« On n'entre pas dans un monde meilleur sans effraction » ; « Ils ont la police, on a la peau dure » ; « Dans grève, il y a rêve » ; « Pour eux des couilles en or, pour nous des nouilles encore »… Ce sont quelques-uns des messages inscrits et photographiés sur les dos des gilets aux bandes réfléchissantes durant les manifestations. Un collectif en a recueillis 365 pour éditer un livre. Mais son action ne s'arrête pas là.
« Plein le dos » est un collectif né en 2019 et constitué de personnes engagées dans les manifestations des Gilets Jaunes, réalisant et diffusant des créations graphiques.
Sur son site Internet (1), le collectif explique : « Plein le dos est un projet artistique, politique et éthique. L’idée est apparue face aux messages vus sur les dos de gilets lors des manifestations parisiennes, qui racontaient tout autre chose que ce que disaient les médias dominants sur les Gilets Jaunes. Des messages de colère, de nombreux messages de précaires demandant simplement à pouvoir vivre de leur salaire. Des infirmières, des enseignants, des auxiliaires de vie, des ouvrières… Des messages pour l’écologie, des citations politiques et émancipatrices, des références littéraires, des dessins, des caricatures, de la poésie, de l’humour… Au moment où l’on entendait parler de cahiers de doléances, de débat national, au moment où certains disaient qu’il ne s’agissait que d’un mouvement d’illettrés haineux, il a semblé indispensable de donner à voir la réalité du terrain. »
Grâce à un appel à contributions, le collectif a regroupé des centaines de photographies, qu'il a d'abord publiées et diffusées sous forme d'affiches recto-verso (les feuilles jaunes), pliées à la manière d'un journal. Treize numéros ont progressivement vu le jour, vendus à prix libre dans toute la France, au profit des blessé·e·s et des incarcéré·e·s du mouvement, des caisses de défense collective et de grève. En juin 2021, 33.650 euros leur avaient ainsi été versés.
« Plein le dos » est aussi le titre d'un livre bilingue, paru aux Editions du bout de la ville : dans le même esprit que les feuilles jaunes, il révèle 365 photographies de dos de gilets, sur lesquels on peut lire des slogans, des histoires, des citations, des blagues, des insultes, des extraits de chansons, des revendications… Par exemple :
« Pas de justice climatique sans justice sociale »
« Aujourd'hui les gestes barrières, demain les gestes barricades »
« Le gouvernement nous pisse dessus, les médias disent qu'il pleut »
« Il y a du sang des pauvres dans l'argent des riches »
« Sous les gilets, la rage »
« C'est parce que nous les ouvrons qu'ils nous crèvent les yeux »
« Mettre un banquier à la tête de l’Etat, c'est comme mettre un alcoolique à la cave »
« Celui ou celle qui ne bouge pas, ne peut pas sentir ses chaînes »
« Sois le changement que tu veux voir dans le monde »
« Le monde est à ceux qui se soulèvent tôt »...
Difficile de ne pas faire de parallèle avec les photographies qui immortalisèrent les slogans de Mai 68, graffitis ou affiches sur les murs. Les feuilles jaunes et le livre de « Plein le dos » participent de la même logique : faire trace d'un instant historique, témoigner de l'esprit créatif d'une révolte et de celleux qui la portent, et inspirer les soulèvements à venir.
Les bénéfices du livre sont aussi reversés à des caisses de soutien, aux blessé·e·s et incarcéré·e·s. Il est possible de le commander via le site de la maison d'édition : http://leseditionsduboutdelaville.com/index.php?id_product=11&controller=product


