveil, que ce 20 mars est jour de printemps. C'est même jour de journée mondiale du bonheur, me rappelle la colombe de l'agenda du Mouvement de la Paix.
Et voilà que le courriel de (Re)bonds me « déberdine » en me remémorant le printemps, et, lance un « fleurir ensemble. » Hier, j'ai débagoulé les fleurs de notre jardin, comme l'a flemmardé « le sous-préfet aux champs ». Je clamais ce texte, sourire aux lèvres, dans les clubs de jeunes, en occultant la pensée réac' de Daudet (…).
Fleurir ensemble pour Rimbaud, poète que j'ai découvert en classe de 3e du Cours Complémentaire de Saint-Florent. C'était « Ma bohème ». Depuis, Rimbaud ne me quitte plus, et, régulièrement, je vais pleurer au lavoir de Roche, près de la maison de la famille Rimbaud, rachetée par Patty Smith en Ardenne.
(...)
Rimbaud. « Ce qu'on dit au poëte (sic) à propos des fleurs. » (...) Claude Jeancolas, un de ses biographes, a examiné le bouquet de mots sur les fleurs. La fleur la plus citée est le lys. Quatorze fois, dont neuf dans « Ce qu'on dit... ». Dans ce poème, il dresse un inventaire : lys, œillet, amarante, myosotis, violettes, roses, lauriers, hélianthes (que nous nommons soleils en Berry), pâquerettes, açokas (fleurs de cet arbre sacré chez les Hindous), lilas, eucalyptus, romarin, manglier, garances, chardons, thyrses. Vous trouverez aussi « des fleurs qui soient des chaises ». Etrange ! (...) « A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu. I pourpre, sang craché, rire des lèvres belles dans la colère ou les messes pénitentes. » Voyelles, couleurs de fleurs. Pour vous, amies, amis de (Re)bonds.
Et j'attends mes hirondelles.
Le « je » du 21 mars, sans courrier, sans pluie.
« Je suis venu mettre à l'arrêt la machine dont vous ne trouvez pas le frein d'urgence. »
Me doutant que Fanny allait nous tendre les membres – pas touche, bon Diou, nous sommes en guerre – d'une phrase à partager, je jette un œil sur mon agenda pacifique. Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. D'actualité, non ? Et je reçois, le message – Ici, (Re)bonds, les ami.e.s parlent aux ami.e.s. Voilà notre message personnel – du monologue du virus (2). En théâtre amateur, j'avais réalisé « Les monologues du vagin ».
Message : « Je suis venu mettre à l'arrêt la machine dont vous ne trouvez pas le frein d'urgence ». Ce ne sont pas « les sanglots longs des violons de l'automne bercent mon cœur d'une langueur monotone » pour annoncer l'espoir du Débarquement, mais un autre espoir d'arrivée.
Message plus que pamphlétaire, digne de penseurs ou de torcheurs de verbes comme Hugo, Rimbaud (toujours), Marx, Bourdieu… Plus élaboré que du Prévert. Au siècle dernier, l'équipe de « Hara-Kiri », père spirituel de « Charlie », avait lancé « on arrête tout et on réfléchit » de Gébé, ou « Stop crève » de Cavana qui voulait tuer la mort.
Le monologue du virus renverse l'équilibre des pensées. Virus, comme d'autres mots, n'instille que des visions négatives, péjoratives, peu recommandables, injurieuses. Larousse ne parle-t-il pas de virus révolutionnaire, au sens figuré ?!
Ici, Virus se présente comme un bon père de famille, qui nous conte l'Histoire, non pas, comme dit le lion, du côté du chasseur, mais de notre côté, le côté des humbles, des simples et pauvres décideurs de foyer, de famille. En 1968, nous jetions pavés contre la société de consommation. Virus nous éclaire : nos barricades n'ont pas tenu devant les tsunamis de l'économie libérale, capitaliste. Virus rappelle tout ce que nous lui devons. (…)
Oh oui, découvrez, sur les conseils de (Re)bonds, ce « monologue du virus », bien plus intense que mes pensements. Virus montre l'infime contre l'infâme. Le David contre les margoulins Goliaths, les arcandiers, comme dirait les berriaudes. Virus nous rend « absorculant » (néologisme rimbaldien). Absorculant ? Qui occupe fortement, qui s'empare de toutes les facultés de l'esprit.
Je m'adresse, toutefois, à mes amies et amis de l'art. La représentation dans les médias du coronavirus pour cause de vulgarisation, est-elle abstraite – une sphère et des minuscules pointes – ou terriblement concrète, réaliste, voire pompière (puisque ce mot est toléré) ? Y a-t-il de l'émotion, de l'élan créatif, du cri, dans ce schéma du corona ?
Mes hirondelles se faisant attendre, je termine encore par Rimbaud. « Je n'ai plus rien à te dire, la contemplostate de la nature m'absorculant tout entier. »
Le « je » du 22 mars par temps gris, sans pluie.
Etat d'urgence.
Que de chiffres en ce jour. Mais personne n'a idée de me citer « mouvement du 22 mars » de 1968. Fini le « ce n'est qu'un début, continuons le combat » ? Plus « motivés, motivés » ? Des chiffres et des dates : 19, ce Covid ; 3 avril 1955, c'est la guerre... d'Algérie, état d'urgence ; 13 novembre 2015, attentats, état d'urgence ; 1er mars 2020 : zut, rien à voir avec le coronavirus.
1er mars 2020, le Congrès argentin ouvre la voie à la légalisation de l'avortement. Merci aux féministes et progressistes qui luttent depuis 2015. Encore une affaire à suivre...
L'état d'urgence, disent les juristes, restreint les libertés pour des personnes soupçonnées de menacer l'ordre public. Je, nous, voilà : nous sommes un danger. Pas les avions civils et militaires, qui avant corona, déversaient les hideurs du kérosène ; pas les bateaux croisières qui confinaient les rémugles des friqué.e.s, avant de les déverser dans l'eaurigine de notre vie...
Etat d'urgence. Zieutez la loi (...). La loi enfile les verbes, comme la police enfile les menottes (cliché rebattu). Ma mère-grand n'enfilait que son fil dans le chas de l'aiguille pour « rac'moder » les chaussettes familiales.
Etat d'urgence ! Limiter, interdire, réquisitionner, perquisitionner, assigner à résidence... Quel drôle d'inventaire pas drôle du tout. Qui décide l'état d'urgence ? Ils sont peu. Comme les 1 % qui possèdent 99 % de notre vieux globe.
Et sur l'autre face de mes pensements, d'autres urgences : protéger les sacrifié·e·s du monde sanitaire, protéger les serviteurs d'Amazon, défendre le sort des intérimaires, anticiper la lutte contre la disparition des médias papiers, remédier, messieurs qu'on nomme grands, aux « pas assez ». Pas assez de moyens dans les hôpitaux, dans les écoles, pour les productions locales, pour les faits culturels démocratiques, pour les transports à remettre en place, dans un avenir qui se brouille de plus en plus.
Urgence, vous les assassins, qui avez fermé les lieux symboles de l'espace public. Urgence à s'occuper des travailleurs, plutôt que des entreprises. Urgence à ne pas masquer vos privilèges. Nos masques ne seront pas des baillons. Urgence à la Liberté. Urgence à l'Egalité. Urgence à la Fraternité. Pas de distanciation. Brecht aurait rigolé sur cette mise à distance. Au siècle dernier, les « mécarillos » s'affichaient comme la « distanciation quasi brechtienne de la quotidienneté ». Pédantisme de la consommation.
Pas d'état d'urgence pour encrasser nos libertés.
Il y aurait encore tant de faits à dire. Oui, dire notre fait. Merci (Re)bonds de prendre fait et cause. Causons, causons, à plein mots.
J'ai photographié mon jardin en fleurs pour envoler les clichés pour « mes cher·e·s confinés ». Pas d'hirondelles. Pourtant, le printemps est là. Urgence, mes belles.
Le « je » du 23 mars. Soleil.
« A robot is missing ».
La journée s'ouvre bien. Merle et merlette sont d'attaque pour leur picore de rappel. Je fais pensement et avertis mon fils : « l'arrivée des hirondelles approche, 'faut qu'on aménage le vas-y-voir de l'atelier-rangement ». Et je petitdéjeune, avec mon pain grillé, sans sel, mais confituré. Cyril entre. « Y en a une ! » Et oui, en ce 23 mars, c'est l'arrivée de notre première. Comme d'habitude, cette éclaireuse prépare l'espace qu'elle va coloniser. Nous en serons les intrus, moins que locataires jusqu'à l'automne. Espoir d'un havre à la douzaine : l'an dernier, à partir du 1er avril, les pontes ont fait vivre jusqu'à onze voleurs-voleuses, strieurs d'espace.
(...)
Salivons sur « A robot is missing » (3). Je suis nul en langue britannique. J'ai décroché mon bac, avec mention, malgré un 2 en anglais à l'écrit et un 3 à l'oral (à moins que ce ne soit l'inverse). Quand le Living Theatre (4) est venu à la Maison de la Culture de Bourges, éclairé par l'accueil généreux de Gabriel Monnet, je me souviens me pencher souvent vers Nicole : « Qu'est-ce qu'ils disent ? ». La seule phrase exemple dont j'ai souvenance, à l'école (CC et Ecole Normale, tout compris) et qui était à mémoriser est « vaccines and sérums are prepared in moderns laboratories ». Avec ça, j'étais apte à débagouler english !
« A robot is missing » m'a permis de trouver astucieux de substituer vaccine, dans nos têtes. J'ai ouvert courriel avec mon cousin de Seine-et-Marne, défenseur de la culture bretonne et celte, pour parler de Strup X, de Percubaba... Il m'a répondu Bérurier Noir et plus encore Ramoneurs de menhirs. J'ai eu deux écoutes du clip-court-métrage, avec musique et sans son, comme les films muets projetés que m'emmenait voir papa Gaston les soirs de beau temps, sur la place de la République, à Saint-Florent. Je préfère en musique. Les musiques électro-acoustiques qui ont peuplé mes conduits auditifs me sont revenues en mémoire. J'ai eu les neurones actifs. J'avais des voix, des sons, des souffles, comme au temps du Groupe de Musique Expérimentale de Bourges (GMEB), assassiné par le show-biz et les politiciens. Où est-il, le temps où la musique d'attente du téléphone en mairie de Bourges était une création du GMEB ? Sous un maire communiste, complice.
Le clip-foutoir-sympa préconisé par Fanny m'a fait souvenance de Norman Maclaren et ses films – plaisir-des-sens, plaisir des-jeux. Maclaren qui peignait le son sur la pellicule argentique.
Il est étonnant que dans tous les délires verbaux, les vomissures d'invraisemblance complotiste, les extraterrestres n'aient pas été évoqués. Le corona a l'air d'un ovni, presqu'en forme de soucoupe, comme dans le court-métrage. Le « coronalien ». Ouf, pour l'instant, ce n'est pas dans les aboutissements des abrutissements. Pas d'alien en vue.
Vaccine.
Louise Michel emploie dans ses lettres « aux Amis de France », de son exil inique au « Rocher calédonien » : « Notre Europe aura-t-elle sombré, et un continent nouveau sera-t-il rattaché par les coraux entre les milliers d'îles et d'atolls semés dans le grand océan. (...) Quels hommes seront là quand la science saura purifier l'air des germes infects, quand on les détruira dans les végétaux, comme dans tout animal par la VACCINE, la sève étant du sang.
Moi aussi, ô mes amis, j'aime la fleur du niaouli, moi aussi, je rêve longtemps en aspirant son parfum. » (Louise Michel, vers 1880).
Le « je » du 24 mars. Brrr, froid ce matin.
Libérés !
(...)
Aujourd'hui, le « pendant ce temps-là » dévoile un éléphant à roulettes, grandeur nature, portant masque facial, dans les rues d'une ville indienne, pour sensibiliser le public. Parade de cirque ?
Mon pensement : la piste ronde, comme le corona, piste de sciure ou de sable, à la rive duquel se serraient toutes les générations pour applaudir les numéros spéciaux, surprenants ou attendus, du bon vieux cirque de l'enfance. Clowns aspergés, ce qui rassurait l'enfant tout juste sorti du pipi au lit, ou le cérémonial bien réglé par les garçons de piste – je n'ai jamais vu de filles de piste – du ramassage du crottin des éléphants, rassurant encore le gamin qui n'était pas à l'abri d'un caca-culotte. « Bonjour les p'tits éléphants, vous aimez les clowns ? »
Mon inventaire-clowns : Popov, Dimitri, Grock, Zavatta, Pierre Etaix, Annie Fratellini et ses frangins, Jango Edwards, les Colombaïoni, Footit et Chocolat, Rhum et Kirsch, Virus et Corona... Maquillages et masques.
Des tas de deuils, ce jour, deuils remarqués parmi les anonymes qu'on ne peut honorer. Faute à la camarade du corona. Manu Dibango, qui avait encore des jours à musicaliser. Lucien Sève, le vieux lion marxiste, qui avait encore à philosopher et à agir pour un communisme pas mort. Corona virus. Uderzo, qui meurt d'une autre cause. Idéfix jioule de chagrin. Un ami connu du village d'à côté n'est plus.
(...)
Fanny souffle l'idée du jour : libérés. Libérez nos camarades ? Comme les cris de 68. Non, libérez les prisonniers pour assainir les prisons surbondées. Seuls, les braves gens encellulés qui ont eu des peines mineures ou qui ont eu (fayoté ?) une bonne conduite. Décision politique. Pression sur les magistrats, malgré la séparation constitutionnelle entre la justice et l'exécutif. Tiens, je vais vous placer le plus long mot de la langue de l'Hexagone et des colonies. Vous l'avez déjà placé dans une conversation? Libérés anticonstitutionnellement ? N'y en a-t-il pas un autre de la novlangue ? Emmanuelmacronetédouardphilippement ?
Je suis pour la libération, même si l'environnement durable, renouvelable ou non, n'est pas à la pointe du progrès dans la pédagogie des prisons. Libérés sans bracelet. Libérés ! Ouf ! Mais qui est protégé ? Nous, eux ? Qui vont devoir affronter l'hostilité du monde des bestiaux anthropomorphes. Déjà que des honnêtes citoyens incendient les voitures immatriculées hors de leur sol. Prisonniers libérés, libres contre des incontrôlés irréfléchis. Sans compter que la chasse, la traque aux étrangers, même enfantins, continue.
Finalement, mauvaise journée, malgré mes fleurs, mes oiseaux et mes miens.
Je parle comme un adjudant, hein mon gaillard !
Le « je » du mercredi 25 mars. Soleil.
Défaire l'union, renouer des liens.
(…)
En plus du journal, quelques échos radio. Les fleuristes, qui font 80 % de leur gain au printemps, sont maisons closes (et non Clause). Quel à venir, pour eux, et tous ces métiers de petits bonheurs : coiffeur-coiffeuse, épicier, libraire, bistrot, fleuriste, artiste, artisan d'art, disquaire, céramiste, entomologiste, grainetier, quincaillier, imprimeur, maraîcher, cordonnier, ramoneur, apiculteur, serrurier, plombier, relieur, musicien, chanteur, acteur, verrier, tailleur de pierre, vendeur de bazar (tout à 1 €)... ? Reverrai-je encore à Villabon un rémouleur itinérant, comme l'an passé ?
On a vu ce que la société de consommation, (la société « cacapipitaliste » comme interpellait Mouna au Printemps de Bourges) a fait, dans sa marche. Beaucoup qui ont fait le choix du « travail au pays » vont crever, non pas du corona mais de la fièvre virus profitus. Disparition ! Comme les épiceries de quartier de ma ville natale, comme les « riz pain sel » ou les « BOF » : beurre, œufs, fromage. Des musées vont-ils disparaître ? Il n'y a bien que Jeanine Berducat qui s'intéresse au semeur, au chiffonnier, au mécano, au laitier, au télégraphiste, au barbier, au tisserand, au cantonnier, à l'aubergiste de campagne... Moi qui aime tant les abats, je ne jouis plus de mamelles. La grippe aviaire a fait disparaître les tripiers. Quels métiers vont mourir aux champs ? Pas au champ d'honneur des politiciens complices de nombreux lobbies anti-bonheur.
(...)
C'est l'heure du bonheur Fanny. Aujourd'hui, pilote des hardiesses, elle livre notre bateau ivre, aux pensements du site « Dijoncter ». Oui, site coopératif et révolté. Allez lisez, nous interdirait Macron, généralcule d'une démocrature obsédante. Plein d'idées, ce texte de Dijoncter. Oui, le gouvernement parle de guerre pour mieux imposer les ordres du jour peu raisonnables. Il nous dicte : parlons guerre, pensons guerre, mangeons guerre, calculons guerre, respirons guerre, soyons guerre. Curieux que ce gouvernement parle guerre alors que de 1954 à 1962, d'autres gouvernants cachaient ce substantif et nous serinaient : opérations de maintien de l'ordre.
Mes chers compatriotes (je n'ai pas remarqué si le prompteur macronien marquait le féminin), c'est ce que nous bavassent ceux qu'on nomme grands. Qui est capable de trouver le Peuple idéal ? Celui que cherche et espère « Dijoncter ». Ce Peuple qui, il y a quelques jours, a réélu des maires RN ? Ce peuple qui tremble, qui se terre, se confine de peur de la police, qui accepte l'armée comme ersatz des services publics ? Merci Dijoncter, merci Fanny de nous ouvrir un autre peuple en marche. Pas facile, mais nécessaire. Continuons les volontaires de 1793, en 2020.
Le « je » du 26 mars. Soleil.
Confinés mais pas silencieux
(...)
De tout temps, j'ai été arithméticien, mais là, trop de chiffres à maîtriser dans ces inventaires comptables de la « guerre ». (...) Nous évoquions le « Peuple », hier. Que pensez de ce sondage, issu du Peuple, qui fait remonter Macron dans les sondages, mais qui fait douter du gouvernement ? Macron. Miracle. Messie. Le Peuple t'M. Au moment des Gilets Jaunes, un sondage : quelle est votre chaîne télé préférée ? BFM TV ! Quelle est la chaîne que vous jugez la moins crédible ? BMF TV (?!?).
Dans ma journée, j'attends Fanny, impatience au bout des doigts, pour écrire mon « je » du jour.
« Silence ». Belle idée de tendre des draps blancs. Pour moi, c'est efficace en ville, moins pertinent à la campagne. Quoique. A Villabon, en direction d'Etréchy (c'est-à-dire en dehors de l'axe Bourges-Fourchambault, où déambulent 2.000 véhicules par jour), chaque 1er mai, je hampe deux drapeaux : le rouge, celui du sang des travailleurs et le drapeau arc-en-ciel du Mouvement de la Paix. Parfois, un petit coup de klaxon, en complicité, signe que ça fonctionne. J'allais écrire ça marche, mais peu de macronistes marchent le 1er mai.
Oui, il n'y a rien de tel qu'un drap, symbole primal de la vie, pour communiquer. Ensuite, on peut décliner, sur cette page planche, surtout avec humour, des slogans-gifles pour protester contre les excès des mauvais gestes des décisions politicardes. Mais, tout blanc, c'est choc. Surtout si l'étendage est multiple. Le drapeau blanc n'est pas charitable, mais solidaire. Aussi fort qu'en le rêvant noir ou rouge comme ceux employés le plus souvent.
Silence ou Son. Une initiative récente a rassemblé des bravos pour saluer la tâche essentielle du monde médical. On applaudit aussi devant le cercueil d'une femme ou d'un homme de scène.
Silence. C'est plus inquiétant. Mais, ce silence touche-t-il les décideurs du moment ? Pour qui ce silence est-il anxiogène ? Anxiogène. Mot en hausse exponentielle. Ce n'est plus inquiétant, peureux comme me confie une brave berriaude, grave, effrayant, tragique, alarmant, épouvantable. Non, non, c'est anxiogène. Allons-y d'un à-peu-près ignoble : où il y a de l'anxiogène, il n'y a pas de plaisir.
Je reviens sur silence ou gueuloir ? Silence ou cacophonie ? Cacaphonie diraient des plaisantins ou le regretté Mouna. Souvenez-vous des veuves argentines de la place de Mai et de leur casserole, instrument lui aussi symbole primal. Casseroles aussi dans des révoltes anti-coloniales, comme en Outre-Afrique, à la Réunion… Des casseroles, il y en a tant qui en ont au c..
Emu par le texte de « Dijoncter » qui dresse bilan de la santé, des prisons... Crier contre ces assassins des libertés, des lieux sociaux, des défenses populaires. Foutons-les en prison. Trop rares les enfermé·e·s, valets des banques et des lobbies. Justice populaire !
Rappelons-nous que la Commune est née de la décision des bourgeois de casser le moratoire des loyers. Pas de milliards pour les « grous » ! Moratoire pour les humbles. Peuple, la route est longue encore, mais pourquoi pas résistance en silence, pour des « lendemains qui chantent ».
Le « je » du 28 mars. Toujours beau temps.
Classe virtuelle.
(...)
Continuons les sondages : 63 % pensent que le gouvernement n'en fait pas assez. Quand ça va bien : vive le Président. Ça va mal : haro sur le gouvernement. Voilà comment on perfuse le citoyen, pour le maintien d'une démocrature présidentielle. Félix Pyat, Vierzonnais de 48, ne s'y était pas trompé, en refusant un Président pour la Constituante de la IIe République. Résultat : coup d'Etat de Napoléon le petit, le piètre.
(...)
Le mot rebonds de … (Re)bonds est aujourd'hui : classe virtuelle (5). Ben, v'là autre chose. Je n'aurais jamais imaginé ça quand j'étais élève maître à l'Ecole Normale de Bourges, ni à ma retraite, même si c'était dans les pensements, au début du XXIe siècle. L'inventaire des raisons données sur le site est positif, plus que globalement, pertinent, sérieux, prospectif, social, humain, économique, politique… Cette crise du corona nous fait mettre le doigt sur des mondes méconnus, oubliés et pourtant si douloureusement réels : le Quart Etat, plus mal loti que le Tiers-Etat, le lumpenprolétariat. Messieurs, qu'on nomme grands, baissez un peu la tête et regardez, comme les enseignants du manifeste l'ont fait. Eux, ils ont ça devant les yeux, car c'est leur réalité d'humains et non pas de technocrates insensibles qui se croient des visionnaires historiques, mais qui ne sont que des baziots prétentieux, à la Marie-Antoinette. On veut nous éblouir par une comète lumineuse, mais les valets-lobbiistes oublient que c'est du vent, du vide. Merci aux enseignants de bien nous peigner la queue de la comète, comme la traque des poux, et nous montrer ses dangers.
Très dangereuse , cette notion de classe virtuelle. L'Education Nationale n'est déjà pas belle à voir, par les destructions ministérielles. Au siècle dernier, nous parlions d'instructions officielles, pas de destructions, de démolitions. Bien d'avoir dans le texte de Paris-luttes.infos, une vision ultra sensible des difficultés sociales. Je pense, entre autres, au menace de féminicides des femmes confinées-cloîtrées, non pas dans le bonheur d'un Dieu, mais dans le danger d'un monstre bestial.
Tiens, au fait, dans les gestes essentiels : réouverture des librairies closes ! Et les boîtes à livres, pratiquons-les, approvisionnons-les, comme je fais pour les oiseaux de mon jardin. Ça, c'est pas du virtuel.
Mais, je ne veux pas être qu'un poète aux petits oiseaux…
Le « je » du 29 mars. Marde, le ciel est gris.
Bonne humeur.
(...)
Gardons notre bonne humeur. J'ai un grand choix d'amitiés pour mes courriels.
Celles et ceux qui gardent la tête froide et proposent des luttes, des réactions, des projets.
Ceux qui prennent des nouvelles et en donnent. Tiens, lors des sorties pour achats essentiels, j'ai remarqué un meilleur respect, moins de taiseuses et de taiseux, juste un petit mot, qui n'est pas un gros mot, mais qui est grand d'humanité, des sourires devinés sous les rares masques (les yeux sourient) ou les cache-cols.
Ceux qui veulent que diffusion ne soit pas affirmation béate, béni-oui-ouitude, qui commentent les envois ; ah, les finauds et les affûtés.
Ceux qui offrent textes, pensées, relectures ou re-visions...
Ceux qui transmettent l'humour, pour le moral, la bonne humeur, pour un esprit à ne pas endormir. Humour par le dessin, l'histoire drôle, la vidéo courte mais bonne, comme celle du nain aux 40 enfants, la chanson directe ou détournée, et aussi les téléphonies, pour trouver un fil d'union. (...)
Le « je » du 30 mars. Soleil, mais frisquet. Ça bouffe !
Astrologie atypique.
(…)
Bonne humeur ? Non, je songe, chaque jour, aux femmes maltraitées, torturées, violentées, confinées en rudesse et en sadisme. Pensement pour les petit·e·s, encore bien moins loti·e·s que leur maman. Me reviennent quelques cas – rares heureusement – de mes élèves que je découvrais, couverts de coups, sous le fascisme ordinaire du père alcoolo, précaire, brute, animal, primate. Un salaud qui obligeait son fils à partir à vélo à Avord, par temps hostiles, pour économiser le paiement du car et de la cantine, pour une plus importante beuverie paternelle. J'avais des menaces, car j'avais alerté l'assistante sociale. Un autre cas, révélé à la piscine, où, avec le maître-nageur, nous avions découvert un petit corps couvert de bleus. « Qui t'as fait ça ?
- Personne, je suis tombé, en grimpant sur un arbre ». Pas dupes, nous étions. Nouveau signalement...
Gravité. Voir que les salariés, les vieux (puisqu'il faut les appeler par ce nom, comme écrit La Fontaine), les humbles aux avant-postes des dégâts de « la guerre » soient sacrifié·e·s au détriment des armadas d'actionnaires, à l'arrière bénéfique, comme en 14. Il faut que l'arrière tienne, même s'il faut sacrifier la piétaille. Combien de Nivelle, massacreur de Poilus, nous donnent des leçons de non-savoir-vivre, en ce printemps !
Le moment de regarder son horoscope ?
Oui, quelle surprise de découvrir que l'idée du jour de (Re)bonds est l'astrologie. Je suis un ignare sur ce thème. Je serai bon dernier au « Jeu des 1.000 euros » ou « Questions pour un champion » si on me questionnait. Figurez-vous que je suis Cancer (faut-il mettre une majuscule à ces signes ?). Quand j'étais jeune, pour m'amuser, je regardais l'horoscope quand j'avais à flirter ; mais, je comptais plus sur mes qualités de beau jeune homme lettré pour séduire, que sur les conseils du coin cancer du BR (Berry Républicain). Quand, plus tard, je devins correspondant local, j'ai eu la confidence d'un journaliste pro. « Tu sais, je ne m'embête pas pour cette rubrique, je prends un vieux Berry d'il y a dix ans, aux archives du journal, et envoyez, c'est pesé ! ... Je n'ai jamais eu de réclamation. »
Moi, j'aurais pu.
(…)
Voilà, mon compagnonnage avec l'astrologie, que je confie à vous, mes poissons, gémeaux, balances, sagittaires, capricornes et… vierges. Remarquez qu'il n'y a pas de lionnes, ni de génisses, ni de brebis dans les signes sexistes de la carte du ciel.
Mais, j'ai beaucoup apprécié l'horoscope de Rob Brezsny dans le « Courrier International ». Style alerte et imagé. (...)
Le « je » du 31 mars. Soleil.
Les autres.
(...)
Fanny, dans son (Re)bonds, pense « aux autres ». Quels sont les salauds (je garde le masculin) qui n'y pensent pas. Les collectionneurs de PQ ? C'est vrai que l'individualisme a labouré profond ces dernières années. Les autoroutes du moi font recette. Moi, mon « je » singulier est toujours resté pluriel. Il existe un jeu télévisé sur France 3 : « personne n'y avait pensé » (que j'aime bien ). Alors, ce serait les égoïstes qui seraient vainqueurs ! Car le but du jeu est d'être meilleur qu'un panel de cent Français. Oui, les gens pensent aux soignants, à tout le corps médical, à Raoult, aux éboueurs (un petit signe ne leur a pas fait de mal), à tous les commerçants, utiles ou fermés, aux caissières... Est-ce qu'on applaudit les SDF (ils n'écoutent pas, c'est certain, la chanson d'Allain Leprest), les migrants… ? Merci Fanny, de nous avoir uppercuter cette photo, honteuse pour notre monde, de ce père et son fils. (6)
(...)
Les autres.
Scandaleux que France 2 déprogramme l'émission prévue sur les féminicides. Disparus les féminicides ? Poisson d'avril les féminicides ? Horreur, si parmi le monde du XXIe siècle, on gagne au jeu du jamais pensé. Qui sera vainqueur : les instincts, les pulsions, l'aveuglement ou la raison, les sentiments (pas les grands sentiments de la chanson de Béart), les sentiments simples du meilleur monde à (re)créer avec les autres ? Tiens, les gouvernants, la justice, viennent de s'apercevoir que le brésilien, premier de la classe, Bolsonaro (presque une anagramme de corona) n'est pas un gentil garçon. Les bourgeois brésiliens pensent-ils aux indigènes d'Amazonie, hommes fiers et dignes de leur existence ?
Il n'y a plus de terres inconnues, sur l'atlas de notre planète, dit-on. Amies, amis, dans votre confinement, cherchez sur un livre de géographie, un atlas, dans un bon vieux Larousse, sur Wikipédia, sur un plan de la banlieue de Paris, de Los Angelès, les zones blanches de populations en détresse, à l'abandon, laissées par l'indifférence de nos pensements. Dans certains cas, vous découvrirez que « personne n'y avait pensé ».
Le « je » du 1er avril. Matin soleil. Soleil et chair, d'Arthur (Rimbaud, bien sûr, pas l'animateur télé).
Poisson.
Fanny, je me fiche de l'origine du 1er avril (je penche pour le changement de date de Charles IX), mais ce qui me navre, c'est que cette tradition se perd. Non aux traditions moyenâgeuses qui ont du mal à s'évaporer, telles que le bizutage, le mariage forcé, l'excision, l'alcool aux enfants (ça fait pousser la moustache), l'ambiance en cuisine des grands restaurants, les animaux du cirque, la tauromachie (pas facile à éliminer dans le sud), le femme-objet, le harcèlement (c'est la force ancestrale de la nature), le racisme...
Mais le 1er avril traditionnel ! Plus d'articles dans les journaux. Au siècle dernier, les rédactions locales du BR rivalisaient d'imagination (Vierzon, Saint-Amand, Sancerre, même les correspondants s'y mettaient). La rédaction sportive n'était pas la dernière. Je me souviens du changement de tactique proposé par l'entraîneur de FCBourges : tous les 11 joueurs, côte à côte, sur la ligne de but, pour faire un mur impénétrable.
C'était la chasse à la fausse nouvelle, le matin du 1er avril. Correspondant du Berry à Graçay, j'avais carte blanche pour un poisson. J'ai donc inventé une mini-tornade qui s'était élevée dans le ciel graçayais, provoquée par la forme du clocher tors de l'église de Saint-Outrille, village contigu. L'« aterbou » (comme s'en délecte les patoisants) avait arraché le coq (le jau), qui avait plané et s'était planté dans le jardin du presbytère. Je fus le roi d'un jour en ce 1er avril.
Je me souviens que l'Humanité avait annoncé que Robert Hue (ancien secrétaire général du Parti Communiste) reviendrait à ses activités de jeunesse, en donnant un concert rock, place du colonel Fabien. Je me souviens des journées radios pendant lesquelles les chroniqueurs justifiaient une fausse info. L'obligation d'une deuxième roue de secours, par exemple.
Pourquoi cette disparition lente, alors que les élections de misses perdurent ?
Il est vrai que le populaire est moins d'actualité que le populisme. Combien de pratiques communautaires ont-elles disparu depuis les villes franches et les droits de la pluralité du XVIIIe siècle, arrachés par nos aïeux ?
Où est passé le bonhomme Janvier de mon enfance, plus important, alors, que le père Noël ? C'était le bonhomme Janvier qui portait les cadeaux !
Repêchons le 1er avril.
Savez-vous que je possède 8.000 et une (je ne sais) cartes postales fantaisies du 1er avril ? Elément déclencheur : la mort de ma tante Lucie, couturière célibataire, à qui ses amies envoyaient des cartes humoristiques sur la mode, sur le mariage. En héritage, mon père et mon oncle me firent cadeau de la collection. Mais, c'était surtout les cartes de Saint-Florent qui m'ont intéressé en premier, puis les écoles du Cher (normal pour un maît' d'école), puis Sarah Bernhardt (normal, pour un comédien amateur). Je fouinais, chinais les brocantes, les bourses et les salons de vieux papiers. Plus mes collections s'étoffaient, plus mes trouvailles étaient rares. J'ai donc décidé de faire les cartes fantaisies illustrées. Quoi choisir ? Le 1er mai, pour mon militantisme ? Peu de variétés dans les bouquets de muguet. Les fleurs, les animaux, les gamins en graine de choux, Pâques, les histoires de Saint-Saulge ?
Bon sang, mais c'est bien sûr, il y en a de pleins bacs chez les vendeurs ! Je suis un gars de bonne humeur. Les poissons d'avril !
Je les ai donc classés par catégorie. Avec pour chaque carte un poisson, au moins. Les femmes seules, les hommes seuls, les couples, les gamins, les variétés de poissons, les situations, les animaux (autres que les poissons), les pensées et devises fantaisistes... Certaines cartes se conjuguaient par série de six ou huit, suivant les mêmes personnages, le même cadre. Certaines sont plus particulières. La tante Lucie, vieille fille (pardon tata de ce terme limite), en avait reçu d'inspiration coquine. Les brochets élancés font de bons symboles érotiques. Les cartes anti-allemandes, rares avec des poissons, sont une des fiertés de ma collection. Tiens, sur une, on voit les soldats pêchant avec des casques à pointe : mais les poissons (leurs nageoires et leurs queues sont françaises, nom de Dieu) ne mordaient pas, rigolards des échecs allemands qui ne pêchaient que vieux godillots.
Pourquoi, bien avant les SMS, les cartes de poisson d'avril ont-elles disparu ? Pognon. Un seul jour par an, est-ce rentable ? Et pourtant, dans le temps, comme on dit, cela s'achetait par milliers, voire par millions. Et ne comptez pas sur une idée Coca-cola pour créer de faux besoins de poisson-carte en ce XXIe siècle. Le 1er avril ne paye plus. Un désastre humoristique. Aujourd'hui, qui a fait un poisson d'avril ? Oui, je sais, ce n'est pas la fête. Mais, dans nos confinements, nous lâchons, nous échangeons des dessins, de bons mots sur le corona, le papier Q et les masques... Pauvre poisson.
Et pourtant, des poissons d'avril, nous en subissons à pleines soutes et à pleines épuisettes, et pas seulement, le 1er de ce mois, jour unique. Les « fake-news », vous connaissez ?
Le « je » du 2 avril. Soleil encore.
Colère.
(...)
Dans l'Humanité, je suis attentif à la chronique quotidienne : « ils n'ont pas honte ». Rubrique à scandale, qui n'a rien à voir avec les peines de cœur des monarques déchus ou des régnants galvaudeux. En ce 2 avril, le scandale touchait l'achat des serviettes hygiéniques, pas vitales. Pas vitales ? « Un flic m'a arrêtée, car je suis sortie acheter des serviettes hygiéniques : ce n'est pas vital ! qu'il a dit. Des gens qui font la queue sur 50 mètres pour des clopes , c'est ok, mais une nana (sic) qui veut acheter des tampons, c'est un scandale ? » Amende de 135 € ! En plus, les flics lui ont fait la morale ! PV aussi pour avoir voulu un test de grossesse ! Le collectif, que j'aime bien, « les Georgette Sand » a interpellé la Secrétaire d'Etat. Plus de 100.000 PV ont déjà été dressés pour infraction au confinement. Confiné = vache à lait.
Comment ne pas être en colère ? Aragon, dans la Résistance signait ses poèmes : François la colère. Notre Arthur Rimbaud remarque un roman de 1871, « La colère d'un franc-tireur », dans une lettre d'avril 71.
J'aime, vous le savez les inventaires. J'ai soulevé (il faut bien faire de l'exercice) mon lourd Robert. J'ai cherché les verbes, car pour dire sa colère, il faut qu'elle soit action. Bisquer (bisque bisque rage est-il suffisant ?), fumer, fulminer, mousser, rager, râler, bougonner (ça, ça doit être quand on est confiné, mais ça ne suffit pas au grand air, dans la rue, dans les ronds-points), crier (le Cri du Peuple), injurier, jurer (Nom de Dieu, la colère est un des sept péchés capitaux), pester (employer un nom de fléau contre les grands, c'est intéressant), éclater pour s'éclater, s'emporter, se courroucer (ça sent la tragédie classique), s'élever contre, s'emballer, s'énerver, se fâcher, s'impatienter (oh oui alors), s'irriter et en fin de liste, c'est significatif dans ce dictionnaire du bon usage bourgeois, enfin, se REVOLTER (c'est moi, bien sûr, les majuscules).
Demain, les amies et amis, je vais au marché de Baugy. Si l'on m'arrête, je demanderais quel article de loi – nul n'est censé ignorer la loi, qui plus est, le gendarme – quel est l'article du code qui s'applique à la non observance du confinement, et, j'emploierais – il est pourtant pas facile à utiliser sur un marché ce terme : n'êtes-vous pas en train d'agir anticonstitutionnellement ? C'est plus fort que le mot de Cambronne. Je rajouterai cet uppercut verbal : vous savez qu'en Belgique, des législateurs et des avocats ont fait annuler tous les PV. Ce n'est pas dans la Constitution belge, la notion de confinement. PV = anticonstitutionnel.
Amies, amis, si nous lancions nos leaders d'opinion, attachés à la défense des libertés sur ce sujet.
A des demains de colère. Et ça sera pas simple.
Le « je » du 3 avril. Gris, avec un espoir de bleu horizon.
Garder la flamme.
(...)
J'aime bien la piste explorée par (Re)bonds, je la retrouve dans les propositions du Parti Communiste. Gardez du souffle pour la survie des tisons, nourrisseurs de flammes. Flammes historiques : qu'ont fait les Gaulois ? Les Russes face à Napoléon ? Les Communards ? Les Résistants ? Flammes de résistance de plus jamais l'Enfer, sur Terre. Je me souviens de la pièce de Maïakovski. Un forgeron disait à un religieux : « votre Enfer ne me fait pas peur, je le connais sur Terre ».
Résistons. Enflammons-nous à nos fenêtres, même si sur nos routes rurales, il y a moins de passant·e·s citoyen·ne·s qu'en ville.
Je vous parlais des messages. L'unanimisme des liens populaires ne fait pas oublier le passé récent de ceux qui pensent extrême droite (je reçois de l'humour limite, raciste à fleur de courriel) et la lutte du populaire contre le populisme (une belle fable de La Fontaine à inventer). Surtout que la ville natale du fabuliste, pilier des récitations de l'école publique, est aux mains étrangleuses de liberté, aux gants bleu marine et bruns.
Inventaire pour enflammer nos colères : surveillance généralisée (Le BR va-t-il glisser sur la même planche pourrie que son ancêtre La Dépêche du Berry en titrant sur les drones espions policiers ?) ; surveillance qui va persister et devenir habitude ? (trois pages et la Une de l'Huma) ; dérèglement international, flou et contradiction des gouvernants, de France, de Navarre et de la Terre ; sélectivité future des aides, sélectivité des traitements sanitaires (les vieux, qui ont fait l'histoire, éliminés sans remord ?) ; licenciement des travailleurs en retrait ; rechute des crédits recherche, après la sortie du corona ? Brutalités policières maintenues, le droit aux vacances, le bac et l'Université, levée des loyers et des crédits ? (La Commune de 1871 l'a fait !!) ; classement des nécessités ; poids des lobbies ; les droits d'auteur, les intermittents, les artistes, les associations, les bénévoles... Gardons la flamme, comme (Re)bonds.
Le « je » des Rameaux.
Comptage.
Mes amis libres penseurs (et les libres penseuses aussi) vont me reprocher, amicalement, puisque ce sont des ami.e.s, de faire allusion à une fête religieuse. Je rectifie donc : le « je » du 5 avril.
Ce matin, voyage de première nécessité à la Maison de la presse de Nérondes. J'y retrouve « Charlie ». A cette heure, je n'ai pas fini de le lire. Mais la couverture est encore géniale : « RIRE, le médicament qui va vous sauver ». Dessin de Riss, avec un patient sur un lit, sous respiration artificielle. Si le dessin s'arrêtait là, bof, c'est une bonne philosophie, rire, mais... Mais le patient a une trompette dans le troufignon, bien découvert, et la trompette pète et trompette. Vous connaissez, certainement, cette comptine que, gamin, on lâche pour s'affirmer : « le garde-champêtre qui pue, qui pète, qui prend son cul (appelons un chat, un chat, et un derche, un cul) pour une trompette. » Encore à la hauteur, ce « Charlie ». Il rame haut !
Fanny, je n'ai pas eu le temps de relire Mafalda, notre lecture habituelle du siècle dernier. Je ne sais pas si nous avons la collection complète, car c'était une BD, que l'on offrait volontiers aux ami·e·s, au début de sa parution. Génial et courageux Quino, qui par le rire, lui aussi, luttait contre le régime des généraux argentins. J'espère que Mafalda a servi de phare à plein de femmes, et d'hommes aussi.
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Le « je » du 6 avril.
Obsession.
Je grimpe au grenier où s'étaient entassés des livres, lettres, articles de journaux découpés pour être réutilisés, selon l'actualité à venir. Don du ciel ? Je retrouve ma photo de communion, annotée par mon écriture d'adolescent, à la signature toute simple soulignée par la courbure d'un simple trait. Un graphologue me raconterait certainement mon évolution psychologique. Trouverait-il que le premier du catéchisme, pour la célébration de la communion solennelle, en 1957, a transformé sa signature d'une façon diabolique ? J'ai aussi retrouvé du même coup, deux images de communion de mon père Gaston du 14 juin 1914. Même tenue ? Puisque j'avais un costume deux pièces, avec le brassard, qui (miracle ?) a survécu à l'incendie de la maison en 2003. J'écris même tenue, car l'image de papa Gaston montre un même costume, un cierge identique et le brassard blanc. Supplément d'âme, deux rajouts dorés : un ciboire et la colombe du Saint-Esprit. Une chose est sûre : nous avions le même missel, puisque mon père a tenu à me le confier pour le 23 juin 1957. Ce livre me plaisait, car son cuir était souple et agréable au toucher. A l'intérieur, chaque jour de la semaine reproduisait un épisode de la vie de Jeanne d'Arc. Ce missel n'est plus là, ma mère l'a vendu, dans un moment de déprime, à un bouquiniste. Je le regrette un peu, non comme un objet de foi (je ne m'en serai jamais resservi), mais en souvenir ému de mon père, forcé, comme fils du jardinier du château de Saint-Florent, de fréquenter « l'école des Sœurs », en maternelle. Mais, il a eu son Brevet Supérieur au CC public de Saint-Florent et est devenu à la fin de sa vie lecteur de l'Humanité-Dimanche et président des délégués (laïcs) de l'Education Nationale.
Moi, je serai insensible aux pratiques spirituelles qui se pointent en ces jours confinés et « guerriers » (bénédictions et autres gestes religieux douteux et improbables). Je reste un matérialiste, même si la science qui fut souhaitée par les progressistes amena l'atome et le pillage énergétique.
Je n'ai pas retrouvé que des souvenirs pieux, j'ai « désédimenté » de mes piles de documents, notes sur la Commune ou parler local berrichon. J'ai retrouvé notamment un petit livret que je cherchais partout sur le parler giennois. Neuf communes du Loiret au sud de Saint-Gondon sont berrichonnes : preuve, Cernoy-en-Berry.
J'ai débusqué un autre petit livre « Salut et liberté » (lui aussi perdu de vue, sans faire d'émission télé), au sous-titre surprenant et gouleyant : regards croisés sur Saint-Just et Rimbaud. L'auteur évoque jeunesse, Paris, démocratie, guerre, monde faux, révolution, insurrection, salut et liberté, silence, adieu... Hein, surprenant et salivant ! Ma table de chevet devrait devenir table de salle à manger de taverne, pour loger tous mes désirs de relecture. Merci coronavirus ? Merci chinois et pangolins ?
Ai-je des obsessions ? En tout cas, pas celle du rangement. Nicole me le rappelle souvent. « C'est comme à la Mac Sennett's ! » Souvenir de notre premier logement de fonction à Graçay que je partageais avec mon co-locataire (gratuit), mon complice de promotion, Jean-Paul Lescot, fin usager du parler anglo-saxon. Façon de désigner ce havre où nous menions vie culturelle, politique, sensuelle mouvementée...
Je considère que je n'ai pas de TOC. Est-ce la vie du terroir qui veut ça, ce profit de bonheur d'une civilisation lente qui peut résister, plus ou moins, à tant de déferlements ?
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Le « je » du 7, et non le jeudi 7, ni le jeu du set.
Relance.
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Les ami·e·s, j'ai peur du mot du jour : relance. Qui va relancer ? Nous, le Tiers-Etat ? Avec quels outils de travail, puisque certains vont disparaître, comme ont disparu les tripiers après la grippe aviaire ? Tragédie classique ? Les dieux sont remplacés par des humains, mais quels hommes : les politiques, les « acteurs » économiques ou les citoyens du Tiers-Etat du XXIe siècle ?
J'ai peur de la relance qui laissera sur place ceux qui sont déjà dans l'Enfer de l'insécurité de vie. De grands tribunaux puniront quelques zigotos politiciens, mais déjà les 1 % qui possèdent 99 % sauront vite leur trouver des valets-remplaçants-fantoches. Je souhaite fort, vive l'utopie des humbles, que des choses sont à tresser ensemble. Serons-nous assez forts ?
(...)
Le « je » du 8 avril.
Un jour après.
(…)
Je veux garder la presse papier, même si elle me noircit les doigts. Je retrouve dans « l'Huma » nos sujets d'actualité et les propositions des jours d'après. Depuis lundi, le journal, que l'on ne peut plus vendre le dimanche, en ce moment, donne parole aux politiques pour « le jour d'après » (ce poids du mot qui semble faire majorité). A vous, Génération. S (G. Balas), le populaire NPA (O. Besancenot) et aujourd'hui, la France Insoumise (A. Quatennens). Des tas de propositions... A suivre, demain, et le jour d'après, et le jour d'après, d'autres idées. Mais ne trainons pas : les ursidés, les squales, les vautours, les pieuvres, les capitalovirus ne veulent pas d'une nouvelle nuit du 4 août, ni d'un corona en forme de rond-point. Souvenance d'un 1er avril passé : le BR avait monté le château d'eau conique de Bourges sur un rond-point. Sérieusement, les ronds-points peuvent redevenir des châteaux-forts forts ! Des donjons verts et arc-en-ciel.
Déjà, on veut saigner les petits pour le jour d'après. Messieurs, et quelques garces, commencent à instiller l'idée de grande charité patriarcale, où... les petits seront vampirisés, que vous ne partirez pas en vacances, alors que les jets privés sont près pour les idylliques Tropiques.
(...).
Le « je » du « je dis neuf ».
Force.
Quoi de neuf ? Un de mes élèves me rappelle régulièrement mon exigence drôlatique (je continue avec mon petit-fils) de poser cette question incongrue : « Sept fois neuf ? ». En pédagogue averti, je savais la singularité de la question, car 7 x 9 est le problème le plus ardu des tables. Et mon élève, avec prudence, me répondait : « que du vieux ! ». Pour lui, vous l'avez compris, il bottait en touche, ce qui lui permettait de réfléchir plus longuement à la réponse souhaitée.
(...)
Tiens, nous voilà arrivé·e·s aux cueillettes suggérées par Fanny. Parmi toutes, vue, toucher, goût me font privilégier les récoltes de cerises. Tiens, au temps du catéchisme, je n'ai même pas confessé ce péché capital, la gourmandise, au curé Trompat. Cerises, cœurs, bigarreaux (bigarré signifie coloré de deux couleurs), tout est bon pour mes papilles. A 74 ans, je suis toujours adepte de la secte des dégustateurs de confiture de cerises – griottes – à chaque petit déjeuner.
Gourmand, mais aussi voleur. Vlan ! Un deuxième péché capital à reconnaître. Gamin, rue Jean Baffier, dans les hauts de Saint-Florent, dans le quartier de la gare, à la saison. Le jeudi ou après 16 h 30, avec mon copain voisin, Jackie, nous allions , fort directement, dans les vergers voisins. Nous nous faisions discrets, avec toutefois, un alibi, nous emportions un ballon, et paf, cet objet inanimé se retrouvait une âme de vagabond, et franchissait les barrières. Point de gestes barrières, en notre enfance, même si le maître d'école, en leçon de morale ou de sciences, nous ordonnait de mettre la main devant notre bouche pour tousser. Nous sautions allégrement les grillages ou passions entre les fils de fer pour... grimper aux cerisiers. Maman Denise ne m'a jamais grondé pour mes poches sales, parfois dégoulinantes de jus, au retour.
Face, à nos deux maisons, celle de Jackie et la mienne, il y avait un petit terrain en pelouse, non exploité par les divers locataires successifs. Dans ce mini pré, un magnifique bigarreautier. Son pied servait aussi d'un des poteaux de but de nos parties de ballon.
Le foot, c'était quand les cerises n'étaient pas venues. Mais, à la saison, nous étions champions de l'escalade. C'était le temps des conquérants de l'impossible (Maurice Herzog, sir Hillary et le sherpa Tensing, Gaston Rebuffat... le temps de mes lectures de Frison-Roche). Nous étions de joyeux zigs à la Herzog. Ce vieux cerisier a gardé longtemps les traces de nos chaussures. J'ai eu un coup de cafard, quand il a été abattu pour bâtir. Je l'ai en tête, Jackie, devenu Vierzonnais, sûrement aussi, mais je n'ai pas retrouvé de photos, où il aurait pu être.
Dernier souvenir de chapardage gourmand et de vol crapuleux. Le vieux bigarreautier ne nous suffisait pas. De l'autre côté de la rue, était l'atelier d'un menuisier-charpentier, mais qui habitait dans le centre de Saint-Florent. Je pense qu'il était Compagnon du Tour de France, réflexion faite plus tard en repensant à ses pratiques et habits (le fameux pantalon de velours). Nous avons donc « emprunté », en son absence, quelques pendants d'oreilles, comme chante Clément. Mais le malin s'était aperçu de notre forfait. Il m'appelle. Jackie était à mes côtés. Je ne voulais pas m'approcher, car j'avais deviné sa volonté. Il insiste dans son appel. Je persiste aussi en restant à l'écart. Mais ce Judas de Jackie me pousse en avant et le père charpentier m'attrape. Nous les enfants, nous ajoutions le père au nom de famille. Il s'agissait là du père Untel. Ah, la poigne. Il m'a fait la leçon, et comme c'était un brave homme, qui certainement craignait plus pour nous, une chute fracassante que la perte de ses cerises, l'affaire s'arrêta là. Plus de raid chez le charpentier, mais ce sont les autres vergers qui reçurent notre visite.
Le « je » du vendredi dix.
La fin ?
Ce matin, au marché de Baugy, une brigade, je n'irai pas jusqu'à dire milice, d'élus et de citoyens à brassards arpentaient le marché. Je ne vois pas leur utilité, mais, comme ils·elles sont connu·e·s comme notables, les gens engageaient courte conversation, à distance barrière, à vue de pif. Mon copain curé costa-ricain était de la bande. Si les (costa)ricains n'étaient pas là, nous serions tous en... barbarie, car les messes sages ne se feraient plus, à Baugy.
« Comment vas-tu camarade ? criais-je vers lui, en ajoutant le lever de main qui veut dire fraternité, dans toutes les ethnies. C'est dur Pâques, cette année ! » Il acquiesça. J'enchaînais sur le scandale des non-hommages aux morts. Il me dit qu'il officie, mais en intimité, pour les familles. Comme à l'accoutumée – c'est son idée nouvelle de croyant convaincu – quand je repars vers Villabon, je constate que le porche de l'église est entr'ouvert, lieu d'accueil.
(...)
Un dernier amusement. Il y a quelques mois, j'ai réécrit une des chansonnettes de mon enfance : « Promenons-nous dans les bois », en parler local berrichon. Je me lance pour la version confinée du moment.
(Chantons et dansons) :
« Promenons-nous dans les bois
tandis que le loup n'y est pas.
Si le loup y était, il nous mangerait.
(Parlons) : Loup, y es-tu ? Que fais-tu ? M'entends-tu ? (vous pouvez aussi dire : Macron, y es-tu ?...)
(Réponse parlée du loup) : Non, Je quitte mon canapé !
Promenons-nous ...
(Parlons) : Loup, y es-tu?...
Le loup: Non, je quitte mon pyjama !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?...
Le loup : Non, j'utilise mon PQ !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?
- Non, j'éteins BFM-TV !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?
- Non, je laisse mon télé-travail !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?
- Non, je mets mes gants !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?…
- Non, je mets du gel !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?...
- Non, je remplis mon autorisation de sortie !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?...
- Non, je mets mon masque !
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?
- Non, je déverrouille ma porte ! (Il est fini le temps où on tirait sur la chevillette ou la bobinette...)
Promenons-nous...
Loup, y es-tu ?
- Ouiiii !
Je prends mon covid-19 (plus efficace qu'un 6.35 ou qu'un calibre 12) !
Tous : Sauvons-nous !
Le loup : Je suis le loup
Je suis le loup qui te touchera. »
La chanson se termine bien, cependant. La biche intervient et chante :
« Je suis biche, je suis biche qui te défendra ! »
Mais vous pouvez terminer sur la même idée, par un bouquet final :
« Je suis Raoult. Je suis Raoult qui te défendra. »
Je suis heureux de terminer les jours (Re)bonds en danse et chanson.
(1) Lire aussi le numéro 4 de (Re)bonds : http://rebonds.net/4-la-commune-a-la-vie-a-la-scene
(2) Article paru dans la revue Lundi Matin le 21 mars 2020 : https://lundi.am/Monologue-du-virus.
(3) Proposition d'Ecrire ensemble de (Re)bonds, inspirée par le titre du groupe StrupX : https://www.dailymotion.com/video/x2ixuk
(4) Le Living Theatre est une troupe de théâtre expérimental libertaire créée en 1947 à New York par Judith Malina et Julian Beck.
(5) https://paris-luttes.info/appel-a-nos-collegues-du-premier-13653
(6) https://www.courrierinternational.com/diaporama/photographie-la-semaine-en-images-du-6-au-13-mars#&gid=1&pid=5