Article actualisé le vendredi 21 janvier
Pas de pause hivernale pour les membres des Soulèvements de la Terre ! La deuxième saison bat son plein, avec une nouvelle action prévue à la fin du mois, une opération "Bye, bye Bayer - Ciao Monsanto !" et un printemps qui s'annonce mouvementé. Le leit-motiv reste le même : lutter contre l'accaparement des terres agricoles. Et le mouvement s'étend avec les Soulèvements de la Mer !
« Faire date. Agir ensemble au fil des saisons. Jeter toutes nos forces dans la bataille. Remuer ciel et terre. Entre la fin du monde et la fin de leur monde, il n'y a pas d'alternative. Rejoignez les Soulèvements de la Terre. »
C'est cet appel qu'une centaine de personnes issues de collectifs, syndicats, fermes et espaces occupés ont lancé en janvier 2021 depuis la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Iels dénonçaient l'artificialisation des terres agricoles, et appelaient à rejoindre des actions de (re)prises de terres et de blocages des industries qui les dévorent.
La première saison a eu lieu à Besançon pour défendre les Jardins des Vaîtes, à Rennes pour reprendre des terrains maraîchers à la Prévalaye, dans la Haute-Loire pour bloquer le chantier de la RN88, à Saint-Colomban contre l'extension de sablière et à Gennevilliers pour bloquer un site du cimentier Lafarge.
La deuxième saison est en cours. L'une de ses luttes emblématiques est celle contre les méga-bassines en Poitou, les retenues d'eau pour l'irrigation de l'agriculture intensive. Mais les Soulèvements de la Terre ont aussi co-organisé une marche contre le Grand Paris et le mouvement se prépare à une (re)prise de terre dans le Jura, un printemps maraichin dans le Poitou (lire la rubrique (Ré)acteur·ices) et à une grande manifestation à Lyon devant le siège social de Bayer-Monsanto.
Prochain rendez-vous donc le samedi 29 janvier dans le Jura.
« Nous n’acceptons pas que des hectares restent à l'abandon suite à un montage juridique opportuniste laissant entrevoir une juteuse opération spéculative, expliquent les organisateur·ices de l'événement. Notre action s’inscrit dans la durée. Cet hiver, nous arracherons la terre aux spéculateurs et la préparerons pour des plantations ce printemps. Nous en revendiquons collectivement le droit.
Des paysan-ne-s en devenir sont prêt·e·s à s’investir sur le long terme et dès le 29 janvier, nous réfléchirons ensemble aux différentes manières de les soutenir : matériellement, financièrement, mais aussi juridiquement et dans la lutte pour asseoir le droit d'usage de ces futur·e·s paysan·ne·s. Se réapproprier collectivement ces terres, c'est décider collectivement de leur devenir, sans attendre les décisions institutionnelles lointaines ou une nécessaire mais hypothétique réforme agraire. »
Iels s'inquiètent de la situation dans la région : « Jusqu'à présent, la maîtrise du prix des terres tenait le choc, mais le temps des opportunismes voraces fait surface particulièrement dans le vignoble : spéculation, montages sociétaires, agrandissements excessifs vont bon train. La filière Comté, quant à elle, peine à dégager une véritable politique de maîtrise de la taille des fermes, et malgré les volontés de lutter contre l'intensification de la filière, les fermes s'agrandissent éhontément. Les terres d'AOC (vin ou fromage) sont très convoitées - ce qui empêche la nécessaire diversification du territoire - tandis que la limitation de la production par hectare met une pression à la conquête de nouvelles terres. Récemment, des ventes aux enchères de parcelles ont vu les prix s’envoler ; la vente du domaine Ganevat à un oligarque russe, via un montage sociétaire, a atteint des sommets délirants, contribuant à mettre le foncier viticole encore plus sous pression. Nous ne pouvons plus laisser les accapareurs de tous poils agir en toute impunité ! Communs pour nourrir l'humanité, outil de travail des paysan·ne·s, les terres ne doivent pas devenir le nouvel eldorado des spéculateurs ! »
Bye bye Bayer, ciao Monsanto
Autre campagne importante : celle contre le géant Bayer-Monsanto. Un rassemblement est prévu le samedi 5 mars devant le siège social à Lyon. Mais auparavant, un appel baptisé Bye bye Bayer - Ciao Monsanto a été lancé pour des actions délocalisées partout en France, sur les différentes infrastructures de la firme.
Celleux qui lancent cet appel écrivent : « Décarbonner l'agriculture ? Vous prendrez bien un peu de drones pour surveiller les cultures, de tracteurs intelligents et autonomes, d'agriculture de précision pour continuer l'utilisation des pesticides, de robots capables d'arracher les mauvaises herbes... La question écologique est l'objet d'une lutte dans laquelle les multinationales de l'agro-industrie se sont engagées avec le soutien des gouvernants, trop content de relancer l'économie à grands coups d'investissements écologiques. Le monde qu'ils dessinent est aussi effrayant que cynique. Tout en promouvant la mort depuis 70 ans par la production toujours croissante d'herbicides, insecticides ou fongicides partout sur la planète, ces mêmes entreprises se targuent d’œuvrer pour la santé humaine et végétale en nous faisant la promesse d'une "science for a better life."
Pourtant, c'est chaque jour que nous assistons à la sixième extinction de masse des êtres vivants, que nous constatons que 80 % des rivières sont polluées, que les sols sont épuisés de manière critiques, que les sécheresses, cyclones et inondations disputent l’actualité du désastre aux marées noires, accidents nucléaires et autres explosions de dépôt et d’usines d’engrais. Sans que le modèle actuel change radicalement.
Parce que nous n’attendrons pas sagement que la terre soit complètement ravagée, que nous ne pouvons croire aux promesses de l'industrie qui a œuvré à ce ravage, parce que ce complexe agro-industriel place ses billes pour un futur encore et toujours avec eux, nous pensons que c'est le moment de s'attaquer à lui.
Nous appelons à une campagne d’actions décentralisées, d’ici au 5 mars, pour en finir avec une des plus fameuses d'entre elle, Bayer-Monsanto. Nous appelons à désarmer cette entreprise sans oublier les autres acteurs de cette transition prétendument écologique.
Montrons leur que nous ne voulons pas de leur industrie, ni ici ni ailleurs. »
Les Soulèvements de la Mer
La mer se soulève contre le One Ocean Summit. Sommet qui se tiendra à Brest début février et durant lequel quelques chefs d'États et chefs d'entreprises vont se réunir, pour selon leur dire, protéger, explorer, exploiter les océans. Nous relayons ici l'appel et le programme de ces nouveaux soulèvements.
Voici l'appel : « Comme chacun.e sait, les écosystèmes terrestres comme marins n’en finissent pas de s’effondrer.
La pêche industrielle ravage les petites pêcheries et les vies autour d’elle, tandis que le tourisme, lui, devient vert et que la prospection gazière se flatte de respecter l’environnement. Les responsables de cette catastrophe ont un nouveau projet d’avenir pour nos océans : protéger, explorer, exploiter.
Et c‘est à Brest, aux Capucins, entre le 9 et le 11 février, que toutes ces bonnes âmes ont prévu de se retrouver.
Ces ateliers et conférences réuniront chefs d’État, ONG et dirigeants de grandes entreprises pour discuter du futur de la mer, de ses opportunités économiques et écologiques. Sous couvert de protection, les philanthropes de la croissance ont trouvé de nouveaux fonds à défricher et de nouvelles ressources à exploiter sur la planète bleue. Explorer les fonds marins, mettre la main sur les océans polaires, faire évoluer les outils de gouvernance, organiser une nouvelle spéculation actionnariale autour de la mer, penser de nouveaux espaces de production énergétique, pacifier la Méditerranée pour les intérêts du commerce, voilà les priorités qu’ils affichent.
Quand l’économie bleue se présente comme le nouveau combustible de la croissance verte, les vilains se mettent à table. Au prétexte de lutter contre le dérèglement climatique, ces malfaiteurs voient dans la mer, régulatrice majeure des conditions météorologiques, puits de carbone, génératrice infinie de ressources halieutiques, une proie de choix.
Nous, habitant.es des côtes, travailleur.euses et amoureux.ses de la mer, voulons préserver la mer comme espace commun. Nous connaissons déjà bien l’enfumage des stratégies de décarbonation sur terre et la progression de la privatisation de l’eau. Nous nous opposons à cette logique qui considère les espaces et vies maritimes comme des « ressources » économiques et prétend explorer l’océan pour toujours plus l‘exploiter, le protéger pour toujours plus le conquérir. Alors, leurs conseils de gestion, on s’en passera.
Puisqu’on ne protégera pas la mer à coups de champs d’éoliennes, de subventions à la pêche industrielle et de milliers de kilomètres de fibre optique, on peut se permettre d’être un peu sceptiques devant la capacité des leaders à atteindre leur objectif affiché. Pour saisir et combattre efficacement le renouveau des stratégies néolibérales actuelles face aux océans, nous organisons donc notre propre séminaire de rencontres et d’échanges autour des luttes, en mer et sur les côtes.
Car après le « capitalisme vert », on nous réchauffe de nouvelles mascarades, bien nommées « finance bleue » ou « corridors maritimes verts ». De nouvelles méthodes de législation et d’exploitation des océans s’annoncent, qui continueront à mettre en péril toutes les vies qui s’organisent hors des systèmes de production de masse.
Nous rencontrer, donc, pour partager les existences autour de la mer qui s’extraient des cadres industriels. Pour raconter les vécus qui perpétuent des techniques et des relations respectueuses des mondes marins. Pour se rappeler que la mer est avant tout un espace commun et retrouver de la puissance d’agir contre sa privatisation.
Du vendredi 4 au dimanche 6 février, nous préparons une première rencontre des Soulèvements de la Mer. Projections et discussions évoqueront les nouveaux modes de conquête des espaces maritimes et les pratiques de pêche et de conchyliculture qui s’en défendent. Nous mettrons en lumière des luttes autour de la mer en donnant la parole à celles et ceux qui résistent autour de nous, contre l’implantation d’éoliennes offshore, la surpêche industrielle, les élevages aquacoles, la création d’espaces maritimes « protégés » destinés au tourisme, tout comme la pollution des mers par l’agro-industrie et l’élevage intensif. Nous imaginerons ensemble les formes d’action possibles pour muscler les luttes en cours et à venir et nourrir les formes politiques de vie dans nos communautés côtières. Et nous rappellerons que la mer chante depuis ses fonds inexplorés, où ne creusent pas les sondes de l’extraction minière.
Puisqu’ils pensent leur océan unique sans nous et contre nous,
Rassemblons nos forces contre leur nuisible protection, pour la vie maritime ! »
Remplis les caisses, pas les bassines !
- Les Soulèvements de la Terre lancent un appel à dons pour pouvoir soutenir l'organisation des actions.
« Après le week-end exaltant que nous avons vécu à Mauzé-sur-le-Mignon le 6 novembre dernier (https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/la-prise-de-la-bassine ), nous avons besoin de vos dons pour soutenir le combat contre les bassines de la honte, et pour continuer à voir les choses en grand lors des rassemblements à venir contre Bayer-Monsanto et l'accaparement des terres par l'agro-industrie ! écrivent les membres du mouvement. Nous avons évidemment besoin de votre énergie débordante sur le terrain, tout comme de vos partages en ligne qui nous aident quotidiennement ! Mais si on vous sollicite aujourd'hui, c'est surtout parce que chaque mobilisation co-organisée par les Soulèvements de la Terre coûte de l'argent : pour déplacer des bénévoles et du matériel, pour monter des barnums en tout genre, pour organiser l'anti-répression, ou encore pour nous permettre de nous réunir après une action et célébrer nos victoires tou·te·s ensemble... Un budget que les collectifs locaux qui portent les luttes n'ont pas toujours à disposition. » Chacun·e peut donner 5, 10, 20 euros ou bien plus, de façon ponctuelle ou mensuelle. « Chaque don nous permettra de poursuivre de manière toujours plus forte et joyeuse ! (..) A l'approche d'une élection présidentielle au climat nauséabond, nous devons plus que jamais nous mobiliser pour faire obstacle au désastre écologique en cours et mettre hors d'état de nuire les industries qui nous empoisonnent ! »
- Rendez-vous sur la plateforme de financement participatif : https://lessoulevementsdelaterre.org/soutenir