Help me. » La demande est sans appel. La voix sûre, le regard froid. Presque dur. Lorsqu'Osman m'a vue, assise sur un banc, petite Blanche discutant avec d'autres hommes noirs comme lui, il a foncé droit sur moi sans hésiter. A sorti une liasse de documents d'un sac en plastique et me l'a tendue. « Help me. » Mon coeur et mon ventre se sont contractés. Je savais que je ne l'aiderai pas. Et la dureté de son regard me disait qu'il le savait aussi. Pourtant, il a répété en agitant les papiers sous mon nez : « Help me. »
« Je ne suis pas avocate », ai-je simplement dit en anglais, suffisamment fort pour que ses compagnons d'infortune, observant la scène, le sachent aussi. « Je sais, a répondu Osman. Ça ne fait rien. Aide moi. » Je me suis soudain sentie très lasse. Comment lui dire ? Comment lui redire ? Je ne t'aiderai pas parce que je ne sais pas comment faire. Je ne t'aiderai pas parce que je ne saurai pas comment faire pour les milliers d'autres qui viendront après toi. Je ne t'aiderai pas parce que toi et moi savons que dans quelques jours, tu seras expulsé de France. Je ne t'aiderai pas parce que cette France ne t'aidera pas. J'en suis citoyenne mais, tu vois, cela ne sert à rien… Comment lui dire ?
J'ai soupiré pour bien marquer mon impuissance et j'ai saisi ses papiers. Le silence s'est fait autour de nous. Un sceau, un logo devrais-je dire, de la République française. Liberté, égalité, fraternité. Je parcours les quelques lignes écrites dans un dialecte administratif. Notification - police - recours… Je crois comprendre qu'Osman ne s'est pas présenté au commissariat de police comme il devrait le faire chaque jour en tant qu'assigné à résidence. On lui enjoint à déposer un recours devant le tribunal d'Orléans pour éviter d'être expulsé du territoire.
Une seconde liasse de documents. Une demande d'aide juridictionnelle qu'Osman a signée le même jour. Un avocat doit lui être commis d'office pour son recours.
Je l'interroge en anglais : « Tu comprends tout ce qui est écrit là ? » Il hausse les épaules : « No ». Bien sûr que non. Il est Somalien, arrivé par l'Allemagne, parle anglais, balbutie sans doute quelques mots de français appris sur le tas, mais pour le reste… Je me garde bien d'entrer dans des considérations techniques que je ne maîtrise pas. J'insiste : « Il faut absolument que tu contactes ton avocat, très vite. Très très vite. » Il continue de hausser les épaules. Le regard dur a disparu. Il savait que je ne l'aiderai pas. Maintenant, il en est certain. Je montre le bâtiment derrière nous, le Prahda : « Vas voir un des travailleurs sociaux. Il appellera ton avocat. Mais fais vite. » Il hausse une dernière fois les épaules : « Je leur ai déjà tout montré. Ils ne peuvent rien pour moi. »
Il faudrait sans doute lui dire : je suis désolée. Mais ce serait indécent. Il s'en va, en trainant des pieds. Je regarde les miens. Je n'arrive même plus à me sentir lâche. Avant, au début, je me sentais lâche. Et coupable. Depuis quelques années, c'est la peine qui ne me quitte pas. Mais comme la lâcheté ou la culpabilité, elle n'est qu'un poids qui empêche d'agir. Osman revient vers moi. Il force un sourire : « Ce n'est pas grave, tu sais. »
Je reste assise sur le banc, décontenancée par ces derniers mots. Qui me ramènent dix ans en arrière, à Rennes, en Bretagne. Un jeune Afghan, maigre sous ses fins vêtements, sandales aux pieds malgré le froid perçant, m'observe d'un regard plus glacial encore. Deux rangées de barbelés nous séparent. Lui, avec quelques autres migrants, se trouve dans la cour d'un centre de rétention. Moi, journaliste, à l'extérieur avec des habitants qui tentent de leur venir en aide. Avec mon appareil photo, je saisis l'image de jeux d'enfants installés là, grotesques, dans cet endroit sinistre flanqué entre l'aéroport et la déchetterie... La prison qui ne dit pas son nom accueille des familles, donc des enfants. Publié dans un journal local, le cliché sera vite repris par Réseau Education Sans Frontières…
Mais ce qui me marque le plus, c'est l'attitude de ce jeune Afghan. Son regard dur qui dit qu'il sait que je ne l'aiderai pas. Que je ne peux rien pour lui. Qu'il sera renvoyé par un des avions qui ronflent derrière lui. Oh, pas en Aghanistan, non : il y a la guerre et à l'époque, ça semble encore compter. En Allemagne, sans doute, par où il est arrivé. Alors il reviendra. Encore et encore. Pour tenter de passer en Angleterre, parce que la France, il s'en contrefout.
C'était en 2007. Rien n'a changé.
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Des conditions de vie indignes
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Prahda de Bourges – Le Subdray, mardi 19 septembre 2017, 15h30.
Ce jour-là, je ne sais pas encore que mon chemin croisera celui d'Osman. Un membre du Codac (Collectif On Dort Au Chaud) basé à Bourges m'a proposé de découvrir la situation au Prahda du Subdray. Je suis accompagnée par quatre bénévoles. Timothy Perkins est présent aussi : l'artiste, très impliqué sur la question des migrants doit intervenir le soir même lors d'une conférence à la Maison des associations.
Lorsque nous arrivons, quelques retenus sont à l'extérieur. (Oui, retenus. Il n'y a pas de barbelés mais j'ai immédiatement ce sentiment, qui se muera en constat de fait au fil de mes rencontres.) Ils sont un peu surpris, intrigués. L'accueil est gêné mais cordial. On se sert la main, on se présente, on reste un moment sur le pas de la porte, on cherche des traducteurs. Du français à l'anglais, puis de l'anglais à l'arabe. Progressivement, nous sommes entourés, ils sont de plus en plus nombreux. Certains nous prennent pour des avocats, d'autres pour des humanitaires. Nous répétons que nous sommes de simples habitants venus à leur rencontre pour connaître leurs conditions de vie et témoigner auprès de la population.
Ils m'encouragent à entrer dans le bâtiment. Je le reconnais bien, cet immeuble construit avec des matériaux de mauvaise qualité. J'y ai dormi, quand j'enchaînais les contrats à travers la France. Je sais qu'il n'est pas du tout adapté à une vie en intérieur, 24 heures sur 24.
A l'entrée, dans l'espace autrefois dévolu au petit déjeuner des clients, quatre plaques de cuisson électriques, un micro-ondes, un évier minuscule et trois frigidaires. Pour 99 personnes ! A l'étage, une machine à laver. Du linge sèche aux fenêtres ou directement sur les grilles qui entourent l'ancien hôtel. Des télévisions dans toutes les chambres et des caméras de vidéo-surveillance dans les espaces communs…
Les migrants vivent ici à deux par chambre de 7 m² chacune. Il me semble que la loi impose 9 m² aux hébergements non temporaires. Mais la douche et les toilettes sont sur le palier, ce qui fait gagner de la place, non ? Et puis, des travaux sont prévus, m'assure un retenu, sans sembler y croire vraiment. Le Prahda est déjà ouvert depuis deux mois…
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« De véritables centres de déportation »
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Mais qu'est-ce que ce Prahda ? Qu'est-ce qui se cache derrière ce sigle ? Le 26 septembre 2016, le ministère de l'Intérieur publie un appel d'offres au Bulletin officiel d'annonces des marchés publics « pour la création de nouvelles places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile dans le cadre du PRogramme d'Accueil et d'Hébergement des Demandeurs d'Asile (Prahda) » (*)
Nombre de places souhaité : 5.351, « réparties en 12 lots géographiques correspondant aux 12 régions métropolitaines (hors Corse) ». « Chaque lot est conclu pour une durée de 5 années, renouvelable une fois ». Le lot Région Centre prévoit 206 places. Deux Prahda ont bien été ouverts : au Subdray (Bourges) dans le Cher (99 places) et à Saint-Jean-de-Braye dans le Loiret (107 places).
L'objectif affiché est « à la fois d'assurer l'accueil d'un plus grand nombre de demandeurs d'asile mais également d'offrir un hébergement et un accompagnement aux personnes de nationalité étrangère s'orientant vers la procédure d'asile ». « Il s'agit en fait de véritable centres de déportation », s'indigne Timothy Perkins, qui dénonce fermement l'existence de ces lieux et qui est particulièrement engagé contre le Prahda d'Appoigny dans l'Yonne. Il sait que le mot fait l'effet d'une gifle mais pour lui n'est pas exclusif à la situation durant la Seconde guerre mondiale et n'a rien à voir avec l'extermination. Le mode d'organisation, le fait qu'elle cible une population, la contrainte pour les expulsés de s'installer là où ils ne le souhaitent pas, la plupart se retrouvant dans de véritables camps de concentration en Italie : tout cela justifie l'emploi de ce terme. « Les demandeurs d'asile sont regroupés là simplement pour être déportés.»
C'est la société Adoma qui a remporté le marché en novembre 2016. Pour créer les Prahda, elle a racheté à la société Accor d'anciens hôtels. D'après les associations et les collectifs d'aide aux migrants, la situation du Subdray semble être très fréquente : un bâtiment totalement inadapté, situé loin de la ville, des commerces et des structures d'aide aux migrants ; un accès aux transports en commun compliqué voire inexistant ; pas d'accès à Internet ; un accompagnement social et juridique insuffisant…
Le Prahda du Cher est situé près de la sortie de l'autoroute, à huit kilomètres du centre-ville de Bourges. Il n'y a pas de commerces alentour. Hormis la Communauté d'Emmaüs proche, toutes les associations pouvant les soutenir se trouvent en centre-ville. Les administrations ainsi que le commissariat de police où les assignés à résidence doivent se rendre chaque jour (y compris le dimanche) aussi. Les tickets de bus sont aux frais des retenus.
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Soudanais, afghans, guinéens, congolais...
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Quatre travailleurs sociaux employés par Adoma sont présents de 8 h à 18 h, puis deux agents de sécurité prennent le relais ; depuis le mois de septembre seulement, l'un d'eux parle arabe. La langue de la majorité des retenus…
Lorsque ceux-ci arrivent, ils doivent signer un contrat qui stipule que s'ils quittent le lieu, ce sera considéré comme un refus des conditions d'accueil et donc motif de rejet de la demande d'asile. Ils sont condamnés à rester là ou bien à devenir ce que l’État considère comme des fuyards expulsables.
Lors de notre visite au Prahda, nous croisons deux employées d'Adoma. Leurs sourires sont tendus. L'une d'elles finit par nous demander de quitter les lieux parce que nous faisons « monter la pression » chez les retenus. Elle va prévenir le directeur, prévient-elle. Formidable, ça nous intéresse, lui répond-on en substance. Nous restons. Le directeur ne viendra pas. Et la pression continuera de monter, madame, avec ou sans nous. Lentement mais sûrement.
A l'extérieur, nous poursuivons nos conversations avec les retenus, sur les petites tables de pique-nique installées à l'origine pour les clients de l'hôtel. Ils sont soudanais, afghans, somaliens, guinéens, ivoiriens, congolais, égyptiens… Il y a même un Palestinien. Ils ont quitté leur pays à cause de… Finalement, est-ce si important ? Merde. Ils ont quitté une maison, un emploi, des études, une famille, des amis ; ils ont parcouru des milliers de kilomètres dans des conditions abominables ; ils ont vécu de terribles violences ; ils ont frôlé la mort ; ils sont parvenus jusqu'en Europe à pied ou dans des canots de fortune. Ils ont tout perdu ! Et ils leur faudraient encore une bonne raison pour se poser là ?
Pourtant, inlassablement, ils racontent leurs histoires. Dans l'espoir sans doute qu'elles susciteront la compassion et leur ouvriront les portes d'un véritable asile.
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Entendre les migrants raconter
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Maison des associations – Bourges, mardi 19 septembre 2017, 19h30.
Finalement, nous avons été poussés vers la sortie du Prahda par les agents de sécurité en fin de journée. Avec Timothy Perkins, nous prenons le bus accompagnés d'une dizaine de retenus ; d'autres sont emmenés en voiture par les bénévoles. Tous souhaitent témoigner à la conférence organisée par le Codac et le collectif ki-6-col à la Maison des associations.
La salle réservée est exigüe, mais 80 personnes parviennent tout de même à s'y entasser : des membres des collectifs organisateurs, des demandeurs d'asile mais aussi des habitants de Bourges et du nord du Cher venus s'informer, comprendre, envisager comment ils pourraient aider. Surprise, au milieu d'eux : Thierry Bergeron, directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des personnes, coordinateur de l'accueil des réfugiés nommé par la préfecture. L'objet de sa présence : « Entendre les questionnements des habitants de Bourges ». Mais durant trois heures, il n'entend quasiment que des témoignages de migrants, trop heureux de saisir l'occasion pour raconter leur arrivée en Europe, les pressions de la police pour donner leurs empreintes, les conditions d'hébergement inhumaines, l'incompréhension face à leur situation, le manque d'informations et d'accompagnement dont ils sont victimes, contrairement aux discours affichés du gouvernement français. Les témoignages, souvent en arabe, sont traduits en anglais à un membre de l'organisation, qui traduit en français pour le public.
Thierry Bergeron est très calme, répond aux questions seulement lorsqu'on l'interpelle. On sent l'homme de l’État rompu à l'exercice.
Face à lui, Mohamed, Adama, Ibrahim, Abdallah, Bassa, Arsène… Sur leurs lèvres, un mot revient sans cesse : Dublin. Les retenus du Prahda sont en procédure Dublin. Celle-ci permet à la France de les renvoyer vers le premier pays par lequel ils sont entrés en Europe, souvent l'Italie ou l'Allemagne (lire aussi (Re)découvrir). Ce qui fait dire que les Prahda ne sont pas des centres d'hébergement, mais bien des lieux de regroupement pour faciliter les expulsions.
Arsène, un Congolais présent dans la salle, est la preuve vivante que la procédure Dublin est absurde : vivant à Bourges, renvoyé par avion en Italie, balloté de centres d'accueil en commissariats, il a été ramené à Nice par des policiers italiens bien incapables de lui trouver une solution…
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Aide d'urgence ou action politique durable ?
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Mais en attendant, que faire ? En tant que « simple » citoyen ? Intégrer des associations bien connues pour l'aide alimentaire ou vestimentaire ? « Ce serait rendre la prison confortable », selon Timothy Perkins qui prône une action politique : « La priorité, c'est de faire fermer les Prahda. Améliorer les conditions de vie à l'intérieur, ce serait participer au système. »
Les membres du Codac que j'ai rencontrés semblent partagés sur la question. A l'image de Catherine, qui ne fait plus partie du collectif, mais qui en est l'une des fondatrices. « Au départ, je pensais qu'il fallait militer frontalement. Mais quand tu es dans un rapport personnel avec les migrants, tu es obligée d'être parfois dans la compromission. Il ne faut pas se fermer de portes pour pouvoir les aider. » Selon elle, pour être gagnée, la bataille doit se jouer sur plusieurs terrains : « Il faut de tout : des bénévoles dans les associations, du personnel dans les centres d'accueil, des particuliers qui aident des personnes en situation irrégulière, des militants politiques... »
Comment est né le Codac ? « C'était il y a un an, au moment du démantèlement du camp de Calais. Le Front national avait organisé une manifestation à Bourges contre l'arrivée des migrants. Des habitants ont riposté avec une contre-manifestation, j'en faisais partie. » Puis, elle a répondu à l'appel lancé par une bénévole de Calais sur les réseaux sociaux : « Des Afghans qu'elle connaissait, emmenés à Bourges, se retrouvaient désemparés. Avec un groupe d'amis, nous avons essayé de les aider. » Un peu plus tard, ils ont appris que des migrants dormaient dehors, malgré les places d'urgence gérées via le 115 : « C'est comme ça que l'hébergement chez les particuliers a commencé. » Au plus fort de l'hiver, la liste comprenait 35 privés qui se relayaient.
Cet été, le Codac a ouvert un squat qui accueillait onze personnes, dont trois enfants. Il a été évacué par les forces de l'ordre le vendredi 15 septembre. Certains migrants n'ont toujours pas de solution durable et doivent être à nouveau, régulièrement, pris en charge par les habitants.
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« Ici, ce n'est pas une vie »
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Lorsqu'on lui demande le déclic, la raison de son engagement, Catherine esquisse un sourire : « Pourquoi il faudrait que je me justifie ? On devrait plutôt aller voir les gens pour leur demander : et toi, pourquoi tu ne le fais pas ? Non ? »
Si elle donne beaucoup de temps et d'énergie, elle tente aussi de prendre du recul. « J'ai perdu pas mal d'amis dans l'histoire. Mais bon, j'ai un sacré caractère aussi… Je sais que je ne peux pas demander autant d'engagement autour de moi. Chacun fait ce qu'il peut. »
Selon elle, l'urgence au Prahda, c'est l'assistance juridique. « A Bourges, il y a un réel manque à ce niveau ». Récemment, elle a aidé des retenus à se rendre à la permanence de la Cimade (**) à Orléans. « Mais il faudrait que ce soit une association spécialisée qui vienne à leurs devants. » Le Codac a pris contact avec des étudiants en droit et une juriste est régulièrement sollicitée.
Pour Catherine, les solutions pérennes sont « surtout politiques ». « Mais ça se gagne aussi dans l'opinion publique. C'est impossible que les politiques ne se rendent pas compte que ce qu'ils font ne sert à rien ! L'année dernière, on a renvoyé autant de gens qu'on en a reçus ! C'est complètement crétin ! Tout ça, c'est pour satisfaire l'opinion publique. » Elle souligne aussi le problème de racisme en France : « Un racisme anti-noir, très clairement. »
« Envers les Noirs et les Arabes », m'avait assuré Timothy Perkins lors d'un déjeuner avec des membres du Codac. Certains autour de la table paraissaient en douter. « Les Français ont souvent du mal à accepter le fait qu'il y ait beaucoup de racisme dans leur pays », avait insisté d'un air entendu l'artiste d'origine américaine, qui vit à Paris depuis vingt ans.
Je me rappelle l'anecdote racontée par Bassa, d'origine palestinienne : « On m'a mis en prison parce que je suis arrivé avec des Africains. Comme j'étais le seul non noir, ils ont cru que j'étais le passeur ! »
Prahda de Bourges – Le Subdray, mardi 26 septembre 2017, 16 h.
Je suis revenue et je reviendrai encore. Je passe l'après-midi avec les quelques francophones qui vivent là. Nous parlons de leur passé, de leur présent. Pas du futur. Si peu osent se projeter, mais alors, ils évoquent des désirs simples : apprendre le français, avoir une maison et un travail. Quelques-uns évoquent le retour au pays quand la guerre ou les persécutions seront finies. Tous aimeraient en tout cas quitter le Prahda : « Ici, ce n'est pas une vie », répètent-ils.
Dans les jours qui suivront, j'apprendrai que l'ancien hôtel ne désemplit pas, le flux d'arrivées et de départs ne faiblissant pas. On me dira aussi que des retenus ayant reçu leur notification d'expulsion et épuisé tous les recours ont décidé de reprendre leur liberté. Pour quelques mois, ils disparaîtront. Aidés par des habitants ? Peut-être. Sûrement.
(*) Le Prahda est un dispositif relevant de l'article L. 744-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).
(**) La Cimade est une association de soutien notamment aux migrants : www.lacimade.org
À lire dans notre prochain numéro
- Des témoignages d'habitants du Cher qui ont accueilli des migrants et de migrants accueillis dans des familles.
- Le Pradha de Bourges : une exception ?