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L'histoire de la Commune de Paris

Dans son spectacle J'ai la couleur des cerises et je ne suis pas morte, la compagnie « Oh ! Z'arts etc... » revient sur les faits marquants de La Commune de Paris. Elle n'a duré que 73 jours. Mais par les décisions prises par ses élus, par l'espoir qu'elle a suscité et aussi par sa fin tragique, elle marque l'Histoire de France.

communedeparis2Le contexte

• 19 juillet 1870 : déclaration de guerre de la France à la Prusse.

• 2 septembre 1870 : débâcle de l'armée française. Napoléon III est fait prisonnier.

• 4 septembre 1870 : les Parisiens manifestent et proclament la République. Un gouvernement provisoire de Défense nationale est mis en place. Le lendemain, se forme le Comité central des vingt arrondissements de Paris.

• 19 septembre 1870 : les Prussiens débutent le siège de Paris. Il durera 138 jours.

• 28 janvier 1871 : Armistice. Paris parle de « capitulation ».

• 8 février 1871 : élection de l'Assemblée nationale pour négocier la paix. La majorité est monarchiste.

• 17 février 1871 : l'Assemblée nationale se réunit à Bordeaux. Elle désigne Adolphe Thiers comme « chef du pouvoir exécutif de la République française ». Les Parisiens le surnomment « le roi des capitulards ».

• 1er mars 1871 : toujours à Bordeaux, l'Assemblée nationale ratifie les conditions de paix avec la Prusse, pourtant jugées humiliantes.

• 10 mars 1871 : l'Assemblée nationale décide de siéger à Versailles et pas à Paris.
Pendant ce temps, les Parisiens créent le Comité central de la Garde nationale, dont le but est de défendre la République.

• 17 mars 1871 : le conseil des ministres présidé par Adolphe Thiers décide de faire enlever les canons de Montmartre et d'arrêter ceux qui résistent.

Le début de la révolte

• 18 mars 1871 : la tentative de reprise des canons à Montmartre et Belleville échoue. L'armée refuse de tirer sur la foule.
Les autorités évacuent vers Versailles, les insurgés s'installent à l'Hôtel de Ville de Paris. Le pouvoir revient au Comité central, ne sachant cependant trop que faire de ce qu'il a involontairement recueilli.
Sa priorité : l'organisation d'élections.

• 22 mars 1871 : le mouvement gagne des villes de Province comme Lyon, Marseille, Saint-Etienne, Toulouse, Limoges, Narbonne… Il sera cependant de courte durée et souvent sévèrement réprimé.

• 26 mars 1871 : élections à Paris. Moins de la moitié des électeurs vont aux urnes. Deux Paris existent alors : le Paris populaire (au nord et à l'est) et le Paris plus riche (les autres arrondissements). La révolution communale, dès le départ, ne fait pas l'unanimité.

Naissance et vie de la Commune

• 28 mars 1871 : proclamation de la Commune. Le Comité central remet le pouvoir aux élus.
Au départ, 92 sièges étaient à pourvoir. Mais, au fil des démissions et des jours, et malgré des élections complémentaires, le nombre d'élus siégeant régulièrement est estimé à une soixantaine. Parmi eux, une majorité de révolutionnaires mais aussi des internationalistes.
Ils sont ouvriers, employés, instituteurs, patrons, journalistes, avocats, médecins, artistes…

• 29 mars 1871 : création de dix commissions comparables à des ministères. Mais la désorganisation règne.
Un des problèmes : le cumul des responsabilités. Les membres de la Commune siègent deux fois par jour, puis ils enchaînent avec le travail en commission, enfin retournent administrer leurs arrondissements.
Mais dans certains quartiers comme à Belleville, les comités d'arrondissement assurent.

Au niveau militaire, Elie Reclus (*) écrit : « Pendant les premiers jours de la Commune, l'organisation militaire fut aussi grotesque, aussi nulle qu'elle l'avait été pendant le siège ». Elle peine notamment à retrouver les stocks d'armes et de munitions que le gouvernement a pourtant laissé à Paris derrière lui.
Les forces sont faibles : en théorie, 234 bataillons et une quarantaine de compagnies, mais durant la Semaine sanglante, on estime à seulement 10.000 le nombre de combattants, contre 130.000 hommes du côté de Versailles...

Commune rue de Rivoli

Au niveau financier, les élus se refusent à prendre d'assaut la Banque de France. Ils empruntent. Mais alors que la Banque de France leur avance 20 millions, elle en avance 257 à Versailles !

• 3 et 4 avril 1871 : échec de la tentative de sortie des fédérés. Versailles fusille deux de leurs commandants sans jugement. En réaction, la Commune vote le décret des otages. L'article 5 dit : « Toute exécution d’un prisonnier de guerre ou d’un partisan du gouvernement régulier de la Commune de Paris sera sur-le-champ suivie de l’exécution d’un nombre triple des otages retenus en vertu de l’article quatre, et qui seront désignés par le sort ». Les otages sont des personnes arrêtées et jugées de complicité avec le gouvernement versaillais. Le décret ne sera que très tardivement et très épisodiquement appliqué.

• 11 avril 1871 : début des opérations menées par l'armée de Versailles pour reprendre Paris.
De leur côté, les insurgés créent l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés.

Les décisions importantes

• 2 avril 1871 : séparation de l’Église et de l’État. Le salaire des institutrices devient l'égal de leurs collègues masculins.
L'enseignement est très important pour la Commune. On parle d'« enseignement intégral », c'est-à-dire comprenant la culture générale et l'enseignement professionnel. Edouard Vaillant (**) écrit : « Il faut qu'un manieur d'outils puisse écrire un livre, l'écrive avec passion, sans pour autant se croire obligé d'abandonner l'étau ou l'établi. Il faut que l'artisan se délasse du travail journalier par la culture des arts, des lettres ou des sciences, sans cesser pour autant d'être un producteur. »

La scolarisation à Paris est plutôt satisfaisante. Le problème est surtout la déconfessionnalisation, pas toujours bien acceptée par la population. La laïcisation de l'enseignement est toutefois décrétée le 19 mai 1871.

affichette

• 14 avril 1871 : 400 artistes se réunissent autour de Gustave Courbet pour fonder la Fédération des artistes parisiens. Un comité élu, composé de 47 peintres, sculpteurs, architectes, graveurs et lithographes, proclame la liberté de l'art, dégagé de toute tutelle. Il rouvre les musées, ferme les écoles jugées trop académiques comme les Beaux-Arts, supprime les récompenses officielles et fonde l'Officiel des arts, un journal ouvert à toutes les opinions.

• 16 avril 1871 : décret sur la réquisition des ateliers abandonnés. La création des associations et des coopérations est encouragée.
D'autres mesures importantes sont prises durant la Commune en matière de droit du travail comme, par exemple, la suppression du travail de nuit pour les ouvriers-boulangers, la création de bureaux de renseignements pour le placement des ouvriers, l'interdiction des amendes et de retenues sur salaires…

Des mesures impopulaires

Certaines mesures prises sont jugées impopulaires comme l'interdiction des jeux de hasard, la fermeture des « maisons de tolérance », l'arrestation de tout citoyen en état d'ivresse… semble-t-il très théorique. Mais certains dénoncent une « dérive policière » : la Garde nationale arrête, réquisitionne, perquisitionne dans les églises et les maisons des riches qu'elles pillent aussi parfois.
La presse est censurée. Sous la Commune, une trentaine de journaux disparaissent.
En revanche, Le Cri du Peuple et le Père Duchêne dominent. Ce dernier n'est pourtant pas toujours tendre avec l'assemblée communale. Les affiches fleurissent, devenant un véritable moyen d'information et de propagande.

La Semaine sanglante

• 21 mai 1871 : les troupes de Versailles entrent dans Paris par la porte de Saint-Cloud. Facilement : il n'y a personne sur les murailles.
Après trois jours de combat, la moitié de la ville est prise.

• 25-28 mai 1871 : les insurgés résistent, notamment sur le canal Saint-Martin et le boulevard Richard-Renoir. Les combats se déroulent au canon et au corps-à-corps. Le 28 mai, Belleville est le dernier quartier à tomber.

Les versions varient mais on estime à environ 20.000 le nombre de victimes dans les rangs des Communards. Louise Michel (***) jugera que l'armée versaillaise a pratiqué « la curée froide » : des cours de justice sommaires, puis des « abattoirs » où on fusillait à la chaîne, parfois à la mitrailleuse. Officiellement, le nombre d'arrestations est de 43.522. Parmi lesquels, 651 enfants dont un quart n'avait pas 15 ans.
Du côté versaillais, le bilan officiel compte 877 tués, 183 disparus et 6.454 blessés.



Louise Michel

Et après ?

• Juin 1871 : des conseils de guerre sont mis en place. On juge et on condamne encore en 1877… Les peines sont variées : prison, déportation, travaux forcés…

• 11 juillet 1880 : l'amnistie totale suit une série de grâces. Elle permet la libération de 541 hommes, 9 femmes dont la célèbre Louise Michel, déportée durant sept ans en Nouvelle-Calédonie.

En 1876, les élections ont donné la majorité aux Républicains à l'Assemblée nationale. A leur retour, certains Communards poursuivent leur combat en politique. Ils prennent différents chemins : socialisme, communisme, boulangisme… D'autres meurent dans la misère et l'oubli.

• 23 mai 1880 : première commémoration au mur des fédérés, cimetière du Père Lachaise à Paris.

(*) Elie Reclus : de son vrai nom Jean-Pierre Michel Reclus (1827-1904), journaliste, écrivain et ethnologue, militant anarchiste. Durant la Commune, il sert comme brancardier dans la Garde nationale avant de devenir directeur de la Bibliothèque nationale. Poursuivi par les Versaillais, il s'enfuit en Suisse et finit ses jours en Belgique.

(**) Edouard Vaillant (1840-1915) : homme politique socialiste, élu durant la Commune de Paris, délégué à l'Instruction publique. Exilé à Londres après la Semaine sanglante, il rentre dans son Cher natal en 1880. Il est élu conseiller municipal à Vierzon, puis député de la Seine. Il finira sa vie à Paris, mais est inhumé à Vierzon.

(***) Louise Michel, de son vrai nom Clémence-Louise Michel (1830-1905) : institutrice, militante anarchiste aux idées féministes. Elle est très active durant la Commune de Paris, y compris en première ligne. De retour en France après sa déportation, elle reprend ses activités militantes auprès des travailleurs. Elle est plusieurs fois arrêtée et emprisonnée. Dans les dix dernières années de sa vie, elle anime de nombreuses conférences, notamment sur le féminisme. Elle s'est éteinte à Marseille.

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Sources

  • Paris insurgé, la Commune de 1871, Jacques Rougerie (aux éditions Gallimard)

  • La Commune de 1871 - l'événement, les hommes et la mémoire, Claude Latta (publication de l'Université de Saint-Etienne citée sur le site de l'association des Amies et amis de la Commune de Paris : http://www.commune1871.org)

  • Histoire de la Commune de 1871, Prosper-Olivier Lissagaray (éditions La Découverte)