Iels s’appellent Pierrette, Nathan et Fatima. Iels se sont rencontré·es grâce à un service civique particulier appelé Solidarité Seniors. Le but ? Créer des liens entre des jeunes et des personnes âgées, par des visites, des jeux, des échanges de savoirs… A Bourges, l’association Unis Cité anime l’accompagnement de cette mission.
Iels ne se connaissent que depuis trois mois et pourtant, une belle complicité semble déjà les unir. Ce matin-là, dans un appartement de Bourges, le soleil ne brille pas seulement à travers la fenêtre : il rayonne autour de Pierrette, Nathan et Fatima, visiblement ravi·es d’être ensemble. Lorsqu’iels discutent, iels sont obligé·es de s’interrompre régulièrement pour rire ! « Les jeunes m’apportent beaucoup, surtout au moral », explique Pierrette. « Vous êtes beaucoup plus souriante que la première fois qu’on s’est vu·es », souligne Nathan. « C’est vrai », reconnaît la vieille femme.
Depuis le mois de janvier, une fois par semaine, Nathan Guyonnet et Fatima Manou, volontaires du Service Civique Solidarité Seniors (SC2S), rendent visite à Pierrette Gilberte Charpentier chez elle. Agée de 81 ans, veuve, Pierrette vit au premier étage d’un immeuble alors qu’elle est en fauteuil suite à un problème de santé. « Ça fait un an et demi que je demande un logement adapté, raconte-elle. J’aimerais rester dans les environs. On me répond qu’il n’y a rien pour l’instant. » Impossible de sortir librement, donc. Elle aurait aimé s’inscrire dans une association du quartier pour participer à des activités, par exemple. Impossible aussi. Une forme d’isolement auquel elle ne pouvait se résoudre.
Une place active dans la société
En contactant la mairie, elle a été mise en relation avec Unis Cité. Présente depuis 2017 à Bourges, cette association y accompagne cette année 48 volontaires en service civique dont 24 jeunes en SC2S. L’objectif : favoriser la rencontre entre les générations et la création de véritables liens, notamment à travers l’échange de savoirs. Rompre l’isolement de certain·es seniors ? Sûrement. Mais en leur permettant de transmettre leurs expériences aux plus jeunes et ainsi, de conserver une place active dans la société.
Pour les volontaires en service civique aussi, il s’agit de se sentir « utiles », tout en se formant, et en acquérant de nouvelles connaissances et compétences. Parmi leurs missions : des visites en structures ou à domicile, l’accompagnement à des sorties, l’organisation et la participation à des jeux, l’aide à l’utilisation d’outils numériques…
Durant le confinement, les volontaires ont dû s’adapter : iels ont essentiellement œuvré auprès des familles pour qu’elles gardent le contact avec les résident·es, notamment via des visioconférences.
Actuellement, les visites en structures se font dans des Ehpad à Bourges, Saint-Doulchard, Nohant-en-Goût et Menetou-Salon.
Aucun diplôme requis
Quelles conditions faut-il remplir pour faire partie du SC2S ? Comme pour n’importe quel service civique, être âgé·es de 16 à 25 ans (jusqu’à 30 ans pour les personnes en situation de handicap) et être motivé·es ! Aucun diplôme n’est requis. A Bourges, les missions durent huit mois et se déroulent de novembre à juin. Les volontaires reçoivent une indemnité pouvant aller jusqu’à 688,30 euros par mois selon leur situation. Tout au long de leur mission, iels sont formé·es et accompagné·es par des coordinateur·ices.
Mais comment sont-iels orienté·es vers les seniors plutôt que vers le programme lié à l’environnement par exemple ? « Cela se passe durant un entretien, répond Fanny Ossude, coordinatrice d’équipe et de projets chez Unis Cité à Bourges. Soit les jeunes ont déjà cette envie, soit nous les encourageons en fonction de ce que nous percevons de leur tempérament, de leur parcours... » Théoriquement, la zone d’intervention de l’association couvre tout le département du Cher. « Mais en réalité, nous sommes confrontées à la problématique de la mobilité chez les jeunes, reconnaît Caroline Larpent, responsable des antennes du Cher et de l’Indre. Iels viennent donc surtout de Bourges et des alentours, là où passent les transports en commun. »
Parmi les axes de réflexion de l’équipe : territorialiser les missions, en d’autres termes, les organiser dans les lieux de vie des jeunes, leurs villages. Problème : iels auraient aussi des difficultés à se rendre aux sessions de formation et à échanger avec les autres jeunes, un volet important du service civique.
« Je les attends avec impatience, les jeunes ! »
Nathan et Fatima sont tou·tes deux originaires de Bourges. A 18 ans, Nathan a passé son bac, avant de débuter un service civique dans une école et d’enchaîner avec un travail dans un supermarché. « Ça ne me plaisait pas. Comme je n’avais fait que deux mois à l’école, j’ai pu reprendre un autre service civique. Ça me donne le temps de réfléchir à ce que je veux faire. Pour l’instant, ça m’a permis de me rendre compte que je pouvais être utile. Et je sais que ça m’ouvrira des portes. » Au niveau national, 71 % des ancien·nes volontaires trouvent une formation ou un stage ou un emploi dans les quatre à huit mois qui suivent leur mission. Certain·es rejoignent d’ailleurs les métiers liés aux seniors.
A 24 ans, un master de biologie en poche, Fatima espère trouver un poste dans la recherche. « En attendant, je mets mon temps au service des autres. » Pourra-t-elle interrompre sa mission si une opportunité se présente ? « Techniquement c’est possible, mais je ne le ferai pas. Ce que je fais ici, c’est un engagement ! »
Pierrette regarde la jeune femme et sourit. « On passe du bon temps ! Je les attends avec impatience, les jeunes ! » Que font-iels ensemble ? Des jeux. « Pierrette nous a appris la belote ! » On peut jouer à trois ? « Ah oui ! En enlevant les sept et en jouant chacun pour soi ! »
« On discute aussi : on parle de tout, on est très spontané·es ! » La famille, les ami·es, ce qu’iels regardent à la télévision... Pierrette aime les matches de football et de rugby. « Il y a le Paris Saint-Germain contre le Real Madrid ce soir », prévient Nathan. « Ah oui ? »
Poursuivre la transmission
Mais aujourd’hui, iels parlent surtout de l’école d’autrefois à partir d’une photo de classe en noir et blanc. Elle a été prise en 1953 dans le Limousin. On y reconnaît bien Pierrette : son sourire n’a pas changé ! Nathan explique : « Nous avons le projet de créer un journal télévisé à partir des témoignages des seniors. Il sera montré aux enfants des écoles de nos jours. » Pierrette leur parle des blouses, du poêle au milieu de la salle de classe, du petit bois qu’elle traversait en courant lorsqu’elle était en retard le matin, des coups sur les doigts aussi quand elle oubliait ses leçons…
Ainsi, après avoir recueilli le témoignage de Pierrette, Nathan et Fatima l’offriront aux plus jeunes qu’elleux, poursuivant ainsi la transmission et prenant soin du lien entre les générations.
Fanny Lancelin
(1) Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
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- En chiffres
1.500 : c’est le nombre de jeunes volontaires qui se sont mobilisé·es dans 81 villes de France pour le SC2S en 2020-2021.
Dans le Cher, iels étaient 40, dont 24 de Bourges et 16 d’autres villages : quinze garçons et 25 filles, dont 10 % en situation de handicap.
La majorité avait entre 18 et 21 ans.
Dix-huit d’entre elleux possédaient un diplôme inférieur au bac, seize le bac et six un diplôme d’études supérieures. -
Contact – Unis Cité à Bourges
Fanny Ossude, coordinatrice d’équipe et de projets « Solidarité Seniors » : 07.62.25.76.74. et Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.