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L'histoire des hmong

Comment et pourquoi la communauté hmong est-elle présente en France ? Un bref historique nous rappelle d’où elle vient et les événements qui ont lié à jamais les deux peuples.

Les origines des hmong et leur arrivée au Laos

Au troisième siècle avant Jésus-Christ, le peuple hmong, parent du peuple mongol, vit dans la région du lac Baikal au nord de la Mongolie.

Il entame ensuite une lente progression vers le sud à travers les provinces chinoises, dans lesquelles il essaie de se fixer sans se mêler aux autochtones (1), ce qui lui vaut l'hostilité de ceux-ci. Vaincu dans le Hebei et dans le Hunan, il trouve une relative stabilité dans le Yunnan, une province du sud-ouest de la Chine, où résident encore huit millions de hmong.

Au XIXe siècle, il essaime en Birmanie (région du Triangle d'Or), en Thaïlande, au Tonkin (province de Lao Cai), puis au Laos (plateau du Tran Ninh). Le Laos devient une colonie française en 1894 et en 1887 fait officiellement partie de l’Indochine française. C'est sur les montagnes de l'actuel Laos que les hmong sont encouragées par les français à cultiver le pavot et à produire de l'opium pour l'export vers la Chine, ce qui donne lieu aux guerres de l'opium (2).

Aux côtés des français

Pendant la Seconde Guerre mondiale le Japon profite de la faiblesse de l’État français, attaqué par les allemands, pour occuper l’Indochine. Durant cette occupation, l’indépendance du protectorat du Laos est proclamée avec l’installation d’une république nommée « Pathet Lao », appuyée par des personnages proches des communistes comme Ho Chi Min et de l’organisation Viet Minh.
Après la capitulation japonaise, le Premier ministre indépendantiste Phetsarath Rattanavongsa, qui souhaite éviter le rétablissement du protectorat, se trouve en conflit avec le roi de Luang Prabang, Sisavang Vong, favorable aux français. L’absence d’organisation et de ressources économiques mettent fin à cette expérience, et les français reprennent le contrôle du pays en 1946.

En 1947 naquit le Royaume du Laos, une monarchie parlementaire avec le roi de Luang Prabang, Sisavang Vong, qui fut donc le premier souverain du Laos unifié.
Mais en fait, deux factions opposées s’affrontent au sein du pays : une plus proche du protectorat français, une autre qui souhaitait l’indépendance du Pathet Lao, qui continue d’exister à travers des gouvernements en exil.

Ouvertement déclenchée fin 1946, la guerre d'Indochine oppose le Viet Minh à la France. Pendant ces années, la France accorde une autonomie accrue au Laos, et une partie des indépendantistes en exil décident de rentrer au pays. Petit à petit, le Pathet Lao reconstitue ses forces, établit des bases sur le territoire laotien et diffuse sa propagande dans les villages.
Entre 1951 et 1952, le Pathet Lao avec l’aide des nord-vietnamiens, et le Royaume du Laos avec l’aide des français constituent chacun leur propre milice.

Peuple de combattant·es renommé·es, les hmong, pour la plupart adversaires du Viet Minh pour motifs ethniques et politiques, soutiennent la France. En 1953, une armée de 40.000 membres du Viet Minh soutenus par plus de 2.000 militantes du Pathet Lao, occupe le nord-est du pays.
Commence ainsi la guerre civile laotienne, qui se poursuit pendant la guerre du Vietnam, jusqu’en 1975.

Les chefs des clans hmong qui soutiennent les français animent une lutte acharnée à Dien Bien Phu. En 1954, affaiblie par la guerre d’Indochine, la France décide de quitter le Laos et abandonne les hmong. Les accords de Genève (juillet 1954) marquent la fin de la guerre d’Indochine et l’indépendance du Laos, du Vietnam et du Cambodge, ainsi que la séparation du Vietnam en deux parties : le nord sous le contrôle des communistes de Ho Chi Min et le sud sous le contrôle des anti-communistes.

 

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La guerre au Vietnam et le soutien aux américains

Dans le contexte de la guerre du Vietnam, en 1957, les États-Unis avec la CIA engagent dans le Laos (considéré comme pays neutre) une série d’opérations cachées contre les nord-vietnamien·nes et leurs allié·es communistes du Pathet Lao. Le général hmong Vang Pao met une armée au service des américains, de plus de 30.000 militants hmong (lire aussi les (Ré)créations).

Durant cette période, les américains créent la base aérienne militaire de Long Tien, qui devient une des plus importantes installations américaines sur sol étranger, un des aéroports le plus fréquenté au monde, mais aussi la deuxième ville la plus importante au Laos : une vraie micro-nation avec ses banques, ses écoles, les bureaux militaires et plusieurs autres services à l’occidentale. A l’apogée de son activité, Long Tien compte une population d’environ 300.000 habitant·es, dont 200.000 hmong. 

L'exil des hmong

Après le départ des français en 1954 à la fin de la guerre d'Indochine, puis des américains en 1975 après la guerre du Vietnam, les hmong, considéré·es comme des traîtres par le gouvernement, sont obligé·es de fuir vers la Thaïlande voisine en franchissant le Mékong, fleuve frontière, pour éviter l’extermination.

Les hmong ont perdu 20.000 soldats dans le conflit aux côtés des américains ; 50.000 civil·es ont été tué·es ou blessé·es et 120.000 ont dû quitter leur maison.
En Thaïlande, il·les sont alors regroupé·es dans des camps de réfugié·es où les conditions de vie sont assez rudes. Parmi les 54.000 réfugié·es laotien·nes, seulement 10.000 ne sont pas d’ethnie hmong. Non seulement la population craint persécutions et représailles, mais la guerre a détruit de grandes zones agricoles, avec bombardements ou défoliants chimiques. De plus, des milliers de hmong ont été habitués à compter sur les denrées lâchées par l’aviation américaine, sur les aides des centres sociaux, sur les revenus de soldat : sans ces moyens de subsistance, ils peuvent difficilement survivre dans leur pays.

A partir de 1976, la France décide d'accueillir sur son territoire des hmong, car ces derniers ne peuvent rester en Thaïlande. Ils vivent aussi une forte émigration vers les États-Unis et la Guyane. En France métropolitaine, leur nombre est estimé alors à près de 20.000, dont une grande partie se retrouve dans la région de Paris, de Toulouse, de Chartres, de Rennes, d'Amboise, de Tours et de Nîmes.

Aujourd'hui

Depuis les accords de Paris de 1973, les hmong ont subi des violations répétées de leurs droits fondamentaux au Laos mais aussi au Vietnam. La communauté hmong n’est pas intégrée à la société laotienne et subit au quotidien de très nombreuses discriminations attribuables d’une part à leur appartenance ethnique et d’autre part à leurs convictions politiques. On peut notamment retenir le manque d’accès au système d’éducation ou de santé.

Entre la fin du conflit et les années 2000, la réaction internationale face à cette oppression abusive a été molle. Dans la grande majorité des cas, les conditions de vie de la population hmong est méconnue. Obligé·es de fuir puisque pourchassé·es, il·les sont contraint·es d’êtres nomades. Dans les campagnes du Laos, la moitié des enfants de moins de cinq ans ne reçoivent pas une alimentation suffisante, et cela est pire encore dans les régions plus isolées, comme dans les montagnes.
L’impossibilité d’action des organisations non gouvernementales et de l’ONU provient du fait que l’armée laotienne bloque le passage de la montagne Xieng Khuang. Les autorités communistes tentent de dissimuler la situation. L’accès étant impossible, presque aucun reportage n’a pu être réalisé afin de la dénoncer ouvertement et sur la scène internationale.
Toutefois, en 2003, Philip Blenkinsop a bravé les interdictions imposées par le gouvernement laotien pour partir à la rencontre des dernieres résistantes hmong. Il a remporté en 2004 le World Press avec son reportage intitulé « La guerre secrète au Laos » (lire aussi les (Ré)créations).

Depuis le début des années 2000, plusieurs organisations internationales ont rédigé des rapports dénonçant la situation des minorités au Laos mais à chaque fois qu’une institution internationale demande des explications au gouvernement, celui-ci accuse ces institutions de vouloir interférer dans ses affaires internes. 
En 2005, en France, la polémique autour des conditions de vie de cette population qui a combattu aux côtés des français pendant des années s’intensifie et plusieurs personnalités politiques accusent le gouvernement de ne pas réagir.
Malgré le dialogue ponctuel et de long terme que la France entretient avec le Laos, notamment grâce au député du Cher Yves Fromion (3), la situation évolue avec difficulté.

En juillet 2018, dans une déclaration devant le Comité International des Droits de l’Homme, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) a dénoncé encore une fois le non-respect par le Laos de ses obligations internationales. En effet, le pays est non seulement accusé de ne pas respecter la liberté d’opinion et d’expression, mais également de réprimer systématiquement la dissidence.
L’évaluation des Nations Unies sur l’état des droits de l’Homme au Laos en juillet 2018 a aussi mis en lumière la violation quasi-systématique des droits civils et politiques de toute personne ne suivant pas les lignes communistes du gouvernement. Ce rapport a témoigné de l’ambiance répressive du pays.


(1) L'histoire mouvementée de ce peuple s'explique en partie par sa culture clanique. Un clan est composé de la descendance masculine d'un ancêtre célèbre. Les mariages ne sont autorisés qu'entre certains clans. Les douze premiers clans sont Yang, Xiong, Vu, Vang, Thao, Moua, Lo, Ly, Hang, Her, Tcha et Khang. Aujourd'hui, il existe vingt et un clans. La revendication de sa propre autonomie par chaque chef de clan entraîne des choix politiques différents. Par exemple, la France avait distingué MOUA Yong Kai au XIXe siècle et LY Foung ; en 1945, LO Faydang se relia au Japon, puis au Viet Minh et au Pathet Lao. La collaboration du clan LO avec le gouvernement permet aujourd'hui à celui-ci de prétendre qu'il ne persécute pas les hmong, alors que LY Foung est mort en camp de déportation et MOUA Toua Ther a subi les bombardements chimiques de l'aviation communiste.
(2) Les guerres de l’opium sont des conflits motivés par des raisons commerciales : la Chine de la dynastie Qing voulait interdire le commerce de l’opium produit par les pays occidentaux dans leur colonies au XIXe siècle. Pendant la guerre d'Indochine au Laos, et pendant la guerre du Vietnam dans le contexte de la Guerre Froide qui, ici, était « chaude » et particulièrement sanglante, la CIA et les États-Unis utilisèrent les hmong comme supplétifs, leur fournirent de l'armement et achetèrent à leur tour leur production d'opium. De ce fait, les hmong engagées dans ce conflit du côté occidental étaient promis à une mort certaine par les combattants communistes en tant que collaborteur·ices des envahisseurs impérialistes. Source : wikipedia « Hmong » et « Guerres de l’opium ».
(3) https://www.senat.fr/questions/base/2005/qSEQ051220846.html