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Un garage associatif doublement solidaire

Il y a quinze ans, à Baugy, ouvrait un garage pas comme les autres : non seulement les foyers à revenus modestes peuvent y faire réparer leur véhicule à moindre coût, mais en plus, les assistants mécaniciens qui y travaillent intègrent un atelier-chantier d'insertion. Son nom ? GAS 18. Bientôt, un autre service très attendu verra le jour : le déplacement à la demande...

La création du GAS 18

Le Garage Associatif Solidaire du Cher (GAS 18) est né en 2002.
L'origine ? « La volonté de deux personnes de Pôle emploi d'aller à la rencontre de ceux et celles qui percevaient les minima sociaux, dans l'est et le sud du département, raconte Nadine Royere, directrice du GAS 18. Elles organisaient des permanences dans les chefs-lieux de canton et jusque dans les communes. » Ces permanences ont révélé un problème crucial : celui de la mobilité dans le Cher, comme dans la plupart des départements ruraux. D'un côté, les modes de transport public existants ne répondent pas correctement aux besoins spécifiques des habitants ; d'un autre côté, se doter d'une voiture coûte cher et représente une difficulté supplémentaire pour les publics en précarité économique.

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La création d'un garage associatif, permettant de réparer son véhicule à moindre coût, est apparue comme une des solutions. « En parallèle, un autre constat était établi : sur ce même territoire, l'offre d'insertion par le travail était insuffisante, souligne Nadine Royere. Alors, on s'est dit : et si on se servait du besoin lié au garage pour créer un chantier d'insertion ? »

Ainsi, depuis son ouverture en 2007, le rôle du garage est double : être un atelier-chantier d'insertion, en accueillant dix salariés pour leur remettre le pied à l'étrier vers l'emploi et / ou la formation ; proposer la réparation, l'acquisition et la location de véhicules aux personnes à petits budgets.

Un nouveau métier : assistant mécanicien

Le garage se situe à Baugy, sur un terrain de 400 m². Le bâtiment, qui n'était au départ qu'un hangar, a bénéficié de travaux pour abriter quatre à cinq postes de travail, selon les équipes.
Ce type d'atelier-chantier d'insertion, industriel, est assez rare : « On voit plutôt du maraîchage… reconnaît Nadine Royere. On juge souvent que les personnes ne sauront pas faire parce qu'il s'agit d'une activité « d'expert ». Mais toute activité s'apprend ! »

En partenariat avec l'État, l'Afpa (Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes), Respire (un garage associatif du Loiret) et un garage « classique » local, GAS 18 a créé un nouveau métier et son référenciel : assistant mécanicien. « Quel que soit leur niveau au départ, les salariés apprennent en fonction d'un certain nombre d'attendus. À la fin, ce n'est pas un diplôme ni un titre qui leur est remis, mais un document officiel qui atteste de leurs compétences. »

Des salariés pas tout à fait comme les autres

Les salariés ont des profils et des parcours variés. Pour être éligibles à l'atelier-chantier, leur situation doit répondre à certains critères, notamment ne pas avoir eu d'emploi stable pendant une période conséquente.

Etienne, 57 ans, habitant de Crézancy-en-Sancerre, a été guidé vers le garage par Pôle emploi. « J'étais chauffeur poids-lourds et mécanicien. Avant, on conduisait et on faisait les réparations toi-même ! Mais j'ai des problèmes de dos, c'est ce qui a causé les problèmes d'emploi... Quand ils ont vu mon CV ici, ils m'ont pris. » Au GAS 18, les salariés travaillent vingt heures par semaine, soit deux jours et demi. Un rythme plus supportable que dans un garage classique, comme le confirme Frédéric, 51 ans, de Neuilly-en-Sancerre, « incapable de tenir une semaine complète tellement les jambes et le dos sont abîmés ». Lui a connu le garage par une assistante sociale.

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Dans l'équipe d'Etienne et de Frédéric, deux jeunes : Stevie et David. À 26 ans, Stevie, de Neuvy-deux-Clochers, a cumulé les stages et les contrats courts comme agent communal d'entretien, ouvrier viticole, serveur, magasinier… « J'ai un CAP menuiserie mais ça m'a jamais plu. J'ai toujours aimé démonter des moteurs, de mobylettes, de tracteurs-tondeuses… J'avais déjà bidouillé ma voiture. » C'est un ami bénéficiaire du garage qui lui en a parlé. Depuis, il semble avoir trouvé sa voie : « C'est ma passion, ça me tient à coeur. Mon projet, ce serait de repartir en formation, un CAP, pour travailler dans un garage. »
David aussi est motivé. « Je ne regrette pas, je me plais ici. » À 25 ans, il vient de Bourges pour approfondir ses connaissances de la mécanique. « J'ai déjà suivi un pré-apprentissage. Après, j'ai travaillé en sécurité incendie. » Il aime particulièrement le travail en équipe. « Quand il y a une bonne ambiance, ça donne envie de venir. »

Tous ont signé le même type de contrat : un CDDI, Contrat à Durée Déterminée d'Insertion d'une durée de six mois, renouvelable puisque le parcours dure deux ans maximum.
Tous ont les mêmes droits que les salariés de droit privé, mais une obligation supplémentaire : accepter un accompagnement socio-professionnel, qui leur permet d'envisager le futur. « L'objectif n'est pas forcément de devenir mécanicien, précise Nadine Royere. Ce qui est important, c'est de progresser, de grandir personnellement. »
Enfin, les salariés peuvent participer au dispositif CléA, pour approfondir les savoirs de base en français, en calcul et raisonnement mathématique, en communication numérique, au niveau du travail en équipe et en autonomie, en capacité d'apprentissage, et en maîtrise des gestes et postures pour l'hygiène, la sécurité… À la clé ? Un certificat, véritable encouragement, pour donner simplement confiance ou bien l'envie de poursuivre une nouvelle formation.

Quels résultats ?

Au garage, les salariés sont accompagnés par Patrick Dussac, encadrant technique depuis 2013. « Mon but, c'est de remettre les personnes en route ! Respecter les consignes, les horaires, le travail en équipe... » Autrefois, il était employé dans un garage « classique ». « Aujourd'hui, je sais pourquoi je me lève le matin : avant, je travaillais pour un patron ; maintenant, je travaille pour des gens. » En plus de l'apprentissage de la mécanique, il gère les devis, les commandes des pièces, veille au bon déroulement des prestations.

Quels sont les résultats ? Variables, forcément, d'une année sur l'autre, d'une équipe à l'autre. « En 2016, nous avons enregistré 100 % de réussite, avec six personnes qui ont quitté le parcours pour une formation ou un emploi, se félicite Nadine Royere. Mais en 2017, nous avons eu trois personnes en arrêt maladie... »
L'association a également connu des difficultés internes, à tel point qu'en 2013, « le garage a failli disparaître ». Mais après une nouvelle organisation, le GAS 18 s'est remis en route.

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Des clients-adhérents

Pour équilibrer son budget, il s'est lancé dans la vente de véhicules, toujours à destination des publics en difficulté. « Ce sont des dons, de particuliers et de concessions, précise Nadine Royere. En contrepartie, puisque nous sommes une association d'utilité publique, nous délivrons un reçu fiscal. »
En septembre 2017, nouvelle innovation : la location, exclusivement réservée à des personnes qui en ont besoin pour un emploi ou une formation. Trois véhicules sont disponibles et loués 150 euros par mois.

Combien de clients compte le garage ? « Trois cents cinquante, répond Nadine Royere. Ils sont prescrits par les travailleurs sociaux et deviennent adhérents de l'association. » À raison de quinze euros par an, ils peuvent accéder aux différents services. Les frais dont ils s'acquittent sont forcément moins importants que dans un garage « classique », le prix de la main d'oeuvre et les marges étant plus faibles.

Nouveau : un service de déplacement à la demande

Bientôt, l'offre s'étoffera encore : à partir du mois d'avril en effet, le GAS 18 proposera un service de Déplacement À la Demande (DAD). Des postes d'agents de conduite seront créés. « Ils conduiront des personnes ayant besoin de se déplacer pour une formation ou un emploi », explique Nadine Royere.

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Au départ, les trajets proposés seront basés sur une circulation à contre sens des lignes régulières existantes (de Bourges vers les territoires est et sud), une circulation vers les bassins de Bourges et de Nevers à des horaires différents des transports publics, une circulation transversale à tous ces territoires. Les propositions seront ensuite ajustées aux besoins réels.
« Il y aura des pics le matin et le soir, reconnaît la directrice. Le reste de la journée, nous pourrions rendre ce service à une autre population, par exemple les seniors. »

Un véritable conseil en mobilité

Autre projet pour 2018 : la création d'un conseil en mobilité. L'objectif ? Informer les publics touchés par les problèmes de mobilité des solutions existantes sur le territoire. Celles mises en place par le GAS 18 mais aussi les associations Accueil et Promotion (lire (Ré)acteurs), Mon Cher Vélo, l'Entraide Berruyère ou encore la Région Centre, le Département, etc.
Des points de permanences mensuelles vont être organisées, toujours dans l'est et le sud du département : à Baugy, Avord, Levet, Sancergues, Dun-sur-Auron, Nérondes, La Guerche-sur-l'Aubois, Sancoins, Charenton-sur-Cher, Châteauneuf-sur-Cher et Saint-Amand-Montrond.

Dans tous les cas, c'est l'expérience qui parlera. Si elle est concluante, pourquoi ne pas l'étendre à tout le département ?

Fanny Lancelin

 

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APPEL AUX DONS. Vous possédez un véhicule mais ne vous en servez plus ? Contactez l'association, toujours à la recherche de dons. Ceux-ci sont déductibles des impôts. Renseignements au 06.98.78.10.52.

CONTACTS. GAS 18 – atelier chantier d'insertion : zone artisanale – Chemin de Montifault – 18800 Baugy. Tél : 02.48.26.36.68. Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

D'AUTRES FORMES DE GARAGES ASSOCIATIFS. Il existe des garages associatifs qui ne sont pas des ateliers-chantiers d'insertion : des associations qui apprennent à leurs adhérents à réparer eux-mêmes leurs véhicules (exemple : la Ferme de la Harpe à Rennes), des professionnels qui proposent aussi ce type de service (exemple : Mécanéco à Paron dans l'Yonne) ou des selfs-garages (exemple : Locaservice63 à Clermont-Ferrand). Renseignements : https://www.selfgarage.org/