Alice est aussi une habitante du Cher et une lectrice de (Re)bonds. Elle a souhaité partager un album qui la touche. Engagé, il est parfait pour accompagner la lecture de ce numéro.
« Je me souviens très bien de la première écoute de cet album. Fin 2019. Dans une voiture lancée à grande vitesse, mon amoureux glisse dans l'autoradio ce nouveau CD qu'il vient d'acquérir et les premières notes se déversent dans l'habitacle. Puis, très vite, la voix puissante de Mathieu Hamon éclate et me subjugue. Les morceaux défilent, comme les kilomètres, et je me laisse porter par les mots, les paroles, parfois drôles, parfois glaçantes, de ces chansons de luttes et de rébellion...
Un an et bien des écoutes plus tard, cet album n'a rien perdu de son aura. « Il me fout toujours les poils », diraient certain·e·s. J'y ai découvert des subtilités... les voix de Mathieu Hamon et Rosemary Standley qui s'entremêlent, les mélodies entêtantes qui transmettent autant que les paroles l'univers de la chanson, et qui font voyager, rêver, crier, pleurer... chanter.
La composition est pointue, les textes poignants, la direction artistique de haute volée, le jeu précis et magistral.
Il faut dire que le Hamon-Martin Quintet n'en est pas à son coup d'essai, même si cet album se démarque des précédents. À l'origine, un duo formé à la fin des années 90 par Janick Martin à l'accordéon et Erwan Hamon aux bombardes et aux flûtes, plus tard rejoints par Mathieu Hamon au chant, puis Ronan Pellen au cistre pour finalement constituer, au début des années 2000, un quintet avec Erwan Volant à la basse. Depuis, le groupe est devenu une référence dans le milieu des musiques et danses traditionnelles, interprétant en fest-noz et en concert un répertoire de danses de Haute-Bretagne et de chants gallo.
Si cet opus crée la rupture, c'est qu'il est pour la première fois autant, voire plus, consacré à la chanson qu'à la danse, et qu'il puise ses références chez des auteurs d'après-guerre et des années 60, 70, de poèmes et de compositions engagées : Georges Brassens, Gaston Couté, Brigitte Fontaine, Charles Trenet, Leonard Cohen, Gilles Vigneault, Glenmor.
À ce répertoire de chansons populaires s'ajoutent quelques morceaux issus d'un répertoire traditionnel, ainsi que des textes écrits ou co-écrits avec Sylvain Girault, parolier régulier du groupe depuis 2007.
De ces diverses sources, résulte un univers malgré tout homogène, à tel point que j'ai cru longtemps (néophyte que je suis) que tous les morceaux étaient des compositions du groupe. Je le perçois comme un pont entre le Moyen-Age et nos jours, dénonçant les violences de la guerre, de la pauvreté, du pouvoir et de la domination (sur les hommes, les femmes, la terre). Il est servi par l'interprétation harmonieuse et percutante du Hamon-Martin Quintet qui s'est entouré pour l'occasion de trois invités : Rosemary Standley, chanteuse du groupe Moriarty ; Raphaël Chevé à la batterie ; Julien Padovani aux claviers et à la direction artistique. De cette enrichissante collaboration, est né un « album-monde » revendicatif dont les notes poétiques et politiques – aux accents parfois désenchantés mais jamais défaitistes – se teintent de jazz, de rock, de tonalités orientales, ici d'un lai médiéval, là d'une ballade sautillante, jusqu'à ce qu'un plinn à la bombarde fuse d'un coup et nous secoue.
Pour finir, même si je conseille d'écouter l'album entièrement, comme la création complète et aboutie qu'il est, j'aimerais citer parmi mes chansons préférées :
- « cerises d'amour », un hymne à clamer sur tous les trottoirs ;
- « brin d'herbe », pour la poésie douce-amère de Brigitte Fontaine ;
- « la perdrix blanche », chant traditionnel réveillé par les arrangements presque didactiques qui ajoutent un instrument ou une couleur à chaque couplet.
Bonne écoute ! »
« Clameurs » est disponible chez Coop Breizh : https://www.coop-breizh.fr/9197-hamon-martin-quintet-clameurs-3359340163133.html