Comment l'enfantement était-il accompagné avant l'apparition des sages-femmes ? Pourquoi la fonction s'est-elle professionnalisée ? Cette évolution sociologique est marquée par la figure d'Angélique du Coudray qui, au XVIIIe siècle, forma près de 5.000 femmes à travers toute la France. L'émission « Le Cours de l'Histoire » sur France Culture revient sur son parcours exceptionnel.
C'est Nathalie Sage-Pranchère, auteure d'une thèse de doctorat en histoire intitulée « L'école des sages-femmes : naissance d'un corps professionnel, 1786-1917 » (1), que Xavier Mauduit, producteur et animateur de l'émission, interrogeait le 12 mai 2020. Le podcast peut encore s'écouter sur le site de France Culture (2).
On y apprend notamment que dès le XIVe siècle, la France possédait la première et unique école de sages-femmes en Europe, située à l'Hôtel-Dieu de Paris. Avant cette époque (et longtemps après encore), si les pratiques variaient d'une classe sociale à une autre, selon qu'on habitait à la ville ou à la campagne, l'enfantement était majoritairement accompagné par des femmes, appelées accoucheuses ou matrones. Il n'était pas question de « professionnelles », mais de personnes suffisamment expérimentées pour être appelées à assister un accouchement.
A partir du XVIIIe siècle, naît une inquiétude : la population diminue et ce phénomène est associé notamment à la mortalité en couches (de la mère comme de l'enfant). C'est pourquoi, à partir de 1750, les formations des accoucheuses se généralisent.
Angélique-Marguerite Le Boursier du Coudray (dit Angélique du Coudray) est l'une d'entre elles. Née en 1714 à Clermont-Ferrand, elle a d'abord pratiqué la fonction de sage-femme à Paris, avant de retourner dans son Auvergne natale pour partager son savoir. En 1759, elle obtient un brevet royal et entame une itinérance à travers tout le pays qui durera 25 ans ; elle publie également un ouvrage illustré de gravures intitulé « Abrégé de l'art des accouchements » (3). Mais ce que l'histoire a retenu d'elle, c'est surtout sa « machine » de démonstration : un mannequin permettant à ses élèves de s'exercer précisément aux gestes gynécologiques et obstétricaux. Elle souhaitait ainsi pouvoir s'adresser à toutes les femmes, y compris celles de la campagne, peu instruites et peu lettrées.
Composé de toile et de peau, monté sur une armature de fer, le mannequin est présenté en position gynécologique. Il se compose de la partie basse du corps d'une femme et d'un fœtus, tous deux grandeur nature et reliés par un cordon ombilical. Des étiquettes cousues sur les différents éléments permettaient aux élèves d'apprendre à reconnaître les organes de la reproduction. En tenant le mannequin comme une marionnette, il·le·s pouvaient pratiquer le toucher du col utérin.
Déposée en 1778, il reste un unique exemplaire de ce mannequin au musée Flaubert et d’Histoire de la Médecine, à Rouen.
Au total, Angélique du Coudray aurait formé environ 5.000 femmes, ainsi que des chirurgiens. Ses relations avec ceux-ci étaient parfois houleuses, comme le raconte Nathalie Sage-Pranchère dans cette émission passionnante...
(1) Thèse soutenue en 2011 et publiée aux Presses Universitaires François Rabelais en 2017.
(2) https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/un-destin-pour-le-soin-quatre-figures-de-lhistoire-du-soin-et-de-la-medecine-24-angelique-du-coudray
(3) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9766051b.texteImage