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Une brève histoire de l'Afghanistan

C'est un pays dont l'histoire, complexe, est marquée par des conflits inter-ethniques et religieux, mais aussi par l'ingérence de nations extérieures. De son appartenance à un empire au royaume, puis à la république et finalement, à la dictature… comment l'Afghanistan s'est-il transformé au fil des siècles ? Pourquoi a-t-il toujours attiré les puissances étrangères ?

L'Afghanistan est situé en Asie Centrale, sur une surface de 650.000 km².

Environ 35,5 millions d'habitant·e·s y vivent selon une estimation de 2018. Il·le·s proviennent de différentes ethnies : les Pachtounes (qui représentent la majorité de la population), les Tadjiks plutôt au nord, les Baloutches au sud, les Hazaras (descendant·e·s des Mongols) au centre, les Turkmènes, les Ouzbeks, les Aïmaks, les Pamiris et les Nouristanis.
Tou·te·s sont musulman·es, majoritairement sunnites ; 15 % de la population est chiite.

La capitale est Kaboul. Les autres principales grandes villes du pays sont Kandahar, Harat et Mazar-e Charif.

Les langues officielles sont le persan afghan (dari) et le pachtou.

Le pays est en majeure partie montagneux et aride, ouvert par quelques vallées. Au centre, se trouve la chaîne de l'Hindou Kouch.

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L'Afghanistan antique et médiéval

D'abord province de l'Empire iranien, le territoire sur lequel se trouve l'actuel Afghanistan a été hellénisé après la conquête d'Alexandre, au IVe siècle avant Jésus-Christ.
Jusqu'au Ve siècle, il est influencé par le bouddhisme avant d'être intégré progressivement au monde musulman, notamment à partir de l'invasion arabe au VIIe siècle.

Aux XIe et XIIIe siècles : invasions turques puis mongoles.

L'époque moderne

XVIe et XVIIe siècles : le pays est partagé entre l'Inde et l'Iran.

1747 : première dynastie nationale afghane fondée par les Pachtounes.

Le Grand Jeu

1839-1842 et 1878-1880 : guerres anglo-afghanes également appelée « Le Grand Jeu ».
Face à la menace expansionniste russe sur les Indes Britanniques, le Royaume-Uni déclenche un premier conflit contre la Russie depuis l'Afghanistan. Mais en 1842, son armée est décimée par une révolte populaire.
Le deuxième conflit débute avec la conquête de Kaboul et de Kandahar par le général Roberts.

1907 : traité anglo-russe qui donne son autonomie à l'Afghanistan.

1919 : reconnaissance de l'indépendance de l'Afghanistan par les Britanniques, concrétisée par un traité en 1921.

Le royaume d'Afghanistan

1926 : le royaume d'Afghanistan est fondé par l'émir Amanullah.

1929 : Amanullah abdique au profit de musulmans traditionalistes.
Puis le général Mohammed Nadir Shah devient roi.

1933 : mort de Mohammed Nadir Shah. Muhammad Zaher Shah lui succède.
Il a pour ambition de moderniser son pays et l'ouvre progressivement aux investissements étrangers, notamment soviétiques, et aux touristes.

Via leurs investissements (par exemple à l'université) et des programmes de formation qui permettent aux jeunes Afghans de faire leurs études en URSS, les idées socialistes se propagent, principalement dans la société urbaine.
L'écart se creuse entre les villes comme Kaboul où souffle un vent de liberté et d'égalité entre hommes et femmes, et les campagnes qui restent très attachées aux traditions, notamment religieuses.

 

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La proclamation de la République

1973 : coup d’État contre le roi par son cousin Mohammed Daoud. Proclamation de la République.

1978 : coup d’Etat du Parti Démocratique du Peuple Afghan (PDPA) appuyé par l’Union soviétique qui installe un gouvernement communiste. Muhammad Taraki devient président de la nouvelle République démocratique d'Afghanistan.

1979 : coup d'état d'Hafizullah Amin, jusqu'ici premier ministre.
Répression sanglante de tous les opposants, notamment des islamistes.
Les moudjahidins (1) se préparent à la guerre.

Léonid Brejnev, qui dirige l'URSS, s'inquiète de la situation politique en Iran et craint que l'Afghanistan ne l'imite en installant une république islamique.

L'Afghanistan a une longue frontière avec l'URSS, et c'est aussi un pays stratégique pour l'accès à l'océan indien.

L'invasion russe

1979-1989 : intervention militaire de l'URSS pour éviter la prise de pouvoir des combattants islamistes opposés aux communistes.
Assassinat de Hafizullah Amin. L'URSS installe Babrak Karmal à sa place.

Les moudjahidins résistent, soutenus financièrement par les Américains et l'Arabie Saoudite via le Pakistan.

1986 : Mohammed Nadjibullah remplace Babrak Karmal.

 

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1989 : l'Armée rouge se retire. L'URSS n'aura jamais réussi à contrôler le pays. La guerre a fait environ un million de mort·e·s et cinq millions de personnes ont fui vers l'Iran et le Pakistan.

La guerre civile

Début de la guerre civile entre le gouvernement afghan et les moudjahidins, eux-mêmes divisés : les Tadjiks dirigés par le commandant Ahmad Shah Massoud sont soutenus par l'Inde ; les Pachtounes du fondamentaliste Gulbuddin Hekmatyar sont soutenus par le Pakistan.

Environ 15 % de la population pakistanaise est pachtoune : c'est la deuxième composante ethnique du pays. Elle vit le long de la frontière avec l'Afghanistan.

1992 : renversement de Mohammad Nadjibollah au pouvoir depuis 1986, par le commandant Massoud et son Alliance du nord pour l'instauration d'un régime islamiste.
Affrontement de factions rivales pour le contrôle du pays.

1994 : création des Talibans (2) à Islamabad au Pakistan.

1996 : les Talibans s'emparent du pouvoir et imposent un islamisme rigoriste.
Proclamation de l'Emirat islamique d'Afghanistan dirigé par le mollah Omar depuis Kandahar, bastion des Talibans.
C'est lui qui offre sa protection à Oussama ben Laden.

Pour les combattre, est créé un Front islamique uni conduit par le commandant Massoud.

L'occupation américaine

2001 : assassinat de Massoud (le 9 septembre). Il est remplacé par le général Mohammad Fakhim.

Attentats à New-York (le 11 septembre).

Le 7 octobre, les Etats-Unis, soutenus par la communauté internationale, s'engagent dans une guerre en Afghanistan contre les responsables présumés de ces attentats : les membres du réseau Al-Qaïda (3), l'un de leurs chefs, Oussama ben Laden, et les Talibans qui les soutiennent.
Le régime des Talibans s'effondre en novembre. Une grande partie d'entre eux trouvent refuge au Pakistan.

 

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2002 : formation du grand conseil traditionnel des chefs de tribu, la Loya Jirga, qui doit élire le président par intérim et organiser les institutions. Elle choisit Hamid Karzaï, chef pachtoune considéré comme modéré, pour 18 mois.

2004 : adoption d'une nouvelle Constitution par la Loya Jirga et d'un régime parlementaire à deux chambres. Hamid Karzaï est élu président de la République islamique d'Afghanistan au suffrage universel, avec 55,4 % des voix.

2005 : élection du Parlement. Les partisans d'Hamid Karzaï l'emportent.

Fin des années 2000 : Hamid Karzaï entame des discussions avec les Talibans, qui n'aboutiront pas. Pour eux, le préalable à tout accord est le départ des troupes étrangères du pays et que le régime politique soit inspiré par la Charia (4).

2009 : Hamid Karzaï est réélu président.

Décembre 2009 : Barack Obama, président des Etats-Unis, annonce le retrait progressif des troupes américaines (soit 100.000 soldats et civils).

Depuis 2014 : gouvernement d'union nationale présidé par Ashraf Ghani. Mais l'ensemble du territoire est loin d'être contrôlé par ce gouvernement.
Des combats disparates et des attentats suicides ont toujours lieu.

La même année, l'OTAN réduit ses troupes sur place, qui passent de 130.000 à 16.000 soldats.
L'armée nationale afghane, qui doit prendre le relais, est composée de 300.000 soldats. Mais elle est réputée mal préparée, mal équipée et sujette à désertion.
L'insécurité augmente.

2015 : apparition dans le pays d'une branche de Daech, l’Etat islamique khorassan. Ses membres sont souvent d'anciens Talibans pakistanais ou des membres de Daech en Syrie.

Les Talibans s'opposent à Daech, ce qui provoque de nouveaux combats et de nouveaux attentats suicides.

Des programmes d'investissements et de coopération sont lancés par des puissances économiques étrangères telles que la Chine et l'Inde : routes commerciales, gazoduc, réseau d'électricité, liaison ferroviaire...

Le retour des Talibans

2020 : signature d'un accord entre les Etats-Unis et les Talibans, au Qatar. Une trentaine de pays ont participé aux discussions. L'accord prévoit notamment le retrait sous quatorze mois des troupes américaines et l'ouverture de négociations de paix avec le gouvernement afghan.

Nouvelles élections présidentielles : la commission électorale afghane donne Ashraf Ghani vainqueur mais Abdullah Abdullah, autre candidat, conteste les résultats et compose un gouvernement parallèle. Un accord entre les deux parties sera finalement trouvé et un gouvernement mixte constitué.
Mais Ashraf Ghani est considéré comme « la marionnette des Etats-Unis ».

2021 : les troupes américaines débutent leur retrait définitif.
Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), entre 32.000 et 60.000 civil·es afghan·es ont été tué·es depuis le début du conflit entre les troupes américaines et les Talibans.

Ceux-ci profitent du départ des Américains pour lancer une ultime offensive, et prennent le contrôle de Kaboul et de la majeure partie du pays le 15 août. Le président Ashraf Ghani quitte le pays pour les Emirats Arabes Unis.
La résistance afghane est menée par Amrullah Saleh et Ahmad Massoud, fils du commandant Massoud. Elle poursuit les combats, notamment dans la vallée du Panchir et appelle à un soulèvement national.

Le 7 septembre, les Talibans annoncent la constitution de leur gouvernement avec, à sa tête, le mollah Mohammad Hassan Akhund. Abdul Ghani Baradar, cofondateur des Talibans, est le numéro deux.

 

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Dans tout le pays, des manifestations éclatent en faveur des libertés, organisées notamment par des femmes. D'abord dispersées, elles ont été interdites par les Talibans.

(1) Terme qui signifie « combattants musulmans de la guerre sainte ».
(2) Terme qui signifie « les étudiants de la religion ».
(3) Terme qui signifie « la base ».
(4) « Le chemin qu'il faut suivre » : loi canonique islamique régissant la vie religieuse, politique, sociale et individuelle, appliquée de manière stricte dans certains Etats musulmans.

 

Les sources