« Le réel exil commence lorsque le présent est confisqué. Quand on est condamné à rêver le temps d'avant et attendre l'avenir. »
Chawki Abdelamir
Je n'ai aucune idée de ce qu'il peut ressentir, aucune. » C'est la première phrase qui me vient à l'esprit lorsque j'aperçois au loin, la silhouette voûtée de Mohammad Hussain. Il est assis sur un banc, à l'ombre d'un tilleul. Je ne vois que son dos, vêtu d'un polo rouge. J'imagine son visage penché sur son smartphone, les yeux rivés aux mauvaises nouvelles.
Non, je n'ai aucune idée de ce que peut ressentir ce garçon afghan : je ne suis pas née durant la guerre ; je n'ai pas dû quitter mon village, ma famille, mes ami·e·s ; je n'ai pas eu à marcher durant des centaines de kilomètres ; je n'ai jamais subi de fouilles au corps ; je ne me suis jamais cachée pendant des mois pour éviter des contrôles de police ; je n'ai jamais vraiment eu peur… Je suis une femme blanche, occidentale, qui vit dans un pays en paix.
C'est pourquoi, j'ai d'abord voulu que ce soit Hussain lui-même qui raconte son histoire. Il me semblait que son niveau de français serait suffisant. Je l'invitais à écrire un peu chaque jour, sur son parcours, et sur les événements récents qui secouent l'Afghanistan.
Mais, finalement, sa parole s'est écoulée comme une rivière trop longtemps retenue. Nous avons pris place dans un parc de Bourges, où il vit aujourd'hui. Dans sa voix, ni colère ni crainte ; juste l'énergie franche de celui qui veut témoigner et faire passer un message : l'Afghanistan n'est pas tombée aux mains des Talibans, elle leur a été donnée. Machinalement, j'ai sorti mon carnet et mon crayon. Il m'a laissé faire. Je l'ai écouté. Nous étions finalement chacun·e à notre place.
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Premiers souvenirs
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Le premier souvenir qu'Hussain a des Talibans remonte à l'an 2000. Le petit garçon a quatre ans. Il vit dans la province montagneuse de Maidan Wardak, dans une famille hazara (1) composée de ses parents, ses deux sœurs et son frère. Son père est cultivateur. Durant la guerre contre les Soviétiques (2), il a fait partie d'une faction résistante appelée « Mazârî ».
« Je me souviens d'une nuit où mon oncle, qui était dans l'armée, est venu nous prévenir de l'arrivée des Talibans, raconte Hussain. Nous avons marché environ dix heures dans la montagne. Nous sommes resté·e·s caché·e·s pendant deux mois. Quand nous sommes retourné·e·s au village, il y avait deux Talibans qui y étaient postés : un chef de District et un juge. Ils contrôlaient tout. »
Il se souvient aussi de sa mère enfilant alors la burqa pour sortir.
En 2001, après les attentats du 11 septembre, les Américains envahissent l'Afghanistan et entament une guerre contre l'organisation dirigée par Oussama ben Laden, Al-Qaïda, et les Talibans qui le soutiennent. « La première attaque sur ma région, c'était par avion, la nuit. Ils ont lâché des bombes sur une montagne où se trouvaient les émetteurs de télévision et de radio. La radio régionale était coupée. Mais nous pouvions entendre la BBC et Voice America ! » Lors d'une patrouille de soldats américains dans son village, il se rappelle sa surprise en découvrant une femme militaire. « Ça m'a beaucoup impressionné. »
Des bases des armées occidentales sont installées un peu partout. « Il était interdit d'y aller sauf si tu connaissais quelqu'un… c'était mon cas… j'ai discuté avec des Britanniques, des Danois, des Suédois… Je n'avais pas peur. En tant qu'enfant, c'était très intéressant, parce que j'apprenais l'anglais, donc c'était une bonne expérience ! »
Il n'a pas d'échos de combats au sol, pas de guerre de tranchées. Plutôt une intense guérilla. Une tension constante mais sourde.
Son père s'engage dans une « arbaki ». « Les habitants hazaras ont décidé de monter un groupe armé pour sécuriser la région, qui était le chemin commercial le plus important du pays. Pour ça, ils étaient payés par le gouvernement. Avant l'arrivée des Américains, mon père n'osait pas cultiver ses terres qui étaient proches des villages pachtouns. Avec la création de l'arbaki, il a pu. Et ma mère faisait le pain pour l'arbaki. »
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Un départ forcé vers l'Iran
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Hussain grandit donc sous l'occupation américaine. Il n'emploie pas le mot libération. Dans son esprit, il s'agit bien d'une occupation, même s'il reconnaît que la vie était plus libre qu'avant. « Tout était compliqué avec les Talibans. Pour les échanges commerciaux, par exemple, ils prenaient leur part. Les Américains ne faisaient pas ça. Durant cette période, l'agriculture s'est beaucoup développée. »
D'obédience chiite (1), il va d'abord à la madrassa, une école coranique, avant d'entrer au lycée à Kaboul. « Ce qui m'a marqué ? La ville était vivante. Et il y avait des disquaires ! Sous les Talibans, si tu étais pris avec une cassette, tu risquais cinq jours de prison et une amende. » Il vit chez sa sœur l'hiver et rentre dans sa région natale l'été.
A la fin du lycée, il passe un concours pour entrer à l'université. « Mais j'ai été accepté dans une région contrôlée par les Talibans. Je ne voulais pas y aller. » Il enseigne alors l'anglais dans l'école de son village.
Quelques mois plus tard, en 2014, l'OTAN (3) met fin à son engagement en Afghanistan et passe le relais à l'armée afghane. Barack Obama, alors président des Etats-Unis, maintient des milliers de soldats sur place mais les Talibans regagnent progressivement du terrain. En avril 2015, ils mènent une attaque d'envergure sur la région où vit la famille d'Hussain. Bilan : trente-cinq membres de l'arbaki sont tués en quelques heures. « Aucun Américain ou autre militaire n'est venu en renfort, soupire Hussain. C'est là que nous avons compris que les Talibans finiraient pas prendre le contrôle de la région. »
Les habitant·e·s encouragent les jeunes à partir. Hussain ne veut pas. Il finit par céder avec l'espoir de revenir bientôt. Il a 19 ans. Il ne sait pas encore qu'il ne reverra pas son pays ni les siens. « Pendant que je partais, les Talibans sont entrés chez moi pour arrêter mon père. C'est une fois en Iran que j'ai appris qu'ils l'avaient tué. »
Durant 16 longs jours, il attend dans la montagne le bon moment pour passer. Une fois en Iran, il cherche un travail. « C'était difficile car sans papiers, il faut se lever très tôt et rentrer très tard pour éviter les contrôles. »
Il fuit vers la Turquie, monte dans un bateau pour la Grèce. Beaucoup de migrant·e·s prennent la même route que lui. Il·les s'entraident, achètent une tente à plusieurs, dorment dans la rue ou des parcs. A partir de l'Autriche, il connaît les camps surpeuplés. En Allemagne, un policier lui demande de se déshabiller entièrement pour le fouiller. Un vrai choc.
Il rêve de Suède. De pays en pays, on lui a vanté les avantages de ce pays au système politique, social et éducatif exemplaire. Il passe par le Danemark mais… « La frontière entre le Danemark et la Suède était fermée. » Le voici contraint de donner ses empreintes. Comme le veut le règlement européen « Dublin », c'est désormais dans ce pays qu'il sera renvoyé s'il le quitte et qu'il se fait prendre. Or, le Danemark ne veut pas des Afghans : il les renvoie vers Kaboul, qu'il a déclaré « ville sûre ».
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Pas question de monter dans l'avion
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Hussain reste plusieurs mois dans un camp, entouré de 200 autres candidats à l'asile qui ne l'obtiendront pas. Il tente de s'occuper : il suit un stage auprès de personnes handicapées, aide les enfants via la Croix-Rouge, assure des traductions… « Tu parles Danois ? » J'ai dû faire une drôle de tête en posant ma question, il rit en tirant sur sa cigarette. « Ben oui, évidemment ! » Evidemment… en quelques mois… Je compte mentalement le nombre d'années qu'il m'a fallu pour aligner trois pauvres mots d'anglais…
« Mais finalement, les pays du nord, ça n'allait pas. » Il me tire de ma rêverie. « Il faisait trop nuit », assène-t-il. « La France, de ce point de vue, ressemble davantage à mon pays. J'ai appelé des amis qui vivaient Porte de la Chapelle à Paris et j'ai décidé de partir. »
Retour en Autriche, puis en Allemagne. Même si les Européen·ne·s ont l'impression qu'il n'existe plus de frontières, des contrôles au faciès permettent régulièrement de refouler les migrant·e·s. Hussain ruse : il remarque qu'un tramway au départ d'un petit village allemand le relie à l'Alsace. Dans ce tramway, pas de police. Le voici à Metz et, très vite, dans la capitale française. « Illégalement, donc ? » Nous sommes en 2017. « Oui, illégalement. »
Rapidement, il entame une procédure de demande d'asile. Dans le camp où il loge Porte de la Chapelle, c'est l'association Emmaüs France qui « trie ». On reprend ses empreintes. Aïe : déjà relevées au Danemark.
On l'envoie à Issoudun où il restera six mois avant que la sentence tombe : « Vous êtes « Dublin ». Retour au Danemark. » Autrement dit : retour en Afghanistan.
Sans bien savoir pourquoi, il atterrit à Bourges, au Prahda (4), un hôtel reconverti en centre d'hébergement pour demandeurs d'asile. Hussain reçoit son arrêté de transfert. Notre République est bonne princesse : elle organise le voyage. Le temps d'affréter l'avion, Hussain doit se rendre chaque jour au commissariat pour signer et prouver qu'il ne s'est pas enfui.
« C'est au commissariat de Bourges que j'ai été arrêté. Les policiers m'ont amené à l'aéroport à Paris. Mais j'ai refusé de monter dans l'avion. » Déshabillé pour une énième fouille, il refuse de remettre ses vêtements. Les policiers tentent de le conduire nu, à travers l'aéroport, jusqu'au tarmac. Hussain refuse toujours. Ils tentent une médiation via un traducteur. Le jeune homme ne cède pas.
Finalement, le lendemain, ils le laissent… partir ! « Je suis revenu à Bourges, au Prahda, d'où j'ai été renvoyé six mois plus tard. »
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Dix-huit mois de clandestinité
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Sa chance aura été de rencontrer une femme incroyable, que nous appellerons ici Noun (5). « Elle venait souvent au Prahda pour aider ceux qui avaient des difficultés avec leurs papiers. Je lui ai raconté mon histoire. Nous avons appris à nous connaître. »
Lorsque le jeune homme se retrouve à la rue, sans logement et cette fois, sans aucun droit de se trouver en France, elle et son mari lui ouvrent leurs portes. Hussain vivra dix-huit mois chez eux, délai légal pour pouvoir déposer une nouvelle demande d'asile. « Je ne me promenais pas trop, j'évitais certains endroits pour ne pas être contrôlé. Ça m'est arrivé une seule fois et j'ai dû mentir en disant que j'avais oublié mes papiers à la maison. Sinon, j'apprenais le français et je faisais des petits travaux de jardinage pour m'occuper. »
Après avoir déposé sa seconde demande, il attend huit mois pour passer un entretien à l'OFPRA (6) et raconter son parcours dans les détails. Trois mois plus tard, il reçoit la réponse tant attendue : le statut de réfugié lui est accordé pour dix ans.
Bien sûr, il a ressenti beaucoup de joie et de soulagement. Aujourd'hui, il vit dans un foyer et a entamé une formation d'électricien. Mais la mélancolie voile son regard comme tous ceux des migrant·e·s que j'ai pu croiser. « Je suis tellement loin… Avant, j'avais une famille, des amis… Aujourd'hui, ma vie, c'est travailler, dormir, et le jour suivant, je recommence… J'ai perdu mon lien familial. Je vis uniquement pour moi-même et je suis très isolé. »
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Un pays imprenable par la guerre
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Avec le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan, pas question d'envisager retourner dans son pays. Il s'inquiète surtout pour ses sœurs. « Parmi les Talibans, il y a différents courants. Certains prônent le mariage forcé…. » Il parvient à avoir des nouvelles par téléphone. « Ma famille a déménagé à Kaboul parce qu'elle croyait que la ville ne serait pas prise… Elle ne sort pas, sauf pour faire des courses dans les épiceries de quartier. » En France, un numéro d'urgence avait été mis en place pour signaler les personnes en danger à rapatrier. Hussain a tenté cette voie, mais la situation de sa famille n'était pas considérée comme prioritaire. « Si les Talibans avaient voulu tuer ma mère, ils l'auraient sans doute fait en même temps que mon père », soupire Hussain.
Pour le jeune homme, il est impensable que les Talibans soient arrivés à entrer dans Kaboul sans combattre. « Le président afghan était un esclave des Américains. Quand ils sont partis, il est parti aussi. Il a trahi la population. » Des policiers censés défendre la ville seraient aussitôt passés du côté des Talibans.
Le pays aurait été laissé entre leurs mains. « A cause des montagnes centrales, ce pays est imprenable par la guerre. Les Russes, qui voulaient renforcer leurs pays frontaliers de l'Union soviétique, n'y sont pas parvenus. Les Américains voulaient uniquement liquider Al-Qaïda et The Haqqani Network (7) qui avaient des idéologies de gouvernement mondial. Tous ces pays se sont arrangés entre eux lors des discussions au Qatar. Pour des raisons commerciales, certains comme la Russie ou la Chine reconnaîtront même le gouvernement des Talibans. »
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L'espoir du fédéralisme
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Hussain imagine que cette situation durera quelques années. S'il reconnaît l'existence de la résistance et la persistance des combats dans certaines zones du pays, il ne croit pas à une reconquête par les armes. Certes, la population va se rebeller. « Pendant vingt ans, nous avons entendu une propagande négative sur les Talibans. La société ne va pas accepter de revivre comme avant. » Mais ce qu'il faut au pays selon lui, c'est un système fédéral qui règlerait les différends à la fois ethniques, religieux et de territoires, les trois éléments étant indissociables en Afghanistan. « Le pays est trop grand pour un gouvernement central. Le fédéralisme, comme en Allemagne, restaurerait la confiance. » Il laisse passer un long silence avant de me sourire : « C'est ça, ce que je pense ! »
Il me serre la main fermement et chaleureusement avant de me quitter. Le contact de sa peau me surprend presque. Depuis combien de temps n'ai-je pas serré de main ? Je le regarde s'éloigner d'un pas sûr. Pendant ces quelques heures ensemble, nous n'avons pas pensé à la maladie, à la « menace » qui pèse sur nos vies pourtant tellement à l'abri, ici en France. Nous avons tourné nos pensées vers ceux et celles qui risquent d'abominables fléaux : l'obscurantisme, la privation de liberté, la torture, la guerre…
Dans un échange par texto, Noun me dira plus tard qu'Hussain souhaite créer une association d'Afghans dans le Cher. Pour ne plus se sentir « isolé », pour se soutenir ici dans les épreuves, pour retrouver le lien qui l'unit aux leurs et pour rêver, encore, à l'avenir de leur pays.
Fanny Lancelin
(1) Différents groupes ethniques vivent en Afghanistan : les Pachtouns, les Tadjiks, les Hazaras, les Ouzbeks, les Aïmaks, les Baloutches, les Braouis et les Nouristanis. Pratiquement tous musulmans, ils sont cependant Chiites ou Sunnites (deux branches différentes de l'Islam). C'est au sein des Pachtouns que sont nés les Talibans. Sunnites, ils ont toujours réprimé violemment les Hazaras à cause de leur appartenance au mouvement chiite.
(2) Du 27 décembre 1979 au 15 février 1989. Lire aussi la rubrique (Re)visiter sur l'histoire de l'Afghanistan.
(3) OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord : https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/OTAN/136491
(4) Prahda : Programme d'Accueil et d'Hébergement des Demandeurs d'Asile. Lire le numéro de (Re)bonds consacré au Prahda de Bourges.
(5) Noun signifie « chance », « fortune » en perse.
(6) OFPRA : Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides.
(7) The Haqqani Network : consortium fondé par Jalaluddin Haqqani pour lutter contre les Soviétiques dans les années 1980, affilié aux Talibans depuis les années 1990.
Le témoignage de Noun
- Hussain a vécu dix-huit mois auprès de celle que nous appelons ici Noun. Elle a écrit ces quelques lignes pour témoigner de leur amitié : « Intelligent. Charismatique. Sympathique : les qualificatifs qui viennent à l'esprit de tous ceux qui le croisent. Lui sourit toujours, il est cité comme un exemple d'intégration réussie. Il a vécu de longs mois à nos côtés plus qu'avec nous, sa famille était si loin, le brouhaha de notre vie occidentale est-il seulement parvenu jusqu'à lui ? Il a intégré le maximum de clés, et tout au long de cette mort sociale qu'est le Dublin, a courageusement structuré son existence (on ne peut vraiment parler de vie quand on reste deux ans caché, sans un centime, sans pouvoir travailler ni étudier) par de toutes petites choses : les cours de français, ses visites hebdomadaires à ses amis.
Dans cette chambre au décor d'adolescente, qui n’était pas la sienne mais où il a passé tellement de jours d’ennui, il a abandonné quelques cahiers, quelques vêtements. Les exilés n'investissent pas ces chambres de hasard, les tee-shirts restent dans les sacs et ne rejoignent que rarement les rayons des armoires, les salles de bain n'accueillent ni nouvelle brosse à dents, ni trousse de toilette, rapatriées quotidiennement.
Pourtant si ; punaisées en centre exact des posters de rock stars inconnues de Hussain, une carte d'Afghanistan passée aux crayons de couleur et la photocopie de son baccalauréat.
Car Hussain est un afghan arraché aux siens, à sa famille et à son pays, pas un étudiant Erasmus ou un « ex-pat » parti travailler à l'étranger et qui aurait décidé de s'y installer.
Dans le disque dur de mon ordinateur aussi dort le baccalauréat d'Hussain, recto et verso : sur celui-ci des notes d'examen à faire pâlir n'importe quel lycéen. Sans cette guerre, il aurait eu une brillante carrière, peut-être juge, il en rêvait. Les longues années d'exil sans statut en ont décidé autrement, il a dû mettre ses ambitions entre parenthèses, puisse-t-il un jour contacter Enic-Naric, le centre qui valide les diplômes étrangers et reprendre ses rêves.
Mais l'invasion de sa patrie menace de nouveau ce fragile équilibre construit courageusement loin des siens : Hussain m'a un jour raconté que pendant l'occupation talibane, il y avait une pénurie alimentaire. Le soir, sa maman les couchait le ventre vide et lui et ses petits frères et sœurs pleuraient de faim. Je n'arrivais même pas à imaginer ce que ça peut être pour une mère que de vivre ça. Le cauchemar qu'il a vécu enfant menace de nouveau sa communauté : « Je suis physiquement ici, me disait l'un de ses compatriotes, mais ma tête et mon cœur sont là-bas ». Lui a gagné notre affection, mais ce n’est pas ça dont il a besoin, il a déjà celle des siens, et nous, que pouvons-nous pour lui ? »