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« Pour une agriculture sans exploitation animale »

Ecrite par des personnes impliquées dans des luttes anarchistes et antispécistes, cette brochure place le débat de l’agriculture sur un plan politique : celui de l’opposition à toutes formes de domination et d’oppression. En s’appuyant sur de nombreuses études et recherches, elle démontre « en quoi il est matériellement possible, souvent pas plus difficile, voire carrément plus simple de survivre en tant qu’humain·e sans devoir exploiter les autres animaux » et en quoi cette perspective est nécessaire lorsqu’on souhaite la fin du système capitaliste.

La critique de l’élevage et du système agro-industriel de nos sociétés occidentales a donné lieu à de nombreux ouvrages.
L’une des originalités de cette brochure est de choisir un tout autre angle : celui des « petits » élevages, des « traditionnels », des « ancestraux » qui seraient plus souhaitables ou vertueux. « Disons-le tout de suite : du point de vue de l’oppression on ne peut pas et donc on ne veut pas réformer l’élevage, écrit le collectif en avant-propos (1). Qu’on ne vienne pas nous parler de tel fermier progressiste qui aménage à ses cochons un enclos d’un espace quatre fois plus grand que celui des voisins ou de tel collectif qui n’élève des chèvres ou des poules que pour leur lait ou leurs œufs. Il ne peut pas y avoir d’élevage sans meurtre. Ne serait-ce que pour une question de contrôle démographique. »
Le texte a notamment pour objectif de « casser les idées reçues et les mythes qui amènent nombre de personnes à se résigner et à considérer comme incontournables, non seulement l’agriculture industrielle, mais aussi des modèles d’auto-subsistance agricole traditionnelle s’appuyant sur l’élevage ».

Tout comme l’ouvrage traduit par Carpelle (lire aussi la rubrique (Ré)acteur·ices), il n’est pas question ici de stigmatiser les paysan·nes qui pratiquent l’élevage sous la pression d’un système qui les broie, mais bien de faire la critique de ce système-même, du point de vue politique, écologique et social. Une partie des auteur·ices sont d’ailleurs engagé·es dans des luttes paysannes aux côtés d’éleveur·ses : « Être antispéciste ne nous empêche pas, et bien au contraire nous pousse à faire partie des luttes paysannes, à nous réapproprier les moyens de production alimentaire et de là, à nous solidariser et à penser nos alliances avec d’autres paysan·nes en luttes dont une partie fait de l’élevage (…), soulignent-iels ainsi. Ce qui donne aux luttes paysannes autant de potentialités révolutionnaires sont les possibilités d’autonomie et de résistance que permet la prise en main des moyens de productions fondamentaux, mais c’est aussi un rapport direct à notre alimentation, à la terre et à l’environnement. »

Pour bien comprendre la vie des végétaux et des animaux, la brochure débute par un chapitre consacré aux cycles des nutriments dans l’écosystème agricole. Résultat ? « On se rend vite compte que les animaux (domestiqués ou non) ne font presque que réutiliser la matière produite et recyclée par les plantes et les micro-organismes à partir de l’énergie du soleil et des éléments du sol, de l’eau et de l’air. L’idée très répandue suivant laquelle les aliments ou les excréments produits par les animaux d’élevage constitueraient une source d’énergie indispensable pour notre nutrition ou celle des plantes est complètement fausse. C’est un mythe. Les seuls êtres vivants capables d’introduire de l’énergie utilisable dans les écosystèmes sont les plantes et certains micro-organismes capables de transformer l’énergie du soleil par la photosynthèse. »

Pour prouver que « l’élevage n’est pas nécessaire à l’agriculture », les auteur·ices développent ensuite une suite d’arguments sur la sous-efficience de la production animale en termes d’espace (un hectare et demi de terre fertile peut nourrir intégralement plus de huit personnes végétaliennes alors qu’il suffit à peine pour le fourrage annuel d’une seule vache nourrie à l’herbe), d’énergie (transformation, conservation, transport des produits animaux mais aussi ressources utilisées et pollutions) mais aussi d’économie (subventions…).

Les auteur·ices apportent aussi des informations essentielles pour comprendre que les animaux ne sont pas utiles à notre alimentation. « Il n’y a aucun nutriment essentiel à notre alimentation qu’on ne trouve pas en quantité et qualité suffisantes dans ce qui est produit par les plantes, les micro-organismes ou notre propre corps ! » rappellent-iels. Nos besoins en glucides, lipides, protéines, minéraux, vitamines – pour peu qu’on ait une alimentation équilibrée – sont largement couverts par un régime végétalien. Mieux, on sait aujourd’hui qu’elle permet d’éviter des maladies typiques des sociétés omnivores telles que les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, le diabète, la maladie d’Alzheimer et certains cancers.

Mais comment transformer le modèle agricole existant ? La brochure présente un ensemble de techniques qui ont déjà largement fait leur preuve. Les auteur·ices précisent toutefois : « Les choix qui portent sur comment nous organiser socialement pour assurer notre subsistance et donc, sur comment penser nos manières de cultiver, ne doivent pas se faire en fonction d’une valeur économique au sens capitaliste du terme. Ce que l’on veut cultiver et comment, la productivité et l’énergie consacrée à nos cultures, doivent dépendre de nos besoins de base, de notre milieu et de nos envies d’émancipation, et non pas de ce qui se vendra le mieux, de la manière la plus concurrentielle et en dégageant le plus de marge. » Iels promeuvent une « agriculture où la plus grande partie des personnes se chargent de sa propre subsistance tout en s’entraidant ».

Iels évoquent des systèmes où l’accent est mis sur des techniques comme l’utilisation de composts végétaux et humains, de couverts organiques, d’engrais vert, de cultures associées et tournantes, et de modes de cultures réduisant le travail du sol. L’agriculture sans élevage, la permaculture, l’agro-écologie sont des pistes possibles, qui font s’entrecroiser des techniques accessibles à tous·tes.

Publiée en 2018, la brochure « Pour une agriculture sans exploitation animale » est accessible gratuitement en format PDF, notamment sur le site Info Kiosques : http://infokiosques.net/lire.php?id_article=1552

Fanny

(1) Les auteur·ices de cette brochure l’ont publiée de manière anonyme.