Dans la forme comme dans le fond, le livre « A bas les restaurants » est une pépite. Un objet précieux. Sous-titré « Une critique d'un travailleur de l'industrie de la restauration », cet ouvrage a été publié pour la première fois en 2006 sur le site américain prole.info, puis traduit dans une dizaine de langues, dont le français.
« A bas les restaurants » est un mélange subtile de textes et d'images, qui évoque la bande dessinée sans toutefois en utiliser tous les codes. Le graphisme est minimaliste, schématique, presque géométrique. La palette se résume au noir et au blanc. A première vue, on croirait presque prendre en main un manuel.
Mais non. Il s'agit bien d'une histoire. Celle d'un travailleur à bout qui dénonce le milieu de la restauration dans lequel il vit mais qu'il exècre. Les premières lignes donnent le ton : « Y'en a marre ! Ce sera le dernier client chiant. Le dernier trou du cul de gérant. La dernière engueulade avec un collègue. Le dernier plat puant de moules. La dernière fois que tu te brûles ou te coupes parce que tu es dans le speed. La dernière fois que tu te promets que tu donnes ta démission demain et que tu te retrouves à promettre la même chose deux semaines plus tard. »
L'ouvrage est divisé en deux parties : « Comment est organisé un restaurant » et « Comment démonter un restaurant ». Car au diagnostic dur et sans appel – une critique de la restauration comme outil du capitaliste, qui condamne du processus de production aux relations de pouvoir – succèdent des propositions : ce que veulent les travailleurs, comment ils peuvent se rassembler, s'auto-gérer, se syndicaliser, envisager enfin un monde sans restaurants…
L'auteur (les auteurs ?), anonyme, écrit : « Nous ne luttons pas juste pour être représentés ou pour contrôler davantage le processus de production. Notre lutte n'est pas contre le geste de couper des légumes, de laver la vaisselle, de verser de la bière ni même de servir de la nourriture à d'autres personnes. Elle est contre la façon dont tous ces actes sont rassemblés dans un restaurant, séparés d'autres actes, pour être intégrés à l'économie et faire croître le capital. La société des capitalistes et des personnes obligées de travailler pour eux forme le point de départ et la finalité de ce processus. C'est à cela que nous voulons mettre fin. Nous voulons détruire le processus de production en tant qu'entité qui nous est extérieure et qui va à notre encontre. Nous nous battons pour un monde où notre activité productive satisfera des besoins et sera une expression de notre vie, sans qu'elle ne nous soit imposée en échange d'un salaire – un monde où nous produirons directement les uns pour les autres, et non pour vendre les uns aux autres. Les luttes des travailleurs des restaurants visent en fin de compte à créer un monde sans restaurants ni travailleurs. (...) »
Le texte est disponible sur www.infokiosques.net