La manifestation contre les « bassines » en septembre près de Niort (lire la rubrique (Ré)acteur·ices) a lancé la nouvelle saison des Soulèvements de la Terre. Un réseau de luttes qui entend contrer la bétonisation, l'artificialisation et l'accaparement des terres agricoles au profit de projets agro-industriels notamment. D'autres actions sont programmées. Nous publions ici le (r)appel des Soulèvements et les rendez-vous à venir.
« A mesure que s’accélère la dégradation des conditions de vie sur terre, nous sommes de plus en plus nombreux·ses à se sentir tenaillé·e·s par la confusion, la colère et l’absence d'horizon. Qu’attendre d’une énième COP ou d'un catalogue printanier de promesses électorales ? Seul un basculement radical – un soulèvement – pourrait permettre d'enrayer le réchauffement climatique et la 6ème extinction massive des espèces déjà en cours. Au fond, nous le savons, il ne nous reste aujourd'hui plus d'autre voie que de mettre toutes nos forces dans la bataille pour enrayer le désastre en cours, et abattre le système économique dévorant qui l'engendre.
Les « Soulèvements de la Terre », c'est la tentative de construire un réseau de luttes locales tout en impulsant un mouvement de résistance et de redistribution foncière à plus large échelle. C'est la volonté d’établir un véritable rapport de force en vue d'arracher la terre au ravage industriel et marchand.
Ce printemps, nous nous sommes lancé·e·s dans une première série d'actions aux quatre coins d'un pays encore à demi confiné. Nous avons occupé et cultivé des terres, bloqué les infrastructures qui les menaçaient dans les montagnes de Haute-Loire ou le bocage de Loire-Atlantique, sur des zones fertiles en périphérie de Rennes ou de Besançon. Nous avons exploré la possibilité de s'organiser nationalement pour paralyser et désarmer des sites industriels stratégiques lors du blocage simultané de quatre centrales à béton d'Ile-de-France.
Soudé·e·s par cette aventure, nous appelons aujourd'hui à une 2e saison : le 22 et 23 septembre autour de Niort pour contrer les chantiers de méga-bassines, le 9 et 10 octobre lors d'une marche pour les terres fertiles d’Ile-de-France, au cours des mois qui suivront afin d'empêcher des accaparements fonciers et reprendre des terres, puis le 5 mars à Lyon pour assiéger Bayer-Monsanto.
En route vers la saison 2 !
Après une première convergence de forces contre la bétonisation, cette seconde saison des Soulèvements de la Terre aura pour cible majeure l'accaparement et l'intoxication des terres par le système agro-industriel.
Ce système est un vaste complexe composé de multiples acteurs : des groupes industriels plus puissants que les Etats, Bayer-Monsanto et ses manipulations sur le vivant en tête ; des politiques publiques-privées qui privatisent l'accès à nos ressources vitales, telles que l'eau avec les projets de « méga-bassines » ; ou encore des sociétés agricoles à visée hégémonique qui s'approprient des quantités considérables de terres. Mais aussi étendu que soit ce système, nous pouvons le combattre en de multiples points.
Il repose sur une course effrénée à l'agrandissement des exploitations agricoles et à l'augmentation des rendements, au mépris de l'environnement, de la qualité de la nourriture et des conditions de travail. En 2013, 3,1 % des exploitations concentraient à elles seules la moitié des terres agricoles de l’Union Européenne. Il a également conduit à la quasi disparition de la classe paysanne, comme de pans entiers de la biodiversité, et génère des profits colossaux pour les multinationales productrices de pesticides et engrais chimiques, tandis que les exploitant·e·s peinent à se tirer un revenu et s'endettent à en crever.
Cette agriculture extractiviste requiert un recours croissant à la mécanisation, à l'automatisation et à la chimie. Elle empoisonne massivement les biens communs que sont la terre et l'eau. Elle tue les oiseaux, les rongeurs, les insectes et les humains. C'est une catastrophe pour le climat, la biodiversité et la santé. Malgré tout, les gouvernements successifs continuent, complices, de porter ce modèle avec la FNSEA (1), structure tentaculaire pilotée par les patrons de l'agro-business. Le renouveau d'une paysannerie à la fois viable et soucieuse du vivant est bridé, bien qu'une partie de plus en plus large de la population en soutienne clairement les principes.
D’ici dix ans, la moitié des exploitant·e·s agricoles actuel·le·s seront parti·e·s à la retraite. C'est l'occasion ou jamais de reprendre ces terres à l'agro-industrie et de construire un mouvement qui articule installations paysannes, occupations de terres et expériences d'auto-organisation communautaire pour la subsistance. La reprise de terres est un impératif historique. Elle ne peut advenir qu'avec une lutte active et résolue pour le démantèlement des incarnations les plus nocives du complexe agro-industriel.
(…)
Entre la fin du monde et la fin de leur monde, il n'y a pas d'alternative. Rejoignez les Soulèvements de la Terre. »
(1) FNSEA : Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles.
Agenda
- Samedi 6 novembre à partir de 12 h place du champ de foire de Mauzé-le-Mignon. « Face à l'obstination des assécheurs du Marais et au moment où les dirigeants français tenteront de faire oublier leur inaction climatique à Glasgow, début novembre, à l’occasion de la COP26, les collectifs Bassines Non Merci !, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre, appellent à manifester pour l’arrêt immédiat des chantiers de « méga-bassines » et pour un partage juste de la ressource en eau. Rendez-vous samedi 6 novembre 2021, Place du Champ de foire, à Mauzé-sur-le-Mignon, à partir de 12 h, autour d’un grand banquet paysan et citoyen. Le banquet sera suivi d’une manifestation ponctuée de temps forts et de concerts (lieu et programmation à venir).Vous êtes invité·e·s à venir vêt·ue·s de votre plus beau bleu de travail, coiffé·e·s de votre plus beau casque ou chapeau bleu, et muni·e·s de votre plus beau parapluie. »
- Tout au long de la saison : battre la campagne contre l'accaparement. « Nous souhaitons engager un travail de fond sur l'accaparement des terres par l'agro-industrie, avec pour but de lancer diverses enquêtes, mobilisations et initiatives d'éducation populaire pour lutter localement contre l'agrandissement démesuré des fermes.
Celles-ci pourront prendre des formes multiples : occupations de terres, apprentissage communautaire de la veille foncière et des mécanismes de régulation, diffusion publique des informations relatives aux sociétés qui concentrent le plus de foncier agricole à l'échelle d'un territoire, soutien aux jeunes paysan·ne·s entravé·e·s dans l'accès au foncier par les dynamiques de cumul et d'agrandissement, etc.
Des actions contre l'accaparement sont déjà prévues au cours de l'automne-hiver prochain. En novembre dans le Tarn, nous reprendrons la terre à celleux qui l’exploitent dans l’illégalité et avec la complicité de l’Etat, au détriment d’un paysan-boulanger bloqué dans son installation. D’autres actions concernant des vignobles du Var et du Jura se préciseront au fil de la saison, en relation étroite avec les forces paysannes locales. Si vous souhaitez travailler à de telles initiatives ou signaler des cas de cumul abusifs empêchant des installations paysannes dans votre secteur, n'hésitez pas à entrer en contact avec le secrétariat des Soulèvements de la Terre. » -
4 et 5 mars 2022 : assiéger Bayer-Monsanto, Lyon. « L'industrie de la chimie est la pièce maîtresse du complexe agro-industriel. Engrais de synthèse, pesticides ou fongicides ont méthodiquement dépossédé les paysan·ne·s de leur autonomie et profondément bouleversé leur lien à la terre. Désormais, notre subsistance alimentaire dépend d'une industrie biocidaire qui ravage tout sur son passage. Depuis 1901, Monsanto ne cesse de sévir : elle produit PCB, dioxine, glyphosate, hormones de croissance, pollution, Roundup, OGM et gène Terminator… En toute connaissance de cause, l’entreprise a systématiquement répondu aux scandales entourant ses activités toxiques par des études biaisées, du lobbyisme féroce et une cohorte d’avocats. Responsable de l’empoisonnement de centaines de milliers d’hectares de terres agricoles et d’autant de cancers, l’entreprise a tout de même été rachetée en 2017 par Bayer, scellant l’alliance historique de l’agent orange et du zyklon B. Mettons fin à cette aberration et fermons Monsanto par nous-mêmes, puisqu’aucun gouvernement n’en semble capable. Rendez-vous à Lyon, au siège social France de Bayer-Monsanto, le samedi 5 mars. »
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Plus de renseignements sur les Soulèvements de la Terre sur : https://lessoulevementsdelaterre.org