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« I am Greta », Nathan Grossman

Ne vous fiez pas à l’image sur l’affiche : derrière l’impassible détermination de Greta Thunberg, se cache une extrême sensibilité. C’est ce que montre ce documentaire passionnant qui nous permet de la suivre dans son intimité comme dans les hémicycles des organisations internationales. Avant d’entamer son combat, l’adolescente suédoise a vécu trois ans d’une grave dépression solastalgique. Mais un jour, elle s’est réveillée décidée à lutter. Jamais elle n’aurait imaginé être suivie par des millions de jeunes à travers la planète...

En 2018, Greta Thunberg est âgée de 15 ans. Sur une pancarte, elle écrit lisiblement « grève de l’école pour le climat » et s’assoit devant le Parlement suédois, décidée à y rester jusqu’aux élections nationales. Devant elle, des tracts qui expliquent les conséquences désastreuses de la passivité des politiques face au réchauffement climatique. Parfois, des adultes s’arrêtent, discutent avec elle, lui conseillent de retourner étudier. Mais elle ne cède pas et bientôt, elle est rejointe par d’autres jeunes, elleux aussi soucieux·ses de l’avenir de la planète et en colère contre leurs dirigeant·es. Les journalistes s’intéressent au phénomène, les réseaux sociaux s’activent, des grèves scolaires s’organisent dans tout le pays, gagnent l’Europe et les autres continents… Le mouvement « Fridays for futur » est né.

Dès les premiers jours, la caméra de Nathan Grossman est là. « Un de mes amis réalisateurs, Peter Modestij, avait appris par Malena Ernman, la mère de Greta, que sa fille manifesterait pour le climat devant le Parlement suédois, raconte-t-il dans une interview à Cineuropa (1). J’ai décidé d’y consacrer une ou deux journées pour voir si ça pourrait devenir un éventuel court-métrage sur l’activisme climatique. » Il suivra finalement la jeune fille et son père, qui l’accompagne partout, durant un an, d’août 2018 à septembre 2019.
Le réalisateur livre ici un portrait très poignant. Atteinte du syndrome d’Asperger, Greta Thunberg a la capacité de se concentrer sur un sujet pendant de longues heures, tout en accumulant et analysant les données qu’elle lit d’une manière extraordinaire. C’est ainsi qu’elle a intégré un savoir impressionnant sur le réchauffement climatique.

L’adolescente a aussi pour elle de ne pas se laisser impressionner par les chefs d’Etat et les représentant·es de gouvernement qui la reçoivent. Ses interventions sont incisives, accusatrices et ne laissent aucune place à la diplomatie. « Je suis Greta Thunberg, j’ai 15 ans et je veux que vous paniquiez », lance-t-elle ainsi en guise d’introduction de ses discours. Elle reproche aux adultes, les yeux dans les yeux, leurs mensonges, leur inaction, leur soif de pouvoir et d’argent au détriment de l’avenir de la jeunesse. Trop consciente pour être naïve, elle sait que les politicien·nes l’invitent en guise de « caution jeune ». A la tribune de l’ONU, le corps tremblant et le regard sombre, elle apostrophe : « Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Je fais pourtant partie de ceux qui ont de la chance. Les gens souffrent, ils meurent. Des écosystèmes entiers s'effondrent, nous sommes au début d'une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c'est d'argent, et des contes de fées de croissance économique éternelle ? Comment osez-vous ?! »

Pour que ces actes entrent en cohérence avec ses paroles, Greta Thunberg a traversé l’Atlantique sur un voilier de course affrété par une fondation, afin de rejoindre New York. Pas question de prendre l'avion, même pour aller à l'ONU. Des semaines éprouvantes pour la jeune fille, que l’on voit craquer et regretter d’avoir une telle responsabilité à porter. Au fur et à mesure que son aura médiatique grandit, les attaques sexistes, âgistes et validistes se multiplient. Les menaces de mort aussi.

Mais le sourire de Greta Thunberg revient sur ses lèvres lorsqu’elle voit les milliers de jeunes qui l’attendent et qui se réveillent, comme elle, pour prendre en main leur avenir. La solastalgie n’est jamais loin, mais comme elle l’affirme, l’action collective sera le seul remède.

Pour en savoir plus sur le film et y accéder : https://www.iamgreta.film/

F.L.

(1) https://cineuropa.org/fr/interview/392182/