Comment les élu·es peuvent-iels répondre aux problèmes spécifiques que rencontrent les jeunes ? En les écoutant, en les faisant participer activement aux prises de décision et en les laissant agir. Celleux de la Région Centre-Val de Loire ont fait un premier pas dans ce sens en instituant un Conseil Régional de la Jeunesse (CRJ). Quel est son rôle ? Comment fonctionne-t-il ? Les préconisations qu’il émet sont-elles réellement suivies ? Eléments de réponses avec trois de ses membres.
Iels vivent des réalités différentes, ont des opinions politiques différentes, ne se destinent pas aux mêmes carrières ni aux mêmes engagements et pourtant, une fois par mois, iels se réunissent pour débattre et construire des propositions concrètes. Iels sont 77, âgé·es de 15 à 28 ans, venant des six départements de la Région Centre-Val de Loire, réparti·es en trois collèges : formation initiale, vie étudiante et vie active. Ensemble, iels constituent le Conseil Régional de la Jeunesse (CRJ) lancé en 2011.
« Il existe des CRJ dans les régions où les présidents de région ont décidé d'en mettre un, explique Jérémy Battiston, co-président du CRJ. Il y en a en régions Occitanie, Bretagne, Grand-Est, Île-de-France, Corse, PACA, Normandie... Certains sont en cours de création comme en Nouvelle Aquitaine avec une installation prévue en avril ou dans certains DOM-TOM. Cependant, nous avons tous des systèmes de fonctionnement totalement différents et parfois, des appellations différentes également. »
Dans la Région Centre-Val de Loire, les membres du CRJ se réunissent un samedi par mois de septembre à juin et travaillent dans des commissions thématiques. Actuellement : le cyber-harcèlement ; les mobilités ; et la clause impact jeunesse (qui veille à ce que toutes les décisions du Conseil Régional comportent un volet jeunesse). Iels sont épaulé·es par un secrétariat général et bénéficient de leur propre budget de fonctionnement.
Bénévole, le mandat dure un an mais il est renouvelable. Un appel à candidatures est lancé chaque année pour accueillir de nouvelles personnes.
Des jeunes de tous horizons sociaux
C’est sur les réseaux sociaux que Félicien Savary et Adrian Serbin ont vu passer l’annonce. Les deux jeunes hommes ne se connaissaient pas et il y a peu de chances que leurs chemins se seraient croisés sans le CRJ. « On rencontre des jeunes de tous horizons sociaux, avec des idées politiques très variées, ça ouvre son schéma de pensée », raconte Félicien. « Ça permet de voir des étudiant·es qui ont des expériences différentes et qui ne vivent pas aux mêmes endroits », poursuit Adrian.
Leurs situations illustrent bien leurs propos : âgé de 24 ans, originaire de Vierzon, Félicien est en dernière année de Master Finances à Paris-Dauphine. A 22 ans, originaire de Picardie, Adrian est apprenti à l’école d’ingénieur associée à l’INSA (1) à Bourges, dans la filière Energie-risques-environnement ; il travaille en alternance à Etampes en Essonne.
Qu’est-ce qui leur a donné envie de participer au CRJ ? « J’avais déjà été membre d’une association de solidarité active au collège et aussi d’une Junior entreprise, donc plutôt à but économique. Mais là, je voulais m’engager pour découvrir un peu plus ma région », répond Félicien. « Je n’avais pas fait d’associatif avant, explique Adrian, mais j’étais curieux des instances politiques. Je voulais voir comment ça fonctionnait et ce qu’on pouvait améliorer. »
Félicien fait partie de la commission sur le cyber-harcèlement et Adrian de celle sur les mobilités. Abordent-ils la question de la précarité dans leurs travaux ? « Elle est très présente dans nos réflexions », assure Félicien. « Dans la commission mobilités, il y a deux sous-groupes : le désenclavement des territoires et la gratuité des transports, précise Adrian. Le volet social est donc très important. »
Crédit photo : Conseil Régional de la Jeunesse.
Des préconisations sur la précarité des étudiant·es
En décembre 2020, le CRJ s’est auto-saisi sur le sujet de la précarité et en 2021, il émettait un rapport intitulé « La jeunesse et les conséquences de la crise sanitaire » (2). Il listait des préconisations à destination du président de la Région Centre-Val de Loire, François Bonneau. Parmi lesquelles : l’intensification des aides de première nécessité (alimentation et hygiène) et une meilleure communication sur les aides existantes.
Ont-elles été suivies ? Jérémy Battiston évoque « la mise en place de la gratuité des protections hygiéniques dans les lycées », « le financement de cabinets de téléconsultation dans les universités » ou encore « la mise en place de prêt d'ordinateurs et/ou de clés 4G pendant la crise Covid ».
Félicien et Adrian sont-ils concernés par la précarité qui touche de plus en plus de jeunes ? Comment financent-ils leurs études, par exemple ? « Avec des stages, des jobs étudiants, un crédit… énumère Félicien. Ma famille m’aide un peu et je suis boursier. » Pour les apprenti·es, le financement d’un double loyer peut s’avérer très problématique. « Aujourd’hui, je suis alternant, donc j’ai un revenu, ça va, assure Adrian. Mais avec l’inflation, c’est plus difficile pour l’alimentation et le transport. »
Les situations varient selon qu’on étudie en milieu urbain ou rural. « Les prix du loyer peuvent être un vrai frein, reconnaît Félicien. Ça influence les décisions : quelqu’un qui est juste financièrement va choisir une filière à Tours ou Orléans plutôt qu’à Paris. » Mais la campagne a aussi des inconvénients. Adrian a grandi dans une ville de Picardie de 2.000 habitant·es : « Là-bas, tout se fait en voiture. La priorité, c’est ce qui reste à la fin du mois. » Pas forcément de financer de longues études.
Un « tremplin » pour plus d’engagement
S’ils avaient réellement le pouvoir de décider, ils s’attaqueraient à des sujets très concrets. La mesure à mettre en place d’urgence ? « La Région finance en partie les études de médecine ; en échange, il faut rester un certain nombre d’années exercer sur le territoire. Il faudrait élargir ce principe à toutes les filières », propose Félicien.
Adrian aimerait agir sur l’alimentation : « Une alimentation saine et pas chère dans tous les établissements. Et pour tout le monde, pas seulement les universitaires. »
Pour arriver à de telles propositions, les membres du CRJ doivent apprendre à travailler collectivement. L’espace qu’on leur propose vise à développer leurs capacités à s’exprimer mais aussi à exercer leur esprit critique. « Ça apporte une certaine confiance en soi qu’on n’a pas forcément au début, reconnaît Adrian. Le fait d’être écouté·es, respecté·es en tant que jeunes par les élu·es, c’est important aussi. » Félicien souhaite prolonger l’expérience « en s’engageant davantage, dans le CRJ ou ailleurs ».
Adrian y voit même un véritable « tremplin » : « Ça m’a donné envie de faire de l’associatif. En ce moment, je suis plus politisé, plus militant. Le CRJ m’a permis ça, aussi : me rendre compte que la démocratie, c’est important et pas seulement tous les cinq ans. Il faut la vivre au quotidien. »
Fanny Lancelin
(1) INSA : Institut National des Sciences Appliquées.
(2) https://www.centre-valdeloire.fr/sites/default/files/media/document/2021-02/CRJ_AUTO_SAISINE_Decembre2020_VF.pdf
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L’observatoire de la vie étudiante est une des sources d’informations du CRJ. Du 13 mars au 21 mai, cette instance lance une nouvelle grande enquête nationale sur les conditions de vie des étudiant·es. De nombreux thèmes sont traités : le parcours étudiant, les temps libres, les activités rémunérées, les ressources et les dépenses, la santé, l’alimentation, le rôle des parents et des proches…Créé en 1989 par le ministère de l’Education nationale, l’observatoire de la vie étudiante réalise cette enquête à intervalles réguliers depuis 1994. La dernière en date, en 2020, avait permis de mettre en lumière les difficultés des jeunes durant la crise sanitaire.
Pour répondre en tant qu’étudiant·es ou connaître les résultats des dernières enquêtes, rendez-vous sur le site : https://www.ove-national.education.fr/enquete/enquete-conditions-de-vie/