Au magasin général, on trouve tout ce dont les habitant·es d'un village ont besoin : de quoi manger, bricoler, raccommoder… Mais on trouve aussi, concentrés là, tous les éléments qui font la vie : les joies et les peines, les sourires et la rancœur, l'enthousiasme et la peur… C'est ce que les bédéistes Régis Loisel et Jean-Louis Tripp racontent dans cette série devenue un classique, parfaite pour les (re)lectures d'hiver.
Régis Loisel est l'auteur bien connu des séries de bandes dessinées « Peter Pan » et « La Quête de l'oiseau du temps », notamment (1).
Avec Jean-Louis Tripp (2), il signe là une collaboration singulière. En effet, pour « Magasin Général », il a mis en place les personnages et réalisé les crayonnés préparatoires des planches, tandis que Tripp a assuré les dessins définitifs et les dialogues. Chaque auteur a un univers particulier et pourtant, l'alchimie prend.
On entre facilement dans cette histoire, à travers les images mais aussi les sons : la langue que Tripp utilise fait chanter les mots à la façon québécoise, grâce à l'accent, aux expressions savoureuses et aux jurons de nos cousin·es d'Outre-Altlantique. Après quelques minutes d'adaptation, on entend parfaitement les personnages parler.
Mais que racontent-ils dans « Magasin Général » ? L'histoire se situe à Notre-Dame-des-Lacs, une petite bourgade du Québec, à la fin des années 1920. Marie est tout juste veuve et héritière de l'épicerie-quincaillerie, un commerce vital pour toute la communauté, notamment lorsque celle-ci se trouve isolée par la neige durant les longs mois d'hiver.
La vie s'écoule paisiblement au gré des saisons, jusqu'à ce qu'arrive Serge, un homme de la ville de Montréal, tombé en panne de moto et précisément bloqué par la météo. Marie lui propose de l'accueillir sous son toit et c'est toute la communauté qui s'en trouve perturbée !
Le contenu de la série offre plusieurs degrés d'intérêt : historiquement, elle retrace l'existence difficile des campagnes entre les deux guerres ; socialement, elle rend compte des interactions entre des familles habituées à vivre quasiment en vase clos. Mais elle parle aussi d'indépendance, d'amour, de partage, de droit à la différence…
Ainsi, dans le premier tome, on découvre une Marie réservée et docile, que tou·tes les habitant·es exploitent à leur manière. Mais l'arrivée de Serge va introduire le soupçon de curiosité et d'audace qui lui manquait pour vivre pleinement sa vie sans plus se soucier du regard des autres. Elle osera les amitiés sincères, les amours interdites, les voyages, la danse, la maternité… Elle s'affirmera en tant que femme, mais plus que tout, en tant qu'être singulier au cœur d'un collectif qu'elle chérit pourtant.
D'autres personnages tels que Noël (le vieux fou qui construit son bateau), Réjean (le curé progressiste décidément pas comme les autres), Gaëtan (le « simple d'esprit ») ou encore les sœurs Gledu (les trois bigotes) contribuent à rendre cette histoire passionnante, drôle et touchante.
« Magasin Général » est paru entre 2006 et 2011 aux éditions Casterman (3). La série est toujours disponible dans les librairies et empruntables dans la plupart des médiathèques.
(1) https://regisloisel.com/
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Tripp
(3) https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Collections-series/albums/magasin-general