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Les coopératives funéraires

Le rapport à la mort, les obsèques et les conditions du deuil sont questionnés en cette période d'épidémie et de confinement. Il existe des organisations qui n'ont pas attendu le Coronavirus pour proposer un modèle différent de celui des entreprises de pompes funèbres « classiques » : les coopératives funéraires.

Notre rapport à la mort, tout comme de nombreuses étapes de notre vie, nous est souvent dicté par la société dans laquelle nous vivons. Les lois, les normes ou ce qui est présenté comme rituel voire tradition immuable, confisquent aux vivant·e·s la possibilité de s'approprier une partie essentielle de leur deuil : l'organisation des obsèques de leurs proches défunt·e·s. Le but des coopératives funéraires est de permettre de se les réapproprier.

La première coopérative funéraire est née à Orvault, près de Nantes. A l'origine : un collectif de citoyen·ne·s inspiré·e·s par un mouvement québécois. En 2015, il a d'abord créé l'association pour des coopératives funéraires françaises. L'objectif : fonder et expérimenter une SCIC, une Société Coopérative d'Intérêt Collectif, puis communiquer et partager avec d'autres territoires, le fruit de cette expérience.

La SCIC est composée des travailleur·ses, et de tous ceux et toutes celles qui souhaitent acquérir une part sociale. Il·les siègent ensemble et décident à voix égale (une part égale une voix ; mais cent parts égalent une seule voix aussi…) au sein d'une assemblée générale. Autre différence de taille avec une entreprise « classique » : les bénéfices sont réinvestis dans la SCIC et non redistribués aux sociétaires.

En 2016, la Coopérative Funéraire de Nantes voyait officiellement le jour. Elle est habilitée à réaliser les mêmes services que n'importe quelle entreprise de son secteur d'activité. Avec toutefois des valeurs bien différentes. Elle lutte notamment contre la marchandisation standardisée du deuil. Son fonctionnement en SCIC lui permet d'échapper à une certaine pression économique et ainsi, de proposer aux familles des prestations à un prix juste.
Un prix juste ? C'est-à-dire transparent sur les coûts : combien coûtent exactement les prestations et services, et combien sont-elles au final facturées aux familles. Ce prix permet à la SCIC d'être à l'équilibre pour financer le salaire des employé·e·s, le fonctionnement des locaux, le paiement des fournisseurs…

Autre valeur importante : le respect des orientations culturelles, spirituelles et philosophiques de chacun·e. Des cérémonies peuvent être organisées en dehors de tout lieu de culte ou de salon funéraire. Par exemple, dans des jardins ou des lieux symboliquement importants pour le / la défunt·e.

Les obsèques sont également prévues pour impacter le moins possible l'environnement : la Coopérative Funéraire de Nantes travaille avec des artisans français ; les matériaux choisis pour les cercueils et l'élimination des substances toxiques favorisent le retour à l'écosystème par une meilleure décomposition de la matière.

En cette période particulière d'épidémie et de confinement, les coopératives funéraires doivent respecter les décrets mais aussi les arrêtés pris localement. Dans certains cas, les obsèques peuvent avoir lieu avec un maximum d'une vingtaine de personnes si elles conservent entre elles une distance d'un mètre cinquante. La coopérative de Nantes propose d'ores et déjà une cérémonie en deux temps : une en comité restreint juste après le décès ; une autre avec tous les proches dès que les conditions seront réunies, après le déconfinement.

Dess coopératives de ce type existent aussi à Rennes, Bordeaux... D'autres sont en réflexion comme à Dijon ou dans le Maine-et-Loire.
Plus d'informations sur https://reporterre.net/Les-cooperatives-funeraires-veulent-reenchanter-la-mort et https://www.cooperative-funeraire.coop/ et https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/maine-et-loire-ils-veulent-humaniser-la-mort-avec-une-cooperative-funeraire-932147d4-f2f2-11e9-8deb-0cc47a644868

Illustration : Cdd20.