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« Une vie d’écart », Matthieu Marès-Savelli

C’est une expérience passionnante que Matthieu Marès-Savelli a filmée dans un milieu pourtant peu habitué aux caméras : un Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Durant six semaines, il a suivi dix enfants de maternelle rendant chaque jour visite à des résident·es. Le résultat est étonnant.

Adaptée d’un programme mené et diffusé en 2017 au Royaume-Uni, la série française « Une vie d’écart » comprend quatre épisodes, diffusés en 2020 sur Canal + et disponibles désormais en replay. Des deux côtés de la Manche, l’objectif était le même : observer l’effet que produisent des rencontres quotidiennes entre de jeunes enfants (5 ans) et des personnes âgées (90 ans et plus) qui, à l’origine, ne se connaissent pas.

L’expérience est menée scientifiquement : avant de la débuter, les seniors acceptent de participer à des tests d’effort et de moral, qui sont renouvelés à la fin du cycle de visites des petit·es de maternelle. Les enfants répondent aussi à des questions d'une psychologue scolaire, qui observe, séance après séance, l'effet des visites sur leur comportement, individuel et en groupe.

Le reste n’est qu’une suite de moments étonnants, émouvants, drôles ! Au départ, les seniors sont plutôt sur la réserve, attendant presque timidement ce qui va leur arriver. Les enfants, au contraire, sont enthousiastes et très détendu·es, sans filtre ! Progressivement, les barrières tombent, les mains s’enlacent, les baisers claquent sur les joues, les conversations vont bon train… les liens se tissent… des amitiés sincères naissent.
« T’es douce ! » assure ainsi Olive à Jacqueline en caressant la peau de son cou toute ridée. « Pourquoi t’es pas au ciel ? » demande Firouza à Annette. « Parce que quelqu’un là-haut a dit, c’est pas fini, tu peux encore marcher et rencontrer des petits enfants, tout n’est pas cassé », répond la vieille femme. « Robert, est-ce que tu étais impatient de me voir ? », interroge un jour tout de go le petit Andréa au papy qui sourit...

A l’occasion d’ateliers, de jardinage ou de cuisine par exemple, les seniors transmettent leurs savoirs aux plus jeunes, mais iels réalisent aussi des gestes qu’iels ne faisaient plus jusqu’alors. « Une vie d’écart a pour ambition de proposer une solution efficace et non médicamenteuse à un enjeu majeur de notre société. De nombreuses études démontrent en effet que les contextes intergénérationnels augmentent les émotions positives, l’estime de soi, et la satisfaction de vie des personnes âgées. En plus d’un échange humain, ils ont des effets sur leurs conditions motrices et psychologiques », explique Caroline Delage, la productrice de la série (1).

De plus, non seulement iels créent une relation avec les enfants, mais aussi entre elleux. Dans la plupart des maisons de retraite, les résident·es vivent ensemble mais se connaissent peu. La venue des enfants leur offre cette occasion forcément bénéfique sur la vie collective.

Pour l’enfant aussi, le bénéfice est certain : « un enfant sort apaisé d’un moment partagé avec un senior. Il gagne en concentration. Sa socialisation et son empathie sont encouragées », souligne Caroline Delage. Les spectateur·ices le constatent par elleux-mêmes au fur et à mesure qu'iels suivent les épisodes. Jean-Luc Noël, psychologue qui témoigne dans la série, abonde dans ce sens : « cette expérience arrive à créer des choses que l’on ne soupçonne pas » !

Pour (re)voir la série « Une vie d’écart », rendez-vous sur https://www.canalplus.com/decouverte/une-vie-d-ecart/h/14760837_50001

(1) https://www.senioractu.com/Une-vie-d-ecart-trois-questions-a-Caroline-Delage_a22886.html

Photo : Les Eclaireurs.